compte rendu intégral
Présidence de M. Roland du Luart
vice-président
Secrétaires :
M. Marc Massion,
M. Bernard Saugey.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Lutte contre la fracture numérique
Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à la lutte contre la fracture numérique (nos 121, 138, 137 et 145).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de la prospective et du développement de l'économie numérique. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons aujourd’hui en séance publique la deuxième lecture de la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique.
À la fin du mois de juillet, lors du vote de ce texte en première lecture, vous m’aviez confié une lettre de mission, notamment pour trouver les ressources financières nécessaires à la réduction de la fracture numérique. Je vais essayer de vous convaincre ce matin que cette lettre de mission a largement été remplie, tant pour le très haut débit que pour la télévision tout numérique terrestre.
J’évoquerai d’abord les réseaux à très haut débit.
Plus que jamais ces nouveaux réseaux représentent un véritable défi pour le maintien de la compétitivité mais aussi pour la société.
L’État est conscient de ce défi. La loi de modernisation de l’économie, discutée ici même l’année dernière, a défini le cadre de développement de ces réseaux, que le Gouvernement s’attache, depuis lors, à mettre en œuvre. Les schémas directeurs, tels qu’ils ont été proposés au Sénat et dont la mise en œuvre a été renforcée à l’Assemblée nationale, seront un outil essentiel.
Le premier enjeu est la libération des investissements privés. La proposition de loi issue du Sénat prévoyait plusieurs mesures afin de compléter le cadre législatif dans les zones très denses. L’Assemblée nationale les a validées et le Gouvernement y est bien entendu favorable.
Au-delà des zones très denses, les différents acteurs, publics et privés, seront amenés à coopérer, afin de mutualiser les investissements et d’éviter une dispersion nuisible à leur rentabilité.
La proposition de loi issue du Sénat prévoyait ainsi plusieurs dispositions visant à accélérer le déploiement des réseaux en fibre optique dans les zones les moins denses de notre territoire.
Je pense à la possibilité – et ce n’est qu’une possibilité – pour les collectivités locales de devenir investisseurs minoritaires dans les réseaux, ou à la mise en œuvre de nouvelles compétences par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP. Ces dispositions ont été validées par l’Assemblée nationale.
Il s’agit d’anticiper l’avenir et d’éviter qu’une nouvelle fracture numérique ne se développe. Cela nécessite de coordonner les fonds publics et les fonds privés.
La proposition de loi issue du Sénat prévoyait également la mise en œuvre d’un fonds d’aménagement numérique des territoires. J’ai personnellement défendu à l’Assemblée nationale l’idée de ce fonds, qui était contestée par certains, de nombreux députés souhaitant le supprimer ou l’alimenter par une taxe qui nous semblait contre-productive, à ce stade de développement des réseaux, sur les investissements privés.
Par ailleurs, la commission sur le grand emprunt a proposé que soient réservés 4 milliards d’euros au développement de l’économie numérique, dont 2 milliards d’euros pour l’accès au très haut débit. Ce montant sera un élément crucial pour l’investissement au profit de tous les territoires et valide de fait votre proposition de créer un fonds d’aménagement numérique. J’aurai l’occasion ce matin de revenir plus en détail sur nos hypothèses économiques et sur la façon dont la commission sur le grand emprunt a calibré sa proposition.
Voilà quelques jours, le Président de la République déclarait : « Sur le numérique, on sera au rendez-vous. Nous ne voulons pas prendre de retard sur le très haut débit. »
Enfin, le passage à la télévision tout numérique permettra de libérer des fréquences de bonne qualité ; c’est le dividende numérique. Ce dividende permettra, notamment pour les zones les plus reculées, de développer des services à très haut débit. Le Parlement sera bien entendu consulté sur les conditions d’attribution de ces fréquences, comme vous l’avez proposé en juillet et comme l’Assemblée nationale l’a confirmé la semaine dernière.
Permettez-moi maintenant d’évoquer le passage à la télévision tout numérique terrestre.
La proposition de loi aborde les enjeux structurants de la télévision numérique terrestre, la TNT, dans le cadre de l’extinction de la télévision analogique prévue avant le 30 novembre 2011, date à laquelle 100 % des foyers devront recevoir la TNT. Le Gouvernement y veillera.
