compte rendu intégral
Présidence de Mme Catherine Tasca
vice-présidente
Secrétaires :
M. Jean-Noël Guérini,
M. Bernard Saugey.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Mise au point au sujet d'un vote
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Madame la présidente, je vous transmets la demande de rectification de vote formulée par notre collègue M. Alex Türk, qui, lors du scrutin n° 95 du jeudi 26 novembre 2009 sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, dans la rédaction proposée par la commission mixte paritaire et modifiée par les amendements du Gouvernement, a été comptabilisé comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Modification du calendrier budgétaire
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mon intervention portera sur l’organisation de nos débats du jeudi 3 décembre prochain après-midi. Nous devions examiner ce jour-là, après le budget de l’agriculture qui nous occupera pendant la matinée, l’ensemble des missions du bloc « ministère de l’intérieur ».
L’ordre initial de passage de ces missions était le suivant : « Administration générale et territoriale de l’État », « Relations avec les collectivités territoriales », « Sécurité » et « Sécurité civile ».
Or, à la demande de M. le ministre de l’intérieur et avec l’accord de l’ensemble des rapporteurs, qui ont tous pu être joints, la commission des finances propose une inversion dans l’examen des fascicules « Administration générale et territoriale de l’État » et « Sécurité ».
En conséquence, l’ordre d’examen des missions du bloc « ministère de l’intérieur », le jeudi 3 décembre prochain, après-midi et le soir, serait le suivant : « Sécurité », « Relations avec les collectivités territoriales », « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurité civile ».
Mme la présidente. Ainsi que vient de l’indiquer M. le président de la commission des finances, nous examinerons donc le jeudi 3 décembre prochain les missions dans l’ordre suivant : « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales », « Sécurité », « Relations avec les collectivités territoriales », « Administration générale et territoriale de l’État », « Sécurité civile ».
4
Demande d'autorisation de missions d'information
Mme la présidente. M. le président du Sénat a été saisi par les présidents des six commissions permanentes de demandes tendant à obtenir l’autorisation de désigner des missions d’information dans le cadre de la mission de contrôle de la Haute Assemblée.
Ces missions d’information pourraient se rendre :
- pour la commission des affaires sociales :
•au Québec, pour y étudier le thème de la protection de l’enfance ;
- pour la commission des affaires étrangères :
•à New York, pour se rendre à la 65e Assemblée générale de l’ONU ;
•aux États-Unis, afin d’analyser les orientations de la politique étrangère et de la politique de défense américaines ;
•en Europe du Sud-Est, pour étudier l’évolution politique et les relations avec la France de la Serbie, la Roumanie et la Bulgarie ;
•au Sénégal et au Gabon, pour apprécier l’évolution du dispositif militaire français en Afrique ;
•en Géorgie, pour y visiter la mission de surveillance de l’Union européenne et étudier l’évolution politique de ce pays ;
- pour la commission de la culture, de l’éducation et de la communication :
•au Canada, pour y étudier la politique éducative et le secteur de l’économie numérique ;
•aux Pays-Bas, pour y étudier l’organisation du système scolaire ;
- pour la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire :
•aux États-Unis, pour analyser la politique de ce pays à l’égard du changement climatique et de ses enjeux industriels, environnementaux et agricoles ;
•au Maroc, pour étudier les problématiques de sécurité énergétique, d’environnement et d’approvisionnement en eau, ainsi que le développement de l’activité portuaire de ce pays ;
- pour la commission des finances :
•en Russie, dans le cadre des travaux de la commission sur les effets de la crise financière internationale ;
•à Arras, pour le séminaire annuel de travail de la commission ;
•à Bruxelles ;
- pour la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale :
• en Belgique, pour y étudier la législation applicable en matière de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux ayant commis des infractions ;
•en Europe, dans le cadre du suivi des dossiers européens relevant de la commission des lois, notamment à Bruxelles, pour trois déplacements, et à Madrid ;
•en Belgique et au Portugal ou en Espagne ou en Suède, pour étudier le thème de l’action de groupe ;
•en Belgique et en Allemagne ou en Italie, pour étudier le thème de la suppression du juge d’instruction ;
•en Suède ou en Espagne, pour étudier le thème de la justice pénale des mineurs ;
•en Nouvelle-Calédonie.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l’article 21 du règlement.
