Mme Nicole Bricq. Je ne comprends pas le traitement différencié qui est réservé à ces trois amendements, dont les dispositions participent pourtant de la même philosophie.
Si l’amendement n° 33 rectifié peut être adopté à droit constant, c’est qu’il est satisfait – vous l’avez d'ailleurs souligné vous-même, monsieur le ministre – et, dans ce cas, on pourrait demander à son auteur de le retirer. Si on ne le fait pas, c’est parce qu’il tend à apporter une précision !
Je le rappelle, cet amendement vise les radios associatives de catégorie A, qui bénéficient de ressources commerciales issues de la publicité, de l’exploitation de leur marque ou de parrainages, mais pour des montants inférieurs à 20 % de leur chiffre d’affaires total.
Mme Morin-Desailly, quant à elle, réclame un élargissement total. Sa proposition me pose problème dans la mesure où elle vise les réseaux nationaux, y compris ceux qui bénéficient d’une très large diffusion et qui réalisent des chiffres d’affaires considérables ; je ne les citerai pas, car je ne veux pas leur faire de publicité !
Mon souhait est différent, même si c’est à Mme Morin-Desailly que l’on donne rendez-vous... Pour ma part, je propose seulement d’exempter des radios appartenant aux catégories A et B, ainsi qu’à une partie de la catégorie D, dont les réseaux sont multiville. En effet, bien qu’elles ne soient pas associatives à proprement parler, ces radios seront affectées par le dispositif envisagé ici.
Je puis comprendre l’argument selon lequel il est nécessaire de réviser l’IFER dans le cadre d’une réflexion globale sur les différents secteurs.
Toutefois, monsieur le ministre, dans le cadre de la commission spéciale sur le Grand Paris, dont notre collègue Jean-Pierre Fourcade est le rapporteur, nous avons auditionné vos services chargés de la législation fiscale. Or, en répondant à une question annexe que nous leur posions, ceux-ci ont souligné que la réflexion sur l’IFER applicable aux différents réseaux n’avait pas du tout avancé au sein de votre administration. Certaines grandes sociétés – cette fois encore, je ne donnerai pas de noms ! – qui avaient en principe négocié avec vos services leur contribution regimbent maintenant contre cette dernière.
L’IFER appliqué aux différents réseaux pose donc un problème global, certes, mais il s'agit d’une question de survie pour ces radios. Si nous ne faisons rien, ces dernières seront les victimes des conséquences néfastes de la suppression improvisée de la taxe professionnelle. Au moins sera-t-il démontré que cette réforme, ou du moins la substitution de ressources à laquelle elle donne lieu, en est encore au stade du bricolage !
M. le président. La parole est à Mme Morin-Desailly, pour explication de vote.
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président de la commission des finances, je vous ai écouté très attentivement et je prends acte de vos propos et de vos promesses.
Comptez sur moi au moment de la « revoyure », d’autant que, vous le savez, le groupe d’études du Sénat « Médias et nouvelles technologies », dont je suis membre, travaille sur l’ensemble des questions posées par la radio.
Au cours de l’année à venir, nous étudierons donc très attentivement ce dossier, notamment pour y revenir le moment venu, avec des chiffres et des données précises grâce auxquels nous pourrons établir si ce dispositif affecte négativement les services qui devaient en être exclus à l’origine.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 33 rectifié.
M. le président. Il s'agit donc de l’amendement n° 33 rectifié bis.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances rectificative, avant l’article 3, et les amendements nos 118 rectifié et 36 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n° 35, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans la dernière phrase du premier alinéa du III de l'article 1519 H du code général des impôts, les mots : « à compter du 1er janvier 2010 » sont supprimés.
II. - Les conséquences financières résultant pour l'État de l'extension de la réduction de l'imposition forfaitaire applicable aux stations radioélectriques installées avant le 1er janvier 2010, ayant fait l'objet d'un avis, d'un accord ou d'une déclaration à l'Agence nationale des fréquences et destinées à desservir les zones dans lesquelles il n'existe aucune offre haut débit terrestre, sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Avec cet amendement, je reviens sur un sujet qui a été longuement évoqué à l’occasion des débats sur la suppression de la taxe professionnelle lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2010 : les conséquences pour les collectivités territoriales de la nouvelle imposition forfaitaire pesant sur les stations radioélectriques.
