M. Gérard Le Cam. L’article 1er du projet de loi prévoit qu’une partie de l’ARENH – 30 térawattheures, en plus du volume maximal de 100 térawattheures – serait destinée à la couverture des pertes de réseaux.
Ainsi, le projet de loi initial dispose que les droits des fournisseurs alternatifs sont augmentés progressivement pour tenir compte des quantités d’électricité qu’ils fournissent aux gestionnaires de réseaux pour couvrir leurs pertes.
Cette question a suscité en commission des interrogations quant au volume retenu. Notre amendement soulève une autre question : pourquoi réserver cette part supplémentaire aux opérateurs privés et non aux gestionnaires de réseaux ?
Nous avons interrogé les services compétents de l’État sur une éventuelle justification technique. Aucune information allant dans ce sens ne nous a été communiquée. Dès lors, on peut penser que la solution retenue est guidée par des motivations politiques.
En France, les responsables de la couverture des pertes sont les gestionnaires de réseaux. Ils achètent l’énergie nécessaire sur le marché. Or, in fine, ce coût est reporté sur le consommateur. Ainsi, comme le note la CRE, les travaux d’élaboration des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité ont souligné l’importance de l’impact sur le niveau du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, des charges liées à la compensation des pertes d’énergie sur le réseau électrique.
Dans un rapport récent, la CRE avançait plusieurs arguments pour que les gestionnaires de réseaux conservent cette responsabilité, la plus pertinente étant leur estimation fine des pertes.
Le projet de loi prévoit que les fournisseurs auront accès à l’ARENH pour alimenter le gestionnaire. À quel prix vont-ils vendre l’électricité nécessaire ? Quand on ajoute un intermédiaire dans une opération commerciale, on assiste en général à une augmentation des prix.
Par notre amendement, qui est un amendement de repli, nous demandons que les gestionnaires de réseaux aient directement accès à l’ARENH. À la page 15 du rapport Champsaur, on peut d'ailleurs lire : « Il peut sembler légitime que les gestionnaires de réseaux puissent bénéficier directement ou indirectement, par le biais de leurs fournisseurs, de cet accès régulé à la production d’électricité en base aux conditions économiques du parc historique. Cette question n’est cependant pas au cœur de la proposition de la commission et devra être discutée avec l’ensemble des acteurs et les autorités européennes et nationales. »
La discussion est lancée, mes chers collègues !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Comment, aujourd’hui, RTE, pour le transport, et ERDF, pour la distribution, paient-ils ces pertes ? Une partie est achetée à EDF, le reste l’est sur le marché libre.
Dans le projet de loi initial du Gouvernement, 20 térawattheures étaient réservés pour ces pertes au titre de l’ARENH, ce qui représentait à peu près 80 % d’entre elles. Il importe de savoir que le transport et la distribution engendrent des pertes qui coûtent cher. Les députés sont allés plus loin en décidant de supprimer ce plafond. Donc, demain, RTE et ERDF pourront tout acheter au titre de l’ARENH.
La conséquence est intéressante pour le consommateur puisque ces pertes sur le réseau de transport et de distribution se retrouvent sur sa facture d’électricité. Dès lors que ces pertes pourront intégralement être achetées à travers le mécanisme de l’ARENH, il a la garantie de les payer un peu moins cher.
En revanche, monsieur le secrétaire d’État, cela signifie que le marché de gros va considérablement diminuer en France, notamment par rapport à ceux de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne. En conséquence, nous serons hors-jeu et, il faut en être conscient, les prix sur le marché de gros seront dorénavant fixés par l’étranger. C’est un regret que j’exprime.
Pour répondre à votre crainte, cher Gérard Le Cam, je crois que le fait de pouvoir acheter la totalité des pertes est une bonne chose. La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement, considérant que le mécanisme proposé dans le projet de loi est satisfaisant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Vous exprimez la crainte, monsieur Le Cam, qu’une spéculation ne s’organise sur ces marchés. Les nouveaux entrants pourraient acheter de l’énergie au prix de l’ARENH et il ne resterait plus rien pour RTE ou les autres, le seuil de 25 térawattheures étant atteint. Grosso modo, vous semblez redouter que les nouveaux entrants n’essaient de capter au maximum les droits pour empêcher d’autres d’entrer.
