M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° A. Le programme d'investissements, présenté par action, et le montant des fonds délégués à cet effet ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 7 est retiré.
L'amendement n° 8, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
à atteindre
insérer les mots :
par l'organisme gestionnaire
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de précision.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par MM. Foucaud et Vera, Mme Beaufils et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4 :
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment en termes d'emplois, de développement d'équipes de recherche, de respect des normes sociales et environnementales
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’évaluation du dispositif du grand emprunt est assez nettement orientée par de simples considérations budgétaires. Il suffit de prendre quelques-uns des critères retenus pour s’en rendre compte.
Aux termes du paragraphe II bis de l’article 4 : « Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport décrivant, pour les années précédentes, l’année en cours et les années à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Ce rapport présente en particulier leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées ». Voilà qui réduit singulièrement la portée des investissements à leur seul rendement comptable.
Le paragraphe III, quant à lui, ne comporte que des critères d’évaluation comptable.
Cette logique utilitariste imprègne donc lourdement le débat sur le grand emprunt, alors même que la raison d’être de l’investissement public est non pas de participer à la réalisation d’objectifs plus ou moins arbitraires de réduction des déficits, mais bien plutôt d’apporter à l’ensemble du corps social les moyens complémentaires de son développement.
La recherche en matière d’énergie renouvelable n’a pas de sens si elle se contente de confier à quelque université française le soin d’éprouver tel ou tel mode de production d’énergie solaire ou éolienne, en attendant qu’une entreprise n’acquière et n’exploite le brevet qui découlera de ces travaux.
Elle n’a de sens qu’au regard des objectifs plus généraux des politiques publiques en matière d’indépendance énergétique du pays, de changements de mode de production d’énergie, d’allégement à venir de la facture énergétique des ménages et des entreprises
Dans le même ordre d’idées, engager de l’argent public dans la numérisation de nos archives et bibliothèques publiques n’a pas de sens si elle revient à nous soumettre à la prédominance d’une entreprise américaine bien connue au lieu de faire valoir la réalité de la francophonie au travers d’un mode de numérisation qui nous serait propre.
Nous l’avons souligné, la recherche dans notre pays souffre d’un profond développement de la précarité. Celle-ci affecte autant les doctorants, les assistants, les équipes universitaires en général que les activités de recherche et développement du secteur marchand, largement sous-traitées dans des structures soumises au seul vouloir des donneurs d’ordre.
Tels sont les paramètres que nous souhaitons voir figurer dans le cadre de l’évaluation des dépenses ouvertes au titre du grand emprunt.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout cela n’est somme toute que littérature. Respecter les normes sociales et environnementales, c’est tout simplement respecter la loi. Personne ne peut imaginer que des conventions puissent sortir de l’ordre public et transgresser les normes sociales et environnementales. Cela engagerait lourdement la responsabilité de leurs signataires !
Par ailleurs, il semble inutile de préciser qu’il faut mesurer les résultats obtenus en termes d’emploi et de développement d’équipes de recherche : cela va de soi ! Il s’agit d’un objectif tellement évident que l’inscrire dans la loi revient à l’affaiblir.
C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je partage la position du rapporteur général.
Le projet de loi de finances rectificative ne fixe aucun indicateur précis, le 1° du II de l’article 4 mentionnant « les objectifs à atteindre et les indicateurs mesurant les résultats obtenus. », ce qui a une portée très large. Pour chaque convention sera fixée la qualité des indicateurs qui seront utilisés par le Parlement, le Gouvernement, le comité de surveillance des investissements à venir et le commissariat général à l’investissement.
Si les indicateurs en termes d’emploi me semblent nécessaires, puisque tout le dispositif est orienté vers la croissance, en revanche, des indicateurs relatifs au développement des équipes de recherche me paraissent plus mystérieux : s’agit-il d’augmenter leur nombre ou d’améliorer leurs résultats ?
Par ailleurs, le respect des normes selon la loi va de soi.