Comme nous le rappelions alors, le Gouvernement, par le biais de son secrétaire d’État chargé du développement de l’économie numérique, a présenté en octobre 2008 un plan de développement dit « France numérique 2012 », dont l’objectif est ambitieux : garantir l’accès de tous les Français à l’Internet haut débit.
Nous nous en étions inquiétés à l’époque et, depuis lors, nos doutes se sont vérifiés. Les collectivités territoriales sont appelées à financer les investissements nécessaires à l’équipement du territoire, parfois pour la totalité de leur coût. Plus le territoire rural se trouve éloigné, plus l’effort demandé à la collectivité est important, puisque de tels investissements massifs ne sont pas rentables pour le secteur privé.
Par conséquent, afin de ne pas pénaliser les collectivités locales qui financent ces investissements, nous avions souhaité, lors des débats sur le projet de loi de finances pour 2010, exonérer les collectivités du paiement de l’IFER lorsque les équipements sont destinés à desservir une zone blanche, c’est-à-dire dépourvue d’offre haut débit.
À la suite de nos discussions, notre proposition a été en partie rejetée, puisque l’exonération mise en œuvre a été limitée aux stations installées à compter du 1er janvier 2010.
Ainsi, les collectivités qui ont consenti des efforts financiers importants pour équiper leurs territoires avant cette date sont pénalisées, puisqu’elles devront, elles, s’acquitter de cet impôt !
De nombreux départements ont investi dans des équipements de ce type ; le mien leur a consacré plus de 10 millions d’euros. Ces collectivités doivent ainsi faire face à une iniquité de traitement inacceptable par rapport à celles qui n’auraient pas encore effectué ces investissements.
Le projet de loi de finances rectificative dont nous discutons aujourd’hui envisage comme des dépenses d’avenir les investissements consacrés au développement des réseaux à très haut débit. Deux milliards d’euros leur sont ainsi impartis, dont une partie, nous l’espérons, pourra servir à attribuer des subventions aux collectivités désireuses d’équiper leurs territoires.
Toutefois, d’ores et déjà, nous savons que cette somme ne suffira pas à atteindre l’objectif fixé par le Gouvernement d’une couverture à 100 % en très haut débit d’ici à 2025, puisqu’un récent rapport d’étude de la DATAR, la délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, évalue à 8 milliards d’euros le besoin de financement public, sur les 18 milliards d’euros nécessaires au total.
Par conséquent, la participation financière des collectivités sera indispensable. Monsieur le ministre, pouvez-vous continuer à sanctionner ainsi des collectivités territoriales qui ont péché seulement par excès de réalisme, puisque leurs responsables ont pensé, avant le Gouvernement, avant 2010, que le développement du haut débit constituait une dépense d’avenir ?
Pour notre part, nous ne pouvons admettre cette discrimination. C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d’exonérer de l’IFER l’ensemble des stations radioélectriques destinées à résorber les zones blanches, quelle que soit leur date d’installation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne sera pas surpris que je me réfère de nouveau à la clause de revoyure. Ce sujet, comme d’autres, devra être traité en lien avec la réforme de la taxe professionnelle.
Il n’est pas possible d’adopter un amendement parcellaire sachant qu’il faudra accomplir un travail global beaucoup plus considérable. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Monsieur le rapporteur général, j’ai bien entendu votre explication.
Toutefois, je ne comprends pas la raison pour laquelle on a introduit une exception pour les installations à venir.
M. Gérard Miquel. La logique est pourtant la même. Par conséquent, soit nous exonérons l’ensemble des installations réalisées afin de résorber les zones d’ombre, soit nous n’en exemptons aucune et nous discuterons des dispositifs qu’il convient de mettre en place quand nous examinerons les répercussions de la suppression de la taxe professionnelle.
Le dispositif me paraît d’un illogisme total !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 3
Est autorisée, au-delà de l’entrée en vigueur de la présente loi, la perception de la rémunération de services instituée par le décret n° 2009-1648 du 23 décembre 2009 relatif à la création d’une redevance océanique de navigation aérienne. – (Adopté.)
