M. Michel Charasse. Et voilà !
M. Bernard Angels. S’agissant des autres niveaux de collectivités, les départements paieront au prix fort le complément de taxe foncière sur les propriétés bâties qu’ils percevront, puisqu’ils perdront, dans le même temps, une partie de leur impôt économique.
Quant aux régions, la sanction est pour elles plus grave encore, puisqu’elles ne disposeront d’aucun pouvoir de fixation des taux sur l’ensemble des impôts qui leur seront transférés. Le champ de ce pouvoir chutera à 10 % de leurs recettes, contre 28 % actuellement.
Les propositions que vous nous soumettez, monsieur le rapporteur général, ne peuvent être présentées comme la solution qui permettrait de rendre « plus vendable » la suppression de la taxe professionnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chatillon, pour explication de vote.
M. Alain Chatillon. Tout d’abord, je veux féliciter M. le rapporteur général pour ses talents de magicien : il a réussi, en quinze jours, avec l’aide du président Arthuis et des autres membres de la commission, à rendre clair un texte qui était pour le moins indigeste et insupportable pour beaucoup d’entre nous, notamment les maires de petites communes.
Si ce texte est clair, je formulerai néanmoins deux réserves.
Premièrement, j’aurais souhaité que le taux de l’impôt puisse être voté à l’échelon local ; il est évident que l’on assiste à une remise en cause de la décentralisation.
Deuxièmement, il conviendra d’être vigilants pendant la période probatoire, à laquelle nous tenons. Je suis élu du Lauragais, c’est-à-dire d’une terre cathare, où l’on se méfie toujours du pouvoir central. J’espère que cette période probatoire nous permettra véritablement de procéder aux ajustements et aux corrections indispensables.
Pour autant, le texte de la commission, en l’état, offre déjà une vision beaucoup plus claire de ce qui attend les communes et les départements. Pour les régions, les choses doivent encore être précisées.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le président, mes chers collègues, la grande agilité d’esprit dont font preuve le Gouvernement et la commission sur cette question qui les oppose à travers l’amendement n° II-200 et le sous-amendement n° II-376 ne peuvent, à mon avis, être remises en cause que par des raisonnements « basiques » venus des profondeurs du sol. (Sourires.)
Madame le ministre, après avoir rendu hommage à la commission des finances, et je suis sûr que ses responsables présents au banc l’ont apprécié, vous nous proposez un sous-amendement qui comporte deux coquineries apparemment anodines (Nouveaux sourires), mais apparemment seulement !
La première, c’est qu’il remplace le dégrèvement par une réduction. Or ce n’est pas tout à fait la même chose parce que la réduction de l’imposition concerne le contribuable, alors que le dégrèvement concerne à la fois le contribuable et la collectivité. (M. Jean-Pierre Raffarin acquiesce.) Par conséquent, madame le ministre, sous une avalanche de roses, à laquelle la commission et sa majorité sont sûrement sensibles, vous démolissez une partie du travail du rapporteur général, avec bien entendu le souci, qui est tout à fait respectable et honorable, de préserver les intérêts de l’État. Chacun, dans cette affaire, est dans son rôle. Mais nous avons, nous aussi, en charge les intérêts généraux, ceux de l’État et ceux des collectivités territoriales, c’est-à-dire de toutes les composantes de la nation.
La seconde coquinerie de ce sous-amendement, c’est qu’il vise à abaisser le taux uniforme de taxation théorique de 1,5 % proposé par la commission des finances à 1,4 % pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 10 millions d’euros. Cela réduit encore un peu plus le montant du dégrèvement à la charge de l’État et aboutit à une compensation dont on sait très bien qu’elle s’étiolera au fil du temps, comme le prouvent les expériences du passé que j’ai rappelées. Je m’en suis d’ailleurs tenu aux plus importantes, mais il y en a eu d’autres en dehors des compensations Balladur et Strauss-Kahn. Je n’ai cité que celles qui ont le plus porté préjudice aux collectivités locales, mais je n’insiste pas…
Votre sous-amendement aboutit en réalité à reprendre en partie la charge qui résulte de l’amendement n° II-200 pour l’État, telle qu’elle découle non seulement des travaux de la commission des finances, mais aussi des engagements pris par le Gouvernement devant les élus locaux, notamment par le Premier ministre devant le Congrès des maires de France, et nous l’avons tous entendu !
