M. Jean-Louis Carrère. En la matière, vous êtes de grands spécialistes !
M. Jacques Gautier. Aujourd’hui, certains de nos collègues craignent que la gendarmerie nationale ne perde son statut militaire et ne se dilue au sein du ministère de l’intérieur.
M. Jean-Louis Carrère. C’est sûr !
M. Jacques Gautier. Jean Faure l’a évoqué tout à l’heure, nous étions il y a dix jours en Afghanistan avec le ministre de l’intérieur.
M. Didier Boulaud. Un voyage réservé à l’UMP ! Nous avions le droit d’y aller aussi !
M. Jean-Louis Carrère. Nous aussi, nous sommes élus, et au suffrage universel majoritaire à deux tours, pas à la proportionnelle !
M. René-Pierre Signé. Sectaires !
M. Jacques Gautier. Je peux vous assurer que nos cent cinquante gendarmes qui assurent le tutorat des forces de sécurité afghanes en Surobi et en Kapisa (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)…
M. le président. Mes chers collègues, n’interrompez pas l’orateur !
M. Jean-Louis Carrère. Nous avions le droit d’aller aussi en Afghanistan !
M. Jacques Gautier. … ou qui forment la gendarmerie ou les policiers afghans à Mazar-e-sharif, ne connaissent pas ce genre de crainte. Respectez-les, chers collègues de l’opposition ! Respectez-les, monsieur Carrère ! (Exclamations continues sur les mêmes travées.)
M. le président. Chers collègues, veuillez laisser parler l’orateur !
M. Jacques Gautier. Ces gendarmes travaillent aux côtés de leurs camarades de la task force La Fayette et opèrent dans des zones dangereuses ; ils sont soumis à des tirs de roquette et à des tirs tendus, mais ils ont été préparés et équipés pour faire face à ces dangers.
M. Jean-Louis Carrère. Nous étions tout à fait capables d’aller en juger sur place !
M. Didier Boulaud. Oui !
M. Jacques Gautier. Ce sont de vrais gendarmes et de vrais militaires ! Je tiens à témoigner devant vous de leur engagement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Les copains et les coquins, comme disait Poniatowski !
M. Jacques Gautier. La loi sur le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur a pu en inquiéter certains. La gendarmerie a toujours été une force de police à statut militaire et personne, monsieur Carrère, personne ne peut imaginer que cette situation change. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Chers collègues, laissez parler l’orateur !
M. Jacques Gautier. En revanche, je le rappelle, la gendarmerie était déjà, de fait, depuis 2002, rattachée, au niveau opérationnel, au ministère de l’intérieur.
Les zones d’intervention de la police et de la gendarmerie sont depuis longtemps définies et complémentaires ; elles s’adaptent selon le temps.
En tant que maire, j’ai connu la fermeture de la brigade de gendarmerie de ma commune, et le classement complet en zone de police d’État. Mais on me rétorquera que cela se passait à une autre époque, et que c’était un ministre de la défense socialiste, Alain Richard, qui les avait décidés…
Au moment où la RGPP s’impose à nous, nous sommes nombreux à prôner la rigueur budgétaire. Il n’est pas anormal de mutualiser une partie des moyens de ces deux forces, sans pour autant toucher à leur identité, à leurs spécificités ou à leurs statuts.
Mes chers collègues, certains parmi vous ont reproché la fermeture – éventuelle - de brigades territoriales ou d’escadrons mobiles et celle - elle, réelle - de quatre des huit écoles de gendarmerie. Pourtant, de telles décisions découleraient de la RGPP et non du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur.
Ce format plus contraint de la gendarmerie nationale s’applique à l’ensemble de la fonction publique, y compris à nos forces armées.
