M. Michel Bécot. L’article 29 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003 a créé un prélèvement au profit de l’État, qui équivaut au montant de la taxe additionnelle à la taxe professionnelle acquittée par France Télécom pour le financement des chambres de commerce et d’industrie. Or la suppression de la taxe professionnelle ôte toute base légale à ce prélèvement.
Ce sous-amendement est un sous-amendement de coordination, puisque, du fait de la réforme de la taxe professionnelle, nous avons supprimé ce prélèvement dit « prélèvement France Télécom » pour les collectivités territoriales, à compter du 1er janvier 2010.
Le Gouvernement ayant souhaité maintenir ce prélèvement alors même qu’il n’avait pas vocation à être pérenne, je vous propose, mes chers collègues, de prévoir explicitement sa suppression en abrogeant le cadre de l’article 29 de la loi de finances pour 2003, qui le fonde juridiquement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur le sous-amendement n°II-371 rectifié bis ayant pour objet le report au 15 avril, la commission émet un avis favorable, car le dispositif permet une bonne souplesse.
S’agissant du sous-amendement n° II-328, je veux dire à M. Bécot – il le sait d’ailleurs – que nous avons eu ce débat en première partie du projet de loi de finances.
Sur le fond, je suis personnellement d’accord avec lui. La commission défendait initialement une position identique. Mais, monsieur Bécot, nous avons été battus ! Cela peut arriver à tout le monde ! Par souci de cohérence, il faut respecter le vote émis en première partie du projet de loi de finances. Il me semble donc que cet amendement devrait être retiré.
Enfin, je trouve le sous-amendement n° II-370 rectifié, relatif à la perception par douzième, très intéressant. Notre collègue Michel Charasse est effectivement le seul à avoir posé cette question concrète. On nous construit un très beau système, mais on ne sait pas bien selon quel rythme et comment l’argent va rentrer dans la trésorerie des collectivités locales. Par conséquent, madame le ministre, il faudrait, que nous soyons dûment informés à ce sujet et, s’il y a des inquiétudes dans l’assemblée, que vous puissiez les lever.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christine Lagarde, ministre. L’avis du Gouvernement est favorable sur le sous-amendement n° II-371 rectifié bis présenté par M. Michel Charasse, qui vise à reporter de quinze jours la date limite de vote en raison du caractère exceptionnel de l’année 2010.
Le sous-amendement n° II-370 rectifié, quant à lui, est un sous-amendement pratique, parfaitement judicieux, et le Gouvernement est d’accord sur le principe qu’il tend à défendre, et donc à la proposition.
Mais les grands experts qui m’entourent me signalent que la référence et le support législatif que vous avez utilisés, monsieur Charasse, ne sont pas tout à fait appropriés. En effet, l’article L. 2332–2 du code général des collectivités territoriales ne concerne que les impôts perçus par voie de rôle, ce qui n’est pas le cas de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
M. Michel Charasse. Je le sais !
Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous suggère donc que nous retravaillions le texte pour la commission mixte paritaire, dans le but de mettre en place ce mécanisme par douzième, qui permettrait d’éviter les éventuelles situations de trésorerie difficiles que vous évoquez.
C’est donc un accord total sur le principe, mais nous proposons un travail de reformulation afin de disposer d’une base légale nous permettant de mettre en œuvre ce dispositif.
Enfin, s’agissant du sous-amendement n° II-328, je reprendrai un peu l’argumentation que nous avions développée en première partie du projet de loi de finances. Il me semble qu’on ne peut pas, d’un côté, avoir des exigences de réduction de coûts, notamment demander aux agences consulaires que sont les chambres de commerce et d’industrie de réduire de 5 % l’ensemble de leurs dépenses dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, et, d’un autre côté, réintégrer 45 millions d’euros du prélèvement France Télécom, dont on prive le budget de l’État par le même biais.
Par conséquent, monsieur Bécot, je vous demanderai de bien vouloir accepter de retirer votre sous-amendement, tout simplement par souci de cohérence avec la première partie du projet de loi de finances, mais aussi pour ne pas retirer du budget de l’État, au travers de ce sous-amendement, 45 millions d’euros.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur le sous-amendement n° II-371 rectifié bis.