Donc, si vous vous êtes placée dans une situation qui fragilise les finances de l’État, c’est vous, madame le ministre, c'est-à-dire le Gouvernement, qui en êtes responsable, ce n’est ni le Sénat ni l’Assemblée nationale qui vous y ont contrainte !
Certes, il faudra effectivement, lorsque nous disposerons de simulations, revenir sur le sujet afin de voir si nous avons tiré juste ou non, ce qui n’est pas évident a priori. Mais, à l’heure qu’il est, après les travaux accomplis par la commission – et cela a été assez compliqué – je ne vois pas comment nous serions en état de refaire tous les comptes avec précision et de démolir, même partiellement, pour permettre à l’État d’économiser « trois francs six sous », le système laborieusement mis au point par la commission des finances.
C’est pourquoi, madame le ministre, à mon grand regret, je ne pourrai pas voter le sous-amendement n° II-376.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Ainsi que mes collègues et moi-même l’avons déjà dit clairement lors du débat sur la première partie, nous ne sommes pas partisans de la réforme proposée et du remplacement de la taxe professionnelle par un nouvel impôt assis sur la valeur ajoutée.
Dans très peu de temps, nous le savons – des orateurs de la majorité l’ont également dit tout à l’heure –, les syndicats patronaux vont de nouveau lever un lièvre, en soutenant qu’une telle cotisation réintègre dans son assiette les anciennes bases de la taxe professionnelle et nuit donc à l’emploi.
Par conséquent, nous mesurons parfaitement la fragilité du dispositif. Le Gouvernement a surtout voulu alléger la contribution des entreprises à la vie locale, à hauteur de 11,7 milliards d’euros, sans que l’on ait la moindre certitude que cet argent servira à investir ou à créer des emplois. Le rapport Cotis, à cet égard, peut nous permettre de mieux approcher la réalité.
Mais vous nous proposez maintenant, madame la ministre, d’abaisser de surcroît à 1,4 % le taux de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros, alors que, jusqu’à cette réforme, la cotisation de taxe professionnelle minimale était de 1,5 % de la valeur ajoutée : tant que le produit était perçu par l’État, ce taux n’était pas jugé insupportable pour les entreprises…
Vous créez en outre les conditions d’une réduction de l’assiette de l’imposition telle que proposée par la commission, ce qui aggrave encore le risque d’affaiblissement des ressources des collectivités territoriales.
Ainsi que d’autres collègues l’ont dit tout à l’heure, vous demandez en somme aux collectivités territoriales de supporter le poids de votre décision de réduire l’imposition des entreprises, sans assumer les conséquences de votre choix au travers du budget national. Pourtant, bien souvent, les collectivités territoriales consentent déjà des efforts pour que les entreprises s’installent sur leur territoire et investissent pour répondre aux besoins des habitants, ce qui permet notamment aux entreprises du secteur du BTP de remplir leurs carnets de commandes. Ces investissements sont supérieurs, je le rappelle, à 40 milliards d’euros chaque année, et ils ont une influence non négligeable sur le niveau de l’emploi.
Votre proposition sera donc à mon sens tout à fait contre-productive, tant pour les collectivités territoriales que pour les entreprises, puisque sa mise en œuvre réduira les ressources des premières, et par là même le volume d’activité des secondes.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. À ceux qui parfois doutent de l’utilité du Sénat, nous démontrons aujourd’hui qu’ils ont tort. Le Sénat, comme l’ont dit Gérard Longuet et Jean-Pierre Raffarin, fait son métier : il sait se faire l’écho des inquiétudes exprimées par les élus locaux tout en faisant avancer les choses dans le bon sens, au rebours des affirmations de ceux qui nous taxent en outre d’immobilisme.
Je m’associe à tous ceux d’entre nous qui ont déjà félicité la commission des finances, en particulier son rapporteur général et son président, de nous avoir proposé, au travers de cet amendement, une version nouvelle, compréhensible, du dispositif. Cette proposition ménage des possibilités d’ajustements ultérieurs, ce qui est heureux, car je sais, en tant que médecin, que des évolutions non désirées peuvent parfois survenir : les rendez-vous prévus nous permettront de revoir objectivement les choses, à la lumière de l’expérience, et d’adapter le « traitement » si besoin est, car son effet n’est pas toujours celui qui est escompté.
