M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. On ne peut pas empêcher un établissement public industriel et commercial d’avoir des filiales et de prendre des participations financières dans des structures qui réalisent des opérations connexes.
Je vous rassure, madame Bricq : la commission a pris la précaution de prévoir, à l’article 8, que la Société du Grand Paris sera soumise au contrôle économique et financier de l’État, ce qui permettra une activité permanente de vérification.
Mme Nicole Bricq. Vous n’avez pas à le prévoir...
Mme Bariza Khiari. C’est normal !
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Christian Blanc, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Sur le principe, je peux être d’accord avec vous, monsieur le rapporteur : la Société du Grand Paris, établissement public, peut créer des filiales et prendre des participations. Mais qu’en est-il concrètement ?
Vous nous avez dit, ce matin, que la Société du Grand Paris avait deux objectifs principaux : d’une part, creuser – vous allez dire que je m’enfonce ! (sourires) – et, d’autre part, payer les travaux en construisant des gares. Vous dites que c’est au nom de la mixité sociale ; d’aucuns en doutent, car ces travaux vont coûter cher.
Vous savez, monsieur le secrétaire d’État, les gens s’intéressent à notre débat sur le Grand Paris. Mais ils veulent aussi comprendre. Nous devons donc prendre le temps, malgré la procédure accélérée, de leur expliquer les choses.
À quoi pourrait donc servir une filiale ?
On va déléguer des travaux à un tunnelier et passer un contrat avec la société concernée. Pour cela, point n’est besoin de créer une filiale !
Vous nous avez dit que la SGP n’existerait que jusqu’en 2023, et qu’en 2024 tout reviendrait à la région, donc également les filiales et les participations. Ce sera compliqué !
Monsieur le secrétaire d’État, vous qui avez mûrement réfléchi à cette question, pouvez-vous expliquer quel est l’intérêt d’une filiale par rapport à la société mère ? Et surtout, pourquoi prendre des participations dans une autre société ? C’est encore plus difficile à comprendre ! Ces questions peuvent paraître idiotes, mais elles trouvent leur justification au fur et à mesure du débat...
On crée donc un établissement public à caractère industriel et commercial. Comme je le disais ce matin, je comprends en quoi il sera « industriel », mais pas en quoi il sera « commercial ». M. Fourcade m’a répondu, à juste titre, que cette mention ne visait que le statut de cet établissement et a laissé entendre que ce dernier n’aurait en fait rien de commercial.
Si M. le secrétaire d’État veut bien m’expliquer en quoi ces filiales seront nécessaires, je m’efforcerai de le comprendre, même si c’est difficile. Mais pourquoi la Société du Grand Paris, qui répond à un si grand dessein, se compliquerait-elle l’existence en prenant des parts dans une autre société, alors qu’elle a les moyens de conclure des contrats et d’être elle-même donneuse d’ordres ?
En fait, ce que je comprends, c’est que l’on veut se donner toute latitude !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 42 et 135.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l’article 7.
Mme Bariza Khiari. Nous venons de le voir, la question du statut de la SGP se pose de manière criante : pourquoi un établissement public industriel et commercial plutôt qu’un établissement public d’aménagement à caractère administratif ? À l’évidence, vous n’avez pas su nous répondre et en tout cas nous convaincre.
En réalité, plusieurs indices dans ce texte nous font craindre qu’une fois le présent texte adopté, la Société du Grand Paris sera transformée en société privée, dont vous pourrez céder une partie du capital.
M. Jean Desessard. Voilà !
Mme Bariza Khiari. Un amendement n° 104 portant article additionnel après l'article 8 de Philippe Dominati, dont la pensée a le mérite de la cohérence, tend à prévoir cette transformation de l’établissement public en société, dans un délai de cinq ans.
Mme Nicole Bricq a plaidé pour le statut d’EPA et en a cité les avantages, qui pourraient nous mettre à l’abri de certaines tentations, notamment la mise sous tutelle du STIF. Cette proposition a été rejetée.
Vous comprendrez que nous ne pouvons pas cautionner la création d’un tel opérateur aux prérogatives étendues, sur lesquelles les collectivités locales n’auront aucune prise. De plus, les conditions sont si mouvantes que la majorité envisage déjà, par la voix de Philippe Dominati, de faire évoluer le statut de la SGP, alors que la région dispose des outils qui lui auraient permis de réaliser un projet de grande ambition ; elle l’a d’ailleurs démontré en relançant la politique d’investissement dans les transports et en multipliant les projets concrets depuis 2006.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Pour donner un avis différent ?
