Sommaire

Présidence de Mme Monique Papon

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine, M. Daniel Raoul.

1. Procès-verbal

2. Rappel au règlement

Mme Annie David, M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.

3. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 4 (suite)

Amendement no 5 de M. Guy Fischer (suite). – Mme Marie-France Beaufils, MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Fourcade. – Rejet.

Amendement n° 841 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils

Amendement n° 833 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 1172 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 1177 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 832 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 853 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.

Amendement n° 664 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 665 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 666 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 667 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 668 de M. Guy Fischer. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendement n° 671 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 672 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.

Amendement n° 675 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 679 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 680 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 682 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 684 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 685 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.

Amendement n° 686 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 687 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 692 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 693 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 694 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 696 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 697 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 698 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 701 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 717 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 769 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

Amendement n° 887 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 770 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 771 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.

Amendement n° 772 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David.

Amendement n° 712 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 816 de Mme Odette Terrade. – M. Guy Fischer.

MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Yves Daudigny, Mme Marie-France Beaufils, MM. Alain Anziani, Ronan Kerdraon, Jean Desessard, René-Pierre Signé, David Assouline.

M. le ministre, Mmes Nicole Bricq, Annie David. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 841.

Mme Annie David, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Nicole Bricq. – Rejet de l’amendement no 833.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.

Suspension et reprise de la séance

4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Cambodge

5. Dépôt de rapports du Gouvernement

6. Rappels au règlement

Mme Dominique Voynet, M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; M. David Assouline.

7. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)

Article 4 (suite)

Rejet des amendements nos 1172 et 1177.

Mmes Annie David, Raymonde Le Texier, M. Nicolas About, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Dominique Voynet, MM. David Assouline, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Alain Anziani, Jean Desessard, Yannick Bodin, Guy Fischer. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 832.

Mme Éliane Assassi, M. Guy Fischer. – Rejet de l’amendement no 853.

Mme Annie David. – Rejet des amendements nos 664 à 666.

Mmes Marie-France Beaufils, Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. – Rejet de l’amendement no 667.

Mme Odette Terrade. – Rejet de l’amendement no 668.

Mme Josiane Mathon-Poinat. – Rejet des amendements nos 671, 672 et 675.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet des amendements nos 679, 680, 682 et 684.

M. François Autain. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 685.

Mme Odette Terrade. – Rejet des amendements nos 686, 687, 692 à 694, 696 à 698, 701, 717, 769, 887 et 770 à 772.

Mme Odette Terrade. – Rejet, par scrutin public, de l’amendement no 712.

Mmes Annie David, Odette Terrade. – Rejet de l’amendement no 816.

M. Guy Fischer, Mmes Marie-France Beaufils, Odette Terrade, Raymonde Le Texier, MM. Jean Desessard, David Assouline, Yves Daudigny, Jean-Pierre Fourcade, Mme Christiane Demontès, M. le ministre.

Scrutin public sur l’article.

Suspension et reprise de la séance

Rejet, par scrutin public, de l’article.

M. le ministre.

Articles additionnels après l’article 4 (réservés)

Articles additionnels après l’article 5 (réservés)

Article 5 bis (supprimé)

Amendement n° 888 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Annie David. – Rejet par scrutin public.

L’article demeure supprimé.

Articles additionnels après l'article 6 (réservés)

Article 6 bis (supprimé)

MM. Guy Fischer, le rapporteur.

Article 7

M. Yannick Botrel, Mme Jacqueline Alquier, M. Guy Fischer.

Amendements identiques nos 6 de M. Guy Fischer et 134 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Annie David, Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.

Amendement n° 776 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 777 de M. Guy Fischer. – MM. François Autain, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Odette Terrade. – Rejet.

M. Nicolas About.

Amendement no 1224 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Annie David, M. Alain Vasselle, Mme Marie-France Beaufils. – Adoption.

Mme Odette Herviaux, M. Jacques Muller.

Adoption de l'article modifié.

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

Articles additionnels après l'article 7 (réservés)

Article 8

Mme Patricia Schillinger, MM. Claude Domeizel, Guy Fischer, Mme Marie-France Beaufils, M. Simon Loueckhote.

Mme la présidente de la commission.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

MM. Ronan Kerdraon, Yves Daudigny, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le secrétaire d'État.

Amendements identiques nos 7 de M. Guy Fischer et 135 de Mme Christiane Demontès. – M. Guy Fischer, Mme Patricia Schillinger, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Marie-France Beaufils, M. Bernard Vera. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Amendement n° 898 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.

Amendement n° 778 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.

MM. Claude Domeizel, le président.

Amendement n° 779 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.

Amendement n° 780 de M. Guy Fischer. – M. Bernard Vera.

Amendement n° 781 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-France Beaufils.

Amendement n° 136 de M. Jacky Le Menn. – Mme Gisèle Printz.

MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Marie-France Beaufils, MM. Gérard Longuet, Jacques Muller, Mmes Odette Herviaux, Nicole Borvo Cohen-Seat, Patricia Schillinger, MM. Jean-Jacques Pignard, Yves Pozzo di Borgo, Claude Domeizel. – Rejet des amendements nos 898 et 778 à 780.

MM. Guy Fischer, le secrétaire d'État, Mme Marie-France Beaufils. – Rejet des amendements nos 781 et 136.

Mme la présidente de la commission.

Amendement n° 782 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.

Amendement n° 899 de M. Guy Fischer. – Mme Annie David, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Vera, Jacques Muller, Claude Domeizel. – Rejet par scrutin public.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de Mme Monique Papon

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Daniel Raoul.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, en matière de fausse communication, le Gouvernement récidive !

Après la fausse publicité concernant la pénibilité, aujourd’hui, dans les journaux gratuits en fleurit une autre, aussi scandaleuse que mensongère, concernant la retraite des femmes. À vous lire, le gouvernement auquel vous appartenez aurait fait le choix d’agir résolument pour améliorer la retraite des femmes.

Malgré ce coup de communication, il n’en est rien en réalité.

Dans la première colonne de ce communiqué, vous affirmez : « La lutte contre les inégalités de salaires est renforcée ». Vous osez soutenir que les entreprises encourent des « sanctions financières très lourdes » si elles ne réduisent pas « les écarts de salaires entre hommes et femmes ». C’est faux ! La sanction ne s’élève qu’à 1 % de la masse salariale et ne porte, en vérité, que sur le manque d’information en matière d’égalité salariale. Prétendre que les entreprises seraient contraintes de faire respecter l’égalité salariale est un mensonge. Vous le savez pertinemment, monsieur le ministre, car, si les accords prévoient bien de renforcer la lutte contre l’inégalité salariale, aucun objectif écrit n’est fixé.

M. Guy Fischer. Très bien !

Mme Annie David. Ce sont pourtant des mesures contraignantes qu’il faudrait.

Dans la deuxième colonne, il est écrit : « La retraite des mères est améliorée ». Là aussi, il s’agit d’un mensonge. En effet, votre mesure ne concernera tout au plus que 25 000 femmes par an, et ce pendant quatre ans et demi seulement. Il faut dire que les conditions imposées sont drastiques : seules seront concernées les femmes mères de trois enfants nées entre 1951 et 1955, ayant travaillé et pouvant justifier d’un certain nombre de trimestres.

Monsieur le ministre, comment osez-vous répéter que la retraite des femmes sera améliorée, alors qu’elle ne sera en fait que moins dégradée que ce que vous espériez initialement ?

Dans le même temps, vous maintenez l’article 23 du texte, qui supprime la possibilité pour les agents publics, principalement des femmes, de bénéficier d’un départ anticipé s’ils justifient de quinze ans de service et ont trois enfants. Cette disposition sanctionnera plus de 14 000 agents.

Dans la troisième colonne, on peut lire : « La situation des femmes les plus fragiles est prise en compte ». Là encore, c’est faux ! Vous avez consciencieusement refusé tous nos amendements tendant à limiter le recours aux contrats précaires et au travail partiel, lesquels, chacun le sait, concernent d’abord et avant tout les femmes.

Monsieur le ministre, cessez d’utiliser l’argent public à des fins partisanes. Alors que le conseiller en communication de l’Élysée démissionne, je vous demande, au nom des sénatrices et des sénateurs du groupe CRC-SPG, de mettre fin à cette politique d’intoxication dans les journaux gratuits, qui connaissent une large diffusion à Paris. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Raymonde Le Texier applaudit également.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la sénatrice, en termes de communication, vous n’êtes pas des débutants non plus ! (Rires sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Nous n’avons pas les moyens d’en faire !

M. Éric Woerth, ministre. Quand vous évoquez la réforme, j’ai le sentiment que vous avez parfois – pas toujours ! – une propension à la caricature. Il ne faut tout de même pas exagérer.

Mme Annie David. Cela ne sort pas de cet hémicycle !

M. Éric Woerth, ministre. Les informations que contient cette publicité sont parfaitement exactes.

M. Éric Woerth, ministre. « La lutte contre les inégalités de salaires est renforcée ». Nous prévoyons en effet, pour lutter contre l’inégalité salariale, des sanctions financières extrêmement fortes – 1 % de la masse salariale, c’est très important – pour les entreprises qui n’ont pas d’accord d’entreprise ou de plan d’action.

Mme Annie David. Toutes les entreprises en auront un !

M. Éric Woerth, ministre. Nous prévoyons de rendre publics ces accords d’entreprise ou ces plans d’action. Nous comptons donc sur la pression publique pour atteindre cet objectif.

M. Guy Fischer. Ce sont des vœux pieux !

M. Éric Woerth, ministre. Les précisions concernant la retraite des mères sont tout aussi exactes : « La réforme tient compte de la spécificité des mères de trois enfants. Les femmes qui ont moins de 55 ans aujourd’hui ont en moyenne le même nombre de trimestres que les hommes. Cela n’est pas vrai pour les femmes de plus de 55 ans. C’est pourquoi la réforme maintient la retraite à taux plein à 65 ans pour les mères âgées de 55 ans ou plus et qui ont interrompu leur carrière. »

Tout cela est parfaitement exact ! Le message délivré aux Français correspond tout à fait à la réalité !

Mme Annie David. Lisez le titre du communiqué !

3

Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 4 (début)

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE IEr (suite)

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

CHAPITRE II (suite)

Durée d'assurance ou de services et bonifications

M. le président. Hier, le Sénat a entamé l’examen de l’article 4, dont je rappelle les termes.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 4 (interruption de la discussion)

Article 4 (suite)

(Non modifié)

L’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – Pour les assurés nés à compter du 1er janvier 1955, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par décret, pris après avis technique du Conseil d’orientation des retraites portant sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, et publié avant le 31 décembre de l’année au cours de laquelle ces assurés atteignent l’âge mentionné au dernier alinéa du même I, minoré de quatre années.

« Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. » ;

2° À la fin du premier alinéa du V, les mots : « prévu au premier alinéa de l’article L. 351-1 du même code » sont remplacés par les mots : « mentionné au troisième alinéa du I du présent article » ;

3° Le VI est ainsi modifié :

a) Après le mot : « âge », la fin de la première phrase est ainsi rédigée : « mentionné au troisième alinéa du I » et la seconde phrase est supprimée ;

b) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« Par dérogation au premier alinéa, la durée des services et bonifications exigée des fonctionnaires de l’État et des militaires qui remplissent les conditions de liquidation d’une pension avant l’âge mentionné au troisième alinéa du I est celle exigée des fonctionnaires atteignant l’âge mentionné au même troisième alinéa l’année à compter de laquelle la liquidation peut intervenir.

« Le présent VI s’applique également aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers des établissements industriels de l’État. » ;

4° Le IX est abrogé.

Mme la présidente. Nous poursuivons l’examen de l'amendement n° 5.

Présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, cet amendement est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Je rappelle que cet amendement a été défendu et que la commission et le Gouvernement se sont prononcés.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Thierry Foucaud a particulièrement bien démontré hier soir combien l’augmentation des annuités est une mesure injuste et injustifiée et à quel point l’examen par priorité des articles 5 et 6, en scindant le débat, avait essentiellement pour objet d’empêcher une appréhension globale de la proposition du Gouvernement, s’agissant du système de retraites par répartition.

L’augmentation des annuités est une mesure particulièrement discriminatoire pour les femmes, qui ont, en général, des carrières plus courtes que les hommes. Concrètement, les femmes subiront donc une décote plus lourde ou devront partir à la retraite plus tard.

Cette inégalité est très largement vérifiée dans le monde agricole, secteur d’activité dans lequel les femmes doivent vivre avec des revenus particulièrement faibles. De plus, les agricultrices vivent « la double journée », dans les champs et au foyer, sauf que, dans leur métier, les 35 heures ne s’appliquent pas !

Certes, certains progrès ont été réalisés pour reconnaître aux agricultrices un véritable statut. Il faut dire que, comme pour les conjoints d’artisans ou de commerçants, leur situation était socialement inacceptable. Ainsi, dans son témoignage, encore en ligne sur le site de la chaîne parlementaire Public Sénat, Marie-Thérèse Lacombe, agricultrice impliquée dans le mouvement d’indépendance des femmes de paysans, indique ceci : « Dans les statistiques économiques, nous étions répertoriées dans la rubrique "femme inactive", alors que l’on travaillait plus de 12 heures par jour, sans relâche. »

Les femmes ont dû lutter très durement contre les préjugés. Désormais, certaines dirigent des exploitations agricoles. C’est un vrai signe de reconnaissance pour celles qui ont longtemps été considérées comme une simple force de travail.

Le projet de réforme des retraites touchera particulièrement les femmes salariées ou indépendantes qui, en raison de la crise que traverse le secteur agricole, ont de très faibles revenus. Elles ne pourront pas se permettre le luxe de supporter les décotes de leur pension de retraite, laquelle, dans bien des cas, sera déjà insuffisante pour leur permettre de vivre décemment. Elles n’auront tout simplement plus la force et la santé pour continuer une activité que les horaires et l’amplitude des journées de travail rendent souvent difficile.

L’article 4 emporte de graves injustices : plus les personnes auront eu des carrières incomplètes, plus elles auront perçu des revenus bas, plus leur travail aura été pénible, plus on leur demandera des efforts physiques et financiers.

Monsieur le ministre, j’ai bien entendu le propos que vous avez tenu tout à l’heure : ne continueront à partir à la retraite à 65 ans sans décote que les femmes nées avant 1955 et ayant au moins trois enfants ! Or nous savons pertinemment que cette disposition sera temporaire. Vous ne pouvez prétendre que « la réforme améliore la retraite des femmes » : vous proposez une mesure spécifique pour répondre un peu au grondement de la rue, pour reprendre l’expression employée hier par l’un de mes collègues, mais non pour répondre de façon pérenne à l’attente des femmes.

C’est pourquoi nous soutenons avec force cet amendement de suppression de l'article 4.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Avec cet amendement n° 5, tendant à la suppression de l’article 4, nous vivons pour la troisième fois l’un des moments les plus importants du débat sur la réforme des retraites.

Nous sommes opposés au recul de la limite d’âge à 62 ans et avons réaffirmé avec force le droit au départ à la retraite pour tous à 60 ans.

M. Jean-Paul Emorine. On a bien compris !

M. Guy Fischer. Nous sommes également contre le recul de la limite d’âge à 67 ans pour pouvoir toucher une retraite à taux plein, c'est-à-dire sans décote.

M. Jean-Pierre Fourcade. On a bien compris aussi !

M. Guy Fischer. Par cohérence avec ce contre quoi nous nous sommes précédemment battus, nous refusons la prolongation de la durée de cotisation et sommes pour son maintien à 40 annuités.

Bien sûr, on me rétorquera que nous évacuons le problème du financement. Non ! Nous avons déposé une proposition de loi que je tiens à votre disposition. Elle fait l’objet d’avis très contradictoires et controversés. S’appuyant sur le constat que d’immenses richesses se trouvent dans notre pays, elle prévoit de soustraire une partie des richesses du capital pour contribuer à un financement plus équilibré du droit à la retraite pour tous à 60 ans.

Nous avons déposé cet amendement de suppression, car cette réforme est brutale. En effet, dès le 1er juillet 2011, le processus de progressivité, notamment en ce qui concerne l’allongement de la durée de cotisation, s’appliquera. En outre, nous sommes le seul pays de l’Union européenne dont le Gouvernement ait choisi de jouer sur tous les tableaux : le recul des bornes d’âge et l’augmentation de la durée de cotisation. Ce ne sera pas sans conséquences : alors que tout le monde s’accordait sur le fait que, en matière de protection sociale, notre pays était l’un des plus avancés de l’Union européenne mais aussi du monde, nous allons basculer dans le système anglo-saxon. Nous assisterons alors progressivement – cela a déjà commencé – à un gel, voire à un effondrement des retraites, alors que les générations qui nous ont précédés et la nôtre bénéficient d’un montant de retraite important.

Cette réforme est injuste, car – et nous ne cesserons de le répéter – ce sont 85 % des salariés qui, de toute évidence, la paieront. Vous le savez, la technique qui consiste à prendre sur le plus grand nombre agit sournoisement, insidieusement.

Enfin, cette réforme est inefficace, car, dans quelques années à peine, il faudra y revenir et la réajuster. Tout le monde le reconnaît.

À travers les reculs de limite d’âge et l’allongement de la durée de cotisation, nous vivons l’une des réformes emblématiques qui touchera toutes les Françaises et tous les Français durant des générations : nous nous apprêtons à subir la plus grande régression sociale.

L’un de mes collègues de droite, que je ne citerai pas, auquel je disais que la réforme qu’il préconisait était « du Thatcher » m’a rétorqué que je me trompais, que cette réforme allait au-delà, que c’était « du Thatcher » à la puissance dix !

M. Guy Fischer. Je crois que c’est cela, la réalité !

Nous sommes donc résolument contre cette réforme. Et c’est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer cet article 4 ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous allons, au cours de la discussion de cet article 4, entendre beaucoup de répétitions sur l’enjeu du texte de loi en discussion, je tiens à dire deux choses au nom du groupe UMP.

D’abord, tout le monde s’accorde à penser qu’il n’y a pas de solutions fiscales au problème de la réforme des retraites. En effet, nous ne pouvons pas donner l’exemple, au sein de l’Union européenne, d’un pays dont la fiscalité serait très excessive par rapport aux autres États membres. Or c’est ce qui ne manquerait pas de se produire si nous suivions les recommandations de M. Fischer sur la retraite à 60 ans à taux plein. Ces dernières aboutiraient à ce que la France, dont le niveau des prélèvements fiscaux est déjà supérieur à la moyenne des pays de l’Union européenne, dépasse en la matière les pays d’Europe du Nord, qui sont en train de réduire leur fiscalité. Il n’y a donc pas de solution fiscale au problème dont nous parlons.

Mme Annie David. Mais nous ne proposons pas de solution fiscale !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ensuite, nous débattons aujourd’hui de l’article 4, qui concerne la durée des cotisations. À cet égard, tout le monde s’accorde à peu près sur une augmentation de cette durée.

M. Jean-Pierre Fourcade. Mais si vous voulez faire financer la totalité de la réforme uniquement par l’allongement de la durée des cotisations, il faut que cette dernière atteigne quarante-six, quarante-sept, voire quarante-huit ans. C’est tout à fait impossible, notamment pour les jeunes que vous essayez de faire descendre dans la rue ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Annie David. Les jeunes, ils réfléchissent par eux-mêmes !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ils ne peuvent pas envisager un déroulement de carrière dans ces conditions !

Je m’appuie sur deux références qui me paraissent raisonnables : la première, c’est celle de M. Strauss-Kahn et du FMI ; la seconde, c’est celle de l’ancien Premier ministre, Michel Rocard. Tous les deux estiment que l’on est obligé de jouer sur l’âge de départ à la retraite et sur l’âge du taux plein à 67 ans. Ces deux références me paraissent sérieuses et constituer une caution raisonnable. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre l’amendement de suppression de l’article 4. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisi de trente-six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 841, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article

I. - Les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

II. - L'article 81 quater du code général des impôts est abrogé.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Nous souhaitons, par cet amendement, revenir sur les exonérations de charges sociales accordées dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA », plus précisément sur les exonérations de cotisations sociales consenties sur les heures supplémentaires, ce qui représente un manque à gagner pour les finances de l’État d’environ 3 milliards d’euros en 2009.

En effet, malgré vos discours pour développer l’emploi dans notre pays à coups d’exonérations de charges sociales, aucune étude n’a pu démontrer l’efficacité de ces exonérations sur le développement de l’emploi et de notre économie. Pis, les emplois industriels disparaissent peu à peu, les délocalisations se poursuivent inlassablement sans qu’une réelle politique en faveur de l’emploi ne voie le jour.

Pourtant, même s’il est vrai que la création d’emplois est une condition essentielle du financement de notre système par répartition, des emplois sans cotisations nouvelles ne régleront pas le problème de la protection sociale, notamment des retraites !

Au final, toutes les exonérations sont autant de dizaines de milliards d’euros en moins chaque année pour le budget de la France.

Pourtant, il existe des solutions simples, efficaces et crédibles pour sauvegarder notre système et nos droits à la retraite. Le système actuel peut être conservé si le Gouvernement s’en donne les moyens ! Nous pouvons financer notre système de retraites en créant des emplois, en augmentant les salaires : un point d’augmentation des salaires permettrait d’abonder les caisses de la sécurité sociale de 3 milliards d’euros. Il faut également taxer les revenus financiers à la même hauteur que les salaires – peut-être est-ce cela que notre collègue M. Fourcade appelle une nouvelle fiscalité ? –, supprimer les exonérations de cotisations de sécurité sociale qui, selon la Cour des comptes, sont coûteuses et ne servent pas à l’emploi, obliger le paiement des dettes patronales et de l’État envers la sécurité sociale qui s’accumulent depuis des années, supprimer les exonérations de plus-values de cession de titres de participation dans les entreprises, qui ont coûté 22 milliards d’euros sur trois ans. Nous pourrions taxer également les stock-options, les retraites chapeaux.

M. Alain Fouché. Je suis d’accord !

Mme Marie-France Beaufils. Alors que les cinq cents plus grosses fortunes françaises ont vu leurs revenus passer de 6 % à 14 % du produit intérieur brut, que les bénéfices du CAC 40 atteignent des records jamais égalés, la part des salaires et des pensions dans le PIB de notre pays ne cesse de reculer depuis trente ans.

Les salariés sont de plus en plus ponctionnés, tandis que les contributions du capital sont sans cesse revues à la baisse.

Cet argent, qui alimentait auparavant les caisses de l’État, ne s’est pas dirigé vers les investissements productifs comme vous essayez de le faire croire aux Français.

Il est indécent de voir les plus riches, ceux qui spéculent, frauder le fisc, participer à l’évasion fiscale, recevoir des chèques du Trésor public pendant que le Gouvernement demande au plus grand nombre de payer pour avoir droit à une retraite de misère, de payer pour la sécurité sociale, de payer en licenciements et en insécurité sociale le haut niveau de vie d’une minorité fortunée.

Face à l’échec flagrant de la politique économique et fiscale du Gouvernement, nous souhaitons mettre fin à ces dispositifs inefficaces, coûteux et particulièrement injustes.

Tel est le sens de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.

Mme la présidente. L'amendement n° 833, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le 1° de l'article L. 137-15 du code de la sécurité sociale est abrogé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. La question du financement de notre régime de retraite est un point central que vous refusez d’aborder dans sa totalité. J’en veux pour preuve le sort qui a été fait à nos amendements en la matière. De la même façon, vous feignez d’ignorer la recommandation répétée dans tous les rapports du Conseil d’orientation des retraites : l’augmentation des ressources des régimes de retraite.

À cette question, vous n’avez qu’une réponse : mettre à contribution les salariés, qui vont supporter 85 % du poids du financement de cette réforme. Or ces ressources supplémentaires existent si l’on veut bien regarder du côté où les richesses sont créées, à savoir les entreprises.

Prenons un exemple, celui des stock-options visées par le présent amendement.

Vous avez fini par les assujettir à une contribution, qui remonte à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, mesure a minima que vous avez prise contraint et forcé pour nous montrer que vous faisiez quelque chose sur les stock-options. Mais c’est en fait très peu, à l’instar de la poussière que l’on pousse sous le tapis ! Les conséquences financières de la mesure sont donc également a minima.

Il faut dire que stock-options, bonus et parachutes dorés étaient devenus encombrants pour vous qui prôniez soudainement la moralisation de la vie financière. On se rappelle les propos du Président de la République à cet égard. Ces divers éléments contribuent moins que les salaires au financement de la protection sociale.

M. Alain Fouché. C’est sous la gauche qu’il y a eu le plus d’argent de gagné !

M. Guy Fischer. C’est pourquoi nous proposons de ne pas les exclure du forfait social, comme c’est le cas actuellement.

Aujourd’hui, en France, les stock-options, qui concernent 20 000 bénéficiaires, coûtent de 100 à 150 millions d’euros de recettes à l’État et autant – sinon plus – à la protection sociale ! Quid alors de la solidarité ?

À l’inverse, nous proposons, quant à nous, de porter de 10 % à 40 % et de 2,5 % à 10 % – ce sont les calculs que nous avons faits, mais nous sommes prêts à remettre les chiffres sur la table et à en rediscuter – le taux des contributions patronales et salariales sur les attributions d’options de souscription ou d’achat d’actions et sur les attributions d’actions gratuites.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Moi, j’irais même jusqu’à 50 % !

M. Guy Fischer. Nous proposons également de faire en sorte que ces contributions, instituées en 2007 au profit des seuls régimes obligatoires d’assurance maladie, bénéficient au régime d’assurance vieillesse.

Rappelons que la Cour des comptes chiffrait en 2007 à plus de 3 milliards d’euros les pertes de recettes pour la sécurité sociale générées par le dispositif des stock-options.

L’application d’une telle mesure permettrait d’engranger aujourd’hui, en année pleine, environ 800 millions d’euros de recettes supplémentaires au bénéfice de la protection sociale.

Voilà donc un exemple concret et une proposition précise de ressources supplémentaires que nous pourrions trouver. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 1172, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, est insérée une section 12 ainsi rédigée :

« Section 12

« Contribution patronale sur les formes de rémunération différées mentionnées aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code du commerce

« Art. L. 137-27. - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse dont relèvent les bénéficiaires, une contribution due par les employeurs assise sur le montant des éléments de rémunération, indemnités et avantages mentionnés aux articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du code de commerce, à l'exclusion des options et actions visées aux articles L. 225-177 à L. 225-186 et L. 225-197-1 à L. 225-197-5 du code de commerce. Le taux de cette contribution est fixé à 40 %. »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous souhaitons, par cet amendement, introduire une contribution patronale sur les rémunérations, indemnités et avantages versés aux présidents, PDG et autres membres du directoire de sociétés dont les titres sont présents sur les marchés financiers, cotés en bourse. Cela devrait rassurer M. Fourcade puisque, vous le voyez, nous proposons une solution différente, une solution qui n’est pas fiscale, contrairement à ce qu’il disait.

Le taux de cette contribution que nous voulons porter au taux de 40 % ne toucherait pas les revenus réguliers des patrons de ces sociétés qui sont dus au titre de leurs activités professionnelles, quoi qu’ils soient déjà eux-mêmes très confortables. Il ne s’agit de soumettre à cette contribution de 40 % que les rémunérations différées de ces patrons, soit tous les avantages supplémentaires qu’ils touchent, dont les montants atteignent des sommes astronomiques, et qui sont attribués pour des motifs somme toute assez peu justifiés puisqu’il s’agit – je cite le code du commerce- « des engagements pris [...] et dus à raison de la cessation ou du changement d’activité ». C’est, en clair, ce que l’on appelle plus communément « les parachutes dorés ».

Il s’agit ici de rééquilibrer une réforme injuste, qui fait peser le coût du financement des retraites sur les salariés à hauteur de 85 %, comme les membres de mon groupe, M. Fischer en tête, le répètent inlassablement. Nous souhaitons donc assujettir à une contribution les éléments extra-salariaux des patrons des grandes entreprises.

Cette rémunération différée constitue un avantage inadmissible, d’autant plus que ce dernier vient s’ajouter aux revenus de patrons dont le salaire n’est pas parmi les plus bas, et c’est peu dire ! Encore une fois, le cumul d’avantages favorise ceux qui en ont le plus. En effet, quel salarié ordinaire se voit primé lorsqu’il change d’activité ou simplement démissionne ?

Ces avantages financiers aux montants exorbitants que reçoivent ces patrons de grandes entreprises, en plus de leur rémunération actuelle, doivent donc être particulièrement sollicités pour financer les retraites et l’assurance maladie, et c’est là la moindre des choses.

Ces éléments extra-salariaux sont inadmissibles : ils correspondent à une concentration des richesses dans les mains de la classe dirigeante toujours plus privilégiée et sont même parfois perçus sans aucune adéquation avec les « performances » au sein de l’entreprise.

Ces avantages ne sont rien de moins que des salaires détournés. Et en ce sens, il n’y a pas de raison qu’ils ne soient pas assujettis à contribution, comme les autres revenus, pour financer notre système de protection sociale, y compris celui des retraites mais aussi de l’assurance maladie.

Compte tenu des montants considérables versés, nous suggérons que l’assujettissement soit lui aussi important, à la hauteur de revenus perçus comme des besoins en financement de notre système de retraite par répartition.

Nous proposons donc que cette contribution soit fixée au taux de 40 %.

Mme la présidente. L'amendement n° 1177, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 137-26 du code de la sécurité sociale, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section ...

« Contribution patronale sur la part variable de rémunération des opérateurs de marchés financiers

« Art. ... - Il est institué, au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie et d'assurance vieillesse une contribution de 40 %, à la charge de l'employeur, sur la part de rémunération variable dont le montant excède le plafond annuel défini par l'article L. 241-3 du présent code versée, sous quelque forme que ce soit, aux salariés des prestataires de services visés au livre V du code monétaire et financier. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Nous revenons avec cet amendement au cœur du problème qui nous est posé par votre projet de réforme, celui du financement de notre régime de retraite par répartition. Vous tentez de réduire cette question à une simple équation démographique. La démographie est, certes, l’une des données à prendre en compte, et nous le concevons fort bien, comme nous concevons la nécessité de réformer notre mode de financement d’un des principaux fleurons de notre système de protection sociale. Cette donnée démographique ne peut toutefois justifier à elle seule, et loin s’en faut, le problème du déséquilibre de notre régime de retraite par répartition.

À mesure que nous avançons dans nos discussions et que le mouvement social s’approprie ce débat, la ficelle paraît de plus en plus grosse et la potion difficile à avaler.

Vous avez certes quelques raisons de reconnaître que le Conseil national de la Résistance exprimait, en son temps, des revendications et des valeurs justes. Cependant, dans le même temps, vous relativisez ce projet de société progressiste dont la finalité consistait, ni plus ni moins, à garantir durablement le bien-être des travailleurs. Vous nous dites que cela sonne faux à vos oreilles et que « ce n’est plus possible » compte tenu des contraintes qui pèsent sur vous. Il faudrait donc désormais nous adapter au monde nouveau, celui de la recherche de la rentabilité, de la performance optimale, même si la potion peut se révéler « amère » pour le plus grand nombre de nos concitoyens.

Avec cet amendement, nous souhaitons confirmer et démontrer le bien-fondé de nos propositions – mes collègues Guy Fischer et Josiane Mathon-Poinat viennent à l’instant de vous en parler –, qui n’ont pour finalité que d’offrir de nouvelles ressources pour développer notre système.

La part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France de 9,3 points entre 1983 et 2006 alors que, pour la même période, la part des dividendes versés aux actionnaires passait de 3,2 % à 8,5 % du PIB.

Outre qu’ils font défaut en matière de salaires et de politiques sociales, ces revenus accaparés par le capital sont utilisés pour la spéculation et les délocalisations, soit, par conséquent, contre l’emploi. Malgré tout, le capitalisme financier est encore contraint, de nos jours, de tenir compte de l’existence de notre système de protection sociale par répartition ; certains le regrettent bien, c’est sûr !

Ainsi, entre 1993 et 2009, en dépit des objectifs affichés par les gouvernements successifs au nom du poids excessif des charges sociales, le volume des cotisations sociales a continué d’augmenter – plus 19 % – malgré les efforts de rigueur que vous avez consentis. Simplement, il n’a pas suivi l’évolution du PIB, qui, lui, a augmenté de 33 %, ni celle des revenus financiers des entreprises et des banques, qui s’élève à plus 143 %.

Cela exige donc bien de désintoxiquer l’économie de la financiarisation, alors qu’explosent les revenus financiers. C’est le sens de notre amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 832, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après l'article L. 241-3-1 du code de la sécurité social, il est inséré un article L. 241-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 241-3-2. - Par dérogation aux dispositions de l'article L. 241-3, les salariés employés à temps partiel au sens de l'article L. 212-4-2 du code du travail ou, dans des conditions fixées par décret, peuvent demander à ce que la part patronale de cotisations mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 241-3 du présent code soit assise sur une assiette correspondant à une activité exercée à temps plein. »

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Le temps partiel concerne surtout les femmes. Certains secteurs, comme la grande distribution, en usent et en abusent.

Aujourd’hui, 30,2 % des femmes sont employées à temps partiel. Les salaires sont bas et les conditions de travail exténuantes.

Les femmes ont des carrières chaotiques, discontinues, elles s’arrêtent pour congé maternité, congé parental ou congé enfant malade. Ce sont elles qui, souvent, sont recrutées en contrat à durée déterminée. Elles accumulent les périodes de chômage. Ne soyons pas surpris de constater par conséquent que, avec des salaires faibles dans leur vie professionnelle – l’écart avec les salaires des hommes est de 27 % –, elles voient le montant moyen de leur retraite mensuelle atteindre seulement 825 euros en 2008, somme inférieure de 40 % au montant moyen de pension pour un homme.

D’après le COR, le Conseil d’orientation des retraites, la mise en œuvre de l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes apporterait d’ici à 2030 78 milliards d’euros dans les caisses des régimes de retraite.

Ce projet de loi ne fait qu’aggraver les inégalités entre les hommes et les femmes ; c’est un projet particulièrement misogyne. Le temps partiel a des incidences évidentes sur la difficulté que les femmes peuvent avoir à rassembler quarante années de cotisation. Dès lors, qu’en sera-t-il lorsqu’il faudra qu’elles réalisent quarante-deux ans de cotisation, comme vous voulez les y contraindre ?

Depuis les réformes Balladur et Fillon, seules 43 % des femmes salariées arrivent à mener des carrières complètes, alors que, pour les hommes, ce pourcentage est de 86 %. Un tiers des femmes sont ainsi déjà obligées de travailler jusqu’à 65 ans. Ce n’est certainement pas une solution, pour toutes ces femmes qui sont à temps partiel, de reporter l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans ou de prolonger les durées de cotisation.

Proposer aux salariés concernés de demander à leurs employeurs de cotiser sur une assiette correspondant à un temps plein permettrait d’améliorer le montant de leur retraite. La HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, vient même de le suggérer ces derniers jours. Bien sûr, la réussite de la mise en œuvre d’une telle disposition nécessite également des salaires corrects.

La possibilité de cotiser sur une assiette plus large existe déjà depuis la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, mais elle est particulièrement difficile à appliquer. En effet, avant la précédente réforme des retraites, la « surcotisation » était réservée aux salariés à temps partiel embauchés à taux plein et dont l’emploi était ensuite transformé en temps partiel, au titre d’un seul employeur.

La loi de 2003 ouvre cette possibilité à compter de janvier 2004 à l’ensemble des salariés travaillant à temps partiel et aux salariés dont la rémunération ne peut être déterminée en fonction du nombre d’heures travaillées, mais celle-ci est soumise à un accord entre le salarié et l’employeur, écrit, daté et signé par les deux parties. Ce type d’accord se conclut très rarement et la prise en charge par l’employeur n’est nullement obligatoire.

Le Médiateur de la République considère que le problème du niveau des retraites pour les salariés et les fonctionnaires dont la carrière s’est déroulée essentiellement à temps partiel mérite d’être étudié et peut-être de déboucher sur une proposition de réforme autour de la question de la surcotisation.

En approuvant l’amendement que nous vous proposons, nous pourrions ainsi répondre, au moins partiellement, à la demande des femmes qui travaillent à temps partiel, et ce ne serait que justice pour ces dernières.

Mme la présidente. L'amendement n° 853, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article L. 1248-11 du code du travail, il est inséré un article L. 1248-12 ainsi rédigé :

« Art. L. 1248-12. - Les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrats à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visées à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, majorée de 10 %. »

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Cet amendement prévoit que les entreprises qui salarient plus de 10 % de leurs effectifs en contrat à durée déterminée voient la part patronale des cotisations sociales visée à l’article L 242-1 du code de la sécurité sociale majorée de 10 %.

Il vise par conséquent à lutter contre le travail précaire nuisible aux comptes sociaux.

En effet, le chômage de masse et le travail précaire sous-payé se cumulent actuellement. Au gré des départs à la retraite et des plans sociaux, la génération du baby-boom quitte la vie active sans être remplacée, ce qui entraîne une terrible perte de savoir-faire.

Le « marché du travail » se structure de plus en plus entre un pôle restreint d’emplois très qualifiés et un pôle d’emplois sous-qualifiés, mal payés et précaires. Marginalisation, paupérisation et déclassement sont le lot commun des couches populaires et moyennes. L’ascenseur social fonctionne à l’envers.

La course à la compétitivité, la mise en concurrence de tous contre tous au sein même des collectifs de travail détruisent les relations de coopération entre salariés en détériorant leur rapport à leur propre travail, ce qui a pour effet de multiplier l’absentéisme, les dépressions et les suicides.

On le voit, il est essentiel d’inverser la tendance. C’est l’objectif de l’amendement que nous vous proposons d’adopter.

Mme la présidente. L'amendement n° 664, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie textile du 1er février 1951.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Dire de l’industrie textile française qu’elle est en crise est une véritable évidence.

Les appétits des actionnaires, qui demandent des taux de rentabilité à deux chiffres, conduisent à une multiplication sans précédent des fermetures d’usines et autres délocalisations. Aujourd’hui, la situation est telle que les grossistes en textile s’inquiètent d’une possible flambée du prix des vêtements en raison des revendications sociales des salariés des pays producteurs.

C’est dire le niveau de la dépendance économique de la France et celui de la désindustrialisation dans notre pays.

À Rillieux-la-Pape, par exemple, près de Lyon, les ouvrières de Lejaby, que Guy Fischer est allé rencontrer, occupent le siège du fabricant de lingerie de luxe qui les emploie. En effet, leur employeur prévoit la suppression à partir du mois de novembre de 197 postes sur 653 et la fermeture de trois sites de production en Rhône-Alpes, dans l’Ain et en Ardèche.

Chez Playtex – autre exemple, cette fois dans mon département de l’Isère –, ce sont 71 postes qui vont être supprimés, et l’usine de La Tour-du-Pin risque d’être prochainement fermée. Voilà quelques jours, j’étais avec les salariés de cette usine à la sous-préfecture de La Tour-du-Pin pour négocier la convention de revitalisation mise en place à la suite de cette fermeture, et je peux vous garantir que la détresse de ces femmes était flagrante. Être témoin de leur incompréhension face à la fermeture de leur entreprise, alors qu’elles ont contribué pendant des années à la richesse de l’établissement, était assez douloureux.

Malheureusement, la liste pourrait être longue et les exemples nombreux. À chaque fois, les salariés nous font part des mêmes craintes quant à leur avenir et à l’impossibilité pour une grande partie d’entre elles – la plupart sont des femmes –, souvent proches de l’âge de la retraite, de trouver un emploi dans quelque branche que ce soit.

Je pense par exemple au témoignage de certaines femmes, notamment à celui d’un membre de la fédération CGT textile : beaucoup de ses collègues pensent qu’il n’y a plus rien pour elles après leur licenciement. Je pense aux inquiétudes des « filles de Lejaby », comme les appelle Guy Fischer, qui ont en moyenne 52 ans et plus de dix ans de maison et savent qu’elles auront du mal à trouver un nouvel emploi.

En 2003, plus de 200 postes avaient déjà été supprimés. Les licenciés, à cette époque, avaient cru à un reclassement possible. Sept ans plus tard, toutes ces filles – toutes ces « copines », comme elles disent – sont pour la plupart encore au chômage ou occupent un emploi à temps partiel dans le secteur des services à la personne, car c’est ce type de postes que vous leur proposez, monsieur le ministre ! Elles ont pourtant un vrai savoir-faire, elles peuvent apporter une vraie valeur ajoutée, mais les entreprises de notre pays refusent de reconnaître ces atouts à leur juste valeur et de rémunérer ces salariées comme elles devraient l’être.

Mme la présidente. L'amendement n° 665, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries métallurgiques.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement vise à permettre aux travailleurs de l’industrie métallurgique de déroger aux dispositions de l’article 4.

La métallurgie est par nature une branche d’activité où les conditions de travail sont particulièrement difficiles et usantes pour les travailleurs. C’est d’ailleurs un secteur que je connais bien, qui est très présent dans la commune et le département dont je suis l’élue.

Les ouvriers sur les chaînes de montage sont usés par leur travail, pour certains dès l’âge de 50 ans. Depuis une quinzaine d’années, les postes « aménagés » ou « allégés » – par exemple, les préparations au montage sur le côté de la chaîne – ont pratiquement disparu, car ils ont été délocalisés. Les ouvriers sont donc désormais condamnés à rester sur la chaîne.

Levés souvent dès trois heures trente pour prendre leur service à cinq heures ou cinq heures trente du matin, ils ont un travail répétitif qui occasionne des troubles musculo-squelettiques.

C’est certain, en cas d’adoption de la réforme des retraites et particulièrement de cet article 4, les employeurs n’arriveront pas à maintenir ces ouvriers en poste au-delà de 60 ans puisque, à 58 ans, beaucoup sont déjà en arrêt pour longue maladie sans possibilité de reclassement. Nous faisons face à des taux d’absentéisme jamais atteints – autour de 14 % – qui touchent surtout les anciens du fait de ces conditions de travail.

Monsieur le ministre, des accords concernant le travail des seniors ont été signés en décembre 2009, mais aucune suite ne leur a été donnée. Bien souvent, les améliorations proposées sont de toute façon impossibles à réaliser car les postes de travail ne sont pas compatibles avec une vie plus longue au travail. À moyen et long termes, si on oblige les ouvriers à travailler plus longtemps, on peut craindre des plans sociaux massifs.

Ces conditions de travail sont partagées par tous les travailleurs de la métallurgie, y compris ceux qui n’utilisent plus leur force physique. Dans le groupe ArcelorMittal, par exemple, il n’existe quasiment plus de travaux faisant appel à la « force brute ». En effet, heureusement, le modernisme a fait du chemin, mais certains de ces travaux ont malheureusement été sous-traités, ce qui ne permet plus de percevoir les conséquences de ce travail avec la même ampleur.

Cependant, partout, les agents de maîtrise liés à la chaîne subissent le stress ; pour eux, la pénibilité est non pas dans le geste mais dans la tête, à cause de la course aux objectifs. Quand une panne survient, il faut réagir vite.

Ainsi, les travailleurs de la métallurgie ne s’y trompent pas. Ni le vote à l’Assemblée nationale ni toutes les tentatives de diversions orchestrées par le pouvoir en place n’auront eu raison de leur détermination. Celle-ci s’est traduite par une participation massive de leur part dans les grèves et les 232 manifestations organisées dans toute la France. Les cortèges des salariés de la métallurgie ont d’ailleurs été marqués par la présence de plus de jeunes, de femmes et de salariés issus des PME, de plus d’ingénieurs, de cadres et de techniciens.

Nous vous demandons donc d’écouter ces travailleurs de la métallurgie, qui ne pourront pas, physiquement, travailler davantage.

Voilà le sens de notre amendement, qui vise à faire en sorte que les salariés de la métallurgie n’aient pas à subir les conséquences de la disposition de l’article 4. Vous aurez bien compris qu’il s’agit d’un amendement de repli par rapport à notre demande de suppression de l’article, mes chers collègues.

M. Jean Desessard. Oui, nous l’avions bien compris !

Mme la présidente. L'amendement n° 666, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de jeux, jouets, articles de fêtes et ornement de Noël, articles de puériculture et voitures d'enfants, modélisme et industries connexes du 25 janvier 1991.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement s’inscrit dans la continuité des amendements précédents, qui visent à faire entrer dans notre hémicycle ce que le Gouvernement et sa majorité refusent, c’est-à-dire des éléments de vie de nos concitoyennes et de nos concitoyens, car ce sont bien d’eux qu’il s’agit.

Lors de son intervention dans la discussion générale, notre collègue Jean-Paul Virapoullé, dans un grand élan, n’a pas hésité à affirmer ceci : « pousser les Français dans la rue […], c’est […] favoriser la délocalisation ». Voilà une conception particulière de notre démocratie, qui consiste à croire que ce sont des « salariés poussés » qui manifestent massivement contre votre projet de loi. Ou alors, mes chers collègues, vous nous créditez d’un sacré pouvoir de persuasion envers ces millions de salariés qui sont dans la rue, ce qui est finalement plutôt flatteur pour nous ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Philippe Dominati. Ne rêvez pas !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous admirons votre confiance !

Mme Annie David. Croire que nous avons poussé ces salariés est une grave erreur, car, s’ils le sont, c’est par un élément : leur désir de conserver le droit à la retraite à 60 ans et sans décote.

C’est également une conception bien particulière de l’économie que celle qui consiste à rejeter la responsabilité des délocalisations sur des salariés qui, à un moment donné, se mobilisent pour la préservation de leurs droits.

M. Philippe Dominati. Nous n’avons jamais dit cela ! C’est votre interprétation !

Mme Annie David. À vous écouter, les actionnaires, qui exigent toujours des rentabilités plus grandes, ne seraient en définitive responsables de rien. Les salariés apprécieront. Ils apprécieront également d’apprendre qu’en 1995 le PDG de Mattel – cet amendement porte en effet sur les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention des industries de jeux, jouets, etc. – a gagné plus en salaire et en stock-options que l’ensemble des personnes travaillant pour Mattel en Chine.

Face à cette délocalisation permanente il nous semble important de prendre des mesures concrètes pour protéger des salariés qui, dans cette situation, ne pourront pas de toute évidence atteindre les 41,5 annuités.

La réforme que vous menez, parce qu’elle aura des incidences sur le montant des pensions, ne doit pas être aveugle. Elle doit naturellement tenir compte du contexte industriel de notre pays afin que les salariés qui subissent des périodes de chômage ne soient pas pénalisés une fois de plus parce qu’ils auraient été obligés d’attendre le nombre d’annuités légalement exigé pour prétendre à une pension de retraite digne, alors que, pendant ce temps, les actionnaires continuent de s’en mettre plein les poches. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 667, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie du 13 juillet 1993.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à une exemption pour les assurés relevant de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie.

De nombreux membres de la majorité glosent sur le fait qu’il est difficile de légiférer sur la « pénibilité » car il s’agirait d’une notion « complexe » qui ne permettrait pas d’être généralisée à des branches professionnelles dans leur ensemble.

La présente réforme reflète d’ailleurs ce discours puisque la pénibilité n’est considérée que sous l’angle du handicap constaté, donc individualisé. En somme, seuls les salariés malades et amoindris se verront reconnaître ce droit particulier. En revanche, ceux qui auront eu la malchance de voir une maladie professionnelle se déclarer avant un certain âge ne seront pas considérés comme des salariés comme les autres.

Nous l’avons dit à plusieurs reprises, cette définition de la pénibilité est pour le moins restrictive. Prenons le cas des boulangers, par exemple : de l’avis de l’ensemble de la médecine du travail, ceux-ci, du fait de leur métier, sont soumis à des risques allergiques respiratoires et cutanés. Ces pathologies sont évidemment liées non pas au hasard mais à leurs conditions de travail : empoussièrement des fournils, utilisation massive et répétée de farine. Les boulangers ont aussi la particularité d’avoir, pour la très grande majorité d’entre eux, des horaires atypiques – travail de nuit –, donc des rythmes contraires aux rythmes chronobiologiques, ce qui entraîne des maladies du sommeil, une fatigue excessive, une fatigue physique, des troubles de l’humeur.

Enfin, les boulangers exercent un métier physiquement dur : ils portent des charges lourdes, ils adoptent des gestes répétitifs,…

Mme Josiane Mathon-Poinat. … tendineux, ils manipulent des instruments tranchants et ils travaillent debout en atmosphère humide et chaude. Bref, le métier de boulanger est, par essence même, un métier pénible.

Il nous paraît tout à fait inadmissible de ne pas considérer le droit à la retraite anticipé pour ceux qui, par malchance, auront souffert de cette situation. Cela écarte tous ceux qui, usés par une vie de labeur difficile, n’auront pas non plus la chance de connaître une retraite aussi longue que celle d’un cadre.

Mme la présidente. L'amendement n° 668, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des artistes musiciens de la production cinématographique du 1er juillet 1964.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons vraiment le souci de montrer combien de salariés sont dans une situation précaire, ce qui semble avoir échappé à nos collègues de la majorité… J’imagine pourtant que vous avez bien étudié la situation de tous les métiers…

Cet amendement n° 668 porte sur les artistes musiciens : on sait très bien que le problème majeur pour un musicien est de pouvoir vivre de son art, et que la précarité est le lot commun des artistes musiciens, comme d’autres artistes d’ailleurs.

À partir des années 1920, on a commencé à composer de la musique pour le cinéma, et la musique a pris une large part dans les œuvres cinématographiques. Toutefois, le statut particulier des artistes musiciens de la production cinématographique était inexistant en droit. En effet, ces artistes particuliers, à mi-chemin entre l’édition phonographique et la production cinématographique, ont dû attendre les années 1960 pour que leur statut soit réglementé par des protocoles d’accord et une convention collective, en 1964. Ainsi, les artistes musiciens, bien que jouissant du privilège d’exercer un métier en adéquation avec leur passion, contrairement à ceux qui ne le peuvent pas, souffrent toujours d’une très grande précarité et de la fragilité de leur statut dans la société.

La convention collective règle le régime spécifique des artistes musiciens en énonçant tout d’abord les conditions générales de travail de ces salariés particuliers, puis le barème de leur rémunération. Elle réglemente le temps de travail des artistes sur la base de la notion de service : on distingue le service « normal » et le service « exceptionnel ». Sans s’attarder là-dessus, notons que, sous l’appellation « service normal », on retrouve l’idée de cachet qui se distingue du salaire. Cette rémunération rend difficile la cotisation et renforce de fait la précarité à laquelle ces professionnels doivent faire face. C’est pourquoi l’article 4 de ce projet de loi, et à plus grande échelle le projet de loi lui-même, met en péril ce type de situation et ce type de rémunération.

Nous proposons donc que l’article 4 ne s’applique pas à ceux qui bénéficient de cette convention collective, car ce serait encore un coup porté à une certaine continuité dans les rémunérations des artistes.

Mme la présidente. L'amendement n° 671, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement concerne les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie, laverie, location de linge, nettoyage à sec, pressing et teinturerie du 17 novembre 1997.

Nous pensons que ces salariés sont particulièrement défavorisés en termes d’acquisition des trimestres nécessaires pour pouvoir partir avec une retraite sans décote. Ils n’y parviennent déjà pas aujourd’hui, car ils sont dans une situation très difficile au regard du maintien et de la stabilisation dans leur emploi. La précarité de leur situation est très importante. Que cela soit dans les entreprises de services – blanchisserie, nettoyage à sec, par exemple – ou même dans les usines plus importantes, le taux de contrats précaires est très élevé.

Par conséquent, cette précarité et leur carrière hachée ne permettront pas à ces salariés d’accumuler le nombre de trimestres nécessaire pour obtenir une retraite sans décote.

Ce secteur d’activité se concentre en des chaînes de magasins qui appliquent uniformément à un groupe une politique salariale et managériale des plus dures par souci de rentabilité et de lutte contre la concurrence. Les prix y sont de plus en plus tirés vers le bas, et les salaires le sont donc automatiquement aussi : la quasi-totalité des salariés de ce secteur ne sont payés qu’au niveau du SMIC, qu’ils aient ou non de l’ancienneté. Comme beaucoup sont à temps partiel, je vous laisse imaginer le montant des pensions auquel ils pourront prétendre au moment de leur retraite.

Dans ce secteur comme dans beaucoup d’autres, les travailleuses et travailleurs âgés sont remplacés par des jeunes que la direction pense plus productifs et surtout plus corvéables. Les salariés âgés sont donc éloignés de l’emploi vers 50 ans, guère plus, sans aucune chance d’y retourner.

C’est un milieu professionnel qui connaît des conditions de travail pénibles. Il existe de nombreux produits chimiques utilisés, manipulés et inhalés dans ces métiers. Le travail s’effectue aussi dans une atmosphère très chaude et humide, compte tenu de la vapeur. Les salariés de ce secteur professionnel auront donc beaucoup de mal à travailler jusqu’à 62 ans pour pouvoir partir à la retraite et devront de toute manière attendre 67 ans pour obtenir une très faible pension de retraite à taux plein.

C’est la raison pour laquelle il ne faut pas leur appliquer l’article 4, ni même aucun des articles de ce texte de loi !

Mme la présidente. L'amendement n° 672, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers du 12 décembre 1978, actualisée.

La parole est à Monsieur François Autain.

M. François Autain. Les salariés relevant de la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers ont récemment été concernés par un accord de branche daté du 30 mars dernier à destination des entreprises employant de 50 à 300 salariés. En effet, ce métier est touché à la fois par une pénurie de main-d’œuvre et par un taux d’emploi des seniors de 24,07%.

Cet accord a pour but de fixer des objectifs chiffrés visant au maintien dans l’emploi des salariés âgés de 50 ans et plus et de favoriser la poursuite de leur activité professionnelle. Ces salariés constituent, au regard de l’expérience acquise, une réelle valeur ajoutée pour le développement de l’entreprise par la pérennisation des savoir-faire d’un métier à forte technicité.

Je vois, chers collègues, que vous apprenez énormément de choses grâce à ces amendements du groupe CRC-SPG…

M. Nicolas About. C’est énorme ! Merci !

M. François Autain. Je continue donc.

Cet accord propose en outre – et vous ne le saviez pas non plus –…

M. Alain Fouché. On ne sait rien !

M. François Autain. … un certain nombre de dispositions pour aménager la fin de carrière des salariés âgés de 50 ans et plus. Et pour cause : les pathologies liées à la manutention et aux gestes répétitifs représentent une part non négligeable des accidents du travail et des maladies professionnelles constatés dans cette branche professionnelle. Les troubles musculo-squelettiques sont aussi source de souffrances physiques ressenties sur certains postes de travail. On peut citer notamment le cas de la manutention des carcasses qui expose les livreurs à des risques d’accident du travail et de maladie professionnelle.

