Mme la présidente. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante minutes pour intervenir.
La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, avec 2,02 % de son PIB consacrés à la dépense intérieure de recherche et développement, DIRD, en 2008, la France se situe désormais au quatorzième rang mondial. Malgré les apparences d’augmentation des moyens de l’enseignement supérieur et de la recherche, le pays voit son effort de recherche reculer depuis 2002.
À ce constat préoccupant, s’ajoute le fait que le taux de croissance de la DIRD française est dorénavant, je cite le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, « le plus bas des pays de l’OCDE » et « significativement en dessous de la moyenne OCDE ». Comment pourrait-on alors se satisfaire de choix budgétaires qui prévalent à nouveau dans le projet de budget de la MIRES pour 2010 ?
En premier lieu, je tiens à saluer les chercheurs enseignants-chercheurs et personnels d’universités et d’organismes, à plus d’un titre : d’abord, pour la qualité de leur travail. Malgré la faiblesse des moyens budgétaires qui leur sont attribués, en dépit d’un manque de considération de la part de leur autorité de tutelle, ils permettent à notre pays de se maintenir au sixième rang mondial pour les publications et au deuxième rang européen pour le nombre de lauréats du Conseil européen de la recherche.
Par ailleurs, grâce à leur mobilisation de l’année dernière, ils auront contribué à ce qu’aucun poste ne soit supprimé en 2010 et à ce que le début de carrière des enseignants-chercheurs soit enfin revalorisé.
Pour autant, le compte n’y est pas. S’il est urgent d’établir une planification pluriannuelle de l’emploi scientifique, aucun poste ne sera créé en dépit des besoins réels de l’enseignement supérieur et de la recherche, encore accrus par la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
Compte tenu de la stagnation du nombre de docteurs et de la perte considérable d’attractivité du doctorat pour les étudiants en master, la France voit son potentiel de recherche sévèrement menacé, même si chacun s’accorde à dire que la recherche et l’enseignement supérieur sont au cœur de la société de demain.
Peut-on espérer inciter les jeunes à se tourner vers les carrières scientifiques quand les perspectives d’emploi sont plus qu’incertaines ? Comment affirmer aux jeunes chercheurs et enseignants-chercheurs qu’ils jouent un rôle clé dans l’avenir du pays et ne leur proposer que des postes à durée déterminée, générant ainsi des préoccupations relatives à la pérennité de l’emploi qui accaparent tout autant l’esprit que les travaux de recherche eux-mêmes ?
Selon l’intersyndicale recherche et enseignement supérieur, à l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité, l’INRETS, les précaires constituent près de la moitié des effectifs. Au CNRS, plus de 12 000 personnes, hors apprentis et stagiaires, ont été accueillies temporairement en 2008, soit un cinquième des effectifs de l’organisme.
À l’INSERM, les précaires ont triplé entre 2005 et 2008 ; il faut en moyenne sept années de contrat à durée déterminée en post-doctorant pour y être recruté comme chargé de recherche première classe.
Dans les universités, les tâches d’enseignement sont réalisées, selon les sources ministérielles, par plus de 24 000 enseignants précaires en CDD et, parfois, en CDI, sans aucune perspective de carrière. Des services entiers, comme le service de français langue étrangère, sont confiés à des personnels hors statuts. Plus du tiers des ingénieurs, administratifs, techniciens et ouvriers de service, IATOS, sont en CDD.
Dans les documents budgétaires, on parle désormais en équivalent temps plein, ETP, officiellement pour décompter correctement les temps partiels. En fait, l’objectif est qu’on ne puisse plus distinguer entre précaires et statutaires. La précarité est devenue une véritable plaie dans l’ensemble de notre système d’enseignement et de recherche.
J’en viens au crédit d’impôt recherche. Aux incertitudes liées à l’efficacité du dispositif qui, en 2010, absorbera 1,530 milliard d’euros, il y aurait tout lieu de substituer une dépense budgétaire permettant de rétablir les postes supprimés en 2009 et de recruter les quelque 2 000 enseignants-chercheurs requis par la mise en place de l’équivalence travaux pratiques - travaux dirigés.