Le passage à la TNT, vous le savez tous, n’a rien d’anodin et nous avons eu l’occasion d’en discuter en juillet dernier. Pour emporter cette bataille et concrétiser le dividende numérique, qui est important pour nos territoires et, en particulier, pour les moins denses d’entre eux, nous devons d’abord informer et accompagner les foyers, en premier lieu les plus défavorisés, ainsi que les publics sensibles, ceux qui sont les plus éloignés du numérique, dans le cadre du programme de basculement progressif et régional que nous avons adopté.
C’est l’objet du programme national d’accompagnement que le Gouvernement a mis en place pour tous les Français, en y consacrant 277 millions d’euros, dont 40 millions d’euros provenaient d’un arbitrage du Premier ministre consécutif aux discussions que nous avions eues sur le sujet de la TNT au Sénat, à la fin du mois de juillet dernier.
Dans la continuité des travaux effectués par le Sénat, à l’occasion de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, nous avons décidé de compléter ce dispositif. Le 21 octobre dernier, le Premier ministre a ainsi pris plusieurs mesures, qui ont toutes été retranscrites dans le texte qui vous est aujourd'hui soumis.
Quelle sera l’incidence de ces mesures ? D’abord, elles permettront d’améliorer la couverture « hertzienne », comme vous le souhaitiez, grâce à une augmentation raisonnée des puissances des émetteurs. Les effets n’en seront pas négligeables, puisque cela permettra de couvrir 1,6 % de la population en plus. Dans certains territoires, les plus défavorisés en termes de couverture hertzienne, ce taux pourra atteindre jusqu’à 6 %.
Tous les foyers situés en zone d’ombre de la réception hertzienne numérique – ceux qui avaient l’analogique par l’antenne râteau et qui n’auront pas le numérique par ce biais – bénéficieront d’une aide pour accéder à la TNT, notamment par le satellite. Cela représente un effort financier important, auquel les chaînes devront participer, comme le réclamaient de nombreux élus. Il est évalué à 56 millions d’euros, qui s’ajoutent aux 40 millions d’euros déjà évoqués, soit au total près d’une centaine de millions d’euros.
Certaines collectivités souhaitent maintenir la diffusion hertzienne dans les zones d’ombre, parfois pour un nombre limité de foyers, ce qui, de notre point de vue, n’est pas rentable, mais peut correspondre à un choix politique local. Conscient que ce souhait est partagé par nombre d’entre elles, l’État a décidé de les accompagner financièrement dans cette démarche d’investissement, en tenant compte des aides qu’il aurait accordées à ces foyers pour s’équiper d’une parabole. L’aide sera donc pour partie proportionnelle.
Par ailleurs, et l’idée en revient à Pierre Hérisson, auquel je veux rendre hommage, nous avons institué des commissions territoriales pour la TNT, réunissant des élus, le GIP et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, afin de s’assurer que le passage au tout-numérique respecte l’équité territoriale. Plus qu’une simple commission de suivi, il s’agit véritablement d’une commission d’anticipation et d’un lieu de négociation, le cas échéant, d’une convention entre le GIP et une commune qui serait soumise à des conditions particulières.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ces mesures ont déjà été toutes testées dans le Nord-Cotentin, où la troisième et dernière opération pilote, et celle de plus grande ampleur, du passage au tout-numérique a eu lieu il y a quelques semaines, le soir du match France-Irlande pour être précis !
Les résultats ont été très positifs. Tout a été fait pour réduire au minimum le risque d’écran noir, et associer pleinement les élus à cette transition. Un dispositif d’accompagnement spécifique a été mis en place après l’arrêt, car nous nous sommes rendu compte de la nécessité d’une telle mesure, quelle qu’ait été la qualité du dispositif d’anticipation.
Les enseignements que nous tirerons de cette expérience pilote nous permettront d’enrichir le dispositif existant en vue du passage au tout-numérique de l’Alsace le 2 février prochain. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, au début de l’année prochaine, les opérations pilote cesseront et le basculement se fera région après région.