Une enquête a montré que les transporteurs livrent des carcasses de veau et des quartiers de bœuf pouvant peser jusqu’à 150 kilos. Lors de ces opérations manuelles de chargement et de déchargement réalisées à dos d’homme, les accidents sont multiples : foulures, entorses ou fractures. Ajoutez à cela que la répétitivité de ces tâches entraîne des maladies, comme les lombalgies bien connues des médecins généralistes et des médecins du travail, dont certaines peuvent être reconnues comme maladies professionnelles. La question de la pénibilité se pose donc pour tous ces salariés en fin de carrière pour qui le recul d’âge de départ en retraite risque de rimer davantage encore avec accidents et maladies professionnelles.

Mme la présidente. Vous avez épuisé votre temps de parole, mon cher collègue.

M. François Autain. Vous vous inquiétez à tort, car j’ai respecté le temps qui m’était imparti !

Mme la présidente. J’ai une pendule sous les yeux…

M. Guy Fischer. Ne nous stressez pas, madame la présidente ! Nous vivons déjà des moments difficiles... (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis parfaitement détendue, mon cher collègue, mais je dois faire respecter le temps de parole !

L’amendement n° 675, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective du caoutchouc du 6 mars 1953.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés relevant de la convention collective nationale du caoutchouc du 6 mars 1953.

En France, quand on parle de caoutchouc, on pense uniquement à Michelin ou Dunlop.

Les personnels qui travaillent dans des entreprises rattachées à cette convention collective sont particulièrement mal lotis par rapport aux autres salariés. Nous souhaitons donc, pour tenir compte de leur situation particulière, que soit prévue à leur endroit une dérogation au principe général fixé dans le projet de loi.

Je ne développerai pas plus avant l’argumentaire de cet amendement, qui se justifie par son texte même, car Marie-France Beaufils doit expliciter, à l’amendement suivant, notre conception de la pénibilité.

Mme la présidente. L’amendement n° 679, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, révisé par avenant du 17 juin 2004.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés relevant de la convention collective nationale du commerce de détail, de l’habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, révisée par avenant du 17 juin 2004.

Les conditions de travail dans le secteur du commerce de détail de l’habillement et des articles de textile sont particulièrement difficiles et précaires. On n’y parle même plus de carrière, tant les contrats précaires s’y enchaînent ; quant aux contrats à durée indéterminée, les CDI, ils sont rares.

Ce secteur recrute encore, mais pour des contrats très courts et très mal payés. C’est un secteur où la pression des employeurs est énorme, car une concurrence sauvage fait rage entre les magasins pour tirer les prix vers le bas.

C’est aussi un milieu professionnel qui connaît des conditions de travail pénibles : on y travaille debout, et souvent le dimanche.

Par conséquent, les personnels travaillant dans les entreprises rattachées à cette convention collective sont particulièrement défavorisés en termes d’acquisition des trimestres nécessaires pour bénéficier d’une retraite sans décote ; d’ailleurs, ils n’y parviennent pas aujourd’hui.

Ce secteur d’activité se concentre dans des chaînes de magasins qui appliquent une politique salariale et managériale des plus dures, par souci de rentabilité et de lutte contre la concurrence. Les prix y sont de plus en plus tirés vers le bas, comme, automatiquement, les salaires. La quasi-totalité des salariés de ce secteur, devenus une variable d’ajustement, sont ainsi payés au SMIC.

Les heures supplémentaires ne sont pas toujours payées. En outre, comme de nombreux salariés travaillent à temps partiel, je vous laisse imaginer le montant des pensions auxquelles ils pourront prétendre !

Dans ce secteur, comme dans beaucoup d’autres, les travailleurs et travailleuses âgées sont remplacés par des jeunes que la direction juge plus productifs et corvéables. Les salariés âgés sont donc éloignés de l’emploi vers 50 ans, guère plus, sans aucune chance d’y retourner.

Ces salariés, qui auront beaucoup de mal à travailler jusqu’à 62 ans, devront donc attendre l’âge de 67 ans pour obtenir une très faible retraite à taux plein.

Mme la présidente. L’amendement n° 680, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d'approvisionnement, d'alimentation du bétail et d'oléagineux du 5 mai 1965.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement de repli tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les travailleurs relevant de la convention collective nationale des coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’alimentation du bétail et d’oléagineux du 5 mai 1965.

Ce texte régit, sur l’ensemble du territoire métropolitain, les rapports entre employeurs et salariés des coopératives agricoles, des unions de coopératives agricoles de céréales, de meunerie, d’approvisionnement, d’oléagineux et d’aliments du bétail, constituées conformément aux textes législatifs et réglementaires en vigueur, ainsi que des sociétés coopératives d’intérêt collectif agricole ayant le même objet, dans lesquelles ces coopératives agricoles ou unions de coopératives agricoles ont une participation prépondérante.

Il s’applique également aux groupements professionnels agricoles et aux sociétés créées par les entreprises visées au premier alinéa de l’article 1144-7 du code rural, lorsque ces groupements professionnels agricoles ou ces sociétés ont pour activité la collecte, le stockage, le conditionnement, la transformation et la vente des céréales, des oléagineux et protéagineux, l’achat et la vente des produits, biens équipements, instruments nécessaires à l’agriculture et au monde rural, et la fourniture de services rattachés aux activités susvisées.

Il s’applique, en outre, aux groupements d’intérêt économique exerçant des activités identiques.

Si les métiers concernés sont très variés, historiquement, la convention collective prévoit explicitement la prise en compte des travaux pénibles, dangereux et insalubres. La pénibilité de ce travail est reconnue, sur la base de nombreux critères – la position normale de travail, le risque de maladie, les tâches particulièrement salissantes, pénibles, dangereuses ou insalubres, la fourniture par le travailleur de son outillage personnel –, qui donnent lieu, à ce titre, à indemnisation. C’est là un point important.

Nous nous opposons donc à tout allongement de la durée de carrière et à tout recul de l’âge de départ à la retraite de ces salariés, car ils risquent d’appauvrir encore davantage les futurs retraités.

S’agissant des métiers agricoles que je viens d’évoquer, qui présentent un fort caractère de pénibilité et d’astreinte, l’allongement de la durée de cotisation constitue une véritable double peine.

Mme la présidente. L’amendement n° 682, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la presse.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement tend à exclure du champ d’application de l’article 4 les assurés dont l’activité professionnelle relève des métiers de la presse. Je souhaite évoquer, plus particulièrement, le métier de rotativiste.

Après une première enquête menée en 1981, et qui avait fait date, portant sur la mortalité des rotativistes de la presse parisienne, une nouvelle étude a été réalisée en 2009, à la demande du syndicat patronal de la presse quotidienne nationale, le SPQN, et du syndicat des imprimeries parisiennes, le SIP-CGT. Son but était d’évaluer de manière objective la pénibilité du travail des rotativistes, ainsi que le prévoyait la loi « Fillon » de 2003 de réforme des retraites. On voit ce qu’il en est depuis...

Cette étude est venue confirmer la pénibilité de ce métier, dont la modernisation est cependant indéniable. Selon le cabinet d’expertise Emergences, « malgré les améliorations apportées à l’outil de production et à l’environnement de travail au sein des imprimeries, les rotativistes restent exposés à un certain nombre de contraintes et de nuisances qui ont des effets nocifs sur la santé et, à long terme, selon toute probabilité, sur l’espérance de vie ».

Depuis trente ans, ce secteur d’activité s’est considérablement modernisé et concentré : la presse quotidienne nationale ne compte plus que cinq imprimeries en région parisienne, qui sont toutes passées à l’offset. Il en existe aussi quelques-unes dans l’agglomération lyonnaise.

Si l’informatisation a permis de réduire l’exposition au bruit, aux vibrations et aux produits toxiques, sans toutefois les supprimer totalement, elle s’est aussi accompagnée, du fait de la concentration des titres par site, d’une intensification de la production.

Si les rotativistes bénéficient de temps de repos et de congés annuels supérieurs au droit du travail, destinés à atténuer l’effet des nuisances professionnelles sur leur vie personnelle, le fait de travailler pour la sortie d’un quotidien, souligne l’étude, « entraîne une forme d’astreinte permanente du personnel et un besoin d’effectifs fluctuant au jour le jour : des horaires variant d’un jour sur l’autre, des journées de repos non consécutives, du travail durant le week-end et les jours fériés... ».

Ces salariés sont également exposés à des solvants reconnus comme cancérigènes, notamment lors des phases de nettoyage des presses.

La pénibilité avérée de ce métier justifierait, selon nous, qu’on prévoie une dérogation spéciale pour ces salariés.

Mme la présidente. L’amendement n° 684, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des grands magasins et des magasins populaires du 30 juin 2000.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Le débat portant sur la réforme des retraites aura au moins permis de lever le voile sur les inégalités entre hommes et femmes au regard du droit à la retraite.

Les pensions perçues par les femmes représentent, en moyenne, 48 % de celles des hommes. Trois raisons principales expliquent une telle différence : des durées de cotisation plus courtes, une moindre participation au marché du travail et des rémunérations moins élevées.

Sur les 40 000 salariés que compte la branche des grands magasins et magasins multicommerce, 72 % sont des femmes. Pour être plus précis, les femmes représentent 69 % des salariés des magasins multicommerce et 74 % des salariés des grands magasins. Leur situation illustre parfaitement l’inégalité entre hommes et femmes que je viens d’évoquer.

En effet, 80 % des salariés de la branche sont employés ou ouvriers. Leur âge moyen est de 40 ans et leur ancienneté au sein de l’entreprise, de 11,5 années en moyenne. En somme, il s’agit de salariés durablement installés dans des emplois peu qualifiés, peu rémunérés, et dont les possibilités de mobilité sont particulièrement restreintes.

J’ajoute que 27 % des salariés des grands magasins et 37 % des salariés des magasins multicommerce travaillent moins de 35 heures par semaine. Il faut évidemment revoir ces proportions à la hausse, dès lors que l’on souhaite prendre en compte le travail à temps partiel chez les femmes.

Ce secteur professionnel va subir la réforme de plein de fouet, ce qui entraînera une très forte dégradation du niveau de vie des futurs retraités de ces entreprises.

Émile Zola a décrit, dans Au bonheur des dames, la dureté et l’âpreté du travail dans les grands magasins ; depuis cette époque, le progrès social en général, et de nombreuses luttes en particulier, ont permis d’améliorer les conditions de travail et le niveau de vie de ces salariés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très moyennement !

Mme Annie David. Il serait regrettable que cette réforme nous ramène au XIXe siècle ! Voilà pourquoi nous souhaitons que les salariés relevant de la convention collective nationale des grands magasins et magasins populaires bénéficient d’une dérogation spéciale à l’article 4.

Mme la présidente. L'amendement n° 685, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Par cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 4 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux assurés relevant de la convention collective de l’hospitalisation privée du 18 avril 2002.

Pour ces derniers notamment, l’allongement de la durée de cotisation va être vraiment très douloureux. Ils sont très représentatifs de métiers dont les personnels ne peuvent pas accepter sans réagir votre discours qui consiste à les inciter à fournir un « petit effort ».

L’hospitalisation privée en France correspond à environ 2 300 établissements à but lucratif et non lucratif. Elle emploie 40 000 médecins et 164 500 infirmiers et cadres.

La convention collective de ce secteur concerne énormément de spécialités différentes : les infirmiers de chirurgie, de médecine, d’oncologie, de bloc opératoire, les infirmiers hygiénistes, ou encore ceux de réanimation ou de soins intensifs, les surveillants de bloc, de médecine, etc.

Nous espérons, mes chers collègues, que vous n’êtes pas sans savoir que les réalités des activités des personnels de cette branche et leurs conditions de travail sont souvent très pénibles : travail de nuit, travail décalé, rythmes intensifs, travail dans l’urgence, en particulier. Ils sont soumis au quotidien à des contraintes très particulières qui exigent de leur part un investissement individuel permanent.

Le cœur de leur métier, c’est l’humain et, dans ce domaine, on ne peut pas économiser son investissement professionnel et souvent personnel. Ils prennent en charge des êtres humains qui sont malades, blessés et qui souffrent. Ils doivent écouter et soigner autant le corps que l’âme. Ils doivent associer une grande technicité des actes médicaux avec une empathie envers leurs patients.

Dans le secteur public et sous certaines conditions, les professionnels qui exercent ces métiers usants sont reconnus comme appartenant à la catégorie active et ont par conséquent le droit de bénéficier de départs anticipés à la retraite.

Par l’amendement n° 685, nous demandons que les personnels du secteur de l’hospitalisation privée puissent disposer des mêmes droits que ceux du secteur public. Le nombre d’annuités de cotisation qu’ils devraient cumuler, si le présent projet de loi était adopté, serait insupportable.

Mme la présidente. L'amendement n° 686, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant des conventions collectives de l'hôtellerie et de la restauration.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous proposons d’exclure de toute augmentation des durées d’assurance les salariés relevant des conventions collectives de l’hôtellerie et de la restauration.

Augmenter le nombre d’annuités pour ces salariés reviendrait à leur faire payer encore plus cher le droit de partir à la retraite. Ils occupent pourtant des emplois difficiles, physiquement usants, chaotiques, compte tenu des horaires de travail imposés par leur employeur. Nombre d’entre eux ont commencé très jeunes leur activité professionnelle. Comment occulter le fait que, dans ces secteurs, travailler signifie débuter très tôt le matin, finir tard le soir, travailler le week-end et bien souvent pendant les vacances scolaires ? C’est aussi dans ces secteurs que se concentrent les bas salaires.

Pensons à ces femmes de ménage qui, dans les hôtels, répètent chaque jour des gestes harassants, des années durant. De surcroît, nous avons, les uns et les autres, vu évoluer la situation : les travaux les moins valorisants sont de plus en plus exercés par des salariés immigrés, originaires, par exemple, de l’Inde ou du Sri Lanka.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par des sans-papiers !

M. Guy Fischer. Je n’oublie pas les femmes de ménage de l’hôtel Arcade qui se sont battues un an pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de leur rémunération. Leur lutte est devenue un symbole.

Rappelez-vous aussi, mes chers collègues, la grève de ces sans-papiers employés, notamment, par des restaurants du groupe Costes ou par la Tour d’Argent ; la mobilisation avait alors fait tache d’huile : on avait compté jusqu’à six cents ou sept cents grévistes dans une profession très difficile. Plus d’un client fut surpris de voir figurer au menu de ces restaurants chics une revendication, celle de la régularisation de leurs salariés sans-papiers. Quant aux conditions de travail, les salariés sans-papiers du groupe Costes, par exemple, dénonçaient des changements d’emploi du temps, l’absence de pauses, les repas pris debout, ou encore le non-paiement des congés.

Mme Annie David. C’est une honte !

M. Guy Fischer. Les sans-papiers ont eu le mérite de confirmer à tout un chacun que cette situation est, hélas, bien trop répandue dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, fait que dénoncent régulièrement les salariés et leurs syndicats.

Permettez-moi aussi d’évoquer les étudiants qui, en raison du coût prohibitif des études, travaillent chez McDonald’s, entre autres, afin de mener à terme leurs études. Un certain nombre d’entre nous, et sûrement parmi vous aussi, mes chers collègues, ont connu une telle situation.

Mme la présidente. L'amendement n° 687, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la chaussure et des articles chaussants du 31 mai 1968, révisée par protocole d'accord du 7 mars 1990.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Par le biais de cet amendement, nous vous demandons, mes chers collègues, d’exclure tout allongement de la durée de cotisation pour les assurés relevant de la convention collective de l’industrie de la chaussure et des articles chaussants.

Avec les délocalisations que la politique gouvernementale favorise en donnant la priorité à la finance, la production industrielle du secteur considéré a été fortement réduite. Est arrivé sur le marché un nombre de plus en plus élevé de chaussures fabriquées dans des pays où la main-d’œuvre est payée une misère. Étant donné le montant de leurs salaires, on ne peut pourtant pas soutenir que les salariés des usines françaises « coûtent » cher. En outre, ce secteur comportant beaucoup de femmes, le patronat en profite pour dégrader encore plus les rémunérations et les conditions de travail.

La France, qui produisait 155 millions de paires de chaussures en 1994, n’en fabriquait plus que 53,3 millions en 2004, selon des statistiques de la Fédération française de la chaussure. Dans le même temps, les effectifs du secteur ont fondu : on dénombrait 13 380 employés répartis dans 141 entreprises, contre 30 800 en 1994. Et cette diminution, qui ne s’est évidemment pas arrêtée en 2004, continue encore aujourd'hui, comme nous pouvons le constater dans nos départements.

Par exemple, cette année, l’entreprise Bata de Neuvic-sur-l’Isle, dans le Périgord, qui a employé jusqu’à 2 000 personnes, a été liquidée. Pourtant, selon le rapport de l’expert désigné par le comité d’entreprise, le résultat net de ce groupe s’était accru entre 2007 et 2008. Au mois de juin, les ex-salariés n’ont pu qu’assister à la vente aux enchères de leur entreprise dans laquelle ils ont travaillé des années tout en percevant de très faibles salaires. De quelle pension de retraite bénéficieront-ils ?

Voilà un an, c’étaient les salariés de JB Martin, fabricant de chaussures basé à Fougères, dans le département d’Ille-et-Vilaine, qui se battaient contre un arrêt de la fabrication et, donc, contre des suppressions d’emploi affectant essentiellement les ouvriers de la production.

En allongeant la durée de cotisation, le Gouvernement pénalise encore et toujours ceux qui ont des conditions de travail difficiles, qui sont mal payés, se voient condamnés au chômage après des années de travail en raison de choix dont ils ne sont absolument pas responsables.

C’est cette situation que nous refusons et c’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter l’amendement n° 687.

Mme la présidente. L'amendement n° 692, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des tuiles et briques du 17 février 1982.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise l’augmentation du nombre des annuités de cotisation à laquelle seraient soumis les personnels des tuileries et briqueteries.

À l’image de l’industrie du verre, par exemple, dans notre pays, l’industrie des tuiles et briques propose des professions et des métiers certes passionnants, mais également marqués par une pénibilité toute particulière.

Bien que l’on nous ait assuré que les dispositions prises, depuis déjà un certain temps, par les partenaires sociaux de cette branche d’activité pour tenir compte de la pénibilité étaient destinées à être prorogées, nous demandons à voir dans les faits ce qu’il en sera. Je vais même être extrêmement précise : ces partenaires n’ont certainement pas attendu la réforme « Fillon » ni le présent projet de loi pour adopter de telles mesures.

Ainsi, un avenant à la convention collective du 17 février 1982, signé le 18 juin 2001, comporte tout ce que l’on peut attendre de la négociation collective : d’abord, l’affirmation d’un objectif de portée générale – permettre à des salariés ayant effectué suffisamment d’années de travail de partir à la retraite avant l’âge légal –, ensuite, une volonté de maintenir l’emploi en permettant un rajeunissement des effectifs et l’embauche de jeunes salariés, enfin, la volonté de répondre aux attentes des salariés ayant effectué des carrières longues et qui manifestent clairement l’envie de cesser leur activité professionnelle.

Le dispositif des carrières longues, introduit par la réforme « Fillon », n’a finalement pas été une nouveauté pour les salariés des tuileries et briqueteries, surtout que l’avenant susvisé s’appuyait sur les termes du décret 9 février 2000 relatif à la cessation d’activité de certains travailleurs salariés.

Nous souhaitons créer les conditions pour que la négociation collective menée dans l’industrie des tuiles et des briques ne soit pas remise en cause par la réforme qui nous est aujourd'hui proposée. C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous invitons à adopter cet amendement.

Mme la présidente. L'amendement n° 693, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie du pétrole du 3 septembre 1985. 

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous souhaitons exclure des dispositions de l’article 4 les salariés relevant de la convention collective de l’industrie du pétrole du 3 septembre 1985.

Ces salariés connaissent bien souvent des conditions de travail et de vie contraignantes et difficiles. Tel est, par exemple, le cas de l’ingénieur pétrolier qui passe de long mois à terre ou en mer sur des plates-formes et qui est confronté à des conditions climatiques parfois extrêmes. À cela s’ajoutent les risques liés aux métiers du secteur pétrolier. En effet, les accidents du travail y sont fréquents. Ce fait s’explique non seulement par la nature même de ces professions, mais aussi par la pénurie de travailleurs qualifiés que connaît cette branche capitale de l’économie.

Certes, parallèlement à leur effectif permanent, les compagnies pétrolières ont de plus en plus recours à la main-d’œuvre contractuelle, mais cela a pour conséquence de rendre d’autant plus difficiles la détermination de l’identité de l’employeur et, par conséquent, les négociations collectives.

Pourtant, les qualités exigées de ces employés sont nombreuses, notamment la mobilité et une grande réactivité. En outre, ils ont de lourdes responsabilités en raison des conséquences désastreuses, aussi bien sur les personnes que sur l’environnement, des risques d’accidents liés à la sécurité.

Face à cette réalité, les compagnies de l’industrie pétrolière empochent des bénéfices extravagants. Ainsi, Total annonce un bénéfice de 7,8 milliards d’euros pour 2009, ce qui n’est rien en comparaison du record atteint en 2008, période pendant laquelle le groupe a réalisé le plus gros bénéfice jamais enregistré par une entreprise française, à savoir presque 14 milliards d’euros. Si l’on prend en compte ces quatre dernières années, l’entreprise comptabilise plus de 43 milliards d’euros de bénéfices.

Cette situation ne l’empêche cependant pas de prévoir un plan de 555 suppressions de postes d’ici à 2013 dans les activités de raffinage et de pétrochimie ; gardons à l’esprit qu’un poste peut correspondre à plusieurs emplois. La direction assure que cette restructuration se fera sans aucun licenciement grâce à des efforts de reclassement internes et à un dispositif de « congé attente retraite ».

Même si cette promesse est tenue, des territoires entiers seront inévitablement sinistrés, en raison des multiples conséquences, bien connues, des fermetures partielles ou complètes d’usines sur la vie des régions.

À l’heure où nombre de PME font des efforts pour garder leurs salariés, malgré un chiffre d’affaires dégradé de façon désastreuse, il est inacceptable qu’une entreprise multinationale, qui se permet d’augmenter les dividendes versés aux actionnaires, ait un comportement aussi peu responsable en matière d’emploi, le chômage étant l’une des causes majeures du problème de financement du système de retraite par répartition. Il paraît dès lors injuste d’exiger des efforts de la part des salariés de l’industrie du pétrole en leur imposant un report de l’âge auquel ils peuvent faire valoir leur droit à la retraite.

Mme la présidente. L'amendement n° 694, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie pharmaceutique du 6 avril 1956. 

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous souhaitons que les dispositions de l’article 4 ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité relève de la convention collective nationale de l’industrie pharmaceutique du 6 avril 1956.

L’industrie pharmaceutique est le secteur économique qui regroupe les activités de recherche, de fabrication et de commercialisation des médicaments pour la médecine humaine ou vétérinaire. C’est l’une des industries les plus rentables et importantes économiquement au monde.

Comme vous le savez, cette activité est exercée par les laboratoires pharmaceutiques et les sociétés de biotechnologie.

Si le Gouvernement s’est pleinement occupé, l’hiver dernier, à remplir les caisses des laboratoires pharmaceutiques, comme l’a démontré le rapport de la commission d’enquête présidée par notre collègue François Autain, nous souhaitons, quant à nous, nous occuper des travailleurs du secteur, en particulier au vu du contexte économique.

En effet, la casse industrielle bat son plein dans notre pays et l’industrie pharmaceutique n’est pas en reste. On peut même dire que, depuis 2008, elle est l’une des branches professionnelles qui a détruit le plus d’emplois. Que ce soit la production, la recherche, les métiers de la promotion, le tertiaire, la logistique, aucun métier de cette branche n’a été épargné. Près de 15 000 emplois ont été perdus et le rythme ne fait qu’accélérer.

Mais pour ceux qui ont la chance de conserver leur emploi, les conditions de travail sont particulièrement difficiles. Je ne parlerai pas des risques évidents que présente la manipulation de produits chimiques. En revanche, un aspect des conditions de travail des salariés du secteur pharmaceutique est peu connu : le bruit.

En effet, dans les installations de production pharmaceutique, les équipements et les procédés utilisés émettent des bruits perturbants. En outre, les surfaces sont dures et lisses, de sorte que le son rebondit sur elles et se diffuse dans la pièce.

Or le son affecte les travailleurs de nombreuses manières. Cette perturbation sonore est source de fatigue, de stress et de problèmes de communication. Elle a des répercussions non seulement sur la productivité et sur la sécurité, mais aussi sur la santé des travailleurs.

Les absences pour maladie et une rotation importante du personnel sont des conséquences objectives de ces conditions de travail dégradées.

C’est pourquoi, compte tenu des éléments dont je viens de vous faire part, je vous demande, mes chers collègues, d’accepter de protéger les travailleurs de l’industrie pharmaceutique en adoptant notre amendement.

Nous savons que vos oreilles sont souvent attentives aux préconisations d’experts prétendument indépendants. Soyez attentifs également aux propos tenus par ceux qui sont porteurs de la représentation nationale.

Mme la présidente. L'amendement n° 696, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie chimique et connexes du 30 décembre 1952.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous souhaitons évoquer l’industrie chimique et connexes dans notre pays et, bien évidemment, ses salariés.

La France est le quatrième producteur mondial de produits chimiques, avec 9 % de la production mondiale. La chimie représente 10 % de l’industrie française, 7 % des emplois du secteur secondaire, et constitue la deuxième source industrielle de devises.

L’industrie chimique a pour but de changer la structure chimique des matériaux naturels, afin d’en dériver les produits utiles à d’autres industries ou dans la vie de tous les jours.

Les produits chimiques sont ainsi obtenus à partir de matières premières, principalement des minéraux, des métaux et des hydrocarbures, au cours d’une série d’étapes de transformation.

Un traitement additionnel, tel que le délayage et le mélangeage, est souvent nécessaire pour les convertir en produits chimiques, entrant notamment dans la composition des peintures, des adhésifs, des médicaments, mais aussi des produits cosmétiques.

L’industrie chimique couvre un domaine d’activité beaucoup plus large que ce que l’on a coutume d’appeler les produits chimiques. Elle inclut également les fibres artificielles, les résines, les savons, les films photographiques et les produits chimiques connexes.

La nature même de l’industrie chimique pose de nombreux problèmes quant aux conditions de travail des salariés du secteur. Je les ai déjà évoquées, mes chers collègues : il s’agit d’une organisation en 3x8, sept jours sur sept, dimanches et jours fériés inclus, ce qui induit un rythme usant pour les travailleurs.

Surtout, les salariés de cette industrie connaissent de nombreux problèmes de santé, du fait des produits qu’ils manipulent. Ces dernières années, les progrès scientifiques ont été spectaculaires. Cependant, ils ont conduit aussi à des situations délicates pour la santé de l’homme.

Je veux vous alerter sur ce point, monsieur le ministre. Après le drame de l’amiante, il ne faudrait pas laisser se dérouler le drame des produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, dits CMR. Les salariés de ces usines chimiques sont confrontés à des produits très dangereux provoquant des cancers. Il n’existe encore aujourd’hui aucune reconnaissance du caractère dangereux de ces produits.

Je pense aux salariés d’Arkema, sur le site de Brignoud, qui ne parviennent pas à faire reconnaître ce dernier comme « site amiante ». Je sais que vous êtes en négociations avec eux, mais aussi avec ceux du site de Jarrie, ou encore avec ceux de la plate-forme chimique de Roussillon.

En outre, les salariés de ce secteur sont exposés à des produits qui entraînent des maladies allergiques de la peau. Selon les estimations, ces substances chimiques sont responsables de 80 % à 90 % des maladies de peau, affections qui occupent la seconde place dans le classement des maladies professionnelles.

De plus, ces expositions combinées à plusieurs substances chimiques constituent la règle plutôt que l’exception.

Si l’on tient compte de chaque risque pris séparément, il est probable que la véritable dimension du problème est sous-estimée.

Monsieur le ministre, il y a là matière à s’interroger.

Mme la présidente. L'amendement n° 697, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de fabrication mécanique du verre du 8 juin 1972.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous connaissons fort bien la position du Gouvernement s’agissant du problème de la pénibilité au travail.

Monsieur le ministre, je crois me souvenir que vous êtes le fils d’un médecin du travail. Comme a pu le faire remarquer ma collègue Annie David, vendredi dernier, en expliquant son vote concernant la suppression de l’article 5, vous ne goûtez guère que l’on répète à l’envi la connaissance distanciée du monde réel du travail chez les membres du Gouvernement.

Mais, monsieur le ministre, il faut que vous sortiez du premier cercle de vos amis. Pour notre part, nous avons pris l’engagement d’être la caisse de résonnance des salariés. En même temps, nous essayons de confronter les opinions, les faits réels et le ressenti des salariés, s’agissant de cette réforme. C’est un immense coup de projecteur qui est ainsi jeté sur les salariés. Quand on reste entre soi, il est difficile de sortir de ce premier cercle des connaissances !

J’en viens aux métiers de la fabrication mécanique du verre, pour lesquels nous souhaitons produire l’exclusion de l’augmentation de la durée de cotisation.

Je me souviens que, dans mon département, à Givors, le groupe Danone a fermé l’une des plus anciennes verreries. On y trouvait un savoir-faire séculaire. Le métier de ces verriers, comme on les appelait – je dirais même ces maîtres verriers compte tenu de leur savoir faire et du respect qu’on leur doit –, était tout sauf facile.

J’attire votre attention, chers collègues, sur la véritable bombe à retardement que constituent les conséquences pour la santé de ceux qui ont passé leur carrière à fabriquer du verre. En 2005, 4,8 millions de tonnes de produits cancérigènes, mutagènes et toxiques ont été utilisés pour la production. Quotidiennement, 1,4 à 2,6 millions de salariés utilisent ces produits.

En conséquence, nous vous proposons, par cet amendement, de prendre en compte la réalité de ces conditions de travail.

M. François Autain. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 698, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de l'habillement du 17 février 1958.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement, qui entre dans la longue liste des métiers que nous voulons voir exclus de l’application du présent article, concerne les industries de l’habillement réglementées par la convention collective nationale du 17 février 1958.

Les salariés couverts par cette convention collective souffrent d’une pénibilité bien spécifique, qui contredit la volonté de ce Gouvernement de les astreindre à une période de cotisation plus longue afin d’obtenir un taux plein.

Quand on a travaillé dans des conditions difficiles, on risque de vivre moins longtemps, vous le savez tous. L’espérance de vie est différente pour les ouvriers et pour les cadres : elle est de 59 ans pour les premiers et de 69 ans pour les seconds. Elle varie aussi selon les métiers exercés, selon les conditions de travail effectivement vécues et selon les risques auxquels on a été exposé.

Il est juste de permettre à ces salariés de bénéficier aussi longtemps que les autres d’une vie après le départ en retraite.

Dans ce sens, plusieurs enquêtes de portée nationale donnent des indications claires au sujet de la pénibilité. Les salariés de l’habillement présentent ces caractéristiques.

Ces enquêtes distinguent au moins cinq types de conditions de travail pénibles susceptibles de présenter des risques à long terme pour la santé des salariés : le travail de nuit ou les horaires alternés, le travail à la chaîne, répétitif ou sous cadences imposées, le port de charges lourdes et les contraintes posturales et articulaires, l’exposition à des produits toxiques, le travail dans le bâtiment et les travaux publics

Cette difficulté liée à la pénibilité doit être compensée par la possibilité donnée aux travailleurs concernés de profiter d’une durée de retraite et d’une qualité de vie pendant leur retraite.

Les salariés des industries de l’habillement subissent cette pénibilité, notamment les ouvrières qui effectuent des gestes répétitifs, selon l’INRS, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Nous considérons donc que cette branche doit être exclue de l’application des dispositions du présent article et, au contraire, bénéficier de dispositifs dérogatoires permettant à ses salariés de partir plus tôt.

L’amendement que nous vous proposons est un amendement de repli, puisque vous n’avez pas accepté de supprimer cet article.

M. François Autain. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 701, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des industries de la sérigraphie et des procédés d'impression numérique connexes du 23 mars 1971. 

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L’industrie de l’impression numérique et de la sérigraphie constitue un secteur d’activité où la pénibilité du travail peut être aisément mesurée.

Cette pénibilité peut donc être prise en compte, de notre point de vue, pour déterminer l’ouverture de droits à la retraite dans des conditions différentes de celles qui sont prévues à l’article 4.

Il se révèle, sous des apparences presque anodines, que cet article consiste à prélever sur le dos du monde du travail des sommes fort importantes pour financer une pension qui, au final, ne bougera pas plus que cela.

Ainsi, par exemple, augmenter de deux ans les annuités nécessaires des trois millions de smicards que compte notre pays, c’est accroître de 5 milliards d’euros les cotisations sociales qu’ils auront payées, sans bien entendu que leur pension soit plus élevée pour autant ! Chacun mesurera, de fait, l’effort demandé aux détenteurs de revenus du capital !

Revenons-en à la sérigraphie et à l’impression numérique. Voici la définition de l’activité inscrite dans la convention collective, elle-même, validée par l’arrêté du 30 juin 2005 : « La présente convention s’applique aux personnels ingénieurs et cadres, agents de maîtrise, ouvriers et techniciens, et employés des professions de l’ensemble des départements français qui relèvent du groupement professionnel de la sérigraphie française et, plus généralement, des entreprises qui utilisent la sérigraphie ainsi que les procédés d’impression numérique connexes. Ces activités sont classées notamment sous les codes NAF 22-2 C et 22-2 J dont elles constituent une partie. »

Je me permets de souligner les deux paragraphes suivants :

« Il est précisé que la sérigraphie est un procédé d’impression directe permettant de déposer un élément liquide ou pâteux sur un support à l’aide d’un pochoir constitué de mailles et d’une racle.

En complément du procédé sérigraphique, l’impression numérique est une technologie permettant de déposer des encres sur un support à l’aide de micro-jets envoyés à travers des buses. »

Pour qu’il n’échappe à personne, je précise le sens de ces indications : les ouvriers, techniciens et autres personnels de cette profession sont régulièrement mis en contact avec des vernis, des colles, des encres, des colorants et des éthers divers, dont l’agencement et l’utilisation permettent de produire ce que l’on achète parfois en souvenir d’un passage sur la Butte Montmartre, par exemple, et que l’on retrouve ensuite dans des foires à la brocante.

L’ensemble des produits utilisés pour la fabrication de ces articles, par leur consistance, leur odeur et leurs caractéristiques chimiques, constituent potentiellement autant de produits pouvant nuire à la santé individuelle du salarié, pour peu que l’exposition se prolonge et se déroule en dehors du respect suffisant de consignes de précaution.

Cette raison est largement suffisante pour que ce métier, en partie gratifiant pour une bonne part des activités qu’il procure, disparaisse de la liste des professions auxquelles on appliquera les dispositions de l’article 4, c’est-à-dire l’allongement de la durée de cotisation.

Tel est l’objet de cet amendement. (M. François Autain applaudit.)

Mme la présidente. L'amendement n° 717, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Avant l'alinéa 1

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités du 20 juin 1983.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Par cet amendement, nous demandons que les dispositions du présent article ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des entreprises de restauration de collectivités.

En effet, ces personnels, comme ceux que nous avons déjà évoqués et ceux dont nous allons présenter la situation à l’occasion de la défense de nos amendements suivants, exercent un métier pénible. Il s’agit là d'ailleurs d’un fait reconnu : selon une étude de l’PNPES, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, la pénibilité de ce travail se caractérise, notamment, par des gestes répétitifs, des stations debout prolongées, du piétinement, ainsi que de la manutention de charges.

Dans un registre moins grave, cet institut mentionne également le travail sur écran, les allergies cutanées et respiratoires, les contraintes posturales, les hautes températures ou, au contraire, le travail dans le froid, ainsi que les horaires de travail supérieurs à 39 heures.

L’étude se conclut en ces termes : « Ceci doit amener à une réflexion sur le maintien dans l’emploi des seniors et notamment des salariés les moins qualifiés et les plus exposés à la pénibilité, aussi bien au niveau de leur formation que de l’évolution de leurs compétences. » Il est donc clair que cette branche constitue un cas particulier au regard de la pénibilité du travail.

Ainsi, il est difficile de croire que ces salariés pourront voir leur durée de cotisation prolongée afin d’obtenir une retraite à taux plein.

Pour cette raison, nous demandons qu’ils soient exclus de l’application des présentes dispositions, qui tendent à confirmer l’allongement de la durée d’assurance sur un rythme accéléré. En outre, nous réclamons que l’ensemble de cette réforme ne leur soit pas appliqué. (M. Guy Fischer applaudit.)

M. François Autain. Très bien !

Mme la présidente. L'amendement n° 769, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 2 à 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Par cet amendement, nous proposons de supprimer le cœur du dispositif du présent article. En effet, en demandant la suppression des alinéas 2 à 4, nous visons la définition des nouvelles modalités d’allongement de la durée d’assurance ou de services requis pour l’obtention du taux plein en 2020.

En effet, monsieur le ministre, la réécriture de la loi du 21 août 2003 à laquelle vous vous livrez ici prolonge le dispositif prévu par ce texte, que nous avions d’ailleurs combattu et contesté. Vous préconisez ainsi la mise en place d’un processus d’allongement, par étapes certes, mais bien réel.

Pour ce faire, vous réécrivez l’article 5 de la loi de 2003 et prévoyez que les assurés nés après 1955 devront avoir, dès l’âge de 56 ans, la durée d’assurance et de services nécessaires pour l’obtention d’un taux plein, aux termes d’un décret pris chaque année après avis du COR.

Par ailleurs, un dispositif particulièrement discriminatoire est prévu pour les assurés nés en 1953 et 1954.

Ainsi, le choix est fait d’abandonner la méthode de pilotage par rendez-vous tous les quatre ans au profit d’un dispositif que les rapports qualifient, très finement d’ailleurs, de « glissant ».

Nous contestons que le comité de garantie des retraites ne soit plus associé dans ce cadre. Sur le fond, nous regrettons que le passage d’un rendez-vous quadriennal à un rendez-vous annuel entache la lisibilité sociale du dispositif.

Nous craignons également que ce rapprochement ne favorise une accélération de l’allongement de la durée d’assurance et de service. D’ailleurs, cette évolution prend dans ce cadre, de fait, un caractère quasi-automatique, voire technique, alors qu’il s’agit d’une décision éminemment politique.

Comme vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes donc totalement opposés à ce dispositif qui tend à allonger la durée de travail et à limiter la période de retraite au motif, toujours quelque peu fallacieux, de rééquilibrer les deux.

En effet, si l’espérance de vie augmente de manière générale, ce n’est pas de façon homogène en réalité. Et celle des cadres est bien nettement supérieure à celle des ouvriers et employés. Ce sont ces derniers qui seront les principales victimes de cette réforme et d’un tel allongement de la durée de cotisations.

Mme la présidente. L'amendement n° 887, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

technique du Conseil d'orientation des retraites portant sur l'évolution du rapport entre la durée d'assurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite

par les mots

du Conseil d'orientation des retraites

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Je le rappelle, le Conseil d’orientation des retraites est un lieu d’expertise et de concertation qui a pour mission essentielle d’assurer le suivi de notre système d’assurance vieillesse et de formuler des propositions et des recommandations.

À sa création, en 2000, le COR s’était vu confier trois missions principales : décrire la situation financière et les perspectives des différents régimes de retraite, compte tenu des évolutions économiques, sociales et démographiques ; apprécier les conditions requises pour assurer la viabilité financière à terme de ces régimes ; veiller à la cohésion du système de retraite par répartition, en assurant la solidarité entre les régimes, ainsi qu’au respect de l’égalité, tant entre les retraités qu’entre les différentes générations.

Toutefois, la loi de 2003 portant réforme des retraites, sous couvert d’élargir les missions du COR, est venue contraindre le champ d’analyse et d’expertise de cet organisme.

En effet, cette capacité d’expertise et de proposition s’est trouvée en partie « soumise » aux grandes orientations fixées par la loi de 2003, notamment celle qui consiste à assurer un haut niveau de retraite par l’allongement du temps d’activité et de la durée d’assurance.

Mes chers collègues, c’est cette solution restrictive qui nous pose problème, vous l’avez compris, puisque nous sommes opposés à l’adaptation automatique de l’âge de départ à la retraite ou de la durée de cotisation en fonction de l’évolution du rapport entre durée d’assurance ou de services et bonifications et durée de moyenne de retraite. Et nous sommes les seuls à tenir ce discours !

Nous y sommes hostiles, car la « durée moyenne de retraite » cache des réalités très disparates, qui font de cette indexation automatique une profonde injustice.

Je pense, notamment, au cas des femmes, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir, aux salariés précaires, aux jeunes, aux seniors, à toutes celles et tous ceux qui mènent des carrières professionnelles plus courtes et discontinues. Or, on le sait, ce parcours sera le lot de la majorité des salariés.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que le COR ne soit pas contraint de rendre seulement un avis technique sur l’évolution du rapport entre la durée d’assurance ou de services et bonifications et la durée moyenne de retraite, car cela revient manifestement, au final, à réduire son champ d’analyse.

Tout au contraire, la réflexion et l’analyse sur un sujet de société d’une telle importance ne devraient souffrir d’aucune restriction, et les 3,5 millions de manifestants qui défilaient partout en France mardi dernier l’ont bien compris !

Mme la présidente. L'amendement n° 770, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise de façon plus générale le contenu de l’article 4. Il s’agit, en pratique, de supprimer l’alinéa 4 de ce texte, qui dispose : « Pour les assurés nés en 1953 ou en 1954, la durée d’assurance ou de services et bonifications permettant d’assurer le respect de la règle énoncée au I est fixée par un décret publié avant le 31 décembre 2010. »

En fait, il s’agit d’étendre, en utilisant cette fois la voie réglementaire, le principe d’accroissement du nombre des annuités permettant l’exercice du droit à la retraite aux membres de deux générations. Cette orientation conduira, naturellement, à accroître de quelques mois supplémentaires leur durée de cotisation.

Ceux qui sont nés en 1953 devront valider 40,5 annuités et ceux qui sont nés en 1954, 41 annuités, avant que les retraités nés à partir de 1955 ne soient contraints de valider 41,5 annuités, c’est-à-dire 166 trimestres.

Une telle démarche revient à demander aux personnes nées en 1953 d’avoir commencé de travailler à 20,5 ans au plus tard, c’est-à-dire en 1973-1974, pour pouvoir, aux alentours de 2025, jouir de leur droit à la retraite, et, au cas où leur carrière ne serait pas complète, d’attendre quelques mois encore entre 2025 et 2030.

Or les générations nées en 1953 et 1954 n’ont pas échappé aux conséquences de la crise économique des années soixante-dix, une de ces crises qui n’a pas encore cessé de produire ses effets. Les générations des années cinquante subiront donc, comme les premières du baby-boom, celles de la fin de la Seconde Guerre mondiale et celles de la Libération, les premiers effets de la nouvelle règle à calcul mise en place par le projet de loi.

Cette règle veut que, de manière quasi annuelle, on procède à un nouvel ajustement de la durée de cotisation nécessaire pour bénéficier d’une retraite à taux plein à concurrence de l’avancée constatée de l’espérance de vie moyenne de la population.

Rappelons tout de même, à ce stade du débat, qu’au train où vont les choses, ce principe peut conduire les générations des années quatre-vingt et quatre-vingt-dix à devoir cotiser encore 20 à 30 trimestres de plus que le niveau auquel nous nous arrêterons, avec ce projet de loi, pour pouvoir jouir d’une retraite méritée.

Les personnes nées en 1953 et en 1954 sont, respectivement, au nombre de 804 700 et de 810 800. Quelle est l’espérance de vie de ces deux classes d’âge, puisque tel est le paramètre sur lequel vous fondez, monsieur le ministre, les nouvelles conditions de fixation de l’âge légal de départ en retraite ? Elle est respectivement, pour les hommes, de 64,3 et 65 ans, et, pour les femmes, de 70,3 et 71,2 ans.

C’est dire qu’il ne faut abuser personne avec l’indicateur que représenterait l’espérance de vie. Vous faites payer au monde du travail l’allongement général de l’espérance de vie. La retraite devient comme la ligne d’horizon : on la voit devant soi, mais on ne la rattrape jamais.

Vous comprendrez donc aisément pourquoi nous refusons la mise en place de votre règle à calcul des annuités nécessaires, qui s’apparente, en réalité, à une scandaleuse spéculation sur la survie des générations !

Mme la présidente. L'amendement n° 771, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Cet amendement a pour objet l’application de l’article 4 du projet de loi, c'est-à-dire de l’allongement de la durée de cotisation requise pour faire valoir le droit à la retraite, aux agents de l’État. Nous sommes en présence de l’un des apports au texte de M. le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, qui n’est plus présent parmi nous.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je le remplace !

Mme Odette Terrade. Cet apport revient à exiger encore davantage des fonctionnaires du secteur public. Pour mémoire, et pour préciser d’emblée l’une des données essentielles de cette question, je rappelle que la majorité des fonctionnaires sont des femmes. Évaluons donc les effets en cascade que produira cette mesure d’allongement de la durée de cotisation.

Il deviendra de plus en plus difficile à l’État, à compter de l’allongement de la durée de cotisation, de mettre en œuvre une forme de plan social naturel de réduction des effectifs de la fonction publique : ses différentes administrations devront permettre à leurs personnels âgés de 55 ans à 62 ans de poursuivre leur carrière, pour ne pas prendre le risque de voir ces agents subir une décote trop importante de leur pension de sortie.

En clair, alors même que le service public continuera presque naturellement de connaître des gains de productivité, il faudra que le budget de la nation subisse le coût de l’obligation impérieuse faite à l’État de ne pas se séparer de ses seniors.

Toutefois, monsieur le ministre, la mesure que vous proposez est tout simplement contradictoire avec les objectifs de réduction durable des déficits publics que vous affichez. Avant peu, il faudra prévoir de nouveau un dispositif de cessation d’activité ou accepter de mettre à la charge de l’État la situation des polypensionnés ayant cotisé au régime des fonctionnaires et appelés à travailler encore un peu plus longtemps.

En effet, l’un des aspects de la question qui nous est posée est bel est bien le statut des agents qui partiront à la retraite dans les années à venir. Les années soixante-dix ont été marquées par une très sensible augmentation du nombre des agents du secteur public, du fait d’une structuration de plus en plus serrée du maillage des services déconcentrés de l’État sur l’ensemble du territoire.

Néanmoins, ce phénomène de développement de l’emploi public, largement marqué par le recours à l’auxiliariat – une forme de travail précaire que la gauche, arrivée au pouvoir en 1981, a largement réduite grâce à des mesures d’intégration et de reconnaissance de l’expérience acquise –, s’est aussi produit dans le contexte d’une progression de l’emploi féminin plus rapide encore dans la fonction publique que dans d’autres secteurs.

Des femmes pour qui l’emploi public était la marche à franchir pour envisager promotion sociale et indépendance financière n’auront pas, au moment clef du départ à la retraite, et forcément dans tous les cas, le compte d’annuités nécessaire.

Ainsi, à la place de la promotion sociale offerte naguère par le service public, vous proposez, avec cet article 4, une remise en cause du droit à la retraite de celles-là mêmes qui ont fait l’administration française de ces quarante dernières années. C’est là un bien mauvais procès fait à des agents du secteur public qui, de plus, verront leur retraite rabougrie et subiront, sans l’avoir méritée, la rigueur du gel de leurs traitements. Cela fait beaucoup de sacrifices pour plaire aux agences de notation !

Mme la présidente. L'amendement n° 772, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement de notre groupe porte sur la question de l’allongement de la durée de cotisation imputable, avec cet alinéa, aux agents ressortant du régime de retraite de la fonction publique territoriale.

Cette dernière emploie aujourd’hui plus de 2 millions de salariés, contre 1,67 million voilà seulement huit ans. Cette progression des effectifs salariés est largement imputable aux transferts de personnel de l’État procédant de la loi « Raffarin ».

Cette situation a eu au moins un avantage : celui de permettre une certaine forme de redressement des comptes de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, CNRACL, qui, fin 2009, présentait un léger excédent de 26 millions d’euros pour 16,04 milliards d’euros de charges.

Ce produit positif de la caisse a été immédiatement capté par l’État !

Voilà en effet quelques années – ce n’est pas notre collègue Claude Domeizel qui me contredira - que l’État considère la CNRACL comme une sorte de poule aux œufs d’or qu’on peut solliciter plus que de raison pour prendre à sa charge tout ou partie de la facture sociale des politiques publiques en matière de retraite.

Par exemple, on fait un geste en faveur des paysans dont le revenu s’est effondré, en les dispensant du règlement de cotisations vieillesse qu’ils ne peuvent payer, ce qui est une bonne chose. On sollicite alors la compensation interrégimes pour faire porter le chapeau à la CNRACL !

Pendant ce temps-là, les groupes de la distribution qui rançonnent les agriculteurs en cassant les prix des produits agricoles peuvent continuer à faire la loi !

La fonction publique territoriale a une autre particularité : elle vieillit. Elle est même – vous me direz si je me trompe, monsieur le ministre – la plus âgée des trois fonctions publiques, singulièrement du fait des transferts que nous évoquions au début de cette intervention.

Allonger la durée de cotisation des agents de la fonction publique territoriale aujourd’hui, c’est reculer de quelques années le choc démographique que va constituer pour la CNRACL le départ en retraite des agents entrés dans cette fonction publique dans les années 1982, 1983 et suivantes, dans la foulée de la décentralisation et des contrats de solidarité.

Ce n’est pas s’assurer de la bonne santé de la Caisse, c’est juste garantir à l’État qu’il pourra disposer, à discrétion, pendant quelques années encore, d’une variable d’ajustement pour se délester sur les autres de ses obligations en termes d’équilibre des régimes structurellement déficitaires.

La manipulation en cours n’est bonne ni pour les agents, en majorité des femmes, ni pour les collectivités territoriales elles-mêmes qui ne pourront assurer le renouvellement de leurs cadres. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. L'amendement n° 712, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les dispositions du présent article ne concernent pas les salariés relevant de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant jusqu'à 10 salariés) du 8 octobre 1990.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Notre amendement concerne les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment.

Dans le bâtiment, mais ce n’est pas le seul secteur concerné, à force de simplifier à l’extrême et d’exonérer à tout va, le Gouvernement a été à l’initiative de lois qui se retournent contre les travailleurs et diminuent les ressources de la sécurité sociale.

Ce faisant, les pratiques de certains patrons, dont les salariés sont les premières victimes, ont des effets très négatifs sur notre système de retraite par répartition.

Ainsi, en raison de la mise en place du statut d’auto-entrepreneur, bon nombre d’employeurs peu scrupuleux ont réussi à contourner les contrats de travail, créant une nouvelle forme de précarité.

Issu du secteur du bâtiment et des travaux publics, M. Lardin, président de l'Union professionnelle artisanale, le patronat de l’artisanat, dénonce d’ailleurs, comme les syndicats, la hausse des dérives, après avoir reçu lui-même le témoignage d’un salarié, qui s’étonnait de ne plus être repris en intérim et à qui l’on a fait comprendre qu’il reprendrait le travail s’il acceptait de se placer sous le régime de l’auto-entrepreneur moyennant une rétribution forfaitaire de 1 500 euros par mois.

Dans ce cas, l’employeur n’a plus à payer de cotisations sociales, tandis que l’ex-salarié, dans l’espoir de se sortir de ses difficultés, doit travailler pour l’entreprise un nombre d’heures bien souvent supérieur à son temps de travail précédent et perd toutes les garanties attachées au contrat de travail, comme les congés payés.

En outre, l’employeur peut rompre à tout moment le contrat de prestation de services qui les lie, privant ainsi l’ex-salarié de revenus.

À cela s’ajoute une autre question humaine très grave, la prise en compte des personnes sans-papiers, de leur travail et de leur droit à la retraite, dans ce secteur du BTP.

Des centaines de milliers de sans-papiers travaillent dans ce secteur, effectuant des travaux très pénibles et indispensables.

Pourtant, quand ils circulent dans la rue, ils doivent raser les murs, vivre dans la crainte des rafles, des centres de rétention, des expulsions. Dans leurs lieux de travail, ils doivent baisser les yeux, subir les salaires divisés par deux ou par trois, les accidents de travail, sous peine d’être jetés dans la rue sans pouvoir se défendre.

Par notre amendement, monsieur le ministre, nous demandons que l’ensemble des travailleurs du secteur du bâtiment ne soit pas soumis à l’allongement de la cotisation d’assurance vieillesse. Nous souhaitons également attirer votre attention sur les travailleurs sans-papiers dans ce secteur, afin qu’ils soient régularisés, reconnaissant ainsi leur rôle dans l’activité économique et la nécessité de les faire bénéficier des mêmes droits que leurs collègues.

Mme la présidente. L'amendement n° 816, présenté par Mmes Terrade et Schurch, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le Gouvernement remet, dans les six mois qui suivent la promulgation de la présente loi, aux commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, un rapport évaluant les coûts pour les comptes sociaux et les conséquences pour les assurés, d'une disposition permettant aux salariés ayant connus une carrière professionnelle particulièrement morcelée de voir calculer leur salaire de référence sur cent trimestres en lieu et place des vingt-cinq dernières années.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. C’est le dernier amendement de la série, madame la présidente.

Je me permets de souligner que cet amendement de notre groupe présente une portée très limitée, puisqu’il s’agit de mettre à l’étude une proposition adoptée dans le cadre de notre Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, c’est-à-dire un changement de modalité de calcul des pensions des femmes salariées avant leur retraite.

Dans le cas général, comme chacun sait, depuis la réforme « Balladur » de 1993, on calcule les pensions sur la base des vingt-cinq meilleures années de salaire, après application, bien entendu, des coefficients de revalorisation.

Une telle démarche, votée en 1993, n’a jamais été remise en question depuis et participe naturellement des outils d’écrasement du niveau des pensions du régime général telles qu’elles sont aujourd’hui calculées.

Ces modalités de calcul ont un effet réel sur le montant des pensions de départ qui, ensuite, comme toutes les autres, subissent de plein fouet les effets désastreux de la plus pernicieuse des mesures Balladur, c’est-à-dire l’indexation des pensions sur l’indice des prix.