Je vous rappelle le principe du complément de prix. Le fournisseur doit annoncer le nombre de ses clients en France, par exemple 10 000 clients, et EDF calcule son droit à l’ARENH. En fin d’année, s’il s’avère que le fournisseur avait 9 500 clients, il devra rembourser la différence.
Le système tel qu’il est prévu permet d’éviter que certains nouveaux entrants ne bloquent l’ARENH et, par conséquent, le risque que vous évoquez de l’impossibilité pour RTE de financer ses pertes n’existera pas.
Qui plus est, le rapporteur y a fait allusion à l’instant, une deuxième sécurité a été mise en place à l’Assemblée nationale. Ainsi, RTE aura la possibilité d’aller au-delà du plafond si ses besoins et ses pertes dépassent 25 térawattheures.
Il y a là, me semble-t-il, une double sécurité qui doit répondre à votre attente.
Enfin, concernant le marché de gros que vous venez d’évoquer, monsieur le rapporteur, il existe différentes analyses. Certains considèrent, comme vous venez de le faire, qu’une telle disposition risque de faire chuter le marché de gros ; d’autres pensent l’inverse. C’est la raison pour laquelle le texte prévoit une éligibilité progressive de RTE par tiers sur ces droits.
M. le président. L'amendement n° 259 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L'électricité de base est l'électricité produite ou consommée sous la forme d'une puissance constante tout au long d'une année.
La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Cet amendement de précision tend à mieux définir la notion d'électricité de base. Plus exactement, il s’agit d’insister sur la constance annuelle du ruban d’énergie visée par le projet de loi en se référant à la définition simple et efficace utilisée par l'ensemble des électriciens européens, sur le marché de gros comme sur le marché de détail.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Il me paraîtrait préférable que vous retiriez votre amendement, cher Robert Tropeano : compte tenu de la formulation retenue par les députés et reprise par la commission, la notion d’électricité de base n’est plus pertinente.
M. le président. Monsieur Tropeano, l'amendement n° 259 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Robert Tropeano. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 259 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 157, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Après les mots :
chargé de l'énergie
supprimer la fin de cette phrase.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement vise simplement à réaffirmer que l’ensemble de la politique énergétique de la nation doit être conduit par le ministre qui en est chargé et que le rôle de la Commission de régulation de l’énergie est, en l’occurrence, non pas tant de garantir le bon accomplissement du service public de l’énergie que de faire de la place aux nouveaux entrants.
Aussi proposons-nous que le ministre en charge de l’énergie définisse seul les conditions de mise en place de l’ARENH et les conditions de vente aux fournisseurs alternatifs de l’énergie nucléaire historique.
Il en est de même pour les contrats-cadres conclus avec EDF garantissant, dans les conditions définies par l’article 1er, les modalités selon lesquelles le fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.
Nous estimons que les compétences dévolues à la Commission de régulation de l’énergie sont trop larges, voire exorbitantes.
Compte tenu de l’importance de ce dispositif – selon certains, ce texte serait le plus fondateur pour le secteur depuis la loi de 1946 –, il nous semble qu’il mérite que le ministre ne soit pas dédouané de sa responsabilité concernant la mise en œuvre des principes édictés dans le projet de loi.
Sur le fond, nous ne pouvons que constater, au fil des lois successives, que le rôle de cette autorité administrative indépendante qu’est la CRE croît inexorablement au détriment de la responsabilité gouvernementale.
Pour notre part, nous considérons que les conditions d’accès à ce bien de première nécessité qu’est l’énergie constituent des sujets politiques, qui méritent qu’une responsabilité politique soit clairement identifiée. Tel ne sera pas le cas si toute la mise en œuvre de l’ARENH incombe à la CRE.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. En fait, chère collègue, vous refusez le mécanisme NOME.