M. David Assouline. Bien évidemment non, et je voudrais revenir sur certains des propos que j’ai tenus ce matin sur la Société du Grand Paris. Ces mots pouvaient sembler violents... mais comment définir la SGP, sinon comme le « bras armé de l’État » ? C’est quelquefois utile, un bras armé ! Mais, en l’occurrence, il servira à contraindre les collectivités territoriales.
Je réitère ces propos, car je souhaite que nous prenions date ; c’est aussi à cela que doivent servir nos débats.
Il est contradictoire de prétendre lutter contre le mille-feuilles et d’ajouter un établissement. Vous avez certainement conçu ce projet afin que cela n’apparaisse pas comme une contradiction. Mais si ce n’en est pas une, c’est en tout cas une façon d’imposer un seul point de vue à toutes les structures. Sinon, pourquoi compliquer encore le dispositif ?
Certes, les autres structures – le STIF, la région, les collectivités locales... – seront appelées à participer, et on les écoutera. Mais, à aucun moment, elles n’auront le poids, le statut juridique et les prérogatives qui leur permettraient d’obliger la SGP à composer réellement en cas de divergences sur les décisions prises.
Au-delà de tous les arguments que nous vous avons opposés touchant aux prérogatives ou aux spécifications, telle est la raison fondamentale qui justifie notre refus de cet article, car celui-ci révèle l’esprit même de la loi.
Nous sommes d’accord au moins sur un point : nous devons avancer. Or, loin de rendre plus efficace le projet du Gouvernement, ces dispositions vont l’affaiblir.
M. le secrétaire d’État a la conviction qu’il aura les moyens d’avancer rapidement et que ce projet verra le jour dans treize ans. Mais il va se heurter à une réalité : aujourd’hui, rien ne peut plus se faire en matière d’aménagement du territoire ou de transports sans l’aval, la concertation, l’implication, la participation des collectivités locales et des autres entités concernées, qui disposent de leurs propres prérogatives.
Comme l’a dit M. Caffet, en votant cet article, on permet à la SGP de passer outre les nécessaires concertations, on pousse à l’autoritarisme et on entérine les solutions de facilité. Cet article porte une atteinte fondamentale à la décentralisation et à la démocratie locale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet article et donc pour la décentralisation.
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 185 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 8
I. – (non modifié) L’établissement public « Société du Grand Paris » est dirigé par un directoire qui exerce ses fonctions sous le contrôle d’un conseil de surveillance.
II. – Le directoire comprend trois membres nommés, après avis du conseil de surveillance, par un décret qui confère à l’un d’eux la qualité de président du directoire. La nomination de ce dernier ne peut intervenir qu’après son audition par les commissions permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
III. – Le conseil de surveillance est composé de représentants de l’État, et d’élus locaux nommés pour une durée de cinq ans renouvelable ou pour la durée de leur mandat.
Les représentants de l’État constituent au moins la moitié des membres du conseil de surveillance.
Le président du conseil de surveillance est élu parmi ses membres.
IV. – L’établissement public « Société du Grand Paris » est soumis au contrôle économique et financier de l’État.
V. – Il est institué auprès du conseil de surveillance un comité stratégique composé des représentants des communes et des établissements publics compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme dont le territoire est, pour tout ou partie, situé sur l'emprise d'un projet d'infrastructure du réseau de transport public du Grand Paris ou dans le périmètre d'un contrat de développement territorial prévu par l'article 18. Ce comité comprend également un député et un sénateur désignés par leur assemblée respective ainsi que des représentants des chambres consulaires et des organisations professionnelles et syndicales.
Ce comité est créé dans un délai de six mois à compter de la publication du décret en Conseil d’État prévu au dernier alinéa du II de l’article 2 de la présente loi.
Il peut être saisi de tout sujet par le conseil de surveillance. Il peut émettre des propositions et demander que des questions soient inscrites à l’ordre du jour d’une réunion du conseil de surveillance.
VI. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. Il précise notamment la composition du conseil de surveillance, le nombre, les conditions et les modalités de désignation de ses membres, ainsi que les attributions et les modalités de fonctionnement du conseil de surveillance et du directoire prévues par les articles L. 225-57 à L. 225-82 et L. 225-85 à L. 225-93 du code de commerce qui sont applicables à l’établissement public « Société du Grand Paris » et les conditions dans lesquelles le commissaire du Gouvernement peut s’opposer aux décisions du directoire, ainsi qu’à celles du conseil de surveillance de l’établissement public et, le cas échéant, de ses filiales. Il précise également la composition et les modalités de fonctionnement du comité stratégique ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d'âge dans la fonction publique et le secteur public.