Article 4
I. – La gestion des fonds versés à partir des programmes créés par la présente loi de finances rectificative peut être confiée, dans les conditions prévues par le présent article et nonobstant toute disposition contraire de leurs statuts, à l’Agence nationale de la recherche ainsi qu’à d’autres établissements publics de l’État et à des sociétés dans lesquelles l’État détient directement ou indirectement une majorité du capital ou des droits de vote. La liste de ces autres établissements et de ces sociétés est fixée par décret.
Après avis de la commission de surveillance, la Caisse des dépôts et consignations peut également concourir à la gestion de ces fonds, pour le compte de l’État ou des établissements et sociétés mentionnés au premier alinéa.
II. – Les conditions de gestion et d’utilisation des fonds mentionnés au I font, préalablement à tout versement, l’objet d’une convention entre l’État et chacun des organismes gestionnaires ou, à défaut, d’un décret, qui prévoit notamment :
1° Les objectifs à atteindre et les indicateurs mesurant les résultats obtenus ;
2° Les modalités d’instruction des dossiers conformément à un cahier des charges approuvé par arrêté du Premier ministre ;
3° La création d’un ou plusieurs comptes particuliers et les modalités d’un suivi comptable propre ainsi que de l’information préalable de l’État sur les paiements envisagés ;
4° Le cas échéant, les conditions dans lesquelles les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue.
Cette convention ou ce décret précise également les modalités selon lesquelles l’État contrôle l’utilisation des fonds et décide en dernier ressort de leur attribution.
Avant leur signature, les conventions prévues au premier alinéa du présent II ainsi que les éventuels avenants à ces conventions sont transmis aux commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Les fonds sont obligatoirement déposés chez un comptable du Trésor, y compris ceux gérés par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l’État ou des autres organismes mentionnés au I ainsi que ceux relevant du 4° attribués par l’Agence nationale de la recherche à leurs bénéficiaires. Le dépôt au Trésor des fonds mentionnés au 4° ouvre droit à une rémunération dont les modalités et le taux sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget.
II bis (nouveau). – Le Gouvernement présente, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport décrivant, pour les années précédentes, l’année en cours et les années à venir, les conséquences sur les finances publiques des investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Ce rapport présente en particulier leurs conséquences sur le montant des dépenses publiques, des recettes publiques, du déficit public et de la dette publique, en précisant les administrations publiques concernées.
III. – Le Gouvernement dépose chaque année jusqu’en 2020, en annexe générale au projet de loi de finances de l’année, un rapport relatif aux investissements financés par les crédits ouverts sur les programmes créés par la présente loi de finances rectificative. Pour chacune des missions concernées, ce rapport présente notamment :
1° Les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l’état d’avancement des investissements ;
2° Les montants dépensés, les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en œuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ;
3° Les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ;
4° Les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, mesurés au moyen d’indicateurs précis dont le choix est justifié ;
5° Les retours sur investissement attendus et obtenus, ainsi que les méthodes d’évaluation utilisées ;
6° Le rôle des organismes mentionnés au I et au 4° du II, le contenu et la mise en œuvre des conventions prévues au premier alinéa du II, ainsi que les résultats du contrôle par l’État de la qualité de la gestion de ces organismes.
Ce rapport est déposé sur le bureau des assemblées parlementaires et distribué au moins cinq jours francs avant l’examen par l’Assemblée nationale, en première lecture, des crédits de la première des missions concernées.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 4 porte sur la mise en œuvre du grand emprunt. Il vise à la fois les conditions de versement des sommes qui seront collectées et les critères grâce auxquels on procédera à l’évaluation des dépenses réalisées.
Nous avons eu déjà l’occasion de pointer quelques-uns des problèmes posés par ce grand emprunt, au regard desquels l’importance de sa quotité et la dette publique supplémentaire qu’il crée deviennent assez secondaires.
La question principale que pose le grand emprunt réside bien plutôt dans la conception générale qu’il dessine de l’intervention publique dans notre pays.