Dans ces domaines, en particulier dans celui de la sécurité, le nombre n’a jamais fait l’efficacité et le résultat,…
M. Jean-Louis Carrère. Vous essayez de justifier l’injustifiable !
M. Jacques Gautier. … sinon les députés seraient plus performants que les sénateurs ! (Sourires.)
Les efforts déployés en équipements, y compris pour ce qui concerne la vidéoprotection, la revalorisation des soldes ou la mutualisation de certains équipements, montrent, s’il en était besoin, que l’on peut faire aussi bien, sinon mieux, avec un dispositif plus contraint, et ce grâce à une meilleure organisation.
M. Jean-Louis Carrère. C’est du charabia !
M. Jacques Gautier. Ne nous trompons pas de débat, mes chers collègues !
M. Jean-Louis Carrère. Charabia !
M. le président. Monsieur Carrère !
M. Jacques Gautier. Il s’agit ici de contrôler l’application de cette loi, et non de revenir sur la RGPP.
Mes chers collègues, sortons des a priori et des craintes supposées, et examinons avec M. le secrétaire d’État les premiers résultats d’une loi promulguée voilà moins d’un an.
M. René-Pierre Signé. Ne détruisez pas toute la France !
M. Jacques Gautier. Fervent défenseur des forces armées, je crois pouvoir dire que, dans les arbitrages passés du ministère de la défense, les gendarmes ont parfois été défavorisés par rapport à l’armée de terre, à la marine ou à l’armée de l’air.
M. Didier Boulaud. Vous allez voir les arbitrages qui seront faits à l’avenir !
M. Jacques Gautier. Je suis persuadé que cela ne sera plus le cas aujourd’hui, avec une gestion budgétaire dépendant du ministère de l’intérieur. (M. Didier Boulaud proteste.)
M. le président. Monsieur Boulaud, le débat est intéressant, laissez l’orateur s’exprimer !
M. Jacques Gautier. Cela a été déjà évoqué, la commission a été saisie ce matin pour avis de la « LOPPSI 2 ». Ce projet de loi permettra à la gendarmerie nationale de bénéficier de matériels de haute technologie destinés à faire face aux nouvelles formes de délinquance, à la complexité des enquêtes et à la nécessité d’améliorer la protection des personnels.
M. Jean-Louis Carrère. Mais il n’y a pas de moyens !
M. Didier Boulaud. Vous avez trouvé du pétrole ?
M. Jacques Gautier. Cette loi prendra aussi en compte la reprise, à compter de 2012, d’une partie des missions assurées actuellement par les armées outre-mer, et ce en conformité avec le Livre blanc.
Sur les treize points que compte la LOPPSI, je souhaite en rappeler certains, qui me paraissent essentiels : l’amélioration des capacités de soutien opérationnel ; le déploiement du dispositif de vidéoprotection et du système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, ou LAPI ; le développement des capacités de communication opérationnelles ; le développement des capacités de projection sur des situations de crise ; la lutte contre l’insécurité routière ; l’optimisation de l’emploi et des capacités de la force aérienne de sécurité intérieure.
M. Didier Boulaud. Vous n’avez plus d’argent !
M. Jacques Gautier. Mes chers collègues, le monde évolue, les menaces et vulnérabilités auxquelles nous sommes soumis aussi ; il est donc naturel que nos réponses s’adaptent en permanence.
M. Didier Boulaud. Il y a au moins une chose qui ne change pas…
M. Jacques Gautier. C’est ce qu’ont su faire nos armées ces dernières années ; c’est ce que font nos gendarmes, sans états d’âme. (Rires sardoniques sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur Carrère, je vous rappelle que, en 2001, les gendarmes sont venus, képis posés, avec leurs véhicules de fonction protester contre le ministre de la défense de l’époque, Alain Richard, et le Premier ministre, Lionel Jospin. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.- Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Et vous défiliez avec eux !
M. Didier Boulaud. Et sans honte !
M. le président. Chers collègues, un peu de calme !
M. Jacques Gautier. Je voudrais dire, monsieur le secrétaire d'État, toute l’estime et l’admiration que je porte aux personnels de la gendarmerie nationale et le soutien dont je les assure.
