Sommaire
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
Secrétaires :
Mmes Sylvie Desmarescaux, Anne-Marie Payet.
2. Saisine du Conseil constitutionnel
3. Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
MM. Guy Fischer, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Adrien Giraud.
5. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Mmes Raymonde Le Texier, Annie David, MM. Jacques Muller, Guy Fischer, Mme Odette Herviaux, MM. Ronan Kerdraon, Alain Fauconnier, Marc Laménie, Mmes Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales ; Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Claude Domeizel, Gérard Cornu
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Article additionnel après l’article 8 (réservé)
Amendements identiques nos 8 de M. Guy Fischer et 138 de Mme Christiane Demontès. – MM. Guy Fischer, Alain Fauconnier, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Mme Annie David. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 783 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 784 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.
Amendement n° 785 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 784 et 785.
Amendement n° 139 de M. Claude Domeizel. – MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Retrait.
Amendement n° 786 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 1225 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Raymonde Le Texier, M. Guy Fischer. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 9 (réservé)
M. Guy Fischer.
Amendement n° 141 de Mme Christiane Demontès. – Mme Claire-Lise Campion.
Amendement n° 302 de Mme Claudine Lepage. – Mme Christiane Demontès.
MM. le rapporteur, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ; Guy Fischer, Mme Christiane Demontès. – Retrait de l’amendement no 141 ; adoption de l’amendement no 302.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l’article9 bis (réservés)
Mme Annie David.
Amendement n° 44 de Mme Annie David. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le ministre. – Rejet.
Amendement n° 911 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer.
Amendement n° 980 de Mme Annie David. – Mme Annie David.
MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des amendements nos 911 et 980.
Adoption de l'article.
MM. Claude Domeizel, Jacques Muller, Mme Bariza Khiari. MM. Guy Fischer, David Assouline, Mmes Nicole Bricq, Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Nicolas About, le secrétaire d'État, Mme Raymonde Le Texier.
Amendements identiques nos 18 de Mme Isabelle Pasquet et 144 de Mme Christiane Demontès. – MM. Ronan Kerdraon, le rapporteur, le secrétaire d'État, François Autain, Mme Annie David, MM. David Assouline, Jacques Muller. – Rejet des deux amendements.
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 912 de M. Guy Fischer. – Mme Josiane Mathon-Poinat.
Amendement no 1226 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Yannick Bodin, Claude Domeizel, Guy Fischer. – Rejet de l’amendement no 912.
M. Claude Domeizel. – Adoption de l’amendement no 1226.
M. le secrétaire d'État.
M. Nicolas Alfonsi, Mme Bariza Khiari.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Mme Bariza Khiari, M. Guy Fischer.
Amendements identiques nos 19 de Mme Isabelle Pasquet et 145 de Mme Christiane Demontès. – Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
MM. Jacky Le Menn, Claude Domeizel, Guy Fischer, René-Pierre Signé, Mme Maryvonne Blondin
Amendement n° 146 de Mme Christiane Demontès. – Mme Maryvonne Blondin
Amendement n° 915 de M. Guy Fischer. – Mme Éliane Assassi.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacky Le Menn. – Adoption de l'amendement no 146 rédigeant l'article, l’amendement no 915 devenant sans objet.
Article additionnel après l’article 13 (réservé)
6. Démission de membres de commissions et candidatures
7. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Mmes Josiane Mathon-Poinat, Marie-Agnès Labarre.
Amendements identiques nos 20 de M. Guy Fischer et 148 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Josiane Mathon-Poinat, Raymonde Le Texier, Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jacques Gautier. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 787 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Sueur. – Rejet.
Amendement n° 788 de M. Guy Fischer. – MM. François Autain, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 789 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 790 de M. Guy Fischer. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 791 de M. Guy Fischer. – MM. Jean-Claude Danglot, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 792 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Raymonde Le Texier. – Rejet.
Amendement n° 793 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Mme Claire-Lise Campion, MM. Guy Fischer, Gérard Longuet.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Mmes Raymonde Le Texier, Josiane Mathon-Poinat, Marie-Agnès Labarre, Catherine Tasca, MM. Jean-Pierre Sueur, Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
Amendements identiques nos 149 de Mme Christiane Demontès et 256 de M. Jean Desessard. – Mmes Bariza Khiari, Marie-Christine Blandin, MM. le rapporteur, le ministre. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 15 (réservé)
8. Nomination de membres de commissions
9. Réforme des retraites – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jean-Pierre Caffet.
Amendements identiques nos 21 de M. Guy Fischer et 151 de Mme Christiane Demontès. – MM. François Autain, Jean-Pierre Godefroy, le rapporteur, le secrétaire d'État, Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 794 de M. Guy Fischer. – Mme Odette Terrade.
Amendement no 1218 de la commission. – M. le rapporteur.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 794 ; adoption de l’amendement no 1218.
Amendement n° 796 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 795 de M. Guy Fischer. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendements nos 797 à 799 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des trois amendements.
Amendements nos 800 à 802 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Claude Danglot. – Rejet des trois amendements.
Amendement n° 803 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer. – Rejet.
Amendement n° 804 de M. Guy Fischer. – M. Guy Fischer. – Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 22 de M. Guy Fischer et 152 de Mme Christiane Demontès. – M. Bernard Vera, Mme Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Odette Terrade. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 17 (réservé)
Amendements identiques nos 23 de M. Guy Fischer et 153 de Mme Christiane Demontès. – M. Jean-Claude Danglot, Mme Jacqueline Alquier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 805 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 24 de M. Guy Fischer et 154 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Marie-Agnès Labarre, Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 806 de M. Guy Fischer. – MM. François Autain, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 807 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 808 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Article additionnel après l'article 19 (réservé)
Article additionnel avant l'article 20 (réservé)
M. Bernard Vera.
Amendements identiques nos 25 de M. Guy Fischer et 157 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Brigitte Gonthier-Maurin, Raymonde Le Texier, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Guy Fischer. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 809 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 810 de M. Guy Fischer. – M. François Autain.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 809 et 810.
Amendement n° 811 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Brigitte Gonthier-Maurin. – Rejet.
10. Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi
11. Communications du Conseil constitutionnel
Suspension et reprise de la séance
12. Réforme des retraites. – Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée (Texte de la commission)
Amendement n° 812 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique ; Jacques Mahéas, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet.
Amendement n° 813 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement n° 814 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Bernard Vera, Mme Samia Ghali. – Rejet.
Amendement n° 815 de M. Guy Fischer. – MM. Bernard Vera, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet.
Amendement no 1202 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 817 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean Desessard, Marc Laménie, Mmes Isabelle Pasquet, Nicole Borvo Cohen-Seat. – Rejet par scrutin public.
M. Michel Boutant.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 20 (réservés)
Amendements identiques nos 26 de M. Guy Fischer et 158 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Odette Terrade, Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, MM. Guy Fischer, Jean-François Voguet, Jean-Pierre Godefroy, Mme Bernadette Dupont. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Rejet de l'article.
Articles additionnels après l’article 20 bis (réservés)
Mme Éliane Assassi, M. Jacques Mahéas.
Amendement n° 27 de M. Guy Fischer. – MM. Robert Hue, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Marie-Agnès Labarre. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 921 de M. Guy Fischer. – M. Bernard Vera.
Amendement n° 935 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 353 rectifié de M. Yvon Collin. – M. Nicolas Alfonsi.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 921, 935 et 353 rectifié.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy.
MM. Jacques Mahéas, Guy Fischer
Amendement n° 28 de M. Guy Fischer. – MM. Jean-François Voguet, le rapporteur, le secrétaire d'État, Guy Fischer, Jacques Mahéas. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 178 de Mme Christiane Demontès. – Mme Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
Mmes Odette Terrade, Marie-Christine Blandin, M. Yves Daudigny.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
MM. Jacques Mahéas, Bernard Vera.
Amendement n° 29 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
MM. Jean-Pierre Sueur, le président.
Articles additionnels après l'article 22 (réservés)
Mme Samia Ghali, M. Jacques Mahéas, Mmes Odette Terrade, Marie-Agnès Labarre, Maryvonne Blondin.
Amendements identiques nos 30 de M. Guy Fischer et 189 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Catherine Tasca, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Guy Fischer, Jean-Pierre Sueur, Jacques Mahéas, Mme Marie-Christine Blandin. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement n° 927 de M. Guy Fischer. – Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet par scrutin public.
Amendement n° 1231 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jacques Mahéas. – Adoption.
Amendement n° 314 de Mme Isabelle Debré. – Mme Isabelle Debré, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer. – Adoption.
Amendement n° 930 de M. Guy Fischer. – M. Robert Hue.
Amendement n° 931 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 930 et 931.
Amendement n° 934 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin
Amendement n° 933 de M. Guy Fischer. – M. Jean-François Voguet.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 934 et 933.
Adoption de l'article modifié.
M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques nos 31 de M. Guy Fischer et 191 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Odette Terrade, Annie Jarraud-Vergnolle, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Marie-Agnès Labarre. – Rejet des deux amendements.
Amendement n° 1232 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Amendement n° 1221 de la commission et sous-amendement no 1229 de M. Marc Laménie. – MM. le rapporteur, Marc Laménie, le secrétaire d'État, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jean Desessard. – Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Mmes Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales ; Christiane Demontès.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 24 (réservés)
Amendement n° 964 de M. Guy Fischer. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État, Jean-François Voguet. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Guy Fischer.
Amendement n° 32 de M. Guy Fischer. – MM. Guy Fischer, le rapporteur, le secrétaire d'État, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Mahéas. – Rejet.
Adoption de l'article.
M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques nos 33 de M. Guy Fischer et 194 de Mme Christiane Demontès. – Mme Éliane Assassi, MM. Yves Daudigny, le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l’article 24 (réservé)
M. Jacques Mahéas.
Amendements identiques nos 34 de M. Guy Fischer et 195 de Mme Christiane Demontès. – Mmes Odette Terrade, Christiane Demontès, MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 24 quater (réservés)
Article 24 quinquies A. – Adoption
Amendement n° 1204 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 942 de M. Guy Fischer. – M. Jean-François Voguet.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption de l’amendement no 1204.
MM. Jacques Mahéas, Jean Desessard, le secrétaire d'État. – Rejet de l’amendement no 942.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 24 quinquies (réservé)
Articles 24 sexies et 24 septies. – Adoption
Amendement n° 1205 de la commission. – MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Amendement n° 764 de M. Guy Fischer. – Mme Marie-Agnès Labarre.
Amendement n° 970 de Mme Annie David. – Mme Isabelle Pasquet.
MM. le rapporteur, le secrétaire d'État. – Rejet des amendements nos 764 et 970.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 24 decies (réservés)
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
Secrétaires :
Mme Sylvie Desmarescaux,
Mme Anne-Marie Payet.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Saisine du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Sénat a été informé, par lettre en date du 13 octobre 2010, par M. le président du Conseil constitutionnel que celui-ci a été saisi par plus de soixante députés d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie relatif à une coopération en vue de la protection des mineurs roumains isolés sur le territoire de la République française et à leur retour dans leur pays d’origine ainsi qu’à la lutte contre les réseaux d’exploitation concernant les mineurs.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
3
Décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courrier en date du 14 octobre 2010, trois décisions du Conseil sur des questions prioritaires de constitutionnalité (nos 2010-52 QPC, 2010-53 QPC et 2010-54 QPC).
Acte est donné de ces communications.
4
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chaque jour charrie son lot de provocations, à l’égard de notre groupe comme de tous nos concitoyens. Il y a d’abord eu la « potion amère » de M. About… (M. About s’exclame.) Nous ne l’avons pas digérée ! (Sourires.)
M. Nicolas About. C’est une provocation du groupe communiste !
Mme Annie David. … républicain et citoyen !
M. Guy Fischer. Il y a eu « l’évier bouché » de M. Longuet et il y a aujourd’hui les propos de M. Arthuis.
M. Nicolas About. Qu’a-t-il dit ?
M. Guy Fischer. Devant expliquer à Nicolas Sarkozy pourquoi et comment le groupe de l’Union centriste en était arrivé à voter contre l’article 4 de ce projet de loi, il a affirmé que c’était à cause de l’obstruction des sénateurs communistes ! (Sourires.)
M. Nicolas About. Mais, c’est vrai !
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Enfin un coupable !
M. Guy Fischer. À vous croire, nous serions responsables de votre erreur,…
M. Nicolas About. Oui !
M. Guy Fischer. … et peut-être même du réchauffement climatique !
M. Nicolas About. Peut-être !
Mme Annie David. Quand il faut trouver un coupable, c’est que l’on n’est pas fier de soi !
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous préférons voir dans le vote de M. Giraud l’expression de son subconscient (Sourires.) : nos débats, les exemples concrets que nous avons développés l’ont convaincu de l’injustice de ce projet de loi !
M. Nicolas About. On va voir…
M. Guy Fischer. Mais la réaction de M. Arthuis appelle deux observations.
Tout d’abord, vous ne supportez pas que nous ayons ici même, dans notre hémicycle, un débat que vous avez tenté, à tous les niveaux, de confisquer. Vous avez méprisé les organisations syndicales, vous avez contraint les députés au silence et vous déniez toute autonomie de pensée aux jeunes. Vous voyez en eux des jeunes manipulés, incapables de se prononcer sur un sujet aussi important que les retraites – à moins, bien entendu, qu’ils n’appartiennent à votre majorité, puisque, sauf erreur de notre part, nous ne vous avons pas entendus dénoncer l’existence d’une « branche lycée », l’UMP-Lycée, au sein du mouvement politique de jeunesse de votre parti ! Ceux-là, parce qu’ils défendent votre projet de loi, sont responsables, les autres, parce qu’ils y sont opposés, seraient manipulés !
En réalité, vous fuyez le débat. D’ailleurs, M. Longuet le concède lui-même : la lecture des dépêches nous apprend qu’il a en effet annoncé que le futur ministre du travail – ce sera peut-être lui ! (M. le ministre sourit.) – allait ouvrir une « phase de concertation » après l’adoption de ce projet de loi…
Mme Annie David. M. Woerth trahi par les siens !
M. Guy Fischer. Il a ainsi implicitement reconnu que cette phase de concertation n’a jamais débuté. Bel aveu !
Ensuite, vous ne supportez pas que, au cours de nos échanges, nous rendions la parole à nos concitoyens, lesquels ne comprendraient d’ailleurs pas qu’une nouvelle fois vous usiez d’un artifice réglementaire pour mettre autoritairement un frein à ces échanges.
Vous voudriez faire croire que « tout est plié ». Pour notre part, nous sommes convaincus que tout reste possible ; et si vous demandez en fin de discussion de ce texte une deuxième délibération sur l’article 4, c’est qu’il sera possible de voter à nouveau sur l’ensemble des articles de votre projet de loi, y compris sur le passage à 62 ans et à 67 ans.
M. Nicolas About. Non !
M. Guy Fischer. Grâce à l’erreur d’Adrien Giraud, nos concitoyens, qui manifesteront à nouveau demain et mardi, commencent à le savoir, et c’est cela qui vous insupporte !
Enfin, je voudrais également attirer votre attention sur la réaction de la police, monsieur le ministre. Aujourd’hui doit être opéré à l’hôpital Lariboisière un lycéen blessé par un tir tendu de flash-ball. Cet incident a fait l’objet d’un rappel au règlement ici même, hier après-midi.
Le fils de ma collaboratrice à Vénissieux, Guillaume, que je connais fort bien, manifestait hier à Lyon. Il m’a dit au téléphone, hier soir, que la police effectuait des tirs tendus au flash-ball à une distance de dix mètres ! Monsieur le ministre, il faudrait peut-être faire savoir à M. le Président de la République et à M. le ministre de l’intérieur qu’il existe de meilleures méthodes !
Nous ne voulons pas que les manifestations dégénèrent, car nous sommes des élus responsables. Il faut absolument que le calme règne des deux côtés, mais aussi que les jeunes soient entendus. On se rend bien compte, avec les 960 lycées qui, aujourd’hui, se lèvent contre votre réforme,…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Non, ils sont bloqués, c’est différent !
M. Guy Fischer. … de la réalité qui est au cœur des préoccupations des Françaises et des Français ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur Fischer, je souhaite juste répondre à la dernière partie de votre intervention.
Par nature, tout incident qui entraîne des blessures corporelles est éminemment regrettable, que la victime soit un adulte ou un jeune, mais a fortiori lorsqu’il s’agit d’un jeune. Nous sommes tous évidemment d’accord sur ce point.
Cela dit, j’observe que le nombre d’incidents reste très limité. J’ajoute que M. le ministre de l’intérieur a fait parvenir aux préfets un télégramme pour leur demander d’être extrêmement vigilants quant aux conditions d’intervention des forces de l’ordre et les appeler à faire preuve de la plus grande prudence quant à la proportionnalité des moyens mis en œuvre. Notre pays dispose d’une police républicaine, entraînée, qui fait preuve d’un très grand sang-froid. Lorsque des difficultés surviennent, des enquêtes sont ouvertes.
Je me résume : le nombre des incidents est limité ; tous les incidents sont, par principe, regrettables du point de vue humain ; la police conserve son sang-froid et le ministre de l’intérieur a, cette nuit encore ou ce matin, rappelé les consignes impératives à respecter dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud, pour un rappel au règlement.
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaiterais simplement réagir aux propos que vient de tenir M. Fischer : certes, j’ai commis une erreur hier, mais l’erreur est humaine. Je n’ai rien d’autre à ajouter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de vos rappels au règlement, mes chers collègues.
5
Réforme des retraites
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites [projet n° 713 (2009-2010), texte de la commission n° 734 (2009-2010), rapports nos 721, 727 et 733 (2009-2010)].
Nous poursuivons la discussion des articles.
TITRE II (suite)
DISPOSITIONS APPLICABLES À L'ENSEMBLE DES RÉGIMES
CHAPITRE IER (suite)
Âge d'ouverture du droit
M. le président. Hier, nous avons entamé l’examen de l’article 8, dont je rappelle les termes.
Article 8 (suite)
I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dont la pension de retraite peut être liquidée à un âge inférieur à soixante ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite est fixé :
1° À cinquante-deux ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1966 ;
2° À cinquante-cinq ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-trois ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ;
3° À cinquante-six ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-quatre ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ;
4° À cinquante-sept ans lorsque cet âge était fixé antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les fonctionnaires nés à compter du 1er janvier 1961.
II. – Cet âge est fixé, par décret, de manière croissante à raison de quatre mois par génération et dans la limite des âges mentionnés au I pour les assurés nés antérieurement aux dates mentionnées au même I.
M. le président. Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur cet article.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
M. Jean-Pierre Fourcade. Comme l’a dit le président Fischer, il n’y a pas d’obstruction !
M. Adrien Gouteyron. Ni de manipulation ! Tout va bien !
Mme Raymonde Le Texier. Avec cet article 8, nous avons bien compris que vous entendez aligner sans coup férir tout un ensemble de fonctionnaires dont les métiers étaient rangés en catégorie « active » sur le nouveau droit commun que vous proposez d’instaurer pour les salariés du secteur privé, à savoir un recul de deux ans des bornes d’âge d’ouverture légale des droits à une pension de retraite. Vous prétendez ainsi obéir à un souci d’équité, que l’on pourrait comprendre s’il était sincère. Or, nous ne croyons pas à votre sincérité sur ce sujet, monsieur le ministre, car nous subodorons que cet article est surtout motivé par une préoccupation essentiellement comptable brutalement dévoilée.