La mesure proposée n’est donc pas nécessaire ; elle alourdit le texte tout en le rendant moins clair et, surtout, elle a pour conséquence d’obérer la liberté de choisir les indicateurs adaptés à chaque convention.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 99 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Si ces indicateurs vont de soi, comment pourraient-ils obscurcir le texte ? Par conséquent, je ne comprends pas l’argumentation qui consiste à refuser d’inscrire ces termes dans la loi.
Je maintiens donc mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
qui devra, en sus des autres critères, prendre en compte, notamment, l'impact en termes d'attractivité du territoire national ainsi que la comparaison et l'articulation, le cas échéant, avec les meilleures pratiques européennes
La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. La réussite du grand emprunt dépendra de notre capacité à l’utiliser par effet de levier, en particulier pour la recherche et sa valorisation.
L’objet de cet amendement est d’attirer l’attention sur la nécessité d’harmoniser les procédures retenues avec les pratiques européennes, afin de faciliter l’accès à des fonds d’investissement internationaux, en particulier à des fonds européens.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est intéressant et très pertinent.
Je m’interroge toutefois au sujet de sa rédaction. Que recouvre la formule : « l’articulation […] avec les meilleures pratiques européennes » et quel est le caractère normatif de cette disposition ?
Le Gouvernement saura certainement nous éclairer sur ce point, et la commission se conformera à son avis.
M. le président. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Pour ma part, je suis également dubitatif.
Certes, on ne peut que partager le souci de M. Adnot d’améliorer l’attractivité des territoires par le biais de la disposition proposée.
Toutefois, cette précision, plutôt que d’être insérée dans la loi elle-même, devrait figurer dans les conventions qui régiront les relations entre le Gouvernement et chacun des opérateurs chargés de la mise en œuvre des projets.
Toutes ces précisions inscrites dans la loi ont tendance à rendre les projets plus lourds, plus administratifs, plus compliqués et moins créatifs. Or il importe de laisser une grande marge de liberté aux opérateurs, dans le cadre très précis qui leur est fixé, avec une convention indiquant le déroulement du processus.
Cela étant, je ne m’oppose évidemment pas de manière absolue à la prise en compte de l’attractivité du territoire au moment de la sélection, et je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Monsieur Adnot, l’amendement n° 56 est-il maintenu ?
M. Philippe Adnot. Il s’agit moins de considérer l’attractivité du territoire que d’éviter que les conventions ne contiennent des contre-indications à l’effet de levier escompté avec des fonds ou des appels d’offre internationaux.
Aujourd’hui, loin d’être enfermés dans l’Hexagone, nos laboratoires de recherche participent à des appels d’offre internationaux.
Si M. le ministre s’engage à veiller à la prise en compte de cet aspect, je veux bien retirer l’amendement, car il n’est pas dans mon intention d’alourdir le texte. Cet engagement public me suffirait.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Je reconnais votre sagesse, monsieur Adnot.
Je veillerai à ce que cette précision figure dans le texte de chaque convention, puisqu’il est toujours préférable d’évoquer ce qui semble aller de soi.
Je prends cet engagement. Il sera transmis au commissariat qui a pour mission de coordonner et réaliser les conventions pour le compte du Gouvernement.
M. Philippe Adnot. Je retire donc l’amendement, monsieur le président !
M. le président. L’amendement n° 56 est retiré.
L'amendement n° 9, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, ainsi que les dispositions prises pour assurer la transparence du processus de sélection ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement a pour objet de prévoir, dans le cadre de l'instruction des dossiers, la transparence de l'ensemble du processus de décision afin d'éviter toute contestation inutile sur le mode de sélection.
Cette transparence se traduit, notamment, par la publication des recommandations du comité de sélection de l'organisme gestionnaire, la publication de l’avis du commissaire général à l'investissement, ainsi que la motivation de la décision finale lorsque celle-ci diffère des recommandations du comité de sélection.
Cette transparence doit, bien entendu, être assurée dans le respect le plus strict du secret des affaires lorsqu’il s’impose et des autres secrets protégés par la loi.