Pour favoriser l’emploi scientifique dans le secteur privé, il serait pertinent de conditionner l’octroi du crédit d’impôt recherche à l’embauche de docteurs. La répétition fixant la notion, j’espère qu’un jour cette proposition sera enfin entendue et adoptée.
Par ailleurs, le recours de plus en plus systématique aux primes nuit à la coopération, aux partenariats entre personnels et équipes, et engendre une mise en concurrence généralisée contraire à la culture de la recherche.
Il serait plus que judicieux de revaloriser les carrières de l’ensemble des personnels et, ainsi, de remédier à des situations anormales, telles que l’inversion de carrière des maîtres de conférence.
Il est d’autant plus indispensable de renoncer à ce système de primes que son financement entraîne la destruction d’emplois, comme cela est le cas dans certains organismes. On voit ici les ravages de la fongibilité asymétrique !
Madame la ministre, même dans le cadre d’un budget contraint, d’autres choix sont possibles. Encore faut-il vouloir soutenir le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et avoir confiance en ses capacités, en l’engagement de ses personnels dans la production et la transmission des connaissances. On ne devient pas chercheur ou enseignant-chercheur par hasard : cela relève d’une véritable passion, d’une vocation, voire d’un sacerdoce, en tout cas d’une aspiration profonde. Et le pays, pour être pleinement maître de son destin, a un besoin impératif de ces scientifiques qui éclairent l’avenir de leurs connaissances. Ce ne sont malheureusement pas de simples annonces qui permettront à la France d’être mieux armée pour faire face aux défis de demain.
La progression du budget pour 2010, dont il faut donner acte, est bien moins réjouissante que ne l’affirme le Gouvernement : la mission « Recherche et enseignement supérieur » ne progresse que de 0,7 milliard d’euros par rapport à 2009, soit une très légère hausse en euros constants. Encore faut-il soustraire 130 millions d’euros affectés aux retraites, qui n’étaient pas inscrits dans les précédents budgets. Avec 2,2 % d’augmentation hors retraites, les crédits des organismes varient globalement peu par rapport à 2009, même si les logiques sélectives actuelles menacent sérieusement de nombreux laboratoires dont les recherches sont considérées comme secondaires.
Les crédits de fonctionnement des universités demeurent insuffisants pour faire face aux charges créées par la mise en œuvre de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités ou à de nouvelles obligations telles que la gratification des stagiaires accueillis dans les laboratoires universitaires.
Soulignant le manque de moyens auquel ils doivent faire face, les présidents d’université avertissent même qu’ils pourraient être contraints « d’utiliser l’augmentation des crédits du plan licence pour faire face aux nouvelles charges incompressibles ». Pour prévenir ce risque, un effort supplémentaire de 200 millions à 250 millions d’euros dès 2010 serait nécessaire.
Les partenariats public-privé se voient allouer 420 millions d’euros. Comment interpréter ce chiffre dès lors que l’on sait que 220 millions d’euros figuraient déjà dans la loi de finances de 2009 et ont été reportés ? Surtout, il y a fort à parier que cette somme ne sera pas utilisée l’année prochaine, sachant qu’il n’y a pas, ou peu, de partenariats public-privé susceptibles d’être financés dès 2010 et qu’il faut en moyenne dix-huit mois pour mener à terme ce type de projets. De l’art d’afficher des augmentations budgétaires en répétant des lignes comptables déjà votées…
De ce point de vue, le peu de sincérité du projet de budget présenté au Parlement est déconcertant. Faut-il rappeler que, ces dernières années, on a vu s’accroître les annulations de crédits entre le budget voté initialement et le budget effectivement réalisé ?
De même, le cumul des autorisations d’engagement et des crédits de paiement ainsi que les transferts entre lignes budgétaires permettent de masquer la faiblesse de l’effort de l’État.
J’en viens à la situation des étudiants, qui, eux aussi, devront faire face au manque de moyens des établissements d’enseignement supérieur.
Tout d’abord, ils ne connaîtront guère d’amélioration des conditions d’enseignement. Comment en effet supprimer les cours en amphithéâtre en première année ou imposer vingt heures hebdomadaires d’enseignement dans toutes les filières sans recruter des enseignants-chercheurs ? Le plan licence, censé enrayer l’échec en premier cycle, risque bien d’être mort-né, les universités étant humainement et financièrement incapables de le mettre en œuvre.