Or, les métiers que cible l’article 8 ont bénéficié historiquement d’une dérogation par rapport aux autres emplois de fonctionnaires parce qu’ils étaient unanimement reconnus, après de long processus de négociation, de vérification, d’observation, de décompte des risques encourus et des morts prématurées, comme présentant sans contestation possible des risques spécifiques ou des fatigues exceptionnelles résultant de situations professionnelles particulièrement traumatisantes ou stressantes. En somme, ces risques permanents sont inhérents à l’emploi occupé, dont le simple exercice conduit à une usure physique et/ou psychique exceptionnelle des agents concernés. Tout cela justifie sans conteste le départ anticipé de ces agents à la retraite.
Quels sont les métiers concernés ? Sans me livrer à un recensement exhaustif, je relève : des policiers, des gardiens de prison, des pompiers, mais aussi des fossoyeurs, des agents de service chargés du nettoyage des abattoirs et des poissonneries, des éboueurs, des égoutiers, etc. Bien évidemment, pour les thuriféraires de l’alignement aveugle du statut des fonctionnaires sur le droit privé, tous ces métiers, forcément plaisants, ne sont pas plus pénibles que d’autres !
J’ajoute que la plupart de ces métiers sont, en outre, surdéterminés dans leur difficulté d’exercice par des conditions de dangerosité extrême, comme c’est le cas des policiers ou des pompiers.
On estimerait donc, au niveau gouvernemental, que ces métiers pourraient facilement être exercés deux ans de plus. Mais les contempteurs de la fonction publique ont tort, monsieur le ministre, de s’attaquer à ces soutiers de la République auxquels la Légion d’honneur n’est jamais attribuée ou seulement, hélas ! de manière parcimonieuse lorsqu’ils ont rendez-vous avec la mort dans l’exercice de leurs fonctions ! Ce faisant, nos gouvernants s’en prennent à notre bien-être collectif, auquel l’immense majorité des Français est très attachée.
Monsieur le ministre, si vous estimez que certains de ces métiers ne répondent plus aujourd’hui aux conditions ayant, à l’époque, entraîné leur classement en catégorie active, il vous faut négocier franchement avec les fédérations syndicales représentatives de ces corps de métier. Mais laissez aux autres le bénéfice non usurpé de leurs droits actuels concernant l’âge de départ en retraite, au nom même de cette équité que vous prétendez vouloir rechercher !
Nous voterons donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Hier, pendant le débat sur cet article 8, nous avons entendu beaucoup de contrevérités.
M. Nicolas About. Nous allons encore en entendre ce matin !
Mme Annie David. On nous a notamment expliqué que la France avait « de la chance de pouvoir se payer un article 8 » !
M. Nicolas About. Excellent !
Mme Annie David. Oui, monsieur About, c’est précisément à votre collègue M. Yves Pozzo di Borgo que nous devons cette explication !
En vérité, mes chers collègues, cet article 8 n’est fait que pour atteindre encore un peu plus nos services publics, déjà bien atteints par la mise en place de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, qui entraînera, au final, leur casse complète.
Nous avons également entendu que les salariés du secteur privé étaient très impatients de voir voter cet article. Pour être issue du monde du travail privé, je peux vous garantir que tel n’est pas du tout le cas.
Les salariés du secteur privé savent bien, messieurs les ministres, que vous allez porter un coup sans précédent aux services publics au travers de cet article. Or, tout comme les agents du secteur public, ils sont attachés à la qualité actuelle de ces services et aux missions accomplies, dans ce cadre, au bénéfice de l’ensemble de la population.
Par ailleurs, plutôt que de vouloir casser les statuts particuliers des fonctionnaires, les salariés du secteur privé souhaitent pouvoir bénéficier à leur tour de départs anticipés. Nous en reparlerons au moment de l’examen des questions relatives à la pénibilité et à la médecine du travail.
Vous avez aussi souligné, monsieur le secrétaire d’État, que les infirmières avaient la même espérance de vie que l’ensemble des femmes du pays.
Mme Annie David. Pourquoi pas ? Et même tant mieux ! Dans le cas contraire, la situation serait tout de même dramatique.
Toutefois, les infirmières ont peut-être la même espérance de vie que les autres femmes justement parce qu’elles peuvent partir plus tôt à la retraite et sont exonérées d’un exercice trop long de leur métier… Vous le savez très bien, la durée de carrière, associée aux conditions de travail en horaires atypiques – service de nuit, horaires décalés, travail le samedi, le dimanche –, porte atteinte à l’espérance de vie. C’était l’une des raisons pour lesquelles un départ anticipé avait été prévu pour les infirmières en service.
Vous avez aussi évoqué la dangerosité du métier des pompiers, en rendant hommage à ce corps de fonctionnaires particulièrement exposés. Mais, bien que vous reconnaissiez cette dangerosité et rendiez hommage à ces agents méritants, comme vous auriez d’ailleurs pu le faire pour nos policiers qui, eux aussi, exercent un métier dangereux, vous allez malgré tout leur imposer de travailler plus longtemps. En définitive, vous ne prenez pas en compte cette dangerosité, que vous reconnaissez par ailleurs.
L’article 8 du projet de loi constitue donc véritablement une atteinte sans précédent à l’ensemble de nos services publics, en s’attaquant aux agents qui y travaillent, notamment, pour ne citer qu’un exemple, aux enseignants.
C’est pourquoi nous ne pourrons pas voter cet article.
M. Nicolas About. Nous sommes déçus !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Nous avons longuement débattu sur cet article 8, portant sur certaines catégories actives de la fonction publique.
Je ne reviendrai pas sur les arguments développés à cette occasion, mais je souhaite réagir au double appel que vous avez lancé, madame la présidente de la commission des affaires sociales : un appel à la raison et à la qualité de la discussion ; un appel à raccourcir le débat.
S’agissant de l’appel à la raison et à la qualité de la discussion, permettez-moi de dire que je partage totalement votre point de vue.
Au demeurant, hier soir, le débat est resté pendant très longtemps de la plus grande courtoisie. Je voudrais notamment saluer les échanges ayant eu lieu entre M. le secrétaire d’État et mes collègues du groupe CRC-SPG, qui avaient déposé divers d’amendements. Certaines discussions autour d’explications techniques se sont déroulées dans les meilleures conditions.
Je note aussi que, manifestement, la qualité des arguments développés par mes collègues a parfois énervé certains sénateurs de la majorité. En témoigne ce dérapage pendant la séance, au moment où une sortie et une entrée massives de certains de nos collègues ont été théâtralisées et suivies d’une attaque d’un président de groupe, tentant de caricaturer l’approche de l’opposition en lui reprochant de se situer à une époque où les trains fonctionnaient à la vapeur.
Les questions que nous abordons sont suffisamment sérieuses, me semble-t-il, pour que nous entrions réellement dans l’argumentation de fond. Je vous rejoins donc sur ce point, madame la présidente de la commission, efforçons-nous d’avoir un débat de qualité !
En revanche, s’agissant de votre appel à accélérer la discussion,…
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je n’ai pas dit cela !
M. Jacques Muller. … j’estime que le sujet est trop grave pour que nous nous laissions aller dans cette direction.
Plutôt qu’une réforme des retraites, c’est une refondation des retraites que nous devrions évoquer !
En effet, le déséquilibre entre actifs et inactifs est tel que l’inscription du sujet à l’ordre du jour du Parlement nous invitait à mesurer tous les enjeux macro-économiques et sociétaux correspondants. Cet examen prend du temps et, de ce fait, nous ne pouvons pas bâcler nos débats.
Je regrette d’ailleurs que le Gouvernement – je devrais dire plutôt « le Président de la République » – ait souhaité boucler l’affaire en deux mois, par simple calcul électoraliste. Au demeurant, c’est un mauvais calcul, puisque l’opinion publique se mobilise dans un mouvement qui va croissant et englobe maintenant – je m’en réjouis – la jeunesse.
Pour aboutir à un consensus, nécessaire, sur une telle réforme, on ne pouvait évidemment pas expédier le sujet en deux mois. Je rappelle à cet égard que le système de retraite dont nous bénéficions aujourd’hui, bâti par le Conseil national de la Résistance, est un projet consensuel dont l’élaboration a pris du temps. Les pays voisins ont eux aussi engagé une réflexion sur les retraites. Sans me prononcer sur la solution qu’ils ont retenue, je remarque qu’ils ont pris le temps de la trouver.
Bref, bâtir un consensus demande du temps. Le Gouvernement ayant refusé ce délai de réflexion, nous devons le prendre au sein de cette assemblée.
Par conséquent, je ne peux pas accepter que l’on fasse état, ici et maintenant, de la nécessité d’aller vite et de boucler le dossier, comme si l’on sous-entendait que tout était déjà décidé.
Je crois en fait que rien n’est décidé, car la population française se réveille et se mobilise aujourd’hui. Nous nous en faisons simplement l’écho, en mettant en avant, et ce tout à fait paisiblement, les arguments de fond justifiant notre opposition à cette réforme.
Je voterai contre l’article 8 pour les raisons que j’ai déjà évoquées précédemment et sur lesquelles je ne reviendrai pas, afin de ne pas abuser de mon temps de parole. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Après l’explication de vote d’Annie David, vous aurez compris, mes chers collègues, que nous voterons contre cet article 8. Compte tenu de l’importance de ce dernier, nous demanderons un vote par scrutin public. Il s’agit de bien marquer l’importance que nous attachons à ce vote.
Certes, je sais bien que nos collègues de la majorité en feront la demande : il n’y a personne sur leurs travées !
M. Adrien Gouteyron. Merci ! Nous existons quand même !
M. Guy Fischer. Je dirai que les anciens, les gaullistes, sont présents !
M. Adrien Gouteyron. Il ne faut pas nous nier !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous aussi avons le droit à un peu de considération ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il y a la qualité !
Mme Annie David. Mais il n’y a pas le nombre ! (Nouveaux sourires.)
M. Guy Fischer. De toute évidence, mes chers collègues, cet article affecte d’abord les fonctionnaires occupant des fonctions emblématiques au sein de nos services publics, étant précisé que la qualité des services rendus est, en général, appréciée par nos concitoyens. C’est d’ailleurs ce qui fait la spécificité de notre pays dans l’Union européenne, voire dans le monde.
Ce sont bien les vingt-deux groupes d’emplois recensés dans les trois fonctions publiques – fonction publique d’État, fonction publique hospitalière et fonction publique territoriale – qui font vivre nos services publics dans différents domaines.
Notre inquiétude est aujourd’hui double, dans la mesure où la RGPP s’applique d’une manière drastique. Je vois bien, par exemple, dans quelles conditions l’administration pénitentiaire de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas est amenée à travailler, alors que la prison n’a jamais été aussi pleine. Sur la base de tels exemples, qu’on pourrait multiplier à l’envi, on peut se poser un certain nombre de questions.
C’est pourquoi nous sommes clairement, fermement opposés à cet article 8, qui, au vu de la qualité et de l’importance des missions dont s’acquittent les agents concernés, tend à s’attaquer à un noyau dur de la fonction publique.
Bien sûr, toutes les missions des fonctionnaires sont importantes… Mais nous parlons ici de services appréciés par la population. Par exemple, sont concernés au sein de la fonction publique territoriale les agents des réseaux souterrains des égouts, les sapeurs-pompiers professionnels, les agents de salubrité, les agents de police municipale – ils jouent un rôle de plus en plus important compte tenu des suppressions d’effectif –, les agents de surveillance de la préfecture de police, les agents d’entretien, etc.
Pour nous, cet article, qui est l’un des articles emblématiques du projet de loi, contribue donc au démantèlement progressif de la fonction publique. Et l’on peut s’interroger sur les moyens qui resteront pour mener à bien les politiques de l’État, notamment au niveau de la fonction publique territoriale, fonction publique de proximité fort appréciée de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux, pour explication de vote.
Mme Odette Herviaux. Mon intervention portera essentiellement sur la forme des débats et rejoindra, en ce sens, celle de mon collègue Jacques Muller.
La nuit porte conseil et permet parfois de prendre un peu de recul et d’apaiser un certain nombre de passions.
J’ai bien entendu votre intervention d’hier, madame la présidente de la commission des affaires sociales. Je l’ai trouvée pleine de bon sens, ce qui ne m’étonne absolument pas, et faisant appel à cette sérénité qui a fait la réputation du Sénat.
Mais, selon moi, sérénité ne signifie pas absence de passion.
Vous avez pu remarquer – peut-être pas ce matin, mais tout au long des débats – combien les sénateurs étaient intéressés et combien la liste des présents dépassait de beaucoup celle des membres de la commission des affaires sociales.
C’est la preuve que le problème que nous examinons nous touche au plus profond de nous-mêmes et, sur ce sujet qui nous tient à cœur en effet, nous intervenons souvent avec beaucoup de passion.
Mais passion et sérénité des débats ne sont pas du tout antinomiques. Le Parlement est un lieu de débat passionné. Nous avons la chance, au Sénat, de pouvoir nous exprimer, ce qui nous permet – double avantage – de montrer toutes les compétences et toutes les qualités d’expertise de certains de nos collègues, peut-être plus spécialisés sur ce thème que d’autres.
Il me semble absolument essentiel que cette expertise et ces compétences soient mises en avant, non pas pour faire état d’une opposition, mais pour bien montrer la différence qu’il peut y avoir entre une communication, gouvernementale ou politique, à destination du grand public et la réalité de l’analyse des faits, que certains possèdent parfaitement bien.
Je ne reviendrai pas sur cet aspect plus avant. Mais je me permets d’insister : non seulement il faut, en parlant de cette forme de débat, mettre en avant la qualité de nos échanges et nos compétences, mais il faut aussi noter, malgré l’apparente longueur de certaines discussions, que nous avons besoin de cette expression dont la plupart de nos collègues ont parfois été privés dans d’autres lieux.
M. Nicolas About. Là, vous n’en êtes pas privés !
Mme Odette Herviaux. S’agissant du fond de cet article 8, je dirai que si, à une certaine époque, certains pensaient : « l’État, c’est moi » – certains le pensent-ils d’ailleurs encore ?… –, nous considérons, quant à nous, que « l’État, c’est nous ». Cela inclut les services de l’État et toutes les collectivités. Les fonctionnaires sont des agents au service de tous qui méritent, eux aussi, d’être pris en considération sans que l’on caricature les métiers qu’ils ont choisis.
M. Nicolas About. Comme les policiers, par exemple…
Mme Odette Herviaux. Le bon sens disait autrefois – je ne sais si c’est toujours d’actualité – que les fonctionnaires avaient la chance d’être à l’abri de l’infortune. Ils sont aussi, vous le savez tous, bien à l’abri de la fortune ! Et nous leur devons donc, à eux comme à tous, le respect le plus total. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Mon intervention sera brève et s’inscrira dans la continuité de celle de ma collègue Odette Herviaux.
C’est vrai, il est de bon ton de critiquer les fonctionnaires, voire de taper sur eux, ces fonctionnaires que l’on dit parfois « planqués », assurés de conserver leur travail et leur salaire.
Fonctionnaire voilà encore quelques mois, je tiens à m’inscrire en faux contre ces attaques dirigées contre une corporation qui assure des missions que certains, ici, semblent oublier ou méconnaître, et que certains n’assumeraient peut-être pas…
M. Nicolas About. Ne soyez pas méprisant !
M. Ronan Kerdraon. … s’ils étaient confrontés à la recherche d’un emploi.
N’oublions pas, mes chers collègues, que ce sont ces fonctionnaires qui éduquent nos enfants : ce sont les enseignants, les instituteurs – les soutiers de l’éducation, comme l’on dit –, mais aussi les professeurs de collège, les professeurs d’université. Ce sont également les fonctionnaires qui assurent notre sécurité : les policiers,…
M. Nicolas About. Il y a eu onze blessés, d’ailleurs !
M. Ronan Kerdraon. … les pompiers, les gendarmes. Ce sont les fonctionnaires qui sont à notre service, au service de la population. Ce sont eux qui soignent nos familles, nos grands-parents, nos parents, nos enfants, dans les hôpitaux, dans les foyers logement ou dans les EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.
M. Nicolas About. Voilà une intervention qui nous apprend de nombreuses choses…
M. Ronan Kerdraon. Ce sont ces infirmiers, ces infirmières et ces aides-soignantes qui expriment au quotidien leurs préoccupations et leurs inquiétudes.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Ronan Kerdraon. Ce sont également les fonctionnaires qui entretiennent nos rues. Vous brocardiez hier les éboueurs.
Pour ces raisons, les fonctionnaires ont droit à toute notre admiration et à toute notre reconnaissance. Quoi qu’il en soit, ils ne méritent ni l’opprobre que certains veulent jeter sur eux ni la caricature que l’on fait d’eux. Ils ont des inquiétudes, des préoccupations et des revendications. Sachez qu’il faut les entendre. J’appelle donc chacune et chacun à être mesuré dans ses propos à ce sujet.
Je m’associe également à l’invitation à la sérénité lancée hier par la présidente de la commission des affaires sociales. Je salue d’ailleurs les interventions et les réponses des ministres, qui se sont exprimés avec leurs convictions, même si je ne partage pas le fond de leur propos.
Souffrez, chers collègues de la majorité, que nos interventions reflètent nos convictions. C’est cela, la démocratie, et nous essayons de la faire vivre. Je souhaiterais que nous puissions continuer à débattre dans la sérénité, et surtout hors de toute caricature. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. François Autain applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, pour explication de vote.
M. Alain Fauconnier. Je voudrais, en guise d’explication de vote, vous faire part d’un témoignage datant de ce matin.
Il se trouve que mon hôtel est situé à deux cents mètres d’un lycée technique qui, hier, était calme. Or, ce matin, sortant fumer une cigarette devant la porte, j’ai constaté la présence non loin de personnes en civil équipées de talkies-walkies et d’appareils photo. Voyant arriver une jeune fille âgée de 15 à 17 ans portant une palette en bois – elle a d’ailleurs été photographiée par les personnes en civil –, je l’ai interpellée afin de lui poser quelques questions.
– « Que fais-tu là ? », lui ai-je demandé.
– « Je vais porter cette palette devant la porte du lycée.
– Pourquoi ?
– Parce que ce projet de loi est inadmissible : j’y suis opposée, et il faut qu’il soit retiré.
– Mais pourquoi fais-tu cela alors que, à ton âge, tu n’es pas concernée ? »
M. Nicolas About. Ils connaissent bien le sujet, à cet âge…
M. Alain Fauconnier. Cette jeune fille m’a alors répondu que son frère aîné avait un niveau bac+6 et était au chômage, que son petit frère avait appris voilà trois jours que son contrat d’accompagnement dans l’emploi n’était pas renouvelable faute de moyens, que son père était au chômage et que sa mère était aide-soignante dans une maison de retraite. Elle m’a dit être persuadée que ce texte aggraverait la situation de sa famille ainsi que sa situation future.