En réalité, le grand emprunt constitue le prolongement utilitariste de la loi Pécresse relative aux libertés et aux responsabilités des universités ; les procédures qui sont décrites dans le présent article le laissent clairement entendre.
Ainsi, aux termes de l’article 4, les « conditions de gestion et d’utilisation des fonds » intègrent : « [le] cas échéant, les conditions dans lesquelles les fonds versés sont, pour un montant déterminé, conservés pour produire intérêt par l’organisme gestionnaire ou par le bénéficiaire auquel il les attribue. »
On voudrait pousser les responsables de certaines universités ou organismes d’investigation à chercher dans des placements de trésorerie de court terme les voies de l’autofinancement de leurs investissements que l’on ne s’y prendrait pas autrement !
En effet, tel est bien l’objectif du versement par anticipation des fonds dévolus à telle ou telle dépense de recherche. Le présent texte incite donc, dans une certaine mesure, les présidents d’université à boursicoter, même s’il est fort probable que les ressources mises à la disposition des établissements seront drainées vers des placements obligataires, gérés, par exemple, par la Caisse des dépôts et consignations.
Quant à l’évaluation du grand emprunt, elle semble bel et bien circonscrite à une logique purement comptable !
Quand on lit avec précision le texte, on se rend compte que les dépenses réalisées doivent produire des « retours sur investissement ». Les entreprises doivent y trouver leur compte en termes de valeur ajoutée, tandis que les comptes publics pourraient, pour leur part, bénéficier d’une nouvelle source d’économies.
D’ailleurs, ce qui importe plus que tout dans le débat qui nous occupe, semble-t-il, c’est d’amener les établissements de recherche et les universités à contracter des accords de cofinancement avec des opérateurs et entreprises privés, ce qui permettrait éventuellement à l’État, par le biais des économies budgétaires ainsi réalisées, de s’affranchir de ses propres obligations.
Dans un univers comme celui de la recherche et de l’enseignement supérieur, qui est déjà largement victime du sous-emploi, de la précarisation des conditions de travail de nombreux chercheurs, enseignants et doctorants et des retards qualitatifs accumulés en matière d’équipements et d’infrastructures, une telle démarche va à l’encontre de l’intérêt général.
Segmenter les activités de recherche, en laissant dépérir celles qui n’entreront pas dans les priorités du présent texte et en conditionnant la permanence des autres à l’importance des cofinancements assurés par le secteur privé, ne saurait recueillir notre approbation.
C'est pourquoi, si son contenu n’est pas infléchi, nous ne pourrons évidemment pas voter cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir sur l’un des volets de la mise en œuvre du grand emprunt prévue par ce projet de loi : l’enseignement supérieur, la formation et la recherche.
Sur les 35 milliards d’euros de crédits complémentaires accordés au titre du grand emprunt, 11 milliards d’euros seront attribués à l’enseignement supérieur et la formation universitaire, dont 1 milliard d’euros pour le développement de la formation en alternance et l’égalité des chances. Par ailleurs, quelque 8 milliards d’euros seront impartis à la recherche.
Avec un total de 19 milliards d’euros sur les 35 milliards d'euros accordés, l’enseignement supérieur et la recherche sont en apparence les grands gagnants du grand emprunt. Si nous ne pouvons que nous en féliciter, nous ne devons pas oublier qu’une telle somme n’est nécessaire qu’en raison de l’insuffisance des engagements budgétaires accordés par l’État depuis maintenant plusieurs années. Un retard doit être rattrapé, de l’aveu même du Président de la République...
En outre, si de tels chiffres peuvent de prime abord enthousiasmer, vient ensuite le temps délicat du déchiffrage, et cet exercice est moins réjouissant. En effet, il s’agit non pas d’injecter des fonds dans les domaines qui en ont le plus besoin, mais bien de soutenir certains secteurs jugés stratégiques pour la prospérité future de l’économie française, ce qui traduit une vision purement marchande de la richesse d’un État.
Or s’il est un secteur où la richesse ne doit pas se mesurer uniquement à l’aune de la rentabilité, c’est bien celui de la connaissance et de la formation des esprits.
