M. Daniel Raoul. Tout ça ?
M. Xavier Pintat. Il me semble néanmoins que des améliorations sont encore possibles, s’agissant notamment de la situation particulière des entreprises locales de distribution et des consommateurs domestiques.
Je rappelle que, durant un demi-siècle, les principaux éléments de diversité au sein du système électrique français ont été les distributeurs non nationalisés en 1946, c’est-à-dire les régies, les sociétés d’économie mixte locales ou encore certains distributeurs de statut coopératif, qui, comme cela a été rappelé, représentent à l’heure actuelle environ 5 % de la distribution d’électricité.
Ces opérateurs, le plus souvent de petite taille, accomplissent depuis des décennies leurs missions dans un cadre de service public qui donne pleinement satisfaction. Dans l’immense majorité des cas, leurs territoires auront bénéficié d’une qualité d’énergie et de service irréprochable.
De manière paradoxale, la rédaction actuelle du projet de loi, qui promeut la pluralité des opérateurs électriques, remet simultanément en cause certains éléments importants de l’équilibre économique de ces opérateurs historiques. Par exemple, il est prévu de supprimer, à compter du 1er janvier 2014, le bénéfice du tarif de cession pour les achats d’électricité correspondant aux pertes.
Je crois qu’il faut y être attentif et, peut-être, revoir certains arbitrages dans ce domaine.
S’agissant des consommateurs domestiques, il est observé que le nombre de bénéficiaires effectifs des tarifs sociaux de l’énergie – le tarif de première nécessité pour l’électricité et le tarif spécial de solidarité pour le gaz – est faible par rapport au nombre de personnes qui pourraient y prétendre, à savoir toutes celles et ceux qui entrent dans le dispositif de la couverture maladie universelle, la CMU.
Il semble que cet écart provienne largement de l’obligation, pour les personnes concernées, de formuler expressément leur demande d’attribution du tarif social, ce qui n’est pas toujours aisé compte tenu des populations visées et des difficultés auxquelles elles sont confrontées.
Certains de ces dysfonctionnements ont d’ailleurs été identifiés par le médiateur national de l’énergie et évoqués récemment dans l’actualité.
De nombreux acteurs du secteur de l’énergie considèrent qu’il est dans ces conditions préférable de prévoir une attribution automatique du bénéfice des tarifs sociaux aux bénéficiaires de la CMU. Cela économiserait des coûts administratifs et permettrait à ce dispositif, me semble-t-il, de fonctionner de manière plus satisfaisante.
Pour terminer mon propos, je dirai un mot sur l’initiative prise de procéder, enfin, à la transposition, dans le domaine de la taxe sur l’électricité, de la directive européenne du 27 octobre 2003 sur la fiscalité de l’énergie.
Sur ce sujet aussi, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais vous exprimer mes plus vifs remerciements pour l’esprit de coopération dans lequel, sur ce dossier, les services ministériels ont mené la concertation avec les collectivités locales et, en particulier, avec les autorités organisatrices de la distribution d’électricité.
La rédaction adoptée par la commission, sur proposition de notre rapporteur, me paraît pour l’essentiel bien répondre aux importants enjeux liés à ce dispositif, qui concerne, je le rappelle, le financement d’une grande partie des travaux d’électrification en milieu rural.
M. Jacques Blanc. Eh oui !
M. Xavier Pintat. C’est pourquoi il convient de rester attentif pour que le niveau de cette ressource fiscale soit maintenu malgré les objectifs, par ailleurs très légitimes, de diminution de la consommation d’énergie.
J’ai proposé un amendement en ce sens.
Enfin, bien que l’objet principal de ce projet de loi soit la production et la commercialisation de l’énergie électrique, certaines questions afférentes à la distribution d’électricité ont également été insérées dans le texte, en particulier en matière de financement des raccordements des producteurs d’électricité.
Il me semblerait opportun de profiter de cette circonstance pour apporter une précision sur le rôle des autorités organisatrices des services publics d’électricité dans ce domaine particulier, ainsi que, plus généralement, sur les informations que les gestionnaires de réseaux doivent leur fournir dans le cadre de leur mission de contrôle.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la décennie qui vient de s’écouler nous a appris, je crois, à faire preuve d’humilité et de pragmatisme dans la façon de légiférer sur les questions énergétiques. Il nous a fallu, et il nous faudra sans doute encore, remettre plusieurs fois l’ouvrage sur le métier.
