M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La suppression – je préfère, quant à moi, parler de réforme – de la taxe professionnelle est, pour le Sénat, un enjeu et un défi extrêmement difficiles à relever. Nous avons avancé pas à pas, sachant que, devant un problème difficile, il faut d’abord choisir la bonne procédure. Madame la ministre, nous avons considéré qu’il fallait bien distinguer les étapes du raisonnement. En d’autres termes, nous avons appliqué – et vous avez bien voulu nous suivre, ce dont je vous remercie – la bonne vieille méthode cartésienne.
Mes chers collègues, malgré les appréciations divergentes que nous porterons tout à l’heure sur le projet de loi de finances, nous pouvons au moins reconnaître ensemble que l’exercice d’explicitation, de pédagogie et de mise en perspective des enjeux de la réforme a été correctement exercé par la Haute Assemblée.
M. Adrien Gouteyron. C’est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En première partie, nous avons précisé les modalités de la territorialisation – notion qui est, à mon sens, essentielle – des nouveaux impôts. Nous avons donné un sens au barème de la cotisation sur la valeur ajoutée, en faisant en sorte que les entreprises payent une cotisation minimale dès leur entrée dans le barème. Nous avons confirmé le principe du raisonnement à droit constant en matière d’exonérations et de zonages. Nous avons resserré le dispositif anti-abus en cas d’opération de restructuration d’une entreprise. Nous avons traité de la situation défavorable dont pouvaient à juste titre se plaindre les entreprises titulaires de bénéfices non commerciaux employant moins de cinq salariés, soit l’essentiel des professions libérales de ce pays. Nous avons préservé l’assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties en concentrant sur l’une des héritières de la taxe professionnelle – la cotisation foncière des entreprises – l’abattement sur les bases du foncier industriel. Nous avons modifié, réorganisé et réaffecté l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux. Nous avons obtenu – même si nous aurions voulu davantage ! – que, pour le mode de calcul de la compensation relais, soit pris en compte le taux de 2009, dans la limite de celui de 2008 majoré de 1 %, et qu’il s’applique aux bases de 2010. Le calcul de cette compensation repose désormais sur une référence sensiblement meilleure. Enfin, nous avons préservé – c’était une question de principe – plusieurs dispositifs exceptionnels de déliaison des taux, sans toutefois nous résigner pour l’avenir. Demain sera un autre jour !
M. René-Pierre Signé. Heureusement !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ce qu’une loi a fait, une autre peut le défaire. Ainsi en va-t-il du principe de continuité de la République.
M. René-Pierre Signé. Vous avez oublié la péréquation !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En seconde partie, nous avons prévu les rendez-vous législatifs de la réforme. Selon l’expression très judicieuse de Jean-Pierre Raffarin, nous entrons dans une période probatoire : nous avons défini une réforme complète, entièrement opérationnelle, ad referendum bien entendu des nouveaux textes à venir. Il faudra réaliser des simulations, pour évaluer en toute transparence les conséquences de la réforme, aussi bien pour les entreprises que pour les collectivités territoriales.
Pour la répartition de la valeur ajoutée, nous avons retenu deux systèmes : l’un pour les communes et intercommunalités – c’est la voie micro-économique –, l’autre pour les départements et les régions – c’est la voie de la péréquation.
Je veux d’ailleurs insister sur ce dernier point. Si les dispositions votées par le Sénat sont appliquées, je pense notamment à la répartition en « quatre-quarts » pour les départements et les régions, on s’apercevra qu’elles sont fortement péréquatrices.
S’agissant de la mise en œuvre de ce nouvel impôt que sera la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, nous avons opéré une dissociation entre les deux versants : du côté des entreprises, l’assujettissement s’établira selon le barème voulu par le Gouvernement, à savoir à partir d’un seuil de 500 000 euros et avec un taux maximal de 1,5 % ; du côté des collectivités territoriales, le produit fiscal sera la résultante de la somme des valeurs ajoutées de toutes les entreprises du territoire à partir de 150 000 euros de chiffre d’affaires, multiplié par un taux uniforme national de 1,5 %.