Pendant encore trois ans, le Gouvernement fixera les prix après avis la Commission de régulation de l’énergie. Vous souhaiteriez qu’il en aille éternellement ainsi. Ce n’est pas le mécanisme prévu dans le texte. Je suis donc opposé à votre amendement.
Je rappelle simplement que la directive que l’on appelle le « troisième paquet énergie » exige – même si je n’aime pas ce mot – que l’ensemble des régulateurs en Europe aient partout de plus en plus de pouvoirs en matière de fixation d’un certain nombre de prix, notamment dans les domaines du transport et de l’interconnexion.
La disposition que vous proposez, chère collègue, est contraire à la directive, aux termes de laquelle les prix doivent être fixés par le régulateur. En revanche, il est vrai qu’il n’était pas obligatoire d’aller jusque là où nous sommes allés, mais les dispositions que nous proposons vont dans le sens d’une plus grande autonomie, d’une plus grande indépendance de la CRE, l’objectif étant que, à terme, cette commission propose les prix.
À cet égard, permettez-moi de revenir, parmi les propositions qui ont été faites récemment par la CRE, sur la décision du 15 août. Je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce sujet, mais la hausse qui a été proposée par la CRE, et acceptée par le Gouvernement, vise à répondre à de véritables besoins en matière de transport et de distribution. Je ne vois pas pourquoi nous aurions fait confiance à la CRE jusqu’à présent et pourquoi nous ne lui ferions plus confiance demain !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer les mots :
d'une durée d'un an
par les mots :
annuelles ou pluriannuelles dans une limite de 3 ans, les cessions pluriannuelles étant conditionnées par les contrats pluriannuels de même durée avec des consommateurs finals
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement vise à donner une meilleure visibilité aux acteurs économiques, au premier rang desquels les acteurs industriels.
Ces derniers ont besoin de prévoir leurs coûts et leurs prix à un horizon temporel de plusieurs années. Ils ont besoin d’un minimum de stabilité, le prix de l’électricité étant l’une des composantes clés de leurs coûts.
La passation de contrats pluriannuels d’ARENH entre les fournisseurs et EDF, conditionnée par l’existence de contrats de durée identique entre ces fournisseurs et des consommateurs finals, permettrait précisément de donner une visibilité à moyen terme aux industriels en leur garantissant un prix stable de l’électricité. Cela signifie donc le maintien d’entreprises et, par conséquent, la préservation de l’emploi sur nos territoires.
Un tel dispositif aurait encore l’avantage de permettre un meilleur contrôle et d’éviter ainsi toute dérive spéculative puisqu’il s’appuierait sur des contrats existants entre des consommateurs finals et les fournisseurs alternatifs.
La durée des contrats serait limitée à trois ans afin que ce dispositif soit eurocompatible, Bruxelles considérant souvent que des contrats pluriannuels peuvent constituer des obstacles à la concurrence dans la mesure où la clientèle devient alors captive.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. J’ai entendu les 3 500 entreprises bénéficiaires du TARTAM, et un certain nombre d’autres, défendre fermement la même position que celle de notre collègue Roland Courteau, dont l’amendement vise à soulever un véritable problème.
Il est assez logique que les entreprises aient besoin d’avoir une visibilité sur une période d’une durée supérieure à un an et qu’elles veuillent savoir ce que va leur coûter l’achat d’électricité, non pas pour un an, mais pour deux ou trois ans. Or l’ARENH ne le permet pas techniquement.
M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, il est important de savoir, à la fin de l’année, si chacun des fournisseurs a bien les clients qu’il avait prévu d’avoir, s’il n’a pas été ou trop optimiste ou trop pessimiste ; je ne parle pas de triche : c’est simplement la loi du marché qui fait qu’un client qu’on pensait avoir choisi finalement de s’adresser à la concurrence. Quoi qu’il en soit, cette erreur d’appréciation sera sanctionnée.
Permettez-moi d’apporter deux précisions sur cette question importante de la pluriannualité.