Ce commentaire de pure information a pour but d’éclairer la nature et le contenu de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, très utile, car il partage le souci d’assurer et d’inscrire dans le marbre la transparence du processus de sélection des projets. Il est très important que ce processus ne soit pas attaquable et qu’il soit réalisé en toute connaissance de cause.
La transparence est assurée par la publicité des appels à projet, l’association étroite des experts dans la procédure, la publication de l’avis du commissaire général à l’investissement, la motivation de la décision du Gouvernement qui renvoie à l’exercice du pouvoir exécutif, ainsi que par l’action du comité de surveillance.
Nous devons assurer la transparence du processus de décision tout en respectant la répartition des tâches et des responsabilités.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Les modalités de versement des fonds par l'organisme gestionnaire, ainsi que les conditions selon lesquelles l'État contrôle l'utilisation des fonds et décide en dernier ressort de leur attribution ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise les modalités de versement des fonds. Il s’agit de procéder, autant que possible, par tranche et après évaluation régulière de l’état d'avancement des différents projets.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je suppose que l’expression « les modalités de versement » dans l’amendement n° 10 couvre les modalités et le rythme de versement des fonds, c'est-à-dire des acomptes.
Je voudrais que le Gouvernement nous confirme bien que l’on exclura, d’une façon générale, le versement des fonds en totalité, en un seul acompte, dès le démarrage de la convention. En effet, si le bénéficiaire ne respecte pas ses obligations, cela donnera sans doute lieu à une demande de reversement des fonds alloués.
Monsieur le rapporteur général, l’expression « les modalités de versement » désigne-t-elle bien les modalités et le rythme de versement des fonds ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Oui, je vous le confirme !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement confirme également cette interprétation : il s’agit bien des modalités et du rythme de versement des fonds.
Les opérateurs touchent les fonds en bloc, puis ils procèdent à des décaissements par tranche, comme le précise cet amendement, en fonction des projets et selon un échéancier de versement propre à chaque projet.
M. Michel Charasse. Avec vérification à chaque versement ?
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Les modalités du suivi et de l'évaluation de la rentabilité des projets d'investissement financés ainsi que les conditions dans lesquelles est organisé, le cas échéant, l'intéressement financier de l'État au succès des projets ;
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. L'évaluation de la rentabilité des investissements et le calcul du retour sur investissement constituent des enjeux majeurs.
Les conventions entre l'État et les gestionnaires doivent précisément détailler les procédures d'évaluation, notamment l'organisation du reporting, afin que les informations remontent comme il convient.
Pour que ces informations soient agrégées à l’échelon national, il importe que les indicateurs, comme les procédures d'évaluation, soient, autant que possible, partagés par l'ensemble des organismes gestionnaires. Ces derniers doivent appliquer une méthodologie identique ou, du moins, homogène. Les conventions doivent permettre de garantir cette unité de méthode.
Les modalités d'intéressement financier de l'État au succès des actions conduites devront être intégrées de façon explicite au texte des conventions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement, et en particulier le ministre du budget, est très favorable à cet amendement.
Il me semble important de préciser dans les conventions les modalités d’évaluation du projet en termes de rentabilité financière des investissements et de retour sur investissement, ainsi que les modalités d’intéressement financier de l’État à leur succès.
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Cet amendement est particulièrement important.
En effet, il fait écho à de nombreuses interrogations sur la portée et les retombées du grand emprunt. Il s’agit tout de même d’investissements qui nécessitent un budget de l’ordre de 35 milliards d’euros.
Selon le dossier de presse du Gouvernement, grâce au surcroît de croissance et de recettes à long terme, l’emprunt national s’autofinancera à l’horizon de onze ans environ.
Cette affirmation suscite quelques interrogations : comment peut-on réaliser une telle anticipation ? Comment l’étude d’impact a-t-elle été menée pour aboutir à la perspective selon laquelle des retombées suffisantes permettront d’équilibrer la situation dans ce délai ?
Nous avons besoin de voir s’afficher rapidement des repères sur le tableau de bord qui permettra d’observer les réalisations concrètes du dispositif.