L’effet est évidemment démultiplié pour les femmes salariées dont la carrière a été morcelée – c’est encore le cas pour un grand nombre d’entre elles aujourd’hui – du fait de choix de vie, notamment en matière d’éducation des enfants, choix qui ont pu les conduire soit à cesser d’exercer une activité professionnelle, soit à recourir au temps partiel. Notons d’emblée qu’il s’agit d’un temps partiel qui, la plupart du temps, est non pas choisi, mais subi.

Résultat évident, au moment où il faut liquider la pension, la situation n’est pas nécessairement florissante et la pension calculée se révèle être le calque des inégalités de salaires subies tout au long de la vie professionnelle, inégalités parfois aggravées par le recours au temps partiel.

Cette situation est connue d’un grand nombre de femmes aujourd’hui, âgées entre 45 à 60 ans, qui pensent de plus en plus à la préparation de leur retraite.

Il nous faut éviter, par tous les moyens possibles, que ne se développe, dans les années à venir, une paupérisation forcenée des retraitées, victimes à la fois de l’allongement de la durée de cotisation et des conditions de calcul des pensions.

L’amendement que nous vous invitons à adopter reprend, je le répète, une recommandation de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Nous attendons donc un vote unanime du Sénat sur cette proposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Si vous le permettez, je vais regrouper les amendements en plusieurs séries.

Les six premiers amendements, nos 841, 833, 1172, 1177, 832 et 853 traitent tous de dispositions financières qui ne relèvent pas du présent texte. Nous les verrons lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces six amendements.

Les amendements nos 664 à 717 ont pour objet d’exclure un certain nombre de catégories socioprofessionnelles des dispositions relatives à la durée d’assurance.

Vous le savez très bien, l’équité exige que tous les assurés participent à l’effort demandé.

Mme Annie David. Non, ce n’est pas cela l’équité !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Des mesures d’accompagnement sont prévues pour ceux qui ont commencé à travailler très tôt et pour ceux qui ont connu des situations de pénibilité. Mais on ne peut exclure du dispositif certaines catégories socioprofessionnelles, comme ces amendements tendent à le faire.

C’est donc un avis défavorable sur cette deuxième série d’amendements.

L’amendement n° 769 tend à supprimer les alinéas 2 à 4 de l’article 4. Cet amendement, comme le suivant n° 887, sont contraires à l’esprit du texte. Vous comprendrez donc que la commission émette un avis défavorable.

L’amendement n° 770, qui vise la suppression de l’alinéa 5 de cet article, dénature le texte. C’est donc un avis défavorable.

Le commentaire sera le même sur l’amendement n° 771, qui a pour objet la suppression des alinéas 6 à 9, et sur l’amendement n° 772, qui vise à supprimer l’alinéa 10. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Les auteurs de l’amendement n° 712 proposent une disposition qui, là encore, va à l’encontre de l’esprit du texte. L’avis est donc défavorable.

Enfin, l’amendement n° 816 aborde une question qui avait été également soulevée par le Médiateur de la République et qui a une certaine pertinence. Il prévoit la remise d’un rapport relatif à la possibilité de retenir cent trimestres de référence au lieu des vingt-cinq meilleures années pour la détermination du montant des pensions. Sur ce sujet, on a entendu des suppositions et des supputations très diverses.

Ce rapport me paraissant intéressant, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Beaucoup d’amendements ont déjà été vus à un titre ou à un autre dans le cours du débat. Je distinguerai plusieurs types d’amendements.

Tout d’abord, des amendements visent à exonérer certaines professions de l’augmentation de la durée de cotisation. Vous les avez décrites de manière précise et instructive, comme vous l’aviez déjà fait auparavant. Toutefois, ces préoccupations sont prises en compte dans l’ensemble du texte pour toutes les professions. Nous avons, en effet, une approche globale de la pénibilité, qu’elle se traduise par l’âge ou la durée de cotisation.

Aussi, ces amendements ne peuvent pas recevoir un avis favorable du Gouvernement.

Viennent ensuite des amendements visant des recettes. Nous avons déjà débattu de ce sujet, sur lequel nous ne pouvons pas être d’accord avec vous.

Mme Annie David. C’est évident !

M. Éric Woerth, ministre. Même si nous incluons des recettes supplémentaires dans le système de retraites, là encore, nous n’avons pas la même approche. (Mme Annie David s’exclame.) Nous pouvons être différents, mais cela ne nous empêche pas de nous respecter !

Sur les amendements qui n’ont pas grand-chose à voir avec l’article, l’avis du Gouvernement est défavorable.

Enfin, s’agissant de l’amendement n° 816, nous avons déjà eu l’occasion de discuter de la disposition proposée par ses auteurs concernant les cent trimestres de référence. Le Gouvernement n’y est pas favorable, car elle ferait non seulement des gagnants, mais aussi un certain nombre de perdants.

Mme Annie David. Justement !

M. Éric Woerth, ministre. Je pense, notamment, aux travailleurs saisonniers. Toute une catégorie de personnes serait perdante si l’on mesurait l’activité trimestre par trimestre plutôt qu’année par année. J’attire donc votre attention sur ce risque, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je le sais bien, pour ne pas tomber sous le coup de l’article 40 de la Constitution, cet amendement prévoit simplement la remise d’un rapport sur cette question, mais votre volonté est d’aller plus loin dans cette voie.

Mme Annie David. Mais non !

M. Éric Woerth, ministre. Selon moi, il faut en rester, pour le calcul des pensions, à la moyenne de la rémunération des vingt-cinq meilleures années, qui constitue un élément majeur des précédentes réformes sur les retraites. Ne commençons donc pas à détricoter ces repères, d’autant que, je le souligne, malgré l’allongement de la durée de la carrière, le nombre d’années de référence reste stable.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote sur l'amendement n° 841.

M. Yves Daudigny. Nous voterons cet amendement parce qu’il va dans le sens des positions que nous défendons.

Permettez-moi de profiter de mon temps de parole pour répondre à l’interpellation de notre éminent collègue Jean-Pierre Fourcade.

Mon cher collègue, j’ai beau chercher autour de moi, je ne vois ni M. Rocard ni M. Strauss-Kahn ! Ce matin, la parole des socialistes est portée par l’ensemble des sénatrices et sénateurs du groupe. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mon cher collègue, je vous le dis avec beaucoup de respect, vous parez aujourd’hui MM. Rocard et Strauss-Kahn de toutes les vertus. Toutefois, lorsque ces deux éminents socialistes étaient aux responsabilités, vous les combattiez avec la plus grande violence politique. (Très bien ! et applaudissements sur les mêmes travées.)

Vos jugements sont bien sûr très sélectifs. Vous évoquez des socialistes non sénateurs lorsque cela vous arrange, mais vous êtes bien loin de défendre l’ensemble de leurs recommandations !

Sur le fond, c’est vrai, parmi les mesures démographiques, l’allongement de la durée de cotisation, qui tient compte de l’âge d’entrée dans la carrière professionnelle, est la seule qui puisse revêtir un caractère de justice.

Toutefois, je le rappelle avec force, nous considérons que les mesures démographiques ne peuvent à elles seules constituer la totalité de la réforme. (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)

On ne peut donc se dire favorable, de manière absolue, à l’allongement de la durée de cotisations, qui doit s’accompagner de certaines conditions. En effet, une telle mesure doit être limitée et intégrée dans une réforme comportant un dispositif de prélèvement sur les revenus du capital ; elle ne doit pas avoir pour effet de « manger » l’ensemble des gains en matière d’espérance de vie ; surtout, il convient d’y inclure la prise en compte de la diversité des parcours professionnels, dont nous aurons l’occasion de débattre.

Puisque vous nous avez prodigué ce matin vos recommandations, monsieur Fourcade, je veux, à mon tour, vous donner un conseil : lisez aujourd’hui l’éditorial de Libération, qui s’achève ainsi : « Drôle de grève, décidément ! Le Gouvernement aurait tort de se réjouir, ce feu qui couve laisse l’avenir immédiatement ouvert. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. L’amendement n° 841 porte sur un aspect bien particulier, que vous connaissez tous, de la loi TEPA, également appelée « paquet fiscal », texte formalisé à la demande du MEDEF, et qui a démontré toute son efficacité. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Chers collègues de la majorité, les dirigeants de l’organisation patronale ont établi un programme très clair, et ce bien avant sa concrétisation dans un texte de loi. Il est donc normal que nous nous y référions !

M. Christian Cointat. Vous ne faites que cela !

Mme Marie-France Beaufils. Lors de l’examen de ce texte, et à de nombreuses reprises par la suite, nous avions déjà attiré l’attention du Gouvernement sur des mesures parfaitement idéologiques au service du marché, qui n’auraient absolument aucun effet positif ni sur l’emploi ni sur le développement économique, même si « TEPA » signifie travail, emploi et pouvoir d’achat.

La défiscalisation des heures supplémentaires ne réduit pas le chômage. En effet, une entreprise qui voit son activité augmenter a plus facilement recours aux heures supplémentaires qu’à l’embauche, puisque les premières reviennent moins cher que les heures « normales ». Loin de créer des emplois, l’incitation, par la suppression des cotisations sociales, à effectuer des heures supplémentaires a contribué en réalité à augmenter le chômage !

Cette politique a également eu pour conséquence d’aggraver la pénibilité et la souffrance au travail.

En outre, les exonérations fiscales des heures supplémentaires ont une incidence désastreuse sur le déficit des comptes sociaux. Non seulement les salariés n’ont pas gagné plus en travaillant plus, mais ils perdent aussi du pouvoir d’achat collectif, puisque les services publics et les prestations sociales seront moins importants, en raison de la baisse des moyens sociaux. Qu’il s’agisse du présent ou du futur, les heures supplémentaires ne permettent pas d’augmenter le pouvoir d’achat.

En effet, le calcul de la retraite est indexé sur « la base du volume horaire travaillé, hors heures supplémentaires ». Ainsi, les salariés travaillent sans cotiser pour leur retraite.

Le Gouvernement nous répète inlassablement que l’État n’a plus d’argent et qu’il est gravement endetté. Or nous le savons tous, le Gouvernement, en prenant la décision d’alléger les rentrées fiscales, notamment par la mise en place du bouclier fiscal, est lui-même à l’origine d’une telle situation. Pourquoi faire peser sur les comptes sociaux un manque à gagner de 3 milliards d’euros par an ? Nous ne nous résignons pas à ce constat !

Les exonérations fiscales sur les heures supplémentaires, qui n’ont eu aucun effet positif, pèsent sur les déficits abyssaux de notre protection sociale.

La Cour des comptes elle-même, qui s’en est émue, dénonce la surenchère, depuis 2005, des politiques d’allégement de charges, les jugeant très coûteuses, incontrôlées et inefficaces en matière d’emploi.

Si les salariés ont effectué des heures supplémentaires, c’est parce que leur salaire de base est insuffisant pour vivre et faire vivre leur famille correctement. Ils ont fait ce choix au détriment de leur vie personnelle, de leur santé et de leur formation. Par conséquent, les heures supplémentaires accroissent clairement leur taux d’exploitation.

Mais surtout, en encourageant les heures supplémentaires, le Gouvernement a permis aux employeurs de continuer à tirer vers le bas la rémunération réelle des salariés, contribuant ainsi à réduire les contributions sociales. La progression du salaire moyen de base, c’est-à-dire hors heures supplémentaires, primes et gratifications en tous genres, a d’ailleurs décéléré.

Il est clair que toutes ces mesures de défiscalisation sont un jeu de dupes pour les salariés. L’idée selon laquelle il faut permettre aux plus riches de s’enrichir et au capital de grossir, tandis que les autres travaillent encore plus pour augmenter la richesse nationale ne se justifie en rien.

Cet amendement, qui vise à supprimer les exonérations de charges sur les heures supplémentaires, s’inscrit dans notre volonté de faire participer le capital à la sauvegarde de notre système de retraite et de garantir le droit à la retraite à 60 ans à taux plein. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

M. Alain Anziani. J’ai moi aussi été frappé tout à l'heure par l’interpellation de notre collègue Jean-Pierre Fourcade, lequel nous a expliqué avec beaucoup de franchise que, en défendant la nécessité de mieux recourir au levier fiscal, nous n’étions pas sérieux. En effet, selon lui, la fiscalité de notre pays étant déjà importante par rapport à la moyenne européenne, nous ne pouvons pas augmenter encore la pression fiscale.

M. Alain Anziani. Mais est-ce vrai ?

M. Alain Anziani. Pour répondre à cette question, je prendrai deux exemples.

J’évoquerai tout d’abord les impôts qui pèsent sur les particuliers. Voilà quelque temps, le magazine L’Expansion, que l’on ne peut qualifier de « gauchiste », s’était penché sur l’imposition des personnes les plus fortunées de France, en prenant l’exemple de Mme Liliane Bettencourt. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Anziani. Ce n’est pas ma faute si ce fantôme vous poursuit ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cointat. Il ne nous poursuit pas !

M. Alain Anziani. À la lecture de cet article, il apparaît que, grâce aux divers mécanismes d’optimisation fiscale et au bouclier fiscal, Mme Liliane Bettencourt bénéficie d’un taux d’imposition de 9 %. Nous sommes donc bien loin des chiffres qui nous sont indiqués !

M. Pierre-Yves Collombat. C’est pour investir ! (Sourires.)

M. Alain Anziani. Examinons à présent le taux d’imposition sur les sociétés, officiellement fixé à 33,3 %. Si j’ai bonne mémoire, au mois de mars dernier, Mme Christine Lagarde, ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, dans une interview au journal La Tribune, lequel n’appartient pas non plus à la presse révolutionnaire, affirmait : « Il existe en France un écart significatif entre le taux d’imposition facial des bénéfices des entreprises, qui est de 33,3 %, et le taux réel, qui est de l’ordre de 22 %. »

J’irai un peu plus loin : parmi les entreprises du CAC 40, 1 500 possèdent des filiales à l’étranger. Un certain nombre d’entre elles, y compris des banques aussi prestigieuses que BNP Paribas, pratiquent l’évasion fiscale dans des paradis fiscaux.

En outre, comme le relèvent plusieurs études, les grandes entreprises du CAC 40 paient en réalité un impôt sur les sociétés 2,3 fois inférieur à celui qui pèse sur les petites et moyennes entreprises. (Mme Claire-Lise Campion acquiesce.)

Ce chiffre – il n’a pas été inventé par le parti socialiste ! – me semble tout de même très significatif.

Que pouvons-nous en conclure, mes chers collègues ? En matière de fiscalité des entreprises, sujet sur lequel nous disposons de données chiffrées, l’État se prive de 8 milliards d’euros de revenus par an.

Mme Raymonde Le Texier. Tout à fait !

M. Alain Anziani. Sont bien évidemment en cause l’évasion fiscale, mais aussi les différentes mesures d’exonération dénoncées par Mme Lagarde elle-même.

Là est le cœur du débat ! Sans doute allez-vous nous répondre, par courtoisie, que vous comptez, dans les prochains mois, comme vous l’avez promis, revenir sur ces inégalités fiscales et mettre fin à la distorsion entre taux facial et taux réel.

J’attire toutefois votre attention sur le fait que la première des réformes aurait dû être celle-là, afin de donner à l’État les ressources budgétaires qui lui manquent aujourd’hui. Pourquoi commencer par imposer à l’ensemble des Français, en matière de droits à la retraite, des conditions d’accès particulièrement difficiles ?

Par cette démonstration, je crois avoir montré clairement la différence entre vous et nous : vous refusez de comprendre que votre réforme est mauvaise parce que, justement, elle nie son injustice. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cointat. C’est vous qui le dites !

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.

M. Ronan Kerdraon. Yves Daudigny et Alain Anziani viennent de démontrer que votre projet de réforme est une imposture, …

M. Christian Cointat. Pas du tout !

M. Ronan Kerdraon. … fondée sur un raisonnement « Canada Dry ». (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) Il a en effet la couleur et le goût de la vérité, mais ce n’est pas la vérité ! (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Ronan Kerdraon. Votre réforme, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, est une remise en cause du pacte social construit en 1945 ; elle casse les garanties collectives des salariés sans relever les défis qui sont devant nous et elle est injuste sur le plan de l’équité intergénérationnelle.

D’ailleurs, depuis quelques semaines, et encore aujourd’hui, les jeunes sont dans la rue, non pas parce que nous les y invitons, mais parce qu’ils ont perdu confiance en un système qui ne les protégera pas et qui, au contraire, pèsera sur les jeunes générations.

Oui, avec votre réforme, les jeunes cotiseront plus et, avec le recul de l’âge légal de la retraite et la baisse à venir du revenu des pensions, ils percevront moins. De surcroît, ils vont se faire spolier – racketter, diront certains – des 34 milliards d’euros capitalisés au sein du Fonds de réserve pour les retraites et qui leur étaient réservés.

C’est ainsi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que vous sacrifiez les jeunes générations.

La façon dont le Gouvernement malmène l’éducation nationale pousse les jeunes dans la rue. Ce sont 40 000 postes qui ont été supprimés depuis 2008, dont 1 250 postes de conseiller principal d’éducation. Je pourrais continuer de dérouler la liste.

Parallèlement, le taux d’emploi des jeunes se dégrade par rapport à celui du reste de la population active. Je peux le mesurer tous les jours au travers de mes fonctions de président de mission locale pour l’emploi des jeunes.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, face à un monde en pleine mutation, la solidarité intergénérationnelle et l’équité doivent présider à toutes les politiques publiques. Malheureusement, vous n’avez pas fait ce choix, telle n’est pas votre priorité, alors même que ces objectifs apparaissent dans toutes les interventions du Président de la République.

Dès lors, qui croire ? Ne vous étonnez pas si les jeunes manifestent leur inquiétude tous les jours ; ne vous étonnez pas s’ils estiment votre projet injuste et illégitime ; ne vous étonnez pas s’ils vous considèrent comme le ministre de la précarité accrue. Écoutez leur angoisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Je voterai, moi aussi, l’amendement n° 841.

Permettez-moi, à présent, de prolonger le propos de M. Anziani.

M. Nicolas About. C’est nécessaire, car son intervention n’était pas complète ! (Sourires.)

M. Jean Desessard. En effet, monsieur About, elle n’était pas complète, car notre collègue a uniquement évoqué la fiscalité française !

Je suis favorable au financement de la protection sociale et de l’assurance vieillesse par l’impôt, mais il faut désormais se placer dans le cadre de la mondialisation.

M. Nicolas About. Bien sûr !

M. Jean Desessard. Certains sont pour la mondialisation des marchandises, c’est-à-dire favorables aux délocalisations qui permettent de produire moins cher ailleurs et de réaliser ainsi de gros bénéfices.

M. Jean Desessard. D’autres sont pour la mondialisation des plus-values, c’est-à-dire qu’ils veulent être libres de s’installer dans les paradis fiscaux. D’autres encore sont pour la mondialisation des exilés fiscaux, ceux-là même qui, exerçant une activité sur le territoire français et y réalisant des bénéfices, ne payent pas d’impôt dans notre pays, car ils se sont exilés dans des pays plus intéressants en la matière. Il n’y pas que Mme Bettencourt !

M. Christian Cointat. Encore ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Jean Desessard. Cette pratique est également condamnable.

Enfin, d’autres défendent au contraire la libre circulation non pas des capitaux, mais des hommes.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ah !

M. Jean Desessard. Nous sommes donc en présence de deux politiques différentes. Au Parlement européen, où l’on retrouve l’ensemble des sensibilités politiques composant notre hémicycle, quels sont les députés européens qui se battent pour une harmonisation fiscale et une harmonisation sociale ? Ce sont ceux qui représentent ce côté-ci de notre hémicycle ! (M. Jean Desessard désigne la partie gauche de l’hémicycle.)

Vous prétendez, faisant mine de le déplorer, que nous ne sommes pas libres de conduire la politique fiscale de notre choix.

M. Nicolas About. Il y a beaucoup d’Allemands qui ne paient pas d’impôt !

M. Jean Desessard. Mais que votent les députés européens issus de l’UMP à Bruxelles ?

M. Christian Cointat. À Strasbourg !

M. Jean Desessard. Ils se prononcent en faveur de la libre concurrence, du dumping fiscal et du dumping social, au lieu de se battre pour une harmonisation fiscale à l’échelon européen, qui permettrait de mettre fin à l’exil fiscal, à la concurrence fiscale entre les différents pays, chacun d’eux cherchant, par le biais de régimes fiscaux plus favorables, à attirer les entreprises sur son territoire.

La mondialisation pèse aujourd’hui sur l’économie et tend à remettre en cause les garanties sociales dont nous bénéficions. Lorsqu’on siège au Parlement européen, à Bruxelles, il faut être cohérent et défendre l’harmonisation fiscale et sociale et empêcher que s’installe partout en Europe la libre concurrence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. René-Pierre Signé, pour explication de vote.

M. René-Pierre Signé. Mon propos, plus précis, moins général, contribuera à faire retomber la tension. Je veux en effet aborder un sujet qui intéresse tout un chacun, à savoir l’ultime période de la vie, à laquelle personne ne cesse de penser.

Qui a beaucoup fréquenté les hôpitaux sait, aussi dévoués et compatissants que soient les médecins, que ce n’est pas forcément du traitement médico-chirurgical que se souvient avant tout une personne ayant été hospitalisée, mais plutôt des soins de suite, de la restauration, du confort, de la manière dont elle a été traitée. C’est bien ce qui la marque le plus.

On peut évoquer d’un mot le côté affectif, pour le gommer. Mallarmé disait que la mort est « un petit ruisseau mal famé ». Sans doute n’avait-il pas dû fréquenter beaucoup les mourants. Au contraire, la mort est quelque chose de terrible, d’effrayant, d’angoissant, qu’on aborde seul, même lorsqu’on est entouré.

Les infirmières et les aides-soignantes, qui savent s’imprégner du désarroi du malade, qui se glissent dans ses souffrances, jouent un rôle évidemment capital.

Je n’y insiste pas, car je devrais alors évoquer la pénibilité, sujet que vous ne voulez pas aborder.

M. Nicolas About. Mais si !

M. René-Pierre Signé. J’en veux pour preuve que, à la notion de pénibilité, vous avez substitué celle d’invalidité.

Cette fonction de « consolatrices » qu’exercent les infirmières et les aides-soignantes n’est pas une sinécure et entraîne une perturbation psychologique. Parce qu’elle n’est pas sans effet sur la santé, elle ne saurait être exercée indéfiniment et être considérée différemment en hôpital privé et en hôpital public.

J’insisterai sur les efforts physiques que nécessite l’exercice d’une telle fonction, efforts susceptibles de créer les conditions de l’invalidité. Ces efforts conduisent aux lombalgies traumatiques, aux accidents musculaires, aux hernies discales, aux déformations vertébrales, aux troubles psychiques et psychosociaux, aux stress des sonnettes répétitives toute la nuit, des plaintes, des cris, des draps qu’il faut changer, des malades qui se souillent, qu’il faut tourner, qu’il faut coucher d’un côté ou de l’autre pour leur épargner les escarres, des malades qui chutent, qu’il faut relever, etc. C’est un travail incessant, au milieu du bruit et des plaintes. Un hôpital, surtout un hôpital de long séjour, c’est quelque chose d’horrible. Il faut y avoir travaillé pour en prendre conscience.

Comme l’a dit notre collègue François Autain, il ne faut pas établir une différence de traitement entre le privé et le public. Il est bien normal que les personnels qui exercent de telles fonctions puissent souhaiter se consacrer un peu à eux-mêmes ou à leurs familles sans avoir à supporter la charge trop lourde de la douleur, du malheur, de l’invalidité des autres, sans être obligées de l’intérioriser. Ils aspirent à retourner à une vie plus normale, plus sereine et plus détendue.

C’est pourquoi l’âge de la retraite dans les secteurs public et privé doit être uniformisé et, surtout, les avantages professionnels dont bénéficient les personnels du secteur public doivent être étendus à ceux du secteur public, car la fonction, le travail et les difficultés rencontrées sont les mêmes.

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. À la suite de mes collègues, je dirai quelques mots sur la question de la fiscalité, car on touche là au fond d’une logique qui guide votre réforme. Pour notre part, nous ne contestons pas qu’une réforme soit nécessaire, mais nous proposons une autre approche.

Partant du principe qu’il manque 40 à 45 milliards d’euros, vous n’avez pas trouvé mieux pour combler le déficit que de reporter à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite et à 67 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension à taux plein, à défaut de pouvoir demander aux salariés des efforts supplémentaires.

Nous constatons tous les jours, comme tous les Français, au travers de multiples exemples, que vous faites preuve d’une tendresse particulière, voire de laisser-aller, envers les revenus du capital, sans le moindre regard généreux et compréhensif pour nos concitoyens qui doivent lutter contre des difficultés croissantes dans leur vie quotidienne.

C’est bien pour cette raison que, comme certains commencent à le dire ouvertement, vous perdez la bataille de l’opinion, …

M. René-Pierre Signé. Elle est perdue !

M. David Assouline. … et non parce vos propos seraient marqués à tel ou tel endroit par le mensonge.

À l’appui de ma démonstration, j’évoquerai un épisode particulièrement scandaleux, qui n’a guère été relevé.

La Société générale, à défaut d’avoir été reconnue coupable dans l’affaire Jérôme Kerviel, a vu sa responsabilité partiellement mise en cause au motif qu’elle n’avait pas mis en place des mécanismes de surveillance et de contrôle suffisants.

M. Christian Cambon. C’est une décision de justice !

M. David Assouline. Je m’attache à l’aspect non pas judiciaire, mais fiscal du dossier !

Or, en fin de semaine dernière, nous avons appris que la Société générale a bénéficié d’une exonération fiscale d’un montant de 1,7 milliard d’euros à la suite de ses pertes, en dépit, donc, de sa part de responsabilité !

Mme Catherine Dumas. Quel rapport avec le débat ?

M. David Assouline. Cette mesure en faveur de la banque, jamais aucun citoyen, fût-il dans la détresse, n’aurait pu en bénéficier ! Jamais aucun citoyen ne s’est vu accorder un répit quand un huissier frappe à sa porte pour saisir son poste de télévision ! (M. Nicolas About s’exclame.) Y compris dans votre camp, certains considèrent que cette situation est anormale. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

D’ailleurs, l’affaire n’est pas close : alors que nous nous échinons ici à trouver de l’argent pour que le déficit du régime des retraites ne pèse pas sur les salariés, le ministère du budget a décidé, d’un trait de plume, l’exonération de cette somme gigantesque de 1,7 milliard d’euros.

M. Gérard Dériot. Pas du tout !

M. David Assouline. Bien sûr, comme ne manquent pas de le souligner certains, cette exonération est parfaitement légale quand une entreprise dégage une perte exceptionnelle dont elle n’est pas responsable. Dans ce cas, elle peut déduire 33 % de cette somme dans sa déclaration d’impôt sur les sociétés. Sur l’exercice 2008, l’État a donc épongé un tiers de la perte occasionnée par Jérôme Kerviel.

Ce qui est parfaitement scandaleux, c’est que la Société générale demande néanmoins par voie de justice à son ancien salarié de lui rembourser non pas les deux tiers restants, mais la totalité des sommes qu’elle a perdues.

Il s’agit là d’une injustice énorme (Mme Catherine Procaccia proteste), à l’image de celles que nos concitoyens constatent chaque jour pour eux-mêmes et qu’ont rappelées nos collègues. Les Français sont prêts à faire des efforts, mais ils veulent que ceux-ci soient équitablement répartis. Ce n’est pas la voie suivie par votre réforme.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Parmi les orateurs qui viennent de s’exprimer, l’un d’eux a affirmé que le Gouvernement « se réjouissait ». Je lui répondrai que ce dernier fait simplement son devoir en réformant notre système de retraite. C’est déjà beaucoup.

Monsieur Assouline, vous dites que nous perdons la bataille de l’opinion ; mais vous, au parti socialiste, vous perdez la bataille de la responsabilité ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.)

Vous perdez également la bataille de l’image, puisque le parti socialiste n’apparaît pas comme un parti de gouvernement. C’est cette bataille que vous perdez en ce moment ! D’ailleurs, M. Valls lui-même a appelé à la prudence en reconnaissant ce matin que cette réforme n’était pas entièrement mauvaise. Il s’est même montré circonspect face à l’appel au référendum de certains. Ses propos vont très loin. De même, M. Ayrault a déclaré que tout n’était pas à jeter et que certains aspects de la réforme devaient être conservés. C’est dire l’extraordinaire fracture qui existe au sein du parti socialiste sur la façon d’aborder cette réforme des retraites !

Il est évident que vous ne pouvez dire non à tout ; vous ne pouvez nous enjoindre de revoir entièrement ce projet de loi, de tels propos sont irresponsables ; vous ne pouvez vous contenter d’encourager les jeunes à manifester dans nos rues, comme l’a fait Mme Royal sur TF1, devant des millions de téléspectateurs.

MM. Christian Cambon et Alain Vasselle. Scandaleux !

M. Éric Woerth, ministre. C’est là un comportement parfaitement irresponsable, que vous paierez un jour. Si les élections à venir constituent votre unique préoccupation (M Yves Daudigny proteste.), laissez-moi vous dire qu’il est dangereux de jouer sur la fibre démagogique comme vous le faites !

Certes, vous formulez des propositions. Mais vous ne disposez d’aucun projet d’ensemble pour les retraites ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Vos propositions sont essentiellement financières.

Vous nous conseillez d’augmenter les impôts ; vous nous indiquez où nous pourrions trouver plus d’argent ; vous évoquez le cas de la Société générale, …

M. David Assouline. Non ! C’est vous qui avez fourni des recettes à la Société générale !

M. Éric Woerth, ministre. … en reconnaissant la légalité de notre action, mais en émettant un jugement négatif. Une chose est certaine, le Président de la République a lancé l’idée d’une réforme de la fiscalité du patrimoine. Voilà qui est bien naturel en période de sortie de crise. Ce débat, nous l’aurons à partir de l’année prochaine. (Mme Raymonde Le Texier s’exclame.)

Dans l’immédiat, il me paraît important de rappeler les propositions du parti socialiste permettant de trouver de nouvelles recettes susceptibles de financer notre système de retraite. Vous entendez ainsi prélever 3 milliards d’euros sur l’intéressement et la participation, ce qui revient à multiplier par cinq la fiscalité actuelle.

M. David Assouline. Ce n’est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. L’intéressement et la participation concernent respectivement 5,4 millions et 4,9 millions de salariés aujourd’hui. C’est donc la France de tous les jours qui sera touchée par votre mesure, non la France des grands investisseurs que vous dénoncez ! C’est la vie quotidienne de millions de salariés qui est concernée ici.

Mme Nicole Bricq. Il faut le dire à M. Carrez, qui prépare un amendement !

M. Éric Woerth, ministre. Vous souhaitez donc multiplier par cinq la fiscalité de la participation et de l’intéressement et augmenter la CSG sur les revenus du capital. Mais vous vous gardez bien de fixer le rendement de telles mesures, qui sont dangereuses, puisqu’elles concernent près de 20 millions de Français ayant souscrit une assurance vie ! Alors, comme vous n’avez pas le courage d’entreprendre des réformes difficiles, vous décidez de taxer les revenus du capital au travers de la CSG. Mais vous ne précisez ni l’assiette, ni le montant, ni les situations donnant lieu à imposition. De même, vous ne dites mot sur l’assurance-vie !

Votre silence ne saurait apporter de nouvelles ressources au régime de retraite ! Vous proposez d’augmenter les cotisations salariales d’un point. C’est une mesure responsable, bien que nous la considérions peu opportune. Elle contribuera en effet à amoindrir le pouvoir d’achat des Français, même si vous mettez une décennie à y parvenir. Ce sont ainsi 4 milliards et demi d’euros que vous souhaitez prélever aujourd’hui aux Français.

Mme Nicole Bricq. Ce que l’on vous propose, vous le rejetez systématiquement. Nous n’avons pas de temps à perdre !

M. Éric Woerth, ministre. Vous proposez d’augmenter la contribution sur la valeur ajoutée, afin de lever près de 7 milliards d’euros supplémentaires. Or cette contribution est issue de la réforme de la taxe professionnelle. Votre proposition revient à en annuler les effets, qui ont pourtant une importance considérable sur la compétitivité de nos entreprises. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

D’ailleurs, lorsque, dans vos départements respectifs, vous entendez des dirigeants de PME se féliciter de la baisse de taxe professionnelle, vous les confortez certainement dans leur satisfaction ! Le contraire m’étonnerait. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

M. David Assouline. Nous ne visons pas les PME ici !

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser M. le ministre s’exprimer !

M. Éric Woerth, ministre. Vous êtes proches des entreprises uniquement lorsque la réciproque est vraie ! Je l’ai déjà constaté à plusieurs reprises !

Mme Nicole Bricq. Et c’est vous qui dites cela !

M. Éric Woerth, ministre. Ensuite, fait extraordinaire, vous trouvez des ressources qui n’existent pas !

M. David Assouline. Où sont vos 15 milliards d’euros de déficit, monsieur le ministre ?

M. Éric Woerth, ministre. Voilà un moyen peu commun de financer les retraites ! Les ressources que vous nous proposez n’existent pas. C’est là toute la virtualité du parti socialiste !

Par exemple, vous prétendez lever près de 2 milliards d’euros d’impôts sur les stock-options et les bonus, alors même que leur assiette ne représente que 2,7 milliards d’euros. Cela revient tout bonnement à les faire disparaître !

M. David Assouline. Il n’y a pas que les stock-options et les bonus !

M. Éric Woerth, ministre. Je dis simplement qu’à l’époque où vous auriez pu, monsieur Assouline, alourdir la fiscalité des stock-options, vous avez fait le contraire ! M. Fabius a allégé la fiscalité sur les stock-options ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Cela ne vous fait pas plaisir, mais c’est la réalité !

Par ailleurs, vous souhaitez taxer les banques, que vous n’appréciez guère. C’est pourtant un grand secteur économique, avec des centaines de milliers d’emplois. Je ne comprends pas le mépris que vous avez pour les banques et leurs employés ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)

M. David Assouline. Où est notre prétendu mépris ?

M. Éric Woerth, ministre. Si votre objectif est de fragiliser les banques françaises, alors continuez dans cette voie !

L’augmentation de l’impôt sur les sociétés que vous souhaitez infliger aux banques est excessivement élevée. Ce sont près de 3 milliards d’euros supplémentaires que vous entendez prélever sur les banques !

M. Éric Woerth, ministre. Non, monsieur Assouline ! Vous confondez les pourcentages et les points ! Vous n’évoquez pas 15 %, mais quinze points supplémentaires, ce qui est assez différent.

M. David Assouline. Ça suffit, j’ai compris !

M. Éric Woerth, ministre. Confondre les pourcentages et les points, c’est là tout le problème du parti socialiste !

Mme Nicole Bricq. C’est bien connu, le parti socialiste n’est composé que d’idiots. C’est pour cela que nous gagnons toutes les élections !

M. Éric Woerth, ministre. Une augmentation de 15 points de l’impôt sur les sociétés supportée par les banques est évidemment considérable. C’est une fiscalité gigantesque que vous voulez imposer au secteur bancaire.

Qu’advient-il lorsqu’on lève un impôt de cette nature sur le secteur bancaire ? Par qui est-il réellement supporté ? Certes, c’est le résultat des banques qui semble imposé. Toutefois, en réalité, ce sont les emprunteurs qui en supportent le coût ! En effet, les banques ont pour mission de financer l’économie et non pas de manipuler les produits et les systèmes financiers, dérive que je condamne comme vous. Les banques financent l’économie, les PME, les entreprises, les projets et les logements des Français. C’est de tout cela que vous allez surenchérir le coût !

Par ailleurs, chose extraordinaire, vous prétendez dégager près de 10 milliards d’euros grâce à l’emploi des seniors. Au fond, vous pensez que l’augmentation du taux d’emploi des seniors va entraîner un surplus de cotisations qui viendra nourrir les recettes du régime de retraites. Mais cela ne fonctionne pas ainsi ! Dix milliards d’euros de recettes représentent une somme gigantesque ! En réalité, faute de propositions réalistes, vous avez lancé cette fort mauvaise idée. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

Enfin, vous envisagez de mettre en place une retraite à la carte. Pour votre gouverne, sachez que la retraite, en France, est déjà une retraite à la carte ! En effet, entre les deux seuils de 62 ans et 67 ans, les salariés demeurent libres de leurs choix. Ils peuvent entrer, à taux plein, dans le système de retraite à 67 ans, ou bien partir à la retraite à 62 ans même s’ils n’ont pas accumulé suffisamment de trimestres de cotisations. Il s’agit donc bien d’une retraite à la carte.

Vous pensez inciter les Français à décaler l’âge de leur départ en retraite en instaurant un mécanisme de surcote. Si vous mettez en avant les économies réalisées par ce report de l’âge de départ en retraite, vous ne mesurez en aucun cas le coût induit par la surcote ! C’est là une drôle de façon d’évaluer les conséquences financières de vos mesures.

Ainsi, vos propositions, très éloignées de la réalité, ne sauraient former un projet cohérent faute de financement. Au fond, vous entendez financer les retraites des Français par des recettes virtuelles, bâties sur du sable. C’est du vent ! Je souhaitais le rappeler aujourd’hui. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Il me semble, après avoir écouté les interventions de M. Fourcade et de M. le ministre, que vous utilisez le débat fiscal pour répondre à nos arguments. C’est votre droit le plus strict. Je voudrais toutefois faire remarquer que nous représentons, nous, le groupe socialiste et le groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche du Sénat, l’opposition face à la majorité.

Ainsi, en rapportant les propos de nos camarades, anciens ou actuels, mais absents, vous maniez certes la dialectique, mais vous esquivez le débat sur le fond.

Mme Catherine Dumas. Mme Bettencourt n’est pas là !

Mme Nicole Bricq. J’affirme sereinement que nous soutenons et défendons, comme nous l’avons toujours fait, l’amendement du groupe CRC-SPG dont nous débattons à présent. En effet, il s’agit non pas de fiscalité, mais de contributions sociales, de même que l’amendement suivant relatif aux stock-options.

Monsieur Fourcade, ce sont vos amis de la majorité, MM. Arthuis et Marini pour ne pas les nommer, qui entendent globaliser projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi de finances.

M. Alain Vasselle. Il ne faut pas rêver !

M. Nicolas About. Il s’agirait plutôt de les consolider !

Mme Nicole Bricq. Ce débat montre qu’il aurait fallu, lors de la préparation de la réforme, si l’objectif était bien de mener une réforme systémique, mettre sur la table le système de prélèvements obligatoires français. Or, vous vous y êtes refusés. Aujourd'hui, embourbés comme vous l’êtes dans ce débat, vous êtes réduits à retoquer, point par point, le plan de financement que nous défendons.

Cela est révélateur des lacunes de votre réforme, qui ne mérite d’ailleurs pas son nom. C’est d’ailleurs notable lorsque l’on observe le détail de votre argumentation concernant la taxe bancaire. Nous sommes ainsi les premiers à avoir défendu, avec nos collègues députés, la taxation des banques. Après, on peut discuter de la surtaxation et de l’affectation de ces recettes. C’est un débat que nous aurons en loi de finances.

Je rappelle cependant, puisque vous évoquez fréquemment l’harmonie fiscale franco-allemande, que ce débat a déjà été tranché par le Parlement allemand, qui a instauré une taxe bancaire.

M. Jean Desessard. C’est exact !

Mme Nicole Bricq. On peut fort bien s’interroger sur le produit et l’assiette de cette taxe et entamer des débats techniques dès à présent.

Mais le fait est que le Parlement allemand a pris cette mesure. Par conséquent, quand vous avez recours à des exemples, prenez garde à ce qu’ils soient cohérents avec vos propres positions !

On entend partout que le bouclier fiscal sera supprimé en contrepartie de la suppression de l’ISF. Vous aurez la peau de l’ISF ! Mais je garde en mémoire les propos que le Premier ministre tenait voilà peu de temps : « Je ne suis pas prêt à sacrifier une recette de 4 milliards d’euros ». (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Or le bouclier fiscal représente 680 millions d’euros !

Vous êtes bien incapable de suivre les litotes que vous faites à propos de l’harmonie fiscale, vous le savez bien. Notre collègue Alain Anziani en a parlé, mais nous pouvons l’évoquer de nouveau.

Nous pouvons contrer point par point l’argumentation que vous défendez. Une chose est certaine, monsieur le ministre : vous êtes aux responsabilités. Nous ne le sommes pas ! Vous n’ignorez pas que ce débat fiscal est un enjeu pour 2012. Vous pouvez raconter ce que bon vous semble, ici ou à l’extérieur de cet hémicycle. Vous avez vos éléments de langage. Nous, nous défendons une position : nous voulons une vraie réforme des retraites.

La vôtre, vous pouvez la manipuler comme il vous plaît. Et ce d’autant plus que vous venez de faire accepter à votre majorité parlementaire le transfert de 130 milliards d’euros à la CADES. Je reprends l’expression de certains membres de votre majorité : vous leur avez imposé cela « le pistolet sur la tempe ». Toutefois, vous ne pourrez imposer vos éléments de langage à l’opposition ! Permettez que nous défendions notre projet concernant la réforme des retraites. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, j’ai écouté votre réponse à nos propositions. Nous n’avons pas la même idéologie, c’est un fait, mais nous nous respectons malgré tout. Vous défendez un choix de société que nous contestons et que nous combattons. Cependant, vous ne devriez pas caricaturer nos propos, si vous n’appréciez pas que nous faisions de même.

Nous ne vous parlons pas de fiscalité. Comme Mme Beaufils ainsi que d’autres orateurs l’ont dit, nous vous proposons des cotisations sociales supplémentaires.

Vous avez évoqué l’intéressement et la participation. Nous ne sommes pas sans savoir que plusieurs millions de salariés sont concernés. Mais cela représente surtout des exonérations de cotisations patronales ! Vous n’ignorez pas qu’il s’agit là d’un détournement de la politique salariale mise en œuvre par les entreprises pour échapper à leur responsabilité sociale. J’ai déjà évoqué devant vous la responsabilité sociale des entreprises, sujet que vous refusez d’aborder. Pourtant, c’est bien de cela qu’il est question.

Je connais de nombreux salariés qui sont heureux de toucher ces primes. Pour autant, si vous leur donnez le choix entre travailler deux ans de plus ou payer des cotisations sociales sur leurs primes, je suis persuadée qu’ils préféreront la seconde option.

La difficulté tient au fait que les employeurs, eux, ne veulent pas payer de cotisations patronales sur ces primes, ce qui leur permet d’échapper à leur responsabilité sociale. Mais vous refusez d’évoquer cette question, comme vous refusez de discuter des recettes nouvelles que nous proposons. Il serait pourtant intéressant de savoir quelle est, aujourd’hui, la responsabilité sociale des entreprises, notamment de celles du CAC 40, qui usent et abusent d’artifices pour échapper le plus possible aux devoirs qu’ils ont envers leurs salariés.

Si la France est aujourd’hui ce qu’elle est, c’est bien évidemment grâce aux investisseurs, aux entreprises, à tous ceux qui ont cru dans notre pays et qui ont financé de nouvelles entreprises. Mais c’est aussi et surtout grâce aux salariés qui, au quotidien, au sein de leur entreprise, produisent ce qui a été financé par les investisseurs.

Il faut bien être conscient que le fonctionnement d’une entreprise est un tout. Les maillons de la chaîne sont tous importants, qu’il s’agisse des salariés non qualifiés, des techniciens, des cadres, des ingénieurs, ou même des managers. Oui, tous les maillons sont importants, du management au ménage ! Et heureusement qu’il y a, dans les entreprises, des personnels chargés de l’entretien, car, si le ménage n’était pas fait, il deviendrait vite impossible de travailler. Mes chers collègues, si vous retirez un maillon de cette chaîne, c’est tout le système qui s’écroule.

Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous ne faites pression que sur un bout de la chaîne, celui des salariés. Or il convient de solliciter tous les maillons à un juste niveau.

Tout à l’heure, M. le rapporteur a évoqué l’équité, et j’y reviendrai plus longuement lors d’une prochaine explication de vote.

Oui, chers collègues, il faut de l’équité dans la réforme, mais cette équité implique, par exemple, de prendre en compte le temps de vie qui reste à l’ensemble des assurés au moment du départ à la retraite. Or, vous le savez pertinemment, l’espérance de vie en bonne santé est bien différente selon que l’on a exercé ou non un travail pénible durant quarante ans. L’équité ici serait que chacun puisse prétendre à un temps de retraite équivalent.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 841 tendant à rédiger l’article 4.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 26 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 833.

Mme Annie David. Sans vouloir allonger les débats, …

Mme Catherine Procaccia. C’est pourtant ce que vous faites !

M. Daniel Raoul. Il faut le mériter !

Mme Annie David. Je maintiens que je ne souhaite pas allonger les débats : cet amendement porte sur les stock-options, sujet important s’il en est. Je ne veux pas allonger les débats, mais tout de même !

Mme Catherine Procaccia. C’est de la mauvaise foi !

Mme Annie David. Madame Procaccia, je regrette que vous trouviez notre débat long et pénible. (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.) Chers collègues, avec votre réforme, vous fichez en l’air un acquis social majeur pour des millions de gens, à savoir la retraite à 60 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l’UMP.) Si le débat vous dérange, j’en suis bien désolée, mais libre à vous de partir. Allez faire vos courses, faites ce que vous avez à faire, rencontrer les gens que vous avez envie de rencontrer, mais laissez-nous parler ! (Protestations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Mme la présidente. Madame David, je vous prie de poursuivre votre explication de vote.

Mme Annie David. La retraite à 60 ans est un acquis social qui fut conquis de haute lutte par nos aînés. Là-dessus, nous ne céderons rien et nous continuerons à faire valoir nos arguments jusqu’au bout.

M. David Assouline. Très bien !

M. Christian Cointat. Vous alliez laisser mourir le système de retraite ; c’est nous qui le défendons !

Mme Annie David. Cet amendement tend à abroger le paragraphe 1° proposé par l’article 4 pour l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale. (Marques de lassitude sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. Provocateurs !

Mme Annie David. Même si les stock-options sont soumises à prélèvement depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, nous restons opposés à cette pratique salariale.

M. Christian Cointat. Nous le savons !

Mme Annie David. Je ne doute pas que vous connaissiez notre opposition aux stock-options, mais je vois un argument supplémentaire pour m’y opposer dans ce qu’il faut bien appeler un détournement de la politique salariale.

Les entreprises sortent en effet gagnantes de ce détournement qui leur permet d’échapper à toutes les cotisations patronales. Les primes versées au titre des stock-options, mais aussi de l’intéressement et de la participation – nous y reviendrons lors du vote d’un prochain amendement, mais je ne veux pas vous lasser, chers collègues – amputent les salaires mensuels. Les cotisations de salariés sont donc moins élevées que si les primes étaient intégrées au salaire et les recettes des caisses de retraites et des organismes de protection sociale sont diminuées d’autant.

Cette politique salariale détournée permet le maintien de bas salaires. Les indemnités versées en cas de congé de maternité, d’arrêt maladie classique ou d’accident du travail, parce qu’elles sont calculées sur les salaires, sont dès lors réduites par rapport au revenu mensuel habituel.

Cette pratique constitue pour nous, je le répète, une raison supplémentaire de nous opposer à une politique salariale qui aboutit, en fait, à un détournement de salaires.

Madame la présidente, le projet de loi portant réforme des retraites est très important et il me paraît légitime que, lorsque nous avons des arguments à faire valoir, nous puissions le faire dans de bonnes conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Je ne serais pas intervenu sans la sortie de M. Woerth !

M. Éric Woerth, ministre. La « sortie » ?

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je tenais à vous féliciter : quel estomac ! quel aplomb ! Si nous n’étions pas en situation de crise, s’il n’y avait pas eu l’explosion du chômage, de la dette, du déficit budgétaire, vous ne seriez pas moins triomphant, vous ne nous exposeriez pas avec plus de dogmatisme les raisons pour lesquelles vous gérez si bien et avec tant de succès !

La terre peut tourner dans l’autre sens, vous ne changerez pas d’avis ! Et vous nous servez toujours le même conte pour enfants : il faut défendre les banques parce qu’elles financent l’économie. Les banques ? On les a vues à l’œuvre : elles se livrent essentiellement à la spéculation, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes dans le mur ! Demandez aux chefs d’entreprises comment les banques « financent l’économie » !

La crise devrait nous apprendre que l’on ne peut plus continuer à appliquer la même politique, que certains principes doivent être remis sur le métier et non plus tenus pour des vérités, voire pour des dogmes.

M. Pierre-Yves Collombat. Nous aurions manqué notre examen de passage de parti de gouvernement ? Mais pour gouverner comment ? Pour gouverner comme vous, pour faire ce que vous allez faire ?

Mme Raymonde Le Texier. On ne pourrait pas faire pire !

M. Pierre-Yves Collombat. Évidemment, si vous posez la question dans ces termes, vous avez raison !

M. Jean Desessard. Bien sûr !

M. Pierre-Yves Collombat. La manœuvre est simple : on prend une seule donnée du problème, une seule, en l’occurrence la durée de cotisation, et on ne parle plus que de cela, en oubliant tout le reste.

Mes chers collègues, comme l’a rappelé à juste titre Alain Anziani tout à l’heure, nous ne refusons pas de parler de la durée de cotisation, mais nous considérons que l’on ne peut pas, que l’on ne doit pas parler que de cela.

Il faudra aussi parler du chômage et de la politique économique qui permettra de créer de la richesse, donc des cotisations, et de partager la richesse ainsi créée entre les actifs et les inactifs.

On devra également aborder la politique d’exonération des cotisations sociales. Mes collègues l’ont évoquée tout à l’heure, je ne me suis pas exprimé sur la question. Il me semblait tellement évident que, s’agissant des heures supplémentaires – et ce n’est qu’un petit aspect du problème –, on ne pouvait pas faire comme si tout allait bien, comme si la question n’avait pas à être reconsidérée.

On ne peut pas ne pas parler non plus de la politique fiscale, puisque l’on sait très bien que notre système de retraite ne peut plus être assis sur les seuls revenus du travail, sur les seules cotisations. Tout cela, nous le savons bien !

Alors, de grâce, ne nous faites pas ce type de procès ! Vous persistez à conduire la même politique depuis des années, en disant que c’est la meilleure et la seule envisageable, malgré les résultats calamiteux observés. Souffrez que nous puissions proposer autre chose.

Non, nous ne refusons pas tout, mais nous refusons de ne voir qu’un aspect du problème, celui sur lequel vous nous mettez le nez en permanence et dont vous ne voulez pas que nous sortions.

Il faut prendre le problème dans son ensemble, tout mettre sur la table, examiner les différents paramètres et faire des choix, et ces choix sont d’abord politiques. Vous, vous avez fait les vôtres, nous, nous ferons les nôtres ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Ce débat est sérieux. Le présent amendement concerne le financement de la protection sociale, auquel les stock-options contribuent moins que les salaires.

Vous nous rappelez souvent ce que tel ou tel de nos ministres de l’économie et des finances a mis en œuvre. Moi, je vous parle de ce que nous faisons, nous, groupe socialiste ! Et n’inversez pas la charge de la preuve : c’est vous qui êtes aux responsabilités. Quant au groupe socialiste, il défend régulièrement ce type d’amendement, et depuis des années.

Pour que vous ne caricaturiez pas une nouvelle fois les positions que nous prenons ici, nous rappelons systématiquement que le mécanisme des levées d’option, pour le dire en français, a été introduit en France en 1970, et que, depuis cette date, il n’a cessé d’être perverti.

Nous avons toujours défendu la position suivante : il faut non pas supprimer les stock-options, mais leur faire retrouver leur esprit d’origine, c'est-à-dire contribuer à l’émergence des petites et moyennes entreprises.

Par exemple, nombre de chercheurs qui innovent et créent leur entreprise ont besoin d’un mécanisme leur permettant, lorsqu’ils n’ont pas de capital – les banques n’aident pas les petites et moyennes entreprises à hauteur de ce qu’elles devraient faire –, de réinvestir le produit de leur travail dans l’entreprise.

Mais ce système a été perverti et les abus se sont accumulés au cours des trente dernières années.

Mme Annie David. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq. Aujourd’hui, dans une période de crise économique, sociale et financière, ce type d’avantage sert, en fait, d’ajustement à une rémunération variable.

Si vous considériez de temps en temps ce qui se passe au Parlement européen, vous constateriez que nos arguments ne sont pas défendus uniquement par le parti socialiste européen et le groupe communiste et apparentés, mais qu’ils débordent largement les bancs de la gauche. J’en veux pour preuve le fait que le « paquet » défendu au niveau européen intègre cette notion de plafonnement des rémunérations variables.

Vous le savez très bien, les levées d’option sont un mécanisme d’ajustement qui profite essentiellement aux plus gros salaires.

Donc, il est normal, dans un système républicain comme le nôtre, de respecter ce qui fait l’essence de la République et que chacun contribue aux dépenses, qu’elles soient sociales ou budgétaires, à hauteur de ses moyens.

Cet amendement est tout à fait correct et digne d’être soutenu ; c’est pourquoi nous le voterons. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 833.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, j’invite les membres de la commission des affaires sociales à se rendre immédiatement en salle de commission, pour une très courte réunion. M. le rapporteur en effet souhaite soumettre à leur approbation, avant dépôt, deux amendements de coordination qui n’ont pu être examinés auparavant.

Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

4

Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Cambodge

Mme la présidente. Mes chers collègues, il m’est agréable de saluer la présence dans notre tribune d’honneur d’une délégation de cinq sénateurs du Royaume du Cambodge, conduite par M. Sem Tep Ngorn, deuxième vice-président du Sénat. Ils sont accompagnés par Mme Tasca, présidente du groupe d’amitié et première vice-présidente du Sénat. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)

Notre assemblée a établi depuis 1999 des liens de coopération interparlementaire extrêmement étroits avec le Sénat cambodgien qui, comme notre assemblée, est l’émanation des collectivités territoriales.

Nous souhaitons à cette délégation un séjour fructueux, et très agréable, dans notre pays. Nous souhaitons au Royaume du Cambodge de poursuivre dans la paix civile sa progression vers la démocratie parlementaire et vers une prospérité économique retrouvée. (Applaudissements.)