La fracture numérique n’est pas une fatalité. L’écran noir ne l’est pas davantage. Au travers de l’enrichissement qu’a connu le texte depuis sa première lecture au Sénat, j’ai le sentiment que le Gouvernement a rempli la lettre de mission qui lui avait été confiée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France est aujourd'hui à la croisée des chemins : la crise doit nous inciter à repenser notre modèle de croissance et à saisir les nouvelles opportunités technologiques.
À l’évidence, le très haut débit est l’une des clés de la croissance de demain, et ce pour trois raisons.
La première est d’ordre économique. Plus on investit dans le très haut débit, plus on augmente la productivité. L’impact de cet investissement est trois fois plus important que n’importe quel autre. Les nouvelles technologies de la communication engendrent déjà plus du quart de la croissance en France.
La deuxième raison est d’ordre sociétal. Jusqu’à présent, les applications, les services et les usages ont pu tenir dans la paire de cuivre traditionnelle du téléphone commuté. La France obtient des résultats satisfaisants pour le haut débit : le taux de pénétration est relativement important puisque 19 millions de foyers y sont reliés, et notre pays est le leader mondial de la télévision par ADSL. En revanche, pour les futurs usages, la paire de cuivre ne suffira pas et des bandes passantes beaucoup plus larges seront nécessaires. Certains affirment que nous n’avons pas besoin de plusieurs dizaines, voire d’une centaine, de mégabits. Mais le seul accroissement de la bande passante déployé cette année, au niveau mondial, par les opérateurs équivaut à la totalité du réseau mondial il y a seulement deux ans ! La demande de débit est exponentielle.
La troisième raison est d’ordre environnemental. Actuellement, nos ordinateurs consomment trop d’électricité. Un certain nombre de rapports, dont le rapport Smart, nous laisse à penser que nous pourrions éviter demain 15 % des rejets mondiaux de CO2 dans l’atmosphère grâce à un usage plus intensif de ces nouvelles technologies, ce qui est considérable. Il faut le répéter, c’est une externalité positive, à laquelle Mme la secrétaire d'État sera, j’en suis certain, très sensible.
À l’avenir, l’infrastructure essentielle sera bien évidemment le très haut débit, qui doit être un atout, et non un risque ou une menace, notamment en France, où la part de la ruralité est très importante. Mes chers collègues, je tiens à le dire, nous ne devons laisser aucun territoire métropolitain ni ultra-marin sur le bord du chemin. Très souvent, nous, élus ruraux, réclamons une meilleure couverture au nom du principe de l’égalité, ou de la non-discrimination, mais nous pourrions nous appuyer également sur un argument économique. Selon une étude parue il y a quelques mois, l’accroissement de 10 % du taux de couverture d’un territoire augmente le PIB de 1,3 %. Alors, soyons fiers de réclamer une couverture territoriale complète, qui est avantageuse non seulement pour l’aménagement du territoire, mais également pour le développement du PIB et de l’économie.
Partant du constat que le très haut débit est fondamental pour l’avenir, notre collègue Xavier Pintat, que je voudrais saluer, avait déposé cette proposition de loi, laquelle contient des pistes extrêmement intéressantes que nous avons reprises et même confortées lors de son examen en première lecture à la fin du mois de juillet dernier. Sur l’initiative de la commission de l’économie, nous avions tenu à compléter le texte en ajoutant un objectif de réduction de la fracture numérique existante, notamment en matière de TNT.
La proposition de loi a ensuite été examinée par l'Assemblée nationale, qui en a confirmé l’économie et validé la plupart de nos choix, en précisant ou complétant un certain nombre d’articles. Le texte comprend désormais deux titres, l’un sur la TNT, l’autre sur le très haut débit. Cinq articles importants, alors que la proposition de loi comportait un petit nombre d’articles, ont été validés en l’état, notamment ceux qui sont relatifs à la mutualisation de la partie terminale de la fibre dans les immeubles, à la possibilité donnée aux collectivités d’intervenir comme investisseur minoritaire dans les réseaux de très haut débit et aux modalités d’octroi du dividende numérique, essentielles en milieu rural pour s’assurer du contrôle parlementaire sur l’affectation de ces fréquences « en or ».