Ce grand emprunt a de quoi nous inquiéter.
L’enseignement supérieur est abondé à hauteur de 10 milliards d’euros supplémentaires. Ainsi, 7,7 milliards d’euros sont consacrés à la création de campus d’excellence de visibilité mondiale, 1,3 milliard d'euros à la poursuite de l’opération Campus, le milliard d’euros restant étant attribué à la constitution du campus scientifique et technologique européen du plateau de Saclay.
L’essentiel de ce grand emprunt sera accordé à un nombre très restreint d’établissements, tout au plus cinq à dix campus universitaires d’excellence, sélectionnés selon des critères préétablis, comme nous l’avons déjà fait remarquer.
L’opération Campus consiste à rénover un certain nombre de locaux d’universitaires, là encore, préalablement sélectionnés. Elle devait être financée à hauteur de 5 milliards d’euros par la vente des actions d’EDF. Celle-ci n’ayant en fait rapporté que 3,7 milliards d'euros, le grand emprunt est un moyen astucieux d’attribuer à l’opération les fonds manquants.
Quant à la recherche, dotée de 8 milliards d’euros, elle reste ancrée dans la même logique élitiste et utilitaire. Le financement, d’une part, de laboratoires et d’équipements d’excellence, à hauteur de 2 milliards d'euros, et, d’autre part, de la recherche dans le secteur de la santé et des biotechnologies, à hauteur de 2,4 milliards d'euros, doit permettre de dégager des débouchés économiques importants.
On favorise ainsi la recherche appliquée au service de l’économie libérale et l’on développe le partenariat public-privé dans ce domaine. Le privé n’ayant rien à gagner dans la recherche fondamentale, on marginalise cette dernière. La recherche publique et son armée de CDD de niveau bac + 10 continueront de se partager des queues de cerises, et le service public de la recherche mettra le second genou à terre !
Favoriser à outrance la recherche appliquée sur projets, c’est méconnaître le fonctionnement de la recherche et de l’innovation. Le Gouvernement mise tout sur la recherche incrémentale sur projets, alors que ce n’est pas elle qui est à l’origine des grandes avancées technologiques. Ce n’est pas parce qu’on a décrété vouloir lutter contre le cancer qu’on a inventé la résonance magnétique nucléaire, l’un des équipements les plus importants dans le diagnostic de cette pathologie. On n’a pas plus inventé l’ampoule électrique en cherchant à améliorer la bougie !
Ce grand emprunt reste donc marqué par l’idée de faire émerger des pôles universitaires et de recherche prestigieux, capables de rivaliser avec les grandes universités américaines. On crée des pôles de compétitivité et d’excellence et on les choisit en fonction de leur capacité à faire naître du profit. Ainsi, au nom de la crise, on intègre la logique du privé dans l’université et la recherche, on finance quelques grands pôles au détriment de la formation du plus grand nombre.
En d’autres termes, on creuse les inégalités entre les formations, en laissant de côté la recherche et l’enseignement en sciences sociales, en sciences humaines, disciplines qui, si elles contribuent à l’enrichissement de la pensée, ont le défaut de mal se vendre.
Par ailleurs, ces crédits seront distribués par des fondations qui viendront « doubler » les organismes publics compétents. Ils seront attribués sous la forme de dotations en capital. Par conséquent, les sommes dégagées ne pourront être consommées ; seuls le seront les intérêts, ce qui diminue considérablement l’effet que les sommes annoncées peuvent avoir. Nous sommes donc loin de l’accroissement annuel de 1,8 milliard d'euros promis par M. Sarkozy. Votre dotation est un trompe-l’œil !
Je tenais à dénoncer ce véritable mirage que crée le grand emprunt. Avantager une minorité au détriment du plus grand nombre n’est en aucun cas un progrès. Ce n’est pas non plus notre conception de la connaissance et de la formation.