M. Roland Courteau. Oh oui !
M. Xavier Pintat. Faisons en sorte que cette nouvelle étape soit un pas qui nous rapproche de la construction d’un système électrique offrant une énergie sûre, compétitive, respectueuse de l’environnement et mise au service de l’ensemble de nos concitoyens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jacques Berthou. C’est ce qu’elle est actuellement !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la présente discussion générale nous a permis de constater qu’il était possible de disserter presque sans fin sur ce qui s’est passé à Barcelone en 2002, mais notre collègue Roland Courteau a éloquemment apporté, sur ce point, les précisions qui s’imposaient.
La Commission européenne fronce le sourcil et la ligne de partage entre l’opposition et la majorité devient très claire : ceux qui entendent répondre avec zèle et célérité aux injonctions européennes y voient l’occasion, au passage, de faire subir à EDF, au nom de l’ouverture à la concurrence, le même sort que celui qu’ont connu précédemment La Poste, la SNCF et GDF, mettant ainsi à mal un service public à la française.
Or, d’une part, la concurrence paraît, à l’évidence, dangereuse dès lors qu’elle porte, comme c’est ici le cas, sur un bien de première nécessité, non stockable et indispensable à notre économie ; d’autre part, miser sur la concurrence au détriment de tout mécanisme régulateur revient à casser l’ensemble des acquis d’un système énergétique qui date de 1945 et que nous devons au Conseil national de la Résistance, système dont la spécificité n’est plus à démontrer.
De plus, la libéralisation du marché de l’énergie, telle qu’elle est envisagée dans ce texte, risque d’avoir de lourdes conséquences pour notre pays, par exemple s’agissant de l’aménagement du territoire et de l’outil industriel.
L’idéologie, mes chers collègues, peut coûter très cher,…
M. Jacques Blanc. Ce n’est pas de l’idéologie !
M. Jean-Jacques Mirassou. … car ce projet de loi, qui impose la concurrence, pourrait – ce n’est pas le moindre des paradoxes ! – faire bientôt flamber la facture d’électricité des ménages.
Même si, par ailleurs, un maintien des tarifs réglementés est prévu pour les particuliers, ces tarifs, au fur et à mesure de la discussion, ressemblent de plus en plus à un leurre.
M. Roland Courteau. Oui !
M. Jean-Jacques Mirassou. À ce jour, le tarif réglementé reste très inférieur à la moyenne des prix européens de l’électricité. C’est la contrepartie du financement, par des fonds publics, du programme nucléaire : les usagers contribuables ont participé au financement des installations, bénéficiant en échange de la rente nucléaire, autrement dit d’une énergie moins coûteuse à produire et représentant 83 % de l’électricité produite dans l’Hexagone.
Le scandale de ce projet de loi NOME réside donc dans le fait qu’il va transférer l’avantage de la rente nucléaire dont bénéficient les consommateurs aux fournisseurs d’énergie. Certains ont même parlé de hold-up !
En effet, d’après le texte, EDF va devoir céder, pendant quinze ans, jusqu’à 25 % de sa production à ses concurrents, à travers le dispositif dénommé « accès régulé à l’électricité nucléaire historique ».
Or, tout en maintenant les tarifs réglementés, le texte modifie leur mode de fixation en l’indexant sur le prix auquel les fournisseurs concurrents achèteront l’électricité à EDF. Concrètement, si ce prix est élevé, les tarifs réglementés seront élevés eux aussi. Pour que les tarifs réglementés n’augmentent pas, il faudrait qu’EDF cède sa production à ses concurrents à un tarif bien inférieur à celui qui a été évoqué, soit 42 euros par mégawattheure. Mais, dans ce cas, l’opérateur historique aurait bien du mal à trouver les marges de manœuvre nécessaires pour investir dans de nouveaux moyens de production.
Je serais donc tenté de dire qu’à ce moment-là le piège se sera refermé, sur EDF comme sur ses abonnés !