M. Adrien Gouteyron. Ne nous faites pas peur !
M. François Marc. Ce traitement fera dépérir les collectivités !
M. Jacques Blanc. Il est donc indispensable de fixer des rendez-vous.
Par ailleurs, l’un de nos collègues a parlé de dérive : je ferai observer que la dérive est précisément ce qui empêche un bateau d’être emporté au gré des vents et des courants !
J’ajouterai que, en tant qu’élu d’un département comme la Lozère, je suis sans doute plus sensible que d’autres à la question de la péréquation. Comment en irait-il autrement dans un département de 74 000 habitants, qui compte 2 500 kilomètres de voirie, une forte proportion de personnes âgées et donc, hélas, de personnes à autonomie réduite, ainsi que des cas sociaux ? Il est donc important, à nos yeux, que la péréquation tienne compte de la proportion de bénéficiaires de minima sociaux et de personnes âgées dépendantes, ainsi que du kilométrage de la voirie départementale. Comme le suggérait notre éminent collègue, président du conseil général de la Haute-Marne, Bruno Sido, peut-être faudrait-il prendre en compte le ratio entre ce chiffre et celui de la population.
M. Éric Doligé. C’est prévu !
M. Jacques Blanc. Aujourd'hui, le bloc communal, c'est-à-dire les communes et les intercommunalités, est incontestablement pris en compte, grâce aux travaux du Sénat. Quant à la péréquation en faveur des départements, elle est inscrite dans les propositions que nous allons, je l’espère, adopter.
Le texte est désormais cohérent et permettra de résoudre l’équation : lever les freins aux investissements pour les entreprises tout en trouvant des ressources équilibrées pour nos collectivités territoriales, de nature à leur permettre de poursuivre leurs investissements ou leur action sociale.
Mes chers collègues, je suis très fier d’appartenir à une assemblée qui démontre ainsi sa capacité à aller de l’avant et à mettre en œuvre de grandes réformes. Le bicamérisme est indispensable à notre démocratie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Éric Doligé. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. Le sous-amendement n° II-376 du Gouvernement est à l’évidence en totale contradiction avec l’amendement de M. le rapporteur général.
Mme la ministre a fait allusion tout à l’heure à la réforme de M. Strauss-Kahn, qui avait supprimé en 1999 la part salariale de la taxe professionnelle. Au sein de la majorité de l’Assemblée nationale, à laquelle j’appartenais alors, nous n’étions pas tous d’accord sur cette réforme, mais les méthodes du gouvernement Jospin étaient différentes de celles que nous connaissons sous la férule de M. Sarkozy. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) À l’époque, la réforme n’avait pas été imposée au Parlement, comme vous le faites aujourd’hui, dans la plus totale confusion.
Je renvoie le Gouvernement à l’exposé des motifs présenté pour l’article 2 dans le projet de loi de finances initial. L’un des objectifs assignés à la suppression de la taxe professionnelle était de « restaurer le lien entre entreprises et territoires ». Madame la ministre, nous y sommes tous favorables, mais vous faites le contraire !
Chers collègues de la majorité, je vous rappelle que l’instauration du plafonnement, en 2006, avait déjà détérioré assez gravement ce lien. Tout le monde déplorait alors le fait que l’État était devenu le principal contributeur à l’impôt local puisqu’il assurait, au titre des dégrèvements et des compensations, près de 47 % de la taxe professionnelle perçue par les collectivités : entre 2004 et 2009, la participation de l’État a doublé du fait des mesures que vous avez adoptées. Cette situation étant unanimement critiquée, on aurait pu penser, compte tenu de l’esprit décentralisateur qui anime certains d’entre vous – je pense notamment à M. Raffarin –, que vous souhaiteriez rétablir ce lien. Mais force est de constater que vous prenez le chemin inverse, au rebours de cet esprit décentralisateur. La répartition à l’échelon national de la cotisation sur la valeur ajoutée pour les départements et les régions rompt le lien entre entreprises et territoires en plaçant les collectivités locales sous la tutelle de l’État.