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
II.- A. Pour chaque action du programme d'investissements, les conditions de gestion et d'utilisation des fonds mentionnés au I font, préalablement à tout versement, l'objet d'une convention entre l'État et chacun des organismes gestionnaires. Cette convention, qui ne peut être conclue pour une durée supérieure à dix ans, précise notamment :
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il s’agit d’un amendement très modeste, qui tend à prévoir que les conventions entre l'État et les organismes chargés de la gestion des fonds d'avenir ne peuvent être conclues pour une durée indéterminée. Certains projets étant envisagés sur le long terme – c’est notamment le cas des campus d'excellence –, il convient de prévoir une renégociation périodique des conventions.
Afin de permettre aux opérateurs de mettre rapidement en œuvre le programme d'investissements, compte tenu de la suite qu’il convenait de donner aux réunions préparatoires avec vos services, monsieur le ministre, j’ai accepté de rectifier cet amendement pour que soit précisé qu'une convention serait signée pour chaque action du programme d'investissements. Cela permettra de démarrer les projets qui sont d'ores et déjà prêts, sans attendre les moins bons élèves, c'est-à-dire sans attendre que l'ensemble du programme d'investissements mis en œuvre par un même opérateur soit déterminé.
Monsieur le ministre, cet amendement n’est pas du pur formalisme ! Le dispositif du grand emprunt, formulé de manière si habile et intéressante, sera scruté de près par tous les observateurs extérieurs. La dette et le déficit de notre pays sont tels que 35 milliards d'euros de dettes supplémentaires en 2010 pourraient, si les contreparties ne sont pas prévues et gérées de manière extrêmement rigoureuse, entraîner quelques difficultés de compréhension.
Notre souci est donc de montrer que le dispositif est vertueux et que, s’il s’agit, certes, de fonds de dotations en capital allouées à des opérateurs, notamment à des universités, l’État, donc le Gouvernement et le Parlement, ne perd pas son droit de regard : il veille à la bonne affectation des sommes et est susceptible de demander des comptes. Au terme d’une période que la commission a fixée à dix ans pour simplifier, l’État doit être en mesure de renégocier, de confirmer, voire de modifier, le cas échéant, les objectifs et les conditions de rémunération.
M. le président. Le sous-amendement n° 62 rectifié, présenté par MM. Charasse, Collin et Mézard, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 6
Après les mots :
à dix ans,
insérer les mots :
est publiée au Journal Officiel de la République française et
La parole est à M. Michel Charasse.
M. Michel Charasse. Cet amendement est très simple. Dans un souci de transparence et de clarté, il tend à prévoir que les conventions visées à l’amendement n° 6 rectifié sont publiées au Journal officiel.
Je précise, monsieur le président, pour gagner du temps, que le sous-amendement n° 64 rectifié que j’ai déposé à l’amendement n° 16 qui viendra en discussion dans un instant a exactement le même objet. Je considère donc qu’il est soutenu, et je ne le présenterai pas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 62 rectifié ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. La commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. J’émets un avis favorable sur l'amendement n° 6 rectifié, car l’idée de la commission des finances est bonne.
Dans le système de gestion de gouvernance, que je ne rappellerai pas car chacun l’a en tête, il s’agit d’une avancée forte pour deux raisons. D’une part, il est important de considérer que les conventions ne peuvent pas être signées sans visibilité, et, de ce fait, leur donner une durée maximale de dix ans me paraît pertinent. D’autre part, il est utile d’indiquer dans ces conventions les conditions de gestion et les modalités d’utilisation des fonds.
Je m’interroge, en revanche, sur la pertinence du sous-amendement n° 62 rectifié. En effet, les conventions seront transmises au Parlement – je ne doute pas que les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat les examineront avec soin – et mises en ligne. Par conséquent, je me demande si leur publication au Journal officiel, qui risque d’alourdir inutilement ce dernier, est opportune.
Toutefois, par souci de transparence, je ne peux m’y opposer. Aussi, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Monsieur le ministre, la publication au Journal officiel peut se faire par un simple avis d’information renvoyant à la consultation du dossier dans les services compétents.
Il revient au Gouvernement de déterminer quelle forme prendra la publication. Celui-ci n’est pas obligé de publier l’intégralité de la convention, mais il peut se contenter de la mentionner, comme c’est déjà le cas aujourd’hui pour les fondations reconnues d’utilité publique ou pour l’approbation par la tutelle des budgets de certains établissements publics.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)