VII. – (non modifié) L’annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« Société du Grand Paris. »
VIII (nouveau). – Un décret du Premier ministre nomme un préfigurateur de l’établissement public « Société du Grand Paris ». Ce préfigurateur est compétent pour saisir, au nom de la « Société du Grand Paris », la formation d’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable.
Le décret de nomination fixe également les conditions dans lesquelles, en application de l’article 7, le préfigurateur peut conclure tout contrat, convention ou marché nécessaire au fonctionnement de l’établissement public « Société du Grand Paris ». Les fonctions du préfigurateur cessent à compter de la publication du décret nommant le président du directoire et au plus tard le 30 septembre 2010.
Le préfigurateur rend compte au conseil de surveillance, au cours de sa première séance, des actes et décisions qu'il a pris.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet article définit le mode de gouvernance de l’établissement public « Société du Grand Paris », détaillant la composition de ses organes dirigeants. Il justifie le débat sémantique que nous avons eu ce matin ! En effet, la direction de cette société est similaire à celle d’une société anonyme, comprenant un directoire, un conseil de surveillance et, dorénavant, un comité stratégique.
Les membres du directoire, au nombre de trois, seront tous nommés par décret, c’est-à-dire par le Gouvernement. L’un d’entre eux sera ensuite désigné président de la Société du Grand Paris, après avis des commissions compétentes du Parlement ; ainsi en a décidé la commission spéciale, mais il ne pouvait guère en être autrement compte tenu de la réforme constitutionnelle. Cela étant, on imagine difficilement que l’avis des commissions compétentes n’aille pas dans le sens de ce que souhaite la majorité. En tout cas, on ne peut plus parler d’un établissement public au sens classique du terme.
Quant au conseil de surveillance, il sera constitué au moins pour moitié de représentants de l’État. Les collectivités territoriales seront donc minoritaires. Mais le comble est atteint lorsqu’on découvre que les représentants des communes et des établissements publics de coopération intercommunale siégeront dans un comité stratégique dont les compétences seront bien maigres. Ce comité pourra simplement proposer au conseil de surveillance l’inscription à l’ordre du jour de points spécifiques.
Un tel dispositif est à la fois bien complexe et fort discutable.
Par ailleurs, les communes dont le territoire n’est pas situé sur l’emprise d’un projet d’infrastructure du réseau de transport public ou dans le périmètre d’un contrat de partenariat n’auront aucun moyen d’intervenir dans les travaux décidés par la Société du Grand Paris, alors même que leur territoire pourra être fortement impacté, sur une petite ou sur une grande superficie, par les décisions de cet établissement public. Nous le déplorons.
La répartition des compétences entre ces différentes instances sera définie par décret, mais il est déjà décidé que le commissaire du Gouvernement pourra s’opposer non seulement aux décisions du directoire, mais également à celles du conseil de surveillance. Toutes ces instances n’auront donc qu’un pouvoir des plus réduits.
Depuis l’examen du texte par la commission, la nomination par décret du Premier ministre d’un préfigurateur est également prévue, dans l’attente de la constitution des organes de la Société du Grand Paris. Ce préfigurateur disposera seul du pouvoir de « conclure tout contrat, convention ou marché nécessaire au fonctionnement de l’établissement public " Société du Grand Paris" ». Ces dispositions visent clairement, elles aussi, à confier exclusivement à l’État le pouvoir décisionnel au sein de cette société.
Vous allez arguer qu’il faut aller vite, monsieur le secrétaire d’État. Je vous répondrai qu’il vaut mieux parfois prendre son temps pour réussir plutôt que d’aller vite sans tenir compte de l’avis des populations.
Ces dispositions ne correspondent pas à la conception que nous avons de la nécessaire coopération entre les collectivités territoriales et l’État en matière d’aménagement du territoire. Elles ne correspondent pas non plus à la vision que nous avons de la nécessaire démocratisation des institutions, surtout lorsqu’il s’agit de questions relevant des pouvoirs décentralisés.
Certes, les syndicats seront dorénavant représentés au sein du comité stratégique, mais ils n’auront pas de réelles prérogatives.