M. Roland Courteau. Belle démonstration !
M. Jean-Jacques Mirassou. Si l’on fait une projection en se fondant sur la base des 42 euros évoqués précédemment, les tarifs réglementés proposés aux consommateurs domestiques et aux petits professionnels pourraient augmenter de 11,5 % dès le vote de la loi, puis de 3,5 % par an entre 2011 et 2025. Pour les entreprises, l’augmentation serait encore supérieure… Est-il nécessaire de rappeler, au passage, que les tarifs ont déjà augmenté de 3 % cet été ?
Ce projet de loi, dans la continuité, entraînerait donc, de façon mécanique, une explosion des tarifs.
On a évoqué tout à l’heure le risque de l’extinction des tarifs réglementés et, à terme, la perspective de la mise en place d’un tarif social destiné à protéger les plus démunis. Mais, dans le contexte économique actuel, il serait irresponsable et, d’une certaine manière, indécent de faire l’impasse sur ce constat au moment où, par le biais du bouclier fiscal, certains foyers fiscaux reçoivent des sommes de deux à trois cent mille euros.
Je souhaiterais également évoquer la situation des installations hydroélectriques, qui sont très nombreuses dans le département que je représente. Ces dernières, qui bénéficiaient, jusqu’à présent, d’un contrat d’achat garanti de leur production avec EDF, sont désormais dans un vide réglementaire qui risque de leur nuire. L’avenir de nombreuses petites entreprises et de leurs sous-traitants est menacé.
Nous attendons donc avec impatience les propositions du Gouvernement et déposerons, en ce qui nous concerne, un amendement à ce sujet.
Je ne saurais terminer mon propos sans évoquer, à l’appui de ma démonstration, un amendement « éclair » d’un élu UMP qui entendait privatiser la Compagnie nationale du Rhône. Apparu comme une provocation, ledit amendement a finalement été retiré. Mais cet aller et retour met au jour, plus que les pensées, les arrière-pensées qui animent sans doute certains membres de la majorité. Et c’est bien ce qui nous inquiète…
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’électricité est un bien de première nécessité et ce principe ne doit en aucun cas être remis en cause au nom de la sacro-sainte loi de la concurrence !
L’accès de tous à l’électricité doit être garanti. De notre point de vue, cela passe, bien évidemment, par une maîtrise des prix incompatible avec la dérégulation officialisée par un texte qui, au passage, démantèle le service public.
Au cours de ce débat, le groupe socialiste ne bradera pas ses responsabilités. Il présentera de nombreux amendements afin de tenter d’améliorer un texte qu’il considère dangereux pour l’avenir du patrimoine énergétique français.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Jacques Mirassou. En l’état, et parce qu’il tourne le dos à la conception de l’intérêt général qui est la nôtre, ce texte nous paraît inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
M. Jean-Pierre Vial. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, dix ans après l’ouverture du marché de l’électricité, le Parlement se trouve saisi d’un texte qui vient fonder le cadre du marché de l’électricité de notre pays.
Il s’agit d’un enjeu important puisque, en dix ans, le Parlement aura été saisi neuf fois et aura examiné sept lois.
Cet enjeu interpelle nos concitoyens, conscients que notre pays a su faire les investissements courageux et les bons choix pour se doter d’un outil de production de qualité, répondant à la demande et offrant un service d’un coût parmi les plus bas.
Nous savons que l’un des objets de la loi est de satisfaire aux règles de libre concurrence au regard des exigences communautaires.
Nous avons bien compris cette nécessité, monsieur le secrétaire d’État, et, au moment où le Parlement a été saisi de la loi NOME, vous avez lancé le calendrier du renouvellement des concessions hydrauliques.
Considérant qu’il aurait pu être utile que l’ensemble des investissements soit pris en compte pour déterminer la valeur de l’outil de production, j’ai eu la curiosité d’une étude comparée des régimes appliqués par les autres pays européens en matière hydraulique.
Force est de constater que, si la France est le pays qui a la capacité de production la plus importante, il est aussi celui dont la production sera la plus ouverte à la concurrence.
Pour ne pas toujours tout reprocher à Bruxelles, je précise que l’une des contraintes importantes résultera d’ailleurs de la loi Sapin. Voté en 1993, ce texte soumet à l’obligation de concurrence les concessions des installations hydrauliques d’une puissance supérieure à 4 500 kilowatts.