M. Jean-Louis Carrère. C’est simple !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Entre les deux, l’État joue tout son rôle. D’abord, vis-à-vis des entreprises, il nous invite à voter une nouvelle tranche du plan de relance en leur apportant 11 milliards d’euros d’aides en trésorerie en 2010, ce dont elles ont bien besoin dans la conjoncture actuelle ; ensuite, vis-à-vis des collectivités territoriales, l’État joue son rôle protecteur, car la réforme est bel et bien protectrice, mes chers collègues. C’est d’abord une garantie ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. On n’y croit pas !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle assure la nécessaire association des territoires à la dynamique des entreprises grâce à la base « valeur ajoutée ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Provocateur !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La réforme est très différente de ce qu’elle était en entrant dans cette maison. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.) Regardez les chiffres, c’est une réalité !
En ce qui concerne les communes et intercommunalités, un produit fiscal sera remplacé par d’autres produits fiscaux. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mais oui, mes chers collègues !
Si nous avons adopté le système des dégrèvements, c’est parce que nous savons que ces derniers évoluent comme la matière économique,…
M. Jean-Louis Carrère. Encore faut-il que la matière économique évolue !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … alors que le dispositif de compensation risque de ne pas évoluer. Cette différence est essentielle pour l’avenir. Il reste juste à espérer que le taux de croissance permettra à l’État et aux collectivités territoriales d’avoir des marges de manœuvre.
De plus, la réforme ne préjuge pas celle des institutions territoriales.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je le répète, elle a été conçue pour être votée, je l’espère, à compétences inchangées.
Le débat sur les institutions que nous aurons prochainement aboutira sans doute, je le souhaite, à une clarification des compétences et des responsabilités sur le terrain. Toutefois, il s’agit là d’une autre affaire et il faudra peut-être ensuite revenir sur les aspects fiscaux et financiers pour tenir compte des évolutions de compétences que déciderait le législateur.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. J’en viens à nos apports.
Nous avons supprimé à ce stade le ticket modérateur qui provenait du dernier avatar de la réforme de la taxe professionnelle.
En ce qui concerne le sujet sensible de la péréquation, nous avons considéré qu’il fallait attendre 2015, date postérieure à l’échéance du mandat des actuels conseillers municipaux. Au-delà, le nouveau système de compétences que la loi sur les institutions territoriales mettra en place entrera en vigueur. Par conséquent, nous avons esquissé la transformation du dispositif de compensation, comme Mme le ministre nous le proposait, en un dispositif de péréquation.
Pour ne pas allonger mon intervention, je ne vais pas évoquer tous les sujets. En tout cas, sachez que celui de la taxe professionnelle a été le plus considérable, le plus structurant et, malgré nos approches et nos expériences politiques différentes, le plus fédérateur pour cette maison.
Je tiens quand même à préciser que d’autres sujets ont été abordés. Nous nous sommes préoccupés, par exemple, des chambres de commerce et d’industrie, qui sont des acteurs essentiels du développement économique territorial. En attendant que le projet de loi réformant les réseaux consulaires soit inscrit à notre ordre du jour, nous avons voulu leur offrir une meilleure visibilité financière.
Quant à la taxe carbone, j’en parlerai peu, puisqu’elle n’existe plus. En revanche, je pourrais évoquer la contribution carbone, sa nouvelle dénomination. (Rires sur les travées de l’UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Guy Fischer. Il nous enfume !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat, qui est très attaché à la francophonie et au rayonnement de la langue française, se préoccupe de nommer correctement les choses.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est pourquoi plus personne ne parle de ces substituts à la taxe professionnelle que furent la cotisation complémentaire et je ne sais plus quelle autre contribution.
M. Jean-Paul Emorine. La cotisation locale d’activité !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Voilà, j’avais déjà oublié son nom. (Rires sur les travées de l’UMP.) On ne se souvient plus que de la cotisation foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Mes chers collègues, bien des rendez-vous ont été pris, bien des sujets ont été traités. Il reste cependant beaucoup à faire. Nous nous reverrons très bientôt à l’occasion du collectif budgétaire, qui permettra de répondre à certaines des questions qui ont été posées au cours de ces débats.