La fausse solution présentée par M. le rapporteur général, qui consiste à passer de la compensation au dégrèvement, signe également le retour de l’État en tant qu’acteur de premier rang de la fiscalité locale. En effet, alors que 15 milliards d’euros de recettes sont attendues de la nouvelle cotisation sur la valeur ajoutée, l’État devrait demain reverser 4 milliards d’euros aux entreprises, afin – et c’est la justification principale de la réforme – de sauvegarder l’allégement fiscal dont elles vont bénéficier, lequel a été adopté en première partie sans aucun état d’âme, je le rappelle, par la majorité sénatoriale, toutes composantes confondues.
Ainsi, alors que l’État est supposé ne plus intervenir dans les nouveaux impôts créés, la proposition du rapporteur général organise son retour dans la fiscalité locale à hauteur de 25 %.
Les dégrèvements entraînent une dépendance accrue des collectivités à l’égard de l’État. Vous dites, monsieur le rapporteur général – et j’ai bien entendu les arguments de M. Charasse, qui s’est fait le zélateur de votre amendement –, que ce système est préférable à un système de dotations. Il est vrai que celles-ci diminuent année après année : ainsi, entre 2004 et 2008, les dotations de compensation de la taxe professionnelle ont baissé de 25 %. Pour autant, le système des dégrèvements, s’il n’est pas pire, n’est en aucun cas meilleur.
En effet, monsieur le rapporteur général, et vous êtes bien placé pour le savoir, la situation de nos finances publiques, particulièrement celle du budget de l’État, est catastrophique. Le Gouvernement, qui est tout de même responsable de cette situation, cherche donc à réaliser toutes les économies possibles. Comment va-t-il y parvenir ? Nul besoin d’être devin pour anticiper le choix du Gouvernement… Dès lors qu’il refuse de franchir la « ligne rouge » – pour reprendre l’expression utilisée par Mme la ministre et par M. le Premier ministre – qu’il s’est fixée et, par conséquent, de revenir sur l’allégement de 7 milliards d’euros qu’il a offert aux entreprises, il ne lui reste qu’une option : diminuer le montant des dégrèvements en baissant le taux d’imposition, dont il a la totale maîtrise !
Il n’aura même pas fallu attendre quelques mois pour constater que le Gouvernement s’engage dans cette voie : tel est précisément l’objet du sous-amendement n° II-376, qui tend à ramener le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée de 1,5 % à 1,4 %. Nul besoin de période probatoire !
Démonstration est donc faite, me semble-t-il, du danger de s’en remettre à l’État ! Quelles que soient les modalités retenues, il n’y a pas de bonne solution. Vous vous êtes engagés dans une impasse, et vous y resterez ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelle sévérité…
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Raffarin. Il y a tout de même de bonnes nouvelles, de temps en temps ! Si l’on m’avait dit, avant que ce débat ne commence, que l’autonomie financière des collectivités territoriales serait améliorée à hauteur de 8 milliards d’euros, je ne l’aurais pas cru ! Et pourtant, nous allons réduire de 4 milliards d’euros les dotations et augmenter du même montant les recettes liées à l’activité économique des territoires.
En effet, l’élargissement de la base de la cotisation sur la valeur ajoutée par l’abaissement du seuil de 500 000 euros à 152 500 euros de chiffre d’affaires permettra de donner vraiment une dimension territoriale à cet impôt,…
Mme Nicole Bricq. C’est théorique !
M. Jean-Pierre Raffarin. … ainsi que de responsabiliser les élus tout en laissant l’État assumer entièrement sa responsabilité économique : il sera maître de sa politique dans ce domaine, puisqu’il pourra décider d’autres dégrèvements. De leur côté, les collectivités territoriales bénéficieront de ressources liées à l’activité économique, quand bien même le taux est fixé à l’échelon national.
Cette proposition modifie radicalement l’approche de ce texte. Je tiens à remercier la commission des finances, notamment son président et son rapporteur général, d’avoir mené cette réflexion, qui permet de mettre les collectivités territoriales face à leurs responsabilités économiques et l’État face à ses responsabilités à l’égard des entreprises. C’est un point très important.
Du point de vue de la décentralisation et de l’autonomie financière, même si des améliorations pourraient toujours être recherchées, ce texte apporte un progrès, alors que nous craignions un recul. La tendance est inversée, et cela aussi est très important. Dans les mois qui viennent, nous aurons d’autres débats sur la décentralisation et nous reviendrons sur un certain nombre de convictions fortes que nous n’avons pu exprimer dans ce texte, mais l’approche retenue me paraît être la bonne. Je souhaite que, pendant la période probatoire, nous puissions analyser les choses du point de vue des collectivités territoriales, bien entendu, mais également de celui des entreprises. Nous verrons notamment comment l’État déploiera sa stratégie économique.