5
Renvoi pour avis
Mme la présidente. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à amoindrir le risque de récidive criminelle et portant diverses dispositions de procédure pénale (n° 111, 2009-2010), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires sociales.
6
Loi de finances pour 2010
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (nos 100, 101).
Recherche et enseignement supérieur
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et articles 54 quinquies et 54 sexies).
La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, à bien des égards, la mission « Recherche et enseignement supérieur » paraît privilégiée : dans un contexte budgétaire très contraint, ses crédits, qui s’élèvent à 24,8 milliards d’euros en crédits de paiement, affichent une progression de 2,88 % à structure constante par rapport à 2009 ; quant à ses emplois, ils échappent à la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche évalue ainsi à 1,8 milliard d’euros l’effort supplémentaire consenti en 2010 par l’État dans ces domaines.
Cette somme se décompose de la façon suivante : une augmentation des crédits budgétaires stricto sensu de 650 millions d’euros ; un accroissement des dépenses fiscales de 565 millions d’euros ; une hausse des partenariats public-privé de 250 millions d’euros et du stock de ces partenariats pour 170 millions d’euros ; les intérêts de l’opération « Campus », à hauteur de 164 millions d’euros.
Certes, ces chiffres correspondent à une réalité, mais ils intègrent de nombreuses capacités d’engagement qui mettront sans doute un certain temps à se réaliser. Concrètement, en 2010, seuls les nouveaux crédits de paiement et les dépenses fiscales seront disponibles, ce qui représentera 1,26 milliard d’euros.
Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » reste le plus important de cette mission, dont il représente près de 50 % des crédits. Il est marqué par le passage à l’autonomie de la deuxième vague des universités, soit 38 établissements au 1er janvier 2010. Plus de 60 000 emplois sont ainsi transférés, ainsi que la masse salariale afférente.
La croissance des crédits témoigne, notamment, de la montée en charge du plan « Réussir en licence », auquel 66,5 millions d’euros supplémentaires seront consacrés cette année, ce qui représentera un effort cumulé de 730 millions d’euros sur cinq ans.
Bien des espoirs reposent sur cette réforme. En effet, nous parviendrons d’autant mieux à éviter des débats douloureux sur la sélection à l’entrée de l’université que cette orientation sera réussie.
Je souhaite également souligner la progression des crédits du programme « Vie étudiante », qui, d’une part, accompagnent la montée en charge de la réforme des bourses, et, d’autre part, témoignent d’un effort substantiel en faveur de l’accueil des personnes handicapées.
S’agissant des remarques qualitatives, je concentrerai mon propos sur cinq points. En effet, le secteur qui nous revient est si riche que nous devons nous limiter, ce qui est dommage, mais préférable pour la clarté de notre débat.
Premièrement, j’aborderai un sujet transversal, à savoir l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement, l’AERES.
Nous avons déjà salué par le passé la mise en place d’un tel organisme, car il est important que notre système national soit soumis à une évaluation incontestable et répondant aux meilleures pratiques internationales.
Le rôle de cette agence est devenu d’autant plus essentiel aujourd’hui que le nouveau mécanisme d’allocation des moyens aux universités, SYMPA, ou système de répartition des moyens à la performance et à l’activité, attribue une partie des crédits en fonction de la notation des laboratoires de recherche par l’AERES.
Le 10 avril 2009, l’AERES a lancé sa troisième campagne d’évaluation, consacrée à la « vague A ». Elle a réalisé 1 517 évaluations pour la campagne relative aux établissements de la « vague D », c’est-à-dire celle qui couvre la période 2010-2013.
Au vu de cette activité, nous nous demandons si l’agence n’atteint pas ses limites, car elle ne compte que 70 emplois en équivalents temps plein.
Il ne faudrait pas tomber dans une « logique d’abattage » qui pourrait aboutir à une moindre efficacité de l’AERES et au rétablissement de fait des pratiques antérieures en matière d’évaluation. Dans ces conditions, mes chers collègues, nous vous proposerons de renforcer les moyens de l’agence.