En premier lieu, rien n’empêche aujourd'hui un fournisseur – et rien ne l’en empêchera demain – de passer un contrat avec un client industriel pour plus d’une année. Il lui faudra simplement être prudent, car il ne pourra garantir le volume au prix ARENH que sur un an. Il lui suffira de prévoir une clause de révision éventuelle, afin de pouvoir tenir compte du volume qu’il obtiendra au titre de l’ARENH, lequel ne sera peut-être pas prolongé. Cela étant, même sans garantie de prix, un contrat sur trois ans peut être utile au client, car il lui permettra de savoir qu’il peut compter sur un volume pendant cette période.
En second lieu, et je reviens sur le débat que nous avons eu à propos de la clause de revoyure, celle-ci nous permettra notamment d’évoquer ce sujet. Je me demande si, à terme, il ne faudra pas autoriser, même si c’est compliqué, même si ce n’est pas possible aujourd'hui, des contrats pluriannuels. Peut-être pourrons-nous, à ce moment-là, faire des propositions à cet égard.
Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, le mécanisme mis en place ne permettant pas la passation de contrats pluriannuels, même si je considère que ceux-ci seraient très intéressants pour les entreprises.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement est très important, car il soulève la question de la pluriannualité. C’est un débat de fond, que nous avons évidemment déjà eu en commission et à l’Assemblée nationale.
Que disent les tenants d’un contrat de trois ans ? Ils considèrent, à juste titre, que les industriels doivent pouvoir avoir une visibilité sur une durée relativement longue pour planifier leur production et, le cas échéant, contracter avec leurs propres clients. C’est l’argument que vous avez soutenu, monsieur Courteau.
Je ne partage pas cette analyse, ne serait-ce que parce qu’un contrat pluriannuel me paraît présenter plus d’inconvénients que d’avantages.
Tout d’abord, il y a un véritable risque de ruée sur l’ARENH, ruée que nous souhaitons bien évidemment éviter. En effet, dès lors qu’un industriel ne pourra acheter de l’ARENH que pour un an, ses prévisions d’achat se feront de façon relativement normale, prudente, en quelque sorte conservatrice. En revanche, s’il peut passer un contrat de trois ans, le risque est grand qu’il veuille capter le maximum d’ARENH afin d’éviter une asphyxie de l’ARENH par ses concurrents.
Ensuite, et ce point est à mes yeux le plus important, je vous rappelle que le dispositif sur un an que nous sommes en train d’évoquer est un mécanisme de base. S’il n’y a pas d’accord entre EDF et les autres fournisseurs, c’est le prix de l’ARENH qui s’applique. Les nouveaux entrants peuvent bénéficier de l’ARENH, mais ce que nous souhaitons encourager – et c’est le cœur du texte –, ce sont les contrats de gré à gré, qui seront, eux, des contrats pluriannuels, entre EDF et les nouveaux entrants. Ces contrats prévoiront peut-être des prix plus intéressants que l’ARENH. Surtout, ils permettront un engagement formalisé entre EDF et les autres sur la production et sur l’investissement des nouveaux entrants.
Si le contrat de base était un contrat pluriannuel, cela n’inciterait pas EDF et les nouveaux entrants à conclure des contrats de gré à gré. Or ce sont ces contrats que nous souhaitons privilégier.
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.
M. Claude Bérit-Débat. Je dois dire que je ne parviens pas à comprendre les explications et de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État.
Monsieur le rapporteur, vous dites partager l’analyse qui vient d’être faite par Roland Courteau, dont l’amendement émane d’élus locaux en phase avec le monde économique du terrain, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Pourtant, votre réponse, monsieur le rapporteur, tout comme la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, va à l’encontre d’une politique tournée vers le monde économique et destinée à lui permettre de se développer. Toutes les entreprises ont besoin de lisibilité, qu’il s’agisse d’une entreprise industrielle, d’une entreprise commerciale ou d’une entreprise de service. Or, aujourd'hui, que leur propose-t-on ?