Monsieur Carrère, j’espère que nous n’aurons pas à débattre, dans quelques semaines, d’une nouvelle source de crainte,… la crainte de voir la police demander le statut militaire ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Claude Carle. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Ma chère collègue, j’espère que vous ramènerez la paix dans cette assemblée.
M. Daniel Reiner. Ce n’est pas gagné !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, je vais tenter de ne pas m’exprimer de façon trop passionnée ! (Sourires.)
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de ce débat consacré à la gendarmerie, je souhaite évoquer l’épineuse question de la liberté d’expression des chercheurs gendarmes.
Cette question a pris un relief particulier ces dernières semaines, puisqu’un militaire de carrière, que je ne nomme pas mais dont tout le monde ici a entendu parler, par ailleurs chercheur reconnu pour la qualité de ses travaux universitaires, a fait l’objet d’une mesure grave de radiation des cadres, en raison de propos qu’il a tenus dans les médias, notamment dans la presse écrite.
Je ne m’attarderai pas sur cette affaire, qui est en cours d’instruction devant le Conseil d’État, mais elle me donne l’occasion de soulever un point délicat de la loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires, qui pose justement les fondements et les limites de la liberté d’expression des militaires chercheurs, question ô combien passionnante.
Cette loi pose un principe simple : « Les opinions et croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques sont libres. Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec les réserves exigées par l’état militaire. »
Par ailleurs, cette loi précise qu’un militaire chercheur est soumis aux règles pénales relatives à la violation du secret de la défense nationale et du secret professionnel.
Elle affirme, enfin, l’obligation de discrétion des militaires pour tous les faits, informations ou documents dont ils ont connaissance dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions.
On le voit bien, cette loi est d’inspiration libérale : elle a été présentée comme apportant de nouveaux droits aux militaires, notamment une liberté d’expression accrue. En effet, et c’est une nouveauté de cette loi, les militaires peuvent désormais librement s’exprimer, sans autorisation préalable, pour évoquer, dans le cadre de conférences, exposés ou articles de presse, des sujets politiques ou des questions internationales militaires non couverts par le secret.
On comprend donc que le statut de chercheur n’est pas incompatible avec celui de militaire sur le terrain de la liberté d’expression. En conséquence, le statut de militaire ne constitue pas en soi une entrave à la liberté d’expression des militaires dès lors que le secret défense ou des informations confidentielles ne sont pas en jeu.
Ma question est simple : un militaire chercheur, sous réserve bien évidemment de respecter le secret défense, peut-il critiquer, en sa qualité de chercheur, l’institution à laquelle il appartient ?
La Cour européenne des droits de l’homme a récemment apporté un commencement de réponse à cette question. Aux termes de l’arrêt rendu, la liberté universitaire d’un chercheur comprend notamment la liberté d’exprimer son avis au sujet de l’institution au sein de laquelle il travaille, de diffuser des connaissances et de répandre la vérité sans restriction.
Le statut militaire n’est donc pas un obstacle à la liberté d’expression du militaire chercheur. Cette liberté d’expression doit même être sauvegardée, car elle est saine et peut permettre à l’institution de s’interroger sur son mode de fonctionnement et, ainsi, d’évoluer.
Il s’agit non pas de laisser un militaire jeter l’opprobre sur l’institution à laquelle il appartient, mais de lui permettre d’assumer un statut hybride, celui de militaire chercheur, en lui laissant une marge de manœuvre nécessairement plus large que celle qui est accordée à un militaire n’ayant aucune activité universitaire.
J’ajoute que, lorsque les propos d’un militaire sont issus de recherches scientifiques, ils doivent être libres. Dans une démocratie, la recherche ne peut être la cause de sanctions du seul fait qu’elle a été réalisée par un militaire et qu’elle exprime une « prétendue » désapprobation de la politique conduite par le Gouvernement.