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur le sens exact qui est donné au concept de rentabilité. L’investissement à vocation publique vise, au-delà de la rentabilisation financière stricto sensu, à remplir une mission d’utilité globale et sociale. Dès lors, une question se pose : comment évaluer la rentabilité d’un investissement public dans cette perspective ?
Monsieur le ministre, vous vous êtes engagé à ce que des indicateurs soient précisés et que des informations soient fournies sur la rentabilité. Pourriez-vous nous donner, dès aujourd'hui, des précisions sur la nature et les critères de l’évaluation de la rentabilité globale et sociale, ainsi que sur l’utilité de l’ensemble de ces investissements ? Cela nous permettrait d’avoir une appréciation plus positive de l’ensemble de ces investissements, afin d’éclairer notre vote sur cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ces précisions sont dans l’amendement !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le sénateur, je ne me lancerai pas dans un débat sur la rentabilité globale des investissements prévus, d’autant que Christine Lagarde vous a déjà apporté un certain nombre de précisions, mais sachez que vous trouverez des indications dans les fascicules jaunes qui accompagnent systématiquement les documents budgétaires soumis au Parlement.
Je tiens personnellement beaucoup à ce que cette rentabilité puisse être évaluée, et j’imagine que vous partagez ce sentiment, car tel est finalement l’enjeu du grand emprunt : avoir, au fur et à mesure de la concrétisation des projets, une perspective quant au retour sur investissement prévu et en débattre sur des bases très claires. L’adoption de l’amendement présenté par M. le rapporteur général va d’ailleurs dans ce sens.
Ce type d’informations constitue un élément majeur dans la prise de décision des différents comités d’expert et du comité de surveillance, qui devront se prononcer sur l’éligibilité de tel ou tel projet à l’emprunt.
M. le président. L’amendement n° 12, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
La création d’un ou plusieurs comptes particuliers
par les mots :
L’organisation comptable, en particulier la création d’un ou plusieurs comptes particuliers,
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 13, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
un montant déterminé
par les mots :
un montant et une durée déterminés
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Par cet amendement plus substantiel, nous souhaitons aborder la question du « dénouement » de l’emprunt national, ce qui nécessite de statuer sur le sort des dotations en capital, ou fonds non consomptibles, attribuées dans le cadre de cette opération.
Notre amendement a pour objet d’inscrire dans la loi le caractère « réversible » du financement d’organismes par des revenus versés par l’État en contrepartie du dépôt au Trésor desdits fonds non consomptibles alloués par l’État à ces organismes.
Cette réversibilité inclut une double possibilité : réviser le montant de la rémunération du dépôt des dotations, en fonction, tout simplement, des taux du marché ; reverser ces dotations à l’État lorsque celles-ci ne sont pas transférées en pleine propriété, point qui devra être apprécié à sa juste mesure.
Afin de répondre à cette exigence de réversibilité, l’amendement vise à prévoir que les dotations ne sont versées que pour un montant et une durée déterminés.
Cette précision devrait permettre de garantir la protection des intérêts budgétaires et patrimoniaux de l’État, en considérant les dotations en capital non consomptibles comme des apports temporaires de fonds de l’État à différents gestionnaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le rapporteur général, au vu des échanges que nous avons depuis déjà de longues minutes, je tiens tout d’abord à saluer le travail approfondi et ô combien appréciable réalisé sur cette question de la gouvernance par la commission des finances, même si, sur cet amendement très précis, le Gouvernement ne vous suivra pas et ne pourra émettre un avis favorable, et ce pour un certain nombre de raisons.
Je commencerai néanmoins par souligner un point d’accord entre nous : il convient en effet de laisser à l’État la possibilité de réviser le montant de la rémunération qu’il octroie sur les dotations non consommables. Le dépôt au Trésor des fonds concernés ouvre en effet droit à une rémunération dont les modalités et le taux sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.
Grâce à ce mécanisme périodique de révision de la rémunération des dotations, le dispositif gagnera en souplesse et jouera évidemment à plein puisque l’arrêté pourra être modifié si nécessaire. Sur ce volet important de votre amendement, vous avez donc, me semble-t-il, satisfaction.