Pour faire suite aux propos de M. Longuet, je tiens à indiquer que nous serons attentifs, dans ce nouveau cadre, à la situation des communes qui bénéficient actuellement de la taxe professionnelle versée par les centrales nucléaires. C’est une question qui nous préoccupe grandement, Alain Fouché et moi-même. Pour 2010, les communes sont rassurées, mais quid de leurs investissements pluriannuels ? Dans un département comme celui de la Vienne, 250 communes sur 285 sont concernées : elles ont besoin de visibilité.
En conclusion, monsieur le rapporteur général, je tiens à vous témoigner l’estime des sénateurs pour le travail que vous avez accompli. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Merci !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, nous ne pourrons pas voter votre sous-amendement.
Pour nous faire changer d’avis, il aurait fallu nous démontrer que la solution intelligente du rapporteur général et du président de la commission des finances coûterait deux ou trois fois plus cher à l’État que celle que vous nous proposez.
Or, que l’on parle de réduction d’impôt ou de dégrèvement, le mécanisme est identique, si ce n’est qu’il est beaucoup plus facile de diminuer une réduction d’impôt qu’un dégrèvement.
Depuis un certain nombre d’années, nous avons été tellement échaudés par des compensations annoncées à coups de trompette avant de s’amenuiser comme la rosée du matin s’évapore dès que le soleil se lève (Sourires) que nous préférons le dégrèvement, qui est pour nous une garantie.
Par ailleurs, madame la ministre, je voudrais vous faire remarquer que, depuis la réforme de 1975, tous vos prédécesseurs, lorsqu’ils ont procédé à des modifications, lesquelles sont intervenues dès 1977, ont conservé la liberté de taux accordée à chacune des collectivités.
Réduire le taux de la cotisation sur la valeur ajoutée de 1,5 % à 1,4 %, comme tend à le proposer votre sous-amendement, était l’erreur à ne pas commettre, car cette mesure montre dans quelle direction le Gouvernement souhaite aller… Puisque l’État est le maître du taux et que la majorité vous soutient, vous ne courez pas de risque. En revanche, vous en prenez davantage à l’égard des entreprises, à qui vous avez garanti que l’addition de la cotisation foncière et de la cotisation sur la valeur ajoutée ne dépassera jamais 3 % de la valeur ajoutée. Pour résumer, avec votre sous-amendement, vous nous faites prendre un risque plus important, à l’égard des entreprises, que celui que fait courir, à l’égard des collectivités, le système proposé par la commission des finances !
La nouvelle rédaction de la commission des finances est un tout auquel il ne faut enlever aucune pièce. Aussi, malgré l’attrait d’une affectation de la taxe sur les surfaces commerciales – qui rapporte 500 millions d’euros – au bloc communal, préférons-nous adopter le texte de la commission des finances en l’état, car il nous offre plus de garanties qu’aucun autre mécanisme. L’objectif étant de rassurer l’ensemble des acteurs locaux, je remercie le rapporteur général et le président de la commission des finances d’avoir pris les contacts nécessaires avec nos collègues de l’Assemblée nationale pour réaliser cette opération.
En revanche, personne ne peut assurer que la répartition proposée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre la région, le département et le bloc communal sera la solution permettant de répondre à tous les problèmes.
M. Michel Charasse. On verra !
M. Jean-Pierre Fourcade. C’est pourquoi une période probatoire est nécessaire, comme l’a souligné notre éminent collègue Jean-Pierre Raffarin. Un exercice à blanc pendant six mois ou un an est d’ailleurs ce qui a manqué à la réforme de 1975 pour en mesurer les avantages et les inconvénients, j’en conviens volontiers.
M. Pierre Jarlier. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le dispositif qui nous est proposé aujourd’hui est suffisamment précis pour permettre les simulations. Dans six mois, dans un an ou dans deux ans, nous pourrons y apporter les corrections qui s’imposeraient. Toutes les garanties existent donc.