Le respect de la libre concurrence n’est pas incompatible avec la défense de ses intérêts nationaux. Nos voisins européens semblent d’ailleurs avoir moins de complexes que nous pour vivre cette double exigence.
Je ne parlerai pas des exemples célèbres d’industries françaises auxquelles l’Europe aura, au nom de la libre concurrence, porté un coup sérieux, sinon fatal.
Si je me permets d’insister sur ce premier point, monsieur le secrétaire d’État, c’est que la France a la chance d’avoir des entreprises leaders de tout premier plan en matière d’énergie.
Or l’Union française de l’électricité, l’UFE, et l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE, considèrent que ce ne sont pas moins de 30 000 milliards de dollars d’investissements – je dis bien « 30 000 milliards de dollars » ! – qui devront être réalisés dans le monde d’ici à 2030 pour satisfaire la demande d’électricité.
Il importe donc que les nouvelles règles du marché ne viennent pas affaiblir nos entreprises nationales qui, vous le savez, sont attendues par bien des pays dans le monde. Je vous remercie d’avance, monsieur le secrétaire d’État, de votre vigilance sur ce point.
Compte tenu de la grande qualité des travaux conduits par notre rapporteur, Ladislas Poniatowski, que j’entends saluer, et des différentes contributions, dont les conclusions du rapport Poignant-Sido, je m’en remettrai largement aux propositions de la commission.
Parmi les points que je souhaiterais développer, il en est un au cœur des enjeux de la future loi NOME qui conjugue à la fois les défis du développement durable et les préoccupations économiques et industrielles : il s’agit de l’effacement.
Je n’évoquerai pas les questions de « l’interruptabilité » de l’article 2 ter, qui relève davantage de la sécurité du réseau, préférant insister sur l’effacement de la période de pointe dite « des 500 heures ».
Il s’agit d’une question majeure en termes de production, puisque l’augmentation annuelle des besoins des dix prochaines années est évaluée, selon les estimations, de 0,7 à plus de un gigawatt par an, soit l’équivalent d’au moins une nouvelle centrale thermique de forte capacité chaque année.
Cette production n’étant satisfaite que par une énergie fossile, avec un taux d’émission élevé de CO2 au coût d’au moins 300 euros par mégawatt selon l’étude d’impact de l’Assemblée nationale, elle équivaut à au moins 10 millions de tonnes de CO2 par an…
Cette situation a d’ailleurs conduit l’Europe à formuler des exigences très fortes à l’égard de la France, en demandant une réduction des capacités de production des centrales thermiques et une amélioration des traitements.
Or cette situation n’est pas irréversible. Il y a plus de dix ans, EDF procédait à deux fois plus d’effacement qu’aujourd’hui, situation que le président de l’UFE soulignait, lors de son audition, en insistant sur le fait que, en France, le prix reflète de plus en plus mal le coût de la puissance.
Les États de l’est des États-Unis de taille comparable à la France ont un volume d’effacement sept fois supérieur au nôtre, après avoir justement mis en place les bons outils et la bonne rémunération.
À terme, le secteur résidentiel constituera, c’est vrai, un gisement considérable. Mais il s’agit d’un parc de particuliers qui nécessite un équipement individuel, lequel ne pourra être installé que dans la durée.
En revanche, les gros consommateurs, notamment les électro-intensifs, disposent de capacités qui pourraient être immédiatement mobilisées.
Les expériences et interrogations de RTE ne font d’ailleurs que justifier la nécessité d’organiser cette mobilisation de capacité, en attendant la mise en place d’un marché capacitaire.
Mais cette mobilisation nécessite aussi une juste rémunération pour impliquer les gros consommateurs, comme l’étude d’impact de l’Assemblée nationale l’a souligné avec pertinence.
C’est pourquoi, dans le prolongement du principe des capacités d’effacement posé par le projet de loi NOME, j’ai déposé, avec mon collègue Bruno Sido, un amendement précisant les règles d’un dispositif provisoire. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos propos et de votre écoute à cet égard.