Autre sujet de préoccupation pour les étudiants, la mise en place du dixième mois de bourse pour la rentrée 2010, sur laquelle le Président de la République s’était engagé, n’a pas été budgétisée. Le Gouvernement indique qu’elle le sera dans le courant de l’année, en fonction de la mise en œuvre de l’allongement de l’année universitaire par les établissements. Faut-il cependant rappeler que les activités pédagogiques exigent la présence des étudiants dès les premières semaines de septembre dans la quasi-totalité des universités et que, depuis la réforme LMD, plus des trois quarts des étudiants reprennent les cours avant la mi-septembre, sans percevoir d’aide ?
Que dire du logement étudiant ? En 2009, les objectifs du plan Anciaux n’auront, une fois encore, pas été atteints : deux tiers des réhabilitations et moins de la moitié des constructions prévues ont été effectivement réalisées.
Si les besoins en nouveaux logements sont estimés à 6 400 par an jusqu’en 2014, les crédits prévus à cet effet pour 2010 ne permettront d’en construire que 3 800. Sans nier l’effort consenti pour les réhabilitations, on doit toutefois relever qu’un recul de la pénurie de logements étudiants dans les années à venir est peu probable. Sur ce point également, il eût été plus que souhaitable de mettre en place une politique plus volontariste.
Madame la ministre, la recherche et l’enseignement supérieur sont les priorités affichées du Gouvernement. Prenez donc exemple sur les États-Unis (Mme la ministre sourit), qui, en 2009 et en 2010, ont injecté plus de 300 milliards de dollars de subventions fédérales, réalisant ainsi le plus gros effort de l’histoire américaine en faveur de ces secteurs.
Le présent projet de budget ne permettra pas de développer suffisamment le potentiel scientifique d’aujourd’hui et de demain, ce dont notre pays a pourtant grand besoin. Dans ces conditions, on peut craindre que l’effort engagé au travers du grand emprunt n’ait guère de sens et ne permette pas à la France de renforcer durablement sa recherche et son enseignement supérieur : en l’état, il est évident que nous ne pourrons que voter contre ce projet de budget.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Dumas.
Mme Catherine Dumas. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, vous avez présenté votre budget pour 2010 comme « le budget des engagements tenus ».
Je me réjouis pour ma part de la réforme en profondeur engagée par l’État en faveur aussi bien de la recherche que de l’enseignement supérieur, qui nous permet aujourd’hui d’affirmer notre présence dans la compétition mondiale.
En 2010, les moyens consacrés à l’enseignement supérieur par le Gouvernement progresseront de 1 milliard d’euros, conformément à l’engagement quinquennal du Président de la République. Cela fait suite à une année 2009 qui a été exceptionnelle pour le budget de l’enseignement supérieur, grâce au plan de relance de l’économie.
Pour la troisième année consécutive, l’enseignement supérieur et la recherche constituent la première priorité budgétaire du Gouvernement. Je tiens donc tout d’abord à vous adresser mes félicitations, madame la ministre : cela concrétise parfaitement l’engagement de campagne du Président de la République de faire de la connaissance un pilier d’une croissance durable et du développement social.
Le premier axe de ce projet de budget est consacré au renforcement de l’attractivité des métiers de l’enseignement supérieur et de la recherche par l’allocation utile et légitime de moyens à des améliorations concrètes des carrières et du pouvoir d’achat.
Ces mesures vont permettre, dès l’année 2010, une augmentation des salaires des jeunes maîtres de conférence ou encore une progression très marquée des possibilités de promotion. Il me semble effectivement très important de susciter les vocations et de pouvoir ensuite conserver nos talents dans le giron de l’enseignement universitaire.
Parce que le paysage de la recherche française est en pleine mutation, le deuxième volet du projet de budget pour 2010, dédié au soutien à la réforme de la recherche, vient conforter ces évolutions de manière inédite. Allouer des crédits importants au renforcement de l’attractivité des carrières, à l’accompagnement de la réforme des organismes, à la structuration du paysage de la recherche en instituts et en alliances, et, enfin, à la valorisation de l’excellence des laboratoires va assurément dans le bon sens.