L'Assemblée nationale a apporté un certain nombre de clarifications, notamment en ce qui concerne la TNT. Mes chers collègues, vous vous en souvenez certainement, sur ce sujet, le Sénat avait souhaité une meilleure information, notamment des maires, et demandé au Gouvernement de réfléchir à un fonds d’équité territoriale pour aider ceux qui seraient privés d’une bonne réception hertzienne. Nous avions par ailleurs complété la disposition relative au CSA pour que ce dernier adopte des objectifs de couverture minimale au niveau départemental et national.
L'Assemblée nationale a ajouté un certain nombre d’éléments, notamment en matière d’information.
Madame la secrétaire d'État, vous avez évoqué à l’instant les commissions départementales, qui auront un rôle fondamental. Non seulement elles devront établir un diagnostic, mais elles auront également le droit et le devoir de formuler des recommandations. Elles pourront être le lieu de négociations utiles entre l’État, le GIP France Télé Numérique, le CSA bien sûr, et les collectivités.
Je voudrais d’ailleurs rendre hommage au précédent président du GIP, Philippe Levrier, qui a démissionné pour des raisons personnelles, et saluer son successeur, Louis de Broissia, notre ancien collègue, qui avait porté le texte en 2007 sur la télévision du futur. Sa nomination à la tête du GIP est de nature à nous rassurer.
Toujours en ce qui concerne la réduction de la fracture numérique, l’Assemblée nationale a souhaité obtenir une meilleure couverture du territoire par la TNT. En imposant au CSA de doubler les puissances apparentes rayonnées des émetteurs, nous allons passer de l’objectif législatif de 95 % de la population couverte à un objectif réel de 96,6 %.
Même si, en moyenne, une telle mesure ne permet d’augmenter que de 1,6 % le taux national de couverture de la population, les départements les moins bien servis, dont je pourrais vous citer un certain nombre d’exemples, pourront gagner 4, 5 ou 6 points de taux de couverture, ce qui représenterait un progrès considérable.
Lors de la première lecture, nous avions évoqué la possibilité d’un fonds qui permettrait aux foyers non couverts par l’hertzien numérique de bénéficier d’une aide. Ce fonds est désormais inscrit dans le texte. Il vous revient de confirmer cette disposition importante. S’ils sont situés en zone d’ombre et quelles que soient les conditions de ressources, les foyers pourront recevoir une aide de 250 euros de l’État pour les moyens d’accès alternatifs, notamment satellitaires. Ainsi, 100 % de la population française sera bien en mesure de recevoir la télévision numérique avant le mois de novembre 2011.
Enfin, les collectivités pourront avoir la possibilité de financer des réémetteurs, des émetteurs secondaires, pour augmenter la couverture hertzienne numérique sur leur territoire.
L’Assemblée nationale a ajouté deux mesures.
Sur la TNT, le CSA devra remettre un rapport sur la réception dans les zones de montagne, qui peuvent poser des problèmes spécifiques, dans les trois mois suivant la promulgation de la loi.
Au sujet de la télévision mobile personnelle, il est prévu de créer une société qui permettrait véritablement de relancer la télévision mobile personnelle, dont le dossier est quelque peu embourbé depuis quelques mois.
En ce qui concerne le deuxième titre – le très haut débit –, qui était le cœur du dispositif que Xavier Pintat nous avait proposé, nous souhaitons que le Gouvernement, les opérateurs et les collectivités fassent preuve de beaucoup de pragmatisme. Nous avions toujours indiqué que notre souhait était de tirer le meilleur parti de toutes les technologies : fibre optique, hertzien – en raison du dividende numérique dans les zones les plus rurales, les plus dispersées en habitat –, et satellite.
Nous devons également faire preuve de pragmatisme pour exploiter les ouvrages de génie civil, et l’Assemblée nationale a précisé des dispositifs qui nous permettent d’utiliser tous les poteaux aériens pour minimiser les coûts. N’oublions pas que 70 % à peu près du coût de la fibre relève du génie civil.