Pour ces raisons, nous vous proposerons tout d’abord de faire de la Société du Grand Paris un établissement public d’aménagement. Bien sûr, ce statut restreindra considérablement ses compétences en matière de transport, mais il est légitime qu’elles relèvent exclusivement du STIF, quitte à revoir sa composition et à prévoir le retour de l’État en son sein, d’autant que la sortie de l’État du STIF lui a permis de justifier son désengagement financier. Nous proposons donc que l’État s’engage de nouveau financièrement et participe aux décisions du STIF.
En outre, le statut d’établissement public d’aménagement permettrait de désigner un conseil d’administration, et non un directoire et un conseil de surveillance.
Nous vous proposerons également, toujours dans l’optique d’une démocratisation des institutions publiques, de créer un conseil d’administration dont la composition s’écarterait des règles en vigueur. Il s’agirait de donner un poids équivalent aux représentants de l’État, aux représentants des collectivités territoriales et aux citoyens. Ces derniers seraient représentés par différents acteurs de la société civile : syndicats, associations de protection de l’environnement, associations d’usagers et atelier international du Grand Paris.
Sur le fond, nous continuons de penser que, si l’intervention de l’État dans les politiques d’aménagement du territoire, y compris pour ce qui est de la région-capitale, est nécessaire afin de garantir un aménagement cohérent sur l’ensemble du territoire national, il faut, pour que ces politiques soient efficaces et crédibles, qu’elles soient élaborées en commun par l’ensemble des acteurs, élus et citoyens.
Il est certain que nous n’allons pas vraiment dans votre sens, monsieur le secrétaire d’État, mais nous pensons que ces éléments doivent pris en considération.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. La Société du Grand Paris est en soi contestable, son statut juridique l’est également et son mode de fonctionnement, encore davantage.
Selon le texte tel qu’il nous est soumis, cette société aura à sa tête un directoire, un conseil de surveillance et un comité stratégique : autant de dénominations qui donnent l’impression d’une infrastructure technocratique où les responsabilités sont diluées et où, au final, personne ne contrôle réellement la prise de décision. Tout cela pour mieux justifier et accompagner une recentralisation de l’aménagement francilien. On sait en effet que le conseil de surveillance a un rôle plus éminent puisqu’il nomme le directoire. Or, pour l’heure, il est composé d’une majorité de représentants de l’État.
En d’autres termes, l’État s’assure ici la maîtrise du processus de décision. Nous revenons à des méthodes vieilles de plus de trente ans, au mépris des acquis de la décentralisation et au mépris des collectivités territoriales, que vous prétendez pourtant associer au mouvement.
La concertation n’est assurée que par un comité stratégique sans réel pouvoir, sorte de vitrine du dialogue entre les communes et l’État. Les véritables décisions seront, elles, prises à l’écart, dans une instance où l’État s’est arrogé la majorité de manière à pouvoir imposer ses vues.
Pourquoi tant de défiance vis-à-vis des collectivités territoriales, monsieur le secrétaire d’État ? Croyez-vous les élus incapables de cerner les enjeux du développement francilien ? L’adoption du SDRIF prouve pourtant le contraire ! Ce document, d’une grande qualité, est accepté et reconnu par tous. Il en est de même du plan de mobilisation pour les transports. Certes, il aura fallu quatre ans à la région pour mener à bien l’élaboration de ce projet. Assurément, quatre ans, c’est long, mais il faut parfois prendre le temps, gage de qualité, surtout lorsqu’il s’agit d’aménagements lourds, comme l’a dit notre collègue David Assouline.
Vous, monsieur le secrétaire d’État, vous voulez aller vite et vous déniez tout pouvoir aux collectivités territoriales. Cela n’est pas acceptable ! Nulle urgence ne peut justifier une telle atteinte aux droits des collectivités territoriales. Notre région est compétitive. Ce n’est pas en mettant en œuvre un projet n’ayant pas reçu l’onction démocratique que l’on favorisera la croissance.
Avec un courage et une constance qu’il nous faut saluer, notre collègue Philippe Dallier ne cesse, tout en soutenant votre projet, de nous rappeler avec raison qu’une entente est indispensable pour mener à bien ce grand projet d’aménagement. C’est pourquoi nous souhaitons que la Société du Grand Paris soit constituée d’une majorité d’élus des collectivités territoriales. Ces hommes et ces femmes de terrain auront une vision probablement plus concrète, qui sera utile aux schémas généraux que vous proposez.