Je tiens à préciser que les garanties des collectivités territoriales et celles de l’État doivent être examinées ensemble. Vous n’avez pas de risque du côté des collectivités territoriales, madame la ministre, mais vous verrez que, dans quelques temps, un certain nombre d’entreprises vous demanderont de sortir les salaires de la valeur ajoutée. C’est là que nous nous retrouverons pour protéger l’État ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Michel Charasse applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je voudrais revenir sur la question du lien entre l’entreprise et le territoire. Sur ce point, nous sommes en désaccord profond avec certains de nos collègues, en particulier M. Raffarin.
Dans le projet de loi de finances initial, l’intention du Gouvernement était nette et sans appel : les collectivités territoriales ne devaient plus du tout être intéressées au dynamisme économique de leur territoire. Cette orientation était tout à fait inacceptable, et nous avons été nombreux à la refuser.
Pour répondre aux inquiétudes des élus locaux, l’Assemblée nationale, malgré l’opposition du Gouvernement, a adopté le principe d’une répartition territorialisée du nouvel impôt économique pour tous les échelons de collectivités territoriales, le bloc communal devant recevoir 20 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée.
Néanmoins, cette solution était imparfaite, puisque sans modification du barème de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et sans abaissement du seuil d’imposition effectif à 152 500 euros, cette modification aurait entraîné des inégalités de recettes importantes. Ainsi, les collectivités territoriales dont le tissu économique est essentiellement constitué de PME n’auraient perçu pratiquement aucune recette fiscale.
Devant cette solution insatisfaisante, certains de nos collègues ont annoncé que le texte n’était pas acceptable en l’état, notamment du fait que l’échelon local n’aurait pas la maîtrise des taux.
M. Alain Chatillon. C’est pourquoi nous l’avons modifié !
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
M. François Marc. On semble considérer qu’il serait très dangereux pour la République que les élus locaux continuent à voter les taux… Ce raisonnement est difficile à comprendre.
Cette levée de boucliers aurait dû infléchir, a priori, les propositions soumises au Sénat dans le sens d’un accroissement du pouvoir fiscal accordé à l’échelon local. Or c’est précisément sur ce point qu’intervient notre désaccord.
M. Raffarin estime que les collectivités territoriales auraient désormais une plus grande autonomie financière. Mais que signifie ici cette notion ?
M. Gérard Longuet. On l’a déjà expliqué !
M. Jean-Pierre Raffarin. Moins de dotations !
M. François Marc. Qu’est-ce qu’une autonomie financière qui repose sur des paramètres tout à fait illusoires ? L’échelon local n’aura vraiment plus aucun pouvoir.
Quant à nous, nous considérons que, hors d’une véritable autonomie fiscale, il n’est pas d’autonomie des collectivités territoriales.
De ce point de vue, ce que l’on nous propose aujourd’hui n’améliore en rien la situation ; bien au contraire, puisqu’il s’agit de revenir à la rédaction initiale du Gouvernement, en envisageant une répartition macroéconomique de l’impôt pour les régions et les départements, sur la base d’une répartition en « quatre quarts ». L’amendement qui nous est soumis organise ainsi la captation par l’État de l’impôt économique local, insécurise et remet en cause l’utilité de l’existence des collectivités locales concernées.
Les critères de répartition proposés correspondent certes à des charges transférées par l’État aux collectivités territoriales, mais si ces dernières, en particulier les départements, rencontrent aujourd’hui des problèmes, c’est bien parce que l’acte II de la décentralisation n’a pas procuré des compensations à hauteur des charges transférées.
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. François Marc. L’État n’étant pas en mesure d’assurer les compensations nécessaires et devant à présent plusieurs milliards d’euros aux collectivités territoriales, on organise la captation de l’impôt économique à son profit, pour le redistribuer ensuite aux régions et aux départements.
Cette démarche est absolument inacceptable. Elle trouve sa justification dans les imperfections, voire les dérives, de la mise en œuvre de la décentralisation dans le domaine financier. Nous ne pouvons bien entendu accepter le dispositif qui nous est présenté, car il confirme cette perte de compétence fiscale des collectivités territoriales, et même l’accentue à certains égards.
Tous ces éléments justifient notre opposition à l’amendement de M. le rapporteur général, ainsi bien entendu qu’au sous-amendement déposé par le Gouvernement, qui représente un recul par rapport au dispositif de la commission des finances.