5

Dépôt de rapports du Gouvernement

Mme la présidente. M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- le rapport sur la tarification à l’activité des établissements de santé et ses conséquences sur l’activité et l’équilibre financier des établissements publics et privés, établi en application de l’article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur les missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, MIGAC, retraçant l’évolution de la dotation nationale et des dotations régionales affectées à ces missions, établi en application de l’article L. 162-22-13 du code de la sécurité sociale ;

- le rapport sur le bilan d’avancement du processus de convergence tarifaire faisant état des réalisations et des travaux menés dans la mise en œuvre de la convergence, établi en application de l’article 33 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 ;

- et, en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010.

Acte est donné du dépôt de ces rapports.

Les trois premiers ont été transmis à la commission des affaires sociales, le dernier à la commission des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

6

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour un rappel au règlement. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Dominique Voynet. Mon intervention se fonde sur l’article 36 du règlement du Sénat.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 8 juillet 2009, une intervention policière violente conduisait un manifestant, victime d’un tir de flash-ball en plein visage, à perdre un œil. L’enquête menée par la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui a montré à la fois le non-respect du cadre légal d’utilisation des flash-ball et le non-respect de la doctrine d’emploi technique de cette arme, a débouché sur des sanctions disciplinaires pour le policier en cause.

Le 30 avril 2010, dans ma ville, de nouveau, une voiture de police est intervenue de façon violente au milieu d’une fête de quartier, des femmes et des enfants ayant été menacés d’un flash-ball par un policier.

Ce matin, pour la troisième fois en un an, à neuf heures, alors que des lycéens bloquaient l’entrée de leur lycée avec des poubelles (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste) – j’en conviens, ce n’est pas bien –,…

Mme Françoise Henneron. Tout de même !

Mme Dominique Voynet. … une intervention policière a eu lieu. Elle a été conduite non pas par les policiers du commissariat local, qui connaissent bien ces jeunes, mais par une compagnie républicaine de sécurité qui venait d’évacuer un gros squat dans la ville.

Lacrymogènes, fumigènes, puis, de façon incompréhensible, tirs de flash-ball… Une nouvelle fois, un enfant a été blessé, au visage. Rendez-vous compte : un enfant de seize ans a eu trois fractures au visage !

M. Guy Fischer. Scandaleux !

Mme Dominique Voynet. J’ai bien compris que vous cherchiez à faire porter à la gauche la responsabilité de troubles que votre aveuglement et votre surdité seuls expliquent. J’ai bien compris que vous étiez en difficulté face à la rue, et face à la légitimité démocratique des manifestations. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Monsieur le ministre, on pourrait s’entendre sur le fait que c’est d’abord aux adultes de lutter pour leurs retraites ; on pourrait tomber d’accord sur le fait que ce sont là des préoccupations bien lourdes pour de jeunes adolescents.

Mais, je vous pose la question, en vous montrant la balle reçue par ce jeune de seize ans (Mme Dominique Voynet brandit un projectile en caoutchouc) : le pouvoir est-il à ce point fébrile qu’il en soit réduit à ce genre de provocation ? Que vaut donc un pouvoir politique, et quelle est sa légitimité, quand il en est réduit à tirer sur ses enfants ? (Applaudissements nourris sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Vives protestations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Alain Vasselle. Ce ne serait pas arrivé s’ils étaient à l’école !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Premièrement, je ne me permettrai pas de lancer des accusations sans savoir exactement ce qui s’est passé. J’imagine que les services du ministère de l’intérieur auront à cœur de faire toute la lumière sur cet événement.

Deuxièmement, je voudrais saluer la responsabilité, le professionnalisme et le sang-froid des forces de l’ordre en France. (Très bien ! sur les travées de lUMP.) Le maintien de l’ordre public est une mission très complexe que la gendarmerie et la police, en l’occurrence les compagnies républicaines de sécurité, accomplissent avec beaucoup de professionnalisme, précisément pour éviter toute atteinte à l’intégrité physique dans des contextes qui sont souvent extrêmement difficiles.

Enfin, troisièmement, il me semble que tous ceux qui attisent les violences et qui poussent les jeunes à descendre dans la rue devraient commencer par balayer devant leur porte ! (Applaudissements nourris sur les travées de lUMP et de lUnion centriste. – Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. Imaginez que vous soyez le père de cet enfant, monsieur le ministre !

Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre,…

Mme la présidente. Vous ne pouvez pas reprendre la parole, ma chère collègue.

M. Christian Cambon. Et vous n’avez pas assisté à un seul moment du débat !

Mme Dominique Voynet. … j’ai oublié de vous dire que M. le préfet de la Seine-Saint-Denis,…

M. Nicolas About. Responsables et coupables, ceux qui envoient les gosses manifester !

M. Christian Cambon. Ce n’est que de la provocation !

Mme Dominique Voynet. … préoccupé par cet événement, avait immédiatement saisi l’Inspection générale des services, ce qui laisse à penser que le professionnalisme et le sang-froid n’étaient décidément pas au rendez-vous dans cette action. (Huées sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Philippe Marini. Respectez le règlement, madame Voynet !

Mme Catherine Procaccia. Elle ne le connaît pas, elle ne vient pas assez souvent !

M. Christian Cambon. C’est la première fois qu’elle intervient dans ce débat !

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour un très court rappel au règlement.

M. David Assouline. Ce rappel au règlement, qui se fonde sur l’article invoqué par Mme Voynet, ne prendra que quelques secondes, avant que nous ne reprenions nos débats sur le fond.

Mme Catherine Procaccia. Nous sommes d’accord !

M. David Assouline. Le lien que vous établissez entre notre action et les manifestations est une insulte pour le travail démocratique de l’opposition, monsieur le ministre.

Ce n’est pas parce que, dans notre rôle d’opposition, nous combattons une réforme que nous sommes pour autant responsables des incidents qui peuvent se produire !

Ce n’est pas non plus parce que nous considérons que les manifestations et les grèves, qui sont organisées par des syndicats, et donc tout aussi démocratiques que notre action, sont l’expression de droits prévus dans notre Constitution, que nous portons une quelconque responsabilité dans ces incidents !

M. Nicolas About. Quand vous appelez les jeunes à manifester, si !

M. David Assouline. On peut toujours porter un jugement négatif sur telle ou telle action, notamment en cas de blocage. Mais, depuis deux jours, alors que des milliers de jeunes manifestent, les incidents sont très peu nombreux, ce qui est d’ailleurs une constante dans l’histoire des manifestations et des mouvements de jeunes en général.

M. Christian Cambon. Vous êtes responsables quand vous les envoyez manifester !

M. Philippe Marini. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. David Assouline. Toutes les images montrent des jeunes qui manifestent pacifiquement. Je ne justifie pas les dérapages,…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Assouline.

M. David Assouline. … mais vous ne pouvez pas, d’un côté, classer les jeunes dans les populations fragiles et, de l’autre, utiliser n’importe quels moyens, notamment des flash-ball, contre certains d’entre eux qui dressent des poubelles devant l’entrée de leur lycée. Cela ressemble fort à de la provocation, et c’est la seule question que vous a posée Mme Voynet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. Et qui les envoie manifester ?

M. Christian Cambon. Ils devraient plutôt les encourager à rester au lycée !

Mme la présidente. Je vous donne acte de vos rappels au règlement, chers collègues.

7

Article 4 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 4

Réforme des retraites

Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée

(Texte de la commission)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Articles additionnels après l’article 4 (réservés)

Article 4 (suite)

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l’article 4, au vote sur l’amendement n° 1172.

Je mets aux voix l’amendement n° 1172.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1177.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 832.

Mme Annie David. J’insisterai, dans cette explication de vote, sur la réalité du temps partiel subi par les femmes.

En 2008, le Conseil économique et social a mené une enquête sur le travail à temps partiel dont il ressort que, « en France, le recours au temps partiel s’est développé de manière significative depuis le début des années quatre-vingt-dix. La proportion de l’emploi salarié à temps partiel est ainsi passée de 7 % en 1980 à 12 % en 1990, puis à 17,3 % en 1997, pour atteindre son niveau le plus élevé en 1998 – 18 %. Selon les enquêtes annuelles de recensement de l’INSEE, de 2004 à 2006, il s’établit aujourd’hui à 17,9 %, soit quasiment le pourcentage enregistré en 1998, et concerne donc près de 5 millions d’actifs sur les 28 millions recensés en 2005 en France métropolitaine. »

Cette étude apporte également les précisions suivantes : « Comme ailleurs en Europe, le temps partiel en France est très majoritairement féminin puisque, parmi les quelque 5 millions d’actifs à temps partiel, 83 % sont des femmes. Le temps partiel représente 31 % de leurs emplois. »

Il ressort en outre des enquêtes qualitatives menées par l’INSEE qu’un tiers environ des femmes concernées subissent plus qu’elles ne choisissent ce mode d’activité, le « choix » étant, par ailleurs, souvent contraint du fait de l’inégal partage des tâches dans la famille et l’insuffisance des dispositifs permettant l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale.

La réalité est tenace et nous force à constater que les femmes représentent aujourd’hui en France plus de 82 % des 5 millions d’actifs salariés à temps partiel, la durée moyenne des contrats étant de vingt-trois heures par semaine. Dans les secteurs où elles sont employées, elles occupent le plus souvent des postes faiblement qualifiés ; dans la fonction publique, ce sont 92 % des femmes majoritairement de catégorie C qui occupent ces postes à temps partiel. Dans le secteur privé, ce n’est guère mieux, puisque la moitié des femmes concernées sont employées, vendeuses, caissières, et qu’une ouvrière sur deux à temps partiel travaille dans une entreprise de nettoyage, dont 20 % pour moins de quinze heures par semaine.

Pourtant, dans l’étude précitée, les choses sont claires.

« En ce qui concerne les droits à la retraite, la règle de validation de trimestres dans le régime général permet à tout salarié travaillant un minimum de 200 heures par trimestre, c'est-à-dire seize heures par semaine en moyenne, et percevant une rémunération annuelle au moins égale à 40 % d’un temps plein au SMIC de valider une année complète. En revanche, aucune validation n’est possible en dessous de ce seuil et la pénalisation est donc majeure pour les salariés à temps très partiel faiblement rémunéré.

« Mais, surtout, les années de travail à temps partiel peuvent avoir un impact négatif non négligeable sur le salaire annuel moyen qui sert au calcul de la retraite de base, dès lors qu’elles sont incluses dans les vingt-cinq meilleures années prises en compte. De plus, elles se répercutent intégralement sur le nombre de points acquis dans les régimes complémentaires.

« L’impact du temps partiel est maximal pour les carrières croissantes et lorsque le temps partiel intervient en fin de carrière. Par exemple, dix ans de travail à mi-temps en fin de carrière peuvent faire chuter de 26 % la retraite de base et de 19 % la retraite complémentaire par rapport à un travail à temps complet. Or, ce phénomène concerne beaucoup de femmes puisque 30 % des femmes âgées de 50 à 59 ans dans le secteur privé et 25 % dans le secteur public étaient à temps partiel en 2005, contre 5 % des hommes, tous secteurs confondus. »

Dans le secteur public, les mesures prises dans la loi de 2003 sont aussi illusoires. Public et privé ne tiennent nullement compte des périodes de temps partiel et les retraites s’en trouvent lourdement pénalisées.

Avec votre texte, vous aggravez encore la situation de ces millions de femmes que vous allez contraindre à travailler plus longtemps tout en les payant encore moins.

Sur ce problème du temps partiel, mes chers collègues, je demanderai un scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Nous voterons, bien sûr, cet amendement et nous vous incitons tous à faire de même, chers collègues.

Nous le savons tous ici, du moins je l’espère, car ce n’est pas faute de l’avoir dit et répété, ce sont les femmes qui subissent le temps partiel. Le plus souvent, c’est non pas de leur fait mais de celui de l’employeur. Le temps partiel correspond souvent à un emploi précaire : cela signifie des ruptures, des périodes de chômage s’enchaînant et s’intercalant avec des périodes d’emploi.

Ce sont souvent aussi les métiers les plus pénibles et les plus mal payés. Cela veut dire que ces femmes n’arrivent jamais à boucler leurs fins de mois, qu’elles passeront toute une vie professionnelle à compter, à se demander comment elles feront pour vivre, une fois qu’elles auront payé leur loyer, et leur retraite sera pire encore.

On parle de l’allongement de la durée de la vie. Eh bien, ce n’est pas pendant deux ans ou trois ans – on leur souhaite –, mais pendant quinze ans, vingt ans, vingt-cinq ans qu’elles continueront à tirer le diable par la queue !

Je vous invite donc à voter cet amendement d’autant que, si les employeurs étaient amenés à cotiser sur un temps plein, certains d’entre eux seraient peut-être incités à employer ces personnes à temps complet, car ils ne seraient pas tentés de grappiller trois francs six sous sur les charges sociales.

S’agissant de l’accident rapporté par Mme Voynet, je souhaite dire à quel point j’ai été choquée d’entendre nos collègues de la majorité protester parce que l’on abordait un sujet qui n’était pas à l’ordre du jour et que l’on ne reprenait pas immédiatement la discussion du projet de loi, et faire remarquer que les responsables étaient ceux qui avaient mis les jeunes dans la rue.

Je n’ai pas entendu un mot de compassion pour ce jeune, qui a seize ans !

Si l’un de vos enfants ou l’un de vos petits-enfants était victime d’un accident du même type, aucun de nous, me semble-t-il, ne dirait ici : ils n’ont qu’à s’en prendre à eux-mêmes, à droite,…

M. Éric Woerth, ministre. Qui a dit cela ?

Mme Raymonde Le Texier. … puisque c’est eux qui ont voulu ce texte inique. (M. Alain Vasselle s’exclame.) Nous déplorerions avec gravité l’accident arrivé à l’un des vôtres, soyez-en assurés ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. Christian Cambon. S’ils étaient à l’école, cela n’arriverait pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.

M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, je ne peux pas ne pas réagir à ces propos.

Je tiens très solennellement à dire combien nous sommes sensibles à tout ce qui peut arriver à un jeune, comme à tout être humain blessé. S’il y a des responsabilités directes, elles doivent être sanctionnées.

En revanche, cela ne permet pas d’occulter la responsabilité indirecte de ceux qui ont poussé les enfants à manifester. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Ils sont hautement responsables et ils seront aussi comptables vis-à-vis de l’ensemble de la population française, parce qu’il y a ceux qui commettent le geste …

M. David Assouline. On va voir qui est responsable !

M. Nicolas About. … et ceux qui ont créé les conditions de l’accident. Malheureusement, ils en font partie et j’aurais honte à leur place ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. David Assouline. C’est très grave !

M. Nicolas About. Oui, c’est très grave !

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. About a l’habitude de tendre les situations.

M. Nicolas About. On fait ce qu’on peut !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais, bien entendu, m’associer aux propos de Mme Voynet. D’ailleurs, il y a eu d’autres problèmes hier et avant-hier : des jeunes ont été interpellés et mis en examen.

M. Nicolas About. Vous n’avez pas le monopole du cœur, vous avez celui de la provocation !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On voit comment vous utilisez la mise en examen et on constate même, depuis un certain temps, que des peines de prison sont prononcées contre ceux qui mènent des actions militantes. De même, vous entretenez la tension ici depuis maintenant huit jours sur la mobilisation des jeunes.

Qu’il soit dit ici, puisque nous sommes dans un lieu de débat public, que les organisations politiques – je parle pour celles que je connais le mieux, mais c’est sans doute vrai pour d’autres – n’ont jamais incité les jeunes, d’une façon ou d’une autre, à aller manifester. (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Christian Cambon. Et Mme Royal ? Regardez la télévision !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne peux pas regarder la télévision aussi souvent que vous parce que je passe beaucoup de temps ici, comme vous l’avez remarqué. En tout cas, je n’ai pas eu connaissance de déclaration d’organisations politiques incitant les jeunes à descendre dans la rue !

M. Alain Vasselle. Si, Mme Royal !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous entendons dire ici, et depuis maintenant des années, que les jeunes d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’hier, raison pour laquelle sans doute dans la même logique, vous tentez de persuader que l’on est plus jeune aujourd’hui à soixante-deux ans qu’hier à soixante ans. (M. Nicolas About s’exclame.)

Mais pourquoi tenez-vous de tels propos sur les jeunes, sinon pour mieux parvenir à abaisser l’âge de la responsabilité pénale et pouvoir les envoyer en prison à treize ans !

Dans ces conditions, permettez-moi de vous dire que si, comme vous le souhaitez, les jeunes peuvent être envoyés en prison à treize ans quand ils sont délinquants, ils ont le droit d’être responsables et de se préoccuper de leur retraite ! (Nouvelles exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

Et pourquoi se préoccupent-ils de leur retraite ? Bien entendu, quand on est jeune, on ne pense pas à sa retraite tous les matins, heureusement !

Mme Bernadette Dupont. Oui, heureusement !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais les jeunes qui sortent de l’école, à seize ans ou à dix-huit ans quand ils ne font pas d’études, et beaucoup plus tard quand ils font des études, constatent qu’ils ne peuvent pas entrer dans le monde du travail.

Un peu de jugeote : ces jeunes ne sont pas stupides, et ils se demandent comment ils arriveront à cotiser pour avoir une retraite et à quel âge !

M. Nicolas About. Il faudrait déjà qu’ils finissent leurs études !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez de dire qu’on les pousse à manifester ! Écoutez les jeunes : ils sont responsables et ils disent ce qu’ils ont à dire parce qu’il s’agit d’un problème de société et que la jeunesse comprend les problèmes de société, heureusement, d’ailleurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. Nicolas About. Ce n’est pas le débat !

Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote. (Mme Catherine Procaccia proteste.)

Mme Dominique Voynet. Mon nom a été cité à plusieurs reprises : il s’agit d’une mise en cause personnelle !

M. Christian Cointat. À la fin du débat !

Mme Dominique Voynet. Je vais évidemment expliquer mon vote, mais ce sera aussi une réponse à cette mise en cause personnelle.

Je vous mets au défi les uns et les autres de trouver le moindre mot qui pourrait laisser penser que j’ai incité des jeunes à descendre dans la rue pour affronter des policiers, ces derniers jours ou avant. J’ai des enfants adolescents et ils sont au lycée aujourd’hui !

M. Christian Cambon. C’est bien !

Mme Dominique Voynet. Je discute depuis plusieurs jours avec les jeunes des lycées de ma ville pour les inciter à demander des salles à leurs proviseurs – salles que les proviseurs accordent, d’ailleurs – pour organiser des débats entre eux d’une façon démocratique et les aider à devenir adultes en étant conscients des réalités de ce monde.

Venez me dire en face qu’il a fallu un maître à penser au jeune Nicolas Sarkozy ou au jeune Alain Madelin et qu’il a fallu que quelqu’un leur tienne la main quand ils manifestaient adolescents !

M. Nicolas About. Cela ne légitime pas le fait de les appeler à le faire !

Mme Dominique Voynet. Vous ne savez donc rien de l’adolescence et de la façon dont on se mobilise à cet âge ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est intéressant d’en parler !

Mme Dominique Voynet. Vous ne savez donc pas que, quand un adulte essaie d’aller à l’encontre des jeunes, ils peuvent durcir leur position ? C’est ce qui s’est passé ce matin quand ils se sont trouvés nez à nez avec une demi-compagnie de CRS dont on se demande ce qu’elle faisait dans une petite rue, devant le lycée Jean-Jaurès de Montreuil ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il faut voter cet amendement…

M. David Assouline. … parce que les femmes sont particulièrement concernées par cette réforme et par l’allongement de la durée de cotisation.

Les jeunes aussi sont concernés. (Exclamations sur les travées de lUMP et de lUnion centriste.)

M. Christian Cambon. Ce n’est pas une explication de vote !

M. David Assouline. Parce que certains pourraient penser qu’ils ont inventé l’eau chaude quand ils légifèrent,...

M. Nicolas About. L’eau tiède !

M. David Assouline. … je précise, monsieur About, que ce n’est pas la première fois que des jeunes manifestent dans notre pays, ni qu’un responsable de droite – car vous êtes de droite – réagit devant ces manifestations en prononçant exactement les mêmes mots que vous !

M. Nicolas About. Ce n’est pas vrai !

Mme Isabelle Debré. Revenez à l’amendement !

M. David Assouline. Cela fait trente ans que, de façon récurrente, quand les jeunes manifestent – un jour, c’est contre le SMIC jeunes, un autre, contre le CPE, un autre encore, contre une réforme de l’éducation ; la dernière fois, c’était même contre M. Fillon, ministre de l’éducation nationale – les hommes de droite qui gouvernent viennent nous expliquer que ces jeunes sont manipulés et ne représentent rien.

M. Nicolas About. Et ce n’est pas vrai ?

M. David Assouline. Monsieur About, je ne sais pas comment vous considérez les jeunes, mais, moi, je vous prends au sérieux. Il y a une contradiction importante dans votre jugement, dans votre discours : vous ne pouvez pas dire qu’à seize ans on est trop immature pour manifester…

M. Nicolas About. Personne ne dit cela !

M. David Assouline. … et que l’on est manipulé, mais que l’on est suffisamment solide et mature pour recevoir des balles de flash-ball en plein visage !

M. Nicolas About. Lisez ce qu’écrivent les journalistes !

M. Christian Cambon. « Après avoir jeté des pierres sur des policiers », dit la dépêche !

M. David Assouline. C’est votre conception de la jeunesse, on peut lui « mettre des tartes », mais on ne peut pas l’écouter quand elle dit ce qu’elle a dans la tête ! Eh bien, ce n’est pas notre conception.

Nous misons sur la responsabilité du débat.

Hier, Benjamin Lancar, président des Jeunes populaires de l’UMP, diffusait – j’ai ici la photo publiée par l’UMP – des tracs à l’entrée des lycées…

Mme Catherine Procaccia. Et alors ? Il a le droit !

M. David Assouline. … lui qui n’est plus lycéen. Voilà un adulte qui monte les lycéens contre d’autres lycéens qui ne seraient pas de la même sensibilité.

Moi, je n’ai pas envie de le juger, mais ne donnez pas de leçons, parce que l’intoxication et la propagande, vous savez faire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Et c’est un spécialiste qui parle !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, on voit bien que vous souhaitez parler de tout autre chose que des retraites. (Applaudissements sur les travées de lUMP.) Vous n’êtes pas du tout à l’aise sur le débat des retraites. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Donc, vous le dévoyez, c’est classique, mais nous ne tomberons pas dans le panneau.

Vous êtes les rois de la politique facile : dès que c’est facile, vous y allez à fond !

M. Éric Woerth, ministre. D’un côté, il y aurait ceux qui aiment les jeunes, ceux qui aiment les femmes…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On ne parle pas d’amour ici !

M. Éric Woerth, ministre. … et qui les défendent et, de l’autre, une majorité qui n’aiment ni les jeunes ni les femmes, et qui de toute manière ne connaît pas la vie.

Si nous vous donnions le dixième des leçons que vous nous assénez, que n’entendrions-nous pas sur notre agressivité, ou sur notre arrogance.

M. David Assouline. Vous ne faites que cela !

M. Éric Woerth, ministre. Voyez : je dis quelques mots et vous êtes déjà en train de m’agresser.

Le vrai problème, c’est que vous êtes d’une violence et d’une agressivité comme j’en ai rarement vu !

Vous devriez vraiment vous calmer (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste) et revenir au débat sur les retraites. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui défendent les Français et, de l’autre, ceux qui leur veulent beaucoup de mal.

Mme Annie David. Vous défendez aussi des Français, mais pas les mêmes que nous !

M. Éric Woerth, ministre. Nous sommes des personnes responsables et nous pensons que les régimes de retraite méritent un débat et une réforme. Si nous ne réformons pas, il n’y aura pas de retraite pour les jeunes non plus.

C’est facile de dire toujours oui ! C’est trop facile de dire : « Venez nous rejoindre, travaillez moins, prenez plus de vacances… »

M. David Assouline. C’est le débat ?

M. Éric Woerth, ministre. C’est tellement facile, monsieur Assouline, que cela en devient extraordinairement démagogique, et donc pas crédible du tout ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour la démagogie, vous avez le pompon !

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote sur, je le rappelle, l'amendement n° 832.

M. David Assouline. Dont vient de parler à l’instant M. Woerth, sans doute…

M. Alain Anziani. Madame la présidente, j’ai écouté M. About et M. le ministre, et leurs propos n’avaient en effet pas grand-chose à voir avec cet amendement ! (Protestations sur les travées de lUMP.) Je tenais à faire cette mise au point.

Nous venons, une fois encore, de nous faire insulter par M. le ministre ! (Exclamations sur les travées de lUMP.) Une fois de plus, il vient nous donner des leçons, lui qui en a peut-être beaucoup à recevoir ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Un peu de modestie, monsieur Woerth !

Si vous souhaitez un débat serein, ramenez la sérénité dans cette enceinte ! Arrêtez de dire et de répéter que les jeunes sont des imbéciles ! (Protestations sur les travées de lUMP.) Oui, vous les prenez pour des imbéciles quand vous laissez entendre qu’il suffirait qu’un responsable politique leur demande de descendre dans la rue pour qu’ils le fassent !

Monsieur Woerth, les jeunes savent lire et réfléchir. Ce qu’ils voient aujourd'hui, c’est qu’ils n’ont pas de travail et que votre réforme, en allongeant toujours plus la durée légale du travail les privera davantage encore de travail ! Nous sommes bien là au cœur du débat !

Vous ne respectez pas les jeunes, vous les prenez pour des imbéciles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Vives protestations sur les travées de lUMP.)

M. Christian Cointat. C’est ridicule !

M. Christian Cambon. Et à peine démagogique…

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. M. le ministre nous a dit que le groupe socialiste avait des propositions, mais pas de projet ; je reviendrai sur ce point ultérieurement.

De nombreuses personnes sont mobilisées contre la réforme des retraites : 54 % des Français sont favorables à une grève générale ! Certes, on peut discuter de l’institut qui a réalisé ce sondage – BVA ou un autre  –, mais les résultats sont là !

M. Christian Cambon. C’est bizarre, il y a de moins en moins de grévistes… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est un fait !

Mme Raymonde Le Texier. Ne provoquez pas !

M. Jean Desessard. Quelles conclusions tirer si les personnes sont à ce point favorables à une grève générale ? Pour les patrons, c’est tellement facile de se faire entendre - et d’être entendus -, tout en continuant à toucher leurs rémunérations ! Mais, pour se faire entendre, les salariés sont, eux, obligés de faire grève ! Or il est difficile de faire grève quand on sait que lorsque l’on va perdre trois, quatre, voire cinq jours de salaire ! Et c’est encore plus difficile pour les salariés à temps partiel !

Oui, chers collègues, il est plus difficile de faire grève que d’inviter au Fouquet’s !

M. Alain Vasselle. Invitez les lycéens !

M. Jean Desessard. Plus généralement, s’il y avait aujourd'hui un mouvement de grève générale contre une réforme concernant un problème tout autre que celui des retraites, un problème social qui se poserait au quotidien, par exemple, croyez-vous que les lycéens resteraient inactifs ? Non, évidemment, ils se mobiliseraient et seraient dans la rue !

Monsieur le ministre, tout au long de cette semaine, j’ai apprécié la précision de vos propos, mais la réponse que vous avez faite à Mme Voynet a manqué, me semble-t-il, de responsabilité ! (M. Alain Vasselle s’exclame.) Sans doute avez-vous été pris par l’ambiance qui règne ici depuis deux semaines et êtes-vous allé au-delà de ce que vous pensez…

Plutôt que de rendre hommage au travail de la police française, qui essaie d’éviter tout débordement, et de dire votre étonnement devant les événements de Montreuil, surtout en considération des garanties que vous prenez pour faire en sorte qu’il ne s’en produise pas, montrant ainsi qu’un tel événement était inadmissible, vous avez presque excusé la police. Voilà qui est grave !

Si, quand la grève faiblit, vous réagissez à coup de flash-ball., comment réagirez-vous si les Français s’opposent vraiment à une réforme – ce n’est pas le cas aujourd'hui, dites-vous – et décident une grève générale ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Flash-ball partout ! Tirs groupés !

M. David Assouline. Ils envoient l’armée !

M. Jean Desessard. Quels moyens prendrez-vous ? Vous auriez pu en rester là, monsieur le ministre, vous qui représentez ici le Gouvernement, c'est-à-dire celui qui doit agir dans une période difficile. Mais vous avez engagé une polémique évoquant ceux qui appelleraient à manifester…

M. David Assouline. C’est irresponsable !

M. Jean Desessard. … – personne ici n’appelle la jeunesse à se mobiliser –, au lieu de condamner l’utilisation d’armes telles que le flash-ball contre des lycéens qui ont mis trois poubelles devant leur lycée pour en bloquer l’entrée !

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote.

M. Yannick Bodin. On s’étonne depuis un certain temps que les jeunes puissent s’intéresser à la question des retraites.

Mme Isabelle Debré. On parle du temps partiel !

M. Yannick Bodin. Chères collègues, continuez plutôt à faire votre courrier sur votre ordinateur !

Pour ce qui me concerne, je peux témoigner de ce qui s’est passé et expliquer comment, de manière tout à fait naturelle, les jeunes qui ne s’étaient peut-être pas au départ mêlés au mouvement, l’ont progressivement rejoint.

Mme Marie-France Beaufils. Ce sont les futurs temps partiel !

M. Yannick Bodin. Monsieur le ministre, je ne sais pas si vous avez des enfants, ni quel âge ils ont. Mais, dans toutes les familles françaises, les parents parlent avec leurs enfants,…

M. Yannick Bodin. … et, depuis quelques semaines, ils parlent des retraites !

Tôt ou tard, autour de la table familiale, …

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il n’y a plus de table familiale !

M. Yannick Bodin. … la conversation finit par porter sur cette question. C’est la mère de famille qui explique à ses trois enfants que, parce qu’elle est restée à la maison pour les élever, elle touchera une bien modeste retraite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Celles qui sont nées avant 1951 ou après 1955 !

M. Yannick Bodin. C’est le père de famille qui parle de son quotidien et des travaux pénibles.

Voilà quelques jours, une délégation de la commission de la culture s’est rendue, conduite par son président, Jacques Legendre, sur le chantier de la Maison de la Radio. Il pleuvait. Deux ouvriers casqués, suspendus à quinze mètres au-dessus du sol, transportaient sur une grue des poutres qu’ils allaient fixer. Tout naturellement, nous nous sommes interrogés : mais qui serait capable de faire ce travail-là jusqu’à 67 ans ? Monsieur le ministre, ce n’est pas sérieux !

Ces ouvriers sont aussi des pères de famille, et le soir, en rentrant du travail, ils parlent avec leurs enfants qui vont à l’école ou au lycée. Comment voulez-vous qu’un lycéen, qui commence à développer sa propre réflexion, accepte la situation qui est faite à son père ouvrier du bâtiment ! Au lycée, il discutera avec un camarade, qui lui parlera, lui, de l’espérance de vie de son propre père. Comment voulez-vous que les uns et les autres ne prennent pas conscience des problèmes qui se posent dans leur famille !

M. Alain Vasselle. La pénibilité des femmes ayant eu trois enfants a été prise en compte dans le texte ! Relisez-le !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en, des femmes qui ont trois enfants !

Mme la présidente. Mes chers collègues, veuillez laisser M. Bodin s’exprimer !

Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Yannick Bodin. Je poursuivrai si mes collègues ne m’interrompent pas !

Mme la présidente. Poursuivez et concluez, mon cher collègue !

M. Yannick Bodin. Ne vous demandez pas pourquoi les lycéens et les étudiants se préoccupent aujourd'hui de la retraite et descendent dans la rue ! C’est tout simplement parce qu’ils ont appris, au sein de leur famille et à l’école, à faire preuve de bon sens et qu’ils ont pris conscience de la situation dans laquelle se trouvent leurs parents et de celle dans laquelle ils se trouveront eux-mêmes dans les années à venir ! C’est donc tout naturellement qu’ils veulent participer au mouvement de contestation.

Il va falloir vous y habituer, monsieur le ministre, la jeunesse française est intelligente ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Je me réjouis que l’explication de vote de notre collègue Annie David sur l’amendement n° 832 ait suscité des réactions aussi légitimes, qui correspondent, me semble-t-il, à la réalité que vivent les Français.

Permettez-moi de vous lire une dépêche : « Les Français soutiennent en majorité le mouvement contre la réforme des retraites et les deux tiers d’entre eux pensent qu’il va s’étendre, selon un sondage BVA pour Canal Plus publié jeudi. Le sondage dénombre 66 % des personnes interrogées ayant le sentiment que la mise en place de la réforme des retraites est susceptible de déboucher sur un mouvement social important ou une paralysie du pays comme en 1995. Ils sont 54 % à s’y dire favorables. » Mes chers collègues, 54 % !

« Pour 78 % des sondés, la journée nationale de grèves et de manifestations du 12 octobre a été “plutôt un succès” pour les syndicats et l’opposition. »

On le sait, les jeunes font souvent pencher la balance, car ils jouent un rôle important dans l’ampleur que peut prendre une mobilisation. Ici, ils sont au cœur de la réforme des retraites.

Voilà donc précisément ce que vous craignez !

Non, monsieur le ministre, nous ne sommes pas allés les chercher. Nous les avons rencontrés quand nous avons organisé des auditions à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. Cette réalité-là, c’est celle que vous redoutez ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 832.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 27 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'amendement n° 853.

Mme Éliane Assassi. Avant d'en venir à notre amendement proprement dit, j’aimerais rappeler un certain nombre de faits. Bien évidemment, vous en avez déjà entendu parler ; mais il me semble qu’à certains moments il faut répéter les choses pour qu’elles soient bien comprises. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah !

Mme Éliane Assassi. Le phénomène des working poor, ces salariés dont les revenus sont insuffisants pour qu’ils puissent se loger ou même survivre, ne cesse de croître en France.

Plus de 10 millions de Français sont confrontés à la précarité. Les CDD et l'intérim se développent toujours plus, à tel point qu'ils deviennent la norme pour un certain nombre de salariés.

Les emplois précaires et le temps partiel subi constituent un véritable fléau, lequel s'est répandu dans notre société depuis les années quatre-vingt.

L'écrasante majorité des personnes sous-employées travaillent dans le tertiaire : à eux seuls, les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'action sociale et des services aux particuliers en regroupent la moitié.

Ainsi, sont supprimées des masses considérables d'emplois salariés que je qualifierais de « normaux », c'est-à-dire en CDI et à temps complet. Dans le même temps, le nombre d’emplois « atypiques » ou « anormaux » – comme les stages et les contrats d’intérim, les emplois à temps partiel ou à durée indéterminée – augmente.

Une enquête réalisée par l'INSEE sur « le travail à temps partiel féminin et ses déterminants » a établi en 2001 – et la situation ne s'est malheureusement pas améliorée depuis –, que les femmes travaillant à temps partiel le font le plus souvent – en l’occurrence, pour 38 % d’entre elles – faute d’avoir trouvé un emploi à temps plein et non pas, comme on l’entend trop souvent, pour concilier vies familiale et vie professionnelle.

Il est également établi que ces femmes connaissent davantage le chômage que celles qui sont employées à temps plein, et cette précarité se manifeste également par une proportion bien plus forte de contrats à durée déterminée.

Comme vous le savez, les effets du travail précaire sont néfastes pour les salariés et nuisibles aux comptes sociaux. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter l’amendement n° 853.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. Comme nous l’avons indiqué dans son objet, l’amendement n° 853 vise à lutter contre le travail précaire, qui nuit aux comptes sociaux. Il nous invite aussi à nous interroger, comme vient de le faire Éliane Assassi, sur la nature des emplois qui se créent aujourd’hui en France. Gardons à l’esprit que, sur 100 emplois créés, seulement 30 sont des contrats à durée indéterminée !

M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Guy Fischer. On observe depuis déjà plusieurs années une explosion du nombre de contrats dits atypiques, qui conduisent inévitablement à des parcours chaotiques et à des carrières hachées. De la même façon que l’on avait vu naître la notion de « retraités pauvres », on constate que ces nouvelles formes de précarité constituent un gisement désormais inépuisable de « salariés pauvres ». C’est là un point qui mérite d’être pris en compte.

À la lecture du rapport de la Fondation Abbé Pierre, on mesure chaque année, en février, son action militante contre les situations de « grande pauvreté », auxquelles conduisent parfois les nouvelles formes de précarité. Si la pauvreté a toujours existé, la « grande pauvreté » constitue, en France, un phénomène récent, et croissant.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter l’amendement n° 853.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 853.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 664.

Mme Annie David. Cet amendement est le premier d’une série visant à énumérer les conventions collectives que nous souhaitons voir exclues du champ d’application de l’article 5.

Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous avez tous deux vanté l’« équité » de l’article 4, votre réforme devant, sous couvert d’équité, s’appliquer à tous les Français.

Cependant, nous vous l’avons déjà dit, l’équité serait que tout le monde ait la même espérance de vie une fois atteint l’âge de la retraite. Or, comme vous le savez, l’espérance de vie en bonne santé des cadres n’est pas la même que celles des ouvriers, parmi lesquels certains exercent des métiers pénibles ou difficiles.

Nous vous avions déjà parlé des victimes de l’amiante, et j’ai évoqué ce matin la situation des salariés de la chimie. Eux aussi connaîtront les problèmes liés aux produits cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques, ou CMR, qu’ils manipulent aujourd’hui avec bien peu de précaution.

Mes chers collègues, il me semble que l’équité serait de permettre à tous les salariés exerçant ces métiers difficiles de prendre leur retraite avant même l’âge de 60 ans. Dès lors, les faire travailler jusqu’à l’âge de 67 ans s’ils n’ont pas suffisamment cotisé…

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est irresponsable !

Mme Annie David. … est pour nous tout à fait inacceptable.

Monsieur le rapporteur, j’avoue ne pas vous comprendre lorsque vous parlez d’équité alors que, comme vous le savez, des études scientifiques – et pas seulement le groupe CRC-SPG – prouvent que les métiers pénibles réduisent l’espérance de vie en bonne santé de certaines catégories de travailleurs.

Pour ces travailleurs-là, l’équité serait de pouvoir partir à la retraite avant les autres ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 664.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 665.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 666.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 667.

Mme Marie-France Beaufils. Comme nous l'avons déjà souligné, il est peut-être difficile de légiférer sur la pénibilité mais, si on ne s’y attelle pas, cela sera encore plus difficile dans quelque temps.

Nous vous proposons donc de compléter l'article 4 en excluant du champ de la réforme les métiers relevant de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie.

M. François Autain. Le pain, c’est sacré !

Mme Marie-France Beaufils. Il nous semble en effet que ce serait là une façon d’intégrer la problématique de la pénibilité dans la réforme du Gouvernement, en attendant qu’il en discute avec les organisations syndicales…

S’il est un métier dont la pénibilité est reconnue, sur notre territoire comme au-delà de nos frontières, c’est bien celui de la boulangerie. Je ne vais pas revenir sur les risques que nous avons déjà évoqués, vous les connaissez : asthmes sévères, cancer, problèmes d’articulations, horaires atypiques entraînant une vie de famille en pointillé...

La boulangerie-pâtisserie est une vocation et, parce que le métier demande un apprentissage important, on commence le plus souvent très jeune. Nous connaissons tous, autour de nous, des boulangers ayant commencé leur apprentissage à 14 ans, et certains dans cet hémicycle ont peut-être lu La Maison des autres. Bernard Clavel, qui nous a récemment quittés, y dépeint d’une façon particulièrement poignante le dur métier de la boulangerie.

M. David Assouline. Mais plus rien n’émeut M. le ministre !

Mme Marie-France Beaufils. Or la pénibilité de ce métier ne concerne pas que les boulangers nés en 1955, et nous ne leur accordons pas, loin s’en faut, la reconnaissance que nous leur devons.

En effet, ce métier, par nature généreux, exige disponibilité, endurance, courage et hygiène, aussi. Le boulanger doit aimer le travail bien fait, être ordonné, curieux et organisé. Si acheter sa baguette est pour chacun de nous un geste anodin, il n’est rendu possible que par le labeur, nocturne ou matinal, d’hommes y ayant consacré leur vie.

La boulangerie-pâtisserie contribue à maintenir le lien social, qui se perd bien souvent dans les quartiers, dans les cités ou dans les campagnes. Ne reconnaître ni les vertus de ce métier ni ses conditions dangereuses, difficiles et pathogènes, qui conduisent certains de ceux qui l’exercent à mettre un terme anticipé à leur carrière, c’est également ne pas reconnaître que ces hommes sauvegardent l’un des fleurons de nos productions nationales.

Je souhaite cependant ajouter que le président d’un syndicat de boulangers, celui du Rhône, cher à M. Fischer,…

M. Guy Fischer. Il s’agit de M. Cabut !

Mme Marie-France Beaufils. … a souhaité profiter de la démarche d'évaluation des risques professionnels pour engager une réflexion plus globale sur la santé au travail.

L'enjeu est également de faire évoluer l'image de la profession, et de montrer que le métier de boulanger s’adapte progressivement aux mutations du marché du travail. (On s’impatiente sur les travées de lUMP.)

Les conclusions sont alarmantes et vont encore au-delà des risques que nous avons évoqués. Je voudrais citer un chiffre pour conclure : un professionnel sur quatre qui est atteint d'affections respiratoires est un boulanger. (Murmures continus sur les travées de lUMP.) Je pense que ce sujet mériterait un peu plus d’attention (Protestations sur les travées de lUMP)

Mme Annie David. Et de respect !

M. André Lardeux. Respectez le Parlement !

Mme Marie-France Beaufils. … y compris de la part de certains de mes collègues, qui crient sans que l’on puisse comprendre ce qu’ils disent. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la sénatrice, j’ai bien entendu vos propos sur la noblesse de la boulangerie.

Cependant, votre exposé m’a semblé décrire le métier dont j’ai été témoin enfant, puisque je suis fille de boulanger. (Sourires.) Je crois pouvoir vous dire que, malgré tout, les conditions de travail des boulangers ont très sérieusement changé. S’il est vrai qu’ils doivent encore se lever tôt, ils le font maintenant à des heures où, de nos jours, beaucoup de salariés se lèvent également…

Mme Annie David. Bien sûr !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ils ne portent plus de charges lourdes.

Mme Annie David. Encore un peu !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ils ont un métier noble et difficile, certes, mais dont on ne peut pas considérer qu’il soit d’une pénibilité particulière. Je ne dis pas que ce métier n’est pas pénible, mais je ne crois pas qu’il le soit plus que beaucoup d’autres.

En vous écoutant défendre votre amendement, j’ai vraiment eu l’impression, chère collègue, d’entendre parler de mon enfance. (Nouveaux sourires.)

M. Guy Fischer. C’est déjà ça ! Merci, madame la présidente !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 667.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 668.

Mme Odette Terrade. Naturellement, les sénatrices et sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche voteront cet amendement, qui défend les artistes musiciens face à l’allongement progressif de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une pension au taux plein et de la durée d’activité, qui n’est autre que la durée moyenne de retraite à partir de leur espérance de vie à 60 ans.

Nous tenons effectivement, comme l’a fait ce matin notre présidente, Nicole Borvo Cohen-Seat, à défendre les artistes musiciens de la production cinématographique, qui préservent la qualité du cinéma français, laquelle, si elle n’est plus à prouver, reste à défendre !

Le septième art français participe pleinement au rayonnement de la culture française à travers le monde. C’est d’ailleurs pour cela que l’on parle d’exception culturelle française. Par conséquent, nous nous devons de défendre ceux qui, parmi tant d’autres, le font vivre. Il est nécessaire de conserver l’image d’une France particulièrement cinéphile.

Faut-il rappeler la prépondérance du rôle de la musique et des effets sonores dans une œuvre cinématographique ? Non, en effet, car la musique a non seulement œuvré dans une fonction illustrative comme support narratif complémentaire soulignant le rendu émotionnel, mais a également été capable de changer la conception même de ce que le spectateur reçoit d’un écran de cinéma.

Indissociablement liée à l’histoire du cinéma, et souvent à l’histoire même du film qu’elle accompagne, la bande-son ou bande originale parvient même à faire survivre à travers le temps certains succès cinématographiques.

Les artistes musiciens, qui souffrent aujourd’hui de la précarité de leur statut, doivent être défendus, tout comme ils défendent la richesse de notre culture.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement n° 668 de notre groupe.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 668.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote sur l'amendement n° 671.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à exclure du dispositif les salariés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective de la blanchisserie.

Cette convention ne date pas de cinquante ans, ni même de quarante ans ; elle remonte à novembre 1997.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle ne date pas du temps de nos grands-parents !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Elle décrit bien des métiers d’aujourd’hui, et non des métiers d’hier ou d’avant-hier !

Selon nous, ces salariés doivent être exclus du système, et une dérogation au principe général est donc nécessaire.

Mais permettez-moi de rappeler ce principe général et de citer l’exposé des motifs de la loi du 21 août 2003 : « La meilleure garantie, et la plus juste, pour assurer un haut niveau de retraite, sans faire reporter sur les actifs de demain une charge démesurée, est l’allongement de la durée d’assurance et de la durée d’activité. ».

À cet effet, l’article 5 de ce projet de loi met en place un processus rapide d’allongement par étapes de la durée d’assurance et de services requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, en fonction des gains d’espérance de vie à 60 ans – on rêve toujours ! –, afin de maintenir constant le rapport constaté en 2003 entre cette durée et la durée moyenne de retraite.

Mais cette analyse générale doit être affinée selon les secteurs d’activité. Traiter de manière différente des situations différentes n’est pas porter atteinte au principe d’égalité, bien au contraire ! Atteindre une égalité concrète est nécessaire. C’est ce que l’on appelle l’égalité géométrique - à chacun ce dont il a besoin - qu’il faut distinguer de l’égalité arithmétique - à chacun la même chose.

La progressivité de l’impôt est fondée sur ce principe, même si, aujourd’hui, avec le temps, sur les hauts revenus, le principe d’égalité est, hélas, bien estompé !

C’est tout de même cette logique géométrique qu’il faut appliquer en matière de pénibilité. En effet, trente-cinq années à porter des charges lourdes sur les chantiers, cela use davantage que trente-cinq années à rédiger, assis, des rapports dans un ministère; c’est évident !

Il n’y a que le Gouvernement pour affirmer qu’il entend prendre en compte la pénibilité dans la loi tout en retenant une approche fondée uniquement sur une incapacité de travail individuelle avérée. Nous, nous demandons que soit reconnue la pénibilité par métier. Il est clair que notre position est complètement différente de la vôtre !

La loi devrait faire mieux : harmoniser cette prise en compte de la pénibilité, tout en laissant aux branches professionnelles le soin de mettre en place des accords sur ce sujet.

Sur ces problèmes si importants, vous trahissez votre parole, notamment à l’égard des partenaires sociaux, car vous persévérez à vouloir faire passer en force des mesures qui auraient depuis longtemps dû résulter d’un accord interprofessionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. Nicolas About. Ils n’ont pas réussi à trouver un accord !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 671.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 672.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 675.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l'amendement n° 679.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous en sommes revenus à plus de sérénité ! C’est important pour nous, car nous avons vraiment à cœur de vous faire appréhender la réalité du monde du travail, celle d’aujourd’hui, vous l’avez bien compris, et non celle d’hier.

Bien entendu, il y a des provocateurs. Je regrette que M. Gérard Longuet vienne de sortir.

M. Guy Fischer. C’est dommage !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’en suis d’autant plus désolée que je comptais m’exprimer en sa présence.

M. Guy Fischer. Il n’est pas là !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. On lui répétera !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. De toute façon, c’est dans la presse !

M. Gérard Longuet, président du groupe UMP,...

M. Alain Gournac. Excellent collègue !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... a une attitude quelque peu contradictoire, tout en étant provocateur, toujours !

Si j’en crois les propos qu’il a tenus et qui sont repris dans une dépêche d’agence, l’examen de ce texte s’achèvera dans un délai raisonnable. Et notre collègue de comparer la façon dont le débat va se débloquer à un évier, qui, débouché, se vide d’un seul coup. Il parle de nous et de nos amendements !

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Encore heureux qu’il s’en tienne aux éviers !

M. Guy Fischer. C’est un manque de respect évident !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On remercie notre collègue de n’avoir pas pris un exemple pire encore !

M. Guy Fischer. Il nous prend pour qui ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Gérard Longuet est cité dans une autre dépêche. Entre parenthèses, il est candidat au poste de ministre du travail. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Ah, monsieur Woerth !

Mme Annie David. C’est intéressant !

M. Guy Fischer. Mais ce n’est pas élégant !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce « grand ministère » l’intéresse !

Et notre collègue fait cette annonce très étonnante et pas provocatrice pour un sou : une fois la loi votée « un dialogue va s’ouvrir » ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) N’est-ce pas formidable ? Il est vrai que, pour faire acte de candidature, il est bien obligé de trouver du nouveau !

M. Jean-Pierre Fourcade. Quel rapport avec l’amendement ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on sait que, depuis le mois de juin, et même avant, les organisations syndicales demandent avec de plus en plus d’insistance l’ouverture de négociations, si ce n’est pas de la provocation, je n’y comprends plus rien !

Imaginez la réaction de tous ceux qui demandent depuis longtemps à négocier sur un projet juste et qui, tout à coup, entendent M. Longuet expliquer que le texte une fois voté le dialogue aura lieu ! Avec qui ? On ne sait pas. Je laisse les organisations syndicales répondre à cette provocation...

M. Jean-Pierre Fourcade. Mais quel rapport avec l’amendement ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’espère qu’elles le feront et qu’elles ont été très attentives aux propos de M. Longuet, compte tenu de sa candidature à de futures fonctions.

Sur l’article proprement dit (Exclamations sur les travées de lUMP), j’ajouterai seulement une chose.

L’égalité, c’est bien, mais encore faut-il la concrétiser ! Vous la voulez pour tout le monde, travail pénible ou non, que l’on travaille dans une blanchisserie ou dans une boulangerie, que l’on porte ou non des charges et cela quel que soit l’âge auquel on a commencé à travailler !

Mais ce n’est pas vrai pour les femmes. En effet, une dérogation est prévue, mais il faut avoir eu trois enfants et être nées entre 1951 et 1955. Je suis submergée d’appels de femmes qui veulent des explications, celles qui ont bien élevé trois enfants, mais qui ne sont pas nées entre 1951 et 1955. « Qu’ai-je fait au bon Dieu pour ne pas bénéficier de la mesure ? », voilà ce qu’elles se demandent ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme Raymonde Le Texier. Rien ! Elles n’ont rien fait de mal !

M. Guy Fischer. Le bon Dieu n’est pas gentil !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Concrétiser l’égalité, disais-je.

La progressivité de l’impôt, par exemple, est fondée sur le principe d’égalité, puisque, plus on gagne d’argent, plus on doit payer d’impôt. Mais, avec vous, ce principe est de moins en moins vrai, étant donné la façon dont vous l’appliquez. Pourtant, si tout le monde payait le même impôt, ce serait particulièrement injuste !

Pour que nous soyons tous égaux devant la mort, la vie, la santé, la retraite, il faut rétablir une égalité qui, sans correctifs, n’existe pas puisque tout dépend de ce que chacun d’entre nous aura fait tout au long de sa vie !

S’agissant plus particulièrement de cet amendement, je m’attacherai simplement à vous rappeler que vous méconnaissez ce principe ou en tout cas que vous voulez l’ignorer pour ce qui concerne le commerce.

Souvenez-vous de nos débats sur le travail du dimanche : certains ici avaient bien du mal à cacher leur enthousiasme, faisant fi, au passage, de la messe. Sans doute est-ce, entre autres, pour avoir négligé ce devoir des catholiques que M. Sarkozy est allé s’excuser auprès du pape ! (M. le rapporteur proteste.)

Savez-vous à quoi mène, à Paris, votre travail du dimanche ? Avez-vous conscience des conséquences pour les gens en général, les femmes en particulier, les précaires, les salariés qui gagnent à peine le SMIC et même moins à cause du travail à temps partiel qu’on leur impose ? Étant sénatrice de Paris, je vais vous le dire ! (Marques d’impatience sur les travées de lUMP.)

Le directeur général de Carrefour, après trois ans passés à supprimer des postes, à instaurer le travail du dimanche et du soir jusqu’à vingt-deux ou vingt-trois heures dans les différentes enseignes du groupe, part maintenant avec 500 000 euros de retraite.

M. Christian Cointat. Vous l’avez déjà dit !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trois ans de travail pour treize ans de cotisations et 500 000 euros de retraite ! Ce monsieur a certainement de grands mérites, puisqu’il est arrivé aux résultats qui lui avaient été fixés, et vous l’y avez aidé !

Que se passe-t-il maintenant ? Des femmes, déjà obligées d’accepter un temps partiel, n’ont pas d’autre choix que de travailler le dimanche toute la journée – je dis bien toute la journée, vous m’entendez ? – (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.), et le soir jusqu’à vingt-deux heures, sans compter l’heure de transport pour rentrer chez elles, car elles n’habitent pas à côté du supermarché.

Voilà votre conception de l’égalité ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 679.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 680.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 682.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 684.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 685.

M. François Autain. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je vais vous donner lecture d’un texte que vous connaissez certainement.

« ...les assurés qui justifient, dans le régime général et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires, d’une durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l’article L. 351-1 majorée de huit trimestres :

« 1° À cinquante-six ans pour les assurés justifiant d’une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article et ayant débuté leur activité avant l’âge de seize ans ;

« 2° À cinquante-huit ans pour les assurés justifiant d’une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la durée minimale mentionnée au premier alinéa du présent article, minorée de quatre trimestres, et ayant débuté leur activité avant l’âge de seize ans ;

« 3° À cinquante-neuf ans pour les assurés justifiant d’une durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à leur charge au moins égale à la limite fixée en application du deuxième alinéa de l’article L. 351-1 et ayant débuté leur activité avant l’âge de dix-sept ans.

« Art. 351-1-2. - Pour l’appréciation de la durée d’assurance ayant donné lieu à cotisations à la charge de l’assuré visée à l’article D. 351-1-1, sont réputées avoir donné lieu à cotisations :

« 1° Les périodes de service national, à raison d’un trimestre par période d’au moins quatre-vingt-dix jours, consécutifs ou non ;

« 2° Les périodes comptées comme périodes d’assurance en application des 1°, 2° et 5° au titre de l’incapacité temporaire de l’article R. 351-12 ;

« Lorsque la période mentionnée au 1° du présent article couvre deux années civiles, elle peut être affectée à l’une ou l’autre de ces années, la solution la plus favorable étant retenue.