En matière d’aménagement, on ne peut se permettre la moindre approximation. En associant concrètement et réellement la région et les départements à ce projet, monsieur le secrétaire d’État, vous en garantirez la bonne intégration dans les paysages franciliens. La compétitivité de la région-capitale, notre région, est à ce prix.
Gilles Carrez l’a bien compris puisqu’il a déclaré : « Si l’État et la région ne trouvent pas un accord explicite, si les collectivités locales ne se reconnaissent pas dans le projet du Grand Paris, nous irons droit au blocage. »
Telles sont les raisons pour lesquelles nous défendrons un certain nombre d’amendements visant à assurer une gouvernance plus équilibrée au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 44 est présenté par Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 91 rectifié est présenté par MM. Collin et Fortassin, Mme Laborde et M. Milhau.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 44.
Mme Marie-Agnès Labarre. Quand l’État décide de participer au développement de la région d’Île-de-France, il est bien dans son rôle. C’est au niveau de la méthode et des objectifs réels que le bât blesse. À cet égard, la structure prévue pour la Société du Grand Paris est révélatrice : directoire, conseil de surveillance ; c’est pour le modèle d’une société de droit privé que vous optez quant à cet établissement public industriel et commercial, ce qui confirme, s’il en était besoin, que votre projet n’est pas uniquement destiné à répondre aux besoins des habitants de la région. On voit clairement apparaître un projet à caractère libéral.
Il est symptomatique que, dans cet article, ce qui va un tant soit peu dans le sens de la démocratie n’ait aucun effet contraignant. À l’inverse, ce qui touche à la décision est manifestement en faveur de l’État.
Nous notons aussi beaucoup de renvois à un décret en Conseil d’État, ce qui nous prive de certains débats, comme celui concernant la composition du conseil de surveillance.
Dans ce qui n’entraîne aucune conséquence contraignante, on peut relever : premièrement, l’audition, prévue par la commission spéciale, du président pressenti du directoire par les commissions compétentes du Parlement ; deuxièmement, l’avis du conseil de surveillance sur la nomination des membres du directoire ; troisièmement, le rôle et les prérogatives du comité stratégique.
En revanche, le commissaire du Gouvernement pourra s’opposer aux décisions du directoire et du conseil de surveillance de l’ÉPIC, voire de ses filiales. De plus, le préfigurateur, créé par la commission spéciale, sera nommé par le Premier ministre et aura, jusqu’à la nomination du futur président du directoire, tout pouvoir de conclure des contrats ou des marchés, donc tout pouvoir d’engager le processus décisionnel.
Surtout, l’État détiendra au moins la moitié des sièges au sein du conseil de surveillance. Il sera donc maître de la décision.
La Société du Grand Paris, qui disposera de pouvoirs exorbitants, sera en réalité aux mains de l’État. Au travers de cet outil, il pilotera tout ! Avec une telle recentralisation des compétences d’aménagement et de transport, dans le cadre d’une organisation territoriale pensée en fonction des besoins du capital, les collectivités seront dessaisies de leurs propres facultés de choix.
La réalité, c’est que le gouvernement entend, au travers de l’outil qu’est la Société du Grand Paris, mettre sous tutelle les collectivités de la région d’Île-de-France. Nous ne pouvons donc pas accepter cette organisation de la gouvernance.
M. le président. L'amendement n° 91 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement 44 ?
M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Nous avons créé, à l’article 7, la Société du Grand Paris. À l’article 8, il nous faut bien lui donner une gouvernance, faute de quoi nous serions incohérents.
La commission spéciale a beaucoup travaillé sur la gouvernance de cette Société du Grand Paris, précisant, d’une part, que le conseil de surveillance serait nommé par décret, lequel fixera la composition exacte et les conditions de nomination, prévoyant, d’autre part, un système à trois niveaux, avec un directoire, un conseil de surveillance et un comité stratégique, qui permettra d’associer à la réflexion et à l’action la totalité des forces vives de la région ; c’est dans ce cadre que seront discutés les problèmes d’infrastructure et d’exploitation du réseau moderne. En outre, il a été prévu que cet établissement public serait soumis au contrôle économique et financier de l’État.
J’ai cru comprendre, madame Labarre, que vous considériez ces apports de la commission comme des avancées, et je vous en remercie. Mais il me semble qu’il faut maintenant fixer la composition précise de cet organisme. Par conséquent, la commission vous propose, mes chers collègues, de repousser l’amendement de suppression de l’article 8.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?