M. Michel Charasse. Je remercie Mme le ministre de son accord pour le report au 15 avril. Le sous-amendement n° II-371 rectifié bis ne pose donc aucun problème : c’est une mesure de bon sens, que le Sénat a déjà votée à plusieurs reprises, dans des circonstances analogues.
S’agissant du sous-amendement n° II-370 rectifié, je sais bien que l’article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales ne s’applique qu’aux quatre taxes directes locales – et à des taxes annexes ou assimilées –, c’est-à-dire la taxe foncière sur les propriétés bâties, et la taxe d’enlèvement des ordures ménagères qui lui est liée, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, la taxe d’habitation et la taxe professionnelle.
À partir du moment où vous supprimez la taxe professionnelle, madame le ministre, le versement par douzième provisoire va s’appliquer à la cotisation foncière locale, puisque c’est un impôt perçu par voie de rôle. Mais – vous avez raison de le souligner – la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ne sera pas perçue par voie de rôle. Dans ce cas, normalement, l’article L. 2332–2 ne s’applique pas, et nous n’avons pas droit au versement par douzième provisoire.
C’est pourquoi je propose, dans ce sous-amendement, de préciser que les dispositions de l’article en question, qui concerne « les quatre vieilles », s’appliquent non seulement aux taxes directes locales maintenues – taxe foncière sur le bâti, taxe foncière sur le non bâti, taxe d’habitation et taxe sur le bâti industriel –, mais aussi à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Je veux bien ne pas insister sur ce point, madame le ministre, mais je ne sais pas quelle autre rédaction vous allez pouvoir trouver, sinon étendre l’application de cet article du code général des collectivités territoriales au recouvrement et au versement de cette cotisation sur la valeur ajoutée.
Monsieur le président, je ne veux pas être plus royaliste que le roi ! Le rapporteur général, qui est tout de même le maître d’œuvre en la matière au niveau de la commission mixte paritaire, a entendu l’intervention de Mme le ministre. Je ferai ce qu’il souhaitera. S’il veut que je retire ce sous-amendement, je le ferai, et nous trouverons la solution en CMP. J’attire néanmoins l’attention sur un point : pour écrire un texte en CMP, mieux vaut avoir déjà adopté quelque chose dans une des deux assemblées. C’est plus sûr !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Frécon. Je souhaiterais une très légère précision. Dans la présentation écrite de ce sous-amendement, il est fait mention d’un report au 15 avril pour les années 2010 et 2011, alors que, dans sa réponse, Mme le ministre n’a évoqué que l’année 2010. Je ne voudrais pas qu’il y ait d’ambiguïté sur ce point : cette disposition porterait bien sur deux années ? (Mme la ministre le confirme.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Nous avons présenté, sur le même sujet, un sous-amendement n° II-341, qui doit être examiné un peu plus loin. Nous proposions un report au 30 avril. Toutefois, si ce sous-amendement n° II–371 rectifié bis était adopté, je considérerais que nous avons gain de cause, obtenant tout de même quinze jours supplémentaires dans ce domaine.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° II-371 rectifié bis.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Bécot, retirez-vous le sous-amendement n° II-328 ?
M. Michel Bécot. Madame le ministre, j’ai un petit souci de compréhension : j’ai tout de même l’impression qu’on veut soustraire 45 millions d’euros aux chambres de commerce et d’industrie. Or celles-ci ont bien des difficultés aussi, et nous en avons besoin dans chaque département pour soutenir les petites et moyennes entreprises. Cela m’ennuie donc beaucoup de retirer ce sous-amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le rapporteur général, je ne comprends pas bien la position défendue sur l’affaire France Télécom, même si j’entends bien qu’un vote a déjà eu lieu. Le Parlement peut aussi s’inventer ses deuxièmes lectures et ses possibilités de débattre…
Au fond, cette affaire France Télécom est une affaire absurde depuis déjà un certain temps. Voilà trois ans, et même plus, que nous demandons que la taxation de France Télécom soit dégagée des collectivités territoriales du fait de grandes injustices. On se souvient qu’un certain nombre de villes avaient fortement protesté sur ces sujets.