M. Nicolas About. Il est certain que c’est en fermant les lycées que l’on arrangera les choses ! (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Alain Fauconnier. Je crois que nos collègues qui, hier, vociféraient contre cette jeunesse irresponsable et manipulée devraient méditer sur ce témoignage. Nous voterons bien entendu contre cet article 8 et contre ce texte. Ce que nous avons entendu hier dans cette enceinte était insupportable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Nicolas About. Vous demandez la tolérance et ne l’appliquez pas !
Mme Christiane Demontès. Il est impossible de discuter, ici !
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les différents intervenants…
M. Nicolas About. Pas nous !
M. Marc Laménie. … dans cet hémicycle.
Hier soir, j’ai écouté les interventions relatives à divers amendements portant sur l’article 8. Nous comprenons les propos et les réactions légitimes de nos collègues de l’opposition. Je crois toutefois que, s’agissant des trois fonctions publiques – la fonction publique d’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière –, nous sommes conscients, sur toutes ces travées sans exception, du travail et du dévouement de l’ensemble des fonctionnaires, dont nous respectons toutes et tous le travail.
Mme Annie David. Peut-être, mais vous allez casser leur statut !
M. Marc Laménie. Il n’y a pas que la moitié de l’hémicycle pour défendre telle ou telle catégorie.
Par ailleurs, nous sommes un certain nombre ici à être élus de communes petites, voire très petites, dans lesquelles nous rencontrons au quotidien des représentants de toutes les professions, notamment des agents de la fonction publique qui accomplissent leur travail avec beaucoup de sérieux, de compétence et de dévouement.
Hier, vous avez pris l’exemple de la sécurité intérieure, de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des sapeurs-pompiers.
Il faut faire confiance, comme l’a rappelé hier soir M. le ministre. Certaines réalités et difficultés doivent être prises en compte. Il faut faire confiance à l’INSEE, à celles et à ceux qui analysent la démographie, qui réalisent des analyses statistiques. Les chiffres et la démographie ne sont pas inventés : ils sont réels. (Mme Annie David s’exclame.) Il faut non pas caricaturer, mais essayer de trouver des solutions.
M. le ministre a rappelé hier soir que des engagements forts existaient. Il est nécessaire, je le répète, de faire confiance et de ne pas toujours se placer dans une logique de suspicion. Nous devons essayer de trouver tous ensemble des solutions.
Cet article 8 est fondamental, ainsi que cela a été rappelé sur l’ensemble des travées. Le groupe UMP le votera donc. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Je voudrais revenir sur deux remarques qui ont été faites.
Premièrement, il a été indiqué que j’avais souhaité une accélération des débats. Je ne pense pas avoir dit cela. J’ai seulement exprimé le souhait que, pour une même idée, un même argument, on puisse être à la fois plus synthétique et plus percutant.
M. Guy Fischer. Ne me regardez pas, madame la présidente de la commission !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Mais si, monsieur Fischer, cela s’adresse directement à vous !
Le délayage de certains arguments et concepts – vous savez de quoi je parle – n’apporte à mon avis rien ni au Sénat ni même à vous.
Mme Annie David. Nous sommes nombreux en séance et disons ce que nous voulons dire !
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Bien sûr, vous faites ce que vous voulez, puisque la parole est libre. Je crois néanmoins qu’une grande majorité d’entre nous s’ennuient (Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) parce que vous répétez toujours la même chose.
Deuxièmement, je suis absolument d’accord avec ce qu’a dit Mme Herviaux : la passion est en effet bien naturelle. Élue depuis six ans, je ne supporte ni l’agressivité ni l’interruption de la parole de l’autre. Chacun peut s’exprimer à chaque fois qu’il le demande. Nous pourrions par conséquent – et cela s’adresse à tout le monde – respecter le temps que chacun prend pour parler.
Voilà essentiellement ce que j’ai voulu dire hier. Les débats s’allongent et je ne suis pas certaine que, pour autant, chacun d’entre nous persuade mieux nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la présidente de la commission, la majorité s’ennuie.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Pas nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je traduis !
Vous ne visez directement le groupe CRC-SPG, que je préside, que pour nous stigmatiser, sous prétexte que nous ennuyons la majorité ! Je suis vraiment désolée qu’il en soit ainsi. Que des sénateurs s’ennuient lorsque l’on parle de ce qu’est réellement la vie des salariés…
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Quelle interprétation…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et que l’on rétablit une part d’humanité – c’est la moindre des choses – dans ce débat sur les retraites, débat que le Gouvernement et la majorité qui le soutient ont voulu comptable,…
Mme Annie David. Exactement !
M. Nicolas About. Verser des pensions, cela correspond à un problème comptable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … comme si les êtres humains concernés par le montant des retraites n’étaient que des machines, cela me paraît vraiment dommage, et je regrette que vous employiez ce type d’argument.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Il s’agit non pas d’un argument mais d’un constat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous menons un débat, et souhaitons que soit clairement établi le caractère terriblement pénalisant de la réforme des retraites voulue par le Gouvernement, et ce pour tout le monde, mais particulièrement pour les personnes exerçant des métiers pénibles, pour les salariés les plus modestes ainsi que pour ceux qui ont travaillé le plus longtemps dans les conditions les plus difficiles.
S’agissant des fonctionnaires, concernés par cet article 8, vous connaissez la phrase de notre collègue Yves Pozzo di Borgo : « la France a de la chance de pouvoir se payer un article 8 ». Ce propos pourrait vraiment faire le tour de la planète au titre de son caractère abscons. Je n’en dirai pas plus.
Cela signifie-t-il que la France a de la chance d’avoir des services publics…
Mme Christiane Demontès. La réponse est « oui » !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et des fonctionnaires ?
M. Guy Fischer. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dont acte ! La France a-t-elle de la chance que ses citoyens aient une espérance de vie supérieure à celle des pays les plus pauvres, où il n’y a ni fonction publique ni espérance de vie jusqu’à 72 ans ? (Oui ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Dont acte !
Si la phrase de M. Pozzo di Borgo signifie autre chose, je ne sais alors pas exactement quoi. Peut-être la France a-t-elle trop de chance d’avoir des fonctionnaires ? Je ne sais pas, et l’auteur de ce propos n’est pas là pour nous en expliquer la signification profonde. En tout cas, ne doutez pas que j’afficherai cette phrase dans les bureaux de mon groupe !
En tout cas, les fonctionnaires acquittent un très lourd tribut au paiement de la dette publique dont sont responsables non pas ces agents mais les politiques menées depuis des années.
Ils acquittent un lourd tribut puisqu’ils se voient évidemment appliquer la RGPP, ce qui se traduit par 100 000 fonctionnaires en moins, 100 000 autres postes devant être supprimés dans le futur.
Vous n’êtes pas les premiers à vouloir faire passer ce genre de pilule, mais c’est bien vous qui, aujourd'hui, vous servez de la caricature du fonctionnaire assis à ne rien faire derrière son bureau. Ayant moi-même été fonctionnaire pendant vingt-cinq ans, je connais bien cette stigmatisation, ancienne et récurrente.
Mais un grand nombre de nos concitoyens qu’on tente d’opposer aux fonctionnaires ne se laissent pas abuser, parce qu’ils constatent concrètement les effets de la diminution des effectifs dans les services publics. En effet, ces suppressions d’emplois interviennent dans les secteurs qui sont en lien direct avec la population ; elles frappent ceux qui, au quotidien, côtoient les personnes en difficultés et doivent répondre aux sollicitations pressantes d’un public qui a lui-même de plus en plus besoin de ces services publics au fur et à mesure que sa situation se dégrade, que la situation économique et sociale en général se détériore.
Il y a un très grand malaise chez les agents de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, car ils paient le prix fort de votre politique alors que ce sont eux qui côtoient directement les populations, contrairement aux membres du Gouvernement et aux hauts fonctionnaires de l’État, à qui cela arrive rarement.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Tout cela n’apporte rien au débat !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est bien de cela qu’il s’agit. Je le répète, il faut mettre à plat toutes les situations afin de trouver des solutions sans taper sur les fonctionnaires pour faire passer la pilule ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. J’ai l’impression que nous nous égarons. (Oui ! au banc de la commission et au banc du Gouvernement. – Applaudissements sur plusieurs travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Nous allons passer au vote sur l’article 8. Il ne s’agit pas de savoir si certains s’ennuient, si les fonctionnaires méritent l’admiration, la reconnaissance… Ce n’est pas du tout le problème.
M. Nicolas About. En effet !
M. Claude Domeizel. Cet article 8 prévoit que, désormais, les fonctionnaires occupant certains emplois reconnus pénibles pourront partir à 57 ans au lieu de 55 ans ou à 52 ans au lieu de 50 ans.
Il ne s’agit pas de savoir si l’espérance de vie s’allonge,…
M. Nicolas About. Si !
M. Claude Domeizel. … il s’agit de savoir quel est l’état de ceux qui ont atteint l’âge de 50 ans ou de 55 ans. C’est cela le problème ; ce n’est pas que l’on s’ennuie ou non, que les fonctionnaires méritent ou non l’admiration ou que l’espérance de vie s’allonge…
L’éboueur dont je parlais hier, qui pouvait prendre sa retraite à 55 ans, est tout autant fatigué, que vous vous ennuyiez ou non. C’est cela le problème !
Pour avoir été confronté à une manifestation massive d’éboueurs de la communauté urbaine de Bordeaux un jour où je siégeais au conseil d’administration de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, la CNRACL, je peux vous dire que, pensant à ces grands gaillards qui sont usés, j’éprouve quelque honte à la pensée qu’on va devoir prolonger leur service de 55 ans à 57 ans !
Que l’on s’ennuie ou non,…
M. Jacques Gautier. Ça fait trois fois qu’il le dit…
M. Claude Domeizel. … qu’ils soient admirables ou non, que l’espérance de vie s’allonge, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, eh bien, ceux-là, par exemple, devront partir à 57 ans au lieu de 55 ans !
Il en est de même pour ceux qui réalisent des travaux souterrains, qui pouvaient prendre leur retraite à 50 ans. (M. Gérard Cornu s’exclame.) Savez-vous ce que sont les travaux souterrains ? Savez-vous ce que c’est d’y faire toute une carrière ?
Je pense que le Sénat s’honorerait en rejetant cet article 8. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. L’opposition a un art consommé de déformer nos propos. On ne s’ennuie pas dans cet hémicycle (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) : ce sont vos propos qui nous ennuient parce que vous répétez toujours la même chose ! (Exclamations sur les mêmes travées.). Telle est la vérité !
M. Bernard Vera. Parce que vous n’écoutez pas !
M. Gérard Cornu. Ce que vous pourriez dire en deux phrases, vous le dites en une journée, répétant toujours la même chose.
M. Bernard Vera. Ce n’est pas vrai !
M. Gérard Cornu. C’est cela qui nous énerve ! Nous pourrions avoir un très bon débat !
Mme Christiane Demontès. Rien ne bouge !
M. Gérard Cornu. Et cette approche « comptable » que vous ne cessez de fustiger parce que, pour vous, le mot est péjoratif, j’y vois pour ma part une qualité, les comptables, les experts comptables étant des gens sérieux !
Mme Annie David. Cela n’a rien à voir ! Les infirmières ne sont pas des gens sérieux peut-être ?
M. Gérard Cornu. Heureusement que nous avons une approche comptable ! Et cela ne nous empêche pas d’avoir une approche humaine ! Une approche comptable permet de vérifier les comptes, d’assurer les recettes afin de pouvoir financer les dépenses. Avoir une approche comptable, pour moi, c’est une grande qualité. L’inverse serait pathétique, car cela signifierait que vous ne pourriez pas sauver le système par répartition. Alors, épargnez-nous vos leçons ! Effectivement, nous sommes honorés d’avoir à la fois une approche comptable et une approche humaine ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. –Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. René-Pierre Signé. Il faut répéter à ceux qui sont sourds !
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 8 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 9
I. – Le code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° L’article L. 14 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa du II, le mot : « cinquante » est remplacé par les mots : « cinquante-deux » et les mots : « cinquante-cinq » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept » ;
b) Aux premier et deuxième alinéas du III, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° Le I de l’article L. 24 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du 1°, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » et les mots : « cinquante-cinq » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept » ;
b) Le premier alinéa du 5° du I est ainsi rédigé :
« 5° Un décret fixe les conditions dans lesquelles l’âge d’ouverture du droit à pension est abaissé, par rapport à un âge de référence de soixante ans, pour les fonctionnaires handicapés qui totalisent, alors qu’ils étaient atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 %, une durée d’assurance au moins égale à une limite fixée par ce décret, tout ou partie de cette durée ayant donné lieu à versement de retenues pour pensions. » ;
3° L’article L. 25 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « de soixante ans, ou avant l’âge de cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, ou avant l’âge de cinquante-sept ans » ;
b) Le 2° est ainsi modifié :
– au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;
– les deux occurrences du mot : « cinquante » sont remplacées par les mots : « cinquante-deux » ;
c) Le 3° est ainsi modifié :
– au début, sont ajoutés les mots : « Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, » ;
– le mot : « cinquante » est remplacé par les mots : « cinquante-deux » ;
d) (nouveau) Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 4° Par dérogation à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale, pour les non-officiers autres que ceux mentionnés à l’article L. 24, avant l’âge de cinquante-deux ans. » ;
4° (nouveau) Au dernier alinéa de l’article L. 55, les mots : « l’âge de soixante ans » sont remplacés par les mots : « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».
II. – L’évolution des âges mentionnés aux II et III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, est fixée par décret dans les conditions définies au II de l’article 8.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 138 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 343 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer pour présenter l'amendement n° 8.
M. Guy Fischer. L’article 9 du projet de loi est un article de coordination avec les articles 5 et 8 que nous avons déjà examinés et qui tend à repousser à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. Il n’est donc pas étonnant que nous ayons déposé un amendement de suppression de cet article puisque, étant opposés aux articles que je viens de citer, nous sommes, par cohérence, opposés à cet article 9.
Cet article porte principalement sur les retraites des militaires et leur applique la même logique qu’à l’ensemble des salariés et des fonctionnaires : le report de deux ans leur permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein.
Comme vous le savez, les militaires bénéficient d’un régime dérogatoire de celui qui est applicable à l’ensemble des fonctionnaires. En effet, les droits à la retraite des militaires ne sont ouverts qu’après quinze années de service pour les non-gradés, soit vers 35 ans, et vingt-cinq années pour les officiers de carrière, c’est-à-dire vers 45 ans.
Comme les policiers ou les pompiers, les militaires bénéficient en outre de ce qu’il est convenu d’appeler la « bonification du cinquième » et qui correspond en fait à l’attribution d’une année de cotisation « gratuite » pour cinq années de service, dans la limite de cinq annuités.
Mais la contrepartie de ces règles dérogatoires – elles sont destinées, dans le cadre d’une armée de métier, à conserver des troupes jeunes – se traduit par la faiblesse de leurs pensions. Disant cela, je pense particulièrement aux sous-officiers ; j’en suis d'ailleurs un.
M. René-Pierre Signé. Ah bon ?
M. Guy Fischer. Pas d’active !
Comme le soulignait à juste raison l’auteur d’un article paru en mai dernier dans le journal économique Les Échos, les militaires « doivent cotiser autant que les autres salariés pour bénéficier d’une pension à taux plein (41 annuités pour un départ en 2012). En conséquence, plus ils partent tôt, plus leur pension est amputée, même lorsqu’ils ont accompli la durée de service nécessaire. Pour les militaires du rang – non gradés –, la pension moyenne est inférieure à 600 euros par mois ».
Aussi, afin de pallier la faiblesse de leurs pensions, les militaires dont la carrière n’a été que de quinze ans – dix-sept ans demain – sont souvent contraints d’entamer une seconde carrière dans le civil. Cela explique sans doute pourquoi plus de 70 % des titulaires d’une pension militaire de plus de 60 ans perçoivent aussi une pension d’un autre régime de base.
En repoussant à dix-sept années de service la durée permettant de bénéficier de la pension de jouissance, vous allez en fait contraindre les militaires à prolonger leur activité, soit dans l’armée, avec les conséquences que cela peut avoir en terme d’efficacité opérationnelle et de conditions d’exercice pour les militaires, soit dans la vie civile. Cela ne nous paraît pas la meilleure des solutions.
M. le président. La parole est à M. Alain Fauconnier, pour présenter l’amendement n° 138.
M. Alain Fauconnier. L’article 9 tend à modifier le code des pensions civiles et militaires de retraite en y inscrivant le relèvement de l’âge d’ouverture du droit à pension pour les fonctionnaires.
Dans les faits, il s’agit pour le Gouvernement de durcir les conditions de décote au détriment des militaires qui liquideraient leur retraite de façon anticipée. Une telle disposition constitue évidemment un recul social pour les militaires eux-mêmes, mais également une nouvelle contrainte pour nos armées.
En effet, ces dernières ont, depuis des années, le souci permanent de permettre à leurs cadres de partir en retraite de façon anticipée : cette politique permet à ces personnels d’entamer une seconde carrière dans le secteur civil à un âge où le contexte économique et social le leur permet encore. La mesure proposée représentera donc pour eux un handicap au regard de leur reconversion.
L’article 9 aura en outre un impact direct sur la gestion des effectifs militaires par nos armées – je pense notamment à son volet prévisionnel –, en la rendant beaucoup plus difficile qu’elle ne l’est actuellement.
Aussi, en cohérence avec notre amendement de suppression de l’article 8, nous vous proposons de supprimer l’article 9 et, donc, de maintenir les dispositions actuelles.
M. le président. L'amendement n° 343 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 8 et 138 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les auteurs de ces amendements ont eux-mêmes souligné la cohérence entre l’article 9 et les articles 5 et 8. En vertu de la même cohérence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements.
Je précise que l’article 9 couvre un champ plus large que celui des seuls militaires. Monsieur Fischer, nous pourrions évoquer la question des militaires dès à présent, mais je préfère réserver mes réponses pour les articles qui leur sont plus spécifiquement consacrés.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Si nous sommes attachés à la suppression de cet article, c’est parce qu’il nous permet de dénoncer, une fois encore, votre vision comptable de la réforme : du premier au dernier article du projet de loi, vous n’apportez qu’une réponse comptable (M. Gérard Cornu s’exclame.), en prenant 85 % du financement nécessaire à la réforme dans les poches des travailleurs, de façon à épargner le capital.
Mon cher collègue, vous ne nous avez pas bien écoutés, mais je suis prête à vous expliquer une nouvelle fois que, du côté gauche de cet hémicycle, nous avons de nombreuses propositions impliquant d’autres financements pour alimenter notre système de retraite par répartition. Mais, bien entendu, de ces propositions-là vous ne voulez pas entendre parler !
Nous ne vous reprochons pas d’avoir une vision comptable de la réforme : nous vous disons simplement qu’il existe d’autres moyens de la financer, qui ne sont pas exclusifs d’une vision humaine du problème. Nous n’ignorons pas que nous sommes comptables de l’argent public et que ce sont toujours, au final, les citoyennes et les citoyens qui alimentent les caisses de l’État ou des organismes de protection sociale. Ce que nous vous reprochons, c’est de prendre toujours l’argent dans les poches des mêmes pour financer vos réformes.