Pour conclure, je voudrais remercier à mon tour tous ceux qui ont participé à nos échanges, au premier rang desquels le président Jean Arthuis, car, grâce à lui, la commission des finances a été un lieu de débats, de choix et de prises de responsabilités.
Je remercie également Mme le ministre, MM. les ministres et leurs collaborateurs.
Je salue l’ensemble des groupes de la majorité, en particulier le président Gérard Longuet, qui a pris une part essentielle aux choix qui ont été faits (Applaudissements sur les travées de l’UMP), et le président Nicolas About, qui, je tiens à le souligner, a apporté son éclairage personnel sur bien des sujets. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Je n’oublie pas les membres des groupes de l’opposition (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG), qui ont été très présents tout au long de ce débat et avec qui les échanges ont été courtois.
Enfin, je veux surtout remercier le président du Sénat ainsi que l’ensemble des vice-présidents de nous avoir permis de débattre sereinement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Thierry Foucaud. « Je serai le Président du pouvoir d’achat », c’est ainsi que, en 2007, le candidat Nicolas Sarkozy tentait de séduire l’électorat populaire pendant la campagne électorale.
M. Guy Fischer. Il a menti !
M. Thierry Foucaud. Deux ans et demi plus tard, après l’explosion de la bulle financière des marchés boursiers, où en est-on ? Où sont passées les promesses d’hier ?
Mme Éliane Assassi. À la trappe !
M. Thierry Foucaud. Aujourd’hui, la France compte tant de chômeurs qu’il faut truquer tous les mois les statistiques en inventant de nouvelles catégories de sans-emploi pour masquer le mal profond qui ronge le pays. Grâce à ces artifices, on transforme 4 millions de privés d’emploi en 2,6 millions !
La valeur travail que l’on prétendait réhabiliter a fait place à de l’inquiétude à cause de la précarité et du stress. Dans bien des cas, le travail est presque une maladie qui se décline aussi en suicides de salariés, victimes des cadences, de la productivité et de règles de management libéral doctrinaires et dépassées.
Qu’en est-il du pouvoir d’achat ?
Celui des fonctionnaires est régulièrement ponctionné, celui des salariés du privé souffre, en particulier du chômage technique, et les ménages puisent de plus en plus dans leur épargne pour faire face au quotidien.
Quant à la baisse des impôts, à qui profite-t-elle ?
Ni aux salariés, ni aux consommateurs, ni aux familles, qui voient chaque jour ou presque apparaître une nouvelle taxe qui s’ajoute aux autres : taxe carbone, péages urbains, taxe sur les achats de poisson, hausse continue des taxes sur l’essence, flambée des impôts locaux du fait des transferts aux collectivités locales non compensés, hausse déguisée de l’impôt sur le revenu pour les salariés modestes et moyens. Voilà le bilan de deux ans et demi de sarkozysme !
M. Robert Hue. C’est vrai !
M. Thierry Foucaud. Ce bilan comprend aussi l’allégement de l’ISF, de la fiscalité du patrimoine, de l’imposition des plus hauts revenus ainsi que le renforcement du bouclier fiscal, …
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Thierry Foucaud. … toutes mesures ne profitant qu’à une minorité de privilégiés, qui savaient fort bien que le discours du printemps de 2007 n’était que de façade.
Ce projet de loi de finances en est une démonstration remarquable et quasi caricaturale : on supprime la taxe professionnelle – mesure attendue depuis trente ans par le MEDEF – et on invente la taxe carbone.
Avec les amendements du Sénat, 11,5 milliards d’euros sont donnés au patronat et 4,5 milliards d’euros sont prélevés sur les autres.
On continue de mettre en cause la demi-part des mères célibataires, mais on permet à quelques contribuables âgés aisés de faire une donation à leurs petits-enfants et arrière-petits-enfants.