La recherche privée n’est pas oubliée dans le contexte actuel de crise économique. Le crédit d’impôt recherche intervient ainsi comme un « amortisseur » de la crise et permet le maintien des dépenses de recherche et développement.
Le troisième axe – accompagner la réforme des universités et les étudiants vers la réussite – me semble lui aussi pertinent, avec notamment le plan « réussir en licence », qui bénéficie d’une augmentation de crédits de plus de 66 millions d’euros. Un effort particulier est réalisé en faveur de l’immobilier universitaire et des bourses.
Je souhaiterais également évoquer la situation des établissements d’enseignement supérieur privé.
Sur l’initiative du sénateur Jean-Claude Carle, un amendement tendant à augmenter les crédits destinés à ces établissements de 4,5 millions d’euros a été déposé ; Jean-Léonce Dupont le défendra tout à l’heure, mais je souhaiterais aborder cette question dès maintenant.
L’enseignement supérieur privé regroupe 60 000 étudiants dans des grandes écoles d’ingénieurs ou de management, des universités ou des facultés. Il accueille 2,5 % des étudiants et dispense 10 % des diplômes de l’enseignement supérieur au niveau du grade de master.
Ses établissements participent pleinement aux missions de service public de l’enseignement supérieur. Leur gouvernance associative autonome, leur proximité avec les entreprises, leur taille humaine, l’intensité de la formation des étudiants contribuent à leur qualité et à leurs performances. Les résultats obtenus sont probants : les établissements facultaires présentent des taux de succès dans les premiers cycles très supérieurs à la moyenne nationale et l’adéquation des formations aux besoins de la société garantit une insertion professionnelle réussie.
Lors d’une rencontre parlementaire organisée en juin dernier, vous avez déclaré, madame la ministre, que vous travailliez à faire de la diversité du système de formation français une force pour tous. À cette fin, vous souhaitez que tous les établissements qui le veulent puissent signer un contrat avec l’État, qui leur fixera des objectifs qualitatifs à atteindre en termes non seulement de formation, mais aussi de recherche, sur la base d’une auto-évaluation.
Cette contractualisation, souhaitée depuis de nombreuses années – promise d’ailleurs par Jack Lang en 1992 – serait mise en place dès l’an prochain. Je tiens, madame la ministre, à saluer votre détermination sur ce point. Comme vous l’avez précisé, l’objectif est non seulement d’entamer un dialogue contractuel avec les établissements, mais aussi de les inscrire dans une dynamique de site ainsi que dans une stratégie pédagogique et scientifique établie en cohérence avec les autres établissements, face à une concurrence internationale accrue.
Le saut qualitatif que représente cette contractualisation exige que l’État prenne des engagements qui soient à la hauteur de ceux que devront prendre les établissements privés associatifs. Je me réjouis de l’effort du Gouvernement, qui a compris toute l’importance de cette étape, mais cet effort ne sera pas suffisant au regard des nouvelles exigences.
En définitive, madame la ministre, ce projet de budget est celui d’une ambition inédite : un État engagé comme jamais aux côtés de ses universités et de ses organismes de recherche, des universités mobilisées pour favoriser la réussite des étudiants, une recherche publique renforcée et mieux coordonnée pour valoriser l’excellence, des carrières attractives pour l’ensemble des personnels, une recherche privée dynamisée et encouragée.
Le volume et la répartition des crédits me semblent légitimes et efficaces pour consolider les bases de notre système universitaire et, surtout, pour préparer l’avenir de notre recherche. Dans la compétition désormais mondialisée, ce budget donnera véritablement à notre pays les armes nécessaires pour relever les défis du futur.
Madame la ministre, je souhaite enfin évoquer une filière qui me tient beaucoup à cœur et qui, bien que reposant principalement sur des savoir-faire et des techniques traditionnels, doit profiter elle aussi du soutien des pouvoirs publics en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
Je voudrais en effet attirer votre attention et celle de M. le ministre chargé de l’industrie sur la nécessité, pour notre pays, d’engager enfin une politique volontariste de défense, de promotion et de valorisation de nos métiers d’art et savoir-faire traditionnels.