Deuxièmement, j’évoquerai l’opération « Campus », qui, comme vous le savez, a été annoncée par le Président de la République et qui doit financer l’émergence d’une dizaine de campus de rang international, auxquels sont venus s’ajouter deux autres, à travers la remise à niveau de leur patrimoine immobilier.
Cinq milliards d’euros doivent être dégagés. Or, à ce jour, l’État dispose concrètement de 3,7 milliards d’euros résultant de la vente d’une partie des titres d’EDF. Cette somme se trouve actuellement placée sur le compte d’affectation spéciale « Participations financières de l’État ».
Lorsque les opérations auront commencé, ces 3,7 milliards d’euros devront être majorés d’un montant représentatif des économies de charges d’intérêts engendrées par le surcroît de trésorerie dont a bénéficié l’État depuis la cession des titres d’EDF. En quatre ans, et sur la base d’un taux d’intérêt de 4,25 %, la somme globale à répartir serait de l’ordre de 4,3 milliards d’euros. Or il faut 5 milliards d’euros !
Au-delà de l’insuffisance apparente des crédits, se posent des questions opérationnelles. Qui gérera ces dotations ? Seront-ce les universités ? Celles-ci disposent-elles des compétences nécessaires pour réaliser et gérer correctement des placements aussi importants, puisque, pour un certain nombre d’établissements, ils approcheront les 500 millions d'euros ? Nous pouvons en douter…
Madame la ministre, pouvez-vous nous donner quelques explications sur ce point ? En effet, nous nous sommes interrogés et nous estimons que le système retenu, aux termes duquel chaque université placera une certaine somme d’argent, les intérêts étant utilisés pour financer les coûts annuels des contrats de partenariat, risque d’être coûteux pour l’État et de ne pas être nécessairement bien maîtrisé. Nous pourrions débattre de ce sujet, me semble-t-il.
Troisièmement, j’aborderai le nouveau système d’allocations des moyens.
Les aménagements proposés pour 2010 sont conformes aux préconisations du rapport de contrôle que j’ai réalisé avec notre collègue Jean-Léonce Dupont : ajustement du poids respectif des enveloppes de licence et de master, prise en compte de la situation des universités de petite taille par la surpondération des 10 000 premiers étudiants, majoration de la pondération des étudiants de licence, de master et d’IUFM, c'est-à-dire d’instituts universitaires de formation des maîtres, tertiaires, ainsi que celle des DUT, les diplômes universitaires de technologie. Toutes ces mesures vont dans le bon sens.
Au-delà de ces aménagements techniques, madame la ministre, vous avez annoncé deux évolutions importantes : d’une part, le modèle prendra en compte la nouvelle équivalence entre les travaux pratiques et les enseignements dirigés, ce qui représentera un coût de 45 millions d'euros ; d’autre part, il n’y aura pas, en 2010, de redéploiements d’emplois entre les universités, ce qui, me semble-t-il, contribuera grandement à la réussite des opérations en cours.
La dotation de chaque université tiendra compte toutefois de la situation de celle-ci du point de vue des emplois. Il est proposé de maintenir des crédits particuliers en faveur de la compensation des « emplois manquants », qui devraient passer de 20 000 à 25 000, et peut-être un jour à 45 000, de manière à permettre ce rééquilibrage.
Les écarts historiques entre les universités pourront ainsi être progressivement rééquilibrés, sans qu’il soit pour autant nécessaire de recourir à des redéploiements massifs entre établissements, ce qui aurait créé un très mauvais climat.
Nous sommes tout à fait favorables à cette solution, car il y avait une difficulté à réussir la réforme de l’université, dans laquelle nous mettons beaucoup d’espoir.
Je me félicite, par ailleurs, que les réformes en cours concernant le financement de l’enseignement supérieur privé relevant de votre ministère, ou de celui de l’agriculture, introduisent la notion de performance, ainsi qu’un lien entre l’allocation de moyens et l’atteinte des objectifs fixés dans les contrats quadriennaux.