« Les périodes mentionnées au 1° et au 2° du présent article sont retenues respectivement dans la limite de quatre trimestres et sans que le nombre de trimestres ayant donné lieu à cotisations ou réputés tels puisse excéder quatre pour une même année civile. »

Madame la présidente, je constate que le chronomètre vient de passer subitement de cinq minutes à une minute cinquante-quatre, réduisant de fait le temps de parole qui m’était accordé ! Ce n’est pas normal ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG. – Exclamations amusées sur les travées de lUMP.) J’ai déjà beaucoup de difficultés à faire tenir mon intervention dans le temps requis. (Sourires.) Serait-ce une manipulation ? Ce n’est pas la première fois que cela arriverait, d’ailleurs ! (Rires sur les travées de lUMP.)

Mme la présidente. Veuillez poursuivre, mon cher collègue. Vous aurez toute mon indulgence. (Sourires.)

M. François Autain. Je vous remercie, madame la présidente, et je compte sur vous, car je ne peux plus me fier au chronomètre.

Mais je reprends cette lecture, qui semble beaucoup vous intéresser, chers collègues !

« Art. D. 351-1-3. - Pour l’application de la condition de début d’activité mentionnée à l’article D. 351-1-1, sont considérés comme ayant débuté leur activité avant l’âge de seize ou dix-sept ans les assurés justifiant :

« 1° D’une durée d’assurance d’au moins cinq trimestres à la fin de l’année au cours de laquelle est survenu, respectivement, leur seizième ou leur dix-septième anniversaire ;

« 2° S’ils sont nés au cours du quatrième trimestre et ne justifient pas de la durée d’assurance prévue au 1° du présent article, d’une durée d’assurance d’au moins quatre trimestres au titre de l’année au cours de laquelle est survenu, respectivement, leur seizième ou leur dix-septième anniversaire. »

Vous l’aurez reconnu, il s’agit d’un extrait du fameux décret du 30 octobre 2003, qui fut pris en application de la loi portant réforme des retraites, ou loi Fillon, et qui était censé résoudre la question des carrières longues.

Comme vous avez pu le constater tout à l’heure, le décret de 2000 était plus simple et plus favorable et l’avenant à la convention collective des tuiles et briques, plus pertinent. Ce qui fait litière de la prétendue faculté de ce gouvernement, comme des gouvernements qui se sont succédé depuis 2002, à mettre dans le droit ce que d’autres n’y auraient pas mis !

La preuve est clairement faite que le discours gouvernemental sur l’équité et la justice de cette réforme des retraites se résume à un ensemble de reculs sociaux ! Il s’agit en outre d’un tissu de mensonges, puisque, nous en sommes convaincus, votre premier geste, monsieur le secrétaire d’État, sera de borner à 60 ans au lieu de 58 ans l’âge ouvrant droit au dispositif relatif aux carrières longues.

Par conséquent, mes chers collègues, je vous encourage à voter cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 685.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 28 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 686.

Mme Odette Terrade. Le ministre n’a de cesse d’affirmer que l’espérance de vie a augmenté et qu’il est par conséquent logique de partir plus tardivement à la retraite.

Le Gouvernement a-t-il bien conscience que les travaux difficiles influent nécessairement sur l’espérance de vie ? Allonger le temps de travail diminuera donc nécessairement le temps de la retraite. Vous ne pouvez pas prendre prétexte de l’allongement de l’espérance de vie des travailleurs d’un secteur comme l’hôtellerie ou la restauration.

Vous oubliez aussi que l’inégalité devant la maladie et la mortalité s’est accrue. Les dépassements d’honoraires, les déremboursements, plus largement, le renchérissement des soins, font que même les salariés se soignent de moins en moins.

À Paris, où, de fait, les personnels de la restauration et de l’hôtellerie sont nombreux, la majorité des médecins pratiquent des dépassements d’honoraires. Il est évident que, compte tenu des faibles rémunérations que perçoivent la plupart des salariés de ce secteur, ceux qui ne peuvent plus faire face aux dépenses de santé pour eux-mêmes ou pour leur famille sont de plus en plus nombreux.

C’est une réalité que vous ne voulez pas voir. Pis, vous l’encouragez en considérant la santé comme un marché très juteux à confier à des compagnies privées. De loi de financement de la sécurité sociale en loi de financement de la sécurité sociale, vous avancez sans cesse dans ce sens.

Vous avez en revanche considéré que c’étaient les employeurs qui avaient des difficultés et avez baissé la TVA du secteur de la restauration à 5,5 %. Pour quels résultats ? Augmentation du nombre des personnels ? Non ! Augmentation des salaires ? Encore moins ! Baisse des prix pour les consommateurs ? Rien de tout cela ! Bien évidemment, car c’était prévisible.

Je note sur ce point que le Conseil des prélèvements obligatoires vient de proposer de supprimer ce taux réduit dans la restauration, qui coûte chaque année à l’État 3 milliards d'euros, ou, au minimum, de le relever. Encore 3 milliards d'euros de trouvés ! Le Conseil des prélèvements obligatoires en a d’ailleurs trouvé beaucoup plus : en 2010, les niches applicables aux entreprises ont entraîné un manque à gagner de 172 milliards d'euros. De l’argent, il y en a !

La multiplication des conflits dans l’hôtellerie et la restauration, qui ont pourtant bénéficié d’importants allégements fiscaux depuis le 1er juillet 2004, est tristement emblématique de la situation faite aux salariés. Ce secteur reste l’un des derniers de la classe en matière de droits sociaux. L’emploi abusif de la sous-traitance et des contrats précaires participe à cette aggravation des conditions de travail.

Nous refusons pour notre part le recul du départ à la retraite et le non-respect des droits des salariés dans un secteur d’activité dont les mauvaises conditions de travail, les bas salaires, la précarité et la flexibilité font le quotidien.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous demandons de voter avec nous cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 686.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 687.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 692.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 693.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 694.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 696.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 697.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 698.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 701.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 717.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 769.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 887.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 770.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 771.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 772.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 712.

Mme Odette Terrade. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, toutes les études l’attestent, les salariés du bâtiment sont très exposés aux risques professionnels. Ce sont souvent des activités difficiles, impliquant de supporter des charges importantes, de travailler à l’extérieur et de subir des intempéries.

Selon l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail, « au sein du régime général, le secteur du bâtiment et des travaux publics présente le plus haut niveau de risque d’accident. En 2008, le BTP occupe 8,7 % des salariés, mais recense 18,4 % des accidents avec arrêt de travail et 27,2 % des décès. » C’est dire si les chiffres sont alarmants !

Les accidents du travail dans le BTP sont principalement liés à des manutentions – dans 33 % des cas – ou à l’emplacement de travail – accidents de plain-pied, pour 21,8 % des cas et accidents comportant une chute avec dénivellation, pour 17,4 % des cas.

Personne ne peut nier que ces métiers sont pénibles. Pour les salariés concernés, prolonger la durée de cotisation et repousser l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans revient, ni plus ni moins, à accroître les risques. À moins que les employeurs ne décident, comme c’est déjà le cas aujourd’hui, de se séparer des salariés vieillissants, alors même que ceux-ci auront, en raison de leur état de santé dégradé et de la situation du marché du travail pour les salariés de plus de 50 ans, les plus grandes difficultés à trouver un nouvel emploi.

Encore une fois, vous avez fait le choix, monsieur le ministre, d’appliquer une réforme de manière autoritaire, sans vous soucier de sa traduction dans l’économie et dans la vie des gens. Nous demandons un scrutin public sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 712.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 29 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 152
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l’amendement n° 816.

Mme Annie David. Je regrette que M. le ministre n’ait pas eu tout à l’heure la sagesse de suivre l’avis de sagesse de la commission…

Je rappelle que cet amendement reprend l’une des préconisations, adoptée à l’unanimité, de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, en se bornant à prévoir la remise d’un rapport évaluant le coût et les conséquences d’une disposition permettant de déterminer le montant de la pension en fonction des cent meilleurs trimestres, au lieu des vingt-cinq meilleures années, pour les salariés dont la carrière professionnelle a été particulièrement morcelée.

M. le ministre nous a opposé qu’une telle mesure serait compliquée à mettre en œuvre. Si nous avons déposé cet amendement, ce n’est pas par crainte de l’article 40, mais parce que nous voulons savoir si le mode de calcul proposé serait ou non favorable aux salariés concernés.

Vous avez fait référence aux saisonniers, monsieur le ministre. Je suis d’autant moins insensible à leur situation qu’ils sont nombreux dans mon département, hiver comme été. Vos arguments me semblent pertinents ; c’est précisément pourquoi il convient d’établir si notre proposition permettrait d’améliorer les pensions de retraite des personnes concernées, qui sont en majorité des femmes ayant travaillé à temps partiel contre leur gré. Le rapport demandé serait de nature à éclairer tant le législateur que le Gouvernement.

Je regrette donc vivement que le Gouvernement n’ait pas suivi l’avis de sagesse de la commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. Je souhaite insister à mon tour sur l’intérêt de cet amendement, qui est inspiré par la recommandation n° 2 de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Celle-ci considère qu’une définition plus fine des périodes de travail prises en compte pour le calcul du salaire de référence permettrait de réduire les handicaps subis par les personnes, principalement des femmes, dont le parcours professionnel a été fragmenté et qui ont beaucoup travaillé à temps partiel.

La délégation recommandait de déterminer le salaire de référence en prenant en compte les 100 meilleurs trimestres plutôt que les 25 meilleures années.

Faut-il le rappeler, 82 % des 5 millions d’actifs qui travaillent à temps partiel sont des femmes. Il n’est pas étonnant, dans ces conditions, que 43 % seulement des femmes parviennent à valider quarante annuités de cotisation, contre 86 % des hommes ! En 2008, trois femmes sur dix partant à la retraite avaient attendu d’avoir 65 ans afin de ne pas subir de décote. De nombreuses femmes ne perçoivent que le minimum vieillesse, soit 667 euros par mois.

On voit donc bien qu’il faut prendre des mesures en faveur des femmes si l’on veut rétablir l’équité, mot cher au Gouvernement tout au long de ce débat.

Comme ces mesures peuvent coûter cher et que l’on risque de nous opposer l’article 40 si nous demandons d’emblée leur mise en œuvre, nous proposons d’en étudier d’abord les conséquences. Pourquoi ne pas procéder à un tel examen, afin que nous puissions nous prononcer en toute connaissance de cause ? Accepter l’élaboration d’un rapport n’entraîne pas d’engagement financier.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 816.

Je rappelle que la commission s’en est remise à la sagesse du Sénat et que l’avis du Gouvernement est défavorable.

(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n’adopte pas l'amendement.)

Mme Josiane Mathon-Poinat. Certains n’ont pas voté en séance comme ils l’avaient fait au sein de la Délégation aux droits des femmes !

Mme Annie David. La commission des affaires sociales avait émis un avis de sagesse !

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'article 4.

M. Guy Fischer. Au terme de ce long débat, je voudrais souligner que la réforme des retraites repose en fait sur un trépied constitué de l’article 4, qui prévoit un allongement progressivement de la durée de cotisation, de l’article 5, qui repousse à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite, et de l’article 6, qui reporte à 67 ans l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein, sans décote.

Notre groupe est le seul à s’opposer à cet emblématique article 4. Son adoption conduira mécaniquement à repousser l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. C’est pourquoi nous avions déposé un amendement visant à le supprimer.

La question du nombre d’annuités de cotisation induit nécessairement celle du nombre d’années d’activité professionnelle et, en creux, du temps de chômage. Le thème de l’emploi, du plein emploi, est central dans la problématique du financement des retraites. Nous savons déjà que peu de jeunes pourront se prévaloir de quarante annuités de cotisation quand ils auront atteint l’âge de 60 ans.

L’allongement de la durée de cotisation au-delà de quarante annuités annonce, de toute évidence, des retraites au rabais, un effondrement progressif du montant des pensions et du pouvoir d’achat des retraités.

Monsieur le ministre, vous semblez, comme la majorité, incrédule devant la montée de la mobilisation, en particulier des jeunes, déjà nombreux à participer aux manifestations, contre votre projet de réforme des retraites. Les études d’opinion montrent que les jeunes sont les principaux opposants à votre texte.

C’est pourtant bien la réalité : la jeunesse ne veut pas de votre réforme ; les Françaises et les Français, dans leur très grande majorité, la refusent, car ils savent qu’elle les privera d’une vraie retraite.

La grande inquiétude de la jeunesse n’a pas besoin d’être attisée par quiconque ; le fort taux de chômage et l’explosion de la précarité au sein de cette catégorie d’âge suffisent à la nourrir. Rares sont ceux qui travaillent durant les premières années de leur vie d’adulte. Désormais, on entre à 27 ans dans la vie active : c’est l’assurance de n’avoir qu’une retraite très modeste. Votre texte aggrave lourdement cette inquiétude.

Mercredi matin, une dépêche rappelait qu’en Seine-Saint-Denis, le chômage des jeunes de 15 à 24 ans avait flambé de 27,7 % en deux ans. Dans ce département, on dénombre 13 780 jeunes chômeurs ; c’est inacceptable !

Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, il n’est pas possible d’aborder le débat sur l’allongement de la durée de cotisation sans prendre en compte la réalité du chômage dans notre pays.

C’est la raison pour laquelle nous demandons un vote par scrutin public sur cet article, dont l’adoption concourra à une régression sans précédent qui touchera inexorablement tous nos compatriotes. Votre réforme est brutale, injuste, inefficace. Nous rappelons notre attachement à la retraite pour toutes et tous à 60 ans, avec quarante annuités de cotisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. François Autain. Bravo ! Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Comme nous le verrons lors de l’examen des articles concernant la fonction publique, les mesures d’âge constituent le pivot, en matière de financement, de cette réforme des retraites, qui vise surtout à mettre à la réforme le droit à la retraite…

Il s’agit pourtant d’un droit constitutionnel, inscrit en toutes lettres dans ce Préambule de la Constitution de 1946 qui chagrine tant les libéraux.

Certes, on peut toujours dire que l’on va, de manière assez symbolique, supprimer le bouclier fiscal, relever d’un point la taxation des plus-values ou celle des revenus obligataires, mais c’est bel et bien le monde du travail qui sera le plus directement sollicité pour financer ce recul social que constitue le report à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite et dont l’article 4 est l’instrument indispensable.

Relever de deux années la durée de cotisation, c’est rendre quasiment impossible, pour n’importe quel jeune salarié entrant dans la vie active aujourd’hui, de faire valoir, sauf adoption de dispositions législatives contraires dans l’avenir, un quelconque droit à la retraite à 60 ans.

En effet, la majorité des jeunes entrant sur le marché du travail vers 23 ans – ce n’est pas le cas, évidemment, de ceux qui suivent un long cursus universitaire –, un calcul simple fait apparaître que l’âge moyen de départ à la retraite, avec 41,5 annuités de cotisation, sera de 64,5 ans.

En matière de financement, la réforme est donc, en grande partie, fondée sur un allongement de la durée de cotisation et un raccourcissement subséquent de la durée de la retraite. En clair, chaque année de cotisation vaudra moins au regard de la retraite : la retraite se « dévalue », en quelque sorte, et l’équilibre d’une partie de la réforme repose sur une forme de spéculation sur la mort des assurés.

Il faut nettement établir les conséquences de l’application du dispositif de l’article 4 en termes de recettes et de dépenses de retraites.

Si vous demandez à 3 millions de smicards de cotiser ne serait-ce qu’une année de plus, cela revient à accroître de 2,5 milliards d’euros leur contribution au financement de l’assurance vieillesse. En effet, ce n’est pas simplement un symbolique point de taxation de plus pour eux, c’est bel et bien, chaque mois, 6,55 % de prélèvements supplémentaires !

Leur employeur, en revanche, n’a pas de souci à se faire, puisque les cotisations sociales, à ce niveau de salaire, sont financées par l’impôt ! M. Fourcade appelait à ne pas recourir davantage à la fiscalité, or en l’occurrence l’impôt supplée les cotisations patronales.

Je ne sais d’ailleurs pas si le Gouvernement a envisagé les conséquences de la prolongation obligée de carrière pour les salariés percevant un salaire inférieur à 1,6 SMIC, ce qui est le plafond pour bénéficier des exonérations de cotisations sociales, mais je crois savoir que cela grèvera le budget de l’État ! Peut-être M. le ministre pourra-t-il nous préciser tout à l’heure le coût d’un tel surcroît d’exonérations.

Quoi qu’il en soit, les smicards apporteront 2,5 milliards d’euros de ressources complémentaires à la sécurité sociale, tandis que la contribution de la poignée de privilégiés qui verront leurs plus-values taxées à 19 %, au lieu de 18 % aujourd’hui, s’accroîtra, de manière sans doute temporaire, de 180 millions d’euros. La recette est connue : un cheval, une alouette !

Le schéma peut évidemment être repris pour l’ensemble des salariés : qu’ils travaillent à temps partiel ou à temps complet, qu’ils soient ouvriers, ingénieurs, cadres ou techniciens, tous seront mis à contribution par la force des choses, puisque tous seront « autorisés » à cotiser deux années de plus.

Cette réforme, qui porte clairement atteinte aux acquis et aux droits du monde du travail, sera donc payée par le monde du travail lui-même, dont les représentants ont été snobés par un Gouvernement au service des marchés financiers, un Gouvernement devenu la force supplétive du patronat et qui tente, aujourd’hui encore, d’imposer sa loi aux représentants du peuple et de la nation.

Honte à tous ceux qui, soit en approuvant l’augmentation du nombre d’annuités, soit en s’abstenant, auront consenti à un tel recul ! Notre fierté sera d’avoir refusé ce retour en arrière !

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.

Mme Odette Terrade. L’examen de l’article 4 a montré, preuves à l’appui, que la situation des salariés d’un grand nombre de branches professionnelles allait se dégrader profondément.

Nous sommes en effet en présence d’un projet de loi élaboré sans véritable consultation des organisations syndicales représentatives des salariés, sans prise en compte des attentes et des aspirations du monde du travail. Cette réforme est donc clairement imposée aux partenaires sociaux, et singulièrement à la partie ouvrière.

En revanche, la partie patronale n’a pas de souci à se faire : ses désirs ont été pris en compte et traduits dans le projet de loi au travers des différents articles, tant dans le texte initial que dans ceux résultant des travaux des commissions compétentes des deux assemblées.

Mais des difficultés se présentent, notamment du point de vue du dialogue social. Sur ce plan, on peut gloser à l’infini, comme le font l’Élysée et son conseiller social, lequel, nous apprend la presse, vient de fêter ses 70 ans. Sans doute est-ce là l’âge de départ à la retraite qu’il voudrait voir imposer à tous les salariés ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Concernant le dialogue social, nous retenons de ce texte que l’ensemble des dispositions conventionnelles, fruits de la négociation collective, relatives à la pénibilité du travail, à la prise en compte de celle-ci quant au droit à la retraite, à l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, à l’organisation même de chaque secteur d’activité, sont directement remises en cause aujourd’hui !

C’est en effet un nouveau round de négociations collectives que l’on va imposer aux partenaires sociaux, pour les inviter non pas à promouvoir les intérêts matériels et moraux des salariés, mais à négocier l’aménagement des reculs imposés au travers de ce texte. Il s’agira, en d’autres termes, de mettre en œuvre le véritable marché de dupes que constitue la réforme.

Nous avons montré, au cours de la discussion de l’article 4, que l’allongement de la durée de cotisation allait, sans coup férir, priver un nombre croissant de salariés du bénéfice d’une retraite complète. La décote ne fera que s’aggraver. Il en ira du dispositif de l’article 4 comme de l’ensemble des mesures à glissement progressif que nous avons connus dans ce pays. Ainsi, les collectivités territoriales avaient été sollicitées dès 1985 pour participer au financement de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. Leur contribution s’est ensuite progressivement alourdie, au point qu’elle a induit à elle seule une hausse des impôts locaux. Rappelons à cet égard que la CNRACL elle-même, saignée par les ponctions dues à la surcompensation, s’est trouvée à son tour quasiment en cessation de paiement !

Le problème de ce type de dispositifs à glissement progressif, c’est que, loin de procurer du plaisir (Sourires), ils s’apparentent plutôt à un supplice chinois, menant lentement mais sûrement à la douleur. En d’autres termes, plus le temps passe, et plus le mécanisme joue, emportant les droits acquis, les garanties en vigueur dans le monde du travail.

Vous avez ainsi prévu que le passage à 41,5 annuités de cotisation s’étendrait sur trois ans, que le relèvement de la contribution des fonctionnaires au compte spécial de pensions, au demeurant fondé sur des allégations trompeuses, serait étalé sur dix ans et que les régimes spéciaux seraient progressivement remis en cause, pour faire suite à la suppression du dispositif spécifique des carrières dites actives.

Parce que, dans tous les cas, les reculs imposés au monde du travail, quel que soit le statut des salariés, seront financés par le monde du travail, parce que permettre à tous de travailler et de vivre mieux relève d’un choix de société, nous voterons contre cet article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.

Mme Raymonde Le Texier. Le groupe socialiste n’est pas opposé à ce que l’allongement de la durée de cotisation soit un des leviers utilisés dans le cadre d’une réforme globale. Une telle mesure est même plus juste que le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, car elle tient compte de l’âge d’entrée dans le monde du travail.

Malheureusement, ce projet de loi, en liant augmentation de la durée de cotisation et relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, prive la démarche de toute équité, notamment pour les salariés qui auront effectué des carrières longues. Non seulement ceux-ci cotiseront plus longtemps, mais ils cotiseront plusieurs années à perte : un salarié ayant commencé sa carrière à 18 ans devra ainsi cotiser quarante-quatre ans avant de pouvoir prendre sa retraite.

L’allongement de la durée de cotisation, donc la prolongation de l’activité, suscite des questions très concrètes pour notre société : comment tenir compte des cycles de la vie dans l’évolution professionnelle ? Quelle place donner à la transmission et à la formation au sein de l’entreprise ? Comment diversifier les parcours et les carrières pour que, à tout âge, des perspectives s’offrent aux salariés ?

D’autres pays, la Finlande notamment, ont mené toute leur réforme des retraites en mettant en place une vraie politique de maintien des seniors dans l’emploi. Force est de reconnaître que, avec le présent texte, nous en sommes loin…

Augmenter la durée de cotisation, c’est aussi regarder en face les difficultés que rencontrent les jeunes pour entrer sur le marché de l’emploi.

Dans un monde du travail peu accueillant pour les jeunes, les femmes, les seniors, l’augmentation de la durée de cotisation revient à miser cyniquement sur la multiplication des carrières incomplètes, afin de décharger l’État de sa mission de solidarité.

Par ailleurs, le fait que l’espérance de vie, plus particulièrement l’espérance de vie en bonne santé, s’allonge rend légitime une réflexion sur la répartition de ce temps gagné entre activité professionnelle et temps pour soi ou pour les autres. Or quand vous déclarez arbitrairement que les deux tiers de ce surcroît de temps doivent être consacrés au travail, nous nous interrogeons sur le modèle de société que vous promouvez.

Vous laissez de côté tous les services rendus par les jeunes retraités à leur famille et à l’ensemble de notre société : de la garde d’enfants aux aides financières, de l’investissement dans le monde associatif au bénévolat, les jeunes retraités jouent un rôle très important.

Le temps pour soi n’est pas un temps inutile, perdu ou volé ; il est un espace de liberté, indissociable de la condition humaine dans ce qu’elle a de plus particulier. Une répartition à parts égales du temps gagné nous paraît plus juste et plus appropriée.

Enfin, si l’espérance de vie en bonne santé augmente, le moins que l’on puisse dire, c’est que les inégalités d’espérance de vie en fonction des métiers ne diminuent pas. La différence est de sept ans entre un cadre et un ouvrier : voilà un chiffre terrible. Vous ne lui accordez pourtant aucune attention. Rien n’est fait pour pondérer l’allongement de la durée de cotisation afin de prendre en compte ce type d’injustice. Vous savez bien que vos mesures consistant à transformer la pénibilité en invalidité visent surtout, comme d’habitude, à réduire le nombre d’ayants droit.

Faire des économies aux dépens des plus fragiles, telle est votre méthode. C’est ce qui rend votre projet de loi injuste, et l’article 4 participe de l’édifice que vous bâtissez. Voilà pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les sénatrices et sénateurs écologistes voteront contre cet article prévoyant un accroissement progressif du nombre d’annuités de cotisation.

M. le ministre a déclaré que l’opposition avait des propositions, mais pas de projet.

Sans doute me jugerez-vous utopique,…

Mme Isabelle Debré. Pas du tout ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Jean Desessard. … mais l’utopie est souvent la réalité future, l’avenir n’étant pas la continuation du présent.

Lorsque l’on prépare l’avenir, il faut donc être utopique, car le présent ne se perpétue pas, sauf à virer au cauchemar : conflits sociaux, catastrophes écologiques… Par conséquent, nous devons aujourd’hui élaborer un autre logiciel.

Les écologistes, dont les analyses seront, je l’espère, de plus en plus partagées dans notre assemblée à l’avenir, prônent la préservation des ressources, la limitation de la pollution, donc un autre système de production et d’autres modes de consommation.

M. Alain Gournac. Vive les Verts !

M. Jean Desessard. Absolument.

Nous donnons la primauté au développement d’activités favorisant l’échange social sur la production de biens industriels. Tel est le projet écologique.

Changer le système de production et les modes de consommation va à l’encontre de votre idée-force, qui est de s’inscrire dans la compétition économique internationale actuelle, en travaillant toujours plus. Dans cette optique, il faut aussi abaisser le coût du travail pour l’adapter à la réalité économique mondiale, réduire la fiscalité pour attirer les capitaux, lesquels serviront d’ailleurs à acheter des entreprises pour les délocaliser ensuite Nous sommes fortement opposés à cette logique de compétition économique à l’échelle mondiale.

Pour notre part, nous souhaitons au contraire, en tant qu’écologistes, l’instauration d’une coopération économique à l’échelle mondiale, d’une cohésion sociale et d’une harmonisation fiscale. Nos projets sont bien différents !

Nous appelons de nos vœux une autre répartition des richesses, un renforcement des services publics et un plus grand respect de l’environnement.

En attendant que tout cela se mette en place à l’échelon mondial, que ferons-nous ? Nous maintiendrons le système social français, qui a fait ses preuves. Il peut servir de modèle aux autres pays.

Les Verts sont présents dans tous les pays ! L’utopie, qui est la réalité de demain, consiste à garantir des avantages sociaux et une meilleure qualité de vie, partout dans le monde.

Monsieur le ministre, votre projet est d’adapter la réalité sociale et économique de notre pays à la compétition internationale brutale. Mais d’autres voies existent, menant à la construction, à l’échelle mondiale, d’une coopération sociale, dans le respect de l’environnement. Oui, monsieur le ministre, nos projets sont fondamentalement différents, y compris en matière de financement des retraites. « Travailler toujours plus » n’est pas le mot d’ordre écologique pour la société de demain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Comme Mme Le Texier vient de l’indiquer, nous voterons sans hésitation contre cet article, dont le dispositif participe d’une logique consistant à ne faire supporter qu’aux seuls salariés le financement de nos retraites.

Comme d’habitude, M. le ministre a adopté une posture polémique et s’est moqué de nos propositions, après avoir d’abord nié leur existence. Certes, un allongement de la durée de cotisation peut bien entendu être envisagé, mais nous entendons mettre à contribution les revenus du capital, afin que l’effort soit équitablement partagé. Or votre réforme est injuste, car elle ne sollicite pas le capital.

M. Jean-Pierre Fourcade. C’est faux !

M. David Assouline. En outre, elle cumule réunit un recul de l’âge légal de départ à la retraite et un allongement de la durée de cotisation. Ce sont donc toujours les mêmes qui doivent payer ! Dans ces conditions, votre projet d’allongement de la durée de cotisation est parfaitement inadmissible.

Les socialistes, qui forment un parti de gouvernement,…

Mme Isabelle Debré. En êtes-vous bien sûr ?...

M. David Assouline. … ont soumis au débat public un projet de réforme chiffré avant même que le Gouvernement n’ait présenté le sien ! Cela mérite tout de même d’être salué, car je n’ai jamais vu la droite, quand elle était dans l’opposition, s’opposer à nos propositions autrement que par la simple contestation. Jamais elle n’a alors formulé de projets constructifs !

Dans cette enceinte, que vous dominez depuis trop longtemps (Exclamations ironiques sur les travées de lUMP), vous avez au contraire pratiqué une obstruction absolue. Le Sénat était le lieu où vous pouviez retarder, sinon empêcher, des réformes voulues par la gauche.

M. Josselin de Rohan. Et vous, que faites-vous ?

M. David Assouline. Je le dis parce que nous recevons de nombreuses leçons sur ce point. Bientôt, lorsque vous serez minoritaires dans le pays et peut-être même dans cette assemblée,…

M. Alain Gournac. Ce n’est pas pour demain !

M. David Assouline. … j’espère que vous vous souviendrez de la façon dont nous nous opposons aujourd’hui à votre projet de réforme : en formulant des critiques, certes, mais aussi des propositions. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Josselin de Rohan. Vous ne proposez rien !

M. Alain Gournac. Rien du tout !

M. David Assouline. Une augmentation des cotisations doit être envisagée, du fait du vieillissement de la population et de la prolongation de l’espérance de vie, mais l’effort doit être équitablement réparti : à cet égard, votre projet de réforme est parfaitement inadmissible !

M. Josselin de Rohan. Vous ne proposez rien ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Une sénatrice du groupe socialiste. Continuez de dormir et de voter comme on vous demande de le faire !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. Ce débat nous donne l’occasion de clarifier quelques points.

Tout d’abord, nous voulons réaffirmer combien nous sommes attachés au maintien de l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans. C’est un seuil protecteur pour celles et ceux qui ont eu les carrières les plus difficiles et ont commencé à travailler tôt.

L’espérance de vie à la naissance a augmenté, et c’est une bonne chose. Nous gagnons chaque année environ trois mois d’espérance de vie. L’exposé des motifs du projet de loi rappelle que celle-ci s’est accrue de 6,3 ans depuis 1982. Cela est vrai, mais quand la retraite à 60 ans a été instaurée, la durée de cotisation était de 150 trimestres. Or, elle est passée depuis à 162 trimestres. Sur 6,3 années de vie gagnées, trois ont donc déjà été données au temps travaillé.

En raisonnant autrement, nous pourrions dire que, depuis 1982, l’espérance de vie à 60 ans a augmenté de deux ans. Par conséquent, depuis lors, les salariés ont donné plus de temps au travail qu’ils n’ont gagné en espérance de vie à 60 ans.

Or, le seul argument que vous utilisez pour justifier l’allongement de la durée de cotisation que vous proposez est la progression de l’espérance de vie. Mais l’espérance de vie en bonne santé est un critère plus important quand il s’agit de prolonger le temps d’activité professionnelle.

M. Yves Daudigny. Faut-il rappeler que l’espérance de vie en bonne santé est de 59 ans pour un ouvrier, contre 69 ans pour un cadre ? La différence n’est pas mince…

Nous sommes responsables : dès lors que l’espérance de vie s’allonge, et plus particulièrement l’espérance de vie en bonne santé, nous pensons qu’il est normal qu’une partie du temps ainsi gagné soit consacrée à l’activité professionnelle. Mais, depuis 2003, vous avez fait le choix d’allouer les deux tiers de ce temps au travail, et un tiers seulement à la retraite. Cela nous paraît être un choix sévère pour les Françaises et les Français, car pouvoir disposer de temps pour soi, pour les activités associatives, pour sa famille ou pour des projets personnels est aussi une conquête sociale.

C’est la raison pour laquelle il nous semblerait plus juste de partager le temps de vie gagné à parité entre le travail et la retraite.

Pour nous, l’allongement de la durée de cotisation ne peut s’inscrire que dans une démarche qui prenne en compte la diversité des parcours professionnels. C’est précisément sur ce point que nos positions et les vôtres divergent complètement.

Que faites-vous de la diversité des parcours professionnels ? Êtes-vous d’accord pour prendre en compte la pénibilité ? La réponse est clairement négative, comme l’indique votre projet de loi !

Or la question n’est pas de savoir si l’on fixe une durée de cotisation identique pour tout le monde, gravée à jamais dans le marbre ; il s’agit de réfléchir au moyen de tenir compte des différences en termes non seulement de parcours professionnel et de pénibilité, mais également d’aspirations individuelles.

Pour les années d’études, nous préconisons toute une série de mesures permettant d’aboutir à une modulation de la durée cotisée, comme le paiement d’une surcotisation lors du premier emploi. Il n’est pas supportable que les étudiants entrent dans la vie active sans avoir de perspectives claires de sortie.

La vraie question est la suivante : comment intégrer dans la détermination des conditions de départ à la retraite la réalité des conditions de travail ?

Contrairement à ce que vous affirmez, nous ne proposons pas un mécanisme plus avantageux pour certains que pour d’autres. Nous préconisons un système de protection fondamentale des salariés les plus modestes et les plus exposés. Je répète ce que nous avons affirmé lors de l’examen de l’article 5 : il n’est pas question pour nous de toucher à l’âge légal de départ à la retraite, car le seuil de 60 ans représente la meilleure protection pour les salariés ayant commencé à travailler jeunes. Cette protection doit être réaffirmée, consolidée, renforcée, grâce à la prise en compte de la pénibilité et à l’instauration d’un dispositif d’accompagnement des étudiants, toutes dispositions qui ne figurent pas dans votre texte.

Nous proposons une liberté de choix, vous imposez vos mesures ! En procédant ainsi, vous sanctionnez les plus modestes et les plus fragiles.

M. Alain Gournac. Pas du tout !

M. Yves Daudigny. Pour toutes ces raisons, et parce qu’il forme avec les articles 5 et 6 le socle de votre projet de loi, nous voterons sans ambiguïté contre l’article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela ne surprendra personne, le groupe UMP votera l’article 4. À cet instant, je voudrais formuler quelques observations.

Premièrement, si nous ne faisons rien, nous serons confrontés, en 2020, à un déficit de 45 milliards d’euros. Par esprit de responsabilité, nous devons trouver les moyens de le résorber !

Deuxièmement, l’un de ces moyens, même si ce n’est pas le seul, est la taxation des revenus du capital, à hauteur de 4,7 milliards d’euros, comme l’indique l’excellent rapport de M. Leclerc.

M. David Assouline. Ce n’est rien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Nous ne nous refusons donc pas à prendre une telle mesure, contrairement à ce qui a pu être dit. Ce montant représente tout de même 10 % du déficit prévu ! Par conséquent, cessez de prétendre, comme vous le faites à longueur de séance, que nous n’avons prévu aucune recette fiscale !

Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas suffisant !

Mme Annie David. Nous avons toujours dit que cela représentait 10 % !

M. Jean-Pierre Fourcade. Cela étant, la fiscalité ne saurait permettre de combler la totalité du déficit. Nous sommes donc obligés de reporter les seuils d’âge de 60 à 62 ans pour le départ à la retraite, et de 65 à 67 ans pour le bénéfice du taux plein.

M. David Assouline. Cela suffira-t-il ?

M. Jean-Pierre Fourcade. Troisièmement, j’observe qu’il existe des divergences entre le groupe CRC-SPG et le groupe socialiste.

M. David Assouline. La gauche est plurielle !

M. Jean-Pierre Fourcade. Une première divergence porte sur l’application d’une décote pour un départ à la retraite à 60 ans. Nos collègues du groupe CRC-SPG s’y opposent, mais annuler la décote a un coût.

Nos collègues socialistes, pour leur part, acceptent le principe d’une décote, même s’ils ne sont pas d’accord avec nous sur les modalités d’organisation du dispositif, en termes notamment de prise en compte de la pénibilité ou d’intégration du régime de la fonction publique et des régimes spéciaux, comme nous le verrons ultérieurement.

Une deuxième divergence entre les groupes de l’opposition, plus importante encore, porte sur la durée de cotisation : les uns souhaitent la maintenir à 40 annuités, les autres acceptent une évolution afin de tenir compte de l’évolution démographique.

Si l’opposition est unanime pour contester le projet de loi, elle ne l’est donc pas sur les mesures à prendre ! Il me semblerait important, monsieur le ministre, que nous puissions disposer d’éléments chiffrés sur ces différentes approches.

Tous ceux qui suivent nos débats doivent savoir que, quant à nous, nous avons la volonté de résorber le déficit en faisant appel à l’ensemble des moyens à notre disposition,...

M. David Assouline. Cette réforme n’est pas financée ! Vous aurez 15 milliards de déficit par an !

M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne vous ai pas interrompu tout à l’heure, monsieur Assouline, alors laissez-moi parler ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. Les solutions sont de notre côté ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas convaincant !

Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l’article.

Mme Christiane Demontès. Je n’avais pas prévu de prendre la parole à cet instant, mais je ne peux pas laisser sans réponse les propos de M. Fourcade ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Oui, il existe des divergences au sein de la gauche. Il n’est pas dans nos habitudes de manier le couperet en cas de désaccord : nous recherchons des compromis.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, le fait que vous ne cessiez de critiquer nos propositions prouve bien que nous en avons !

Mme Christiane Demontès. Pour nous, la retraite à 60 ans, c’est le choix offert à tous de continuer ou non à travailler. En effet, il y a toujours eu des différences en termes de parcours professionnels et de conditions de travail, et il y en aura toujours ! Certains commencent à travailler tôt, dès 18 ans, quand d’autres poursuivent leurs études. Certains, à 60 ans, sont fatigués, usés et ne peuvent plus « arquer », comme disait Pierre Mauroy ; d’autres, au même âge, ont envie de continuer à exercer une profession intéressante. C’est la réalité d’aujourd’hui ; pourquoi ne serait-ce pas celle de demain ?

Oui, nous sommes pour la retraite à 60 ans. Nous souhaitons que chacun ait la possibilité de choisir.

Oui, nous l’avons dit et nous le répétons, nous sommes favorables à l’allongement de la durée de cotisation, mais pas pour tout le monde dans les mêmes conditions : il faut tenir compte d’un certain nombre d’éléments, comme la pénibilité ou les carrières longues.

Telle est la position du groupe socialiste ! S’il est vrai que nous divergeons, sur certains points, avec nos collègues du groupe CRC-SPG, nous parvenons néanmoins à trouver des compromis. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fourcade, si nous voulions équilibrer le système des retraites par le biais de la décote, il faudrait réduire toutes les pensions, et pas seulement celles des nouveaux retraités, de 15 % à l’horizon 2018.

Mme Christiane Demontès. Vous l’avez déjà dit, monsieur Woerth !

M. Éric Woerth, ministre. Madame la sénatrice, je ne compte pas le nombre de fois où vous vous répétez ! Permettez donc au Gouvernement de faire de même de temps en temps…

J’ai le sentiment que nous sommes en train d’emporter votre conviction, et que nous allons finir par converger sur certains points. Du moins, laissez-moi rêver un peu !

Une telle réduction de 15 % du volume des pensions des Français serait, selon nous, tout à fait inadmissible, et le Gouvernement ne souhaite évidemment pas s’engager dans cette voie.

Le parti socialiste adore que l’on dise qu’il a un projet, tant il est peu sûr de lui. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. Vous ne parlez pas comme un ministre !

M. Éric Woerth, ministre. Cessez de nous agresser sans arrêt ! Vous nous coupez sans cesse la parole, puis vous nous reprochez de ne pas dialoguer ! Écoutez-moi, avant de vous prononcer !

M. David Assouline. C’est vous qui nous agressez !

M. Éric Woerth, ministre. Certes, le parti socialiste a des propositions, mais elles ne forment pas un projet. Si je les combats, comme j’en ai le droit, notamment en matière de recettes, c’est parce qu’elles ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne permettront pas de financer le système des retraites, faute d’apporter, de façon certaine et solide, le volume de recettes nécessaire. Vous me reprochez de ne pas vous répondre, mais j’ai pourtant tenté, par deux fois, de vous le démontrer !

M. David Assouline. Nous reviendrons sur les 15 milliards de déficit !

M. Éric Woerth, ministre. Nous faisons ce que nous devons faire, c’est-à-dire réformer le système des retraites. Vos propositions, en revanche, ne constituent en aucun cas un projet de réforme.

Enfin, vous défendez la retraite à 60 ans, en la présentant comme le droit à une retraite à la carte. Mais qu’entendez-vous par là ? Est-ce le droit de partir à la retraite avec des pensions toujours plus faibles ? Est-ce cela, le programme des sénateurs socialistes ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) En vérité, vous n’osez pas dire la vérité aux Français ! Vous avez tellement peur de prendre vous responsabilités et de leur annoncer qu’il faudra un jour ou l’autre relever l’âge de la retraite, comme l’avait admis Mme Aubry au mois de janvier avant de revenir immédiatement sur ses propos !

Si l’on maintient à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite, la décote sera très forte, il faut le dire ! Nous ne voulons pas tromper les Français. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Nous ne voulons pas d’une société où les retraités devraient se contenter d’une pension toujours plus faible : ce serait la pire des choses sur le plan social. C’est peut-être le modèle que vous préconisez, mais ce n’est pas le nôtre ! (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 4.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, il convient d’effectuer un pointage. À cette fin, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Voici le résultat du scrutin n° 30 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l’adoption 155
Contre 181

Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Restons modestes, mes chers collègues ! (Sourires.)

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Madame la présidente, le résultat de ce scrutin est dû à une erreur matérielle lors du vote.

Mme Isabelle Debré. L’erreur est humaine !

M. Éric Woerth, ministre. Bien évidemment, le Gouvernement demandera en temps et en heure une seconde délibération sur l’article 4.

Article 4
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Article 5

Articles additionnels après l’article 4 (réservés)

Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Titre II (suite)

DISPOSITIONS APPLICABLES A L’ENSEMBLE DES RÉGIMES

Chapitre Ier (suite)

Âge d’ouverture du droit

Articles additionnels après l’article 4 (réservés)
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Articles additionnels après l’article 5 (réservés)

Article 5

Mme la présidente. Je rappelle que l’article 5 a déjà été examiné par priorité.

Article 5
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Article 5 bis

Articles additionnels après l’article 5 (réservés)

Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l’article 5 (réservés)
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Article 6

Article 5 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. L'article 5 bis a été supprimé, mais, par l’amendement n° 888, M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, proposent de le rétablir dans la rédaction suivante :

L'article L. 421-9 du code de l'aviation civile est ainsi rédigé :

Le personnel navigant de l'aéronautique civile de la section A du registre prévu à l'article L. 421-3 ne peut exercer aucune activité en qualité de pilote ou de copilote dans le transport aérien public au-delà de l'âge de soixante ans. Toutefois, le contrat de travail du navigant n'est pas rompu du seul fait que cette limite d'âge est atteinte, sauf impossibilité pour l'entreprise de proposer un reclassement dans un emploi au sol.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. À l’occasion de l’examen par le Sénat du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, nous avions eu avec votre prédécesseur, monsieur le ministre, un débat de grande qualité sur la carrière des pilotes de ligne et des personnels navigants.

Le Gouvernement avait fait le choix de repousser à 65 ans l’âge limite pour l’exercice de la profession de pilote dans le secteur du transport aérien. Nous nous étions alors opposés à cette mesure, considérant déjà qu’elle participait d’un long et minutieux processus d’allongement de la durée de cotisation. D’une certaine manière, nous anticipions le débat sur la pénibilité que nous aurons bientôt.

Plusieurs études scientifiques attestent de la nocivité, pour l’organisme humain, d’une exposition prolongée et répétée aux vibrations et aux radiations cosmiques. Selon une étude commanditée par Santé Canada, c’est-à-dire par le ministère fédéral canadien de la santé, le rayonnement cosmique est cent fois plus fort aux altitudes de vol qu’au sol et cette exposition accroît, en particulier, le risque de survenue d’un cancer, dans une mesure certes modeste, mais réelle. En outre, à ce jour, personne ne peut préciser quelles sont les conséquences sur l’organisme de l’exposition aux vibrations.

Se voulant rassurant, votre prédécesseur s’était engagé à entamer des concertations sur ce point avec les organisations syndicales dès 2009, en vue notamment de déterminer le cahier des charges des études médicales et scientifiques, seules à même d’établir les conséquences du report à 65 ans de la limite d’âge pour l’exercice de la profession de pilote. Or les syndicats nous ont alertés sur le fait que, contrairement à la parole donnée, aucune concertation ni aucune étude scientifique n’ont été engagées.

Actuellement, les compagnies aériennes font donc travailler leurs pilotes au-delà de 60 ans sans avoir aucune certitude sur l’absence de risques d’une telle situation. Je reconnais que notre amendement est un peu éloigné de l’article 5 bis initial, mais nous entendons nous opposer à la généralisation de cet état de choses… (M. François Autain applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. M. Fischer souhaite revenir sur des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale de 2009 qui ont permis le maintien en activité de pilotes au-delà de 60 ans dans le cas de vols comportant plusieurs pilotes. À ce jour, aucun élément nouveau ne le permet. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. La population de la circonscription qui était la mienne lorsque j’étais député comptait de nombreuses personnes appartenant au personnel navigant, notamment commercial. J’ai eu très souvent l’occasion d’échanger avec ces professionnels, qui m’ont fait part des difficultés inextricables que pouvait susciter un départ à la retraite contraint. En particulier, certaines hôtesses se trouvaient dans l’obligation de trouver une autre profession, du fait d’une séparation.

À cet égard, j’ai été sensible aux arguments développés hier avec finesse par Mme André concernant la situation des femmes confrontées à une telle situation. Je suis assez surpris que l’on puisse à la fois demander, à juste titre, au Gouvernement de faire preuve d’empathie à l’égard de ces personnes et vouloir revenir sur la possibilité offerte à certains professionnels de poursuivre leur activité au-delà de l’âge légal de départ à la retraite.

Il me semble que cette attitude manichéenne est contradictoire avec les positions que vous-mêmes défendez depuis longtemps.

Fidèle à mes convictions, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous estimons nécessaire de prendre également en compte l’intérêt des usagers des transports aériens en matière de sécurité. Cette dimension est particulièrement importante dans le domaine de l’aéronautique. Pour cette raison, nous proposons que le métier de pilote ou de copilote ne puisse être exercé au-delà de l’âge de 60 ans, sans toutefois imposer la mise à la retraite de ces personnels. En 2009, le Gouvernement avait pris l’engagement d’ouvrir des négociations sur ce point.

Monsieur le secrétaire d'État, nous avons également été sollicités par des professionnels de ce secteur. Certains souhaitaient effectivement pouvoir continuer à exercer leur métier au-delà de 60 ans, mais le cas inverse était beaucoup plus fréquent.

Nous demandons non pas que ces professionnels soient mis d’office à la retraite à 60 ans, mais qu’ils cessent alors d’appartenir au personnel navigant et soient, le cas échéant, reclassés dans un emploi au sol. Il est en effet important de prendre en compte la sécurité des passagers. L’exercice jusqu’à un âge trop avancé de telles professions peut avoir de lourdes conséquences.

Il en va de même, nous semble-t-il, pour quantité d’autres métiers, dont l’exercice tardif serait néfaste à la fois pour le professionnel et pour le public. Je pense notamment à ceux d’enseignant ou de médecin.

Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu vos arguments, mais il importe d’ouvrir les négociations que j’évoquais, conformément au souhait des personnels concernés. Notre amendement est principalement un amendement d’appel.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 888.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 31 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 153
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 5 bis
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Articles additionnels après l'article 6 (réservés)

Article 6

Mme la présidente. Je rappelle que l’article 6 a déjà été examiné par priorité.

Article 6
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Article 6 bis

Articles additionnels après l'article 6 (réservés)

Mme la présidente. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l'article 6 (réservés)
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Article 7

Article 6 bis

(Supprimé)

Mme la présidente. Je rappelle que l’article 6 bis a été supprimé.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Il n’est pas courant d’intervenir sur un article qui a été supprimé, mais à situation particulière, attitude particulière !

Il y a deux poids, deux mesures. En effet, l’article 6 bis, qui résultait de l’adoption d’un amendement par l’Assemblée nationale, avait pour objet, selon le président du Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs, le SNMKR, d’allonger de deux années l’exercice libéral de la profession de masseur-kinésithérapeute.

Le groupe CRC-SPG étant opposé au financement de cette réforme des retraites par le biais des seules mesures d’âge, nous avions décidé de présenter en séance un amendement de suppression de cet article. Cette démarche est devenue inutile, puisque la commission des affaires sociales a adopté un amendement de suppression déposé par un sénateur de la majorité sénatoriale, M. Bruno Gilles.

Compte tenu de la position que nous avions décidé d’adopter sur l’article 6 bis, nous ne pouvons que nous féliciter de cette suppression. Toutefois, nous regrettons que nos collègues siégeant sur les travées de droite de cet hémicycle aient l’indignation sélective.

En effet, soit ils sont opposés à ce que l’on repousse de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, auquel cas ils devraient avec nous, soit ils considèrent qu’un tel report n’est pas dramatique, et alors rien ne justifie qu’ils accordent aux médecins et aux auxiliaires médicaux libéraux un avantage important, en les exonérant de l’effort collectif qu’ils demandent, que dis-je, qu’ils imposent à tous les Français !

M. Guy Fischer. Mes chers collègues, votre attitude donne l’impression que, à vos yeux, il y a des catégories professionnelles auxquelles il faudrait, pour des raisons mystérieuses – j’y viendrai –, appliquer des règles dérogatoires, les exonérant des efforts exigés de toutes les autres.

Peut-être me direz-vous, reprenant l’argumentation du président du SNMKR, qu’il n’est pas souhaitable de prolonger la durée d’activité professionnelle des masseurs-kinésithérapeutes, qui ont à manipuler ou à déplacer des patients. Mais ne croyez-vous pas que cet argument vaut également pour les infirmières et les aides-soignantes ?

Nous sommes d’autant plus étonnés de cette mesure d’exemption qu’elle fait suite à l’abandon, par Mme Bachelot-Narquin, de deux mesures inscrites dans la loi « hôpital, patients, santé et territoires ». Elle a en effet décidé, pour reprendre ses propres termes, de « mettre entre parenthèses » l’obligation, pour un médecin, de déclarer ses absences et la mise en œuvre du contrat santé solidarité. Ces mesures étaient pourtant toutes symboliques, et ne garantissaient en rien l’accès à des médecins relevant du secteur 1 pour tous les patients.

J’ai pour habitude de parler franchement : tout cela donne la désagréable impression que vous cherchez à épargner ceux que vous considérez comme vos électeurs ! Nous le regrettons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ne créons pas de confusions ! Pour nos concitoyens, il est déjà très difficile de s’y retrouver, entre l’âge qui donne droit à pension, l’âge légal, l’âge pivot, l’âge ouvrant droit au taux plein, la décote et la surcote…

Pour les professions que vous venez d’évoquer, monsieur Fischer, l’âge légal de la retraite n’a jamais été de 60 ans, comme pour les salariés, il a toujours été de 65 ans, et vous le savez très bien ! L’écart n’est que de cinq ans, excusez du peu ! Ce n’est pas du tout la même chose. Ne faites donc pas d’amalgames et, surtout, gardez pour vous de tels jugements !

M. François Autain. Ce ne sont pas des amalgames !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. En connaissance de cause, je puis dire qu’ils sont inadmissibles. Pour les professions en question, je le répète, l’âge légal de départ à la retraite est fixé à 65 ans pour les autres. Si c’est là du favoritisme, quelque chose m’échappe… (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Nous y reviendrons !

Article 6 bis
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Articles additionnels après l'article 7 (réservés)

Article 7

(Non modifié)

I. – L’article L. 732-18 du code rural et de la pêche maritime est ainsi rédigé :

« Art. L. 732-18. – L’assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l’assuré qui en demande la liquidation à partir de l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale. »

II. – À la première phrase des articles L. 732-25 et L. 762-30 du même code, les mots : « avant un âge déterminé » sont remplacés par les mots : « avant l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale augmenté de cinq années ».

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, sur l'article.

M. Yannick Botrel. L’agriculture a été, jusqu’à une période récente, très concernée par le dispositif des préretraites. Cette situation se justifiait par au moins deux raisons qu’il n’est pas inutile de rappeler, à cet instant, parce qu’elles constituent les meilleurs arguments en faveur du maintien de la possibilité, pour les agriculteurs, de partir à la retraite dès l’âge de 60 ans : la situation constatée de difficulté économique, d’une part, un état de santé dégradé ou précaire, d’autre part.

Or, aujourd’hui, la conjoncture économique est très défavorable, souvent même franchement mauvaise. Dans de nombreuses productions, beaucoup d’agriculteurs sont acculés à la cessation de leur activité.

S’il est heureusement envisageable de donner à sa carrière professionnelle une nouvelle orientation quand on est jeune, cela devient très difficile, voire impossible, après 55 ans.

Dès lors, l’âge de 60 ans n’est pas simplement la borne symbolique de la cessation de l’activité ; il est aussi un but que les agriculteurs en difficulté financière ou réglementaire doivent atteindre pour se libérer du carcan qui les enserre. Cet âge fatidique représente une limite difficilement dépassable pour ceux qui souhaitent arrêter leur activité dans des conditions à peu près décentes, à défaut d’être satisfaisantes.

À cet égard, je pense aussi à ceux qui doivent réaliser des mises aux normes environnementales de leurs bâtiments et pour qui effectuer ces travaux est économiquement peu réaliste. S’ils peuvent espérer s’en sortir « au bénéfice de l’âge », en partant à la retraite à 60 ans, leur infliger deux années supplémentaires d’activité les acculerait à cette alternative : s’endetter au risque de se mettre en difficulté ou cesser leur activité de façon anticipée.

Dans le contexte économique que nous connaissons, dégradé par plusieurs années consécutives de crise, ces situations sont beaucoup plus fréquentes qu’on ne le pense.

En outre, à l’usure physique vient s’ajouter la fatigue psychologique de personnes qui ont commencé jeunes leur carrière professionnelle et qui appartiennent à des générations ayant travaillé durement et presque sans répit. La plupart des agriculteurs qui arrivent aujourd'hui à l’âge de la retraite n’ont jamais pris de vacances. Ils ont parfois été malmenés par les crises agricoles, qui n’ont pas manqué de laisser des traces.

Pour être exhaustif dans la description des situations rencontrées, il faut évoquer les agriculteurs, parfois les agricultrices, qui sont seuls sur leur exploitation et ne peuvent compter que sur eux-mêmes, craignant la maladie ou l’accident, qui aurait pour eux des conséquences personnelles et économiques irréversibles. Le président de la FNSEA, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, M. Lemétayer, s’en est lui-même ému : il défend l’idée que l’on ne peut admettre le recul de l’âge de la retraite au-delà de 60 ans dans le domaine de l’agriculture.