Cette année, on reconnaît que le dispositif est absurde pour les villes, mais on le maintient pour les chambres de commerce et d’industrie alors même qu’on envisage une réforme de ces chambres, visant à dégager des économies. Or cette réforme n’est pas forcément bien accueillie sur le terrain : il y a un sérieux débat entre l’échelon régional et l’échelon départemental et, alors qu’elle devait être examinée assez rapidement par le Parlement, elle lui sera soumise en même temps que la réforme des collectivités territoriales, et un dialogue sophistiqué sera engagé entre départements et régions.
On demande d’abord aux chambres de commerce et d’industrie de réduire de 5 % leur budget. On leur propose ensuite une organisation nouvelle, qui va faire débat. Et maintenant, se pose le cas du prélèvement France Télécom, sur lequel les chambres de commerces avaient me semble-t-il compris, au moment des discussions sur la réforme, qu’un accord pourrait être trouvé.
Je trouve que c’est une mauvaise manière d’agir à l’égard de ces structures, structures originales puisqu’elles sont à la fois établissements publics et représentants de tous les types d’entreprise. Je ne comprends pas pourquoi on s’obstine à maintenir cette taxation France Télécom sur les chambres de commerce et d’industrie, alors qu’on l’a levée pour les collectivités territoriales. Reconnaissons le caractère absurde de cette façon de faire !
La position de M. Bécot me paraît donc sage, même s’il va de soi que, comme tous mes collègues, je tiendrai toujours compte de ce que nous dit M. le rapporteur général.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat est intéressant, mais il a eu lieu en première partie du projet de loi de finances. Le sous-amendement de M. Michel Bécot est donc irrecevable. Toutefois, nous aurons l’occasion de revenir sur la question des chambres de commerce et d’industrie lors de l’examen de l’amendement n° II-202.
M. Jean-Pierre Raffarin. Pourquoi ce sous-amendement est-il irrecevable, monsieur le président ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Un vote de seconde partie de projet de loi de finances ne peut pas remettre en cause une décision votée en première partie !
Par ailleurs, s’agissant du sous-amendement n° II-370 rectifié, nous avons bien entendu les observations de Mme la ministre. Mais, pour que la CMP puisse améliorer le texte, il est préférable de voter ce sous-amendement afin que la disposition fasse l’objet de la navette.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Un article de seconde partie de projet de loi de finances ne peut pas avoir d’effet financier l’année suivante, puisque l’article d’équilibre est voté. Donc, quel que soit le vote, un article de seconde partie n’est pas pertinent : il ne peut avoir aucun effet concret à partir du 1er janvier 2010.
Il n’est pas possible de revenir sur le vote acquis en première partie du projet de loi de finances, que, à titre personnel, je déplore. Sur le fond, j’avais en effet développé une argumentation très proche de celle de M. Jean-Pierre Raffarin. C’est pourquoi, compte tenu de la simple application de la loi organique relative aux lois de finances, je demandais, tout à l’heure, le retrait de ce sous-amendement.
M. le président. Le sous-amendement n° II-328 est donc irrecevable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° II-370 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Madame la ministre, levez-vous le gage sur l’amendement n° II-200 ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° II-200 rectifié.
La parole est à M. Albéric de Montgolfier, pour explication de vote sur l'amendement n° II-200 rectifié.
M. Albéric de Montgolfier. On peut dire qu’à l’issue des travaux de la commission, nous sommes parvenus à un équilibre, visible en particulier au travers de l’amendement que nous propose M. le rapporteur général.
En effet, pour le bloc communal, il y aura très clairement un impôt dynamique, puisque basé sur la valeur ajoutée, et localisé. Je retiens surtout qu’il y a un fort pouvoir de taux sur un panier d’impôts diversifiés : c’est ce que nous souhaitions !
Pour les régions et pour les départements, la répartition nationale fait consensus, et s’est imposée d’emblée, parce que les départements, en particulier, ont des charges tout à fait spécifiques. Il n’est pas possible de résoudre à travers le système fiscal qui nous est proposé aujourd’hui l’ensemble des problèmes fiscaux des départements, en particulier face aux charges sociales. En revanche, nous disposons d’un début de mécanisme de péréquation à travers le système fiscal lui-même.
Si nous ne sommes pas parvenus ce soir à affiner totalement les critères de répartition de la valeur ajoutée entre départements, nous disposons néanmoins d’une base de travail qui tient compte notamment de la population, mais également des charges des départements – charges de voiries, charges sociales –, et c’est tout à fait intéressant de pouvoir affiner à partir de cette base.