Mme Christiane Demontès. Eh oui !
Mme Annie David. Autrement dit, nous avons nous aussi une vision comptable, mais, à la différence de la vôtre, elle est égalitaire et sous-tendue par l’idée de justice sociale. Nous voulons faire payer tout le monde, et chacun selon ses moyens.
Tout cela, monsieur Cornu, si vous le souhaitez, nous pouvons recommencer à vous l’expliquer !
M. Jean-Pierre Fourcade. Nous aussi, chère madame !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 8 et 138.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 783, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
Monsieur Vera, peut-être accepterez-vous de défendre en même temps les amendements nos 784, 785 et 786, qui sont également des amendements tendant à la suppression des différents alinéas de l’article 9 ?
M. Bernard Vera. Monsieur le président, je m’en tiendrai à la défense de l'amendement n° 783.
En avril dernier, le ministre de la défense déclarait : « Le système de retraite des militaires de carrière doit être maintenu. » Il précisait que, si le projet de loi était appelé à concerner les militaires, les modifications apportées à leur régime de retraite ne seraient que « marginales ». Cela n’est pas sans rappeler les promesses, non suivies d’effet, du ministre de l’intérieur en direction des agents de la police nationale, car, quoi qu’en dise M. Hervé Morin, les conséquences pour les militaires ne sont pas « marginales ».
Dès lors que le ministre reconnaît que l’allongement de la durée de cotisation et le report de deux ans de l’âge permettant aux généraux de bénéficier d’une retraite sans décote pourraient avoir des incidences sur la carrière de l’ensemble des militaires, pourquoi ne pas en tirer les conséquences ? Pourquoi ne pas dire clairement que, tous secteurs confondus, le report de l’âge limite de départ à la retraite aura pour effet de geler ou de restreindre l’accès des jeunes à un premier emploi ?
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 784, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Monsieur le président, pour répondre à votre souhait, qui est aussi celui de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, je défendrai en même temps l’amendement n° 785, ce qui permettra d’accélérer la discussion. De plus, puisque nous sommes là pour vous distraire, si j’ai bien compris, nous allons essayer d’être plus joviaux… (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. René Garrec. Le spectacle n’est guère distrayant !
M. le président. J’appelle donc également en discussion l'amendement n° 785, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
Veuillez poursuivre, monsieur Autain.
M. François Autain. Cet article 9 s’inscrit dans la logique gouvernementale de réduction des dépenses publiques : Hervé Morin l’a annoncé lui-même, le ministère de la défense devrait voir son budget diminuer de plus de 5 milliards d’euros. Incontestablement, cet article y contribuera pour une bonne part.
Comme vous le savez, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG ne sont pas opposés à une réduction du budget de ce ministère, mais à la double condition qu’elle corresponde à une volonté de réorientation des crédits, notamment vers la coopération internationale ou l’éducation, et qu’elle n’ait pas pour effet de peser lourdement sur les personnels, tant civils que militaires. Or le report de deux ans de l’âge légal de départ à la retraite sans décote ne respecte pas cette dernière condition : c’est la raison pour laquelle nous y sommes opposés.
Nous continuons en outre à défendre l’idée selon laquelle, au lieu d’appliquer la RGGP à la défense nationale, il serait profitable que cesse cette course à l’armement, notamment nucléaire.
Les personnels militaires et civils de la défense nationale étant appelés à supporter une part considérable de cette réforme, nous vous proposons d’adopter ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 139, présenté par M. Domeizel, Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Une majoration de pension est accordée aux fonctionnaires handicapés visés à l'alinéa précédent, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'État. » ;
La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Je me réjouis doublement de présenter cet amendement : d’abord parce que son adoption permettra de rétablir un droit et d’effacer une injustice vis-à-vis des travailleurs handicapés ; ensuite parce que, ô surprise, il est passé au travers des mailles du filet de l’article 40 !
Dans sa rédaction actuelle, le code des pensions civiles et militaires ouvre un droit de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires atteints d’une incapacité permanente d’au moins 80 % dans des conditions similaires à celles qui sont en vigueur pour les salariés relevant du régime général.
La loi du 27 juin 2006 a introduit une majoration de pension afin de compenser les aléas de carrière subis par les fonctionnaires handicapés et de neutraliser l’effet de la décote sur leur pension, qu’elle ait été liquidée par anticipation ou non.
Or l’article 9 tend à modifier la rédaction du l’article 24-1 du code des pensions civiles et militaires de telle sorte que se trouve supprimée la majoration de pension actuellement accordée aux fonctionnaires handicapés. Bien entendu, cette mesure aura pour conséquence de diminuer fortement le montant de la pension accordée aux fonctionnaires handicapés, ce qui risque de limiter les possibilités de départ anticipé à la retraite pour ces agents.
Cet amendement vise donc à maintenir le dispositif actuellement en vigueur.
Par ailleurs, je voudrais évoquer l’amendement n° 155, relatif aux handicapés, dont j’étais le premier signataire et qui a été « aspiré » par l’article 40 vers la porte de sortie. Il avait pour objet de mettre fin à une situation inéquitable en supprimant la notion de charge effective et en se référant uniquement au niveau des ressources effectivement perçues par l’orphelin majeur et infirme lorsqu’il s’agissait de le faire bénéficier d’une pension de réversion.
Si je n’ai pas interprété l’article 9 comme il convient, je suis tout prêt à retirer l’amendement n° 139. En revanche, je ne verrais aucun inconvénient à ce que la commission ou le Gouvernement reprenne mon amendement n° 155, car je n’ai pas de vanité d’auteur : à mes yeux, le principal est que, dans l’intérêt des handicapés, l’importante mesure que je proposais puisse être adoptée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je crois que M. Domeizel fait effectivement une erreur d’interprétation,…
M. Claude Domeizel. C’est bien possible !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … car le projet de loi ne supprime absolument pas la majoration de pension pour les handicapés. La commission demande le retrait de cet amendement, qui est satisfait ; à défaut, elle y sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Si le premier alinéa du 5° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est modifié, le deuxième alinéa, qui traite directement de cette question, ne l’est pas. Comme le disait très justement M. le rapporteur, l’amendement pourrait être retiré dans la mesure où il est déjà satisfait.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quel que soit le point de vue que vous puissiez avoir sur l’ensemble du projet de loi, vous l’aurez noté, ici comme en d’autres points du texte, nous avons bien pris garde à traiter à part les problèmes liés aux personnes handicapées. Procéder autrement aurait été injustifiable.
M. le président. Monsieur Domeizel, l’amendement n° 139 est-il maintenu ?
M. Claude Domeizel. Comme chacun aura pu le constater, j’avais pris mes précautions en laissant entendre que j’avais peut-être mal lu le texte et que, dans ces conditions, j’étais prêt à retirer cet amendement : c’est donc ce que je vais faire.
Cela étant, je me permets d’insister auprès de M. le secrétaire d'État et de M. le rapporteur : je souhaiterais vivement que l’amendement n° 155, qui a été éliminé par la commission des finances, soit repris par le Gouvernement ou par la commission, et j’en tiens un exemplaire à leur disposition au cas où ils n’auraient pu en prendre connaissance. (Sourires.) Cela peut d’ailleurs être fait aussi bien à l’article 9 qu’à l’article 19. Je le répète, du moment qu’une certaine justice est rétablie, je serai satisfait.
Lorsqu’on fait de grandes déclarations concernant les conditions de départ à la retraite pour les personnes handicapées, comme ce fut le cas de M. Woerth la semaine dernière, on se doit d’introduire de telles dispositions dans le présent projet de loi.
Je vous en supplie, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d'État, reprenez l’amendement n° 155, car je ne peux pas le faire moi-même.
M. le président. L’amendement n° 139 est retiré.
L'amendement n° 786, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 17
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Comme la « grande muette » risque fort de se faire discrète sur le devenir de son code des pensions et l’évolution de ses retraites, nous sommes conduits à présenter cet amendement visant à confirmer notre opposition à la mise en œuvre des dispositions concrètes de l’article 9.
En effet, quel problème posent l’allongement de la période d’engagement des militaires et le recul de leur âge de départ à la retraite ? À l’évidence, celui du déroulement de carrière, surtout dans un contexte où la loi de programmation et les différentes lois de finances correspondant à la période qu’elle couvre prévoient expressément un reformatage à la baisse des effectifs et des unités de nos armées. On ne peut donc séparer ce problème de goulot d’étranglement du reste de la question des retraites.
À la lecture des éléments budgétaires disponibles, il est acquis que le compte des pensions militaires présente un problème de couverture en raison des conditions particulières d’exercice du droit à pension – la durée de services requise est moins longue – et du décalage croissant entre le nombre de militaires en activité et le nombre de pensionnés. Il s’agit donc de faire en sorte que, progressivement, le régime des pensions soit de plus en plus pris en charge par ses propres ayants droit.
Un autre problème tient au fait que le nombre d’emplois libérés dans nos unités militaires sera, en bout de course, moins élevé qu’on n’aurait pu s’y attendre. Cette situation empêchera donc un renouvellement important des effectifs et pourra conduire, dans certaines conditions, à une mise en cause de l’avancement de militaires d’active plus jeunes. Est-ce nécessairement ce que l’on recherche ici ? Si tel est le cas, il faut le préciser tout de suite. Sinon, il faut voter cet amendement.
En effet, le texte qui nous est proposé risque fort de conduire à rendre encore moins opérationnelle l’armée française pour des motifs de trouble cuisine budgétaire.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Supprimer les alinéas 9 à 17 reviendrait à dénaturer cet article. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement pour les mêmes raisons.
Lors de l’examen de prochains articles, nous aurons l’occasion d’aborder plus à fond la question des militaires. Je vous apporterai à ce moment-là, madame la sénatrice, des éléments de réponse qui vous permettront, j’en suis convaincu, de modifier le jugement critique que vous avez émis et sans doute de retirer quelques-uns de vos amendements…
Mme Odette Terrade. Nous verrons !
M. le président. L'amendement n° 1225, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... . - Le troisième alinéa du 2° du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraites est complété par les mots : « ainsi qu'aux fonctionnaires âgés d'au moins soixante-cinq ans qui bénéficient d'un nombre minimum de trimestres fixé par décret au titre de la majoration de durée d'assurance prévue à l'article L. 12 ter ou qui, pendant une durée et dans des conditions fixées par décret, ont apporté une aide effective à leur enfant bénéficiaire de l'élément de la prestation relevant du 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le Sénat a adopté à l’article 6 un amendement visant à exclure du relèvement de l’âge d’annulation de la décote les parents d’enfants handicapés. Or l’article 6 ne concerne que le régime général et les régimes alignés.
Par cet amendement, la commission des affaires sociales propose d’opérer la coordination nécessaire pour la fonction publique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. J’ai répondu il y a quelques instants à M. Domeizel que la question du handicap était l’une des priorités du Gouvernement. La preuve en est que le texte prend en compte la situation des travailleurs handicapés, des parents d’enfants handicapés et de ceux qui les aident.
Il est tout à fait naturel que la fonction publique puisse bénéficier des mêmes dispositifs. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. À l’article 6, nous avions voté l’amendement du Gouvernement, sous-amendé par M. About, qui visait les parents ayant arrêté ou ralenti leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant handicapé.
Nous voterons donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous avions adopté, à l’article 6, la même attitude que celle que vient de rappeler Christiane Demontès pour le groupe socialiste. Dans le même souci de cohérence, nous voterons également le présent amendement.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 9 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 9 bis
I. – Les cotisations versées avant le 13 juillet 2010 en application des articles L. 351-14-1, L. 634-2-2, L. 643-2 et L. 723-10-3 du code de la sécurité sociale, de l’article L. 732-27-1 du code rural et de la pêche maritime et de l’article L. 9 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite, ainsi que celles versées en application des dispositions réglementaires ayant le même objet applicables aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l’État, par l’assuré né à compter du 1er juillet 1951 lui sont remboursées sur sa demande à la condition qu’il n’ait fait valoir aucun des droits aux pensions personnelles de retraite auxquels il peut prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires. Les demandes de remboursement doivent être présentées dans un délai de trois ans suivant la date d’entrée en vigueur de la présente loi.
Le montant des cotisations à rembourser est calculé en revalorisant les cotisations versées par l’assuré par application chaque année du coefficient annuel de revalorisation mentionné à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale.
II. – Le I du présent article est applicable aux salariés agricoles mentionnés au premier alinéa de l’article L. 742-3 du code rural et de la pêche maritime et aux personnes mentionnées à l’article L. 382-29 du code de la sécurité sociale.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Comme vous le savez, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a mis en place un dispositif permettant la prise en compte, dans la durée d’assurance, des périodes d’études n’ayant pas donné lieu à affiliation à un régime d’assurance vieillesse.
Le principal mérite de ce dispositif est sans doute de soulever pour la première fois la question de la prise en compte des périodes d’études dans les droits à la retraite. Toutefois, il est bien trop contraignant puisque les périodes d’études concernées doivent avoir donné lieu à l’obtention d’un diplôme, l’admission dans les grandes écoles et classes préparatoires à ces écoles étant assimilée à l’obtention d’un diplôme. Mais, surtout, il repose sur le principe du rachat ; autrement dit, n’en bénéficient que celles et ceux qui disposent des moyens financiers leur permettant de racheter ces années.
Si ce dispositif est louable, il repose en quelque sorte sur un mécanisme de capitalisation puisque l’assuré s’achète des droits propres, et il s’inspire du modèle assurantiel commercial, où les assurés peuvent décider de racheter leur franchise.
Pour notre part, nous considérons que, avec un autre financement, il est possible et souhaitable de faire en sorte que, au titre de la solidarité, chaque année de scolarité comme chaque année de formation puisse ouvrir des droits à la retraite.
Comme vous le savez, le relèvement des deux bornes d’âge et l’augmentation de la durée de cotisation ont pour effet de rendre inutiles certains des versements qui ont déjà été effectués. Aussi, afin de ne pas pénaliser les salariés, qui devront déjà subir les effets ce projet de loi, s’il est finalement adopté, et qui ont fait le choix de ce rachat, nous ne nous opposerons pas à l’adoption de cet article.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 141, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les assurés concernés sont informés de cette possibilité.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. L’article 9 bis, qui a été introduit par l’Assemblée nationale, prévoit la possibilité d’obtenir un remboursement des trimestres rachetés.
En effet, compte tenu du relèvement de l’âge d’ouverture du droit à pension, certains rachats de trimestres deviendront inutiles. Des assurés ayant effectué des versements pour compléter leur durée d’assurance devront en effet différer leur départ à la retraite du fait de la réforme, augmentant ainsi leur nombre de trimestres cotisés.
En prenant pour hypothèse que les assurés concernés resteront actifs jusqu’à l’âge légal de départ à la retraite, la CNAV a évalué le coût du remboursement pour le régime général à une somme comprise entre 171 millions et 277 millions d’euros, selon que les assurés demandent le remboursement des seuls trimestres devenus inutiles ou de la totalité des trimestres rachetés.
Les 9 000 salariés concernés ont racheté 54 000 trimestres, nous indique la CNAV, dont une partie en vain. Le chèque moyen à restituer à chacun des cotisants serait de 22 000 euros.
Les sommes déboursées au moment du rachat ayant constitué une privation pour les ménages, il est juste que ceux-ci puissent être en mesure d’en solliciter le remboursement. C’est pourquoi notre amendement vise à informer les assurés qui avaient prudemment anticipé leur déficit de trimestres cotisés que leur rachat devient sans cause et qu’ils peuvent en solliciter le remboursement. Nous souhaitons que l’obligation d’information soit inscrite dans la loi afin d’être certains que les sommes versées par les assurés leur reviendront bien.
M. le président. L'amendement n° 302, présenté par Mmes Lepage et Cerisier-ben Guiga, M. Yung, Mmes M. André, Bricq et Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mme Khiari et MM. Mirassou, Mahéas et Sueur, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Les assurés concernés, qu'ils résident en France ou hors de France, sont informés de cette possibilité.
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. Cet amendement à un objet très proche de celui que vient de défendre ma collègue Claire-Lise Campion. Je ne reprendrai pas l’argumentation qu’elle a développée sur la nécessité de faire connaître aux assurés concernés les modalités de rachat de trimestres de cotisation au titre de leurs années d’étude. Il nous semble simplement utile de préciser que ces personnes, qu’elles résident en France ou à l’étranger, doivent être informées de la même manière.
En effet, les Français s’établissent de plus en plus fréquemment hors de nos frontières et nombre d’entre eux sont affiliés à un régime de retraite français. Ils doivent donc également bénéficier de l’information la plus complète possible sur leurs droits, notamment sur la nécessité de faire la demande, dans les trois ans suivant l’entrée en vigueur de cette loi, d’un remboursement de cotisations.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 141 est tout à fait judicieux. Il vise à prévoir une information des assurés concernés quant à la possibilité du remboursement des trimestres de cotisation, dont le rachat deviendra inutile du fait de la réforme. Dans la mesure où ces assurés ne sont pas très nombreux, l’information pourra être délivrée assez facilement.
La commission a donc émis un avis favorable.
L’amendement n° 302 me semble satisfait par l’amendement n° 141.
Mme Christiane Demontès. Pourtant, la précision qu’il apporte n’est pas superflue : ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !
Mme Annie David. Et un amendement similaire a déjà été adopté !
Mme Christiane Demontès. Eh oui ! Allez, monsieur le rapporteur, un bon geste ! (Sourires.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Eh bien soit ! La commission émet un avis favorable sur les deux amendements. (Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Merci, monsieur le rapporteur !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. L’amendement n° 141 ne pose pas de problème. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
Concernant l’amendement n° 302, qui vise à étendre le dispositif aux Français établis hors de France, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Bien entendu, nous voterons ces deux amendements, qui tendent à préciser fort opportunément que les salariés qui ont procédé au rachat d’une partie de leurs années d’études seront informés de la possibilité offerte par cet article de bénéficier d’un remboursement, de même que l’article 3 prévoit expressément que les assurés sont tenus informés de leur situation quant à leurs droits en matière de retraite.
Beaucoup d’entre vous ont, en séance publique comme en commission des affaires sociales, salué l’avancée que constitue cet article 9 bis. Pour notre part, nous ne pouvons nous empêcher d’y voir aussi une arrière-pensée de la majorité, qui souhaite inciter les travailleurs à accroître la part de capitalisation dans leurs retraites.
Quoi qu'il en soit, sans publicité en direction des personnes directement concernées, il y aurait fort à craindre que ce dispositif ne soit que partiellement utilisé, et j’ose espérer que telle n’est pas la volonté du Gouvernement.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.
Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, les dispositions de l’amendement n° 302 intégrant celles de l’amendement n° 141, nous retirons ce dernier.
M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 302.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 9 bis, modifié.
(L'article 9 bis est adopté.)