Un certain nombre de chefs d’entreprise m’ont saisi. Ils ont tous peur, car ils voient que la transformation de la réglementation et que les nouvelles normes qui vont entrer en vigueur entraîneront à coup sûr un enchérissement des prix de l’électricité. Nous allons dans le mur !
Ce projet de loi va entraîner une augmentation du coût pour les consommateurs, pour les ménages, je l’ai dit tout à l’heure, mais également pour les entreprises, ce qui posera des problèmes particulièrement terribles dans nos territoires ruraux. Des entreprises seront en difficulté, certaines, comme l’a démontré tout à l’heure notre collègue et camarade Martial Bourquin, se délocaliseront. Le dispositif que vous nous soumettez est donc une incitation à la délocalisation !
Je ne comprends donc pas pourquoi vous ne pouvez pas accepter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Partant du même constat que mon collègue Claude Bérit-Débat, j’évoquais tout à l’heure les effets pervers que ce texte pouvait entraîner en matière de politique d’aménagement du territoire ou, tout simplement, de politique industrielle.
Monsieur le rapporteur, vous expliquez ne pas pouvoir prendre en compte la solution que nous préconisons – pourtant, comme vient de l’expliquer Claude Bérit-Débat, elle répond à une logique évidente en termes de lisibilité pour les entreprises –, car il ne serait pas possible de l’appliquer. Si tel est le cas, cela signifie tout simplement que le texte n’est pas bon et qu’il serait justifié de l’améliorer d’une manière ou d’une autre.
Monsieur le secrétaire d’État, à la fin de votre raisonnement, vous semblez vivement espérer, comme nous, que le marché des nouveaux entrants puisse effectivement être capté par EDF, l’opérateur historique. Ajouté à ce que j’évoquais tout à l’heure, cela disqualifie d’une certaine manière l’esprit du texte. En effet, vous reconnaissez ainsi implicitement que l’ARENH provoquera mécaniquement une augmentation des prix, et ce non seulement pour les particuliers, comme nous l’avons souligné précédemment, mais également pour le monde de l’entreprise.
En clair, nous sommes au milieu du gué. Pour la énième fois, nous vous répétons que vous subissez manifestement cette loi, dont nous démontrons l’inapplicabilité au fur et à mesure que nous avançons dans ce débat.
M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.
M. Martial Bourquin. À mon sens, la question de l’industrie est au cœur du débat. En effet, s’il est un sujet sur lequel il faut raisonner à moyen terme, c’est bien l’industrie.
L’instabilité annuelle et même la possibilité de conclure des contrats de gré à gré selon le bon vouloir des uns et des autres auraient pour effet de fragiliser au plus haut point les industriels, comme ils ont pu nous l’assurer la semaine dernière lors de notre visite en Rhône-Alpes. Et je ne parle même pas des électro-intensifs, qui nous ont clairement signifié que leur situation en 2014 pouvait se jouer « à quitte ou double ».
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Martial Bourquin. Rendez-vous compte, mes chers collègues ! On organise les états généraux de l’industrie en affirmant que, après la crise terrible que nous avons vécue, nous devons avoir un socle industriel extrêmement fort et retrouver une compétitivité pour nos entreprises industrielles, et puis, dans le même temps, avec cette loi NOME, on fragilise terriblement ces industries, notamment celles qui consomment le plus d’électricité.
Il y a là au moins une contradiction – j’évite d’employer un mot trop fort – qui doit nous alerter, nous montrer que nous ne sommes pas sur la bonne voie.
La perspective pluriannuelle prônée par les auteurs de cet amendement est la moindre des choses. En l’adoptant, nous essaierions au moins de « sauver les meubles » pour notre industrie.
Je vois votre volonté de fermeture, qui consiste à refuser même des amendements de bon sens comme celui-ci. Si vous réunissez des entreprises de toutes tailles, des petites, des moyennes ou des grandes, elles vous demanderont toutes d’opter pour cette approche pluriannuelle. Vous la refusez et vous parlez de « contrats de gré à gré » !