On taxe les accidents du travail, réduisant l’initiative parlementaire à la conception de mauvais coups contre le monde du travail, …
M. Guy Fischer. C’est une honte !
Mme Annie David. C’est indécent !
M. Thierry Foucaud. … ou on alourdit l’impôt sur le revenu des ménages salariés, mais on poursuit les cadeaux fiscaux aux détenteurs de patrimoine, aux spéculateurs immobiliers, tandis que le contrôle fiscal se relâche à l’encontre des plus grandes entreprises et des plus fortunés.
Pour faire bonne mesure, on supprime au passage plus de 36 000 emplois de fonctionnaires, laissant sur le carreau autant de jeunes à la recherche d’un emploi stable.
On comprime, on réduit les dépenses au nom d’une orthodoxie libérale totalement inadaptée.
Pendant ce temps, les déficits grimpent, la dette augmente et, bien sûr, la reprise n’est pas au rendez-vous. Deux ans et demi de sarkozysme, ce sont 150 milliards d’euros de déficits publics et 1 200 milliards d’euros de dette publique.
La seule reprise à laquelle on assiste, c’est celle du chômage avec un flot de 52 400 nouvelles inscriptions en octobre dernier, portant le nombre de chômeurs supplémentaires pour cette année à plus de 500 000. Je note d’ailleurs que le mot « chômeur » n’a pas beaucoup été prononcé pendant l’examen du projet de loi de finances du côté droit de l’hémicycle.
M. Gérard Longuet. Nous parlons d’emploi !
M. Thierry Foucaud. Nous ne saurions non plus nous satisfaire que la France enregistre une récession de deux points en 2009. Car nous savons parfaitement que ce sont les salariés qui en paieront le prix fort et que les outils dont le Gouvernement entend se servir pour la relance sont pour le moins dangereux, voire carrément inefficaces, à l’instar de cette réforme du crédit d’impôt recherche qui n’a relancé que le volume de la dépense fiscale en faveur des entreprises ou, plus précisément, de leur optimisation financière.
J’en reviens à la taxation des accidents du travail.
Cette disposition consistera à rendre imposable l’indemnité dont bénéficiera un policier blessé en mission, placé en incapacité temporaire de travail. Que la majorité sarkozyste puisse ainsi oublier les plus sûrs défenseurs de la loi et de l’ordre nous surprend quelque peu !
Oui, cette disposition est obscène ! C’est une insulte faite au monde du travail et, tout comme mon groupe, j’ai honte. (M. Guy Fischer applaudit.)
Pour le reste, que dire de plus ?
On a fait de la discussion de la réforme des finances locales et, surtout, de la suppression de la taxe professionnelle, la première manifestation d’une réforme des collectivités locales autoritaire et dirigiste.
Ce gouvernement n’aime pas, pas plus que sa majorité, la démocratie de proximité. Il n’apprécie pas le dévouement, pourtant souvent désintéressé, de nos centaines de milliers d’élus locaux. Ce sont pourtant eux qui font vivre au quotidien le creuset où se forge la parole de la France, parole que MM. Sarkozy et Besson veulent enfermer dans leur conception étriquée, sectaire et politicienne de l’identité nationale.
Nous nous faisons, nous, une autre idée de la France, généreuse et solidaire, en tous points opposée à celle que s’en font les patrons de l’économie mondialisée !
Le projet de loi de finances pour 2010 tourne le dos à cet idéal républicain. Il vient s’ajouter au bilan calamiteux de l’actuel Président de la République.
Les lois de circonstance et d’affichage entraînent confusion et inefficacité. Les lois « faits divers » débouchent sur la hausse de la délinquance et les lois sur le pouvoir d’achat sur la paupérisation des salariés. Il est temps, il est grand temps de changer de politique !
Et pourquoi ne pas changer aussi le capitalisme, comme si était si fièrement engagé Nicolas Sarkozy ?