Le rapport sur ce thème que j’ai eu l’honneur de rendre voilà quelques semaines au Premier ministre a permis d’identifier les difficultés concrètes de cette filière prestigieuse mais trop méconnue, qui est pourtant une extraordinaire source de richesse humaine, culturelle et économique pour notre pays.
Loin de l’image passéiste à laquelle on les renvoie trop souvent, ce sont des métiers bien actuels et, pour beaucoup, résolument tournés vers le futur. J’ai ainsi pu constater que les succès à l’export de cette filière étaient intimement liés au souci permanent des professionnels de réinventer leur métier, à leur capacité à intégrer le design pour renouveler sans cesse leurs créations et conserver un temps d’avance sur la concurrence. Les artisans d’art ont également la volonté de promouvoir en leur sein des formations de très haut niveau toujours plus adaptées aux réalités économiques et techniques de notre époque.
Parmi mes nombreuses propositions, un certain nombre de mesures concrètes, simples à mettre en œuvre sans nécessairement engendrer de dépenses excessives, ont été soumises au Premier ministre.
J’ai ainsi proposé de mettre en place un pôle d’excellence de la création en Île-de-France, sur le modèle des pôles de compétitivité. Ce pôle d’excellence, qui concentrerait sur un seul site des centres de formation et de recherche ainsi que des centres de production, permettrait d’attirer les jeunes talents et, bien sûr, de promouvoir le développement économique de la filière. Ce projet pourrait se développer à partir d’un pôle « textile et mode » qui consacrerait la place fondamentale de la capitale en la matière.
Sa création s’inscrit parfaitement dans la réflexion que vous avez engagée ces derniers temps, monsieur le ministre chargé de l’industrie, et trouverait assurément sa place dans le cadre des futurs pôles d’excellence du Grand Paris. Je ne manquerai pas, d’ailleurs, de revenir sur ce projet à l’occasion des débats parlementaires consacrés au Grand Paris.
Ce pôle d’excellence pour les métiers d’art pourrait également héberger de nouvelles formations de haut niveau, menant par exemple à un diplôme supérieur des métiers d’art, permettant aux élèves les plus motivés d’évoluer d’un CAP vers un niveau bac+5, pour répondre à un réel besoin de qualification. La déclinaison d’un enseignement supérieur pour ces métiers est une réelle nécessité, comme j’ai pu l’observer à de nombreuses reprises au cours de ma mission parlementaire.
J’ajoute, sur ce sujet de la formation, qu’une initiative très intéressante de la Société d’encouragement aux métiers d’art a permis il y a quelques années la création, à l’université de Marne-la-Vallée, d’une licence professionnelle « entrepreneuriat, reprise et création d’entreprise dans les métiers d’art » ouverte aux titulaires d’une formation de niveau bac+2. Cette démarche, réellement pertinente et utile, mériterait assurément d’être généralisée sur le plan national.
Parallèlement, la recherche et la création, omniprésentes dans ces métiers, doivent être soutenues. Les organismes d’appui comme OSEO doivent donc désormais inclure le design dans leur définition de l’innovation et dans les critères d’attribution de leurs aides.
De même, pour permettre aux petites et moyennes entreprises du secteur de lutter à armes égales avec les pays à bas coût de main-d’œuvre qui copient allègrement leurs créations, j’ai déposé un amendement au projet de loi de finances ayant pour objet la prorogation du crédit d’impôt spécialement institué pour permettre à ces entreprises artisanales de compenser partiellement les dépenses engagées pour la recherche et la création ou pour le dépôt et la protection juridique de leurs modèles.
Mme la présidente. Veuillez conclure, madame la sénatrice.
Mme Catherine Dumas. Vous le voyez, madame la ministre, monsieur le ministre, l’enseignement supérieur et la recherche ont un rôle actif à jouer dans le développement de cette filière prestigieuse, pourvoyeuse d’emplois et de dynamisme économique
Pour conclure, j’indique que le groupe UMP votera avec enthousiasme ce projet de budget équilibré, responsable et ambitieux. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, forts de douze programmes associant six ministères pour un budget de 25 milliards d’euros, en progression de 1,8 milliard d’euros sur deux ans, la recherche et l’enseignement supérieur restent incontestablement des priorités pour 2010, et ce malgré un contexte budgétaire particulièrement délicat.