Articles additionnels après l’article9 bis (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements portant articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Chapitre II
Limite d’âge et mise à la retraite d’office
Article 10
(Non modifié)
Le dernier alinéa de l’article L. 1237-5 du code du travail est ainsi rédigé :
« La même procédure est applicable chaque année jusqu’au soixante-neuvième anniversaire du salarié. »
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Monsieur le secrétaire d'État, reculer de deux ans et l’âge légal de départ à la retraite et celui auquel les salariés pourraient bénéficier d’une retraite sans décote, en les portant respectivement à 62 ans et 67 ans, ne vous suffit apparemment pas puisque vous réaffirmez votre volonté de voir certains fonctionnaires travailler le plus longtemps possible. En effet, depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, vous avez modifié les règles en matière de mise à la retraite d’office.
Ainsi, un fonctionnaire pourrait décider, s’il le souhaite, de travailler jusqu’à l’année de ses 70 ans. En ce sens, l’article 10 n’est pas une innovation : il est dans la continuité de votre politique.
D’ailleurs, selon votre majorité, il n’y aurait rien de scandaleux à ce que des salariés puissent travailler jusqu’à 70 ans s’ils le souhaitent. Mais la liberté des salariés est contrebalancée par les réalités que vivent nos concitoyens. Prévoir une telle mesure, que ce soit dans la fonction publique ou dans le secteur privé, ne suffit pas : il faut déjà s’assurer, d’une part, que le niveau des pensions est assez élevé pour permettre aux travailleurs de liquider leur retraite plus tôt s’ils le souhaitent et, d’autre part, que les travailleurs qui ont subi des conditions de travail particulièrement difficiles ou qui ont commencé à travailler très jeunes puissent bénéficier d’une retraite anticipée.
Cela étant, eu égard à l’attachement de nos concitoyennes et concitoyens à la retraite à 60 ans – ils ne cessent de nous le montrer, manifestation après manifestation, la prochaine étant demain et la suivante, mardi –, cet article a une portée bien plus symbolique qu’effective.
Il s’agit pour vous, l’air de rien, d’inscrire dans la loi, et surtout dans les têtes, l’idée selon laquelle il serait possible, pour qui le voudrait, de travailler jusqu’à 70 ans. Il ne vous suffira plus, alors, qu’à opérer un léger basculement pour rendre progressivement obligatoire ce qui est aujourd’hui facultatif…
Cet article constitue un coup de canif supplémentaire dans notre pacte social, lequel est déjà bien entaillé depuis l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République !
Au-delà, la question que soulève cet article, c’est celle de la société qu’on est en train de construire. Force est de constater que l’idée que nous nous faisons d’une société de progrès et de solidarité est à l’opposé, chers collègues, de celle que vous appelez de vos vœux !
M. le président. L'amendement n° 44, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons affirmer notre opposition à cet article qui recule de deux années l’âge auquel les salariés peuvent être mis à la retraite d’office.
Avec cet article, la « limite d’âge » passerait à 69 ans révolus. On pourrait ainsi travailler jusqu’à l’année de ses 70 ans. Il s’agit donc du franchissement d’un seuil : la mise au travail du quatrième âge, c'est-à-dire une grave régression sociale.
Nous contestons la nécessité de recourir à un recul de l’âge de départ à la retraite sous couvert d’une prétendue urgence démographique, assis sur des projections hasardeuses, pour financer notre système de retraite par répartition. Cette position est d’ailleurs confortée par le fait que le présent projet de loi n’assure en aucun cas un financement équilibré à l’horizon 2018.
Or un financement pérenne sans mettre en difficulté l’économie de notre pays est tout à fait envisageable, comme le démontre notre proposition de loi relative au financement du droit à la retraite à 60 ans. Celle-ci montre que d’autres solutions sont possibles.
Avec votre réforme, il s’agit, comme le disait le numéro 2 du MEDEF, de supprimer tous les acquis de la Libération en démantelant progressivement le programme du Conseil national de la Résistance, fondé sur la solidarité nationale et intergénérationnelle.
Pour notre part, nous pensons que ce programme est toujours d’actualité et que la retraite par répartition reste une idée d’avenir, une idée moderne ! Pour cette raison et parce que nous considérons que les salariés ont le droit de profiter d’une retraite méritée après une vie de labeur, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car, en maintenant la rédaction actuelle du code du travail, le salarié pourrait, de droit, rester à son poste jusqu’à son 72e anniversaire. Or, si j’ai bien écouté vos propos, monsieur Vera, ce n’est pas ce que vous voulez !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il serait assez paradoxal de supprimer cet article, car l’âge auquel un employeur pourrait mettre à la retraite d’office un salarié serait repoussé à 72 ans. Je ne pense pas que ce soit ce que vous souhaitez ! Or ce serait bien la conséquence de votre amendement. Pour notre part, nous voulons abaisser cet âge à 70 ans.
Si le salarié veut continuer à travailler, et c’est sa liberté, l’employeur ne peut pas le mettre à la retraite d’office.
Dans le même temps, cette mesure est cohérente avec la politique que nous menons, et je comprends bien que vous y êtes opposés : nous souhaitons permettre le cumul emploi-retraite et donner à ceux qui le désirent la possibilité de continuer à travailler.
Voilà pourquoi je suis opposé à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 911, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 90 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009 est abrogé.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 90 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, relatif à la mise en retraite d’office après 65 ans, illustre la situation qui voit, d’un côté, des jeunes ne pas trouver d’emploi et, de l’autre, des seniors êtres contraints de travailler plus longtemps, à condition, bien sûr, qu’ils aient conservé un emploi ou qu’ils puissent en obtenir un, ce qui est loin d’être toujours le cas ! Les entreprises préfèrent souvent, en effet, se séparer de leurs salariés de plus de 50 ans ou refuser d’embaucher des seniors. On constate d’ailleurs que le taux d’emploi baisse fortement et régulièrement à partir de 55 ans.
Travailler après 65 ans, ce n’est pas, sauf rares exceptions, un « choix de vie », comme on a pu l’entendre dire. Au contraire, la plupart du temps, les personnes ne souhaitent continuer à travailler que parce qu’elles ont la perspective d’une retraite trop maigre. Il y a aussi, c’est vrai, des cadres supérieurs ou de direction qui souhaitent prolonger leur activité, mais ce sont des cas tout à fait marginaux, qui concernent des catégories privilégiées.
Pour la majorité d’entre eux, les salariés préféreraient s’arrêter et, s’ils sont contraints de continuer, c’est à leur corps défendant : en vérité, la solidarité nationale a failli puisqu’elle ne leur permet pas de faire face aux dépenses de la vie courante ou de soins. On s’aperçoit qu’il y a de plus en plus de personnes qui prolongent ainsi leur vie de travail.
Autrement dit, s’agissant du financement des retraites, la clef, ce n’est pas la durée du travail, mais bien l’insuffisance des cotisations entrant dans les caisses de sécurité sociale du fait des politiques d’exonération.
La garantie de l’avenir des retraites passe nécessairement par une remise en cause de ces exonérations et exemptions de cotisations patronales dont bénéficient la quasi-totalité des entreprises dont les dirigeants sont membres du MEDEF.
Elle passe également par un accès de tous à un emploi et par un partage plus équitable de la valeur ajoutée puisque la part revenant aux actionnaires, les chiffres l’attestent, est de plus en plus importante.
À travers cet amendement, nous réaffirmons que le travail doit être structurellement bien rémunéré.
M. le président. L'amendement n° 980, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi un rapport au Parlement sur la population qui a travaillé jusqu'à la limité d'âge. Cette étude détaillée détermine précisément les proportions de femmes et d'hommes ainsi que leur classe socioprofessionnelle, qui ont travaillé au-delà de l'acquisition d'une retraite sans décote.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, je sais que ni vous ni M. le rapporteur n’aimez les rapports, mais au vu de ce que vous nous proposez avec cet article, il nous semble important que le Gouvernement remette au Parlement un rapport précisant le nombre de personnes qui, parmi ces salariés souhaitant travailler jusqu’à l’année de leurs 70 ans, sont véritablement volontaires et le nombre de celles qui se trouvent en fait dans l’obligation de travailler.
Cela permettrait de savoir si, parmi ces salariés, il n’y a pas surtout, comme le disait à l’instant mon collègue Guy Fischer, des personnes ayant des pensions de retraite si modestes qu’elles sont incitées à travailler plus longtemps. Il serait, selon nous, inacceptable que, dans de tels cas, l’activité puisse être prolongée jusqu’à 70 ans.
Les salariés qui travailleront volontairement jusqu’à 70 ans auront certainement des tâches ou des métiers intéressants, valorisants, épanouissants. Cela n’est pas fait non plus pour nous satisfaire, car on peut considérer que ces personnes en empêcheront ainsi d’autres, plus jeunes – c'est-à-dire, éventuellement, en milieu, voire en fin de carrière –, de pouvoir accéder aux postes en question : il y aurait là une véritable injustice !
Nous souhaiterions également que, dans ce rapport, figure la répartition entre les hommes et les femmes. En effet, nous craignons que, arrivées à l’âge du départ à la retraite, trop de femmes ne soient obligées, faute d’une pension suffisante, de continuer de travailler jusqu’à l’année de leur soixante-dixième anniversaire, ce qui serait totalement inadmissible.
À nos yeux, le report de l’âge légal du départ en retraite à taux plein à 67 ans est déjà indéfendable. Si, de surcroît, vous ouvrez la possibilité d’aller jusqu’à 70 ans, la coupe sera vraiment pleine !
Bien sûr, il s’agit d’« un rapport de plus », et je sais que la commission et le Gouvernement n’en sont guère friands, mais l’importance du sujet me paraît mériter qu’ils fassent, un instant, taire leurs réticences à cet égard.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 911 vise à abroger les dispositions relatives au relèvement de l’âge de mise à la retraite d’office qui figurent dans la loi du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009. Vous comprendrez que la commission émette un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 980 tend effectivement, madame David, à la remise d’un rapport supplémentaire, dont l’objet est d’ailleurs formulé en termes assez vagues. Au demeurant, les différentes données visées par cet amendement peuvent déjà être recueillies auprès des différents régimes. Par conséquent, l’avis de la commission est, là aussi, défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
(Non modifié)
I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d’âge était de soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi et nés à compter du 1er janvier 1956, la limite d’âge est fixée à soixante-sept ans.
II. – Pour ceux de ces fonctionnaires qui sont nés antérieurement au 1er janvier 1956, cette limite d’âge est fixée par décret, de manière croissante par génération et dans la limite de l’âge fixé au I.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l'article.
M. Claude Domeizel. En réalité, l’article 11 est le « frère jumeau » de l’article 6 puisqu’il concerne, pour les fonctionnaires, l’âge légal du départ en retraite à taux plein, qui serait porté de 65 ans à 67 ans.
Soit dit par parenthèse, comme il est prévu que le report s’effectue en cinq ans, nous passons d’un calcul fondé sur des trimestres à un calcul fondé sur des « quadrimestres ». Je vous laisse imaginer les difficultés que cette évolution occasionnera pour les gestionnaires des systèmes informatiques...
Quoi qu’il en soit, ce dispositif ne concernera que 17 % des assurés. En effet, les autres seront déjà partis en retraite, à 60 ans ou à 62 ans, selon la période, en raison de leur fatigue. Actuellement, seuls 17 % des assurés attendent l’âge de 65 ans pour prendre leur retraite. Et il s’agit avant tout de femmes !
En effet, du fait d’une carrière en pointillé, 22 % d’entre elles sont obligées d’attendre cet âge pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein. Elles seront donc les plus pénalisées par une telle mesure. Nous l’avons déjà souligné, et je le répète même si cela vous ennuie ! (Mme la présidente de la commission des affaires sociales s’exclame.) Auparavant, elles pouvaient prétendre à une retraite à taux plein à 65 ans ; désormais, elles devront atteindre l’âge de 67 ans.
Par ailleurs, comme cette séance fait un peu figure de « session de rattrapage » et nous donne l’occasion d’évoquer des amendements aspirés par l’article 40 de la Constitution vers la porte de sortie, je souhaite attirer l’attention de la commission et du Gouvernement sur l’une de nos propositions. Là encore, je ne prendrais pas ombrage à ce que, soit vous, monsieur le rapporteur, soit vous, monsieur le secrétaire d'État, vous le repreniez…
Un dispositif appelé « congé spécial » existe dans les fonctions publiques d’État, territoriale et hospitalière. Comme il est d’une durée de cinq années, les agents qui demandent à en bénéficier le font à l’âge de 60 ans. Désormais, le couperet tombera au bout des cinq ans et les personnes concernées ne pourront plus partir en retraite puisqu’elles n’auront pas atteint l’âge de 67 ans. Les nouvelles mesures introduisent par conséquent une pénalisation qui est gênante.
J’avais donc proposé un amendement visant à insérer un article additionnel après l’article 9, afin de remédier à ce problème et de prolonger la durée du congé spécial jusqu’à l’âge légal de départ en retraite à taux plein. Hélas ! la commission des finances est passée par là et a estimé que cela grèverait grandement les finances publiques...
En réalité, comme une poignée de personnes seulement serait concernée, je pense que nous pourrions faire un effort à leur égard. À défaut, elles se retrouveront dans l’impossibilité de prendre leur retraite et ne percevront ni salaire ni pension ! Dans ce cas, elles se tourneront sans doute vers vous pour régler la question. (M. François Autain applaudit.)
Mme Christiane Demontès. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, sur l'article.
M. Jacques Muller. Depuis toujours, le financement des retraites repose quasi exclusivement sur la masse salariale, exception faite de la CSG.
Un tel dispositif avait toute sa cohérence au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Mais, en un demi-siècle, la donne a radicalement changé sur le plan macroéconomique, et ce à deux niveaux.
Premièrement, et personne ne peut le contester, il y a eu une hausse historique de la productivité, qui est liée non seulement aux nouvelles organisations du travail, mais également aux progrès fantastiques des technologies mises en œuvre.
Deuxièmement, les revenus du capital, qui constituaient seulement une fraction minime du PIB à la fin des Trente Glorieuses, ont explosé ! La conversion au néolibéralisme des élites dirigeantes dans les années quatre-vingt a induit un développement sans précédent des marchés financiers, de cette « économie casino » qui plombe l’activité économique par des prélèvements de plus en plus importants sur la valeur ajoutée, freinant ainsi l’investissement, l’activité économique et l’emploi. Ce développement inédit exige la réversion des dividendes exorbitants aux ménages, essentiellement les plus riches.
Oui, nos sociétés ont évolué en profondeur, et pas seulement sur le plan démographique, avec le déséquilibre croissant entre actifs et inactifs. L’évolution s’est aussi effectuée sur le plan macroéconomique.
Ignorer ces éléments et se cantonner à une approche exclusivement démographique pour tenter de rééquilibrer le système de retraite en s’appuyant sur la masse salariale n’est pas seulement profondément injuste pour les salariés, notamment les plus modestes, les plus fragiles, ceux qui sont exposés aux travaux les plus durs et les femmes. Une telle posture relève, au choix, de l’aveuglement, du conservatisme, d’une certaine mauvaise foi ou de ce que je serais tenté d’appeler une « alliance de classe », car il s’agit bien de cela !
La crispation sur un financement reposant exclusivement sur la masse salariale prend évidemment un relief particulier dans la fonction publique puisque le Gouvernement se prépare à liquider 34 000 postes de fonctionnaires en 2011. Cherchez l’erreur ! (Mme Annie David acquiesce.)
Le dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, qui résulte de la tristement célèbre RGPP, la révision générale des politiques publiques, permettra certes à l’État d’économiser 400 millions d’euros, mais il se traduira également par la baisse correspondante de la masse salariale, donc des bases de cotisation. Monsieur le secrétaire d'État, vous accentuez ainsi le déficit des régimes de retraite correspondants !
Et la réponse que vous apportez est rigoureusement inacceptable ! Vous proposez de travailler plus longtemps et d’augmenter les cotisations en période de gel structurel des salaires nominaux dans la fonction publique, c’est-à-dire d’accentuer la baisse du pouvoir d’achat…
Pour terminer, je souhaite revenir sur les effets de cette détestable RGPP, qu’il faut enfin appeler par son nom : la « réduction généralisée des personnels publics ».
Monsieur le secrétaire d'État, sortez de votre tour d’ivoire ! Allez sur le terrain, acceptez enfin de dialoguer : avec les infirmières et autres personnels de santé qui n’en peuvent plus, car ils sont incapables de répondre à des besoins croissants, alors que les effectifs sont toujours plus réduits ; avec les enseignants et l’ensemble de la communauté éducative, confrontés à des problèmes sociétaux croissants, alors que les moyens sont en diminution ; avec les travailleurs sociaux, qui doivent faire face, crise oblige, à la multiplication des situations dramatiques, mais sans être soutenus ; avec les gardiens de prison, chargés de gérer, politique répressive oblige, des détenus toujours plus nombreux alors que, là encore, les effectifs vont décroissant, ce qui finit par poser des problèmes de sécurité, notamment dans les prisons centrales ; avec les policiers, chargés du maintien de l’ordre dans une société qui se délite ; avec l’ensemble des acteurs du service public, dont, complexification de nos procédures oblige, la charge de travail administratif explose !
Tous, je dis bien tous, sans exception, sont atterrés par ce qui est en train de se passer : la destruction méthodique d’un pilier de notre pacte républicain, nos services publics, qui ont été construits progressivement depuis la Seconde Guerre mondiale et qui sont le marqueur d’une société développée !
Monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de douter de l’attachement au service public que vous vous efforcez d’afficher.
Honnêtement, on ne pouvait pas faire pis que le tandem « réforme des retraites-RGPP » ! C’est pourquoi les Verts voteront en faveur de la suppression de l’article 11.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. L’article 11 prévoit le relèvement progressif de deux années de la limite d’âge dans la fonction publique ; en fait, c’est la voiture-balai pour n’oublier aucun fonctionnaire.
Vous avez fait passer l’âge légal de la retraite de 60 ans à 62 ans, à l’article 5, et l’âge de départ en retraite à taux plein de 65 ans à 67 ans, à l’article 6.
Le relèvement de la limite d’âge visé par l’article 11 est la conséquence du recul de l’âge de départ à la retraite, qui sera, quoi que vous puissiez en dire, brutal. Nos concitoyens l’ont bien compris, qui manifestent avec force leur opposition à cette réforme et à votre méthode !
Cela a d’abord concerné le régime général. Maintenant, avec le présent article, on s’attaque aux fonctionnaires des catégories sédentaires. Tout cela est cohérent avec votre idéologie. Je prends donc la parole non pas pour dénoncer le seul article 11, mais pour refuser l’ensemble des modifications que vous voulez faire avaliser.
Cet article met en évidence votre volonté de mettre également au pas les fonctionnaires. Ma défense sera, dès lors, celle de tous les travailleurs, et non d’une catégorie particulière. Le découpage du texte facilite le brouillage des questions, alors que le recul est global, général et, de ce fait, condamnable.
Mais je rappellerai également que la fonction publique, cela a été souligné par mes collègues, ne se compose pas seulement d’agents de catégorie A ! Il y a tous ceux des autres catégories, qui perçoivent souvent de modestes traitements et occupent des postes à forte pénibilité. Cela, vous ne pouvez l’ignorer, monsieur le secrétaire d'État.