Mes chers collègues, des signes semblent clairement montrer ces derniers temps que d’autres voies sont possibles, à l’instar de la mobilisation populaire contre le projet de loi préparant la privatisation de La Poste. Dans la France profonde, des élus, des citoyens de toutes obédiences, y compris des proches de l’actuelle majorité parlementaire, ont manifesté leur attachement au service public postal.
De même, les élus locaux ont parfaitement compris que la fiscalité locale serait désormais durablement supportée par les familles. Peu à peu, les collectivités locales vont être asphyxiées et l’existence des communes menacée.
Aujourd'hui, les salariés de France Télécom sont en mouvement dès que l’un de leurs collègues met fin à ses jours, victime du stress. Le monde du travail est à nouveau en situation de combat politique direct contre le patronat sur le sens de la valeur travail. Le travail ne peut être une maladie qui pousse au suicide. Le Président du travail et du pouvoir d’achat devrait l’entendre.
Aujourd’hui, les agents des musées, attachés à la notion de service public culturel, sont en lutte contre la marchandisation de leur métier.
Aujourd’hui, les salariés de Radio France International luttent contre le démantèlement de l’outil essentiel de connaissance de notre pays dans le monde qu’est ce canal radiophonique.
Aujourd’hui, les journalistes et les personnels de l’Agence France-Presse luttent contre le démantèlement du statut de l’Agence.
Aujourd’hui, les hospitaliers, des aides-soignants aux chefs de service et doyens de CHU, sont vent debout contre la réforme de l’hôpital qui vise à détruire l’équipement sanitaire de notre pays.
Aujourd’hui, les chauffeurs routiers sont sur le point de déclencher un mouvement social majeur.
Aujourd’hui, les agriculteurs, enfin libérés de la pression des alliés du MEDEF, toujours au premier rang pour tenter de canaliser et d’enrayer les mécontentements, exigent leur dû et une juste rémunération de leur travail, qu’il s’agisse des producteurs de fruits et de légumes ou des producteurs laitiers.
Ces revendications multiformes se sont traduites, tout au long de l’année 2009, par bien des événements et des manifestations.
L’action revendicative est d’ailleurs criminalisée dans la France de Nicolas Sarkozy, comme le montre le cas de SFR, dont la direction veut interdire à certains syndicats d’exister au motif qu’ils agissent contre le système économique en vigueur.
Ces manifestations de la vitalité démocratique de la société française et du monde du travail, vous ne les appréciez guère, chers collègues de la majorité !
Au terme de cette discussion budgétaire, qui a montré une fois de plus les limites des choix libéraux dont notre pays est depuis si longtemps victime, nous voyons dans les mobilisations qui montent, dans la vitalité de la contestation, dans la prégnance des critiques et des oppositions aux choix faits par le Gouvernement de réels signes d’espoir.
La confiance dans la toute puissance du marché et de l’économie libérale ayant été très entamée par les événements de l’an dernier, le besoin de construire autre chose se fait de plus en plus fort.
Nous avons tenté au cours de l’examen de ce projet de loi de finances de tracer des pistes et de proposer d’autres voies politiques, car la France en a le plus urgent besoin.
Rendre toute son efficacité sociale à l’impôt, décourager la spéculation financière, faire justement contribuer les entreprises au bien commun, assurer une nouvelle orientation de la dépense publique plus conforme aux besoins et aux attentes de la population, tel a été le fil rouge de notre démarche.
La plupart de nos propositions ayant été repoussées, elles sont contributions pour construire et penser l’après, cet après que nous attendons avec une patiente ardeur, pour faire enfin droit à la justice et à l’égalité, pour proposer au peuple de ce pays les véritables réformes qu’il attend et sortir de la crise !
En remerciant l’ensemble des agents du Sénat pour leur disponibilité et leur dévouement, je ne peux que vous confirmer, mes chers collègues, qu’en parfaite connaissance de cause le groupe CRC-SPG ne votera pas (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) le projet de loi de finances pour 2010 tel qu’il résulte des travaux du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, chers collègues, et, pour beaucoup d’entre vous, chers amis, au lieu de nous mobiliser sur une stratégie de sortie de crise, le Gouvernement a choisi de porter le fer contre les collectivités locales, qui ont pourtant hautement contribué à rendre moins insupportable l’année 2009, marquée par la tourmente économique et sociale.