Le quatrième sujet a trait à la réforme engagée de la gestion des unités mixtes de recherche. Je rappelle que c’est un sujet majeur, puisque 43 % des laboratoires publics prennent la forme d’une unité mixte de recherche.
La réforme s’appuie sur la limitation du nombre de tutelles scientifiques et, surtout, sur la mise en place du mandat de gestion unique pour l’hébergeur de l’unité : cela signifie que l’établissement qui héberge le laboratoire est responsable de l’unité pour l’ensemble des partenaires.
Afin que ce mandat devienne réalité, il convient de procéder à une harmonisation des règles fiscales, comptables et financières régissant les différentes catégories d’établissement public. Ce projet de loi de finances y contribue en permettant notamment aux établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, de recruter également sur des contrats à durée indéterminée.
Mais, madame la ministre, des divergences qui pourraient conduire à certains comportements irrationnels restent à régler. Elles concernent notamment le différentiel de taxe sur les salaires ou les frais de déplacement. Autrement dit, certaines méthodes comptables permettraient d’opter, selon les circonstances, pour des rattachements qui ne seraient pas les plus opérationnels.
Le cinquième sujet est relatif au financement de la maturation des projets de recherche innovants et de la preuve de concept. Ces phases sont primordiales, car elles permettent d’examiner le potentiel d’application d’un projet dont la recherche fondamentale est terminée. Or elles ne sont pas, ou peu financées. D’une part, les financements publics sur la recherche fondamentale sont épuisés et, d’autre part, ce projet n’est pas suffisamment avancé pour attirer des financements publics ou privés de recherche appliquée.
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial. Je termine, madame la présidente.
Plusieurs éléments doivent être soulignés.
Cette question de maturation est d’autant plus présente que le système de valorisation de la recherche est insuffisant.
Ce financement nécessite des fonds publics. Nous avons souhaité, lors de la présentation de ce projet de budget devant la commission des finances, qu’une partie des fonds du grand emprunt national viennent renforcer notre potentiel.
Nous souhaitons un financement thématique sur les sujets prioritaires pour notre recherche. La sélection des projets ne doit en aucun cas témoigner d’une logique territoriale. Tous les bons projets, où qu’ils se trouvent, doivent être concernés. Le financement ne doit pas se limiter aux pôles de compétitivité.
Je m’arrête ici, mes chers collègues, l’essentiel se trouvant dans le rapport écrit que nous avons mis à votre disposition.
Je vous remercie, madame la ministre, de la collaboration de confiance qui s’est instaurée avec vos services. Ils ont accompli un travail dont nous apprécions la clarté. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Gaudin, rapporteur spécial.
M. Christian Gaudin, rapporteur spécial de la commission des finances. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, Philippe Adnot ayant déjà évoqué l’évolution budgétaire connue de la mission, sur le fondement des inscriptions dans ce projet de loi de finances, permettez-moi, en introduction, de rappeler que les crédits dont bénéficient la recherche et l’enseignement supérieur seront, sans doute, modifiés de manière significative par le futur emprunt national, annoncé par le Président de la République devant le Parlement réuni en Congrès, le 22 juin 2009.
Madame la ministre, vous avez présenté vingt-neuf projets à la commission coprésidée par les anciens Premiers ministres, Michel Rocard et Alain Juppé. Il semble que vous ayez été entendue puisque, dans les recommandations qu’elle a remises au Président de la République, cette commission préconise un effort massif, de l’ordre de 25 milliards d’euros, en faveur de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Dès lors, même si les ultimes arbitrages ne sont pas encore rendus et si le Parlement ne devrait être saisi qu’en janvier ou février prochains, nous souhaiterions vous entendre, d’abord, sur votre vision de ce que devraient permettre ces nouveaux moyens dans vos domaines de compétences. En particulier, pouvez-vous nous assurer qu’il ne s’agira pas d’un simple rattrapage de dépenses de fonctionnement ou d’entretien en retard ?
Nous souhaiterions vous entendre, ensuite, sur la capacité d’absorption de ces futurs crédits par les opérateurs de la mission, notamment les universités et les organismes de recherche, ou encore, puisque l’on parle beaucoup de « logique de projets », par l’Agence nationale de la recherche, l’ANR.