Ce projet de budget et les choix annoncés pour le grand emprunt nous rappellent que c’est en effet en investissant dans l’économie de la connaissance que l’on répondra aux défis qui nous attendent.
Le groupe centriste ne manque jamais une occasion de le rappeler, que ce soit lors des débats parlementaires, en particulier, chaque année, sur le projet de loi de finances, ou au travers des missions d’information que nous menons – je pense, à cet instant, à la mission « jeunesse », qui vient de s’achever : l’éducation, la culture au sens large et la recherche sont les investissements pour l’avenir, les fondamentaux pour une croissance durable.
Comme l’écrit le metteur en scène et professeur associé à l’Institut d’études européennes de l’université de Paris VIII Vincennes-Saint-Denis Marc Le Glatin : « Tout va aller très vite. D’autant que l’Histoire, sans doute par un de ces caprices dont elle est familière, a parfaitement synchronisé les mutations de la biosphère et de l’infosphère. Les contraintes environnementales et les bouleversements de la circulation des signes vont imposer dans les dix ans qui viennent des décisions politiques radicales […] ».
Si l’on avait besoin de s’en convaincre, la conjoncture actuelle issue de la crise, marquée par l’atonie de pans entiers de notre économie, met en exergue la nécessité de renforcer la recherche et l’innovation et d’adapter les formations à l’évolution des métiers : croissance verte, nouvelles technologies, nouvelles énergies, nouvelles formes de mobilité, santé, développement du numérique – les sujets ne manquent pas.
Pour y parvenir, nous devons combler nos manques. Ainsi je me réjouis de votre volonté, madame la ministre, de voir créer au sein du CNRS un institut de l’informatique. Nous sommes en effet perfectibles en ce domaine.
Nous devons également structurer la recherche et les formations afférentes autour de pôles d’excellence pouvant rivaliser sur les plans européen et international. Pour autant, madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur le risque qu’engendrerait, à travers les appels d’offres, la concentration des moyens sur quelques gros pôles, qui bénéficieraient ainsi d’une forme de reconnaissance exclusive.
Nous sortons tout juste de l’élaboration de la loi portant réforme de l’hôpital, et relative aux patients, à la santé et aux territoires. Évoquons l’exemple des instituts hospitalo-universitaires de recherche : on voit se profiler le risque que les investissements ne profitent qu’à six ou sept pôles, notamment de grands établissements lyonnais ou franciliens essentiellement monothématiques. Or il est indispensable de soutenir et de faire également labelliser par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, des centres plus modestes, plurithématiques, mais associant des chercheurs cliniciens et des chercheurs fondamentaux sur des sujets essentiels, tels l’Institut cardio-vasculaire ou l’Institut génétique et cancer dans ma région.
Dans notre monde désormais globalisé, le renforcement des coopérations et des échanges s’avère essentiel. Il y a quelques semaines, notre commission était en mission au Brésil, où elle a pu s’entretenir, avec des universitaires et médecins français et brésiliens réunis en symposium scientifique, du potentiel de développement qu’engendreraient ces coopérations si elles étaient suivies et soutenues.
Dans ce contexte de mutation accélérée, le nouveau cadre de l’autonomie de l’université se révèle donc primordial.
Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur spécial, en 2010, plus de 60 % des universités ont fait le choix de l’autonomie, comme le permet la loi relative aux libertés et responsabilités des universités de 2007. C’est la gestion de près de 100 000 emplois qui sera donc transférée aux universités.
Nous sommes favorables à l’autonomie des universités, dès lors que celle-ci permet une gestion plus adéquate, plus dynamique et plus réactive des moyens et des services des stages, d’insertion professionnelle, de documentation. Bien entendu, il faut être vigilant sur les critères de calcul retenus dans le cadre du nouveau système d’allocation des moyens en fonction de l’efficience des universités. La prise en compte de l’insertion professionnelle des étudiants dans l’évaluation de l’efficience des universités nous semble faire aujourd’hui défaut.