Cinq années après l’entrée en vigueur de la loi du 24 mars 2005, il est nécessaire de clarifier le statut de gendarme chercheur afin de répondre aux exigences inhérentes à ces deux fonctions.
Il convient aujourd’hui de trouver un nouvel équilibre entre, d’une part, la liberté d’expression et de recherche du militaire, d’autre part, la protection du secret défense. Cet équilibre est subtil, je le reconnais et nous en convenons tous. Cependant, nous sommes prêts à réfléchir ensemble aux moyens d’assurer aux militaires chercheurs un cadre clair et transparent qui leur permettra de connaître à l’avance les limites de leur liberté d’expression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite mettre l’accent sur les conséquences du statut militaire, une certaine inquiétude se manifestant au sein de l’institution, notamment en ce qui concerne le maintien du régime spécifique de retraite et des taux pratiqués. En effet, plane le risque d’un alignement sur le régime général, avec tout ce que cela implique.
Ce statut, conforté après le rapprochement de la police et de la gendarmerie sous l’autorité du ministère de l’intérieur, intègre la pénibilité et la dangerosité du métier de gendarme.
Toutefois, des questions restent en suspens.
Chacun sait que les gendarmes sont très fortement engagés dans leurs missions. Ils reconnaissent les avantages que leur procure leur statut, mais, en contrepartie, en raison de leur spécificité, et cela a été rappelé par tous ceux qui m’ont précédé à cette tribune, ils sont astreints à de nombreuses obligations de service continu.
Le point sur lequel je veux vous interroger est simple, monsieur le secrétaire d’État : pouvez-vous nous indiquer les intentions du Gouvernement au sujet des retraites ? Pouvez-vous nous préciser si une concertation avec le Conseil supérieur de la fonction militaire est à l’ordre du jour, comme cela est souhaité par les gendarmes, et si une concertation décentralisée à l’échelle des départements est prévue ? (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. Didier Boulaud. Excellentes questions !
M. René-Pierre Signé. Tout à fait !
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je voudrais à mon tour remercier notre collègue Jean-Louis Carrère d’avoir, par sa question orale avec débat, mis à l’ordre du jour la situation de la gendarmerie nationale. La passion qui nous anime cet après-midi prouve que c’était nécessaire.
Monsieur le secrétaire d’État, nous vivons une période un peu confuse où se mêlent, se heurtent même, plusieurs de vos décisions : tout d’abord, le rattachement officiel de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, et nous avons tous dit le mal que nous en pensions ; ensuite, la poursuite de la réorganisation sur le territoire des forces de sécurité publique – police et gendarmerie – dans le cadre d’une loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure toujours en vigueur à ce jour, qui avait programmé, elle, une évolution positive des effectifs ; enfin, la RGPP, qui a stoppé en plein vol cette augmentation et qui organise, à l’inverse, une vigoureuse déflation des effectifs.
Ce climat particulièrement incohérent n’incite à la sérénité ni les gendarmes ni les élus des collectivités territoriales, qui sont en relation avec eux quotidiennement.
Je veux bien croire qu’il n’y a pas de plan caché global de suppression de brigades. Reste que, pendant quelques instants, à partir d’un exemple précis pris dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, qui est celui que je connais le mieux, je vais vous faire partager la manière dont les choses se passent.
Après la suppression de deux brigades à Pont-à-Mousson et à Saint-Nicolas-de-Port l’année dernière, annoncée d’ailleurs le 30 décembre pour une mise en œuvre le 1er janvier, c’est-à-dire deux jours après, c’est cette fois la commune de Neuves-Maisons qui a été touchée.
Située au cœur d’un bassin ouvrier à une dizaine de kilomètres de Nancy, cette commune disposait jusqu’en 2004 - retenez bien cette date - d’un commissariat de police dont l’action s’étendait aux communes entourant ce chef-lieu de canton.