Enfin, nous souhaiterions également vous entendre sur le calibrage de l’emprunt. Le montant envisagé de 25 milliards d’euros représente une année de budget de notre mission. Pensez-vous qu’une telle somme permettra de donner la capacité d’impulsion nécessaire pour changer la position de la France dans l’économie de la connaissance ?
Pour en revenir aux crédits « ordinaires », le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » reste le grand programme de financement de la recherche et des principaux organismes publics de ce domaine.
Ses crédits s’élèvent à 5,227 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 5,198 millions d’euros en crédits de paiement, soit 20,9 % des crédits de paiement de la mission. Les crédits de paiement affichent une augmentation de 2,8 % à périmètre constant par rapport à 2009.
L’évolution des moyens est conforme aux contrats d’objectifs signés par l’État avec les différents opérateurs. J’approuve personnellement cette évolution d’autant plus volontiers que 2009 a été l’année durant laquelle la réforme de deux grands organismes, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, s’est concrétisée.
Pour prendre le cas le plus emblématique, celui du CNRS, un décret du 29 octobre 2009 traduit sa réorganisation en dix instituts thématiques, qui doivent incarner des disciplines fortes. Ces instituts fonctionneront selon une logique d’allocation de moyens aux meilleures équipes dans leurs disciplines, plutôt que dans l’opérationnel proprement dit. Le CNRS n’abandonnera pas complètement toutefois son rôle d’opérateur, mais celui-ci devrait se limiter aux équipements les plus « structurants » à l’échelon national.
Cette réforme rejoint pleinement les orientations données par le Président de la République et devrait contribuer à responsabiliser plus les acteurs que dans l’organisation passée, où la reconduction des moyens aux laboratoires était souvent plus « automatique ».
Cela dit, il faudra voir la mise en place concrète des instituts et vérifier, en particulier, que la répartition des rôles avec l’Agence nationale de la recherche est tout à fait claire. Madame la ministre, je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur cette question.
Il subsiste, au sein du programme 172, une action de diffusion de la culture scientifique et technique. Dans la mesure où celle-ci est assurée non plus par les services du ministère, mais par l’opérateur national de référence issu du regroupement du Palais de la découverte et de la Cité des sciences, ce nouvel établissement bénéficiera-t-il des ressources du programme 172 relatif au pilotage et à l’animation de la culture scientifique, mais aussi des moyens alloués aux politiques territoriales de développement durable, les D2RT, pour assurer cette mission, en particulier auprès des acteurs locaux de la culture scientifique et technique ?
Alors même que, pour les raisons évoquées, la mission "Culture scientifique" de votre ministère a été dissoute, pourriez-vous nous préciser la manière dont vos services contribueront à l’action que cet opérateur aura en la matière, notamment pendant la première année de sa mise en place ?
Enfin, à propos de ce programme 172, je me félicite de l’introduction, par l’Assemblée nationale, de l’article 54 quinquies de ce projet de loi de finances, rattaché à la mission. Aux termes de cet article, les EPST pourront embaucher en contrat à durée indéterminée, ou CDI, des personnels de recherche et certains cadres de catégorie A. Il s’agit là d’une mesure importante, qui ne remet pas en cause, certes, le statut des chercheurs, mais qui introduit de la souplesse dans le système, afin de mieux répondre aux besoins de certains profils de chercheurs.
J’en viens au programme « Recherche spatiale ».
D’une part, j’observe que la subvention octroyée au Centre nationale d’études spatiales, le CNES, soit 584 millions d’euros, est conforme au contrat d’objectifs. Plus que de ce chiffre, le CNES semble soucieux de l’exécution de son budget 2009 du fait des gels de crédits.
D’autre part, je constate que 2010 sera la dernière année où la participation de la France à l’Agence spatiale européenne, l’ESA, sera plafonnée à 685 millions d’euros. Dès 2011, conformément aux engagements pris par le Gouvernement devant la commission des finances le 18 février dernier, ce chiffre devrait être porté à 770 millions d’euros, de manière à éteindre notre dette en 2015. En attendant, cette dette pourrait s’élever à près de 358 millions d’euros à la fin de 2010.