Pour soutenir ce double recul de deux ans, vous arguez sans cesse de la situation démographique. Les chiffres sont connus ; je n’y reviens pas.
Il reste que je suis très étonnée, car la réforme de 2003, que l’on nous présentait alors comme la panacée, la « grande réforme », censée résoudre l’ensemble des problèmes de manière durable, s’est visiblement révélée insuffisante. Elle n’a rien réglé.
Pourtant, les données démographiques étaient les mêmes à l’époque. L’ennuyeux, avec la démographie, c’est qu’elle est une science s’intéressant au long terme et, de surcroît, une science plutôt exacte : il est donc difficile de la faire mentir. Ce qui prévalait en 2003 est toujours valable aujourd'hui. Finalement, rien n’a changé sur le fond.
En vérité, c’est votre politique qui cause cette détérioration des comptes et qui alourdit les déficits ! Le problème démographique que vous pointez si souvent n’est qu’un alibi, un paravent, pour masquer votre véritable échec.
La politique économique que vous menez ne donne aucun résultat, si ce n’est qu’elle creuse les déficits et qu’elle contribue à maintenir dans un état déplorable la santé économique de notre pays.
Parler des retraites, c’est aussi parler des emplois, notamment des emplois publics. C’est également parler de la RGPP qui casse les services publics, cela a été souligné par mon collègue Jacques Muller. Vous ne mesurez pas les conséquences du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ni le poids de cette décision sur l’ensemble des fonctionnaires : magistrats, policiers, médecins, infirmiers, instituteurs, etc. Cette politique de non-remplacement créé un manque sur tout le territoire.
Plutôt que de vous interroger sur le bien-fondé de vos orientations, vous préférez en « remettre une couche » en fragilisant encore, par le présent texte, les fonctionnaires. C’est bel et bien une réforme injuste et inefficace.
Je rappelle que les fonctionnaires ne sont pas des privilégiés, contrairement à ce que vous tentez souvent de faire croire pour opposer le secteur public au secteur privé. Comme dans tous les secteurs, il existe des situations différenciées, ce dont vous ne tenez absolument pas compte. Le secteur public compte nombre d’emplois difficiles, avec de tout petits salaires, mais également beaucoup de précarité, notamment chez les contractuels.
Parce que chacun d’entre nous doit beaucoup à tous les agents du service public, parce que ceux-ci ont assuré notre formation, parce qu’ils assurent notre sécurité, parce qu’ils se préoccupent de notre santé, parce que les services publics qu’ils assument sont le patrimoine de ceux qui n’en ont pas, nous souhaitons la suppression de cet article, qui est à l’image du texte : un assemblage idéologique se parant d’un courage politique qui vous fait défaut pour mieux masquer vos échecs ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon intervention vaudra également défense de notre amendement n° 18.
L’application de ce texte à la fonction publique offre une illustration cruelle de l’absurdité de cette réforme, Bariza Khiari vient de le rappeler.
Selon le Gouvernement, le système français de retraite est confronté à des déficits qui résulteraient du vieillissement démographique des salariés. Cette explication est bien pratique, car elle permet de passer sous silence l’échec de la droite en matière de création d’emplois et de comblement des déficits publics.
En effet, le chômage de masse ou encore les exonérations de charges sociales sont autant de sources de pertes pour le budget des retraites.
Face à toutes ces non-recettes qui grèvent le budget des retraites, que fait ce gouvernement ? À l’instar de ceux qui l’ont précédé à partir de 2002, il se lance à corps perdu dans une politique forcenée de suppression massive de postes de fonctionnaires. Le Gouvernement a annoncé fièrement que près de 100 000 postes de la fonction publique avaient déjà été supprimés en quelques années et qu’il se fixait pour objectif d’en supprimer encore 100 000 d’ici à 2013-2014. L’idée qui sous-tend ces suppressions d’emplois est bien celle d’un démantèlement. Chaque année, ce sont plus de 30 000 postes de fonctionnaire – 34 000 postes l’année prochaine – qui sont supprimés, ce qui a des effets dévastateurs sur les services publics. Il n’est que de mentionner le gouffre dans lequel se trouve l’éducation nationale, qui a vu ses postes diminuer de façon exponentielle !
Conséquence de tous ces postes détruits : ce sont des centaines de milliers de personnes qui se trouvent de fait renvoyées sur un marché de l’emploi complètement saturé et étouffé et qui, au final, viennent rejoindre les rangs des chômeurs, des intérimaires, des CDD, des temps partiels et autres emplois précaires sous-payés, c'est-à-dire toute la cohorte des emplois atypiques. Ce sont aussi autant de cotisations en moins, autant de dépenses en assurance chômage et autres prestations sociales en plus.
Or, souffrant d’une surdité qui frise l’autisme, le Gouvernement poursuit sa politique antisociale et contre-productive. C’est vraiment du Thatcher à la puissance 10 ! (M. Gérard Cornu s’exclame.)
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. En voulant rehausser l’âge légal de la retraite pour les fonctionnaires, il va embouteiller encore plus l’accès à la fonction publique.
Outre ses effets dévastateurs sur l’emploi, cette politique aura des conséquences désastreuses sur les conditions de travail des fonctionnaires en poste. Les témoignages affluent qui décrivent l’asphyxie des services publics : maintenant les fonctionnaires, pour pouvoir travailler, sont obligés d’interdire ou de fermer l’accès des services au public pendant un certain nombre de demi-journées.
Alors que l’éducation nationale souffre d’un déficit chronique de postes de professeur et qu’elle doit faire face aux répercussions des politiques antisociales sur la jeunesse, pouvez-vous imaginer que l’on demande à un professeur de 62 ans de continuer à enseigner dans de telles conditions ?
Dans l’armée, on rappelle les retraités quand il y a des « coups de bourre ». Aura-t-on recours à cette pratique dans l’éducation nationale ? Sollicitera-t-on de plus en plus les retraités,…
M. Nicolas About. Pourquoi pas ?
M. Guy Fischer. … ce qui contribuera à restreindre encore la création de postes ?
Cette réforme ne résout aucun problème ; elle ne fait que les déplacer. En appliquant à la fonction publique le rehaussement de l’âge de la retraite, le Gouvernement troque des retraités contre des chômeurs et détériore encore plus les conditions de travail des fonctionnaires.
M. Nicolas About. Vous préférez les petites pensions ?...
M. Guy Fischer. Par le biais de la contractualisation, nous assistons à l’explosion de la précarité dans les fonctions publiques, d’où l’incertitude sur l’avenir et le mécontentement qui se manifeste dans les rues ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Nous abordons ici le débat sur la fonction publique et sur les conséquences de la réforme des retraites pour les fonctionnaires. Je souhaiterais que l’on ouvre les yeux sur les retombées de ce projet de loi.
Cette réforme a été présentée comme incontournable. Très souvent, de façon extrêmement pertinente, nos débats ont éclairé, métier par métier, les effets concrets que celle-ci aurait sur la situation des assurés.
Le Gouvernement semble ne pas l’avoir compris, la retraite est un sujet qui concerne tout le monde. Il n’a pas compris que, à un moment ou à un autre, chaque Français allait, sans s’occuper du matraquage et de la propagande auxquels il pouvait être soumis, essayer de saisir ce qu’une telle réforme signifierait concrètement pour lui, demain, personnellement. Or tous nos concitoyens se rendent compte, quelle que soit leur situation, que ce texte va dans le sens d’une aggravation.
M. Nicolas About. Ce n’est pas une aggravation, c’est un changement des règles : elles seront les mêmes pour tous !
M. David Assouline. Quant aux jeunes – M. Bodin l’a souligné hier –, s’il est vrai qu’ils ne font guère de projections concernant leur future retraite, ils regardent simplement la situation de leurs parents.
M. Nicolas About. Qu’ils regardent aussi celle de leurs grands-parents et de leurs arrière-grands-parents !
M. David Assouline. Ils ne veulent pas que leur père et leur mère, souvent usés par le travail, travaillent jusqu’à 67 ans.
En ce qui concerne les fonctionnaires, leur situation est paradoxale. Ils doivent faire face, cela a été souligné, à la fois à une réduction des moyens et à une pression sur le rendement, qui est constatée un peu partout : police, enseignement, etc. Cet état de fait crée une situation spécifique de stress et de fatigue au travail, et rend plus difficile, malgré toute la bonne volonté dont les fonctionnaires font preuve, le bon accomplissement de la mission de service public dont ils sont chargés, ce qui entraîne le mécontentement des usagers.
Pour ce qui est du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, j’aurais aimé que des projections soient réalisées. Car l’application de ce principe signifie, de fait, que la fonction publique offrira moins de postes aux jeunes. Ajouter à cette mesure l’allongement de l’âge de départ à la retraite fera mécaniquement, et de façon assez rapide, vieillir l’ensemble de la fonction publique, quels que soient les métiers. Ce vieillissement sera plus accentué que le vieillissement de la population dans son ensemble.
Comment voulez-vous, monsieur le secrétaire d'État, que les profs enseignent avec enthousiasme jusqu’à 67 ans dans des quartiers difficiles, où l’éducation nationale a déjà des difficultés à les convaincre d’aller travailler, surtout s’ils sont privés de moyens ? Quand je parle des profs, je souligne qu’il s’agit bien souvent de femmes, car elles sont majoritaires dans l’enseignement. Ce sont donc elles qui trinqueront le plus,…
M. Nicolas About. Les enseignants ont néanmoins la meilleure espérance de vie, Dieu merci !
M. David Assouline. … car elles sont également concernées au premier chef par les interruptions de carrière que mes collègues ont évoquées.
Je souhaite, par ailleurs, dire un mot des policiers.
M. Nicolas About. Les policiers ne sont pas concernés par cet article !
M. David Assouline. Si, ils sont concernés : j’ai examiné le texte de façon précise !
Globalement, à terme, on va considérer que les policiers pourront travailler jusqu’à 64 ans. Vous imaginez ça ? Comment assurer le maintien de l’ordre à 64 ans ? Ça paraît tout de même difficile ! Le métier de policier exige que l’on soit dynamique, en bonne forme physique, d’autant que les policiers sont confrontés à des situations de plus en plus difficiles parce que la société est de plus en plus dure et qu’il est de plus en plus compliqué d’assurer ce service public de façon égale sur tout le territoire.
Faire vieillir le corps des fonctionnaires de police en obligeant chacun à travailler plus longtemps et en ne remplaçant pas un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et cela alors que leurs moyens sont réduits, c’est rassembler les ingrédients d’un cocktail explosif !
Les fonctionnaires ont raison, quelle que soit leur situation, de rejeter cette réforme. S’ils étaient aussi avantagés et nantis qu’on veut le laisser croire, ils n’auraient pas été aussi massivement présents et déterminés dans toutes les manifestations. Ils ont raison d’exprimer leur mécontentement et ils continueront de le faire !
M. Nicolas About. Ça, eux, ils peuvent manifester !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la fonction publique, je voudrais vous faire part d’un cas révélateur des difficultés que ce texte posera dans l’éducation nationale : ce n’est pas un cas unique et c’est pourquoi je crois légitime de l’évoquer, car nous faisons la loi pour tous et nous défendons l’intérêt général.
Une enseignante de mon département, la Seine-et-Marne, m’a dit son inquiétude et a attiré mon attention sur le fait que de nombreuses enseignantes ayant élevé trois enfants et ayant la possibilité de partir à la retraite souhaiteront faire valoir leurs droits rapidement avant le vote et la promulgation de cette loi. Or il se trouve que, si un enseignant fait valoir ses droits en cours d’année scolaire, il perd de l’argent. Après calcul, cette enseignante perdrait, pour sa part, si elle faisait valoir ses droits dès le mois d’avril, 200 euros par mois.
M. Guy Fischer. C’est très important !
Mme Nicole Bricq. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de ce qu’est une moins-value de 200 euros par mois pour un pensionné modeste…
Vous ne pouvez ignorer, monsieur le secrétaire d'État, que, s’agissant des obligations de service, les directeurs d’école ou les professeurs doivent achever l’année qui a été commencée.
M. Nicolas About. Les instituteurs, oui !
Mme Nicole Bricq. La coutume, qui ne repose peut-être sur aucune assise législative, veut que l’enseignant aille jusqu’à la rentrée suivante et soit présent le jour de la prérentrée, qui s’effectue au début du mois de septembre.
Cela pose le problème fondamental des remplacements. Si un enseignant fait valoir ses droits à la retraite et quitte ses fonctions au mois de mai, nommera-t-on un remplaçant jusqu’à la fin de l’année scolaire ?
M. Nicolas About. Oui, cela se passe ainsi dans les collèges... Je le sais, j’ai enseigné en collège !
Mme Nicole Bricq. Je pourrais vous parler longuement de la question des remplacements... Ainsi, dans mon département, le seul d’Île-de-France qui connaisse une expansion démographique, il arrive souvent qu’ils ne soient pas assurés. Et l’on sait ce que cela signifie pour les élèves et leurs parents !
Vous allez donc créer un problème, certes spécifique, mais qui traduit bien la politique aveugle que vous menez dans l’éducation nationale.
Mes collègues ont parlé de la RGPP ; je tenais, pour ma part, à évoquer ce problème récurrent des remplacements au sein de l’éducation nationale, car votre réforme des retraites va encore l’aggraver.
Sans faire de jeu de mots, le cas que j’ai mentionné n’est pas un cas d’école : il se rencontre déjà, concrètement. Et cela a une incidence sur les rémunérations des enseignants ainsi que sur leurs pensions de retraite.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat sur l’article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En fait, monsieur le président, il s’agit plutôt d’une sorte de rappel au règlement, et celui-ci devrait vous réjouir, mes chers collègues : le préfet de police a suspendu l’usage des flash-balls après l’incident de Montreuil. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Christian Cointat. Eh bien oui, c’est très bien !
M. Nicolas About. Je souhaite, moi, que l’on suspende aussi les jets de pierres !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je tiens à remercier tous ceux, et notamment les sénateurs, qui ont pris la parole sur ce sujet, car ils ont sans doute contribué à la décision du préfet de police. Je m’en félicite, car tout le monde sait que le flash-ball est une arme dangereuse et que, face à une manifestation, elle est vraiment…
Mme Nicole Bricq. Inadaptée !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … inadaptée, en effet, quelle que soit la situation.
M. Nicolas About. Nous sommes d’accord !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grâce à la mobilisation, déjà ancienne, en faveur de l’interdiction des flash-balls, que le Gouvernement, par l’intermédiaire du préfet, a pris cette décision !
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, sur l’article.
M. Nicolas About. Je crois que Mme Bricq a mélangé, dans son intervention, les situations des instituteurs, des directeurs d’école, des professeurs de collège, etc. Or ils ne sont pas visés par les mêmes articles !
Les instituteurs sont, en effet, les seuls que l’on peut contraindre à terminer l’année, car leur statut est tout à fait particulier. Les professeurs de collège et de lycée, en revanche, prennent leur retraite au moment précis de leur date d’anniversaire correspondant à l’âge légal de départ à la retraite, même si celui-ci intervient en cours d’année.
Mme Nicole Bricq. Oui, mais le problème du remplacement va se poser !
M. Nicolas About. Je souhaitais simplement relever cette inexactitude, car ces situations sont loin d’être identiques.
Par ailleurs, quelle que soit la pénibilité du métier d’instituteur, je remarque que les instituteurs ont l’espérance de vie la plus longue du pays !
Mme Nicole Bricq. C’est aussi le métier où il y a le plus de dépressions !
M. Nicolas About. Ils vivent, en moyenne, jusqu’à 88 ans. Comme ils prennent leur retraite à 55 ans, ils bénéficient d’une retraite aussi longue que leur période d’activité, soit trente-trois ans ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. René-Pierre Signé. Ça ne veut rien dire !
M. Nicolas About. Mme Borvo Cohen-Seat peut glousser, comme à son habitude, mais cela ne change rien à la réalité ! (MM. Adrien Gouteyron et Jacques Gautier approuvent. –Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Leur espérance de vie est très variable !
M. Nicolas About. Vous êtes agressifs dès que nous ne sommes pas d’accord avec vous ! Vous êtes terriblement intolérants !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je voudrais, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous apporter quelques éléments de réponse, avant de vous laisser reprendre votre dialogue si constructif, si riche, si intéressant...
J’essaierai de ne pas entrer à mon tour dans ce jeu de caricature qui caractérise, malheureusement, certaines de vos interventions.
Vous n’étiez pas visé par cette remarque, monsieur le président Domeizel. Vous avez cependant dit quelque chose d’inexact : la progressivité se faisant à raison de quatre mois par an, le passage de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans se fera non en cinq ans, comme vous l’avez dit, mais en six ans, de 2017 à 2023. La montée en puissance se fera jusqu’en 2023. Nous sommes donc dans une logique à la fois de progressivité et de long terme. J’espère que cela pourra tempérer quelque peu vos inquiétudes, monsieur le sénateur !
S’agissant de la cessation progressive d’activité, la CPA, comme je l’ai dit hier, il n’y aura évidemment pas d’interruption ; l’activité sera prolongée de façon à éviter à toute rupture par rapport au versement de la pension.
Pour votre part, monsieur Muller, vous avez tenu des propos franchement caricaturaux. Vous seriez un élu de terrain, tandis que nous serions coupés du peuple... Cela n’a pas de sens !
Je suis élu comme vous, monsieur le sénateur – peut-être même depuis plus longtemps ! –, et ma circonscription n’est nullement à l’abri des difficultés du temps. Je ne revendique rien de plus que vous, et vous n’avez rien à revendiquer de plus que moi ! Quand je suis dans ma circonscription et dans ma commune, je travaille, tout comme vous, au contact de la population ! Je vous prie donc de bien vouloir éviter ce genre de mise en cause personnelle, même exprimée avec courtoisie. Cela élèverait le débat démocratique. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Vous avez évoqué la baisse de la masse salariale, qui entraînerait une baisse des cotisations et aurait pour conséquence une aggravation du déficit. Votre conception de la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux est, elle aussi, quelque peu caricaturale ! Vous faites, en effet, un calcul à court terme, alors que cette règle s’inscrit, par définition, dans une perspective à long terme.
La politique du « un sur deux » ne produit pas les économies que vous avez décrites – certainement en toute bonne foi. En réalité, cette mesure dégage approximativement 1 milliard d’euros d’économies par an, dont 700 millions d’euros ont été reversés aux fonctionnaires sous forme de mesures catégorielles.
Je tiens à préciser à celles et ceux d’entre vous que cela intéresserait qu’une grande partie de ces 700 millions d’euros a été reversée à l’éducation nationale. Les 200 millions d’euros dédiés à notre politique de mastérisation proviennent ainsi directement de l’application de cette règle du « un sur deux ». Sur le court terme, nous suivons donc plutôt une logique de retour catégoriel que d’économies, même si 350 millions d’euros ont été, d’ores et déjà, dégagés.
Vous avez affirmé, ensuite, que la RGPP se traduisait par un gel des salaires.