C’est là que l’on va s’apercevoir que la perte d’un opérateur unique et public risque de coûter cher non seulement à nos concitoyens, mais également à nos entreprises, bref à la nation tout entière ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Bérit-Débat. Notamment en termes d’emploi !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je tiens d’abord à vous rappeler que nous ne capitulons devant personne.
Ensuite, cet article 1er n’entraînera pas la moindre augmentation de prix pour les consommateurs, particuliers ou entreprises.
Je vais essayer de vous expliquer comment les choses pourront concrètement se passer. Si elle le souhaite, une PME pourra évidemment souscrire un contrat d’un an, trois ans, quinze ans auprès d’un fournisseur, qu’il s’agisse de l’opérateur dit « historique » ou d’un nouvel entrant.
Or la relation contractuelle dont nous parlons est celle qui se noue entre le fournisseur historique, EDF, et les nouveaux entrants, qui sont les autres fournisseurs d’électricité. C’est celle-là qui dure seulement un an, et non la relation contractuelle qu’une PME installée à Châlons-en-Champagne aurait avec un fournisseur. Cette PME doit bien évidemment avoir une visibilité et pouvoir contracter sur un an, deux ans, trois ans, cinq ans, dix ans,…
M. Martial Bourquin. Avec un prix !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … avec un prix qui sera, je le rappelle, indexé sur l’ARENH.
Mais existe-t-il aujourd’hui en France une quelconque entreprise qui connaisse son prix sur quinze ans ? Bien sûr que non !
M. Martial Bourquin. Sur quinze ans, non, mais sur trois ans, oui !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Lorsque l’entreprise en question contractera avec un fournisseur quelconque, elle aura un élément de référence, l’ARENH, qui sera une base de calcul transparente et que chacun pourra anticiper, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Ainsi, la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas cette durée de trois ans est la suivante : si, demain, les cinq nouveaux entrants concluent un tel contrat avec EDF, dans la mesure où ils n’auront pas de réelle visibilité sur une telle période quant à leur clientèle et donc au volume de demande qu’ils auront à satisfaire, ils vont chercher à « saturer » l’ARENH le plus rapidement possible, afin d’éviter que leurs concurrents n’en bénéficient. Si l’on « rebat les cartes » tous les ans, avec des nouveaux contrats, un tel problème ne se pose plus.
Par ailleurs, si le fournisseur historique ne souhaite pas contracter avec un nouvel entrant, il a l’obligation de lui vendre au prix de l’ARENH.
Toutefois, nous souhaitons que ces nouveaux entrants passent des contrats avec EDF, contrats dits « de gré à gré », sur un prix qui ne sera pas forcément celui de l’ARENH, en échange d’un engagement très fort dans la production de la part de ce nouvel entrant vis-à-vis d’EDF. Dans cette perspective, il peut y avoir un contrat de plusieurs années si les co-contractants le souhaitent. L’ARENH n’entre ainsi en jeu que dans le cas où il n’y a pas d’accord conclu entre le nouvel entrant et EDF : le nouvel entrant a alors droit pendant un an à un volume défini en fonction du nombre de ses clients et à un prix fixé.
Autrement dit, nous souhaitons encourager les contrats de gré à gré pluriannuels parce qu’ils impliquent un échange gagnant-gagnant…
M. Claude Bérit-Débat. Les chefs d’entreprise pensent, eux, qu’ils seront perdants !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. … entre, d’un côté, l’opérateur EDF, qui trouvera ainsi un co-investisseur, et, de l’autre côté, un nouvel entrant qui aura un prix préférentiel. Tel est notre objectif.
M. Martial Bourquin. C’est une usine à gaz !
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Eh bien, j’assume devant vous le fait qu’il s’agisse d’un schéma compliqué : parce que le marché de l’électricité – vous l’avez dit à plusieurs reprises – n’est pas un marché comme les autres. La solution que nous préconisons est complexe parce que nous souhaitons conserver au consommateur français le bénéfice des prix du nucléaire historique français et, en même temps, répondre aux exigences européennes. Nous assumons la complexité qui résulte de la réalisation de cet équilibre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)