Le ministre de l’intérieur de l’époque – chacun voit de qui je veux parler – a décidé de transférer ces communes en zone de gendarmerie.
Pour emporter l’adhésion des élus locaux, qui étaient naturellement attachés à leur commissariat de police, il leur a demandé de délibérer sur sa proposition écrite « d’affecter trente-huit gendarmes à cette nouvelle brigade ». Était jointe une note d’impact précisant dans le détail comment le transfert s’effectuerait et comment le service serait « naturellement » bien assuré.
Forts de cette assurance, les élus acceptèrent par délibération cette évolution. J’ajoute qu’il était également prévu de procéder à une évaluation de ce transfert un an après. Je tiens toutes ces pièces à disposition ! « Naturellement », allais-je dire, aucune évaluation n’a été faite.
M. Didier Boulaud. Bien sûr !
M. Daniel Reiner. Les choses sont allées ainsi jusqu’en 2009, date à laquelle un nouveau courrier est parvenu aux élus les informant que leur brigade allait perdre dix postes de gendarme et qu’un regroupement avec deux communautés de brigades rurales voisines, dotées, elles, de seize gendarmes, allait voir le jour.
La stupeur des élus du bassin de Neuves-Maisons et des communes des cantons de Haroué et de Vézelise, sièges des deux autres brigades couvrant cinquante-deux communes, qui ont vite compris que la nouvelle communauté passerait de cinquante-quatre à quarante-quatre gendarmes, soit 20 % de postes en moins – ce n’est pas rien ! –, s’est transformée en indignation. Pour eux, il s’agissait d’un reniement total de la parole officielle donnée il y a quelques années à peine.
Alerté par ces élus, j’ai interrogé le ministre de l’intérieur lors de l’une de nos séances du mardi matin. Par la voix de la ministre chargée de l’outre-mer, Mme Penchard,…
M. Didier Boulaud. Très concernée par la question !
M. Daniel Reiner. … il m’a été répondu qu’il s’agissait d’une réflexion en cours, et non d’une décision, et qu’elle donnerait lieu à concertation avec les élus.
En effet, peu de temps après, je me suis rendu avec mes collègues sénateurs et le député de la circonscription à deux réunions organisées à la préfecture, auxquelles participaient les maires des soixante-neuf communes concernées.
J’ai une certaine conception de ce que peut être la concertation. La convocation d’élus locaux à la préfecture pour leur faire part des décisions du Gouvernement ne correspond pas tout à fait à l’idée que je m’en fais.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Un peu plus tard, une délégation d’élus a demandé à être reçue au ministère de l’intérieur. Elle y a entendu le même discours.
Depuis lors, plus de concertation officielle, mais on a appris qu’un marchandage serait en cours entre le ministère de l’intérieur et le secrétariat d’État chargée de la famille et de la solidarité. Il faut dire que Mme Morano est élue dans cette circonscription… Sur son initiative, des réunions ont été organisées sur cette question. L’idée serait que huit suppressions, au lieu de dix, constitueraient une avancée notable. (M. Didier Boulaud s’exclame.) Une lettre du ministère de l’intérieur en ce sens lui a été adressée et circule actuellement dans certaines mairies.
Tout cela n’est ni sérieux ni respectueux.
Un argument spécieux, voire douteux, aurait même été avancé : si, depuis 2004, la commune de Neuves-Maisons avait construit une nouvelle gendarmerie, on n’en serait pas là … C’est un peu fort de café !
M. Didier Boulaud. Oh oui !
M. Daniel Reiner. Depuis quand une gendarmerie neuve ou récemment construite empêche-t-elle l’État de supprimer des postes de gendarme ? Pour reprendre l’exemple que je citais plus haut, la gendarmerie de Saint-Nicolas-de-Port, qui a été supprimée, était neuve !
En réalité, ici, le terrain avait été acquis par la communauté de communes. La construction d’un immeuble de trente-huit logements était prévue. Évidemment, si les gendarmes ne sont plus désormais que vingt-huit ou trente, on a bien fait de ne pas commencer les travaux ….
Quant à la proposition d’un bail faite à l’État, nous n’avons pas obtenu de réponse. Il en va de même pour sa participation financière.
J’espère que ce cas n’est pas exemplaire, car il ne peut satisfaire personne, ni les élus ni les gendarmes, qui ne savent pas de quoi demain sera fait. Cette mauvaise méthode crée un climat de défiance, ce qui n’est jamais bon.
Quant à la population, qui est attachée à la sécurité publique et qui est la première concernée, elle constate, une fois de plus, que le service public s’éloigne d’elle et s’affaiblit. Si la sécurité publique est une priorité du Gouvernement, avouez qu’il a une drôle de manière de l’assumer dans ces trois cantons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Boulaud. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.
M. Jacques Berthou. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite faire prendre conscience au Gouvernement de l’état préoccupant de la délinquance en France, plus particulièrement celle qui concerne les atteintes aux personnes et aux biens, en constante augmentation.
Mon intervention est celle d’un maire qui ne fait que rapporter ce que ressentent la plupart de ses collègues élus. En effet, pratiquement chaque jour dans nos communes urbaines, périurbaines et rurales, les maires que nous sommes sont confrontés à une multitude de faits qui inquiètent, scandalisent et rendent la vie impossible à nos concitoyens.
M. Didier Boulaud. Eh oui !
M. Jacques Berthou. Les faits, vous les connaissez : trafics de drogues, squats d’escaliers ou d’espaces publics, beuveries, bruits, insultes, violences verbales et parfois même physiques contre ceux qui ont le courage de faire des remarques. À cela s’ajoutent les détériorations de mobiliers urbains, les voitures volées, cassées, vandalisées ou utilisées pour des rodéos, puis brûlées.
Cette liste n’est malheureusement pas exhaustive. Nos concitoyens, inquiets, apeurés, impuissants, ne sachant plus à qui s’adresser, se retournent vers leurs élus, les interpellent : « Que faites-vous, monsieur le maire ? Vous êtes responsable de la sécurité dans votre commune et vous ne faites rien, pas plus que la police ou la gendarmerie ! »
C’est bien là que le bât blesse, car nos administrés constatent que nos gendarmes, malgré toute leur bonne volonté, ne peuvent plus résorber cette délinquance, dépassés par son importance et sa diversité, à laquelle il convient d’ajouter les cambriolages, les vols, les braquages de commerces, les violences aux personnes, les divers constats d’accidents et les tâches administratives.
C’est dans ce contexte alarmant que vous réduisez les moyens qui permettraient de combattre cette insécurité, d’en limiter son évolution.
En instaurant la RGPP, en supprimant, dès 2010, 1 300 postes de gendarme et en réduisant leur effectif de 3 500 postes en trois ans, vous allez à contresens et contribuez ainsi à accentuer l’insécurité dans notre pays.
Avez-vous oublié ce temps, entre 2002 et 2005, où M. le Président de la République, alors ministre de l’intérieur, avait augmenté de façon très importante – pratiquement 12 000 emplois – les effectifs de la police et de la gendarmerie ? Et ce sont ces 12 000 emplois que vous allez supprimer d’ici à 2013, alors que l’insécurité dans notre pays s’aggrave !
Faut-il que M. le Président de la République redevienne ministre de l’intérieur pour donner aux forces de police et de gendarmerie les effectifs nécessaires à l’exercice de leur mission ?
Jamais la RGPP n’aurait dû concerner la sécurité !
Résoudre tous les problèmes que je viens d’évoquer exige obligatoirement une présence accrue des forces de police et de gendarmerie, et une présence de proximité.
Je tiens à souligner le rôle précieux que jouent nos gendarmes. À la fois proches des élus et des populations, ils peuvent avoir une connaissance précise des événements et obtenir des renseignements indispensables à la résolution d’une affaire.
En réduisant le nombre de gendarmes, vous perdrez inévitablement cette proximité ! Déjà, dans certaines brigades, on constate des regroupements d’activité. Comme l’a souligné mon ami Jean-Louis Carrère, certaines d’entre elles ne prennent plus les plaintes, contraignant les victimes, du moins celles qui ne baissent pas les bras, à se rendre dans des brigades très éloignées.
Beaucoup plus de travail, des missions de plus en plus diversifiées, mais aussi une approche des situations conflictuelles beaucoup plus professionnalisée, beaucoup plus technique, nécessitant des contacts humains et psychologiques permanents, tels sont les jalons qui ponctuent l’évolution de la fonction de gendarme.
La passion pour la fonction ne suffit plus ; la formation doit être beaucoup plus importante. Or ce n’est pas en supprimant quatre écoles de gendarmerie que vous allez, monsieur le secrétaire d'État, répondre à ces exigences de formation !
Aussi est-ce un véritable cri d’alarme que je vous lance ici !
Il ne suffit plus d’affirmer que la sécurité est l’une de vos préoccupations, encore faut-il le démontrer, en donnant à la gendarmerie nationale des moyens beaucoup plus importants que ceux dont elle dispose actuellement – et pas seulement des moyens technologiques : une caméra ne remplace pas un gendarme ! Surtout, il s’agit de ne pas faire marche arrière, en supprimant les postes que vous envisagez !
Mais je ne saurais conclure sans rendre un hommage appuyé à nos gendarmes.
Monsieur le secrétaire d'État, les Français, les élus jugeront vos actions sur des résultats et non pas sur des professions de foi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Daniel Reiner. La tâche va être difficile !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, retenu cet après-midi à l'Assemblée nationale.
Monsieur Carrère, le 14 janvier dernier, Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, avait déjà été conduit à faire le point devant la Haute Assemblée sur le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur et à exposer les perspectives d’évolution de cette institution. À cette occasion, Brice Hortefeux avait souligné combien il lui semblait prématuré de dresser un premier bilan de ce rattachement, moins de six mois après l’entrée en vigueur de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale, d’autant que, comme l’a rappelé Jean Faure, cette loi prévoit expressément un tel bilan au terme de deux années d’application. Je ne peux que réitérer ce constat.
Le ministre de l’intérieur avait alors rappelé le sens du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur, qui parachève un mouvement engagé à partir de 2002, et souligné toute l’importance de la loi de 2009, qui constitue une réforme d’envergure historique pour la gendarmerie nationale, en quelque sorte la première depuis deux cents ans. Il avait, par ailleurs, indiqué que cette réforme ne touchait ni aux missions ni au statut militaire de la gendarmerie.
Face aux inquiétudes exprimées dans ce débat tant par Virginie Klès, Robert Hue que, bien sûr, Jean-Louis Carrère, qui tend à considérer que le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur constitue une « fusion » de la gendarmerie et de la police, ce dont il n’a jamais été question, il me paraît important de rappeler, à ce stade du débat, un certain nombre de points.
Certes, je ne suis pas titulaire de la charge mais, en tant que secrétaire d’État à l'intérieur et aux collectivités territoriales, après avoir d’ailleurs été secrétaire d’État à la défense, chargé des anciens combattants, j’ai très fréquemment l’occasion d’inaugurer des casernes et des logements de gendarmerie.
Depuis le début de l’année, je me suis ainsi rendu dans les Bouches-du-Rhône, la Haute-Loire, le Vaucluse, l’Hérault, la Lozère, les Côtes-d’Armor et le Maine-et-Loire. Lundi dernier encore, j’inaugurais une caserne, le matin, dans les Pyrénées-Orientales, à Osséja, près de Font-Romeu, et une autre, l’après-midi, dans la banlieue de Perpignan. J’irai bientôt dans le Haut-Rhin, dans le Gard, …