M. Jacques Muller. Non, par une réduction de la masse salariale !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Relisez donc le rapport de la Cour des comptes ! Je rappelle que celle-ci est présidée par M. Didier Migaud, auprès duquel j’ai travaillé pendant de nombreuses années au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Le rapport de M. Migaud dit que nous devrions procéder à un gel des salaires ; or nous ne le faisons pas !
Je vous invite à examiner l’évolution du pouvoir d’achat dans la fonction publique, c’est-à-dire celle des revenus réels des fonctionnaires d’une année sur l’autre, notamment en tenant compte du GVT, le glissement vieillesse technicité. Je suis prêt à en débattre avec vous ! Vous constaterez que, depuis 2000, l’augmentation du pouvoir d’achat n’a jamais été inférieure à 0,5 %,...
Mme Annie David. Ce n’est pas ce que dit la Direction générale de l’administration !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. ... et ce même en 2003, qui était une année « blanche », c’est-à-dire sans augmentation du point d’indice ! Toutes les statistiques, tous les documents de l’INSEE et de la Cour des comptes l’attestent. Il faut savoir de quels chiffres nous parlons !
Vous confondez, sans doute volontairement – car je ne peux pas croire que vous l’ignoriez ! –, le point d’indice, d’une part, et l’augmentation du pouvoir d’achat, d’autre part.
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’augmentation du point d’indice, qui fait l’objet de discussions avec les représentants syndicaux, est effectivement de l’ordre de 0,3 %, 0,4 %, 0,5 %, parfois 0,8 %. En 2010, elle s’élève à 0,5 %.
L’augmentation globale de la rémunération, ou du pouvoir d’achat, est quant à elle abondée par le GVT, d’une part, et par les mesures catégorielles que nous prenons, d’autre part.
Tous les documents, quels qu’ils soient, indiquent que les rémunérations sont en augmentation dans la fonction publique. Je le dis d’autant plus volontiers que le rapport de la Cour des comptes, remis voilà quelques jours, prend acte du fait que nous avons augmenté ces rémunérations de 0,5 % pour 2010 et annoncé le gel de celles-ci seulement pour 2011.
La Cour des comptes a donc calculé que nous faisions plus que tous les autres gouvernements, qui ont commencé par baisser les rémunérations, avant de les geler pendant plusieurs années. Pour notre part, nous avons préféré les augmenter en 2010, avant de les geler en 2011. La Cour nous recommande de prolonger ce gel.
Voilà un grand mystère : les responsables socialistes qui prennent la tête d’institutions comme la Cour des comptes ou le Fonds monétaire international préconisent, dans leurs rapports, l’inverse de ce que réclament les ténors socialistes à l’Assemblée nationale ou au Sénat ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. David Assouline. M. Muller est un Vert !
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je vous renvoie à la lecture du rapport de la Cour des comptes, comme M. Woerth vous a renvoyé à celle du rapport du FMI !
Votre intervention, madame Khiari, était également assez virulente ! (Mme Nicole Bricq le conteste.)
Je vous répondrai sur deux points.
Tout d’abord, je ne crois pas que le parti socialiste ait fait la moindre proposition concernant les nécessaires mesures de convergence.
Par ailleurs, vous avez employé une expression assez extraordinaire : nous voudrions « mettre au pas les fonctionnaires » ! Comment pouvez-vous parler ainsi de la politique que nous mettons en œuvre ?
S’agissant de la seule réforme des retraites, je me permets de vous rappeler, madame la sénatrice, que nous n’avons pas aligné, pour des raisons que j’ai exposées plusieurs fois, le régime du public, c'est-à-dire le calcul effectué à partir des six derniers mois de carrière, sur celui du privé, à savoir la prise en compte des vingt-cinq meilleures années. Nous avons en effet considéré que cette mesure était inutile, car les pensions versées sont sensiblement identiques. Nous sommes donc bien loin du dogmatisme ou de la mise au pas !
En ce qui concerne les régimes spéciaux, nous aurions pu légitimement nous interroger sur l’opportunité d’accentuer la montée en puissance de la réforme de 2007-2008. Or nous ne le faisons pas, car nous préférons que les agents qui relèvent de ces régimes spéciaux aient le temps de s’adapter à cette montée en progression, sans être brusqués. C’est l’inverse d’une mise au pas !
Pour la politique des revenus, c’est la même chose, comme je l’ai déjà dit à M. Muller. Nous faisons l’inverse de ce qui se pratique partout ailleurs et de ce que préconisent certains grands organismes.
Dans le cadre de la réforme des retraites, nous nous refusons à prendre bien d’autres mesures, qui ne seraient pourtant pas illégitimes. Ainsi, nous aurions pu aller plus loin en matière de pensions de réversion ou de minimum garanti, que nous ne réformons qu’en partie.
Si nous ne le faisons pas, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est parce que nous avons, contrairement à ce que vous dites, un profond respect pour la fonction publique et les fonctionnaires ! Et je sais de quoi je parle, car je travaille depuis des années sur ces questions.
Madame Khiari, ce n’est pas en caricaturant les mesures que nous prenons...
Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas son style !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. ... que vous parviendrez à justifier vos prises de position.
Les mesures que nous prenons ne sont en aucun cas excessives, comme nous le montrerons à l’occasion de l’examen des prochains articles.
Vous avez décrit la RGPP comme s’appliquant de manière homogène, indifférenciée. Or elle prévoit, malgré tout, l’augmentation de certains effectifs. C’est le cas de la justice.
M. Guy Fischer. C’est bien le seul ministère !
Mme Nicole Bricq. Il y a un tel rattrapage à faire !
M. René-Pierre Signé. Et les enseignants ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Dans d’autres ministères, les effectifs sont stables.
La France compte 5,2 millions de fonctionnaires, soit le taux rapporté à la population active le plus élevé des pays dont l’économie est comparable.
Au cours des deux ou trois dernières années, les effectifs centraux de la fonction publique de l’État ont diminué et ceux des organismes rattachés, c’est-à-dire les opérateurs, ont légèrement augmenté, ce qui stabilise à peu près la situation.
Si vous vous gardez des caricatures, vous voyez que je suis à votre entière disposition pour débattre de façon approfondie sur les chiffres !
M. Fischer a évoqué la précarité dans la fonction publique. Il est vrai que des situations précaires existent. Le Gouvernement a donc décidé d’ouvrir un chantier, en concertation avec les organisations syndicales, sur la question des contractuels.
Certains contractuels de la fonction publique ne se voient pas proposer de CDI à l’issue de trois contrats à durée déterminée de deux ans ou de deux contrats de trois ans. Sur la base des discussions que nous avons entamées avec les syndicats, nous aurons l’occasion de présenter un projet de loi destiné à résoudre ce problème. Nous sommes tout à fait prêts à travailler sur des dossiers bien identifiés !
Vous m’avez interpellé, madame Bricq, sur la question des enseignantes mères de trois enfants, qui pourraient subir une diminution substantielle de rémunération de l’ordre de 200 euros.
Sur les quinze ans et les trois enfants, le dispositif a été substantiellement modifié. La dernière modification conduit à exonérer de l’application de la nouvelle règle les personnes qui se trouvent à cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à la retraite. Cela signifie que, en ce cas, l’augmentation de la rémunération, telle qu’elle sera versée dans les cinq prochaines années, permettra de compenser le manque à gagner.
Là encore, cela montre que, quand un problème est clairement identifié – et c’était bien le cas du problème que vous avez évoqué –, nous sommes en mesure de le régler. C’est ce qui a été fait avec le vote d’un amendement à l’Assemblée nationale. Je peux donc vous rassurer sur ce sujet.
Je résumerai mon propos en trois points.
Premièrement, cet article 11 va-t-il aboutir à une application brutale de la règle ? La réponse est non. On commence en 2017 et l’on va jusqu’en 2023. C’est donc une application progressive de la mesure.
Deuxièmement, est-il lié à une RGPP qui serait dommageable pour la fonction publique ? La réponse est non. La RGPP aboutit aujourd’hui à un retour vers les agents publics qui est tout à fait important en matière de rémunération. Elle permet aussi, je tiens à le souligner, de financer bien des réformes.
Troisièmement, serait-il justifié que l’on exonère une certaine partie de la population d’une mesure qui s’applique à tout le reste de la population ? La réponse est non.
Voilà pourquoi je suis profondément convaincu du bien-fondé de cet article 11. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Merci de m’avoir répondu !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l’article.
Mme Raymonde Le Texier. Une nouvelle fois, M. le secrétaire d'État vient de citer le FMI. Il est vrai que, de raccourcis en amalgames, toujours avec une certaine dose de mauvaise foi, le Gouvernement tente depuis quelques jours de faire croire que le FMI et son président ont érigé une statue à la gloire de votre réforme. Quelques précisions s’imposent donc.
Reconnaissons-le, le FMI trouve des qualités à votre réforme. Mais, tout n’est pas rose pour autant, et le rapport est loin d’être tendre avec votre approche. Par exemple, dans ce fameux rapport du 6 octobre dernier, le FMI estime que les efforts que vous demandez aux Français sont « parmi les plus élevés des pays membres ». Rappelons qu’il y a 187 États membres.
En outre, ce que vous omettez de dire quand vous nous interpellez, c’est que ce rapport du FMI juge également nécessaire une hausse des impôts en France, et plus particulièrement des impôts sur le patrimoine, c'est-à-dire précisément ceux que vous vous refusez à augmenter.
Même le très libéral FMI admet que la part du capital dans la production de richesses est devenue telle qu’on ne peut plus se contenter de pressurer les classes moyennes et le fruit du travail. Mais vous persistez à défendre le « sanctuaire » du capital.
Enfin, puisque vous nous rebattez les oreilles avec ce rapport du FMI, permettez-moi de vous rappeler que, en juin dernier, ce même FMI estimait qu’il était important « qu’une consultation publique ait lieu sur une telle réforme décisive ». Dans une démocratie, une « consultation publique », cela peut aller d’une véritable négociation avec les partenaires sociaux à un référendum. Vous n’avez fait ni l’une ni l’autre.
Alors, de grâce, arrêtez d’en appeler au FMI uniquement quand cela vous arrange, et surtout pas lorsque le FMI vous dit que les taux de prévision de croissance sont surestimés de votre part.
Mme Raymonde Le Texier. La tentation est grande de convoquer une autorité internationale au chevet de votre réforme moribonde. Mais cela ne vous aide finalement en rien.
Un dernier mot : lorsque vous, monsieur le secrétaire d'État, ou vos collègues brandissez le nom du président du FMI, ne vous imaginez pas que cela nous met en difficulté.
Mme Raymonde Le Texier. En réalité, cela nous fait plutôt plaisir, voyez-vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 144 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 344 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n°18 a déjà été défendu.
La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour présenter l'amendement n° 144.
M. Ronan Kerdraon. Je tiens d’abord à dire combien me paraît regrettable la goujaterie dont a fait preuve notre collègue M. About à l’égard de Mme Borvo Cohen-Seat. Parler de « gloussements » était particulièrement discourtois.
M. Nicolas About. On peut aussi respecter ceux qui parlent et ne pas se moquer d’eux ! Alors, les donneurs de leçons, bouclez-la ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Ronan Kerdraon. Quelles que soient les remarques acerbes de notre collègue, j’en viens maintenant à l’amendement n°144.
Le progrès social a accompagné l’histoire de l’humanité, nous le savons tous. Il s’est traduit, sur le long terme, par de multiples avancées, parmi lesquelles l’abolition des formes les plus violentes d’exploitation des travailleurs – l’esclavage, le servage –, et la diminution des accidents du travail. D’ailleurs, une longue filmographie retrace ces avancées.
La réduction du temps de travail est l’une des clés essentielles de ce progrès social. Elle s’est traduite sous différentes formes au cours des deux derniers siècles : la suppression du travail des enfants – une excellente chose, chacun en conviendra –, la diminution de la durée journalière, puis hebdomadaire du travail, la création des congés payés, de la retraite, des RTT, et l’allongement des études.
Au total, tandis que l’espérance de vie augmentait, le temps de travail a pratiquement été divisé par deux depuis le début du XIXe siècle.
Chaque étape de ce progrès social, réclamé par les salariés et acquis grâce à la gauche, il faut bien le dire, s’est heurtée à l’opposition farouche du patronat et des gouvernements qui défendaient les intérêts des plus riches.
Chaque fois, les mêmes arguments ont été avancés : qu’il s’agisse de la fin du travail des enfants, de la journée de dix heures, puis de huit heures, des congés payés, puis leur passage à cinq semaines, des 40 heures, puis des 35 heures, de la retraite à 65 ans, puis à 60 ans, les entreprises et l’économie du pays allaient être ruinées ! Or la France figure tout de même parmi les premières puissances mondiales.
M. Gérard Longuet. On peut en parler !
M. Ronan Kerdraon. Bien sûr, monsieur Longuet ! Vous nous avez déjà amplement fait part hier de certaines de vos analyses !
L’histoire, tissée de luttes, parfois sanglantes, pour imposer un partage plus équitable des fruits du travail dans cette société inégalitaire, montre que cette réduction du temps de travail s’est accompagnée d’une très forte augmentation de la richesse par habitant. Cependant que le temps de travail était divisé par deux, cette richesse par habitant était multipliée par huit.
Confisquant aux salariés l’allongement de l’espérance de vie, cet article 11 entend relever de deux ans, dans la fonction publique, l’âge pour un départ en retraite à taux plein et sans décote.
Avec le décalage de deux ans à un rythme rapide de l’ensemble des bornes d’âge – âge d’ouverture des droits et âge de départ sans décote –, tous les salariés vont devoir travailler plus longtemps pour des retraites plus modiques. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Dans notre société, le progrès social doit continuer avec, notamment, le maintien d’un droit au départ à la retraite à 65 ans sans décote. Le vrai débat devrait porter sur les moyens d’améliorer nos systèmes de retraite, et non de les détériorer.
MM. Roland du Luart et Christian Cointat. Et le temps de parole ?
M. Ronan Kerdraon. Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Permettez-moi de conclure par une citation…
M. le président. Mon cher collègue, je vous en prie…
M. Ronan Kerdraon. … empruntée à Charles-Louis Philippe, dans son ouvrage la Mère et l’enfant : « L’Amour est beau pour ceux qui ont de quoi vivre, mais les autres doivent d’abord penser à vivre. »
M. le président. L'amendement n° 344 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 18 et 144 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. S’agissant de deux amendements de suppression d’un article approuvé par la commission, celle-ci a évidemment émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Plusieurs experts en économie le soulignent : on veut nous vendre cette réforme comme si la richesse de notre pays n’allait pas augmenter pendant les quarante prochaines années. Ces experts nous rappellent que la France a un taux de croissance moyen de 1,7 % par an. La richesse de notre pays aura donc doublé dans quarante ans. Malgré cela, le Gouvernement considère qu’une augmentation de 63 % du nombre de retraités doit être financée à richesse constante.
Une politique économique et sociale réussie et durable ne doit pas perdre de vue que le contrat implicite qui sous-tend la retraite par répartition est la solidarité intergénérationnelle. Cette solidarité permet que chaque génération d’actifs puisse se reposer sur la plus jeun, et postule le partage de la création des richesses entre actifs et retraités.
N’oublions pas non plus que les jeunes actifs français subissent un des taux d’emploi les plus faibles d’Europe. Or, en prolongeant l’activité des fonctionnaires, nous prenons le risque de freiner, voire de bloquer l’accès des jeunes à la fonction publique.
Remplacer des retraités par des jeunes chômeurs ne constitue pas, en soi, une solution aux problèmes des déficits creusés par les gouvernements depuis 2002 et, particulièrement, depuis 2007.
Pour que les jeunes puissent payer les pensions des retraités, encore faut-il qu’ils ne soient pas au chômage. Or c’est malheureusement ce que votre réforme met en place. Les salariés âgés ne pourront laisser leur place sur le marché du travail aux nouvelles générations. Et la suppression de 30 000 emplois publics en 2009, puis celle de 36 000 postes qui est programmée pour 2010 ne font que noircir le tableau.
Globalement, c’est une réduction de 100 000 postes de fonctionnaires, d’ici à 2013, qui est prévue. Cet article est une véritable bombe à retardement, et le non-remplacement de la moitié des retraités de la fonction publique ne fait qu’ajouter de la matière explosive à une situation qui l’est déjà passablement. Aucune de ces mesures ne constitue une solution viable à court comme à long terme.
Non seulement votre réforme contredit toute politique volontariste en matière de lutte contre le chômage et de l’emploi précaire, mais elle met sérieusement en péril la bonne gouvernance et la productivité de notre pays.
Où est la politique de partage du travail et de création d’emplois ? Où sont la dynamisation et la rénovation de la fonction publique au plus près de nos concitoyens ? Nous ne voyons que la négation de l’accès au travail, l’aggravation des conditions d’emploi et de départ à la retraite. C’est la politique du « travailler plus » pour avoir plus de chômeurs, « travailler plus » pour finir en retraité spolié du principe de solidarité intergénérationnelle.
Vous prétendez dynamiser l’emploi en aggravant les conditions d’emploi et de salaires. C’est l’effet inverse qui se produit. La dévalorisation du travail, sous tous ses aspects, entraîne déqualification, précarité, détérioration de la santé et, au bout du compte, dépression de l’activité économique et donc dégradation des comptes sociaux.
Hier, dans la rue, les jeunes scandaient ce slogan : « Sarko, t’es foutu, la jeunesse est la rue ». Il est évident que je ne peux reprendre à mon compte un tel slogan ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.) Mais il en est un autre qui a tout particulièrement retenu mon attention : « Étudiant à 20 ans, chômeur à 25 ans, et toujours précaire à 67 ans : non merci ! »
Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous ne puissions accepter cet article.
M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Je veux revenir sur les conditions d’emploi de nos fonctionnaires, pour lesquels l’intrusion des méthodes du privé, notamment les méthodes managériales de ces dernières années, a produit des effets dévastateurs. On parle de course à la rentabilité. Or, mes chers collègues, par essence, des services publics ne peuvent avoir la rentabilité pour objectif. Bien sûr, il faut qu’ils fonctionnent de manière équilibrée, mais on ne peut concevoir de faire des profits sur le dos des gens !
Les services publics sont là, comme leur nom l’indique, pour rendre service aux personnes qui en ont besoin à un certain moment et qui n’ont d’autre moyen, pour le satisfaire, que de s’adresser à un système organisé par la collectivité. Dans ces conditions, pour nous, parler de rentabilité des services publics n’a pas de sens.
La dénaturation des services publics se traduit aussi par l’externalisation de certaines tâches. Je prendrai l’exemple de Pôle emploi, dont certains agents suggèrent à des demandeurs d’emploi de s’adresser à des entreprises d’intérim. Ce n’est pas cela que les demandeurs d’emploi attendent d’un service public tel que Pôle emploi ! Ce qu’ils en attendent, c’est une vraie réponse à leurs difficultés, un vrai soutien pour retrouver un emploi.
Il faut également évoquer le système des primes – vous y avez fait allusion, monsieur le secrétaire d'État, en évoquant les « retours » de la RGPP – et la compétition organisée entre les agents : autant de techniques ayant pour effet d’atomiser la fonction publique et qui faire perdre à la fois leur sens et leur efficacité à nos services publics.