Enfin, il faut également faire preuve de pragmatisme pour prévoir la meilleure articulation possible entre opérateurs privés et publics. Il faudra se tenir à égale distance de la subvention trop facile et de la taxation désincitative.
L'Assemblée nationale a complété et clarifié les dispositions relatives aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, qui seront des outils décisifs dans les territoires.
Mes chers collègues, le cadre reste celui que nous avions fixé. Ces schémas seront établis au moins au niveau du département afin de rendre la péréquation possible, sur l’initiative des collectivités, et non du préfet, de l’État ou des opérateurs. Ils associeront l’ensemble des collectivités et des opérateurs. L’Assemblée nationale a souhaité faire respecter cette exigence en prévoyant que l’ARCEP sera prévenue, et qu’elle rendra publique l’information.
L’Assemblée nationale a précisé que le très haut débit pouvait inclure l’accès satellitaire, ce qui est une bonne mesure, et qu’il n’y aurait qu’un seul schéma directeur sur un territoire, comme nous l’avions imaginé, mais peut-être les choses vont-elles mieux en les disant.
L’article 4 relatif au Fonds d’aménagement numérique des territoires est l’autre élément fondamental du dispositif prévu par la proposition de loi.
L’Assemblée nationale a décidé que les critères d’attribution des aides seraient précisés par décret. Je souscris totalement à cette disposition. Le principe fondamental est simple : les aides attribuées par le fonds devront être destinées aux territoires qui en ont le plus besoin. Il n’est pas question que les collectivités territoriales et l’État financent par de l’argent public des projets que les opérateurs privés pourraient eux-mêmes assumer.
Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, l’objectif de péréquation des coûts et des recettes sur le périmètre de chacun des schémas directeurs concernés demeure. Ceux-ci devront englober avec un maillage départemental minimal des zones rentables, par exemple des petites villes et, bien entendu, des secteurs ruraux.
J’en viens aux critiques relatives au « fonds sans fonds ». Que n’avons-nous entendu en première lecture ! Il nous a même fallu nous battre pour le maintenir. Sachez, mes chers collègues, que le rapport de Michel Rocard et d’Alain Juppé envisage d’affecter 2 milliards d'euros à ce fonds sur les 4 milliards d'euros consacrés au développement de l’économie numérique. Ce n’est bien entendu qu’une proposition, pour l’instant.
Pour moi, comme pour vous, j’en suis sûr, madame la secrétaire d'État, ce n’est pas une ligne d’arrivée, c’est un bon point de départ. L’amorçage de ce fonds nous permettra de commencer les opérations le temps que les schémas directeurs, d’ici à quelques années, soient opérationnels. Reste qu’il faudra sans doute prévoir des ressources complémentaires plus pérennes. Mais ne nous plaignons pas ! Grâce à ces 2 milliards d'euros au minimum, le fonds sera enfin abondé, et nous l’avions suffisamment réclamé en première lecture.
L’article 4 ter relatif au droit d’accès aux tranchées et aux appuis aériens pour la pose de fibres optiques, qui avait été introduit par le Sénat, a vu sa rédaction utilement améliorée par l’Assemblée nationale.
L’article 4 quater est l’une des rares dispositions vraiment nouvelles au sein du titre II. Il vise à rétablir un équilibre sur les modalités de financement des opérations d’enfouissement des lignes.
Dans le cas des lignes téléphoniques, les collectivités financent souvent la réalisation souterraine de fourreaux et de chambres de tirage, dont la propriété revient ensuite à l’opérateur historique. Il s’agit donc de prévoir que celui qui paiera la réalisation des installations en deviendra ensuite propriétaire. Cela me paraît aller de soi. De plus, la collectivité pourra, en ce cas, favoriser l’ouverture de ces infrastructures à d’autres opérateurs.
Enfin, l’article 8 contient également une mesure nouvelle, qui est de bon sens : le client qui résilie son abonnement auprès d’un fournisseur d’accès pourra continuer, pendant six mois et à titre gratuit, à consulter son courrier électronique par l’intermédiaire de son ancienne adresse e-mail.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a demandé de nombreux rapports, dont l’intérêt est variable, concernant notamment le fossé numérique – sujet intéressant – ou la possibilité de mettre en place une tarification de l’accès à internet en fonction du débit réel dont bénéficient les abonnés.