Toutes ces raisons qui, en quelque sorte, ne sont que le reflet d’une réalité concrète me conduisent à souligner l’importance de l’amendement que défendra le groupe socialiste, visant à maintenir l’âge du départ à la retraite à 60 ans pour les agriculteurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, sur l'article.

Mme Jacqueline Alquier. Jusqu’à présent, le monde agricole n’a guère été évoqué dans ce débat.

L’article 7 vise à modifier le code rural et de la pêche maritime pour relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge ouvrant droit à la pension au taux plein, c'est-à-dire sans décote, de 65 à 67 ans.

Bien évidemment, nous demandons la suppression de cet article, compte tenu du niveau particulièrement faible des salaires et des pensions de retraite des travailleurs de l’agriculture paysanne, qui animent nos territoires ruraux, mais aussi de la pénibilité de leurs conditions de travail.

Nous sommes opposés au relèvement des seuils d’âge pour la retraite, car il est particulièrement injuste et inadapté à la réalité sociale et économique de notre pays. Nombre de sénateurs ont déjà souligné ses conséquences sur les populations les plus fragiles : les femmes, les jeunes, les travailleurs pauvres et tous ceux dont la carrière a été irrégulière parce qu’ils se sont consacrés à des proches invalides, handicapés ou dépendants.

Monsieur le ministre, au travers de cette disposition, vous faites payer votre réforme par ceux qui sont entrés très jeunes sur le marché du travail, qui ont donc fait le moins d’études et qui ont travaillé le plus durement. Tel est bien le cas des agriculteurs, qui, à 60 ans, ont souvent déjà une ou deux années de cotisation de plus que le nombre requis, mais qui devront encore poursuivre leur activité et continuer à cotiser, sans obtenir au final plus d’avantages avant d’accéder à une retraite pourtant bien méritée. Ils sont souvent déjà usés par un travail pénible, répétitif, soumis aux aléas climatiques. À cet égard, la « mesurette » que vous destinez aux assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 ne saurait nous satisfaire.

Dans votre dispositif « carrières longues », vous mélangez invalidité et pénibilité et vous ne voulez pas reconnaître combien il est fatiguant de travailler la terre ou d’élever des animaux : il faut se lever très tôt le matin, au gré des besoins dictés par la saison, et ne prendre que très peu de vacances. Faut-il arriver à la retraite sur une chaise roulante pour que la pénibilité soit reconnue et prise en compte ?

Les agriculteurs et leurs conjoints constituent la catégorie sociale qui bénéficie – si l’on peut dire – des plus petites retraites : leur pension moyenne s’élève à 374 euros par mois. N’est-ce pas honteux, alors que le minimum vieillesse, déjà bien modeste, est de 709 euros et que la loi prévoit un montant égal à 85 % du SMIC, soit 750 euros ? Cette réforme des retraites nous éloigne encore d’un objectif qui n’est pourtant guère ambitieux. Elle marque donc une véritable régression.

Nous nous battons contre un processus de fragilisation et de paupérisation des futurs retraités et nous relayons les craintes de nos concitoyens, qui ne se sont pas dupes et manifestent leur rejet d’un texte indigne et bâclé, alors que l’enjeu est de taille, d’une réforme dont les conséquences rejailliront gravement sur les générations futures.

Après nous avoir invités à « travailler plus pour gagner plus », slogan qui est loin d’avoir tenu ses promesses, on nous demande aujourd’hui de « travailler plus longtemps pour gagner moins », alors qu’une autre réforme est possible, comme le montrent les propositions que nous développons tout au long de ces débats, en continuant à croire que les jeux ne sont pas déjà faits. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. À Rennes, en 2007, le Président de la République, à peine élu, avait fait la déclaration suivante : « Les retraites moyennes agricoles sont de moins de 400 euros. […] Cette injustice n’est pas acceptable. [...] Eh bien, je vais changer cette situation parce qu’elle est indigne ». Vous avez bien noté, monsieur Vasselle ?

Il semblerait que le Président de la République s’accommode finalement de cette « situation indigne », puisque, depuis 2007, rien n’a vraiment changé.

M. Alain Vasselle. Sauf que les retraites ont augmenté de 5 % par an !

M. Guy Fischer. Pis, les mesures proposées par le Gouvernement, notamment à l’article 7 du projet de loi, sont dépourvues de toute justice sociale et aggravent encore la situation des retraités agricoles.

Nous avons expliqué les raisons de notre opposition à tout allongement de la durée de cotisation ou à tout recul de l’âge de départ à la retraite. Ces mesures sont particulièrement inadmissibles dans le domaine de l’agriculture, du fait de la pénibilité des activités concernées – tous les effets négatifs que nous avons soulignés y sont amplifiés –, en dépit de la mécanisation, et des maladies professionnelles qui touchent de plus en plus de travailleurs agricoles, notamment en raison de l’usage de pesticides.

D’ailleurs, en février 2010, l’Institut de veille sanitaire a annoncé le lancement, avec la Mutualité sociale agricole, la MSA, d’une grande enquête épidémiologique pour surveiller l’état de santé des agriculteurs, notamment au regard des risques de cancer liés à l’utilisation de pesticides : c’est la cohorte Coset-MSA.

De plus, l’activité agricole est caractérisée, notamment pour les non-salariés, par une forte présence journalière et annuelle sur le lieu de travail. Il est très difficile, pour un agriculteur, de se faire remplacer et de partir en vacances pendant qu’il est en activité, même si la situation s’est améliorée, notamment grâce aux CUMA, les coopératives d’utilisation de matériel agricole. Nous avions d’ailleurs soulevé cette question lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole voilà quelques années. Les astreintes imposées par ces métiers justifient d’autant plus un droit à la retraite à 60 ans à taux plein.

Devant toutes ces difficultés, le Gouvernement a proposé de faciliter l’accès des agriculteurs au minimum vieillesse, en excluant les terres agricoles et les bâtiments d’exploitation du champ du recours sur succession. Il s'agit d’un progrès, certes, mais à la marge.

En réalité, le bilan en matière de justice sociale se révèle très négatif pour les retraités agricoles, en particulier pour les plus pauvres et pour les femmes. Les inégalités de traitement entre les sexes en matière de droits à la retraite persistent, notamment en raison de l’application tardive de mesures de reconnaissance du rôle des conjoints et des aides familiaux.

Les discours du Président de la République, que ce soit sur le niveau des retraites ou sur le revenu agricole, restent vains. Les lois successives aggravent la situation des agriculteurs et des éleveurs, notamment des plus petits producteurs.

Le plan de revalorisation des petites retraites agricoles adopté par le Gouvernement se matérialise par l’octroi moins de 30 euros supplémentaires par pension. Il n’est pas à la hauteur de la crise sociale que traverse le secteur. En outre, le présent projet de loi aggravera encore les inégalités, nous semble-t-il.

Enfin, il est important de souligner les difficultés que rencontrent les travailleurs agricoles dans la vie courante, avec le vieillissement, la dégradation de la santé et un accès particulièrement problématique aux services publics et de proximité.

Nous nous battons pour une retraite fondée sur la solidarité. Il est essentiel de défendre le pouvoir d’achat et le niveau de vie des retraités.

Les agriculteurs et leurs conjoints, qui figurent toujours parmi les personnes touchant les plus petites retraites, doivent pouvoir bénéficier d’une pension au moins égale à 85 % du SMIC net, fixée à environ 895 euros par mois en 2010. Cette question revient régulièrement, même si un plan de rattrapage est en œuvre.

M. Alain Vasselle. Ah ! Vous voyez !

M. Guy Fischer. Je le reconnais, mon cher collègue. Je suis toujours honnête, moi ! (Exclamations amusées sur les travées de lUMP.)

M. Alain Vasselle. Vous n’avez pas commencé votre intervention de cette façon !

M. Guy Fischer. De source syndicale, 90 % de ceux qui n’ont pas d’autres revenus que leur retraite de travailleur non-salarié agricole n’atteindraient pas ce niveau.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 6 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° 134 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 6.

Mme Annie David. L’article 7 du projet de loi prévoit d’appliquer aux non-salariés agricoles le recul de l’âge légal de départ à la retraite et celui de l’âge ouvrant droit à une retraite à taux plein.

Or les métiers agricoles sont difficiles, physiquement mais aussi nerveusement, notamment en raison de la crise économique sans précédent que traverse le secteur. Pour ces métiers, repousser l’âge de départ à la retraite serait une nouvelle provocation au regard de la situation actuelle. Faire croire qu’il serait impossible, pour notre société, de trouver les ressources nécessaires pour financer durablement et à un bon niveau les pensions ou, pis encore, omettre d’aborder la question des retraites agricoles relève du déni de solidarité.

La prise en compte de l’apport fondamental de cette catégorie sociale à la richesse de notre pays passe par une politique volontaire et ambitieuse. C’est en gardant à l’esprit cet objectif que nous proposons d’autres solutions pour répondre à l’exigence, que Guy Fischer vient de rappeler, d’instaurer une retraite agricole d’un montant au moins égal à 85 % du SMIC pour une carrière complète, pour satisfaire à la nécessité de combler la différence de traitement entre les sexes en matière de pensions et pour mettre en œuvre rapidement l’indispensable revalorisation des retraites les plus modestes.

Cela suppose d’abonder le fonds de financement de ce régime pour assurer sa pérennité, notamment en garantissant aux agriculteurs des revenus suffisants tout au long de leur carrière, à travers une politique publique au service du maintien de prix rémunérateurs pour les productions agricoles. En effet, c’est la condition sine qua non d’un bon niveau de cotisation.

Cela suppose également de mener une véritable bataille pour instaurer une cotisation nouvelle sur les revenus financiers et les institutions financières du secteur agricole et agroalimentaire. Ce serait là une mesure de justice, quand certaines transnationales de la distribution ou certains géants du secteur bancaire et assurantiel réalisent des milliards d’euros de bénéfices nets annuels, en partie sur le dos des agriculteurs.

Cela suppose aussi de donner la priorité à l’installation agricole pour garantir le renouvellement des actifs, qui est à la base du maintien du régime par répartition, notamment en rénovant en profondeur les politiques d’accès au foncier par le biais des commissions départementales d’orientation de l’agriculture.

Il faut enfin permettre l’accès de tous les agriculteurs, conjoints et aides familiaux à la retraite complémentaire obligatoire instituée en 2003.

Compte tenu du niveau particulièrement faible des salaires et des pensions de retraite des travailleurs des secteurs de la pêche et de l’agriculture, mais également de la pénibilité de leurs conditions de travail, nous nous opposons au relèvement des deux bornes d’âge et nous proposons donc la suppression de l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 134.

Mme Jacqueline Alquier. L’article 7 vise à modifier le code rural et de la pêche maritime pour relever l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans et l’âge de cessation d’activité ouvrant droit au taux plein, c'est-à-dire à une pension sans décote, de 65 à 67 ans.

Bien évidemment, nous demandons la suppression de cet article, compte tenu du niveau particulièrement faible des salaires et pensions de retraite des travailleurs de ce secteur, mais aussi de la pénibilité de leurs conditions de travail.

Nous sommes opposés à une mesure particulièrement injuste et inadaptée à la réalité sociale et économique de notre pays, qui a une incidence directe sur les populations les plus fragiles, c'est-à-dire les femmes, les jeunes, les travailleurs pauvres et tous ceux dont la carrière a été irrégulière.

Monsieur le ministre, au travers de cette disposition, vous faites payer votre réforme par ceux qui sont entrés très jeunes dans le monde du travail, qui ont donc fait le moins d’études et qui ont travaillé le plus durement.

Tel est bien le cas des agriculteurs qui, à 60 ans, ont souvent déjà une ou deux années de cotisation de plus que le nombre requis, mais qui devront encore poursuivre leur activité et continuer à cotiser, sans obtenir plus d’avantages, avant de pouvoir accéder à une retraite pourtant bien méritée, alors qu’ils sont souvent usés par un travail pénible.

Monsieur le secrétaire d’État, votre dispositif « carrières longues » associe invalidité et pénibilité. Vous méconnaissez ainsi délibérément combien il est fragilisant de travailler, surtout pour les éleveurs, par tous les temps, très tôt le matin ou très tard le soir, au gré des besoins de la saison, en prenant très peu de vacances. Faut-il se présenter à la retraite sur une chaise roulante pour que la pénibilité soit reconnue et prise en compte ?

Nous nous battons contre un processus de fragilisation et de paupérisation des futurs retraités et relayons les craintes de nos concitoyens, qui ne se trompent pas en manifestant leur rejet d’une réforme indigne et bâclée, alors que l’enjeu, de taille, rejaillira gravement sur les générations futures.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, dans la mesure où ils tendent à revenir sur des mesures d’ensemble examinées ces derniers jours.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Même avis, pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 6.

M. Guy Fischer. M’intéressant particulièrement aux problèmes agricoles et très lié à ce milieu, j’ai essayé de prolonger notre réflexion et nos recherches sur ce sujet.

Le Gouvernement ne veut pas entendre l’appel de l’Association nationale des retraités agricoles de France, l’ANRAF, qui s’est réunie en congrès annuel cet été. Ses revendications, à savoir une pension décente assurant l’égalité entre les hommes et les femmes, ne sont pas nouvelles. Face aux promesses sans lendemain de la droite, elles revêtent aujourd’hui une actualité particulière.

Selon les chiffres officiels de la Mutualité sociale agricole – et non pas d’un syndicat ! –, la retraite moyenne actuelle d’un agriculteur s’élève à 400 euros. Un homme touche près de 650 euros ; une femme, 350 euros.

Le plan d’urgence de l’Élysée prêterait à rire si la situation n’était pas à pleurer. En effet, sur 1 700 000 retraités agricoles que compte l’Hexagone, seuls 170 000 ont bénéficié d’une augmentation de leur pension depuis le 1er janvier. En moyenne, la hausse a été de 29 centimes d’euro ! « C’est totalement dérisoire. La pension d’un retraité reste en dessous du seuil de pauvreté, qui s’élève à 900 euros. C’est inadmissible », déclare Roger Tréneule, le président de l’ANRAF de Dordogne.

Dans la profession, le malaise est grand. On a assisté cette année à une augmentation non négligeable des exploitants qui perçoivent le RSA. En deux ans, en effet, les revenus ont baissé de 50 %, ce qui a entraîné la liquidation de 30 % des exploitations. « Nous enregistrons un suicide par jour au niveau national », affirmait Pierre Esquerré, président de l’ANRAF du Gers.

La situation dramatique dans laquelle se trouvent les retraités agricoles est le reflet de la crise que traverse l’agriculture. Rien n’est fait pour assurer aux agriculteurs et aux éleveurs un revenu décent. Voilà quelques mois, au Sénat, on entendait en commission des élus de tous bords dénoncer l’absence de régulation des prix et des volumes, conséquence de la PAC, la politique agricole commune.

Pourtant, au cours de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, tous nos amendements visant à introduire une telle régulation afin de garantir aux agriculteurs un prix rémunérateur pour leur production ont systématiquement été refusés.

On ne peut comprendre cette réforme des retraites sans garder à l’esprit les décisions déjà prises par le Gouvernement dans certains secteurs d’activité.

Si aucune décision importante n’est arrêtée, nous assisterons, nous le disons sans exagération, à la mort programmée du secteur agricole : la concentration déjà à l’œuvre s’intensifiera, faisant disparaître des milliers d’exploitations, ce qui signera la fin de l’indépendance alimentaire de la France et, plus largement, de l’Europe.

Nous souhaitons donc la suppression de l’article 7, dont l’adoption aggravera la situation des non-salariés agricoles.

Les Français sont loin d’être égaux devant la cure d’austérité que le Gouvernement prépare. Nous l’avons rappelé, Lars Olofsson, débauché de Nestlé par le groupe Carrefour, qui a encaissé 6 millions d’euros de rémunération en stock-options, bénéficie d’une retraite annuelle de près de 500 000 euros par an.

Les écarts abyssaux en matière de revenus ou de retraite, révélés de plus en plus souvent par la presse, n’ont plus de sens. Il est temps d’arrêter de demander aux travailleurs de se sacrifier. La logique consisterait, nous pourrions tous en tomber d’accord, à œuvrer en faveur d’une autre répartition des richesses, qui soit plus égalitaire.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 134.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L'amendement n° 776, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Madame la présidente, je considère que cet amendement de repli vient d’être défendu par M. Fischer.

Toutefois, je souhaite profiter de l’occasion qui m’est donnée pour saluer le courage et la détermination des paysans de la Confédération paysanne, qui se battent actuellement – trois d’entre eux ont entamé une grève de la faim – pour obtenir simplement la représentativité de la pluralité syndicale au sein des interprofessions.

J’appelle de mes vœux la prise en compte, par vous-mêmes, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de leurs revendications. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 776.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 777, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. La situation des retraités s’aggravera sensiblement à l’avenir, et ce malgré cette réforme.

Cependant, si les Français sont loin d’être égaux devant la cure d’austérité que le Gouvernement entend mettre en œuvre, certaines situations sont particulièrement choquantes, notamment lorsque les politiques gouvernementales font porter l’effort de solidarité sur ceux-là mêmes qui en auraient le plus besoin.

À cet égard, la situation du secteur agricole en France est révélatrice des inégalités sociales profondes qui touchent les différentes activités du secteur. La production et l’élevage sont aujourd’hui en péril, alors que la transformation et la distribution engrangent des bénéfices mirobolants, au détriment, d’ailleurs, des consommateurs.

Après la réforme Fillon, qui a porté la durée de cotisation des paysans de 37,5 ans à 40 ans, on impose à ces derniers de travailler deux ans de plus pour bénéficier d’une retraite amplement méritée.

Face à cette situation, considérons l’exemple de Lars Olofsson, débauché de Nestlé par le groupe Carrefour, qui s’est vu offrir un véritable pont d’or pour sa future retraite, en 2012, à l’âge de 61 ans. Après avoir travaillé mille jours au service du groupe et encaissé 6 millions d’euros de rémunération en stock-options, sa rente annuelle s’élèvera à près de 500 000 euros.

M. Guy Fischer. Scandaleux !

M. François Autain. Les écarts abyssaux en matière de revenus ou de retraites n’ont plus de sens. Il est temps de cesser de demander uniquement aux travailleurs de se sacrifier.

M. Le Maire l’a affirmé cet été, « les petites pensions des agriculteurs doivent être revalorisées. » Lors de l’examen de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, il nous assurait que la question des retraites agricoles serait envisagée dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites.

Or elles sont concernées, c’est vrai, par ce texte, mais, d’une part, pour leur appliquer une réforme injuste et, d’autre part, sans qu’un véritable débat de fond ait eu lieu. En effet, les amendements que nous avions déposés sur cette question, notamment aux articles 28 et suivants, ont été déclarés irrecevables en vertu de l’application de l’article 40 de la Constitution.

Nous considérons que d’autres choix sont possibles. Il convient notamment de taxer les revenus financiers des grosses entreprises et d’opérer un prélèvement sur les bénéfices des entreprises de l’agroalimentaire, de la grande distribution et des industries de l’agrochimie, qui ont spolié les paysans du produit de leur travail. (M. Guy Fischer applaudit.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer l’alinéa 3 de l’article 7.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Même avis défavorable, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'amendement n° 777.

Mme Odette Terrade. Sur cet article, notre vote sera cohérent avec notre position sur le relèvement de l’âge de départ à la retraite et de l’âge du bénéfice d’une retraite à taux plein, qui fait l’objet des articles 5 et 6 du projet de loi.

La crise que connaît aujourd’hui le monde rural n’est plus à démontrer. La situation économique et sociale des agriculteurs se dégrade de façon dramatique, nous en avons largement discuté au cours du débat sur la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.

Je rappellerai quelques chiffres, mes chers collègues, pour vous rafraîchir la mémoire : depuis juin 2009, plus de 40 200 dossiers ont été acceptés au titre du RSA, alors que la Mutualité sociale agricole, en raison d’une baisse de 34 % du revenu agricole, évalue à 75 000 le nombre des agriculteurs éligibles à cette prestation.

« Un paysan français se suicide chaque jour » titrait Le Figaro en avril dernier. Comme l’a rappelé à l’instant notre collègue Guy Fischer, le taux de suicide le plus élevé de toutes les catégories socioprofessionnelles est celui des agriculteurs.

Les conditions de travail dans ces secteurs sont particulièrement difficiles : pénibilité, exposition à des produits dangereux, risques professionnels importants, stress, charge de travail, absence de loisirs, paperasserie administrative de plus en plus importante, et ce sans avoir la possibilité de dégager des revenus ou des loisirs. Tout au long de leur vie, les paysans consacrent leur temps et leur énergie à un travail rude et mal reconnu, se levant tôt chaque matin, quel que soit le temps.

La modestie de leurs pensions, les plus basses de notre pays, d’un montant mensuel d’environ 500 euros, rend le report de l’âge du bénéfice d’une retraite à taux plein à 67 ans encore plus insupportable, en particulier pour les agricultrices.

Et pourtant, le 23 février 2008, le Président de la République s’était engagé à maintenir le pouvoir d’achat des retraités agricoles et à réduire les « poches de pauvreté », en s’attachant, en particulier, à améliorer la situation des conjointes et des veuves d’agriculteurs.

Pour ce qui concerne le monde agricole, le prétexte de l’allongement de l’espérance de vie n’a aucun sens, nous vous l’avons longuement rappelé. En effet, 40 ans d’activité dans cette profession contraignante usent autant aujourd’hui qu’il y a vingt ou trente ans.

Le comportement inflexible du Gouvernement à la suite des nombreuses et massives mobilisations de la rue démontre à quel point il est guidé par des orientations dogmatiques fondées sur l’iniquité sociale et le refus de dialogue.

Monsieur le ministre, vous avez abandonné depuis longtemps le monde paysan, désormais seul face à ses difficultés. Cela a été dit, la présidence de Nicolas Sarkozy sera celle des riches. Mais elle sera plus que cela, elle sera la fin d’un modèle envié en Europe et dans le monde. Il n’y a pas de mot pour qualifier ce grand gâchis.

En affaiblissant le niveau des retraites, en rendant inatteignable le nombre d’annuités, en fragilisant les plus démunis, vous ouvrez le champ aux assurances individuelles, complémentaires, aux retraites individualisées contre la retraite par répartition.

Vous ne pouvez refuser d’écarter du débat public ceux qui n’acceptent pas la précarisation et la paupérisation : ces manifestants qui, par millions, veulent défendre un modèle qui les protégerait contre les subprimes, les hedge funds, les paradis fiscaux comme les îles Caïmans, rongées par l’inflation et par la spéculation.

Parmi eux se trouvent les travailleurs agricoles qui, trop souvent, ont été les oubliés du Gouvernement, et parfois même les boucs émissaires dans les différents débats. Ils devraient, au contraire, être en première ligne tant ils participent à la conservation de notre patrimoine et de nos territoires.

C’est pourquoi notre groupe vous demande d’adopter cet amendement, mes chers collègues.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 777.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About.

M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’avais déposé deux amendements de coordination avec l’article 6.

Dans la mesure où le rapporteur a décidé aujourd’hui de nous présenter un amendement de coordination avec les dispositions adoptées à l’article 6, et considérant qu’il l’a certainement fait avec beaucoup plus de talent que je n’avais envisagé de le faire, j’ai retiré lesdits amendements au profit de celui de la commission.

Mme la présidente. L'amendement n° 1224, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Compléter cet article par quatre paragraphes ainsi rédigés :

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés qui bénéficient d'un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 351-4-1 du code de la sécurité sociale et pour les assurés qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 inclus qui remplissent les conditions prévues aux 1° à 3° du IV de l'article 6.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés ayant interrompu leur activité professionnelle pour s'occuper d'un membre de leur famille en raison de leur qualité d'aidant familial dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État.

... . - Par dérogation aux dispositions des articles L. 732-25 et L. 762-30 du code rural et de la pêche maritime, l'âge mentionné auxdits articles est fixé à soixante-cinq ans pour les assurés handicapés.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons présenté cet amendement à la commission voilà seulement quelques heures. Il s’agit de reprendre les dispositions qui ont été votées dans le cadre de l’article 6 concernant les parents de trois enfants sous certaines conditions, les parents d’enfants handicapés, les aidants familiaux et les assurés handicapés afin de les appliquer au régime agricole.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car s’il convient d’appliquer les règles d’âge à l’ensemble des agriculteurs, il convient tout autant, par mesure d’équité, de les faire bénéficier des dispositifs que nous avons adoptés voilà quelques jours. De fait, c’est un amendement qui s’imposait.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Nous avons examiné cet amendement en commission à l’issue de la séance de ce matin et nous l’avons adopté. Le temps de la réflexion me conduit, malgré tout, à formuler une remarque.

La modification demandée par M. Nicolas About en commission implique que les aidants familiaux ne seront pris en compte que s’ils ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille. Dans notre esprit, les aidants familiaux ne devraient pas être restreints aux seules personnes d’une même famille. Nous regrettons qu’une telle restriction ait été apportée en commission.

Nous saluons la coordination opérée avec les dispositions votées à l’article 6, mais nous déplorons la limitation concernant les aidants familiaux. Par conséquent, nous nous abstiendrons sur cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Cet amendement présenté par le rapporteur, auquel je souscris, me donne l’occasion, après les interventions de nos collègues du groupe CRC-SPG sur cet article concernant la profession agricole, de formuler deux remarques.

D’une part, je suis prêt à partager l’argumentation qu’ils ont développée en ce qui concerne le niveau de vie et le pouvoir d’achat des agriculteurs qui sont soumis, depuis quelque temps, aux aléas du marché. Il est plus que temps que le Gouvernement – le ministre de l’agriculture y travaille, nous le savons – mette en place des outils de régulation pour obtenir une stabilisation des marchés, pour instaurer un filet de sécurité afin que les agriculteurs ne subissent pas, en plus des aléas climatiques, ceux du marché.

Je diverge cependant avec vous sur un point, mes chers collègues : les conditions de travail des agriculteurs et des salariés agricoles – j’exerce encore la profession – n’ont plus rien à voir avec celles qu’ils connaissaient il y a trente, quarante ou cinquante ans ; elles se sont très nettement améliorées.

Cela ne signifie pas pour autant que certains d’entre eux ne sont pas exposés à des produits nocifs. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Gouvernement nous a entendus, et vous a entendus, puisque tout un arsenal de mesures est décliné au titre de la pénibilité. Nous en reparlerons au moment de l’examen des articles concernant la pénibilité, mais la situation particulière de celles et ceux qui y ont été confrontés sera prise en considération dans le cadre des mesures de solidarité nationale.

Mme Annie David. Non, justement !

M. Alain Vasselle. D’autre part, je souhaiterais que le Gouvernement, à la fin du texte, puisse nous donner une idée de l’impact financier de l’ensemble des mesures que nous aurons prises au fil de l’examen des articles. La disposition relative aux aidants familiaux, qui n’était pas intégrée dans le texte, qui n’entrait donc pas dans l’équilibre financier général de la réforme, aura évidemment un coût.

Certes, le Gouvernement garde la main puisque l’application du dispositif est renvoyée à un décret d’application. C’est dans ce cadre que vous déplacerez le curseur au niveau que vous le souhaiterez. Il ne faudra pas le mettre trop bas, car cet article ne serait plus opérationnel.

Il sera nécessaire de mesurer le coût de cette opération pour l’intégrer dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 que nous examinerons au cours de la première quinzaine de novembre.

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur Vasselle, nous sommes, dans un texte de cette nature, évidemment confrontés à un choix.

La première possibilité consiste à dire en arrivant devant l’Assemblée nationale puis la Haute Assemblée que l’on ne veut toucher à rien, que la discussion ne débouchera sur rien car le financement est assuré.

La seconde possibilité, c’est d’accepter qu’au gré des discussions avec les députés puis les sénateurs le texte évolue. Je tiens à dire que tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, le texte change. Par définition, il y a des avancées.

Vous avez toujours été constant dans votre souci d’être associé à ces avancées, parce que vous en mesurez comme nous la nécessité, notamment pour des populations envers lesquelles il faut faire un geste. Vous avez toujours été très attentif à ce que nous soyons en mesure, puisqu’il s’agit in fine de parvenir à un dispositif globalement équilibré, de préserver l’équilibre entre les recettes et les dépenses engagées.

Je partage parfaitement votre point de vue. Je prends ici l’engagement, au nom du Gouvernement, de faire en sorte qu’à l’issue de cette discussion, ou au plus tard dans le cadre de la discussion du PLFSS au Sénat, nous puissions indiquer le coût des mesures nouvelles qui ont été décidées et, bien entendu, leur mode de financement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je n’avais pas prévu d’intervenir mais la déclaration de notre collègue m’amène à réagir sur la pénibilité du travail du monde agricole.

Je ne partage pas son point de vue. Bien sûr, les agriculteurs ne travaillent pas dans les conditions qu’ils connaissaient il y a cinquante ans, mais pour pouvoir vivre de leur activité aujourd'hui, ils subissent une pression absolument inégalée.

Ils sont amenés à cultiver une superficie bien supérieure avec un nombre de personnes relativement faible, de façon à pouvoir se sortir des difficultés posées par des marchés sur lesquels ils ne sont pas payés conformément au coût réel de leur production.

On ne peut pas évoquer la pénibilité simplement par rapport aux produits utilisés. À la question de la pénibilité, vous mêlez celle des risques professionnels et des conséquences sur la santé. C’est une façon individuelle de traiter le problème et de le médicaliser.

Nous, nous considérons que la pénibilité de l’activité doit prendre en compte toute la diversité du métier agricole, ce qui n’est pas du tout le cas du texte qui nous est proposé.

Les agriculteurs ne feront que constater qu’une fois de plus on ne les reconnaît pas pour le travail qu’ils font, comme on ne reconnaît pas la nécessité qu’ils puissent vivre avec des retraites meilleures que celles qu’ils perçoivent aujourd’hui. C’est particulièrement vrai pour les femmes exploitantes.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1224.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote sur l'article 7.

Mme Odette Herviaux. Il est vrai qu’il peut paraître difficile d’entrer dans une défense catégorielle tant cette réforme est injuste pour tous. Les retraites agricoles cumulent cependant plusieurs handicaps.

Les retraites sont faibles. Je ne vais pas reprendre les chiffres que mes collègues ont mentionnés avant moi, mais on peut le constater quand on connaît ce milieu.

Le travail est long, souvent pénible, parfois dangereux et pas toujours reconnu.

Les pensions de réversion sont encore plus faibles pour les conjointes, qui elles devront travailler jusqu’à 67 ans voire plus.

Globalement, si le niveau de vie des retraités est aujourd'hui légèrement supérieur à celui des actifs – on peut d'ailleurs le déplorer, car cela signifie que le travail n’est pas reconnu à sa juste valeur dans notre société –, ce n’est cependant pas le cas dans le domaine agricole.

Les propositions du Gouvernement représentent un certain nombre d’avancées que je pourrais qualifier de « bons points » destinés à faire avaler la pilule du report de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans.

D’une part, le choix des 25 meilleures années pour le calcul de la pension peut paraître satisfaisant. Cependant, tout le monde sait que face aux crises à répétition, à l’instabilité et à la fluctuation des marchés, à l’endettement de plus en plus élevé de la plupart des exploitations, cette amélioration risque fort d’être remise en cause.

D’autre part, je m’attarderai sur l’exemption du recours sur succession du capital agricole et des bâtiments, indissociables pour tous ceux qui pourraient faire appel à la solidarité nationale mais qui n’osent pas.

Encore faut-il qu’ils soient toujours en possession de ces outils ! Vous n’êtes pas sans savoir que certaines exploitations sont endettées depuis de nombreuses années à plus de 90 %. J’en connais même qui dépassent les 100 %. On ne voit pas, quand ils sont soutenus artificiellement par des groupements, comment ils pourraient s’en sortir. Même si les crises cessent, même s’ils retrouvent un peu d’air, ils ne pourront jamais surmonter suffisamment ces handicaps pour laisser une quelconque succession, notamment pour les plus âgés d’entre eux.

Comment peut-on reculer encore l’âge de la retraite alors que les mises aux normes, dans l’élevage, par exemple, appellent des investissements relativement lourds et que l’on ne peut plus, après un certain âge, continuer à s’endetter pour pouvoir exercer ? Ces éleveurs sont donc dans l’obligation de partir plus tôt.

Vous reconnaissez que les agriculteurs exercent un métier pénible – il ne faudrait d'ailleurs pas oublier les métiers de la pêche, même si leur situation est légèrement différente. Sous ce vocable, nous retrouvons les mêmes travers pour tous les métiers : par pénible, il faut entendre la reconnaissance préalable d’une incapacité permanente ; c’est inacceptable !

Le métier d’agriculteur est particulièrement exposé, tant en raison des longs horaires journaliers et hebdomadaires que de sa dangerosité liée à l’utilisation des machines ou au contact avec le bétail, source d’accidents du travail. Mais, bien plus sournoisement, ce métier peut entraîner un mal-être et un mal-vivre chez ceux qui l’exercent. Je ne reviendrai pas sur la fréquence des suicides parmi les agriculteurs, nous en avons parlé tout à l’heure, mais ils sont une réalité. De même, je ne reviendrai pas sur toutes les maladies qui se déclenchent longtemps après la manipulation des substances cancérogènes que sont les produits phytosanitaires.

C’est pourquoi le monde agricole attache une importance primordiale non seulement au niveau des pensions, bien entendu, mais aussi à l’âge de départ à la retraite.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut être cohérent : pour assurer une retraite décente à nos agriculteurs et à nos pêcheurs, pour maintenir sur l’ensemble de notre territoire un tissu d’exploitations locales, il ne faut pas leur demander de travailler plus longtemps et reculer leur âge de départ à la retraite. Au contraire, il faudrait les aider à trouver des repreneurs pour qu’ils puissent transmettre leurs exploitations. C’est un enjeu majeur pour l’aménagement équilibré de notre territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Le report de l’âge de la retraite de 60 à 62 ans et celui de l’âge du départ sans décote de 65 à 67 ans sont tout simplement emblématiques du refus du Gouvernement de prendre en compte la réalité du terrain.

Quelle est cette réalité ? C’est la pénibilité particulière du travail paysan. Je ne parle pas de celle des « agromanagers » qui se promènent sur leur tracteur ultramoderne, tout-suspendu, grand confort, doté d’une isolation phonique et équipé d’une chaîne hi-fi.

M. Guy Fischer. Alain Vasselle ! (Rires.)

M. Jacques Muller. Je ne parle pas des « agri-sénateurs » ; je parle des paysans, ces paysans qui sont la majorité dans notre pays, qui travaillent dur, dans des conditions difficiles, exposés au climat, qui se lèvent tôt, qui se couchent tard !

Je prendrai l’exemple des agriculteurs de montagne, de ceux qui font encore de la polyculture-élevage, des éleveurs laitiers, des maraîchers, qui exercent tous un travail physique, usant, un travail exposé à cause de l’emploi des pesticides – Pardon, il faut parler des produits phytopharmaceutiques ! –, exposé aussi aux accidents. Retarder leur âge de départ à la retraite est tout simplement une forme de mépris, un déni de la réalité.

On pouvait faire autrement, on pouvait renforcer la solidarité nationale qui s’exprime à travers le cofinancement des régimes de retraite des agriculteurs par le régime général. Ce dispositif existe déjà pour corriger le déséquilibre démographique, qui, évidemment, est plus important dans l’agriculture que dans le reste de la société. Ce déséquilibre est lié à l’exode agricole, qui a d’ailleurs été amplifié par toutes les politiques agricoles qui ne cessent d’éliminer les paysans en subventionnant le capital au détriment du travail.

Refuser d’analyser cette proposition visant à équilibrer le régime de retraite des agriculteurs, refuser la solidarité, c’est tout simplement botter en touche et ignorer le très faible niveau des retraites des paysans. Cela a été dit, 80 % des agriculteurs perçoivent une retraite inférieure à 750 euros, et beaucoup d’entre eux touchent moins de 500 euros. Bien sûr, c’est une trahison de plus du Président Sarkozy. C’est la raison pour laquelle, lors de l’examen de l’article 28, je proposerai la création d’un filet de sécurité minimal, décent, pour nos agriculteurs.

Nos paysans passent leur vie à produire pour nourrir les autres. Il paraît que c’est le métier le plus beau du monde. Cela ne les empêche pas de vivre dans la précarité, avec des revenus faibles, et dans un état physique tel que leur espérance de vie est nettement inférieure à la moyenne. C’est tout simplement intolérable dans une société qui se dit développée. Ce report de l’âge de la retraite est inacceptable, humainement et socialement, d’autant plus que l’on peut faire autrement. Les Verts voteront contre l’article 7. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

(M. Roger Romani remplace Mme Monique Papon au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

Article 7
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 8

Articles additionnels après l'article 7 (réservés)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.

Articles additionnels après l'article 7 (réservés)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Rappel au règlement

Article 8

I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont la pension de retraite peut être liquidée à un âge inférieur à soixante ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé :

1° À cinquante-deux ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1966 ;

2° À cinquante-cinq ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-trois ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ;

3° À cinquante-six ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-quatre ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ;

4° À cinquante-sept ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1961.

II. – Cet âge est fixé, par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite des âges mentionnés au I pour les assurés nés antérieurement aux dates mentionnées au même I.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, sur l'article.

Mme Patricia Schillinger. Cet article vise à repousser de deux ans l’âge d’ouverture des droits des fonctionnaires relevant des catégories actives. Dans ces catégories, on retrouve plus particulièrement les professions exposées au danger telles que les pompiers et les militaires. Sont également concernés les policiers, les gardiens de prison, les douaniers et les personnels paramédicaux.

Si ces fonctionnaires qui relèvent de la catégorie active peuvent partir plus tôt, c’est seulement pour compenser la fatigue, les risques et le stress liés à leurs fonctions. Ce traitement apparaît donc comme une compensation des risques encourus tout au long de leur carrière professionnelle.

Aussi, cet article est difficile à accepter pour toutes ces professions. Il y a là, en effet, un paradoxe. Alors que le Gouvernement prétend, dans ce projet de loi, prendre en compte la question de la pénibilité, il décide pourtant, pour ces catégories de profession, de relever de deux ans l’âge d’ouverture des droits.

Dernièrement, j’ai reçu dans mon département les sapeurs-pompiers. Ils étaient scandalisés par les mesures prises par le Gouvernement. Ils ont le sentiment, tout à fait légitime, de ne pas être entendus par un gouvernement qui se refuse à prendre en compte la pénibilité et la dangerosité de leur métier, alors que celles-ci sont bien connues et reconnues par le plus grand nombre.

Il est difficile de procéder, ici, d’une manière globale. En effet, chaque métier a sa spécificité et sa pénibilité. C’est la raison pour laquelle il faut dresser un bilan des métiers pénibles. Pour cela, il faut engager une véritable négociation avec les syndicats. Monsieur le secrétaire d'État, avez-vous rencontré les syndicats ? Leur avez-vous demandé leur avis au sujet des catégories actives ? Il me semble qu’ils vous ont adressé des courriers. À ce jour, ils attendent toujours une réponse.

C’est une véritable injustice qui est faite à ces agents qui ont choisi d’exercer l’une des professions répertoriées en catégorie active. C’est une injustice, car ils ont accepté d’exercer un métier, ils en ont accepté les risques selon les termes d’un contrat dont vous décidez aujourd’hui, unilatéralement, de changer les termes.

L’exercice de la profession de sapeur-pompier au-delà de 55 ans posera inévitablement un problème de sécurité à la fois pour les intervenants eux-mêmes mais aussi pour les usagers du service public qui les sollicitent.

Il est impératif que le Gouvernement prenne en compte la dangerosité de leur mission. Les possibilités d’emplois non opérationnels au sein des services départementaux d’incendie et de secours ne permettront pas de couvrir l’ensemble des besoins de la profession, compte tenu notamment du vieillissement lié à la pyramide des âges.

Quant au reclassement dans une autre filière de la fonction publique, il ne peut s’envisager comme une solution satisfaisante, et ce pour deux raisons : premièrement, l’esprit de corps des sapeurs-pompiers induit un attachement particulier à la profession ; deuxièmement, la perte du statut de sapeur-pompier professionnel entraîne, de facto, la perte des avantages acquis au travers de la surcotisation supportée par l’agent tout au long de sa carrière, ainsi que celle des avantages issus de l’intégration de l’indemnité de feu pour le calcul de la pension et des bonifications.

Pour finir, le classement en catégorie active ne concerne qu’un nombre d’emplois limité, soumis à des fatigues exceptionnelles et à des risques particuliers. La plupart d’entre eux sont au service de nos concitoyens, souvent en situation de détresse, et plus encore aujourd’hui en raison de la crise. Il est légitime de soutenir ces catégories actives ; le Gouvernement doit prendre en compte la pénibilité et la dangerosité de ces professions à caractère exceptionnel.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.

M. Claude Domeizel. Cet article 8 vise donc à relever de deux années l’âge d’ouverture des droits à pension de retraite des assurés appartenant aux catégories actives de la fonction publique, sujet qui mériterait qu’on y passe la soirée, et même davantage. En tout cas, cette mesure est bien la démonstration, comme je l’ai dit à plusieurs reprises à M. Woerth, que cette réforme a avant tout une visée comptable.

Monsieur le secrétaire d'État, vous ne cessez de répéter que vous voulez tenir compte de la pénibilité de certains métiers, notamment à travers ce projet de loi, mais, dans le même temps, vous vous attaquez à certains d’entre eux qui sont reconnus comme pénibles.

Pour illustrer mon propos, je citerai quelques exemples.

Les agents des réseaux souterrains des égouts, qui, jusqu’à présent, prenaient leur retraite à 50 ans, devront désormais attendre 52 ans. Les infirmiers, quant à eux, se sont fait piéger : s’ils ont dorénavant la possibilité de devenir des fonctionnaires de catégorie A, ils perdent en contrepartie le bénéfice de leur appartenance à la catégorie active. Il conviendrait quand même de régler cette situation !

L’article 8 du projet de loi s’appliquera à tout un ensemble d’agents des fonctions publiques territoriale, hospitalière et de l’État. Mes chers collègues, permettez-moi, ne serait-ce que pour vous réveiller (Sourires.), de vous citer quelques-uns des métiers visés par un arrêté du 12 novembre 1969 établissant le classement des emplois des agents des collectivités locales en catégories A et B ; vous mesurerez ainsi à quel point ce texte est dépassé. Ainsi, on trouve dans cette liste les cordonniers des services des égouts de la Ville de Paris, les matelassiers des services de santé et établissements publics d’hospitalisation, de soins et de cure ou les fossoyeurs, porteurs et metteurs en bière des pompes funèbres.

M. Jacques Gautier. Les sénateurs ! (Sourires.)

M. Claude Domeizel. Enfin, j’ai gardé pour la bonne bouche, parmi bien d’autres, les éboueurs et agents de service de nettoiement chargé de l’enlèvement des poubelles, du nettoyage des abattoirs et des poissonneries ! Ces exemples démontrent bien que, depuis 1969, il a coulé beaucoup d’eau sous les ponts et dans les poissonneries ! (Sourires.)

Monsieur le secrétaire d'État, vous conviendrez qu’il n’est pas possible d’adopter cet article sans que cet arrêté de 1969 ait été préalablement révisé. En dehors des métiers visés par cet arrêté, certaines situations se révèlent tout aussi incongrues.

Ainsi, le maire d’une commune peut décider de nommer chef-éboueur un éboueur employé communal, de manière que celui-ci voit sa situation matérielle améliorée. Eh bien, en bénéficiant de cette promotion, cet agent passera de la catégorie active à la catégorie sédentaire, perdant ainsi la possibilité de partir de manière anticipée à la retraite ! Il en va de même pour les ouvriers professionnels buandiers de catégorie 3, les OP3, quand ils passent OP1 ou pour les agents d’entretien qui passent agent de maîtrise.

Pour en revenir au cas de l’éboueur, figurez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que celui qui devient chef-éboueur continue à se lever très tôt le matin pour vider les poubelles dans les camions-bennes. Sous prétexte qu’il a bénéficié d’une promotion, il devrait perdre le bénéfice de partir à la retraite à 55 ans ?

Cet exemple montre bien que l’on ne peut pas discuter de cet article sans évoquer ces anomalies que je dénonce depuis fort longtemps.

Monsieur le secrétaire d’État, cet article a été rédigé sans aucune concertation. Je serais pourtant étonné que les organisations syndicales ne vous aient pas alerté sur les exemples que je viens d’évoquer. Comme votre seul souci est de traiter les problèmes d’une manière comptable, vous avez également augmenté de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les personnels de ces catégories, qui continuent pourtant d’être soumis à des conditions de travail pénibles. C’est regrettable ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.

M. Guy Fischer. M. Claude Domeizel, président de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, est sans doute l’un de ceux qui connaît le mieux ces problèmes. Comme il vient de l’indiquer, l’article 8 de ce projet de loi s’inscrit dans votre logique puisqu’il repousse de deux ans l’âge de départ des fonctionnaires relevant des catégories A actives, ce qui apparaît comme une aberration.

À l’heure actuelle, ces fonctionnaires bénéficient d’un droit de départ à la retraite anticipé à 52 ans. Si on leur accorde ce droit particulier, c’est que le législateur a reconnu que ces professions étaient soumises à des « risques particuliers ou à des fatigues exceptionnelles », pour reprendre l’expression de M. le rapporteur.

En repoussant de deux ans l’âge légal de départ à la retraite, on voudrait nous faire croire que ce qui était justifié hier ne le serait plus aujourd’hui.

Mme Annie David. C’est vrai !

M. Guy Fischer. C’est une analyse que nous ne partageons pas. Nous sommes même convaincus du contraire. La révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui prévoit le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, les contraintes économiques qui pèsent sur les dépenses et rendent plus difficiles les conditions de travail des salariés, ont une incidence sur la santé physique et psychique des agents. Allonger la durée de cotisations, c’est faire le choix de continuer à prolonger l’exposition des fonctionnaires, dans un contexte de dégradation de l’activité professionnelle.

Parmi les professions concernées par cet article, je prendrai l’exemple des agents de police. Tout le monde s’accorde à reconnaître que leurs conditions de travail ne sont pas des plus aisées. Ils subissent les conséquences de la désorganisation de leurs services, du manque de moyens et de personnels.

Face à cette situation, le ministre de l’intérieur lui-même s’était engagé, par un courrier envoyé aux organisations syndicales représentants les agents de police, à « saisir l’opportunité d’apporter des éléments à la préparation d’un projet gouvernemental [qu’il souhaitait] équilibré ». C’est dire la teneur qu’aurait eu cet article si le ministre n’avait pas eu la volonté d’y apporter une quelconque amélioration. On se demande d’ailleurs où se trouve cette amélioration…

Pourtant, les enjeux sont importants : il s’agit bel et bien d’assurer la sécurité des agents, de garantir leur efficacité opérationnelle et, ai-je envie d’ajouter, leur droit de profiter d’un temps pour soi et en bonne santé. Je suis élu d’un grand quartier populaire. Aux Minguettes, le commissariat se trouve dans le même immeuble que ma permanence. Je puis vous affirmer, pour côtoyer les agents de police, que bien souvent, notamment la nuit, ils se rendent sur le terrain stressés et la peur au ventre.

Après avoir reçu ce courrier, les policiers ont attendu, mais ils n’ont rien vu venir. Le ministre disait vouloir tenir compte des éléments relatifs à la pénibilité et à la dangerosité de leur profession, intégrer les sujétions bien particulières des missions qui leur sont confiées. Cinq mois plus tard, force est de constater que ces engagements sont tous restés des vœux pieux. Et les policiers, que vous êtes si prompts à défendre dans les médias, se retrouvent bien seuls dès lors qu’il s’agit de passer des mots aux actes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, votre conception de l’équité, qui tire toujours les droits vers le bas, vous a conduit à élaborer cet article 8, qui constitue l’une des premières mesures à l’encontre des fonctionnaires, accusés de tous les maux. Dans le projet de loi de finances pour 2011, ceux-ci subiront en effet de plein fouet les réductions de personnels décidées dans le cadre de la RGPP.

Aussi, de manière mécanique, presque déshumanisée, vous repoussez de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires relevant des catégories actives de la fonction publique. Or cette reconnaissance, qui ouvre des aménagements en termes de droit à la retraite, n’est pas un cadeau fait à celles et à ceux qui accomplissent des missions de service public dont nous profitons tous chaque jour. C’est une reconnaissance des risques particuliers qui découlent de l’accomplissement de ces missions.

Vous soutenez, et votre argument vaut pour le secteur public comme pour le privé, que les évolutions et les progrès des sciences et des techniques auraient permis d’améliorer les conditions de travail des salariés, comme c’est le cas dans l’agriculture, M. Vasselle le rappelait tout à l’heure. À croire que tous les maux disparaîtraient derrière la notion de modernisme à laquelle vous vous référez souvent, mais jamais lorsqu’il s’agit des droits sociaux.

Monsieur le secrétaire d’État, nous ne partageons pas cette analyse. Certes, les progrès techniques ont permis des avancées notables, mais la situation est loin d’être générale. N’oublions pas que les évolutions techniques entraînent parfois leur lot de souffrance. Dans le domaine de l’entretien du réseau routier, par exemple, les évolutions techniques n’ont en rien diminué la pénibilité du travail. On peut dire qu’un conducteur de camion de chantier travaille dans de meilleures conditions. Mais il n’en reste pas moins que, dans nos collectivités, les salariés d’une cinquantaine d’années qui souffrent de maux de dos sont si nombreux qu’il devient difficile de les reclasser.

Il est aussi des progrès techniques réels qui, dans les faits, ne profitent pas aux salariés. Je pense aux infirmiers ou aux aides-soignants des établissements publics hospitaliers, qui disposent, parfois, de lève-malades qu’ils n’utilisent pas, car cela ralentirait leur travail. Faute de personnels en nombre suffisant, ils sont en effet soumis à un rythme soutenu. Ils sont donc amenés à exécuter des mouvements mécaniques, d’autant plus répétés que le manque de personnel est important. Ils sont ainsi sujets à des douleurs vertébrales et plus généralement articulaires.

Les souffrances s’accumulent et leur retraite devient moins agréable qu’elle n’aurait pu l’être. Du fait d’une santé fragile, ces personnes ne peuvent profiter véritablement de leur retraite, alors que le temps de travail qu’ils ont accompli aurait dû leur permettre de vivre dans de meilleures conditions.

Vous me répondrez probablement qu’il ne s’agit que d’un allongement de deux ans. Peut-être, mais lorsque l’on est usé par le travail, lorsque l’on sent dans sa chair les conséquences de ce travail, sur le plan tant physique que psychologique, ce sont deux ans de trop.

Comme l’a indiqué à juste titre M. Domeizel voilà un instant, vous avez une vision comptable de la situation. Les collectivités ont consenti des efforts importants en faveur des personnels de la fonction publique territoriale. Elles ont été largement sollicitées et ont accepté d’augmenter leurs cotisations salariales, mais ce ne sont pas les salariés de la fonction publique territoriale qui en ont profité, la surcompensation ayant intégralement absorbé ces augmentations, y compris au profit de métiers qui auraient pu cotiser davantage qu’ils ne l’ont fait.

La liste des métiers qui font l’objet de surcompensations de la CNRACL relève d’un inventaire à la Prévert, que M. Domeizel ferait mieux que moi. Je n’en citerai aucun, afin de ne pas insister, mais cette situation n’est pas légitime au regard de la situation de certains salariés, entre autres des éboueurs, auxquels M. Domeizel a fait allusion. Lorsque l’on voit des « ripeurs » courir derrière une benne, leur imposer de faire cela deux années de plus n’est pas à notre honneur.

M. le président. La parole est à M. Simon Loueckhote, sur l’article.

M. Simon Loueckhote. Bien que le présent projet de loi ne concerne pas la Nouvelle Calédonie, je profite de l’examen de l’article 8 pour évoquer la situation particulière de notre caisse locale de retraite.

Monsieur secrétaire d’État, j’ai découvert, en accédant à la présidence de la caisse calédonienne, voilà peu de temps, l’existence d’un véritable problème concernant les fonctionnaires de l’État qui ont été en poste en Nouvelle Calédonie et qui, à un moment donné, ont demandé leur intégration dans la fonction publique territoriale.

Lorsque ces fonctionnaires font valoir leur droit à la retraite, la règle veut que la caisse calédonienne prenne seule en charge l’intégralité de leur pension, sans compensation de la part de l’État. Pourtant, le décret de 1954 qui a créé la caisse calédonienne prévoit, en son article 28, que la caisse locale de retraite et l’État prennent en charge la pension du fonctionnaire au prorata du temps d’exercice effectué dans chaque fonction publique. Mais cette disposition n’a jamais été prise en considération.

J’ai, à plusieurs reprises, après mes prédécesseurs, attiré l’attention de l’État sur la situation de la caisse. Pour l’heure, aucune solution n’a été trouvée. Cela s’explique sans doute par un manque de volonté, mais aussi par le fait que nous n’avons pas d’interlocuteur identifié au sein des services de l’État.

Je profite donc de la discussion de l’article 8 pour attirer de nouveau l’attention du Gouvernement sur la nécessité de trouver rapidement une solution à cette situation. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Claude Domeizel. C’est une bonne question.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je rappelle à mes collègues que la commission des affaires sociales se réunit immédiatement pour examiner les derniers amendements.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.

Avant la suspension, nous avons entamé l’examen de l’article 8.

La parole est à maintenant à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la cessation progressive d’activité, la CPA, chacun le sait, est une forme spécifique de travail à temps partiel qui permet d’aménager une transition entre l’activité professionnelle et la retraite.

Seul le fonctionnaire dont le grade fixe l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans peut en bénéficier, dans la limite d’âge fixée à 65 ans. Il s’engage à y demeurer jusqu’à 60 ans.

La CPA ne peut pas être prise avant l’âge de 57 ans, au lieu de 55 ans avant 2004. Une période de transition a étalé cette condition à 56 ans en 2005, 56 ans et trois mois en 2006, et 56 ans et six mois en 2007.

Comme pour le temps partiel, les périodes en CPA sont comptées comme du temps plein pour la constitution du droit à pension – sous condition de quinze ans de service – et pour la durée d’assurance – décote et surcote. Pour le calcul de la pension, seule la quantité réellement travaillée est prise en compte dans la durée de service.