À travers ce système péréquateur, nous bénéficierons d’une vraie avancée puisque le système fiscal, pour la première fois, proposera des critères qui feront jouer la solidarité nationale.
Je me réjouis donc de la solution d’équilibre à laquelle est parvenue la commission des finances à travers l’amendement que nous propose le rapporteur général. Je voterai cet amendement. (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaiterais une précision s’agissant du sous-amendement n° II-370 rectifié. La règle des douzièmes s’applique-t-elle aux deux blocs : aux communes et aux intercommunalités d’une part, aux départements et aux régions d’autre part ?
Il me semble légitime de poser cette question avant de nous prononcer sur l’amendement n° II-200 rectifié de M. le rapporteur général.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Cet amendement – et en arrière-plan tout ce texte – constitue un tournant décisif pour les collectivités.
En effet, depuis un certain nombre d’années, l’intercommunalité a connu une évolution plutôt favorable ; les lois Chevènement, la mise en place de la taxe professionnelle unique, un certain nombre d’avancées significatives ont rendu possible une véritable progression de l’intercommunalité sur nos territoires.
L’acte II de la décentralisation, malgré ses imperfections, a également permis d’avancer sur le terrain de l’autonomie. Mais cet acte II a aussi opéré un transfert de charges, notamment aux départements, faisant naître ainsi un certain nombre de difficultés de fonctionnement.
Nous avons aujourd’hui dépassé le point critique, parce que nous sommes en train de faire marche arrière par rapport à cette évolution favorable aux EPCI. Nous allons en effet vers la fin de la fiscalité unique des établissements publics de coopération intercommunale puisque nous sommes contraints d’évoluer vers une fiscalité mixte.
Incontestablement, nous allons aussi vers une régression de l’autonomie, contrairement à ce que voulait l’acte II de la décentralisation. Sur ce point, M. Jalon, directeur général des collectivités locales, nous a précisé, lorsqu’il a été auditionné par la commission, que, d’après le ministère de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, le pouvoir d’action des collectivités sur les taux allait diminuer ; mais nous en sommes tous conscients.
Au fond, nous sommes ici face à deux visions antagonistes de la décentralisation.
Le Gouvernement nous propose une conception très libérale de l’action publique, régressive en termes de services publics locaux. Au-delà du transfert de fiscalité des entreprises vers les ménages - il est inéluctable -, le Gouvernement procède avec ce texte à une recentralisation qui va à contresens de l’histoire, reniant ainsi les principes démocratiques selon lesquels le pouvoir doit être rapproché des citoyens.
Aujourd’hui, nombreux sont les experts pour qui ce projet de loi de finances marque une profonde rupture et procède d’une logique de remise en question de la décentralisation. Celle-ci pourrait dès lors n’avoir été qu’une parenthèse de courte durée dans l’histoire de notre République.
Le projet de loi de finances pour 2010 marque une rupture profonde dans le financement de l’action publique locale et la décentralisation. La capacité d’autofinancement du secteur public local s’érode d’ores et déjà régulièrement. Les collectivités locales ont compensé cette dégradation par une augmentation certes raisonnable du recours à l’emploi.
Si cette situation est encore maîtrisée aujourd’hui, elle le sera de moins en moins à l’avenir, dans la mesure où l’effet de ciseaux va s’accentuer considérablement du fait à la fois d’une augmentation inéluctable des dépenses et de la stagnation, voire du recul des recettes.
Le rapport de la mission Belot notait pourtant ceci : « La décentralisation “à la française” s’est construite sur l’autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales ». Il précisait ensuite : « Les impôts locaux ont ainsi pris leur forme actuelle au moment où la décentralisation allait connaître son élan majeur et ils ont efficacement accompagné le développement des services publics et des politiques économiques et sociales locales tout au long des trois décennies qui ont suivi. [...] l’autonomie financière des collectivités territoriale est indissociable, dans le contexte français, d’une large autonomie fiscale
Voilà donc, mes chers collègues, le constat que nous faisons de cette véritable opposition entre deux perceptions de la décentralisation, dont l’une, libérale, marque aujourd’hui un mouvement de recentralisation en privant les collectivités de cette autonomie.