Les députés ont également regroupé en un seul rapport deux rapports dont nous avions été à l’initiative, l’un sur la résorption des lignes multiplexées et l’autre sur l’état des technologies permettant d’augmenter le débit disponible dans les territoires. À cet égard, madame la secrétaire d'État, il faudra faire en sorte que les collectivités en milieu rural puissent accompagner la montée en débit plutôt que de n’avoir le choix qu’entre 100 mégabits par seconde dans dix ans ou 512 kilobits par seconde aujourd'hui. Des objectifs intermédiaires de 20, 30, 40 ou 50 mégabits doivent pouvoir être compatibles avec les aides et les schémas directeurs.
Nos collègues députés ont en outre souhaité un rapport sur la neutralité des réseaux de communications électroniques. Cette question peut encore paraître théorique, mais elle est fondamentale aux États-Unis.
Enfin, un rapport décrira le stockage des données à caractère personnel par les prestataires techniques de communications électroniques sur le thème très important du droit à la vie privée sur internet, qui fait d’ailleurs l’objet d’une proposition de loi de nos collègues Yves Détraigne et Anne-Marie Escoffier.
Mes chers collègues, les orientations du Sénat n’ont pas été remises en cause par l’Assemblée nationale. Elles ont au contraire été consolidées par l’ajout de dispositions pertinentes. De plus, la rédaction de la proposition de loi a été améliorée.
Fort de ce constat, la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire souhaite que ce texte puisse être adopté sans modification.
Pour conclure, je veux vous rappeler rapidement pourquoi la commission est favorable à ce texte, modifié par l’Assemblée nationale.
Le titre II relatif au très haut débit, qui est le cœur de la proposition de loi, n’a pratiquement pas été retouché. L’Assemblée nationale a apporté quelques clarifications, mais très peu d’ajouts. Il reste, dans son inspiration et dans son écriture, tel que nous l’avions adopté en première lecture.
Le titre Ier concernant la TNT a été, en revanche, beaucoup plus remanié par les députés. Néanmoins, les modifications apportées sont positives et s’inscrivent dans la perspective que nous avions indiquée au Gouvernement dès le mois de juillet, qui est d’apporter la télévision numérique à 100 % des Français. Cet objectif, qui nous tient à cœur, a été révisé à la hausse avec le doublement de la puissance des émetteurs. En outre, ceux qui se trouveraient dans des zones blanches pourraient bénéficier d’une aide de 250 euros afin de s’équiper en moyens alternatifs de réception.
Comme Nathalie Kosciusko-Morizet vient de l’indiquer, nous quittons la phase d’expérimentation. Après le succès des opérations de Coulommiers, de Kaysersberg et, il y a un mois, du Cotentin, nous allons attaquer le basculement des grandes plaques régionales, d’abord l’Alsace dans deux mois, puis la Basse-Normandie.
Nous ne pouvons plus attendre. Adoptons ces dispositions qui vont dans le bon sens, notamment en augmentant encore les exigences que nous avions formulées en première lecture.
Voilà les raisons pour lesquelles il faut souscrire au souhait de la commission de l’économie, à savoir adopter ce texte sans modification. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis.
Mme Catherine Morin-Desailly, en remplacement de M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de M. Xavier Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique, sur laquelle notre commission avait déjà donné un avis en première lecture, a été votée par le Sénat en juillet dernier, puis adoptée par l’Assemblée nationale le 1er décembre.
Sur l’initiative de M. Bruno Retailleau, rapporteur de la commission de l’économie du Sénat, dont je salue d’ailleurs le travail, le texte avait été enrichi avec l’adjonction d’un titre Ier composé de huit articles visant à faciliter la transition vers la télévision numérique.