Depuis janvier 2004, les fonctionnaires ont la possibilité de cotiser pour la retraite sur la base du temps plein. Les agents en CPA améliorent ainsi la durée de service pour le calcul de leur pension, en cotisant pour la retraite sur la base d’un temps plein. Le taux de cotisation est celui du droit commun, soit 7,85 %. Mais la demande présentée en même temps que la demande de la CPA est irrévocable, et cela pour toute la durée de la CPA.

Dans ce cadre, votre texte a suscité interrogations et inquiétudes chez bon nombre de fonctionnaires, notamment dans la corporation des enseignants qui sont nés entre 1951 et 1953 et qui sont actuellement en CPA. Ils craignent de devoir travailler au-delà des 60 ans, alors que l’administration leur a demandé de faire des choix d’options et de date de départ irrévocables.

Prenons un exemple concret.

Un enseignant né en novembre 1951 a opté pour une CPA au 1er septembre 2008 avec les options suivantes : deux ans – du 1er septembre 2008 au 30 août 2010 – avec un temps de travail de 80 % payé 87,6 %, un an – du 1er septembre 2010 au 30 août 2011 – avec un temps de travail de 60 % payé 70,9 %, ces conditions étant prolongées du 1er septembre 2011 jusqu’à la date anniversaire de ses 60 ans, en novembre 2011.

Il fait le choix d’une surcotisation sur la totalité de cette période de trois ans et trois mois, afin d’atteindre le taux de 75 %. En l’état actuel de nos débats, il devrait vraisemblablement effectuer quatre mois supplémentaires.

Cette prolongation, en contradiction avec le contrat irrévocable officialisé par arrêté rectoral, soulève plusieurs questions.

Dans quelles conditions devra-t-il reprendre ? À 60 % ou à temps complet ? Que deviendra son collègue, qui assurait les 40 % restants de son emploi du temps ? Ce collègue risque-t-il d’être rayé des cadres ? Sa surcotisation choisie en 2008 sera-t-elle devenue inutile ? Cet enseignant va se retrouver en contradiction totale avec l’arrêté qui prévoyait la fin de la CPA lorsque son collègue aurait atteint le taux de 75 %.

Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, je vous demande de rassurer ces agents en maintenant le dispositif de la CPA dans les termes de 2003, et ainsi de permettre à tous les fonctionnaires et agents de l’État d’aménager « une transition sereine entre activité et retraite ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.

M. Yves Daudigny. Pour des raisons qui tiennent à l’histoire des métiers, certaines catégories d’agents de l’État – à côté des agents de la fonction publique territoriale et hospitalière – sont autorisées à liquider leurs retraites à un âge inférieur à 60 ans. Loin d’être un avantage indu, cette possibilité est particulièrement liée à la pénibilité ou aux conditions d’exercice particulières de leur métier.

Certes, nous avons bien conscience que, les conditions de travail ayant changé au fil des ans, la liste des métiers pénibles de la fonction publique pourrait être toilettée. Toutefois, un tel toilettage, qui doit reposer sur un examen de ces activités à toutes les étapes, relève du dialogue social et de la négociation avec les syndicats.

Nous contestons donc la modification des dispositifs existants. Les agents de la fonction publique ont signé un contrat au moment de leur engagement. Si cet article 8 devait être appliqué, l’État remettrait en cause sa parole avec une certaine légèreté.

Certains métiers sont reconnus comme étant non seulement pénibles mais également dangereux.

Prenons l’exemple des militaires. Personne ne soutiendra ici que ceux qui sont aujourd’hui présents sur des théâtres d’opérations extérieures n’exercent pas un métier dangereux. Je ne vous ferai pas l’insulte de penser que vous avez eu cette idée !

Les militaires conjuguent en effet une obligation de disponibilité « en tous temps », une mobilité géographique obligatoire, des efforts physiques professionnels tout à fait hors des normes et une tension psychologique extrême en situation opérationnelle. La liquidation précoce des droits à la retraite est donc une conséquence de la pénibilité et non un avantage indu.

Le relèvement de l’âge de liquidation de la retraite au sein des corps militaires reviendrait donc à méconnaître cette caractéristique attachée à l’état militaire.

Par ailleurs, messieurs les ministres, en raison de la suppression du service national et de la professionnalisation de l’armée, les effectifs ont été réduits : or notre pays a besoin d’une armée opérationnelle. L’âge des effectifs est donc, en soi, une question majeure, car il conditionne l’efficacité de cet outil de l’État qu’est l’armée.

Les gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans n’ont cessé de vanter le rajeunissement des cadres et le raccourcissement des carrières, en prévoyant des mesures d’accompagnement et de reconversion. Passer de quinze à dix-sept ans pour obtenir l’ouverture des droits à pension est donc, à notre sens, une mesure lourde de conséquences sur le caractère opérationnel des armées.

Parallèlement, chaque profession posant un problème distinct, il est difficile de procéder de manière générale, sauf en termes d’attractivité : les conditions de rémunération et de vie professionnelle liées à ces métiers font partie du choix effectué à l’origine par l’agent. Il est délicat de les modifier en cours de route. Je pense notamment aux agents des établissements pénitentiaires : la retraite à 50 ans fait partie des conditions d’engagement dans ce métier, dont chacun reconnaît qu’il est difficile sur tous les plans.

Pour ces raisons, messieurs les ministres, mes chers collègues, et en cohérence avec l’ensemble des propos que nous avons tenus depuis le début de l’examen de ce texte, nous demandons la suppression de l’article 8. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.

Mme Josiane Mathon-Poinat. L’article 8 du présent projet de loi porte sur une question très discutable : celle de l’âge de départ à la retraite des agents de la fonction publique.

En avant-propos, il n’est pas inutile de rappeler quelques-unes des données du problème.

Notre pays compte aujourd’hui plus de 5 millions d’agents au sein des trois fonctions publiques, avec la perspective, avant peu, de voir les effectifs de la fonction publique territoriale dépasser ceux de la fonction publique d’État.

Certains tirent d’ailleurs de ces données brutes et de cette évolution la conclusion qu’il serait temps que les collectivités locales mettent un frein aux embauches de personnel ou qu’elles réfléchissent à être moins dispendieuses des deniers publics.

Évidemment, recruter dans la fonction publique aujourd’hui est assez mal vu par les « néolibéraux », toutes obédiences confondues, qui pensent à demi-mot qu’il y a trop de professeurs, trop d’infirmières, trop d’agents du fisc, trop de conseillers d’éducation, bref, qu’il y a trop de fonctionnaires !

Bien entendu, ce qui est, depuis plusieurs années, la mise en œuvre du plus hallucinant plan social qu’ait connu notre pays est habillé derrière un langage adapté, qui fleure bon l’odeur tenace de la langue de bois, et qui a inventé les concepts technocratiques de « maîtrise de la dépense publique » et de « révision générale des politiques publiques ».

Depuis fort longtemps, pour les fonctionnaires, la traduction concrète de cette sémantique est pourtant actée.

Là où vous parlez maîtrise et RGPP, les fonctionnaires entendent suppressions de poste, augmentation de la productivité, objectifs et indicateurs sans pertinence ni intérêt, et, de ce fait, contraction des rémunérations.

C’est donc dans ce paysage de travail quelque peu bouleversé et ravagé par les logiques comptables de fonctionnement du service public que cette réforme vient ajouter ses effets.

Les fonctionnaires, on les aime bien quand il s’agit de leur faire payer tout ou partie du prix de cette réforme des retraites et, partant, de contribuer, à leur corps défendant, à la réduction du déficit public. En effet, ce n’est pas le régime général qui est en cause avec l’allongement de la durée de service des agents du secteur public, puisque la retraite des agents publics figure dans le compte spécial des pensions : c’est donc tout bonnement le solde général du budget de l’État que l’on souhaite quelque peu améliorer.

On peut se dire, encore une fois, que, d’une certaine manière, cette réforme des retraites est juste et équilibrée, comme l’assène M. le ministre.

En fait, elle est juste équilibrée par le fait qu’elle va chercher dans la poche des salariés du secteur public comme du secteur privé l’argent que l’on se refuse, par les cotisations sociales comme par l’impôt, à exiger du patronat.

Encore une fois, c’est le travail qui va être mis à contribution ! Le compte spécial des pensions pèserait-il de plus en plus lourd ? Non. Il y aurait donc, au sein des 51 milliards d’euros consacrés à le financer, du « grain à moudre » pour trouver quelques économies !

C’est que l’intention non affichée du Gouvernement est sans doute de réduire tout ou partie de la subvention d’équilibre de 1 135 millions d’euros qu’il a dû engager dans le compte spécial des pensions pour tenir le compte dans les normes budgétaires prévues pour ce qui constitue le fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, et les 1 700 millions d’euros qu’il a fallu ouvrir pour financer les retraites militaires.

C’est en tout cas ce qu’il convenait de rappeler à ce stade de la discussion.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je m’en voudrais de ne pas répondre à ces interventions, au moment même où nous entamons la discussion des articles ayant trait à la fonction publique. Je souhaite ardemment, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous puissions aborder ces articles dans un esprit constructif ; je vous en remercie par avance.

Une question simple est à l’origine des dispositions des articles 8 à 24, relatifs à la fonction publique. Existe-t-il une raison objective d’écarter la fonction publique des mesures que nous prenons pour l’ensemble des autres catégories professionnelles de la Nation ? La convergence entre les régimes public et privé est-elle une nécessité ?

Certains répondent à cette question par la négative. Au contraire, loin de dire « non », je donne une réponse différente. Il convient, à mon avis, de trouver le juste milieu entre, d’un côté, des mesures qui donneraient aux fonctionnaires l’impression d’être stigmatisés, et, de l’autre, l’absence de mesures qui offrirait aux salariés du secteur privé un sentiment d’iniquité.

Très honnêtement, je suis frappé de constater que les déclarations de politique générale entendues récemment à l’Assemblée nationale, où nous abordons la fonction publique, se veulent pour la plupart favorables à la convergence des régimes. Loin de moi toute envie de polémiquer ! Toutefois, hormis les éléments de notre projet, je n’ai jusqu’à présent entendu aucune proposition émanant de l’opposition qui me conduise à penser que nous ayons omis une mesure évidente.

Je tiens à dire, au préalable d’une discussion qui devrait durer plusieurs heures – c’est très bien ainsi – que je n’ai aucun a priori sur votre capacité de proposition. Simplement, puisque nous sommes convaincus, comme je le suis, que l’équité préside à la convergence entre les régimes, je suis ouvert à toute idée qui, par mégarde, ne nous serait pas apparue lors de la rédaction du projet.

Je ferai plusieurs remarques pour répondre aux interventions des uns et des autres. La première d’entre elles porte sur les catégories actives, objet de l’article 8. On peut considérer, à juste titre, comme Mme Schillinger et M. Domeizel, que les catégories actives sont, en quelque sorte, la reconnaissance de la pénibilité dans le secteur public. Historiquement, ce n’est pas faux.

Vous avez d’ailleurs noté en commission que j’ai immédiatement défendu cette position afin de justifier l’absence de mesures radicales concernant la fonction publique – « radicales » signifie ici que nous ne remettons pas en cause l’existence des catégories actives.

Cela étant dit, je tiens à souligner que les catégories actives ont été en grande partie définies à partir des années 1850, c’est-à-dire il y a approximativement 170 ans ! Aussi, le fait d’avoir, aujourd’hui, une réflexion sur l’évolution des catégories actives ne me semble pas particulièrement révolutionnaire. En effet, madame Schillinger, notre appréciation des catégories actives évolue nécessairement.

Par ailleurs, la loi relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, que j’ai défendue ici aux côtés d’Éric Woerth voilà quelques mois, offre au « stock » des infirmières – pardonnez-moi cette expression triviale – le choix d’appartenir à la catégorie A ou à la catégorie B de la fonction publique, la première supposant de quitter en quelque sorte la catégorie active.

Ce choix revient aux infirmières du stock. Plutôt que de polémiquer en préjugeant de ce choix, attendons qu’il soit effectué pour savoir de quoi il retourne. Nous serons à même de voir si les infirmières préfèrent appartenir à la catégorie A ou B de la fonction publique.

Je le dis d’autant plus volontiers que les chiffres de la CNRACL montrent que l’espérance de vie des infirmières, critère de pénibilité, est identique à celui de l’ensemble des Françaises. Si nous prenions pour référence, pour cette catégorie professionnelle, un chiffre émanant de vos propres services, monsieur Domeizel, il serait évident que certaines mesures devraient être prises. Offrir aux infirmières un droit d’option est un exemple même de nuance.

En outre, je n’apprendrai à personne que les infirmières sont nombreuses à bénéficier du dispositif « quinze ans, trois enfants », qui leur permet de partir à la retraite plus tôt, avec une pension à jouissance immédiate, et de reprendre une activité professionnelle après liquidation de leur pension, dans le secteur privé cette fois.

Vous connaissez comme moi les chiffres qui ont été établis à cet égard. D’après la CNAV, près de 58 % des infirmières exercent une activité salariée après la liquidation de leur pension, tandis que 12 % à 15 % d’entre elles épousent par la suite une profession libérale. Ainsi, 70 % à 75 % des infirmières continuent d’exercer une activité professionnelle après leur passage dans la fonction publique.

Ainsi, je rappelle que l’espérance de vie de cette catégorie professionnelle est la même que celle des Françaises, qu’elles exercent une activité professionnelle après avoir liquidé leur retraite et qu’enfin nous leur proposons une option plutôt que de leur imposer un choix. De ce point de vue, nous sommes plutôt dans la nuance que dans la coercition.

Madame Schillinger, je suis très sensible à la question que vous avez soulevée à propos des activités des sapeurs-pompiers. Nous sommes, toutes opinions politiques confondues, particulièrement attachés et reconnaissants à cette catégorie professionnelle, qui exerce un métier pénible, voire dangereux.

Je m’empresse de vous dire que, dans le cadre de fonctions antérieures à celle que j’ai l’honneur d’exercer aujourd’hui, j’ai pu recevoir, en tant que président de la MEC à l’Assemblée nationale, pendant près de trois mois, tous les syndicats de sapeurs-pompiers et écouter leurs doléances…

Mme Annie David. Vous ne les avez pas entendues !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. … puisque nous avons réalisé une étude, confiée à deux parlementaires, un de la majorité et un de l’opposition, sur ce sujet. Je ne prétends pas être un expert de ce sujet, mais je les ai néanmoins entendus.

Je tenais à faire deux remarques concernant cette profession. La première est qu’ils bénéficient d’un reclassement professionnel, non opposable, s’imposant à l’administration, lorsqu’ils ne sont médicalement plus en mesure d’exercer des fonctions opérationnelles. Vous avez ainsi la réponse à votre question.

En second lieu, quand les pompiers ne peuvent plus exercer aucune fonction, opérationnelle ou administrative, d’aucune sorte, un congé leur est octroyé, qui permet de répondre directement aux situations les plus graves. De ce point de vue, je tenais à vous rassurer sur la situation des infirmières et des sapeurs-pompiers.

Monsieur Domeizel, vos connaissances sont si étendues que je prends plaisir à évoquer ces sujets avec vous et écoute avec la plus grande attention les remarques que vous formulez. Vous avez ainsi fait remarquer que nos préoccupations étaient purement comptables. Mes préoccupations, comme celles d’Éric Woerth et du Gouvernement, ne sauraient être simplement comptables.

Cependant, si notre objectif est bien d’assurer le paiement des pensions, alors nous devons procéder à des calculs afin de faire correspondre les recettes aux dépenses ! Sans cet ajustement, nous sommes en situation de déficit. Ainsi, s’il est vrai que nous veillons à cet équilibre, je ne veux pas que vous pensiez que nos motivations sont strictement comptables.

Je vous demanderai donc de vous montrer indulgents à notre égard et de ne pas considérer nos actions d’un point de vue strictement comptable. Pour payer les pensions, il est préférable d’avoir des recettes !

En matière de pénibilité, je me place dans la même optique. Si l’on retenait seulement le critère de la pénibilité pour choisir de maintenir, ou non, les catégories actives, alors nous devrions mesurer, par exemple, l’espérance de vie des professions en question afin d’en évaluer la pénibilité.

Or, je doute, monsieur Domeizel – je m’adresse ici à une personne avertie – que ce calcul n’aboutirait pas à supprimer la plupart des catégories actives. En réalité, si vous m’autorisez à vous prêter l’argument, on peut effectivement considérer que la pénibilité est l’argument historique qui fonde les catégories actives.

Toutefois, on peut également considérer, selon un second argument, que je défends pour ma part, que certains métiers sont spécifiques au service public, auquel je suis très attaché. Leur appartenance au service public permet de leur conserver un statut particulier.

Pour des métiers transversaux, par exemple celui des infirmières que j’évoquais tout à l’heure, l’évolution statutaire ne présente que des avantages. Il me paraît normal que l’article 37 de la loi sur le dialogue social ouvre ce droit d’option aux infirmières et permette le passage en catégorie sédentaire.

En revanche, il est des professions, comme celles de gardien de prison ou de policier, spécifiques à la fonction publique, pour lesquelles il est préférable de mettre l’accent sur cet aspect plutôt que sur la pénibilité. Cela nous permettra de procéder équitablement au maintien de ces professions dans la catégorie active.

M. Fischer a lui-même évoqué ce problème. Sans vouloir me répéter, je dispose d’informations selon lesquelles il n’existe qu’une seule catégorie active dont on puisse penser aujourd’hui qu’elle souffre d’une espérance de vie moindre. Toutes les autres catégories actives sont à égalité de ce point de vue. Certaines d’entre elles connaissent même une espérance de vie légèrement supérieure à la moyenne. Il convient ainsi de préférer le critère de l’appartenance au service public à celui de la pénibilité. En effet, si l’on appliquait de façon drastique le critère de la pénibilité aux catégories actives, aucune n’y résisterait.

Madame Beaufils, je m’autorise à répéter mes propos et choisis ici mes mots. Il ne faut pas se contenter de dire que la convergence entre le régime public et le régime privé appartient, si j’ose dire, à l’évidence. Certes, comme j’ai pu le lire et l’entendre, la convergence est souhaitée, y compris par l’opposition. Ainsi, au congrès de la CFDT à Tours, en juin dernier, la convergence entre les régimes public et privé a été plébiscitée par près de 80 % des adhérents de cette grande centrale syndicale.

La majorité parlementaire et le Gouvernement ont présenté sur ce sujet des mesures très précises. Vous n’ignorez pas ce dont il sera question dans les prochains jours. Vous pouvez le contester, mais vous savez ce que nous entendons par « convergence ». Elle porte par exemple sur le taux de cotisation. Nous allons opérer une convergence entre les deux taux, de 7,85 et 10,55.

La convergence conduira également à proposer la suppression de la mesure permettant de partir de façon anticipée à la retraite, dès lors que l’on a quinze ans de service et trois enfants. C’est une mesure de convergence.

Enfin, le minimum garanti répondra dorénavant à certaines des conditions du minimum contributif.

Mme Annie David. Vous changez les règles en cours de route !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous aurons le loisir d’en débattre, mais ces propositions existent.

Sachez que je suis très attentif à une proposition que vous pourriez me faire en matière de convergence et que je n’aurais pas entendue. Je suis à votre entière disposition pour débattre de l’opportunité d’un nouveau critère de convergence.

Puisque j’ai lu et entendu dans des projets, syndicaux ou politiques, de l’opposition que vous étiez, dans l’ensemble, favorables à une convergence et que vous considériez que c’est là une mesure d’équité, n’hésitez pas à me soumettre vos suggestions ! J’ai un esprit particulièrement ouvert quand il s’agit de prendre de bonnes idées qui ne m’appartiennent pas et de rendre l’hommage qu’il se doit à ceux qui en sont les auteurs.

Un problème particulier a été soulevé par M. Loueckhote concernant les fonctionnaires de Nouvelle Calédonie. Cette question, que je comprends parfaitement, mérite que l’on s’y arrête. C’est pourquoi je prends l’engagement devant lui que nous ferons tout notre possible pour lui apporter des éléments de réponse. Je rappelle simplement que, de façon générale, lorsque des fonctionnaires sont transférés d’une administration à l’autre, les pensions versées, comme les cotisations perçues, sont bien évidemment prises en charge.

C’est une question d’équilibre à trouver entre les différentes branches de la fonction publique concernées par ces transferts. Le même problème s’est posé pour La Poste – un dossier qui a été au cœur de l’actualité voilà quelques semaines – entre le régime des fonctionnaires et le régime général. Je suis prêt, sur ce point, à fournir à M. Loueckhote des précisions complémentaires s’il le souhaite.

Monsieur Kerdraon, vous m’avez interrogé sur la cessation progressive d’activité. Je voudrais vous rassurer : nous excluons évidemment toute rupture entre l’activité et la pension. Tous les dispositifs seront prolongés de sorte qu’il n’existe aucune rupture.

La question est toutefois bien réelle pour les enseignants qui bénéficient d’un dispositif spécifique prévoyant, au maximum, une année de rupture. Ils peuvent alors se trouver dans la situation singulière de devoir reprendre une activité alors même qu’ils l’ont interrompue. La Direction générale de l’administration et de la fonction publique travaille à la résolution de ce problème.

Monsieur Daudigny, vous m’avez interrogé plus particulièrement sur le régime des militaires, qui n’est pas visé par cet article 8. Nous aurons toutefois l’occasion d’en reparler et j’essaierai alors de vous répondre le plus précisément possible. Mon souci est, bien évidemment, que ce régime prenne en compte les spécificités de la fonction publique militaire, sans pour autant former un nouveau régime particulier.

Nous avons retenu comme principe dans ce texte le relèvement de deux ans de toutes les limites d’âge. Il se trouve toutefois que, dans la fonction publique militaire, on prend en compte la durée d’activité et non pas des bornes d’âge. Nous devrons procéder à quelques ajustements, avec le souci du respect de la spécificité militaire, mais aussi de l’équité. (Applaudissements sur les travées de lUMP et sur certaines travées de lUnion centriste.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

L'amendement n° 135 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 338 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 7.

M. Guy Fischer. Nous avions déjà eu un avant-goût de ce que représentent à vos yeux les catégories actives de la fonction publique à l’occasion de l’examen de la loi relative à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique.

Vous aviez déjà, à l’aide d’un cavalier législatif, anticipé sur la réforme des retraites en remettant en cause la pénibilité de la profession d’infirmière – vous venez à l’instant d’évoquer ce dossier, monsieur le secrétaire d’État. Au moyen d’un chantage que nous n’avons eu de cesse de dénoncer, vous remettiez en cause leur droit de partir à la retraite à 55 ans en échange d’une promotion en catégorie A, c’est-à-dire d’une juste et nécessaire revalorisation de leur profession.

Vous déclariez alors sereinement que « le conflit n’est pas un mode de négociation moderne » et vous vous félicitiez d’avoir ainsi obtenu un « consensus syndical historique », à défaut d’avoir réuni celui des professions paramédicales concernées ou celui des membres de notre hémicycle.

Ces allégations étaient fausses car, à notre connaissance, le protocole n’a été signé dans son entier que par le seul syndicat national des cadres hospitaliers, ultraminoritaire et soigneusement « invité » aux négociations par le Gouvernement. Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, qu’il s’agit là d’une conception étrange et pour le moins étroite du dialogue social.

Cet article est à l’image du mépris que vous affichez à l’égard de l’ensemble de nos concitoyens qui exercent aujourd’hui des métiers pénibles. La fonction publique, de par les missions de service public qu’elle exerce – sécurité civile, sécurité intérieure, défense nationale, activités sociales et sanitaires, santé publique, etc. –, représente aujourd’hui un secteur souvent cité par les spécialistes comme étant confronté aux risques psychosociaux.

Au-delà, le classement en catégorie active se justifie dans la mesure où l’on considère que les emplois occupés présentent une pénibilité et des risques pour la santé. Pour le corps infirmier, il se justifie notamment en raison du travail de nuit et de l’alternance du travail de jour et de nuit.

La gestion en flux tendus des hôpitaux induite par la loi HPST et la mise en place de la tarification à l’activité, ou T2A, ont eu pour effet d’accroître les responsabilités des infirmières, en particulier la nuit, où elles sont souvent seules.

Je fais remarquer à ce propos que des négociations sont actuellement engagées aux Hospices civils de Lyon pour sortir d’un conflit provoqué par la volonté de la direction, nommée par le Président de la République et donc tout acquise à sa cause, de supprimer la prime de nuit, afin, paraît-il, de suivre une recommandation de la Cour des comptes.

Au-delà, l’un des problèmes majeurs de la fonction publique, notamment pour certaines catégories de personnels, reste bien l’intégration des primes dans les salaires. Ce serait d’ailleurs une manière d’augmenter significativement ces derniers.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Guy Fischer. Excusez-moi, mes chers collègues, je n’ai pas vu que je passais dans le rouge… (Sourires.)

Nous aurons l’occasion de rediscuter de ces questions, notamment en profitant de l’éclairage fourni par les études de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL.

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l'amendement n° 135.

Mme Patricia Schillinger. Cette disposition prévoit de repousser de deux années l’âge d’ouverture des droits à la retraite des fonctionnaires qui relèvent des catégories actives. En cela, il s’inscrit dans la logique de régression sociale qui préside à ce texte.

Néanmoins, j’aimerais m’arrêter quelques instants sur le précédent que consacre l’article 37 de la loi relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique. Ce dernier donne le choix aux infirmières, soit de demeurer dans le cadre B et de pouvoir partir à 55 ans, soit d’opter pour la catégorie A et de ne pouvoir partir qu’à 60 ans.

Chacun se souvient que cette disposition avait constitué un scandaleux cavalier. Mes collègues Roland Courteau et Claude Domeizel avaient mis en exergue la nature injuste de cette disposition.

Injuste parce qu’elle remet en cause la pénibilité du travail des infirmières et infirmiers. Alors que cet article modifie très profondément le statut de ces personnels, aucun véritable débat n’a été mené avec les organisations syndicales.

Le Gouvernement s’est évertué à présenter cette disposition comme la traduction législative du protocole d’accord sur les négociations statutaires dans la fonction publique hospitalière du 2 février 2010. Or les syndicats, à l’exception d’une organisation très minoritaire, ne l’ont pas voté ! Une fois de plus, il s’est agi pour le Gouvernement de passer en force.

Le plus choquant dans cette disposition réside dans le fait que la pénibilité n’est absolument pas prise en considération. La création d’un nouveau corps, classé en catégorie A, avec une grille indiciaire spécifique, ne peut constituer une juste réponse, même si son fondement peut paraître légitime.

En effet, avec l’ouverture d’un droit d’option, ceux qui resteront en catégorie B renonceront du même coup à la revalorisation de leur salaire. Parallèlement, ceux qui optent pour la catégorie A abandonneront les droits acquis durant des années de dur travail et perdront le droit à la retraite à cinquante-cinq ans. Ils renonceront donc également à la majoration de durée d’assurance qui leur était accordée, depuis la loi Fillon de 2003, en reconnaissance de la pénibilité de leur emploi.

Or le passage en catégorie A n’effacera pas la pénibilité existante, ni ses conséquences. En réalité, votre choix a consisté à refuser toute prise en compte de la pénibilité. Cette profession est pourtant affectée par de dures conditions de travail, et il suffit pour s’en convaincre de se référer, par exemple, aux enquêtes de l’OMS.

Vous annonciez déjà par cette mesure la gestion que vous entendiez faire de la pénibilité, qui, à nos yeux, constitue une dimension essentielle, parce qu’elle a des conséquences sur l’espérance et la qualité de vie. Nos concitoyens attendent qu’elle soit prise en compte.

Or vous ne leur offrez que la reconnaissance de l’invalidité, ce qui n’est absolument pas la même chose, et encore dans des conditions quasi inacceptables.

Pour notre part, la prise en compte de la pénibilité est prioritaire et participe de la politique de compensation. Nous voulons mettre en place un système où toute période de travail pénible sera couplée à une majoration des annuités ouvrant droit à la retraite. Cette logique participe de la justice sociale et de la dignité due à tous les salariés de ce pays.

Aussi, vous l’aurez compris, nous sommes opposés à cet article 8, qui n’est qu’une nouvelle expression de la logique de régression sociale que vous voulez imposer à l’ensemble des salariés de ce pays et, dans ce cas, aux fonctionnaires relevant de la catégorie active.

M. le président. L’amendement n° 338 rectifié n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 7 et 135 ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques, qui visent à supprimer l’article 8 tendant à relever les âges de la retraite des catégories actives de la fonction publique.

Je rappelle que, aux termes de cet article, ces fonctionnaires conservent pleinement les spécificités liées à leur service actif, avec la possibilité de partir plus tôt à la retraite.

Je précise également que l’âge d’ouverture des droits à pension des catégories actives de la fonction publique évoluera parallèlement à celui des catégories sédentaires ainsi qu’à celui des salariés du régime général.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements, mais je m’efforcerai, en quelques mots, d’expliquer pourquoi et de répondre aux objections qui ont été formulées.

Monsieur Fischer, je vous ferai tout d’abord remarquer que le texte relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, que j’ai eu l’honneur de défendre ici même avec Éric Woerth, a la particularité de comporter trente articles sur quarante-six qui sont directement issus des accords de Bercy, conclus entre les organisations syndicales et le Gouvernement. C’est une réalité nouvelle dans la fonction publique : le système d’administration permet dorénavant d’aboutir à des points d’accord par la discussion. Je tenais à souligner cette évolution importante.

Le Gouvernement doit-il s’interdire pour autant d’introduire une disposition complémentaire lorsqu’il la juge nécessaire, sachant que nous parlons du statut de la fonction publique, et non de positions contractuelles ? La réponse est non.

Personne ne peut contester ce droit au Gouvernement, et il ne viendrait d’ailleurs pas à l’esprit des organisations syndicales de le faire, elles qui considèrent le statut de la fonction publique comme un formidable acquis. Je voudrais donc, si vous m’y autorisez, mesdames, messieurs les sénateurs, tordre une bonne fois pour toutes le cou à cette idée selon laquelle il serait scandaleux d’introduire un dispositif complémentaire à un accord conclu. Le Gouvernement a parfaitement la légitimité pour le faire, justement parce que nous sommes dans un cadre statutaire. Il en irait évidemment autrement si, un jour, une formation politique d’opposition voulait passer d’une position statutaire dans la fonction publique à un régime purement contractuel – cela me surprendrait beaucoup et, bien évidemment, je m’y opposerais. Mais, pour l’instant, ce n’est pas le cas.

Vous avez évoqué en second lieu la question des primes dans la rémunération, monsieur Fischer. C’est un vrai sujet. C’est précisément pour cette raison que nous n’avons pas modifié, dans la fonction publique, la règle des six derniers mois pour établir la pension. Il aurait été très facile de céder à des sirènes dogmatiques – force est de reconnaître qu’elles ne s’expriment en aucun cas au Sénat en ce moment, pas plus qu’elles ne se sont exprimées à l’Assemblée nationale voilà quelques semaines – qui préconisaient d’aligner le statut de la fonction publique sur le régime général en retenant, par exemple, les vingt-cinq meilleures années pour calculer la pension.

Si nous ne l’avons pas fait, c’est tout simplement parce que le taux de remplacement de 75 % dans la fonction publique se calcule sur une assiette qui exclut les primes, tandis que, dans le régime général, les vingt-cinq meilleures années englobent la totalité de la rémunération.

Le fait que nous n’ayons pas retenu la convergence des régimes sur ce point rend donc votre question de l’intégration des primes dans les salaires moins pertinente, monsieur Fischer. Nous devrons peut-être à l’avenir engager une réflexion à ce sujet. Ce n’est toutefois pas la logique que nous avons privilégiée dans ce projet de loi.

Madame Demontès, vous vous interrogez sur la question des infirmières. Je formulerai trois observations.

Première observation : on peut présenter les choses de façon négative. Je répète que nous leur laissons le choix. Pour ma part, je suis profondément convaincu que la meilleure façon de départager les personnes qui polémiquent sur ce sujet est de savoir si les infirmières vont opter majoritairement pour l’entrée en catégorie A, et donc abandonner la catégorie active, ou si elles vont préférer rester en catégorie B et donc, par définition, faire un choix tout à fait déterminé.

Vous avez présenté le tableau de façon très noire, madame la sénatrice, en affirmant que tout est à perdre dans cette affaire. Je vous rappelle que le choix de la catégorie A correspondra au versement d’un treizième mois, soit à peu près 2 500 euros. Cette somme n’est pas négligeable en termes de pouvoir d’achat.

Deuxième observation : il s’agit de la reconnaissance d’un diplôme à « bac + 3 » selon le schéma licence, master, doctorat, qui implique une véritable trajectoire universitaire et professionnelle. L’on peut dire que c’est un mauvais choix, il n’empêche que les infirmières pourront le faire en toute connaissance de cause et avoir des perspectives intéressantes.

Troisième observation, j’y insiste, le critère de l’espérance de vie n’est pas le meilleur pour essayer de mesurer la pénibilité du métier.

J’ai sous les yeux le tableau établi par l’INSEE sur l’espérance de vie en années. Je parle sous votre contrôle, monsieur Domeizel : en 2007, l’espérance de vie à 60 ans des infirmières pensionnées de la CNRACL était de 27,1 ans et de 27 ans pour l’ensemble des femmes. En 2008, elle s’établissait à 27 ans pour les infirmières et à 27,1 ans pour l’ensemble des femmes. À un mois près, elle est donc plutôt favorable aux infirmières. Il existe par conséquent une parfaite corrélation entre l’espérance de vie des infirmières et celle de la population féminine dans son ensemble.

Je persiste à penser, premièrement, que la meilleure façon de nous départager, c’est de laisser le choix aux infirmières ; deuxièmement, que la meilleure façon d’apprécier les catégories actives, c’est de déterminer celles qui relèvent du service public stricto sensu plutôt que de commencer à élaborer des appréciations en termes de pénibilité et d’espérance de vie ; troisièmement, si l’on est cohérent – je ne vous reproche en aucun cas un manque de cohérence –, c’est de bien mesurer que si vous prenez en compte l’espérance de vie pour cette catégorie professionnelle, vous devez en tirer les conséquences et partir de l’idée selon laquelle il n’y a plus de catégorie active d’infirmières. (Applaudissements sur certaines travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.

M. Guy Fischer. M. le secrétaire d’État a développé un certain nombre d’arguments. Nous en prenons note, mais s’agissant de la pénibilité – Claude Domeizel peut peut-être le confirmer –, selon les études de la CNRACL, une infirmière sur quatre est en invalidité au moment de son départ à la retraite et 30 % des aides-soignantes sont en invalidité à environ 48 ans.

Mme Annie David. Eh voilà !

M. Guy Fischer. Selon les organisations syndicales, l’espérance de vie des infirmières serait inférieure de huit ans à celle des autres femmes françaises.

Cette idée est certainement à étudier dans la réflexion sur les primes. Puisque vous vous fondez sur des arguments exclusivement comptables pour justifier cette réforme, je voudrais souligner que la CNRACL n’est pas en déficit. Les cotisations excèdent les prestations, ce qui lui permet d’équilibrer d’autres régimes de retraites par le biais de la compensation et de la surcompensation, tels que ceux des exploitants et salariés agricoles, des commerçants et des artisans. Je rappellerai pour conclure que les fonctionnaires ont contribué en 2008 pour 2,5 milliards d’euros à ces régimes au titre de la surcompensation.

Par conséquent, rien ne justifie le recul de l’âge du départ à la retraite pour cette partie de la population. Puisque vous voulez « tordre le cou » à des lieux communs : les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Oh non !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Tout à fait d’accord !

M. Guy Fischer. Il faut le dire : affirmez-le !

Telle est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’alibi démographique sans cesse avancé pour justifier cette réforme d’ensemble des retraites ne saurait nous faire oublier qu’elle débouchera inévitablement, à plus ou moins long terme, sur une remise en cause de notre système de retraite par répartition au profit d’un système par capitalisation, et ce malgré les intentions proclamées plus ou moins solennellement. La question démographique n’est, nous semble-t-il, qu’un alibi destiné avant tout à masquer le véritable mobile de ce projet de loi. C’est sur cet aspect que je voulais intervenir.

Cette réforme est envisagée comme si la richesse de notre pays n’allait pas évoluer au cours des quarante prochaines années. Pourtant, dans les quarante années à venir, avec un taux de croissance moyen de 1,7 % par an, la richesse de notre pays aura doublé en quarante ans : de 1700 milliards d’euros à environ à 3 400 milliards d’euros.

Malgré cela, c’est à richesse constante qu’il nous faudrait, selon les propositions du Gouvernement, financer une augmentation de 63 % du nombre de retraités. Ce que vous organisez, c’est le détournement de cette richesse, en espérant que les profits pourront capter la partie de ces nouvelles richesses qui auraient dû revenir aux retraités.

Le Gouvernement nous parle de la dette publique, en arguant de la nécessité de réduire les dépenses publiques, ce qui passe entre autres par la réduction du nombre de fonctionnaires et la casse des services publics. Pourtant, l’explosion récente de la dette publique est due aux plans de sauvetage de la finance et surtout à la récession provoquée par la crise bancaire et financière qui a commencé en 2008 : le déficit public moyen dans la zone euro n’était que de 0,6 % du PIB en 2007, mais la crise l’a fait passer à 7 % en 2010. La dette publique est passée en même temps de 66 % à 84 % du PIB.

C’est pourquoi nous sommes convaincus que les mesures que vous proposez sont irresponsables d’un point de vue politique, social et économique. Au lieu de chercher à rassurer et pacifier une société inquiète des conséquences de la crise, vous jetez de nouveau de l’huile sur le feu en ajoutant encore de l’affrontement à la crise...

Vous continuez à dresser les Français les uns contre les autres, les fonctionnaires étant à vos yeux des nantis, comme vient de le rappeler notre collègue Guy Fischer, ce qui n’est pas notre perception, alors qu’ils ne sont que les serviteurs de l’État et qu’ils sont au service des citoyens.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pas uniquement de l’État !

Mme Marie-France Beaufils. De l’État au sens général !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. De la fonction publique !

Mme Marie-France Beaufils. Quand je parle de l’État, je pense bien évidemment à la fonction publique nationale, mais aussi à la fonction publique territoriale.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il y a aussi la fonction publique hospitalière.

Mme Marie-France Beaufils. Bien sûr ! Il s’agit de toutes les fonctions publiques.

Votre communication est fondée, nous semble-t-il, sur un mensonge puisque vous tentez de faire croire que le taux de cotisation des fonctionnaires est inférieur à celui des salariés du privé. Or, vous le savez, c’est faux puisque, dans les faits, le taux de cotisation des salariés du privé est de 6,75 % !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mais non, madame !

Mme Marie-France Beaufils. Or, il est de 7,85 % pour les fonctionnaires.

Ces derniers sont fortement touchés par votre projet, la hausse des cotisations de retraite sera une baisse déguisée de leurs salaires. Le passage de 7,85 % à 10,55 % de cotisation est pour vous « une atteinte assez modérée au pouvoir d’achat », « absorbable » par les différents mécanismes d’augmentation des salaires des agents du secteur public. Nous aimerions savoir quels sont ces mécanismes.

Pourtant, là encore, le Gouvernement s’était engagé à ne pas toucher au pouvoir d’achat des Français : une promesse oubliée un mois plus tard. En effet, l’alignement des cotisations du public sur celles du privé conduira à une baisse des salaires et donc du pouvoir d’achat des fonctionnaires.

Votre réforme sonne donc comme un prétexte pour imposer des choix dictés par l’idéologie. La soumission à la dictature du marché n’est pas acceptable, tant elle a fait la preuve de son inefficacité économique et de son potentiel destructif. Comme le rappelle justement Noam Chomsky, les choix de politique économique ne peuvent être abandonnés au profit du « parlement virtuel » des investisseurs et des préteurs qui décide qu’un système bénéficiant au peuple plutôt qu’aux cercles restreints des puissances du secteur privé est irrationnel. C’est une atteinte à la démocratie !

Nous pensons que la société française peut faire preuve de solidarité sans remettre en cause les conquêtes sociales. C’est pourquoi nous vous demandons de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d’État, je vous ai bien entendu et j’ai compris ce que signifiait la pénibilité pour votre gouvernement.

Comme vous le savez, pendant une vingtaine d’années, j’ai fait partie du personnel soignant. L’argent ne règle pas tout, ce ne sont pas vos 2 500 euros qui vont résoudre tous les problèmes.

La pénibilité, c’est au quotidien de se poser la question du mode de garde des enfants quand on travaille la nuit et qu’il n’y a pas de crèche ; c’est de savoir si votre collègue sera présente ou non, parce qu’elle sera peut-être malade ou qu’elle aura un problème et ne pourra pas venir.

Le stress au quotidien, c’est de demander à l’hôpital de faire des économies avec moins de personnel et moins de matériel. Par ailleurs, il y a les urgences. Dans certains services, le travail quotidien est extrêmement pénible. C’est, par exemple, le décès d’un enfant. Il faut ramener ses problèmes à la maison. Si vous avez pendant vingt ans un stress quotidien, vous ne le supportez pas.

Vous savez très bien que le personnel soignant prend souvent des antidépresseurs et des somnifères parce qu’il n’est pas facile de changer de fonction. Le travail dans certains services est très pénible : il n’y a pas seulement des services de chirurgie esthétique ou en clinique privée.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne voyez pas la pénibilité comme je l’ai vécue ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement entend, avec cet article 8, généraliser aux agents du secteur public les mêmes mesures que celles qu’il entend faire appliquer par la loi aux salariés du secteur privé. C’est ce que vous appelez la convergence, monsieur le secrétaire d’État, avec une constante : l’alignement vers le bas.

L’égalité, dans l’esprit de cette pseudo-réforme des retraites, tend en réalité à se décliner sous la forme du recul généralisé des garanties collectives.

Nous avons eu l’occasion de montrer, notamment lors de la discussion des articles 5 et 6, mais également lors de la discussion de l’article 4, que la réforme des retraites dont nous discutons allait avoir pour effet de provoquer l’ouverture d’un nouveau round de négociations collectives remettant en jeu l’adhésion de chaque branche professionnelle aux dispositifs de cessation anticipée d’activité comme aux questions de gestion des effectifs et des carrières.

Dans le secteur public, les données ont quelques aspects identiques, même s’il convient de rappeler ici que, contrairement aux entreprises privées, l’État, les collectivités territoriales comme les hôpitaux, sont tenus d’engager les crédits nécessaires au paiement tant des traitements que des pensions de leurs agents. C’est même là l’un des principes fondamentaux de la loi organique, ce qui n’a jamais été le cas pour les entreprises privées.

À la vérité, l’évolution récente de la fonction publique montre que le rajeunissement des cadres est parfois conduit de bien étrange manière.

La méthode la plus éprouvée est celle des transferts de services et de personnels, assortie de la création de nouvelles entités – notamment des établissements publics à caractère industriel ou commercial, des EPIC – dont la gestion de personnel peut rapidement être alignée sur celle du secteur privé.

Le transfert de personnels, les élus locaux connaissent bien ! C’est ainsi que la décentralisation Raffarin a conduit au transfert des personnels non enseignants des collèges et des lycées, avec en perspective l’ensemble des problèmes de gestion de carrière en découlant, notamment parce qu’il s’agissait d’un personnel relativement âgé qui va demander, d’ici à quelques années, à disposer d’une pension versée par la CNRACL.

Cette décentralisation a notamment modifié profondément la structure des effectifs des conseils régionaux qui, de pilotes de politiques d’aménagement du territoire à visée stratégique, sont devenus employeurs d’agents de lycée confrontés au quotidien aux problèmes de la communauté éducative.

Mais les transferts, cela procède aussi souvent de la transformation de services ministériels, employant de manière quasi exclusive des fonctionnaires, en établissements publics à caractère industriel ou commercial.

C’est ainsi que la presse s’est fait l’écho, ces jours derniers, de la fusion entre la Cité des sciences et de l’industrie de la Villette, qui est un EPIC employant 1 080 salariés, et le Palais de la découverte, qui est un service public employant 220 fonctionnaires.

La nouvelle entité, Universcience, est évidemment un EPIC, et il est avéré que cette fusion entraîne d’ores et déjà de sérieuses difficultés, mettant en péril l’activité même du Palais de la découverte.

En tout état de cause, parler ainsi de l’évolution du travail des agents du secteur public montre clairement le peu de cas que le Gouvernement fait de l’avenir de ces personnels, et donc de leur retraite.

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter les amendements identiques de suppression de l’article 8.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 135.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 32 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 153
Contre 182

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 898, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 8 tend à relever de deux ans les annuités exigées des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique, que l’on a tenté de définir tout à l'heure.

Nous refusons de faire porter sur les fonctionnaires, comme sur l’ensemble des salariés, le poids du transfert du financement des retraites que vous opérez à leur détriment.

L’exemple des catégories actives visées par cet article est d’autant plus inadmissible que c’est à des fonctionnaires occupant des emplois qui présentent « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles » que vous voulez imposer de payer toujours plus. Nous ne l’acceptons pas, pas plus que nous ne l’acceptons pour le privé.

Il s’agit, par exemple, des policiers, des douaniers, des surveillants pénitentiaires ou encore des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse ; je vous renvoie, pour plus de précision, au tableau figurant à la page 114 du rapport de la commission des affaires sociales.

Avec votre réforme, les métiers difficiles sont parmi les plus pénalisés, et cet article en témoigne.

Nous rejetons votre argument selon lequel il s’agirait d’équité. Selon vous, il serait juste d’appliquer le même relèvement de cotisation à tous les salariés. Le problème, c’est que cette réforme des retraites n’est précisément pas juste à l’encontre de celles et ceux qu’elle vise.

Nous refusons de faire entrer dans la loi le principe de l’augmentation de la durée de cotisation en fonction de l’espérance de vie. Le débat démographique est un piège dans lequel vous tentez de nous enfermer. La réalité, c’est que la France a un renouvellement générationnel supérieur à celui d’autres pays européens.

Par ailleurs, si risque de régression démographique il peut y avoir, celui-ci trouverait sa source dans la régression économique et sociale que nous connaissons, et qui s’accroît d’année en année en raison de votre politique.

Par ailleurs, la rédaction de cet article fait apparaître l’augmentation des annuités comme une mesure simple, logique, automatique, technique, alors qu’elle constitue une décision éminemment politique.

Par cet amendement, nous vous proposons donc, mes chers collègues, de supprimer les dispositions de l’article 8, qui décline les âges de départ à la retraite des fonctionnaires concernés.

(Mmes et MM. les sénateurs de l’UMP quittent l’hémicycle.)

Mme Christiane Demontès. Ils partent tous !

M. le président. L'amendement n° 778, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je regrette que nos collègues quittent l’hémicycle. Dans ces conditions, le débat va vraiment être passionnant…

Mme Raymonde Le Texier. C’est honteux !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Peut-être pourrions-nous passer tout de suite au vote… Cela les ferait revenir ! (Sourires.)

Mme Annie David. C’est invraisemblable que l’UMP ait quitté l’hémicycle !

M. le président. Je vous en prie, ma chère collègue, veuillez présenter votre amendement.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je vous remercie M. le secrétaire d'État de rester parmi nous ! (Sourires.)

Il s’agit d’un amendement de repli visant à supprimer l’alinéa 2 de l’article 8.

Mme Christiane Demontès. La fonction publique n’intéresse pas l’UMP !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est un déni total de nos débats !

La mesure prévue est injuste ; c’est d’abord et avant tout, une mesure d’économie.

Les fonctionnaires seront financièrement contraints de participer à une solidarité qui exclut toujours bien évidemment les plus riches. Pourtant, ce ne sont pas eux qui grèvent les comptes publics ; c’est plutôt vous, monsieur le secrétaire d'État, qui réduisez les ressources.

Pour preuve, les rémunérations, pensions comprises de tous les fonctionnaires, qu’ils soient d’État, territoriaux ou hospitaliers, représentaient, en 2000, 13,3 % du PIB (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste.)

Monsieur le président, je ne puis poursuivre dans un tel brouhaha !

Mme Bariza Khiari. Nous sommes troublés par le départ de nos collègues !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Certes, je comprends bien, mes chers collègues, mais soit vous m’écoutez, soit nous discutons de ce qui vient de se passer.

Mme Annie David. On pourrait suspendre la séance !

M. le président. Veuillez poursuivre, ma chère collègue ! Le président vous écoute !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et le ministre aussi !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Ainsi que la commission !

Mme Josiane Mathon-Poinat. Je disais donc que les rémunérations, pensions comprises de tous les fonctionnaires, représentaient, en 2000, 13,3 % du PIB, alors qu’elles ne représentaient plus que 12,7 % du PIB en 2008. La proportion des dépenses de rémunération est en diminution par rapport à la richesse produite.

Dans ces dépenses, la part des retraites civiles et militaires pour l’État est passée de 2 % du PIB en 1999 à 2,1 % en 2008. On est très loin de la situation décrite comme catastrophique de par le « poids » des dépenses produites par les fonctionnaires dans le total des dépenses publiques.

Monsieur le secrétaire d'État, il faut peut-être cesser d’opposer les Français entre eux et de recourir à la caricature en disant que les fonctionnaires sont des privilégiés, des nantis.

Au contraire, vous devriez dire que les fonctionnaires sont non pas un fardeau pour l’État, mais la particularité d’un système qui est envié dans le monde entier, à savoir le service public : ils accomplissent des missions utiles à notre société en garantissant à nos citoyens un traitement égal sur tout le territoire national.

Vous devriez également dire, monsieur le secrétaire d'État, que, en matière de retraite, ils participent plus que d’autres à l’équilibre du système. Si l’État employeur a versé, au titre de ses personnels civils, 1,5 milliard d’euros en 2008 au titre de la compensation, les fonctionnaires, eux, ont contribué, dans le même temps, aux retraites des exploitants et salariés agricoles, des petits patrons de l’artisanat et du commerce, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, et à hauteur de 1,5 milliard d’euros aux retraites des régimes spéciaux, tels que les mines, les marins-pêcheurs, au titre de la « surcompensation ». C’est bien une catégorie qu’il faut plutôt défendre.

M. le président. L'amendement n° 339 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

cinquante-deux

par les mots :

cinquante et un

Cet amendement n'est pas soutenu.

Article 8
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 8 (début)

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour un rappel au règlement.

M. Claude Domeizel. Je me pose une question, monsieur le président : pouvons-nous continuer de siéger, alors que les travées de la majorité sont totalement vides ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Non ! Moi, je suis là !

M. Claude Domeizel. Les travées du groupe de l’UMP sont totalement vides !

M. Yves Pozzo di Borgo. Je suis là !

M. Claude Domeizel. Mais vous n’appartenez pas à l’UMP, mon cher collègue !

Monsieur le président, pouvons-nous continuer de siéger dans ces conditions ?

(M. Gérard Longuet regagne son banc.)

M. le président. Vous avez la réponse à votre question, mon cher collègue !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Et la qualité, à défaut de la quantité !

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Article 8 (interruption de la discussion)

M. le président. L'amendement n° 779, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Cet amendement constitue l’un des amendements portant sur la modification des règles propres aux catégories actives quant à l’exercice de leur droit à pension.

Le nombre des agents concernés par ces dispositions est, faut-il le rappeler, relativement réduit, mais toutes les mesures d’âge prévues par l’article 8 visent notamment à faire une économie budgétaire de l’ordre de 70 millions d’euros au bénéfice du compte spécial des pensions et au détriment, si l’on peut dire, des pensionnés.

Voici ce que nous dit, par exemple, le projet annuel de performance du compte spécial des pensions pour 2011.

De façon globale, sur l’ensemble du programme, l’impact des mesures liées à la loi portant réforme des retraites en discussion au Parlement pourrait être une réduction des dépenses de l’ordre de 32 millions d’euros en 2011, avec une réduction de 70 millions d’euros au titre des mesures d’âge et de 10 millions d’euros au titre de l’évolution du dispositif du minimum garanti et une augmentation de 48 millions d’euros au titre de la mise en extinction progressive du dispositif de départ anticipé pour les parents de trois enfants.

Dans ce dernier cas, le maintien provisoire des règles actuelles de liquidation pour les agents qui auront déposé leur dossier avant le 1er janvier 2011, pour une radiation des cadres au plus tard le 1er juillet 2011, pourrait se traduire par un supplément de dépenses provisoires pour les pensions, un impact que viendra cependant lisser le maintien des conditions actuelles de départ aux agents à moins de cinq ans de leur retraite. C’est le dispositif tel qu’imaginé par le Gouvernement.

D'une part, l'opération sur les pensions vise, par les mesures d'âge, à conduire à une moindre budgétisation du compte spécial de pensions. C’est celui-ci qu’il faut faire décroître. La mise en cause des cessations anticipées d'activité pour l’éducation de trois enfants est en effet un dispositif en extinction, qui finira par accroître la part captée par le budget général aux dépens des retraités.

D’autre part, l'objectif fixé par le Gouvernement est de pousser certains agents du secteur public à prolonger leur carrière, et cela touche effectivement les fonctionnaires classés en service actif.

Le Gouvernement espère manifestement de la réforme qu'elle conduise à un accroissement de la durée de cotisation et à un recul conséquent de l'âge de départ. Il s’agit d’ailleurs d’un mécanisme déjà à l’œuvre : l’âge moyen de liquidation de la retraite s’élève aujourd’hui 61,5 ans !

M. le président. L'amendement n° 340 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

cinquante-cinq

par les mots :

cinquante-trois

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 780, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 780.

M. Bernard Vera. Il y a dans la démarche du Gouvernement une logique qui est de faire peser une sorte de pression sur les fonctionnaires.

Nous sommes confrontés à une série d’alinéas qui tendent à remettre en question la situation des agents du secteur public ayant effectué des services actifs et tirant parti, de fait, d'une prise en compte différenciée de leur situation au regard du droit à pension.

Ce quatrième alinéa de l'article 8 prévoit expressément que les agents ne devront désormais plus avoir atteint l’âge de 54 ans mais celui de 56 ans pour faire valoir leur droit à pension.

Il est évident que la mesure s'inscrit dans une logique globale d'allongement des carrières, dont la seule raison d'être est de permettre à l'État de consacrer des sommes de moins en moins élevées au financement du compte spécial de pensions.

Le schéma est assez clairement établi : en remettant en question les situations découlant de sujétions particulières et qui se traduisaient dans le déroulement de carrière, il s'agit de compenser autant que faire se peut le mouvement naturel du compte spécial.

En théorie, la hausse des prix et l'allongement potentiel de la vie devraient entraîner une augmentation des dépenses du compte spécial de pensions. Cela revient à dire que la réforme des retraites consiste pour les fonctionnaires à leur faire payer, au-delà du gel de leur rémunération pour deux ou trois ans, les effets de la hausse des prix et de l'allongement de la vie !