Les collectivités territoriales ont servi d’amortisseur social en même temps qu’elles ont soutenu l’investissement public, alors que l’investissement privé était en panne et qu’il le demeure. Pour les remercier, le Gouvernement supprime leur impôt économique. À terme, elles seront donc contraintes de réduire la voilure de leurs initiatives et/ou d’augmenter les impôts de ceux qui les paient déjà, à savoir les classes moyennes.
Les collectivités territoriales sont sommées de contribuer à la réduction de l’endettement public alors que, dans la dernière période, elles ont diminué leur propre endettement pour honorer, il est vrai, l’engagement de campagne du candidat à l’élection présidentielle ; il fallait un allègement général de la fiscalité des entreprises.
Il ne s’agit là que du premier acte d’une bien mauvaise pièce, dans l’attente des projets de réorganisation territoriale. Ceux d’entre nous qui s’étaient fait qualifiés de façon retentissante dans la presse de « frondeurs » ont finalement donné raison à Mme la ministre de l’économie et des finances,…
M. Jean-Louis Carrère. Ils ont cassé l’élastique de la fronde !
Mme Nicole Bricq. … qui avait déclaré qu’il n’y avait pas de fronde. Je regrette que M. Raffarin ne soit pas dans l’hémicycle en cet instant, car j’aime bien dire les choses en face.
J’aurais donc voulu dire à M. Raffarin, qui avait pris la tête de ce mouvement, mais qui a finalement voté la suppression de la taxe professionnelle et qui s’en est bruyamment réjoui dans les médias, ainsi qu’à tous ses collègues qui ont voté comme lui, qu’ils ont entériné la perte d’autonomie fiscale des collectivités territoriales. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. René-Pierre Signé. Ils se sont couchés !
Mme Nicole Bricq. L’État aura la main complète sur les finances locales. Le beau livre ouvert en 1981, avec les grandes lois décentralisatrices, sera ainsi refermé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.) Si ce fut si facile, madame la ministre – finalement, vous devriez remercier M. Raffarin – c’est parce qu’un gouvernement qu’il dirigeait a transféré aux collectivités locales des dépenses dynamiques assorties de recettes atones. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Adrien Gouteyron. Et l’APA ?
Mme Nicole Bricq. Ce gouvernement n’a pas voulu inscrire dans la Constitution l’autonomie fiscale à la place de l’autonomie financière. Toutes les clauses de rendez-vous du monde ne suffiront pas à faire oublier cette tare originelle. Ces rendez-vous, que vous avez multipliés et étalés dans le temps, laissent les élus locaux dans l’instabilité. Aujourd’hui, après le débat au Sénat, ils ne sont assurés de rien.
Les élus locaux, accusés d’être dépensiers, …
M. Dominique Braye. Les régions, oui !
Mme Nicole Bricq. … sont les boucs émissaires du Gouvernement et de son chef véritable, le Président de la République, qui ont été pris à contre-pied par la crise financière eu égard à leurs orientations fiscales inconséquentes de 2007. Malgré la crise, ils n’ont cependant renoncé à aucun de leurs choix fiscaux initiaux, dans la continuité, du reste, des gouvernements qui se sont succédé depuis 2002.
Je vous épargnerai une longue litanie, mais permettez-moi tout de même de citer quelques exemples : le relèvement du bouclier fiscal, les allègements de droits de succession, les dépenses fiscales improductives. Et la liste n’est pas close, si l’on en juge par l’abaissement du taux de la TVA pour la restauration, mesure onéreuse et, à ce jour, accordée sans contreparties.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
Mme Nicole Bricq. A contrario, le Gouvernement et sa majorité se sont mis en chasse des plus faibles.
M. Guy Fischer. C’est la chasse aux pauvres !
Mme Nicole Bricq. Quelle preuve de grand courage, en effet, chers collègues, que de s’attaquer aux accidentés du travail ! (Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !