M. Roland Courteau. Ils anticipent !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En tant que rapporteur, je reconnais la complexité du mécanisme de l'ARENH. Les droits de chaque fournisseur d'électricité seront fondés sur une évaluation ex ante de son portefeuille de clients en France. Puis ils feront l'objet d'un contrôle ex post, qui pourra donner lieu au versement d'un complément de prix s'il apparaît qu'ils ont en fait excédé la consommation effective de ses clients. Le travail de la CRE, à laquelle est confiée la surveillance du mécanisme, sera particulièrement délicat. Des ajustements législatifs du dispositif seront probablement assez vite nécessaires, et c'est pourquoi des rendez-vous sont prévus tous les cinq ans pour son évaluation devant le Parlement. (M. Roland Courteau s’exclame.)
Le Gouvernement avait deux autres choix. Soit, comme chez nos voisins italiens et allemands, demander à l'opérateur historique de céder une part plus ou moins importante de ses moyens de production. C'est ainsi qu'en Italie Enel a dû céder 15 de ses 56 gigawatts de capacités. Aujourd'hui, cet opérateur ne contrôle plus qu'un tiers du marché italien, où EDF est d’ailleurs présente à travers sa filiale Edison. Le marché allemand de l'électricité était dès le départ moins concentré, puisque partagé entre quatre grands acteurs. Mais ceux-ci ont également dû céder des actifs de production et aujourd'hui, les opérateurs français, EDF et GDF Suez, détiennent près de 19 gigawatts de capacités de production en Allemagne.
Comme vous, monsieur le ministre d’État, je n’aurais en aucun cas souhaité qu’EDF soit obligée d’abandonner une partie de son parc nucléaire.
M. Jacques Blanc. Bien sûr !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Pour ma part, je défends une solution alternative, qui aurait le mérite de permettre également le développement de la concurrence tout en étant moins complexe. Cette solution, vous la connaissez, car je me suis déjà exprimé en commission et publiquement : il s’agit du développement des participations industrielles dans le parc de centrales nucléaires d'EDF.
Plutôt que de contraindre EDF à céder une partie de sa production à ses concurrents, je pense qu'il aurait été plus simple et plus efficace d'ouvrir la propriété de ses centrales nucléaires aux participations des autres fournisseurs et des gros consommateurs d'électricité.
M. Roland Courteau. On n’est pas d’accord !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. C'est une solution qui n'est pas sans précédent. Ainsi, GDF Suez détient une participation de 12,5 % dans la centrale nucléaire de Tricastin. La centrale de Fessenheim est ouverte à hauteur de 17,5 % à une participation de l'opérateur allemand EnBW,…
M. Roland Courteau. Ce n’est pas tout à fait ça !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. … et de 15 % à une participation d'un consortium de trois opérateurs suisses conduit par Alpiq. Les centrales de Chooz et de Cattenom sont également ouvertes à des participations industrielles. Je vous rappelle aussi que le nouvel EPR de Flamanville, en cours de construction, est ouvert à une participation de 12,5 % d'Enel et celui de Penly, qui est en projet, à des participations d'Enel, d'E.ON et de Total. Ce système permet à EDF de partager le risque industriel et financier, à ses associés d'avoir un droit de tirage sur l'électricité mais EDF reste le propriétaire, l’exploitant et le décideur.
Une opportunité se présentera dans les prochaines années, avec la prolongation de la durée d'exploitation des centrales existantes. EDF a commencé à présenter des demandes à l'Autorité de sûreté nucléaire pour la prolongation de dix ans de ses centrales les plus anciennes, dont la durée de vie serait portée de quarante à cinquante ans. À terme, EDF vise une prolongation de la durée de vie de vingt ans, jusqu'à ce qu’elles aient soixante ans de durée d’existence. Lors de son audition devant notre commission, M. Henri Proglio, P-DG d’EDF, a évalué le coût moyen de ces investissements à 600 millions d'euros par tranche nucléaire. Le chiffre avancé par son prédécesseur n'était que de 400 millions d'euros. Si je retiens, monsieur le ministre d’État, une estimation moyenne de 500 millions d’euros, le montant total d'investissement pour la prolongation de l'ensemble des 58 réacteurs s'élève à 29 milliards d'euros. Je serais personnellement très favorable à ce qu'EDF, dont chacun connaît l'endettement – endettement qui, je le signale au passage, ne s’améliorera pas si on oblige cette entreprise à prendre des parts dans AREVA – ne finance qu’une partie de cet investissement colossal et accepte la participation des autres fournisseurs d'électricité, mais aussi de clients industriels. Ainsi, ceux-ci acquerraient un droit d'accès à la production d'électricité nucléaire d'EDF, qui demeurerait cependant le seul opérateur des centrales concernées. Cette solution, qui ne nécessite d'ailleurs pas forcément l'intervention d'un projet de loi, demeure toujours possible, puisque l’État français est actionnaire majoritaire d’EDF.
Mes chers collègues, je voudrais maintenant vous rappeler les principales dispositions du projet de loi, en soulignant les apports de la commission de l'économie.
L'article 1er constitue le cœur du texte, puisqu'il met en place le mécanisme d'« accès régulé à l'électricité de base », maintenant dénommé « accès régulé à l'électricité nucléaire historique ». Ce dispositif transitoire, prévu jusqu'au 31 décembre 2025, est défini comme le droit pour les fournisseurs alternatifs d'acheter à EDF un volume d'électricité globalement plafonné, à un prix représentatif des conditions économiques de production du parc historique de centrales nucléaires. Ce mécanisme est administré par la Commission de régulation de l'énergie et les ministres chargés de l'économie et de l'énergie.
Sur cet article 1er, votre commission a préféré confier à la CRE les échanges d'informations nécessaires pour déterminer les droits des fournisseurs à l'ARENH, plutôt qu'à une « entité juridiquement indépendante » – qu’il aurait fallu créer –, comme le souhaitaient les députés. Nous avons également pris date pour une future ouverture des centrales d'EDF à des participations, qui devra être l'un des points traités par le rapport que le Gouvernement présentera au Parlement en 2015.
L'article 2 est une disposition importante, qui fait obligation à chaque fournisseur d'électricité de contribuer à la sécurité d'approvisionnement nationale, soit en construisant des centrales, soit en développant les capacités d’effacement, auxquelles vous faisiez allusion il y a quelques instants, monsieur le ministre d’État, en précisant, à juste titre, que la France a beaucoup de retard en la matière par rapport à ses voisins. Ces garanties de production ou d’effacement doivent être conformes aux prescriptions définies par le ministre chargé de l'énergie, après avis de la CRE, en cohérence avec le programme pluriannuel des investissements de production d'électricité. Ces garanties étant échangeables, un marché de capacités devrait être mis en place au cours des prochaines années.
Mes chers collègues, votre commission a, par ailleurs, introduit un article 2 quater qui impute aux producteurs d'électricité les coûts de raccordement de leur installation. Il s'agit de modérer la charge financière que représente pour ERDF l'envolée des énergies renouvelables, notamment du photovoltaïque. Je préfère que les moyens financiers d’ERDF soient prioritairement consacrés à sa mission de service public d’amélioration de son réseau de moyenne tension.
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. L'article 3 remplace la procédure actuelle de déclaration des fournisseurs d'électricité par une procédure d'autorisation du ministre chargé de l’énergie.
Les deux articles suivants du projet de loi initial confortent les tarifs réglementés de vente d'électricité.
L'article 4 modifie la définition actuelle des tarifs réglementés pour prévoir qu'ils sont progressivement, et au plus tard au 31 décembre 2015, établis par additions de coûts, en tenant compte du prix de l'ARENH, du coût du complément de fourniture, des coûts d'acheminement ainsi que des coûts de commercialisation. À terme, la CRE reçoit compétence pour proposer les différents tarifs réglementés, mais durant une période transitoire de cinq ans, ceux-ci continuent d'être arrêtés par les ministres chargés de l'énergie et de l'économie.
L'article 5 pérennise les tarifs réglementés de vente d'électricité et de gaz pour les petits consommateurs, en réaffirmant le principe de réversibilité, et les maintient jusqu'au 31 décembre 2015.
Les deux articles suivants du projet de loi adaptent les missions et la composition de la Commission de régulation de l'énergie, la CRE.
L'article 7 ajuste le champ de compétence de la CRE afin de tenir compte de la mise en œuvre de l'ARENH. Il donne notamment compétence à la CRE pour proposer les prix et calculer les droits à l'ARENH. Il étend également le pouvoir de sanction dont dispose la CRE aux cas d'abus ou d'entrave au dispositif de l'ARENH.
L'article 8 prévoit une réduction de neuf à cinq du nombre de membres du collège de la CRE, qui se sera dès lors composée de trois membres, dont le président, nommés par décret, et de deux membres nommés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.
J'approuve totalement les objectifs visés par le Gouvernement s'agissant de cet article, à savoir disposer d'un collège resserré et professionnalisé. Il est en effet anormal que seuls trois des neufs membres du collège exercent actuellement leurs fonctions à plein temps et il est malsain que plusieurs membres du collège y représentent les intérêts de certains acteurs du secteur de l'énergie. En outre, à l'article 8, votre commission a rétabli à cinq membres la composition de la CRE, que l'Assemblée nationale avait voulu réduire à trois membres seulement, pour une raison qui continue à m’échapper.
Les deux articles suivants du projet de loi sont relatifs à la transposition des directives du troisième « paquet énergie ».
L'article 9 modifie le code de la consommation afin de transposer les dispositions relatives à la protection des consommateurs.
L'article 10, qui a été supprimé par l'Assemblée nationale, avait pour objet d'autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances, dans un délai de neuf mois, les dispositions nécessaires à la transposition d'autres dispositions du troisième « paquet énergie ». Il s'agissait par exemple de renforcer l'indépendance des gestionnaires des réseaux de transport d'électricité et de gaz, mais sans séparation patrimoniale ni gestion par une société tierce. Je partage bien sûr la position des députés qui ont estimé cette question politiquement trop importante pour pouvoir être transposée par voie d'ordonnances. Cependant, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur le fait que ces directives doivent être transposées avant le 3 mars prochain, et il ne sera pas facile de trouver d’ici là un créneau législatif.
Enfin, le projet de loi initial s'achevait par un article 11 qui autorise les exploitants d'installations nucléaires à étaler dans le temps la charge financière que représente l'obligation de constituer des actifs.
Votre commission a introduit un article 11 bis A, qui prévoit que les gestionnaires de réseaux devront faire aux autorités concédantes un compte rendu annuel sur leur politique d'investissements.
L’Assemblée nationale a également adopté plusieurs dispositions entièrement nouvelles, qui ont complété le projet de loi au-delà de ses onze articles initiaux.
L’article 12 réforme les taxes locales d’électricité afin de les mettre en conformité avec le droit communautaire. Cette réforme est induite par une directive européenne de 2003 : la France a été mise en demeure en mars dernier par la Commission, car cette directive devait être transposée avant le 1er janvier 2009.
L’article 13, qui résulte d’un amendement de M. François Brottes, ajoute la société publique locale, dernièrement créée par la loi du 28 mai 2010 sur l’initiative de notre collègue Daniel Raoul, aux formes juridiques proposées pour la fusion des entreprises locales de distribution.
L’article 14, qui provient d’un amendement du rapporteur de l’Assemblée nationale, confirme que le statut national des entreprises électriques et gazières s’applique également aux activités de commercialisation. C’est une précision nécessaire pour assurer l’égalité des conditions de concurrence entre les fournisseurs historiques et les nouveaux entrants.
Enfin, l’article 15 découle d’un amendement présenté par le Gouvernement pour proroger de six mois l’habilitation qui lui a été donnée pour adopter par voie d’ordonnance la partie législative du code de l’énergie.
Outre les modifications déjà incorporées en juillet au texte que nous examinons aujourd’hui, votre commission vous propose sept amendements additionnels dont les principaux sont les suivants.
Le premier vise à préciser la mise en œuvre du mécanisme d’obligation de capacités.
Le deuxième prévoit un barème national pour le financement par RTE des travaux de mise en souterrain de lignes à haute tension demandés par les collectivités territoriales.
Le troisième donne compétence à la CRE pour surveiller le marché de garanties de capacités.
Le quatrième prévoit un avis des commissions parlementaires compétentes sur la nomination par l’exécutif des deux membres de la CRE autres que son président.
Le cinquième précise les délais de remboursement des trop-perçus par les fournisseurs d’électricité.
Par ailleurs, la commission a décidé de donner un avis favorable à certains des amendements présentés pour la séance publique. Je ne citerai que les principaux d’entre eux : un amendement de M. Danglot prévoyant une publicité sur le site internet de la CRE des accords-cadres entre EDF et les fournisseurs alternatifs ; un amendement de M. Vial précisant que les acteurs intéressés aux prises de participations pourront être aussi bien des fournisseurs d’électricité que des consommateurs électro-intensifs ; des amendements identiques de MM. Pintat, Besson et Collin qui organisent l’attribution automatique du tarif spécial de solidarité pour le gaz ; un amendement de M. Merceron qui précise que le futur marché des garanties de capacités devra prendre en compte l’interconnexion avec les marchés européens ; un amendement de M. Vial qui donne mission à RTE d’organiser un appel d’offres pour la mise en œuvre de capacités d’effacement additionnelles ; des amendements identiques de MM. Pintat, Besson, Merceron et Collin qui prévoient que le compte rendu annuel fait par le gestionnaire de réseau à l’autorité concédante devra porter sur son programme prévisionnel d’investissements.
Enfin, monsieur le ministre d’État, je voudrais évoquer certains points sur lesquels la position du Gouvernement est attendue.
Au travers de nombreux amendements, il est demandé la reconduction des contrats d’obligation d’achat dont bénéficient les petites installations hydroélectriques. Une reconduction pure et simple de l’obligation d’achat n’est pas possible, mais je sais que votre ministère travaille à une solution qui devrait donner satisfaction à ceux des exploitants concernés qui réaliseront de nouveaux investissements.
Plusieurs amendements visent à conférer un caractère automatique à l’attribution du tarif de première nécessité pour l’électricité.
Un amendement de notre collègue M. Adnot propose la prolongation de quelques mois du TARTAM, pour éviter un vide entre la mise en place de l’ARENH et l’arrivée à échéance du dispositif transitoire du TARTAM. Sous réserve d’une rectification, j’y suis favorable. J’attends de connaître votre point de vue, monsieur le ministre d’État.
Plusieurs amendements issus de différents groupes politiques visent à garantir le produit des taxes locales d’électricité en indexant leurs tarifs soit sur l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu, soit sur l’inflation. Je sais que le rapporteur pour avis, M. Philippe Marini, fera une proposition intéressante sur cette question.
Un autre amendement de notre collègue Philippe Marini, identique d’ailleurs à ceux de Mme Des Esgaulx et de M. Merceron, prévoit une généralisation du régime d’assurance chômage des entreprises de la branche des industries électriques et gazières. Je ne suis pas certain que cette généralisation soit tout à fait opportune, mais votre ministère s’est engagé à trouver une solution, monsieur le ministre d’État.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a fait l’objet d’une large concertation en amont de son adoption par le Gouvernement. J’ai procédé, en tant que rapporteur, à une cinquantaine d’auditions, auxquelles s’ajoutent les six auditions que nous avons faites en commission. Mon sentiment est que le développement d’une concurrence effective devra bénéficier aux consommateurs d’électricité.
Les clauses de rendez-vous prévues tous les cinq ans pendant la durée du mécanisme transitoire de l’ARENH nous permettront de lui apporter les ajustements qui seraient nécessaires. Mais il est de notre responsabilité de concevoir, dès le départ, le meilleur dispositif possible. C’est pourquoi j’appelle tous mes collègues, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent, à aborder cette discussion dans un esprit constructif, afin que le projet de loi sorte encore amélioré de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis de la commission des finances. Madame la présidente, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce texte est original : il innove en organisant un mécanisme de cession forcée…
M. Michel Teston. Eh oui !
M. Roland Courteau. Exact !
M. Jean-Jacques Mirassou. Jusque-là, nous sommes d’accord !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. … d’une partie – environ un quart – de son électricité nucléaire dite historique par EDF à ses concurrents.
En d’autres termes, puisque aucun autre opérateur n’est capable de produire à des coûts aussi bas qu’EDF, puisqu’il faut absolument qu’EDF soit concurrencée en France, et puisque nul ne veut une augmentation brutale du prix de l’électricité pour nos concitoyens et nos industriels, il convient de faire en sorte que tous les fournisseurs actifs en France puissent capter une partie du bénéfice de la compétitivité du parc électronucléaire d’EDF. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je comprends que cela puisse susciter des réticences de certains…
M. Roland Courteau. C’est plus que des réticences !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Monsieur Courteau, si vous me laissiez aller jusqu’au bout de mon propos, vous seriez certainement moins véhément !
En toute franchise, je ne crois pas que la solution qui nous est proposée – même si, bien entendu, je l’accepte par avance – soit complètement satisfaisante sur le plan intellectuel.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Martial Bourquin. C’est un aveu !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. En effet, je ne considère pas que le modèle français en vigueur de 1946 à 2002 ait failli.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Toutefois, mes chers collègues, le droit communautaire s’impose.
M. Martial Bourquin. Et pour les Roms ?
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Le rapporteur au fond, et avant lui M. le ministre d’État, – mon propos est objectif – a rappelé les très grands risques juridiques auxquels nous exposerait l’inaction : forte amende, astreinte, remise en cause de l’ensemble des tarifs réglementés, voire obligation pour les entreprises, ce qui n’est pas théorique, de rembourser ce qui serait considéré comme une aide d’État. Il est donc de notre devoir d’agir et de réformer.
Je voudrais rappeler en un mot l’origine du droit communautaire en la matière. Nul ici ne doit oublier que la décision de principe a été prise lors du sommet de Barcelone,…
M. Roland Courteau. C’est faux !
M. Jean-Jacques Mirassou. Totalement faux !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. … qui s’est tenu les 15 et 16 mars 2002, et auquel la France était représentée par son Président de la République, Jacques Chirac, et par son Premier ministre, Lionel Jospin. La France a alors souscrit à la libéralisation des marchés.
M. Roland Courteau. Vous ne connaissez pas l’histoire !
M. Martial Bourquin. On va vous expliquer !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Et il est vain d’espérer renégocier ces directives, puisque, notre « mix énergétique » étant par définition différent de celui des autres pays, nous ne pourrions que défendre une position isolée.
M. Roland Courteau. C’est vous qui le dites !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Telle est la réalité ! Nombre d’entre vous ont espéré la renégociation.
M. Roland Courteau. Et nous l’espérons encore !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. J’ai même interrogé un jour Mme Christine Lagarde, qui était à votre place, monsieur le ministre d’État, et elle n’a pas hésité à répondre qu’il aurait fallu renégocier. Mais telle est la réalité, et nous ne devons pas raconter d’histoires à nos concitoyens et leur faire croire qu’il serait possible de faire bouger les principes et le cadre du droit communautaire.
M. Roland Courteau. Tout est possible ! C’est une question de volonté !
M. Jacques Blanc. Mais non ! Vous êtes des marchands d’illusions !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Il y a là une vérité juridique et contrôlable, qu’il est de notre devoir d’aménager le mieux possible.
Mes chers collègues, j’estime sincèrement que le mécanisme qui nous est proposé offre sans doute le cadre le plus régulé que l’on puisse raisonnablement espérer et qui soit compatible avec le droit communautaire.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est une dérégulation régulée !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Faute de pouvoir réguler en aval, en contrôlant les prix de vente aux clients, nous régulerions en amont, au niveau de la relation entre le producteur et le fournisseur.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est un leurre !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Chers collègues de l’opposition, j’espère que vous serez d’accord avec moi sur ce point : cela vaut toujours mieux qu’une absence totale de régulation qui laisserait « naturellement » les prix rejoindre ceux du marché libre, c'est-à-dire le prix de production de la centrale la moins performante et la plus polluante en Europe.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est ce qui arrivera !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Laisser fonctionner un marché libre sans frein et sans régulation conduirait à un désastre du point de vue tant du pouvoir d’achat des consommateurs que de la compétitivité de notre appareil industriel.
Le fondement du texte qui nous est soumis est un échange de lettres entre le Premier ministre et les deux commissaires européens. Cet aval informel nous a tout de même permis d’avancer, tout comme les travaux de la commission Champsaur ont débouché sur un consensus économique et technique qui nous permet d’offrir de la visibilité aux consommateurs d’électricité.
La commission des finances a donc souhaité apporter son soutien au concept sur lequel repose ce texte, mais nous voudrions souligner que le succès de cette législation nécessairement complexe repose sur le respect de quatre conditions.
La première est que nous soyons intransigeants sur l’euro-compatibilité. Je sais que cette position est nécessairement partagée par la commission de l’économie. Il n’est pas possible dans cette discussion parlementaire de prendre le moindre risque avec un amendement qui ne serait pas strictement euro-compatible.
La deuxième condition réside dans l’évolution dans le temps du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Que va devenir le plafond de 100 térawattheures par an ? Comme notre excellent rapporteur M. Ladislas Poniatowski et comme l’Autorité de la concurrence, je pense que ce plafond a vocation à baisser au fil du temps. Aujourd’hui, nous devons nous montrer prudents, car, nous le savons, nous travaillons sous l’œil de nos excellents amis de la Commission européenne.
Mme Nathalie Goulet. Et du Luxembourg ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Mirassou. D’une Luxembourgeoise ! (Nouveaux sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Mais il devrait être clair, y compris aux yeux de Bruxelles, que l’objectif de long terme de la nouvelle organisation du marché de l’électricité devrait être l’émergence d’une concurrence réelle à EDF, fondée sur la maîtrise d’outils de production compétitifs, et non sur la perpétuation d’une concurrence largement artificielle, quelque peu « sous perfusion », de l’opérateur historique.
De ce point de vue, se pose la question, fort opportunément évoquée par M. le rapporteur, de la prise de participation minoritaire dans des centrales gérées par EDF, ce qui pourrait permettre de développer dans notre pays un réel marché compétitif.
La troisième condition du succès de ce texte réside dans l’adéquation du prix de l’électricité cédée par EDF à ses concurrents au travers du mécanisme de l’ARENH. Or la rédaction me semble quelque peu ambiguë.
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. « Initialement », est-il affirmé, ce prix doit être fixé « en cohérence avec le TARTAM ». Nous gagnerions à dire, à titre de bons travaux préparatoires, ce qu’il faut entendre par là.
M. Roland Courteau. C’est le moins que l’on puisse dire !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Comme je l’ai indiqué dans le rapport écrit de la commission des finances, mon interprétation de cette phrase est qu’il s’agit, au départ, de fixer un prix tel qu’un client au TARTAM puisse se voir proposer une offre de marché d’un niveau de prix identique, compte tenu de l’ensemble des coûts subis par les opérateurs ainsi que d’une marge raisonnable, c’est-à-dire relativement réduite. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)
Ensuite, une fois passée cette phase initiale, le prix de l’électricité cédée devra procurer à EDF une « juste rémunération », en tenant compte de ses coûts de production, d’une rémunération normale de son capital et des besoins d’investissement du groupe. Je n’entrerai certes pas ici dans le détail technique, mais il convient, me semble-t-il, d’insister sur le fait que ce prix doit permettre à EDF d’investir dans de nouveaux moyens de production…
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Tout de même !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. Vous voyez que nous sommes d’accord sur certains points !
MM. Roland Courteau et Martial Bourquin. Pas sur tous !
M. Philippe Marini, rapporteur pour avis. … et que, s’agissant de la valeur de son parc nucléaire historique, une solution raisonnable devrait pouvoir émerger, conduisant à lui conférer une valeur significative, même s’il s’agit d’un parc déjà amorti d’un point de vue comptable.
Enfin, le dernier élément sur lequel je voudrais mettre l’accent, monsieur le ministre d’État, monsieur le secrétaire d'État, qui est propre à assurer le succès de la réforme que vous nous proposez, c’est le caractère incontestable de l’arbitre vers lequel vont se tourner tous les acteurs du marché et en qui ils doivent avoir une confiance totale.
Or, le Gouvernement, quels que soient ses membres, ne peut remplir ce rôle. Il est nécessairement en conflit d’intérêts car il est le protecteur des citoyens, le gardien de la compétitivité de nos entreprises.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il ne faut pas non plus exagérer !