On pourrait aussi dire que l'État spécule sur la mortalité de ses agents, puisque la conséquence quasi-mécanique de l’allongement de la carrière sera la réduction de la période de perception de la pension.

Enfin, notons que cette démarche va de pair avec une absence totale, pour les fonctionnaires, de bénéfice relatif à la prolongation de carrière. Même si les conditions de calcul de leurs droits à pension sont différentes de celles du secteur privé, les retraités de la fonction publique ne pourront pas espérer de la réforme la moindre valorisation de leur pension. Ainsi, ils travailleront plus longtemps et paieront des cotisations supplémentaires sans percevoir aucun avantage nouveau, puisque le Gouvernement vise également à réduire la part de ses agents bénéficiant d'une surcote.

Chers collègues, c'est en raison des observations qui précèdent que nous vous invitons à adopter cet amendement de suppression de l’alinéa 4.

M. le président. L'amendement n° 341 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

cinquante-six

par les mots :

cinquante-cinq

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 781, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 781.

Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement découle de notre opposition de principe à l'allongement de la carrière des agents du secteur public qui, soumis à des sujétions spécifiques, disposent aujourd'hui de modalités propres de leur départ à la retraite.

Toujours plein d'imagination, le projet de loi prévoit de porter à 57 ans l'âge à partir duquel certains agents, nés après le 1er janvier 1961, pourraient faire valoir leurs droits à pension.

Par construction, le dispositif mis en place est évidemment appelé à s’amplifier année après année. Il s'agit en fait d'un dispositif inflationniste, au sens où le nombre d’agents touchés par son application augmentera de manière régulière jusqu'au 1er janvier 2018, qui sera la première date concernant pleinement les agents intéressés.

Notons toutefois qu’certains fonctionnaires pourraient être contraints à faire valoir leurs droits à pension avant cette date, quitte à supporter évidemment le poids éventuel d'une décote plus ou moins importante.

On rappellera tout de même que les professions visées ici présentent des caractéristiques de pénibilité avérées, puisqu’il s’agit des sapeurs-pompiers professionnels, des agents de salubrité des collectivités territoriales, ou encore des ouvriers professionnels et des aides soignantes de nos hôpitaux.

Ces personnels connaissent de manière générale des conditions de travail très spécifiques et contraignantes. Ainsi, nombre d’entre eux sont soumis à des contraintes de nuit ou des astreintes de sécurité. De fait, ces contraintes spécifiques participent d’une pénibilité qu’il convient de reconnaître.

On peut d'ailleurs s'étonner que le Gouvernement, qui se vante de faire entrer par la grande porte la prise en compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite, commence par imposer à ses propres agents – et aux fonctionnaires des deux autres fonctions publiques – deux ans de services supplémentaires.

Nous sommes évidemment opposés à une telle approche qui néglige, entre autres choses, le fait que travailler dans un milieu insalubre ou dans l'obscurité – je pense par exemple aux égoutiers – est un facteur avéré de réduction de l'espérance de vie.

Ainsi, une étude du comité d'hygiène et de sécurité de la Régie autonome des transports parisiens avait montré que ses personnels employés à l'entretien des installations souterraines du métro – par exemple ceux affectés aux réseaux électriques ou au renouvellement de l’air – avaient une espérance de vie inférieure de cinq ans à la moyenne.

Nous constatons qu’aucune partie du rapport ne fait appel à la moindre statistique pour justifier de la mesure prise en direction des fonctionnaires en service actif. Faut-il croire que ces derniers sont tous en bonne santé ? Il y a dans cet hémicycle un certain nombre d’élus qui connaissent bien les métiers dont il s’agit, et ils savent que la réponse à cette question est malheureusement négative. Ils peuvent témoigner des nombreuses demandes de reclassement professionnel faites, avant leur départ à la retraite, par ces agents de la fonction publique.

Nous ne pouvons évidemment pas accepter une telle orientation du projet de loi et invitons le Sénat à voter notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 342 rectifié, présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

cinquante-sept

par les mots :

cinquante-six

Cet amendement n'est pas soutenu.

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 136 est présenté par M. Le Menn, Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon et S. Larcher, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 392 rectifié est présenté par M. Milhau, Mme Laborde, M. Collin, Mme Escoffier et MM. Mézard et Plancade.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, excepté pour les sapeurs pompiers dont la dangerosité du métier et des missions exercés est reconnue à l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour défendre l’amendement n° 136.

Mme Gisèle Printz. L'alinéa 5 de l’article 8 cible les fonctionnaires de la catégorie active ayant accompli quinze ans de service et pouvant liquider leur pension dès l'âge de 55 ans.

Le classement en catégorie active ne concerne qu'un nombre d'emplois limité, soumis à un risque particulier ou à des fatigues exceptionnelles, comme les militaires, les policiers et les infirmiers. Il s’agit là de professions exposées, comme le sont également les sapeurs-pompiers professionnels, dont le travail est particulièrement difficile en cette période de grande détresse sociale.

Leur action ne se limite pas aux feux. Ils sont sollicités pour toutes sortes d'urgences. Il est important que le Gouvernement marque sa volonté de rester au plus près de nos compatriotes en prenant en compte la pénibilité du travail de ceux qui aident directement nos concitoyens dans les moments les plus difficiles.

Sans jusqu’ici recevoir de réponse, les sapeurs-pompiers professionnels ont sollicité le Gouvernement plusieurs fois au sujet de la prise en compte de la pénibilité et de la dangerosité de leur métier dans ce projet de loi. La précipitation avec laquelle ce dernier a été mis en place explique sans doute ce silence.

Cet amendement prévoit de maintenir le régime actuel et le droit au départ à la retraite à l'âge de 55 ans. L'exercice du métier de sapeur-pompier au-delà de cet âge posera inévitablement un problème de sécurité pour les intervenants eux-mêmes comme pour les usagers du service public qui les sollicitent.

Les possibilités d'emplois non opérationnels au sein des services départementaux d’incendie et de secours ne permettront pas de couvrir l'ensemble des besoins de la profession, compte tenu notamment du vieillissement lié à la pyramide des âges. Le reclassement dans une autre filière de la fonction publique territoriale ne peut s'envisager comme une alternative satisfaisante pour au moins deux raisons.

La première réside dans l’esprit de corps qui régit la profession des sapeurs-pompiers, et qui induit l’attachement particulier de ceux-ci à leur filière.

La deuxième est que la perte du statut de sapeur-pompier professionnel entraîne aujourd'hui de facto la perte des avantages acquis grâce à une sur-cotisation supportée par l'agent tout au long de sa carrière.

L'amendement n° 136 prévoit donc de maintenir le régime actuel avec, pour tous les sapeurs-pompiers professionnels, un droit au départ à la retraite dès l'âge de 55 ans. Celui-ci témoigne de la reconnaissance de la nation vis-à-vis d'une profession sans cesse plébiscitée par nos concitoyens.

M. le président. L'amendement n° 392 rectifié n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 898, 778, 779, 780 et 781. Tous visent en effet à supprimer certains alinéas de l’article 8 et donc à le dénaturer.

Or cet article sur le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à la retraite des catégories actives de la fonction publique ne fait que respecter l’esprit du projet de loi, dont l’équilibre repose sur un effort de toute la collectivité, tout en respectant la spécificité de certains métiers.

L’amendement n° 136 vise pour sa part à exclure les sapeurs-pompiers de la mesure du relèvement d’âge. Nous n’y sommes pas favorables car, comme les autres catégories actives, les sapeurs-pompiers conserveront leurs spécificités, à savoir un âge de départ moins élevé.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Sur chacun des amendements proposés, le Gouvernement émet le même avis que celui de la commission.

Dans mes propos liminaires, j’ai déjà eu l’occasion de répondre à plusieurs points à nouveau évoqués dans la défense de ces amendements. Je voudrais donc, maintenant, me limiter à quelques informations complémentaires.

Mme Beaufils vient d’affirmer que le taux de cotisation des agents de la fonction publique est inférieur à celui des salariés du privé. Je placerai ma réponse sous le contrôle du président Guy Fischer, qui avait tenu des propos similaires il y a quelques jours, et auquel j’avais apporté les éléments d’information suivants.

Dans la fonction publique, le taux de cotisation est un taux « intégré » qui résulte de l’addition au taux de base d’un taux complémentaire ; il s’élève aujourd’hui à 7,85 %. Dans le secteur privé, le taux de base est de l’ordre de 6,5 %, auquel il convient d’ajouter le taux de cotisation complémentaire, qui s’élève à environ 4 %.

Ainsi, si l’on compare les taux de cotisation globaux, on constate une différence de l’ordre de 2,7 % au détriment du secteur privé.

Mme Annie David. Mais pour quel niveau de pension ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Pour le même ! Je vous remercie de poser des questions comme celle-ci car elles nous permettent au moins de nous accorder sur des éléments factuels.

Le niveau des pensions est sensiblement équivalent. Il est légèrement supérieur dans le secteur public mais l’écart ne justifie pas de revenir sur la règle consistant à retenir comme salaire de référence celui des six derniers mois pour les fonctionnaires, et celui des 25 meilleures années pour les salariés du secteur privé.

À la question de Mme David, j’apporte donc la réponse suivante : oui, les niveaux de pensions sont grosso modo identiques.

En revanche, à la question : « les taux d’acquisition des droits à pension sont-ils les mêmes ? », ma réponse est négative. Pour Mme Beaufils, qui affirme que le taux est de 6,55 % dans le secteur privé et de 7,85 % dans le secteur public, je souhaite redire que le taux retenu pour les fonctionnaires est « intégré »: Il est par construction l’addition d’un taux de base et d’un taux complémentaire.

Par conséquent, le taux de 7,85 % est un taux d’acquisition final dans le secteur public, tandis que celui de 6,55 % n’est qu’un taux de base pour les salariés du privé ! Si on lui ajoute le taux complémentaire, on parvient à un taux de cotisation final de 10,55 % !

J’aimerais insister sur cet aspect. Le Gouvernement n’a pas à se reprocher de comparer des choses comparables ! Il n’y a pas lieu de polémiquer sur des éléments simplement factuels.

S’agissant des amendements qui ont été évoqués au sujet de l’équité des mesures d’âge, je ne répéterai pas les arguments de M. Dominique Leclerc, dont je partage l’avis.

J’aimerais cependant préciser un point quant à la part relative des retraites dans le produit intérieur brut de notre pays.

Vous avez raison de le souligner, ce rapport a effectivement légèrement diminué lorsque le produit intérieur brut a beaucoup augmenté. Mais ce dernier ayant à son tour diminué, la part allouée aux dépenses de retraites publiques, de même que la part allouée aux rémunérations, puisque vous évoquiez les deux, rapportée à l’ensemble du PIB sera vraisemblablement en augmentation à la fin de l’année prochaine. Ce n’est pas le numérateur qui a bougé, c’est plutôt le dénominateur.

Évidemment, avec la crise, la croissance étant négative, la part des pensions a augmenté. Madame le sénateur, permettez-moi de vous le rappeler, entre 1,5 milliard d’euros et 2 milliards d’euros de dépenses supplémentaires sont, chaque année, liés aux pensions de la fonction publique, augmentation d’ailleurs constante depuis dix ans. Dominique Strauss-Kahn l’avait relevé dans le rapport de 1999.

En dernier lieu, je vous ferai remarquer que, si le montant global que l’État consacre au compte d’affectation spéciale Pensions, donc les retraites de l’État, s’élève, comme je viens de vous le dire, à environ 2 milliards d’euros, 800 millions d’euros supplémentaires ont été versés en termes de rémunération, y compris pour cette année, pour un nombre d’agents légèrement inférieur. On peut tout naturellement en déduire que la rémunération a plutôt augmenté. Mais nous reviendrons sur ce débat lors de l’examen d’autres articles.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote sur l'amendement n° 898.

Mme Marie-France Beaufils. Nous voterons en faveur de la suppression de toute la première partie de cet article, qui organise le relèvement du nombre d’annuités nécessaires aux fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique pour partir en retraite.

À sa lecture, la situation paraît simple et mécanique : selon vous, le principe de ce projet de loi étant de retarder le départ à la retraite à soixante-deux ans, il serait logique d’augmenter de la même manière l’âge de départ à la retraite des personnels en service actif.

Je note que vous profitez de cette automaticité pour mettre en cause la légitimité de l’intervention des syndicats et des partenaires sociaux. La retraite est extrêmement liée au travail. Il n’est pas question pour nous d’accepter que des dispositions aussi structurantes que celles qui sont contenues dans l’article 8 puissent perdurer et se durcir le cas échéant au fil des années, par la loi, hors de toute négociation avec les partenaires sociaux.

Une autre raison pour nous de rejeter cet article est, bien sûr, le fait que vous visez des fonctionnaires qui effectuent un travail difficile dont la pénibilité était reconnue de fait.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Exactement !

Mme Marie-France Beaufils. Vous aggravez leur situation, alors que, d’un point de vue général, on le sait, on demande toujours plus d’efforts aux 30-50 ans, qui sont la grande majorité des travailleurs, au point qu’ils arrivent usés à l’âge de la retraite. Pour mesurer cette difficulté qui n’est pas prise en compte dans les propositions que vous avancez, il suffit de regarder, dans nos collectivités territoriales, le nombre de reclassements sollicités pour raison de santé par les éboueurs-ripeurs, les égoutiers, les infirmières, les sapeurs-pompiers...

Mais, bien évidemment, c’est plus globalement que nous rejetons l’accroissement du nombre d’annuités nécessaires pour prétendre à la retraite.

Votre logique n’est pas la nôtre. Ce n’est pas aux salariés, qu’ils soient fonctionnaires ou du privé, de payer toujours plus quand les plus riches savent s’exonérer, avec votre aide, de la solidarité nationale.

L’allongement de l’espérance de vie n’est pas un problème ; elle est une chance, mais une chance qui n’est pas la même pour tout le monde. Elle a tendance à s’accroître pour les catégories qui bénéficient déjà d’une espérance de vie élevée. La possibilité de partir en retraite avant soixante ans pour certains corps de métier de la fonction publique tient compte de cette situation ; vous la remettez en cause.

Vous nous opposez régulièrement la situation des régimes de retraite dans les autres pays européens, mais vous omettez de dire que votre réforme est la plus dure ! En effet, elle augmente à la fois les limites d’âge et la durée de cotisation. Celle-ci sera bientôt la plus longue d’Europe : quarante et un ans et demi, alors qu’elle est de trente ans au Royaume-Uni, de trente-cinq ans en Allemagne et en Espagne, de quarante ans en Suède et de trente-sept ans en Autriche.

La question réelle est ailleurs. Elle consiste à trouver, là où elles se trouvent, les ressources nécessaires pour faire face à des problèmes de financement : dans les profits financiers, les exonérations de cotisations patronales, le relèvement de ces cotisations patronales à hauteur de celles des salariés, cela avec une politique de croissance et non de régression sociale !

Si le nombre d’actifs, et donc de cotisants, est insuffisant, ce n’est évidemment pas parce que les taux d’activité au-delà de soixante ans nécessiteraient d’être augmentés. C’est en raison du nombre élevé de chômeurs qui est en augmentation constante. C’est en raison des taux d’activité relativement faibles entre cinquante ans et soixante ans, ce qui invalide vos prétextes pour allonger la durée des cotisations. Nous savons que le plein-emploi réduirait de moitié le besoin de financement des caisses de retraite.

Concernant précisément les fonctionnaires, on assiste aujourd’hui à un départ massif à la retraite de générations nombreuses de fonctionnaires embauchés dans les années soixante-dix. Mais votre obstination à considérer la dépense publique comme un coût et donc à la réduire, ce qu’illustre la révision générale des politiques publiques, fait que vous ne remplacez qu’une partie d’entre eux.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de voter notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Je voterai contre l’ensemble des amendements présentés à l’article 8.

En effet, mes chers collègues, pour vous la réflexion sur la ressource humaine, l’analyse des tâches et l’évolution de l’organisation de ces tâches, n’existent pas.

Tous les métiers que vous nous avez présentés ont des caractéristiques différentes. Et il est de la responsabilité de l’employeur, en l’occurrence la fonction publique de l’État, de gérer l’évolution de ces carrières qui changent.

Je prendrai l’exemple des enseignants. Les instituteurs étaient recrutés après le primaire supérieur, sans même envisager d’aller jusqu’au baccalauréat. Aujourd’hui, ils sont en réalité à bac + 5.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela fait longtemps. Vous parlez du temps de nos grand-mères !

Mme Annie David. Vous n’avez pas écouté !

M. Gérard Longuet. Vous avez plaisir à rappeler des règles qui remontent au temps de la machine à vapeur et vous récusez totalement les évolutions de l’organisation du travail qui, heureusement, depuis un siècle et de façon constante, ont amélioré les conditions d’exercice de ces différentes professions.

Dans cet effort de solidarité nationale, chacun doit prendre sa part du fardeau pour assurer l’équilibre des régimes de retraite par répartition. Aussi considérons-nous que l’État employeur a la responsabilité d’ouvrir avec les organisations syndicales un débat permanent sur les conditions d’activité.

On ne peut pas ne pas prendre en compte l’évolution des activités, les conditions de les exercer et l’amélioration de la formation ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Parlons des enseignants !

M. Gérard Longuet. Justement ! Les effectifs par classe n’ont cessé de baisser et, dans l’enseignement primaire, on est passé des classes uniques comportant plusieurs niveaux – situation complexe ! – à des classes de niveaux différents et, grâce au regroupement pédagogique intercommunal, à un travail collectif qui permet aux maîtres d’école d’aujourd’hui...

Mme Annie David. Aux professeurs des écoles ! Il faut mettre vos fiches à jour...

M. Gérard Longuet. ... de travailler en équipe et de mieux assurer leur métier. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Non seulement vous considérez les métiers comme étant figés, mais vous nous présentez en permanence une vision archaïque de la réalité de ces métiers, méconnaissant une réalité simple : le régime des retraites n’a pas vocation à se substituer au droit du travail ou aux négociations sur l’organisation du travail.

Les entreprises privées, par le biais des négociations d’entreprise, des conventions collectives, comme l’État employeur, avec les négociations d’ensemble, ont l’obligation de faire progresser la condition des travailleurs. Le système de retraite ne peut en aucun cas remplacer à lui seul ces négociations !

Force est de constater que, s’il y a eu des accès à la retraite à des âges différenciés, les métiers eux-mêmes ont évolué et l’État employeur s’est efforcé, comme les entreprises privées, de proposer aux salariés des conditions d’activité plus acceptables pour les uns et pour les autres.

Nous ne pouvons pas, comme vous le faites avec vos dizaines d’amendements, évoquer la situation de chaque branche ! Mais ce serait vraiment méconnaître la réalité du dynamisme syndical, la responsabilité des employeurs qui ont intérêt à faire évoluer les emplois vers la plus forte valeur ajoutée pour rendre les métiers attractifs, et la responsabilité des directions de personnel de la fonction publique que d’oublier qu’ils s’efforcent de faire évoluer ces métiers pour les rendre attractifs et, dans la bataille pour sélectionner les meilleurs éléments, favoriser et améliorer le recrutement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voyez comme à France Télécom leur façon de travailler s’est modernisée !

M. Gérard Longuet. Votre passéisme systématique, votre méconnaissance des efforts des ressources humaines des entreprises publiques, des collectivités locales et, naturellement, du secteur privé, nous découragent, car vous avez une vision totalement figée de la société, comme s’il n’y avait dans ce pays aucune volonté d’améliorer la situation de ceux qui travaillent.

C’est la raison pour laquelle, dans cet effort partagé, nous considérons qu’à l’article 8 les propositions faites à la fonction publique sont tout à fait raisonnables. En revanche, en effet, le dialogue et la négociation doivent continuer pour l’amélioration des conditions de travail en amont des régimes de retraite. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Le discours que nous venons d’entendre me laisse pantois !

M. Jacques Muller. Parler à notre sujet d’une approche passéiste remontant au temps de la machine à vapeur relève tout simplement de la provocation !

M. Jacques Muller. Je vous incite à aller dialoguer sur le terrain avec les infirmières, qui n’en peuvent plus de leurs conditions de travail et qui sont de moins en moins nombreuses pour soigner tout le monde !

Allez discuter aussi avec les gardiens de prison, qui gardent de plus en plus de détenus – politique répressive oblige ! – avec moins de moyens !

Allez voir les policiers, qui souffrent aujourd’hui de sous-effectif !

Allez voir encore les enseignants !

M. Gérard Cornu. À quel âge partent-ils à la retraite ?

M. Jacques Muller. Et je pourrais continuer l’énumération !

Vous êtes frappé d’un autisme sidérant. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Oui, allez sur le terrain, regardez la réalité et arrêtez de nous assommer avec des arguments...

M. Alain Gournac. Passéistes ! Mais la société a évolué…

M. Jacques Muller. ... aussi éculés que ceux que vous venez d’avancer.

Aujourd’hui, la question des retraites est difficile, mais la manière dont vous la posez est rigoureusement inacceptable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.

Mme Odette Herviaux. Mon intervention sera très brève, monsieur le président. Je souhaite seulement répondre à ce que nous venons d’entendre.

Qu’il s’agisse d’une machine à vapeur, que certains peuvent regretter, ou d’un TGV, permettez-moi de dire que, dans les deux cas, encore faut-il savoir conduire la machine !

Lorsque vous évoquez le problème des enseignants, au moins ne parlez plus de formation, puisqu’il n’y en a plus ! C’est très bien d’exiger le niveau bac+5.

M. Gérard Longuet. Ce n’est pas rien !

Mme Odette Herviaux. Je suis d’accord. Mais à quoi cela sert-il si l’on n’est pas capable de transmettre la matière que l’on a étudiée à fond, ...

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Dans ce cas, il faut faire autre chose !

Mme Odette Herviaux. ... si l’on n’est pas capable de faire prendre conscience aux enfants que l’on a en face de soi de l’importance de cette matière et de ce qu’elle peut apporter. Tout cela s’apprend grâce à la pédagogie et à la didactique.

Si nos formateurs n’ont plus cette formation-là, je crains malheureusement que le fait d’attendre quinze ans pour qu’ils s’en sortent sur le terrain ne constitue un retour en arrière, cette fois non vers la machine à vapeur, mais bien plutôt vers les chars à bœuf ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je serai également très brève, monsieur le président.

Monsieur Longuet, vous nous provoquez sans arrêt ! (Rires et exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Alain Gournac. Et vous, vous ne nous provoquez pas, peut-être ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce matin, pour décrire la façon dont le débat finirait par s’accélérer, vous nous compariez, nous et nos amendements, à des éviers bouchés qui se déboucheraient tout à coup ! Et encore, vous ne parliez que des éviers ! Cela aurait pu être pire !

Je pense que vous n’êtes pas allé dans un hôpital depuis très longtemps…

M. Gérard Longuet. Malheureusement si !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sauf peut-être au Val-de-Grâce. Tant mieux pour vous !

Vous n’êtes pas non plus allé dans une grande surface. Vous ne faites probablement pas les courses !

M. Gérard Longuet. Plus que vous ne le pensez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n’êtes pas allé voir ce qui se passe sur les plateformes d’appel de France Télécom. C’est normal, vous ne faites qu’appeler !

M. Gérard Longuet. Je les ai créées !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr, vous n’êtes pas allé dans un lycée, un collège, une école primaire, une école maternelle – peut-être n’avez-vous plus d’enfant en âge d’être scolarisé –, voire une crèche, où, Mme Morano oblige, on va augmenter le nombre d’enfants par auxiliaire de puériculture.

Mme Patricia Schillinger. En maternelle, 32 élèves par classe !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous invite à réaliser un tour de France des professions modernes aujourd'hui. Vous comprendrez alors ce que signifie la souffrance au travail dont parlent nombre de médecins et de psychologues. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai écouté avec attention : à vos yeux, tout est parfait. Je continuerai cependant à défendre la situation des sapeurs-pompiers et formulerai trois remarques qui seront autant de propositions.

Premièrement, les sapeurs-pompiers bénéficient actuellement d’un système de surcotisation grâce auquel ils peuvent partir à la retraite à 55 ans. Pendant 25 ans en effet, tous les cinq ans, ils paient une surcotisation qui leur permet de racheter chaque fois un an de cotisation. Ils souhaitent continuer à bénéficier de ce système et demandent que celui-ci soit déplafonné de manière à pouvoir racheter plus d’années.

Deuxièmement, les sapeurs-pompiers dénoncent le fait de perdre le bénéfice de ces années de surcotisation lorsque, au cours de leur carrière, ils sont reclassés dans une autre administration que celle des sapeurs-pompiers. Or il n’est pas rare qu’après de nombreuses années de carrière un sapeur-pompier demande à travailler dans une autre administration, en particulier lorsque son état physique ne lui permet plus d’aller au feu. N’est-il pas absurde qu’il perde alors le bénéfice de quinze ans de surcotisation ?

Troisièmement, les sapeurs-pompiers demandent que le système permettant leur classement en catégorie active soit complété de manière à ce que ceux qui ont effectué quinze années d’activité opérationnelle, dont dix au moins de manière continue, bénéficient d’un départ à 55 ans avec un niveau de pension décent.

Monsieur le secrétaire d'État, vos réponses étaient floues, les dispositions prévues sont injustes. Par conséquent, nous ne voterons pas cet article. (Mme Gisèle Printz applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Pignard, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Pignard. Madame Borvo, vous semblez dire que vous êtes les seuls à connaître la vie réelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je n’ai pas dit cela !

M. Jean-Jacques Pignard. Je pense être le dernier dans cet hémicycle à avoir exercé un métier puisque, il y a deux ans, j’enseignais encore, à 61 ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est très bien !

M. Jean-Jacques Pignard. Je ne me lassais d’ailleurs pas d’avoir des élèves.

On peut tout dire des enseignants et des IUFM : je ne pense pas que la pédagogie s’apprenne véritablement dans les instituts universitaires de formation des maîtres. Qu’on le veuille ou non, elle s’apprend sur le terrain. Croyez mon expérience : j’étais agrégé dans la botte, j’ai enseigné en classe préparatoire avant de faire le choix personnel et volontaire d’intégrer un lycée technique.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l’avez déjà dit !

M. Jean-Jacques Pignard. Cela reste mes meilleures années professionnelles.

Tout à l’heure, vous vous êtes émus du départ de certains de nos collègues. Comme Guy Fischer le sait bien, mon autre spécialité, c’est le spectacle vivant. C’est d’ailleurs pour cela que je suis de permanence pour le groupe de l’Union centriste : la nuit m’appartient ! (Sourires.) Aussi, je peux vous dire que, quand la pièce est mauvaise, le public quitte la salle, que ce soit à Avignon ou à Paris. (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Vous avez un bon scénario, vos propos ne sont pas dénués d’intérêt, mais, à force de les diluer, vous rendez le spectacle insupportable, comme c’est le cas du Mahâbhârata ou de certaines œuvres de Claudel qui se donnent au théâtre de l’Odéon. Je vous en prie, je sais bien que votre technique, c’est l’obstruction, mais, si vous étiez un peu plus concis, nos collègues resteraient à vous écouter et tout le monde y gagnerait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP. – Nouvelles protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas convaincant !

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.

M. Yves Pozzo di Borgo. Quand on voit l’évolution du monde, on mesure à quel point la France a de la chance de pouvoir se payer un article 8. Croyez-vous que, dans la compétition mondiale que l’on connaît actuellement, beaucoup de pays puissent le faire ?

Mme Christiane Demontès. Mais oui, tirons tout vers le bas !

M. Yves Pozzo di Borgo. Prenez conscience du fait que le monde change !

Mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, j’ai été moi-même fonctionnaire. Vos propos me stupéfient : arrêtez d’infantiliser les fonctionnaires comme vous le faites !

Mme Christiane Demontès. Qu’est-ce que vous racontez ?

M. Yves Pozzo di Borgo. C’est un monde intelligent, plein d’énergie, qui a envie de travailler, de faire bouger les choses.

Pensez-vous vraiment que les salariés du privé ne regardent pas avec envie cet article 8 et toutes les catégories professionnelles qui bénéficient de ces avantages ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Sortez un peu de la pesanteur dans laquelle vous mettez notre pays ! Nous parlons d’un problème important. Vous ne vous rendez pas compte qu’en appréhendant le monde et la fonction publique de cette façon, vous infantilisez le pays tout entier ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)

Mme Christiane Demontès. Cela fait dix ans que vous êtes au pouvoir !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous faites pas la leçon !

M. Yves Pozzo di Borgo. Par conséquent, je voterai cet article. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Monsieur Longuet, j’aurais beaucoup à dire sur les propos scandaleux que vous avez tenus. Vous feriez bien d’aller sur le terrain voir ce qui se passe. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Mme Bernadette Dupont. On a tous vécu !

M. Claude Domeizel. Cet après-midi, j’ai évoqué le cas de l’éboueur qui devra travailler deux ans de plus avant de partir à la retraite. S’il est devenu éboueur-chef, ce sera pire : il perdra le bénéfice de la catégorie active et sera contraint de courir après la benne à ordures ménagères jusqu’à 67 ans. Quelle chance !

Monsieur Longuet, on vous l’a suggéré : allez voir les infirmières ! Nous avons évoqué tout à l’heure les infirmières retraitées de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, ou appelées à le devenir, et, monsieur le secrétaire d'État, vous avez rappelé que leur espérance de vie était quasiment identique à celui des femmes en général. C’est incontestable : les chiffres émanent de cet organisme. Mais on fait dire aux chiffres ce que l’on veut ! Car il ne faut pas omettre de préciser que cela concerne le personnel hospitalier féminin, plus précisément les femmes qui partent à la retraite à jouissance immédiate, c'est-à-dire après quinze ans de carrière et trois enfants. En d’autres termes, cela ne vaut que pour celles qui ont interrompu ou réduit leur carrière. Il faut tout de même le dire. (M. le secrétaire d'État conteste.) Si !

Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai déjà demandé de revoir l’arrêté de 1969, qui est complètement obsolète ; cela fait d’ailleurs des années que je le réclame. Il faut entièrement le reprendre et, s’il est vrai que certains métiers n’y ont plus leur place et doivent être retirés de la liste, d’autres méritent d’y être ajoutés. Car il y aura toujours dans la fonction publique, qu’elle soit territoriale, hospitalière ou de l’État, des métiers pénibles qui justifient que ceux qui les exercent partent à la retraite plus tôt que vous ne le prévoyez. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne mets absolument aucun esprit polémique dans mes propos.

M. Claude Domeizel. Ce n’est pas sûr !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Si, ça l’est ! J’entends simplement que vous me respectiez dans les fonctions qui sont les miennes – vous le faites, monsieur Domeizel, et je vous en remercie – comme je respecte votre point de vue, même quand il est critique.

Je souhaite que nous soyons bien d’accord sur les faits. Après, nous pouvons avoir des divergences quant à leurs conséquences.

Tout à l’heure, je me suis permis de rappeler ce qu’était le différentiel en taux de cotisation et je remercie d’ailleurs Mme Beaufils de m’avoir donné l’occasion de le faire.

Madame Schillinger, la bonification dont disposent les sapeurs-pompiers n’est pas une surcotisation, c’est une validation gratuite. Ce n’est pas la même chose ! Ce sera d’ailleurs tout l’enjeu du débat que nous aurons à ce sujet : dans la fonction publique active en général, le dispositif des bonifications gratuites est-il modifiable ou non ? Je précise d’emblée que nous ne le mettons pas en cause en tant que tel.

Monsieur Domeizel, je sais tout ce que vous avez fait et tout ce que vous continuez de faire pour la fonction publique en général, et pour la fonction publique hospitalière et territoriale en particulier. Je le dis parce que je le pense du fond du cœur. Les chiffres que nous avons tous deux rappelés – je parle sous votre contrôle – sont clairs et précis. Mais, et je tiens à votre disposition ces données, à peu près 60 % des infirmières qui font jouer le dispositif actuellement en vigueur – quinze ans, trois enfants, deux mois d’interruption – reprennent une activité salariée juste après avoir pris leur retraite de la fonction publique.

Il a par ailleurs été constaté qu’une partie d’entre elles reprenaient une activité libérale ; je ne puis vous communiquer le chiffre exact, mais il est de l’ordre de 10 % à 15 %. En d’autres termes, 70 % à 75 % des infirmières continuent à travailler après avoir quitté la fonction publique.

M. Alain Gournac. Tant mieux d’ailleurs !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Et c’est très bien ainsi.

Les chiffres qui émanent des services de la CNRACL le mettent bien en exergue : en termes d’espérance de vie après 60 ans, les infirmières se trouvent exactement dans la moyenne des Français. Je ne suis pas dans la polémique, je me contente simplement de rappeler ces données qui nuancent pour le moins, sans les contredire, les propos que vous avez tenus sur la pénibilité propre à cette profession. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Marie-France Beaufils. En partant à la retraite, elles abandonnent le travail de nuit !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 898.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 778.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 779.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 780.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 781.

M. Guy Fischer. Vous avez compris que nous souhaitions balayer tous les problèmes.

M. Alain Gournac. C’est pour gagner du temps !

M. Guy Fischer. Non, c’est pour débattre !

M. Gérard Longuet. Pour approfondir ! (Sourires sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Exactement !

Le pilier financier est au cœur du débat sur les retraites du secteur public.

Comme la loi organique fait obligation à l’État, aux collectivités territoriales et aux hôpitaux de faire face aux dépenses tant de personnel que de pensions, la seule attitude que puisse avoir un Gouvernement comme celui qui conduit aujourd’hui les affaires du pays, c’est de procéder à la mise en œuvre de toute mesure permettant d’en réduire le poids financier.

Le service des pensions consomme, ce qui semble excessif aux yeux de beaucoup – vous me contredirez, monsieur le secrétaire d'État, si ce n’est pas exact – plus de 50 milliards d’euros tous les ans.

Je n’aurai pas la mauvaise grâce de rappeler à quelques-uns de nos collègues les discours sentencieux et emplis de componction qu’ils ont pu prononcer dans un hémicycle quasiment vide le jour du débat budgétaire sur les crédits du compte spécial.

Mais je me permettrai seulement, avant toute chose, de rappeler l’une de ces évidences qu’il ne faut jamais perdre de vue : au terme d’une simple logique comptable, ce qui est une dépense pour l’État, pour les collectivités territoriales ou pour les hôpitaux, est aussi un revenu pour les bénéficiaires, c’est-à-dire les pensionnés. Le fait de rationner et limiter les pensions consiste, de fait, à réduire le revenu de plus de 2,3 millions de nos compatriotes qui procèdent du régime de retraite des fonctionnaires.

Les 50 milliards d’euros de pensions des agents du service public viennent compléter nettement l’assiette de l’impôt sur le revenu. Et je dois d’ailleurs faire observer, à ce stade de la réflexion, que le niveau moyen des pensions étant plus important que celui des retraites du régime général, les pensionnés de la fonction publique participent plus nettement au produit de l’impôt sur le revenu.

On peut même, sans se tromper de beaucoup, estimer que les pensionnés du secteur public apportent d’ores et déjà à l’État, d’après mes estimations, le dixième du produit de l’impôt sur le revenu perçu chaque année dans notre pays !

Notre assemblée compte suffisamment de retraités –  regardons-nous ! (Sourires.) – pour que nous puissions considérer que retraite et inactivité sont des données de plus en plus distendues, – n‘est-ce pas, madame la présidente ?

Le projet de loi entend donc réaliser des économies. Il s’agit, aujourd’hui, de jouer sur les 3 milliards d’euros consacrés pour l’heure par le budget général afin de tenir l’obligation, fixée par la loi organique, de l’équilibre du compte spécial.

Cette érosion du pouvoir d’achat des pensions se double d’ailleurs d’une érosion du pouvoir d’achat des agents en activité. Car, à la logique de mise en question des pensions, de leurs conditions de versement et de leur quotité, la politique gouvernementale ajoute, en effet, celle du gel des traitements pour les trois années à venir.

C’est une réalité : le Gouvernement a décidé de geler les traitements des fonctionnaires durant les trois années qui viennent ! Cela signifie que les seules espérances de revalorisation des rémunérations des agents du secteur public résideront dans le fameux « glissement vieillesse technicité », dit GVT. Un GVT bien utile pour oublier que le traitement, lui, va végéter en valeur indiciaire là où il est aujourd’hui !

Ainsi donc, les fonctionnaires verront d’une manière insidieuse leur pension remise en cause et la durée de leur carrière s’allonger. Cette ligne, on la sent de plus en plus puisque la liquidation des pensions intervient à présent en moyenne à 61,5 ans.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur Fischer, là encore, je voudrais qu’on soit bien d’accord sur les chiffres. Après quoi, chacun d’entre nous en tire les conclusions qu’il veut.

Mais il ne faut pas donner les chiffres de façon tellement globale qu’on ne soit pas capable, ensuite, de savoir ce qu’ils représentent.

J’illustre mon propos par une question : quel est le montant global des pensions de l’État ? Il s’élève à 45 milliards d’euros stricto sensu, auxquels vous ajoutez 2 milliards d’euros pour la retraite des ouvriers de l’État et 2,5 milliards d’euros pour la pension militaire d’invalidité.

Sur les 45 milliards d’euros, vous calculez qu’à peu près 5 milliards sont affectés au régime particulier de La Poste et que 5 milliards d’euros sont issus directement des 7,85 %, c’est-à-dire des cotisations salariales. Si vous rapportez 5 milliards à 45 milliards, vous obtenez à peu près un neuvième. Vous voyez ce que cela représente : cela fait à peu près 11 % qui sont issus des cotisations.

Le différentiel est issu directement des impôts. Quand vous regardez le compte d’affectation spéciale Pensions, vous vous apercevez très concrètement que le taux de cotisation employeur pour l’État est de 62 %. Je parle sous le contrôle du président Domeizel : il pourra vous dire que, dans la fonction publique territoriale ou hospitalière, on est très loin de ce chiffre de 62 % !

Qu’est-ce que cela signifie ? Tout naturellement que nous ne sommes pas du tout dans la logique que vous évoquiez ! La réalité, c’est que si on l’extrapolait, ce que je ne fais pas, on s’apercevrait que le solde des cotisations est payé par l’impôt de façon générale !

Mme Josiane Mathon-Poinat. C’est normal !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je ne dis pas que ce n’est pas normal ! Je dis que la façon de les présenter laisse entendre que, par le taux de cotisations, on a un abondement supérieur à ce qu’il devrait être.

Je vous dis très clairement que le taux de cotisation à 7,85 % correspond à un taux de cotisation employeur de 62 %. Il est de 27 % à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, CNRACL, il est de 16 % dans le privé.

Donc, remettons les choses à leur juste place ! Nous ne sommes pas du tout dans la même logique de chiffres ! Les chiffres, il faut être précis quand on les utilise !

Ensuite, vous dites que les rémunérations sont gelées pour trois ans. Mais ce n’est pas du tout le cas ! La négociation que nous avons menée conjointement, Éric Woerth et moi-même, au mois de juillet a abouti à une augmentation du point d’indice de 0,5 sur l’année 2010. Le gel que nous avons annoncé concerne 2011. Il porte donc non sur trois ans, mais sur une année.

M. Guy Fischer. Pouvez-vous confirmer que cela ne se poursuivra pas en 2012 et en 2013 ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je vous ai dit très clairement ce qu’il en a été ! Ce qui est en cause, c’est le point d’indice. La rémunération basée sur le point d’indice est gelée sur 2011, après une augmentation de 0,5 en 2010.

Par ailleurs, il y a l’augmentation catégorielle, dont le retour de plus de 50 % – 73 % en fait – sur l’année précédente issue du non-remplacement d’un fonctionnaire partant à la retraite sur deux, plus le GVT. Cela veut dire que le pouvoir d’achat, au cours des dix dernières années – y compris dans les années blanches, il y en a eu une seule, en 2003 – a toujours connu une augmentation supérieure à 0,5 %, net de l’inflation.

Donc, vous ne pouvez pas dire que nous sommes dans une logique qui consiste à geler les rémunérations des fonctionnaires sur trois ans ! Vous ne pouvez pas dire davantage qu’il y a en conséquence gel sur le CAS Pensions.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le secrétaire d’État, puisque vous voulez qu’on se comprenne, je vous soumets une interrogation. Elle porte sur votre façon de calculer le 60 % de la cotisation employeur.

M. Georges Tron, secrétaire d'État. C’est dans le CAS !

Mme Marie-France Beaufils. Lorsqu’on parle de la cotisation employeur dans le secteur privé, on parle de sa cotisation mensuelle sur le salaire du salarié. Là, vous prenez la part prise en charge par l’État pour la totalité des pensions à payer sur l’année.

Nous n’avons pas le même mode de calcul. Je fais du mensuel, vous faites du global. En mathématiques, ce n’est pas la même chose. Vous faites un global général : nous ne sommes pas sur les mêmes modes de calcul.

Faites-moi le calcul sur le salaire mensuel du salarié. Moi, qui ai été détachée de l’éducation nationale et qui ai payé ma cotisation employeur pendant tout le temps de mon détachement, je sais que ce n’est pas du 60 % !

M. Georges Tron, secrétaire d'État. C’est dans le CAS !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 781.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 136.

(L’amendements n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, à ce stade du débat, je voudrais intervenir pour vous dire mon inquiétude.

Le Sénat est un lieu de débat où la parole est traditionnellement respectée.

Mais que devient cette image de raison et de sagesse quand les débats trainent en longueur sans rien apporter de vraiment neuf sur le fond de chaque argument ?

M. Guy Fischer. C’est votre point de vue !

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Beaucoup d’entre vous se sont déjà, aux détours d’une prise de parole, de la défense d’un amendement ou d’une explication de vote, exprimés sur une grande partie du texte bien au-delà des vingt articles déjà adoptés. Je rappelle qu’il y en a 121 !

Notre travail se délite et perd toute saveur et consistance comme un pastis qu’on arrose indéfiniment jusqu’à le noyer. Remarquez, je n’ai jamais bu de pastis, mais j’imagine qu’il puisse, à force, n’avoir plus aucun goût. (Sourires.)

Je ne pense pas que les mêmes arguments développés dix fois soient plus convaincants qu’un bon argument exposé clairement une seule fois. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

Nous avons déjà siégé plus de 68 heures dans l’hémicycle et 17 heures en commission sans compter le temps consacré aux auditions.

Je vois bien que la fatigue qui nous gagne nous amène à des réactions parfois vives, totalement disproportionnées avec leur objet.

J’ai évoqué le sujet avec le président Larcher et lui ai demandé de me soutenir dans cet appel à la raison et à la sagesse que nos concitoyens attendent de leurs sénateurs.

Mes chers collègues, je souhaite avoir été entendue et que nos débats puissent se poursuivre à un rythme plus soutenu et plus conforme à la dignité et au sérieux que le sujet de la réforme des retraites exige. (Applaudissements sur les travées de lUnion centriste et de lUMP.)

M. le président. L'amendement n° 782, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement porte sur la méthodologie suivie pour aboutir, à l’horizon de 2018, à la mise en œuvre du dispositif d’allongement de carrières prévu par l’article  8.

Nous avons d’ores et déjà indiqué à quel point nous étions opposés à ce processus, et ce par le pur parallélisme des formes qui veut que nous étions opposés au contenu de l’article 5 , comme de l’article 6 , qui ont allongé la peine des salariés du privé, en faisant payer aux salariés le prix de la notation accordée à la dette publique française par les agences de notation !

Avouez tout de même, mes chers collègues, qu’un tel degré de soumission aux marchés financiers constitue, d’une certaine manière, une défaite du politique devant la finance ! Une défaite qui met à mal le discours volontariste de la France au moment de la crise financière de l’été et de l’automne 2008 et augure mal de ce que pourra changer la présidence française du G20.

Pour en revenir à la question posée par cet article, j’indique que le rapport pour avis de la commission des finances indique que les catégories de fonctionnaires concernés par la faculté de partir en retraite de manière anticipée ont une espérance de vie globalement identique de celle des autres fonctionnaires. Il précise même : « Or ces avantages résultent principalement de situations historiques. Les conditions de travail de ces professions ont, pour certaines, fortement évolué depuis grâce aux progrès des normes de protection, à l’amélioration des équipements individuels et collectifs ou encore aux modifications de l’organisation du travail. À cet égard, selon les données du ministère du travail, l’espérance de vie des catégories actives est identique à celle des autres fonctionnaires ».

Mais faute d’éléments plus précis – aucune étude précise n’est expressément citée pour étayer cette thèse –, il apporte toutefois une précaution utile : « C’est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite que le débat sur la pénibilité qui, après la présente réforme, sera prise en compte dans le calcul des droits à la retraite des salariés du secteur privé, soit également l’occasion, du côté de la fonction publique, de procéder à un réexamen complet des actuelles catégories actives. Pour chacune d’elles, il conviendrait d’évaluer précisément l’impact sur l’espérance de vie de certains facteurs d’exposition auxquels ces agents peuvent être confrontés pendant leur période d’activité. »

Avant que de nous dire véritablement pourquoi tout cela est mené, il est précisé : « Afin de disposer d’un ordre de grandeur global des économies à attendre d’une révision des catégories actives de la fonction publique, votre rapporteur pour avis a demandé au ministère du travail de simuler les effets résultant de la fermeture dès 2011 de la possibilité de partir en retraite avant 60 ans en catégorie active. La mesure atteindrait son plein effet en 2015 et représenterait une économie globale de 1,2 milliard d’euros. Un réexamen au cas par cas serait bien évidemment nécessaire et réduirait d’autant les économies à attendre de cette mesure. »

Dans ce cadre, la démarche mise en œuvre par le Gouvernement permettrait, dans les faits, par exemple, de couvrir avec cette récupération le surcoût actuel du Fonds spécial de pensions des ouvriers des établissements industriels de l’ État ou une bonne part du décalage actuel de la prise en charge de la retraite des personnels militaires. C’est bien pour refuser cette perspective que nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, la commission émet un avis défavorable dans la mesure où il s’agit encore d’une suppression, en l'occurrence du dernier alinéa de l’article.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 782.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 899, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

.... - Cet article n'est pas applicable aux sapeurs pompiers professionnels dont la dangerosité du métier est reconnue à l'article 67 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Avec cet amendement, je voudrais revenir sur la situation des pompiers. Permettez-moi de rappeler les termes de l’un des articles de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, déposée à l’époque par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : « La présente loi reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercés par les sapeurs-pompiers ».

Permettez-moi de citer également quelques mots extraits de l’exposé des motifs de ce texte : « le caractère dangereux des missions des sapeurs-pompiers justifie une reconnaissance de la Nation envers tous ceux, professionnels et volontaires, civils et militaires, qui se dévouent pour porter secours à leurs concitoyens ».

Chacune, chacun en convient : les sapeurs-pompiers sont particulièrement exposés au danger dans le cadre de leurs missions.

Ils sont aussi, au-delà des dangers qu’ils encourent, confrontés en permanence à l’urgence de situations souvent difficiles. Ils se trouvent sans cesse face à des responsabilités importantes puisque leurs actions ont des conséquences sur la vie de personnes en danger.

Ils pallient d’ailleurs bien souvent la casse du service public de santé, une casse que vous organisez, monsieur le secrétaire d’État, puisque vous et votre Gouvernement considérez la santé, à l’instar de la retraite, comme un marché à offrir au privé.

J’ai souvenir que, lors du débat sur le projet de loi de modernisation de la sécurité civile, un vibrant hommage leur avait été rendu ici-même, dans cet hémicycle. Toutes et tous, dans une belle unanimité, avions alors salué leur compétence, leur courage et leur dévouement.

Cependant, nos collègues de la majorité semblent l’avoir oublié, puisqu’ils n’ont aujourd’hui aucun état d’âme à prolonger la durée de la carrière des sapeurs-pompiers ni aucun égard pour les difficultés et les dangers auxquels ces derniers doivent faire face dans leurs missions quotidiennes.

Pour notre part, nous considérons qu’il serait inacceptable de refuser de prendre en considération la dangerosité de leurs missions, pourtant inscrite dans la loi présentée par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur.

C’est pourquoi cet amendement a pour objet de maintenir le droit au départ à la retraite dès 55 ans pour les sapeurs-pompiers. Malgré les explications que vous avez bien voulu nous donner tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, il me semble tout de même que la situation de ces derniers, qui est bien particulière, mériterait d’être mieux prise en compte dans ce projet de loi. Je rappelle que l’on déplore chaque année des morts dans leurs rangs ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Georges Tron, secrétaire d'État. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Monsieur le secrétaire d’État, même dans les rangs de la majorité, certains parlementaires s’interrogent sur le bien-fondé de la remise en cause du droit à la retraite à 55 ans pour les sapeurs-pompiers.

À l’Assemblée nationale, Etienne Pinte n’a-t-il pas rappelé qu’il serait juste de « concrétiser la reconnaissance de la Nation vis-à-vis d’une profession particulièrement exposée au danger, comme l’a reconnu à l’article 67 la loi du 13 août 2004 » ?

Les pompiers bénéficient déjà d’un système dérogatoire. Ils partent à 55 ans, mais ils financent eux-mêmes ce départ anticipé par une surcotisation versée tout au long de leur carrière. Pourquoi refuser, à tout le moins, de maintenir ce système ?

De plus, remettre en question la retraite à 55 ans pour cette profession ne manquera pas de poser des problèmes de sécurité pour les intervenants comme pour les usagers du service public qui les sollicitent.

Tout sapeur-pompier, volontaire ou professionnel, est amené à exercer plusieurs fois au cours de sa carrière des missions dangereuses.

L’exposé des motifs de la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile rappelait d’ailleurs les « comportements héroïques » et les « accidents », et notait en outre : « Il convient de ne pas oublier les vingt-cinq sapeurs-pompiers qui ont perdu la vie en 2002 et les quatorze décédés en service en 2003. »

D’ailleurs, il n’est hélas pas besoin de remonter si loin. Chaque année connaît son lot de pompiers morts en service, l’année 2010 comme les autres.

M. Bernard Vera. La représentation nationale doit s’en faire l’écho en confirmant son attachement à la prise en compte de la situation particulière des sapeurs-pompiers. Dans ce métier, toute défaillance physique ou nerveuse peut mettre en danger le sauveteur, ses équipiers ou les personnes secourues.

Il est évident que, dans ces conditions, accroître le nombre d’années de travail pour ceux qui exercent cette profession est évidemment une bien mauvaise solution. Où est ici la reconnaissance de la Nation pour leur dévouement ? Doit-elle se contenter de paroles et se passer d’actes concrets ?

Il est vrai que, déjà en 2004, il avait fallu la mobilisation de plusieurs milliers de sapeurs-pompiers pour obtenir enfin que cette reconnaissance légitime soit inscrite dans la loi.

C’est pourquoi, mes chers collègues, nous vous appelons à maintenir le droit à la retraite à 55 ans pour les pompiers en adoptant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.

M. Jacques Muller. Monsieur le secrétaire d’État, contrairement à ce que vous affirmiez voilà quelques instants, la difficulté du métier de sapeur-pompier tient non pas à la pénibilité, mais à la pression psychologique et à la dangerosité des situations auxquelles sont exposés ces personnels.

En effet, ils exercent un métier particulièrement contraignant sur le plan psychologique ; ils sont constamment sous pression, avec des horaires aléatoires, et doivent se tenir prêts à intervenir de nuit comme de jour.

Ils ne font pas qu’éteindre des incendies ; ils interviennent dans tous les domaines de la sécurité qui concernent nos concitoyens. Ce stress permanent doit être pris en compte, et ce d’autant plus que des vies humaines sont en jeu.

L’autre aspect de ce métier, c’est qu’il présente des risques évidents. Les interventions exposent les sauveteurs au danger. En témoignent les accidents dont sont victimes les sapeurs-pompiers et qui ont pour conséquence que, au final, l’espérance de vie de ces corps de fonctionnaires est inférieure à la moyenne.

Enfin, je voudrais souligner le paradoxe suivant : le projet de loi en discussion prévoit le recul de l’âge de la retraite des personnels concernés, alors que ces derniers souhaitent que la dangerosité de leur profession soit reconnue.

Il existe bien la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, qui reconnaît le caractère dangereux du métier. Mais ce texte n’a eu qu’une portée symbolique. La preuve en est que, depuis plusieurs semaines, les corps de sapeurs-pompiers concernés sont en grève tous les mercredis, pour que la loi, tout simplement, soit appliquée et prise en compte. (Murmures sur les travées de lUMP.)

Je n’ai pas l’habitude d’interrompre les autres. C’est le minimum de la courtoisie. Il me semble que Mme la présidente nous a appelés à un peu plus de sérénité. Monsieur le président, il n’est pas acceptable de se faire interrompre !

M. Alain Gournac. Un peu de calme !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Et nous, que devrions-nous dire, alors ?

M. le président. Veuillez poursuivre, mon cher collègue.

M. Jacques Muller. Monsieur le secrétaire d’État, je vous invite à regarder la réalité en face : les sapeurs-pompiers aujourd’hui connaissent un vrai malaise ; en témoignent les mouvements sociaux qui portent sur la reconnaissance effective de la dangerosité de leur métier.

Vous comprendrez que, dans ce contexte, je voterai cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. L’explication de vote vaudra pour l’article 8. Monsieur le président, soyez rassuré, je serai très bref.

Je souhaiterais dire à M. le secrétaire d’État, afin qu’il dorme en toute quiétude, que nous sommes d’accord sur trois points.

Premièrement, l’espérance de vie des infirmières est identique à celle des femmes en général.

Deuxièmement, il faut nuancer cette affirmation, car, dans le personnel hospitalier, beaucoup de femmes ayant trois enfants bénéficient de la retraite après quinze années de service.

Troisièmement, il est vrai que des infirmières qui ont la possibilité de partir à la retraite dans ces conditions vont dans le privé ou s’installent en libéral.

Cependant, monsieur le secrétaire d’État, pourquoi croyez-vous qu’elles quittent la fonction publique alors qu’elles aiment leur métier ? Elles préfèrent s’en aller tout simplement pour trouver un emploi beaucoup plus souple, temporaire, à mi-temps, qui sera moins pénible. Si elles quittent la fonction publique, c’est donc parce que leur travail dans la fonction publique est pénible.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 899.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement ont émis un avis défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 33 :

Nombre de votants 337
Nombre de suffrages exprimés 335
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l’adoption 152
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 8 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
Discussion générale

8

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 15 octobre 2010 à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).

Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).

Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).

Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à minuit.)

Le Directeur adjoint

du service du compte rendu intégral,

FRANÇOISE WIART