Enfin, madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le projet Pléiades, mené par le CNES. Il s’agit d’un grand programme partenarial d’observation de la terre, pour des applications de défense et de sécurité civile. Or, du fait du changement de statut du CNES au regard de la TVA, le 1er janvier 2007, il semble manquer environ 80 millions d’euros pour financer cet important projet. Pouvez-vous nous indiquer comment, avec votre collègue, le ministre de la défense Hervé Morin, vous comptez agir pour faire face à cette situation ?
Madame la ministre, monsieur le ministre, à côté des crédits publics, vous savez que, pour encourager l’effort privé de recherche et de développement, la France dispose d’un puissant outil fiscal, le crédit d’impôt recherche.
Il s’agit là d’une dépense fiscale majeure, surtout depuis la réforme de la loi de finances pour 2008, qui a triplé le taux de la part « en volume » du crédit d’impôt recherche, supprimé la part « en accroissement » et déplafonné ce crédit d’impôt.
En excluant l’effet de la mesure de relance consistant à rembourser immédiatement le crédit d’impôt recherche à toutes les entreprises en 2009 et en 2010, ce qui a soutenu du reste la trésorerie de ces entreprises, cette dépense fiscale devrait s’élever à environ 2,5 milliards d’euros en 2010 et, sans doute, à 4 milliards d’euros par an en « rythme de croisière ».
Un tel montant nous oblige à mesurer l’efficacité réelle du crédit d’impôt recherche. Je sais que le Gouvernement y travaille. Mais j’ai également souhaité effectuer un contrôle budgétaire sur cette question, en tant que rapporteur spécial.
Je n’ai pas encore achevé mes travaux, ne disposant pas de façon significative des données retraçant, notamment, l’utilisation du crédit d’impôt recherche depuis la réforme de 2008, et je ne livrerai donc mes conclusions à la commission des finances qu’au début de 2010.
D’ores et déjà, je tiens à souligner qu’il me semble nécessaire de conserver les « grands équilibres » du crédit d’impôt recherche pendant au moins quelques années, pour deux raisons.
D’une part, les entreprises, s’agissant de dépenses sur lesquelles elles s’engagent souvent à moyen et à long terme, ont besoin de stabilité fiscale. Il en va de la crédibilité de la France, d’autant que le crédit d’impôt recherche commence à être bien connu à l’étranger.
D’autre part, les changements de règles pénalisent, en premier lieu, les entreprises qui ont le moins les moyens de faire de la veille législative et de s’adapter, c’est-à-dire les PME.
Or, s’il est clair que les grandes entreprises sont les plus grands bénéficiaires de la réforme en chiffres absolus, les petites entreprises y ont également gagné. Les intéressés eux-mêmes et leurs représentants sont unanimes sur ce point et sont souvent de chauds partisans d’une réforme qui a rendu le système plus clair, tant le calcul de l’accroissement était complexe et, en fait, désincitatif pour les petites structures.
Sur la répartition sectorielle, il a pu être dit que les services étaient la branche la plus favorisée, en particulier le secteur de la banque et de l’assurance. Or, corrigés de l’effet holding qui est un biais important des précédentes études, les derniers chiffres disponibles montrent que l’industrie pèse plus de la moitié du crédit d’impôt recherche et les banques moins de 2 %.
Madame la ministre, monsieur le ministre, il est donc probable que, au terme de mes travaux, je ne plaide pas pour de profonds changements d’un système qui a fait de la France une terre plus attractive pour la recherche et le développement, même en temps de crise, et qui mérite d’être testé sur la durée.
Cependant, je donnerai probablement quelques pistes pour améliorer le système.
Il nous faudra, tout d’abord, un fichier plus précis, permettant de mieux identifier les secteurs d’activités des entreprises qui sont derrière les holdings bénéficiant du crédit d’impôt, comme la traçabilité des sous-traitants intervenant dans l’utilisation de cette mesure.
Il faudra, également, renforcer la sécurité juridique du crédit d’impôt recherche, surtout pour des PME qui l’associent encore trop souvent au contrôle fiscal.