Toutefois, on peut souhaiter que la logique d’autonomisation des universités soit davantage assumée, notamment en termes de gestion de leur patrimoine immobilier, de partenariat et de mutualisation des moyens des universités entre elles.
Parce que, outre ces évolutions, la réhabilitation de l’immobilier des universités reste une action indispensable, nous voterons, madame la ministre, les crédits qui y sont affectés.
Au sein de la même mission, 170 millions d’euros sont consacrés au plan « réussir en licence ».
Tant le taux d’échec important à l’université – plus de 50 % – que le taux de chômage important des jeunes diplômés révèlent les nombreuses failles du système. Les 170 millions d’euros déployés marquent une volonté claire de renforcer l’orientation et l’encadrement pédagogique des étudiants. Nous l’avons dit et répété, l’orientation doit être une priorité et un continuum. Le succès du plan « réussir en licence » dépendra aussi de la capacité à réformer en profondeur l’orientation des jeunes dès le lycée. C’est une question fondamentale, qui devra faire l’objet de toutes les attentions dans le cadre de la réforme annoncée du lycée.
Notre mission « jeunesse » a d’ailleurs suggéré la création d’un service public de l’orientation. Il est en effet indispensable que lycéens comme étudiants puissent bénéficier d’un appui, afin de ne pas subir, mais bien de choisir leur cursus d’enseignement supérieur au regard de leurs projets personnels et de leurs capacités.
Par ailleurs, en termes d’indicateurs de résultats, le succès du plan « réussir en licence », et plus généralement de l’enseignement supérieur, doit se mesurer à l’aune des résultats obtenus en matière d’intégration professionnelle, du nombre de brevets déposés, du nombre d’entreprises créées, du maintien sur le territoire des diplômés des universités.
La réussite en licence dépend aussi, bien sûr, des conditions dans lesquelles les étudiants peuvent suivre leur cursus. En ce sens, on peut se réjouir des mesures mises en place au titre du programme « Vie étudiante », et notamment de l’augmentation des crédits permettant de financer les aides sociales aux étudiants, c’est-à-dire les bourses, ainsi que le logement étudiant. Ce sont en effet 26 millions d’euros qui seront consacrés à l’amélioration des dispositifs sociaux et 10 millions d’euros à la réalisation des opérations « logement étudiant » prévues par les contrats de plan État-région.
Un léger bémol doit cependant être apporté : il aurait été souhaitable que le présent projet de loi de finances prévoie le financement du dixième mois de bourse, comme le Président de la République s’y était engagé le 29 septembre dernier.
L’action relative au logement étudiant comporte, quant à elle, des avancées réelles, au regard de besoins il est vrai considérables. En effet, le parc social de logements étudiants ne peut accueillir aujourd’hui que 7 % de l’ensemble des étudiants. Malgré les efforts entrepris pour augmenter l’offre de logements – je pense notamment au plan Anciaux –, il ne fait pas de doute qu’un effort soutenu doit encore être consenti.
Enseignement, insertion professionnelle et recherche : les enjeux, nous le voyons bien, sont considérables. Aussi convient-il qu’aux côtés de l’État, stratège et volontariste, les régions, bien que ne disposant pas directement de compétence en la matière, puissent accompagner le mouvement.
Dans le domaine de la recherche, les régions doivent continuer à promouvoir, à piloter et à cofinancer des clusters, soutenir la créativité et l’innovation, renforcer la dynamique entrepreneuriale.
En effet, l’accélération des mutations économiques, technologiques et sociales rend plus que jamais nécessaire une adaptation continuelle des formations aux besoins futurs, par un exercice permanent de projection, d’anticipation et de prospective. C’est notamment par le biais des plans régionaux de développement des formations, les PRDF, dont les régions ont la charge depuis 2004, que ces adaptations pourront s’opérer.
II me semble donc important d’envisager des coopérations encore plus étroites entre l’État et les régions, entre les régions et les universités, afin de garantir des conditions optimales de développement de l’enseignement et de la recherche dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)