Bien que louant le travail significatif qui a été fait par la commission des finances, nous sommes obligés de constater que s’opère aujourd’hui un recul manifeste et considérable. Cette dérive va conduire progressivement le vaisseau des collectivités locales vers les rochers. Ne sachant pas de quoi demain sera fait, les élus et les décideurs locaux seront face à une insécurité croissante ; il y aura une période probatoire, des clauses de rendez-vous, des échéances dans deux, trois, quatre ans. Un certain nombre de décideurs locaux disposeront donc de capacités réduites et seront contraints à l’inaction.
Ce texte, compte tenu de tous ces éléments, nous paraît très dangereux. L’amendement proposé constitue une avancée, mais dans une philosophie globale que nous ne partageons pas du tout. Nous souhaitons donc le rejet de cet amendement.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. Je voudrais tout d’abord saluer moi aussi la qualité du travail qui a été fait par le rapporteur général, le président de la commission des finances et l’ensemble de cette dernière. Vous avez tiré le maximum de ce texte et j’aurai donc beaucoup de regret, éventuellement, de vous décevoir.
Madame la ministre, l’opposition que j’exprime contre ce texte ne veut pas dire opposition au Gouvernement. Cette réforme, à mon avis, n’empêchera pas les délocalisations. La compétitivité restera en berne parce que nous ne jouons pas sur les bons paramètres. Tout le monde sait que ce sont les salaires et les charges sociales qui ont le plus d’influence sur la compétitivité de nos entreprises. Vous aurez donc l’occasion de voir ces dernières revenir vers vous pour se plaindre de ce problème persistant.
D’autre part, les deux nouveaux impôts qui vont être à leur charge – que ce soit la taxe carbone ou la taxe à l’essieu –vont frapper directement les entreprises dont on veut alléger les charges, annulant ainsi complètement tous les effets positifs attendus.
J’aurais pu changer d’avis sous réserve d’amélioration sur un certain nombre de points, et principalement sur celui de l’autonomie fiscale. Or, celle-ci a été un peu améliorée grâce aux efforts de M. le rapporteur ; mais un peu ne correspond qu’à 700 millions d’euros.
Je voudrais rappeler à tout le monde l’équation ; je parle ici des départements, car je pense que les communes sont relativement bien traitées par la réforme mise en place. Au niveau départemental, donc, l’autonomie fiscale s’appuyait sur 10 milliards d’euros de taxe professionnelle, 5 milliards d’euros de taxe d’habitation, et 5 milliards d’euros de foncier bâti, soit 20 milliards d’euros au total.
Aujourd’hui, il va en rester 7 milliards d’euros, voire 7,5 milliards d’euros. Donc 700 millions d’euros qui permettent de monter à 7,5 milliards d’euros, c’est relativement marginal. Les collectivités n’ont donc plus d’autonomie fiscale, et cela aura des conséquences, madame la ministre.
Personnellement, en tant que gestionnaire d’un département, je vous annonce que, dès que le texte sera voté je n’accorderai plus la garantie du département pour les emprunts des organismes d’HLM puisque je n’aurai plus de quoi couvrir les risques liés à cette garantie.
Nous allons également devoir faire face à une hausse des taux d’intérêt. Je vous parlerai ici de mon expérience : au moment de la mise en place de l’allocation personnalisée d’autonomie, j’ai été contraint d’augmenter les impôts de 8 %, mais j’ai alors pu répartir cette augmentation sur les trois impôts que j’ai cités précédemment.
Si je devais faire le même effort aujourd’hui – et ce sera probablement le cas puisque les dépenses obligatoires connaissent actuellement une dérive de même importance que les dépenses représentées par l’APA lors de sa création –, le taux d’augmentation atteindrait 24 % sur le seul foncier bâti, puisque c’est le seul impôt modulable dont nous disposons aujourd’hui.
Madame la ministre, ce texte organise l’insolvabilité des collectivités locales, et je le regrette.
La territorialisation que j’appelais de mes vœux n’a pas pu être envisagée. Nous allons créer des effets de distorsion qui vont être relativement graves. Dans les communes qui avaient décidé de bien gérer, ou dans les départements qui avaient décidé de ne pas imposer de taux élevés, les impôts des entreprises vont augmenter sans que les collectivités concernées ne bénéficient de recettes fiscales supplémentaires. À l’inverse, dans les collectivités où les taux étaient très élevés, les impôts des entreprises vont baisser sans diminuer les recettes des collectivités concernées. Je pense que c’est un effet secondaire dont vous aurez l’occasion d’apprécier les conséquences.