Je tenais également à souligner, monsieur le secrétaire d’État, le formidable travail de vos collaborateurs, aux côtés de la commission des affaires économiques du Sénat, pour appréhender au mieux ce dispositif, qui constituera un vrai outil et même une novation au regard des enjeux du Grenelle.
Je le dis avec assurance, monsieur le secrétaire d’État, les capacités d’effacement des gros consommateurs peuvent répondre aux besoins d’effacement des dix prochaines années.
En fait, ce marché de l’effacement ne demande qu’à disposer de bons outils. J’évoquerai l’importance de la fluidité, qui doit relever des responsables d’équilibre, avec la possibilité d’achat ou de vente par bloc si l’on ne veut empêcher les gros consommateurs de devenir producteurs.
La contrepartie, vous l’avez compris, c’est la juste rémunération, qui constituera un juste prix compatible avec les exigences communautaires à l’égard de gros consommateurs industriels qui, soumis à une forte concurrence, se trouvent dans la situation de perdre progressivement les bénéfices de leurs situations respectives, qu’il s’agisse de l’article 8 de la loi de 1946, des contrats dits spéciaux, des tarifs réglementés intégrés ou des tarifs verts, pour ne pas parler de ceux qui relèvent du TARTAM.
Dans le prolongement de ce nécessaire soutien à l’industrie, il convient que soit conforté le dispositif mis en place avec Exeltium en l’ouvrant plus largement aux gros consommateurs à l’occasion du prolongement de vie des centrales nucléaires.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie, là aussi, de l’ouverture dont vous avez fait état.
Je regrette de ne pouvoir soutenir, monsieur le rapporteur, le dispositif qui aurait permis de revoir le prix du transport de l’électricité pour les gros consommateurs, en particulier les électro-intensifs qui se trouvent au bas des centrales de production, notamment sur la part variable. J’ai bien compris que ce point n’avait aucune chance de séduire la commission.
Je comprends également, monsieur le rapporteur, votre souci de voir les producteurs participer à l’intégralité des coûts de branchement et d’extension des réseaux. Je me permets simplement, monsieur le secrétaire d’État, d’interpeller le Gouvernement sur deux considérations.
D’abord, on ne peut pas, après avoir incité, par un dispositif généreux, aux énergies renouvelables, se mettre brutalement à diminuer en aval les avantages qui avaient été octroyés et, en amont, les faire contribuer à des coûts d’extension de réseaux.
M. Roland Courteau. Eh oui ! C’est bien le problème !
M. Michel Teston. Exact !
M. Jean-Pierre Vial. Ensuite, pour n’évoquer que la position généralement admise par les spécialistes des énergies renouvelables, ce dont la France a besoin, c’est d’aboutir à un dispositif équilibré et stable. Nous ne pouvons pas développer de façon satisfaisante les énergies renouvelables si nous nous trouvons confrontés à des dispositifs qui évoluent en permanence.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jean-Pierre Vial. Telles sont les raisons pour lesquelles la loi qui va être adoptée constituera une étape importante de l’organisation du marché de l’électricité dans notre pays. Le cadre est désormais fixé, les outils mis en place.
La mise en œuvre du texte et l’engagement des producteurs d’électricité dépendront pour beaucoup de l’exigence politique qui en impulsera les orientations.
C’est donc pour réussir cette nouvelle étape que je soutiendrai le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le secrétaire d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller.
M. Jacques Muller. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, si le projet de loi NOME dont nous abordons la discussion aujourd’hui pose plusieurs questions de fond – elles ont suscité d’ailleurs quelques états d’âme au sein de la majorité, lors des travaux en commission -, il passe clairement à côté des enjeux essentiels.
Premièrement, après les lois de 2000, 2003, 2004, 2005 et 2006, ce projet de loi est une nouvelle étape dans la destruction de l’outil construit au sortir de la Seconde Guerre mondiale, à l’époque où un certain général de Gaulle avait lui-même compris que l’énergie n’est pas un bien comme les autres et que sa production, son transport et sa distribution relèvent du service public et non du marché livré à lui-même.
M. Roland Courteau. C’est clair !
M. Jacques Muller. Ce projet de loi NOME constitue un nouvel avatar du paradigme néolibéral qui gangrène depuis trois décennies nombre de cerveaux, une idéologie dont les effets désastreux sur les plans financier, économique, social et environnemental défraient chaque jour la chronique
N’en déplaise à ses promoteurs zélés, l’intérêt général n’est pas la somme des égoïsmes particuliers !