Les dispositions adoptées par le Sénat, que la commission de la culture avait largement approuvées, avaient plusieurs objectifs : conforter la légalité des listes des zones qui devront être couvertes par la TNT au plus tard le 30 novembre 2011, en confiant explicitement le soin au CSA de définir une couverture minimale par département ; autoriser l’administration à transmettre au GIP France Télé Numérique la liste des personnes dégrevées de contribution à l’audiovisuel public afin de lui permettre de remplir sa mission ; créer un fonds non doté pour faciliter la couverture du territoire dans les zones d’ombre.
Un amendement essentiel visant à améliorer l’information des élus locaux avant l’extinction de la télévision en analogique avait également été adopté.
L’Assemblée nationale, confirmant ces dispositions, a approfondi la réflexion dans la même direction.
Ainsi, elle a mis en place une commission de transition vers le numérique dans chaque département, réunissant le GIP France Télé Numérique, l’État, le CSA et les collectivités territoriales ; elle a permis au CSA de contraindre les opérateurs à augmenter la puissance des émetteurs pour améliorer la couverture du territoire ; elle a étendu les compétences du GIP à l’assistance aux publics les plus fragilisés ; elle a créé une aide financière au profit des collectivités territoriales mettant en œuvre des solutions alternatives pour assurer – c’est essentiel – la continuité de la réception de la télévision.
L’Assemblée nationale a également modifié la gouvernance du GIP France Télé Numérique. À cet égard, on peut saluer, comme l’a fait M. le rapporteur, l’arrivée de notre ancien collègue Louis de Broissia, très au fait de toutes les questions dont nous débattons aujourd’hui, à la présidence du conseil d’administration du GIP.
L’Assemblée nationale a, en outre, mis en place un fonds « parabole » destiné à contribuer à la continuité de la réception gratuite des services de télévision, qui se concrétisera par une aide attribuée sans condition de ressources dès lors que l’on se retrouvera en zone d’ombre après le passage au tout numérique. Cette disposition de l’article 1er D est issue d’un amendement du Gouvernement, qui a annoncé un engagement financier à hauteur de 90 millions d’euros. Je souhaite indiquer que, compte tenu de la santé financière des entreprises de télévision, dont on a largement parlé lors de l’examen des crédits de la mission « Médias », il me paraît difficile de leur imposer d’abonder ce fonds, ce qui n’est pas au demeurant prévu par la proposition de loi.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a adopté l’article 1er GB, qui définit un cadre juridique favorable au lancement de la télévision mobile personnelle, ou TMP, qui, on doit bien le dire, n’a pas encore complément trouvé son modèle.
Au cas où un consensus se dégagerait pour le démarrage de la TMP, il s’agit de permettre à une chaîne de déléguer à un tiers, dans des conditions approuvées par le CSA, le déploiement et l’exploitation du réseau ainsi que la commercialisation d’une offre de gros auprès des distributeurs de service.
Outre un article visant à demander au Gouvernement un rapport sur la réception numérique dans les zones de montagne, l’Assemblée nationale a adopté des dispositions techniques permettant au CSA d’assigner des ressources radioélectriques en cas de brouillage par des immeubles des services de télévision ou de radio et requérant un avis conforme de l’autorité sur les cessions d’activité d’une société exploitant un service de communication audiovisuelle, au cours d’une procédure de sauvegarde et en cas de location-gérance.
Ainsi, il faut reconnaître que l’Assemblée nationale a fait un exercice de microchirurgie législative très utile et que le Gouvernement est parvenu à convaincre les esprits les plus sceptiques avec un engagement financier très important.
C’est la raison pour laquelle la commission de la culture est favorable à l’adoption de ce texte, dont l’application est désormais assez urgente, compte tenu, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, des défis qui sont devant nous.
J’espère d’ailleurs qu’une partie substantielle du grand emprunt sera consacrée aux investissements qui sont si nécessaires. À cet égard, je partage pleinement l’analyse de notre collègue Bruno Retailleau, qui, en préambule de son intervention, a rappelé à quel point la crise devait nous inciter à investir. En effet, l’émergence du très haut débit ne doit pas créer en France une nouvelle fracture numérique et des disparités de traitement entre les territoires.
En conclusion, je voudrais me féliciter que, à travers l’initiative de notre collègue Xavier Pintat, le Sénat soit encore le fer de lance de l’aménagement du territoire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)