Vous souhaitez, par ailleurs, consacrer le principe selon lequel les dotations sont versées pour une durée déterminée. Je note que vous avez défendu la même idée sur les niches : elle a d’ailleurs été adoptée et nous sommes en train de la mettre en œuvre.
Pour autant, nous sommes ici dans un domaine quelque peu différent. Si je peux comprendre que vous ne soyez pas favorables à un dispositif totalement figé, il ne me paraît pas souhaitable de poser dès à présent une règle générale en ce sens.
Pour étayer mon propos, je prendrai l’exemple des campus d’excellence, pour lesquels les universités choisies recevront des fonds.
L’idée du Président de la République, qu’il a exposée devant les Français avant que le Gouvernement ne la reprenne, est de faire émerger des campus attractifs sur le plan mondial. Il s’agit d’un objectif que nous sommes nombreux à partager, mais dont la réalisation, à l’évidence, va prendre un certain temps : tout ne se fera pas d’une rentrée à l’autre, et il faudra beaucoup d’opiniâtreté pour y parvenir.
Nous avons prévu dans le texte de loi un encadrement très précis de l’utilisation des fonds, avec un processus de sélection rigoureux et une période probatoire de trois ans préalable à tout transfert de dotations aux campus.
Passé cette période, il est indispensable que les universités concernées puissent s’engager dans des projets de long terme. Pour être durablement compétitives, celles-ci doivent pouvoir offrir des rémunérations pérennes au titre des enseignements et attirer ainsi des chercheurs de très haut niveau. Il ne s’agit donc pas de financer des opérations ponctuelles. Nous ne sommes pas dans la même logique que l’opération Campus, que j’ai eu l’occasion de rappeler hier.
Ces universités doivent également être en mesure d’attirer des cofinancements privés, grâce au fameux effet de levier que j’ai évoqué. Et pour ce faire, il faut évidemment un engagement durable.
Mais il est d’autres cas de figure pour lesquels la situation sera différente.
Dans le cadre du programme « Transports et urbanisme durables », géré par la Caisse des dépôts et consignations, il est ainsi prévu 400 millions d’euros de dotations non consommables. Puisque la propriété de ces fonds, dont la nature juridique exacte devra être précisée, n’est pas transférée, j’imagine que de telles sommes peuvent aisément être reprises : ce qu’une loi de finances fait, une autre peut le défaire.
De même, parmi les fonds que l’Agence nationale de la recherche pourra allouer aux futurs instituts hospitalo-universitaires, il y a 700 millions d’euros de dotations non consommables.
Ces deux exemples le montrent, en réalité, ce que le législateur fait, il peut le défaire. Au cas où les projets ne répondent pas aux attentes, sont trop ambigus et ne produisent aucun résultat tangible, l’argent doit pouvoir être récupérable. S’il est évidemment souhaitable de prévoir de telles voies de sortie, celles-ci ne doivent pas être généralisées, au risque de fragiliser les fonds réservés aux universités.
En réalité, le Gouvernement a fait le choix du pragmatisme. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, dont je comprends l’objectif mais sans en partager les termes, tout du moins pour les raisons et les cas que je viens d’exposer.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes vos précisions. Au fond, l’État reste propriétaire de ses capitaux, à charge pour lui d’apprécier l’usage qui en est fait. Il est le véritable détenteur des fonds non consomptibles.
M. Michel Charasse. Le dépositaire !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus que cela, car il les met à disposition, en donne par délégation l’usufruit pour une durée qui n’est pas fixée. Or s’il apparaissait, chemin faisant, que leur usage était détourné de sa vocation première, l’État pourrait, me semble-t-il, remettre en cause cette convention.
M. Michel Charasse. Bien sûr !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Au bénéfice de ces précisions et confirmations, nous pourrions, monsieur le rapporteur général, retirer cet amendement.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à fait !
M. le président. L’amendement n° 13 est retiré.
L’amendement n° 14, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement de conséquence.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?