Adam Smith lui-même, le père du libéralisme économique, estimait qu’il est des domaines où l’État doit se substituer à la « main invisible » du marché. Il en est évidemment ainsi de l’énergie, bien stratégique qui ne peut en aucun cas être appréhendé avec les approches spéculatives et de court terme qui sont celles des opérateurs privés, obnubilés par la recherche du profit immédiat !
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacques Muller. Deuxièmement, pour nos concitoyens, la disposition qui obligera EDF à céder contractuellement à ses concurrents 25 % de sa production nucléaire, avec pour conséquence la hausse programmée du prix de l’électricité – tous les acteurs industriels l’ont déjà provisionnée – apparaît à juste titre comme une véritable usine à gaz.
Cette usine à gaz, la NOME, est le reflet de la fracture grandissante qui traverse la majorité – du reste fort peu nombreuse aujourd’hui -, divisée entre des gaullistes attachés à un secteur nucléaire étatisé et des libéraux tout aussi adeptes de la production nucléaire, mais qui continuent de ne jurer envers et contre tout que par la sacro-sainte loi du marché. Bonjour le grand écart !
Troisièmement, la disposition selon laquelle la cession de courant nucléaire aux opérateurs privés se fera à prix coûtant, c’est-à-dire au prix de revient, laisse pour le moins perplexe. Je crois qu’il faut en finir avec le mythe selon lequel le courant nucléaire serait le plus rentable. C’est devenu un secret de polichinelle : le prix du courant nucléaire affiché aujourd’hui a beau être inférieur à celui de la plupart de nos voisins européens, moins nucléarisés, il n’internalise pas un certain nombre de coûts qui seront, pour l’essentiel, reportés sur les générations futures.
Il s’agit principalement du coût de traitement des déchets nucléaires, dont les filières s’évaporent à l’étranger, notamment en Russie, et de celui du démantèlement des centrales en fin de vie. À cet égard, force est de constater que, dans le monde entier, aucun site de centrale nucléaire définitivement arrêtée n’a été traité. Three Mile Island et Tchernobyl ont implosé ; quant aux autres, ils sont devenus des sites dangereux, interdits d’accès et fortement surveillés. Mais nulle part la technologie du démantèlement et du traitement n’a été développée.
Il en résulte que les provisions affichées à cet effet ne reposent sur rien de tangible. EDF préfère pratiquer l’acharnement thérapeutique, notamment sur des centrales manifestement obsolètes, comme celle de Fessenheim, en Alsace, le premier prototype PWR de France, qui se distingue par un nombre de pannes quatre fois supérieur à la moyenne des pannes constatées sur l’ensemble du parc nucléaire français !
Il s’agit donc d’éviter d’ouvrir la boîte de Pandore, de peur d’être confronté à la vérité des prix... Voilà une posture que l’on peut évidemment mettre en parallèle avec les difficultés que rencontre actuellement le programme EPR, alors que le Gouvernement fait de la relance du nucléaire sa priorité en termes de politique énergétique !
Enfin, quatrièmement, ce projet de loi se distingue par une omission tout à fait emblématique du désormais célèbre adage présidentiel : « L’environnement, ça commence à bien faire ! ». Dans le cadre d’une loi NOME, on ne pouvait pas éluder la question centrale de la tarification, actuellement fortement dégressive, donc antisociale et anti-écologique : plus on consomme, moins on paie !...
Un tel dispositif, qui pénalise les ménages les plus modestes vivant dans des appartements mal isolés et chauffés à l’électricité, ne peut que contribuer à la précarité énergétique. De surcroît, il encourage la voracité et le gaspillage énergétiques, qui se voient aujourd’hui institutionnalisés. Une loi NOME effective aurait dû introduire une tarification nouvelle qui récompense la vertu écologique et sociale...
Or telle n’est manifestement pas la priorité de la majorité présidentielle. Seule compte la libéralisation du marché de l’électricité au profit des grands groupes industriels et financiers du secteur privé !
M. Roland Courteau. Eh oui !