Une seule mesure, madame la ministre, aurait pu me faire changer d’avis. Elle n’a pas été évoquée ; elle n’est pas à l’ordre du jour, et je le regrette : vous auriez pu apporter en contrepartie de cette diminution d’autonomie fiscale la garantie pour les départements de la couverture des dépenses obligatoires à 80 % au moins par la solidarité nationale. Si vous couvrez à cette hauteur les dépenses obligatoires du revenu de solidarité active, de l’APA, du handicap, des tutelles, alors nous pourrons accepter d’avoir une moindre autonomie fiscale. Dans le cas contraire, je vous l’annonce, vous aurez à gérer des problèmes de collectivités qui seront en insolvabilité.
Je voterai donc malheureusement contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron, pour explication de vote.
M. Adrien Gouteyron. Je veux moi aussi dire à MM. Arthuis et Marini combien j’ai apprécié le travail réalisé en commission des finances. Cette expérience constituera pour moi, et sans doute également pour mes collègues, un souvenir très fort, parce que nous avons eu le sentiment de participer réellement à la production législative, ce qui n’est pas toujours le cas.
Ce texte est marqué de l’empreinte du Sénat, et nous ne pouvons que nous en réjouir, nous et les collectivités que nous représentons.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, j’ai apprécié votre écoute ; ça n’était pas facile. J’ai aussi apprécié la démarche qui a été suivie. Nous sommes ici au cœur de la deuxième étape, de la compensation, après avoir voté la suppression de la taxe professionnelle. Un effort de clarification absolument considérable a été réalisé, ce qui va beaucoup nous aider pour présenter la réforme à nos compatriotes et à nos mandants.
Je partage l’avis qu’Albéric de Montgolfier a exposé tout à l’heure. Je voterai cet amendement en particulier pour le bloc communal, auquel je porte maintenant une attention particulière, après avoir été très longtemps conseiller général. Le texte est à cet égard très équilibré ; il fournit un panier d’impôts au bloc communal qui permet de garantir une solidité dans la fiscalité de ces collectivités tout à fait appréciable.
Je suis personnellement particulièrement sensible à deux points en particulier.
Tout d’abord, le premier concerne, dirai-je, bien que quelques-uns se hérissent quand on emploie ce mot, la « péréquation ». Mais nous pourrions aussi parler de mutualisation, de prise en compte des situations particulières de certaines collectivités, de certains départements, de l’étendue de certains territoires ; en tout cas, il faut bien prendre en compte ces situations-là.
J’ai bien noté que, s’agissant des critères de répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises entre les départements, on allait tenir compte d’un certain nombre de critères. Mais on considérait – et on a sans doute raison à ce point de notre débat – que les choses étaient assez ouvertes.
Je demande instamment qu’il soit tenu compte de critères qui introduisent une péréquation enfin sérieuse. Nous avons l’occasion de le faire, mes chers collègues, ne la manquons pas !
Par ailleurs, madame la ministre, le texte initial ne me donnait pas satisfaction sur un point très particulier mais pour moi d’une grande importance : les communautés de communes à fiscalité additionnelle n’étaient pas prises en compte d’une manière satisfaisante.
Dès la première intervention que j’ai faite à la tribune, j’ai signalé cette difficulté. J’avais le sentiment, madame la ministre, que je n’étais pas bien compris. L’amendement de la commission prend en compte cette réalité, qui est une réalité forte, parce que la moitié des communautés de communes environ sont concernées. Je me réjouis donc qu’il soit tenu compte de ces communautés de commune et des communes qui en font partie.
Je me félicite aussi, monsieur le rapporteur général, de l’adoption du sous-amendement qui prévoit un dispositif permettant de faire évoluer la compensation ou, plus exactement, d’éviter que la compensation ne soit figée. C’est absolument essentiel si l’on veut tenir compte des réalités et des efforts qu’ont accomplis certaines communautés de communes engagées dans ces collectivités. (M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général font un signe d’approbation.)
J’ai donc toutes les raisons de voter cet amendement n° II-200. Je le ferai avec conviction, en me sentant désormais parfaitement capable d’expliquer à nos mandants le sens de notre engagement et de notre vote. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)