En ce qui concerne les conditions de vie, contrairement à vous, monsieur le secrétaire d'État, je pense que les inégalités salariales continuent de s’accroître. Le développement des primes ou la garantie individuelle du pouvoir d’achat ne sont que des mesures hétéroclites cumulatives, qui, en réalité, ne concernent qu’une partie des agents et ne sauraient répondre au problème des inégalités salariales.
Vous avez affirmé que le pouvoir d’achat des fonctionnaires n’avait pas baissé. Mais selon la direction générale de l’administration et de la fonction publique, plus de 17 % des agents de l’État ont subi une baisse de salaire entre 2001 et 2007. Pour remédier à ce fait, vous avez accordé une augmentation des salaires de 0,5 % cette année, mais celle-ci est bien faible au regard des besoins réels, d’autant qu’elle sera suivie d’un gel en 2011.
Mme Annie David. Bien que cette situation soit alarmante, c’est votre réponse qui nous inquiète le plus. Au lieu d’augmenter le point d’indice des fonctionnaires, vous reportez l’âge légal de départ à la retraite et vous alignez le taux de cotisation pour la retraite des fonctionnaires sur celui des salariés du privé. Ce n’est pas ainsi que vous améliorerez les salaires des agents de l’État.
Malgré de grands discours, la politique du Gouvernement n’est guidée que par l’ouverture du marché et par la réduction à court terme de la dépense publique, sans parler de la RGPP, longuement évoquée ce matin. J’en veux pour preuve l’absence de toute réelle négociation avec les organismes représentatifs des fonctionnaires.
Par ailleurs, le Gouvernement commet une terrible erreur de calcul : il serait mieux inspiré, alors que le marché fabrique 60 000 chômeurs supplémentaires chaque mois, de ne pas réduire les effectifs de la fonction publique et de ne pas prolonger l’activité des fonctionnaires au-delà de l’âge légal actuel de départ à la retraite.
Tout à l’heure, en comparant la France aux pays disposant de services publics similaires, vous avez affirmé qu’elle avait le meilleur rapport entre le nombre de fonctionnaires et nombre d’habitants. Eh bien, vous devriez en être fier !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ce n’était pas une critique, c’était une objection à ce que j’avais entendu !
Mme Annie David. C’est l’une de nos richesses, et les services publics ont permis à l’ensemble de nos concitoyens de résister à la crise. Nombre de pays de par le monde envient la France, qui sait encore – au moins pour un certain temps –répondre aux besoins de ses habitants sans tenir compte de leurs revenus. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Monsieur le secrétaire d’État, tous les jours, pour justifier le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ainsi que la réduction des moyens, vous évoquez les déficits et, aujourd’hui, vous avancez le même argument au sujet de la réforme des retraites.
Personne ne nie l’existence des déficits, mais force est de constater, au fur et à mesure des débats, que vous ponctionnez toujours les mêmes, les salariés, c’est-à-dire ceux qui produisent toutes les richesses de notre pays : ils doivent supporter le fardeau d’une dette que vous aggravez sans cesse. Et vous cachez vos postulats aux Français.
Très souvent, sur vos travées, chers collègues de l’UMP, d’aucuns dénoncent la société de l’assistanat, montrant du doigt les plus défavorisés de nos concitoyens qui vivent de prestations sociales. Eh bien, sachez-le, aux termes d’un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, cette année, les entreprises bénéficient de 175 milliards d’euros à 200 milliards d’euros de niches fiscales. Le MEDEF est donc le premier assisté de France !
Voilà une somme qui permettrait de maintenir des moyens pour la fonction publique, de rendre des services à la nation – n’est-ce pas la finalité du service public ? –, notamment dans tous les domaines nécessitant un renforcement du lien social et une plus grande cohésion.
Il y aurait aussi là de quoi éviter de faire payer toujours les mêmes lorsqu’il s’agit d’équilibrer les comptes sociaux !
Permettez-moi, mes chers collègues, une petite digression en conclusion. J’ai beaucoup apprécié l’information que nous a donnée tout à l’heure Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le préfet de police de Paris, M. Gaudin, qui a pourtant pour mission le maintien de l’ordre – dure tâche ! –, a pris la décision tout à fait respectable de suspendre l’usage du flash-ball, ce dont je me félicite. Sans doute a-t-il considéré qu’on ne pouvait pas à la fois dire à des jeunes : « Vous êtes des gamins et vous n’avez pas à manifester pour contester une réforme des retraites », et les trouver suffisamment grands pour subir une répression à coups de flash-balls.
Dès lors, je suis étonné que, hier, quand Mme Voynet et moi-même avons soulevé ce problème de l’utilisation des flash-balls, qui a suscité une certaine émotion, deux ministres aient justifié le recours à ce type d’arme sans se poser plus de questions. Apparemment, le préfet de police a su, lui, prendre un peu plus de hauteur.
Aujourd'hui, de la même manière, le Gouvernement ferait mieux de suspendre le débat sur la réforme des retraites et d’ouvrir une négociation. Ce serait la sagesse. Je suis sûr que, alors, ni les jeunes ni les salariés ne seraient dans la rue.
M. le président. La parole est à M. Jacques Muller, pour explication de vote.
M. Jacques Muller. Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite lever tout malentendu. Vous aurez évidemment bien compris que, tout à l’heure, je m’adressais à vous en votre qualité de représentant du Gouvernement. Il ne fallait pas voir dans mes propos une quelconque attaque personnelle.
Je veux, en cet instant, vous faire part de témoignages recueillis sur le terrain. Je ne me serais pas permis de faire une sorte d’inventaire à la Prévert sans m’appuyer sur des éléments concrets.
J’ai eu l’occasion de rencontrer des inspecteurs de l’éducation nationale qui reconnaissent, à mots couverts, devoir gérer la misère, remplir des objectifs de réduction de postes qui se traduisent par des fermetures de classes, par des augmentations d’effectifs et, à la clé, par la déprime croissante des membres du corps enseignant. Ce n’est pas de l’idéologie, c’est la réalité !
Récemment, j’ai rencontré les gardiens de la centrale d’Ensisheim, qui surveillent des détenus dangereux condamnés à de longues peines. Ils sont de moins en moins nombreux pour faire face à des personnes difficiles à gérer. Ils sont inquiets non seulement pour leur sécurité physique, mais aussi pour le fonctionnement d’un service public.
Tous les jours, je rencontre des infirmières, des aides soignants qui n’en peuvent plus de se voir imposer des horaires flexibles, de devoir effectuer des heures supplémentaires non récupérables pour nécessité absolue de service ; ils croulent sous une charge de travail toujours plus lourde, alors qu’ils sont moins nombreux. Il en résulte déprime et grande fatigue physique.
Tels sont, mes chers collègues, les résultats concrets de la RGPP, que je continuerai à dénoncer dans cette enceinte.
J’en viens aux amendements de suppression.
Bien sûr, une convergence – une convergence vers le haut, bien sûr – est souhaitable entre l’ensemble des régimes de retraite, entre le secteur privé et le secteur public, sans oublier les agriculteurs. Mais une approche démographique et comptable ne règle rien. Fonder notre système de retraite sur les seules cotisations prélevées sur les revenus du travail mènera à l’impasse et ne résoudra rien sur le long terme, vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État.
Hier soir, M. Longuet a parlé de la vision archaïque qui serait celle de l’opposition, une vision qui daterait du temps de la machine à vapeur : propos pour le moins surprenants… C’est la vision du Gouvernement qui est archaïque ! Elle se réfère à un système qui date non pas du XIXe siècle, certes, mais d’avant la Seconde Guerre mondiale.
Aujourd’hui, afin de se projeter vers l’avenir, tous les revenus doivent être pris en considération pour organiser la solidarité intergénérationnelle.
La fonction publique connaît une situation dramatique. Alors que l’on détruit des emplois publics, qui constituent pourtant la base des cotisations, on s’étonne parallèlement du creusement des déficits. La réponse apportée en la matière n’est pas acceptable, sur le plan sociétal, notamment. L’attitude du Gouvernement s’assimile à celle d’un pompier incendiaire.
Je voterai bien entendu les deux amendements identiques tendant à la suppression de l’article 11.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 144.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Dans la suite de l’examen de l’article 11, je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 912, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement présente au plus tard le 31 décembre de chaque année, aux commissions compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un rapport sur les conditions de sortie de la vie active des agents de la fonction publique.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous proposons qu’une étude gouvernementale annuelle portant sur les conditions de sortie de la vie active des agents de la fonction publique soit présentée sous la forme d’un rapport aux commissions compétentes du Sénat et de l’Assemblée nationale.
Il nous semble, en effet, primordial d’accompagner une réforme touchant à l’âge de départ à la retraite des fonctionnaires par une étude qui mesure son impact tant économique qu’humain.
Faut-il le rappeler, une véritable réforme ne doit pas considérer les retraites comme des variables d’ajustement permettant d’établir un bilan uniquement comptable.
La réforme du Gouvernement est pourtant tombée dans cet écueil. Comment s’étonner, dès lors, qu’elle soit injuste et inhumaine, en plus d’être inefficace et inadéquate ?
Cette réforme ne s’attache aucunement à considérer les femmes et les hommes qui travaillent et qui partiront à la retraite. Elle ne fait qu’étudier un tableau à double entrée, avec, d’un côté, les coûts, et, de l’autre, les rentrées financières.
Pourtant, on ne peut nier l’importance du facteur humain. La retraite doit être un véritable temps de vie, après des études et une vie active, une période enfin délivrée de la contrainte professionnelle.
Le travail est à ce point aliénant qu’il constitue non seulement une contrainte et une violence sur le corps et l’esprit, mais aussi un repère de vie principal et quasi unique.
Il peut créer, lors de sa rupture, une souffrance due à une soudaine absence de contraintes, qui peut s’accompagner d’une sensation d’inutilité ou d’une perte de repères totale.
Là est la véritable force du capitalisme, lequel a su asservir les corps et les esprits à un point tel que s’en détacher brutalement risque de constituer une souffrance aussi grande que l’asservissement.
Nous souhaitons donc étudier cette période charnière, de la vie active à la retraite, chez les fonctionnaires, pour mieux comprendre et mieux accompagner les agents qui la vivent mal sans vouloir pour autant prolonger leur vie professionnelle.
M. le président. L’amendement n° 1226, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :
... . - Pour les fonctionnaires nés entre le 1er juillet 1951 et le 31 décembre 1955 dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi et qui remplissent les conditions prévues aux 1° à 3° du IV de l’article 6, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée. Pour l’application aux fonctionnaires du 1° du IV de l’article 6, les enfants sont ceux énumérés au II de l’article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
... . - Pour les fonctionnaires dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi et qui ont interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper d’un membre de leur famille en raison de leur qualité d’aidant familial dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.
... . - Pour les fonctionnaires handicapés dont la limite d’âge était fixée à soixante-cinq ans avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’âge auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite ne peut être supérieur à soixante-cinq ans, par dérogation au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 912.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, comme deux autres que j’ai déjà présentés au nom de la commission, vise à tirer les conséquences de l’adoption de l’article 6. Il s’agit d’exclure certaines catégories de personnes du relèvement de l’âge d’annulation de la décote, notamment les parents de trois enfants, sous certaines conditions, les aidants familiaux et les assurés handicapés.
Dans la mesure où l’article 6 ne concerne que le régime général et les régimes alignés, le présent amendement vise à inscrire dans le texte les mêmes exclusions pour la fonction publique.
J’en viens à l’amendement n° 912, qui tend à réécrire l’article 11 pour limiter son objet à la remise d’un rapport sur les conditions de sortie de la vie active des agents de la fonction publique.
Or cet article est indispensable à la cohérence du projet de loi. En conséquence, la commission est défavorable à l’amendement, d’autant que le thème du rapport proposé est beaucoup trop général pour avoir une quelconque utilité.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Pour les mêmes raisons que la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 912.
Il est, en revanche, favorable à l’amendement n° 1226, car il vise, comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, à reprendre, pour la fonction publique, le dispositif que nous avons intégré à la réforme.
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin, pour explication de vote sur l’amendement n° 912.
M. Yannick Bodin. Cet amendement présente un intérêt, dans la mesure où il est souhaitable que nous puissions avoir un examen régulier et attentif du déroulement des carrières et de la sortie de la vie active au moment de la retraite.
J’insisterai plus particulièrement sur la situation des nouveaux enseignants.
Je ne vous parlerai pas de ce que l’on pourrait aujourd’hui appeler l’époque rêvée, puisque, sur le plan social, on ne pouvait guère faire mieux. À cette époque, les élèves-maîtres des écoles normales ouvraient leurs droits à la retraite dès l’âge de 18 ans et bénéficiaient d’une retraite à taux plein à 55 ans.
C’était un autre siècle !
Les professeurs d’aujourd’hui sont doublement punis dans cette affaire : on peut véritablement parler d’une double peine.
Ils ont appris, il y a un an, qu’avec la suppression de l’année de stage, c’est-à-dire la dernière année de formation à l’IUFM, ils perdent une année de cotisation. En effet, avec le nouveau système, cette année de stage est remplacée par une année d’études en master 2. Par conséquent, ils ne commencent à travailler, et donc à cotiser, que l’année suivante. Qui plus est, ils sont directement plongés dans le grand bain et se voient confier une classe sans avoir reçu aucune formation pratique.
Mes chers collègues, soyez particulièrement attentifs à ce qui se passe, en ce moment, dans nos écoles, nos collèges et nos lycées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est grave !
M. Alain Fauconnier. Et même catastrophique !
M. Yannick Bodin. Il sera sans doute nécessaire de faire le bilan – pourquoi pas dès les vacances de la Toussaint ? – pour évaluer le nombre de jeunes qui « entrent dans la carrière » et sont déjà en congé maladie.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Absolument !
M. Yannick Bodin. Permettez-moi de vous le dire, et c’est un ancien professeur qui vous parle, beaucoup de jeunes sont totalement désespérés d’avoir été jetés dans une piscine sans qu’on leur ait appris à nager : ils coulent les uns après les autres ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat acquiesce.) C’est un scandale absolu !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La faute au Gouvernement !
M. Yannick Bodin. En outre, ils sont pénalisés puisqu’ils perdent une année de retraite avant de commencer à travailler. Pour les récompenser, vous leur ajoutez deux ans à la sortie !
Ils sont donc doublement pénalisés : à l’entrée et à la sortie ; tout cela en l’espace de quelques mois.
J’attire votre attention sur l’intérêt qu’il y a à suivre très attentivement la situation de l’ensemble des fonctionnaires. J’insiste plus particulièrement sur celle des enseignants, qui ont l’impression de s’être fait avoir en entrant dans ce métier, même s’ils l’ont choisi.
À l’entrée, on leur a dit : « Tu cotiseras plus tard ! » ; à la sortie, on leur dira : « Tu continues à cotiser et tu n’auras pas ta retraite tout de suite ! »
Globalement, cela peut représenter trois années supplémentaires par rapport à la situation antérieure. C’est tout simplement scandaleux ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Certains diront : « Encore un rapport ! » Oui, mais il est important, et c’est la raison pour laquelle je souscris totalement à l’amendement n° 912.
Il faut bien, à un moment, faire le point sur les conditions de sortie de la vie active des agents des trois fonctions publiques.
Je profite de cette explication de vote pour évoquer un autre rapport, prévu à l’article 21 A. Car lorsque cet article viendra en discussion, je serai à Digne-les-Bains, préfecture de mon département, pour manifester contre la fermeture des services publics ; les Alpes-de-Haute-Provence sont en effet particulièrement touchées par la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
Aux termes de l’article 21 A, il est demandé au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Je ne suis pas contre cette idée. D’ailleurs, mes chers collègues, ceux d’entre vous qui me connaissent le savent – certains en sont peut-être choqués –, je n’ai pas d’hostilité particulière à la création d’une telle structure.
Je mets toutefois en garde la commission, sa présidente et, en particulier, son rapporteur, car j’ai vu mentionné, dans le rapport, le projet de créer une caisse unique pour tous les fonctionnaires de l’État, territoriaux et hospitaliers.
Madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, surtout, n’envisagez jamais une telle issue ! Certes, cela peut être tentant, puisque tous ces fonctionnaires obéissent aux mêmes règles, sont régis par le même code et s’acquittent de la même cotisation salariale, au taux de 7,85 %.
Le seul problème est que le taux de la cotisation employeur varie : il est de 27,3 % pour les collectivités territoriales et de 62 % pour la fonction publique de l’État.
M. Claude Domeizel. Si, par mégarde, on créait une caisse unique, compte tenu des effectifs des trois fonctions publiques, ce taux passerait à un peu plus de 50 %. Je vous laisse imaginer dans quelle situation nous mettrions les collectivités territoriales et les hôpitaux si nous prenions une telle décision !
M. Claude Domeizel. Au-delà de la commission des affaires sociales, je tiens à alerter le Sénat dans son ensemble : de grâce, mes chers collègues, effacez de votre esprit cette idée de créer une seule caisse pour les agents des trois fonctions publiques !
M. Jean-Pierre Fourcade. Vous avez raison !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Très brièvement, monsieur Domeizel, je saluerai votre intervention pour trois raisons.
Tout d’abord, merci d’avoir tenu ces propos, car vous avez décrit exactement la situation qui pourrait se produire si nous allions trop vite.
Ensuite, merci d’avoir rappelé que le taux de cotisation employeur dans la fonction publique de l’État est de 62 %. Nous avons débattu de cette question hier, j’ai indiqué ce qu’il en était et vous reprenez exactement le chiffre que j’ai cité.
Enfin, merci de constater que le Gouvernement, comme il l’a toujours affirmé, ne va pas trop vite. Je l’ai déjà dit, mais je le répéterai encore si nécessaire : notre logique ne consiste pas du tout à aller vers le régime unique que vous évoquiez pour la fonction publique de l’État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière. (M. Jean-Pierre Fourcade applaudit.)
M. Yannick Bodin. Et que pensez-vous de la situation des enseignants ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous partageons le point de vue du président de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, de façon très claire. Là où nous allons trop vite, me semble-t-il, c’est dans la montée en charge de la durée de cotisation. C’est ce point qui nous préoccupe, car nous savons que ces questions sont complexes.
Pour ce qui est des caisses de retraite, il faut clarifier ce dispositif. Les éléments que nous a donnés Claude Domeizel, et que vous venez de confirmer, monsieur le secrétaire d’État, permettent de justifier l’existence de caisses distinctes dans les trois fonctions publiques, ce qui me semble très important.
Par ailleurs, comme nous l’avons souligné depuis longtemps, nous sommes inquiets de la très rapide montée en charge de la durée de cotisation, même si on nous affirme que les 41,5 annuités ne seront atteintes qu’en 2018. Telle est la spécificité de cette réforme par rapport à celles qui ont eu lieu dans les autres pays de l’Union européenne et dont nous considérons qu’elles ont été bien moins rapidement mises en œuvre.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote sur l’amendement n° 1226.
M. Claude Domeizel. Ce matin, lors de l’examen de l’article 9, j’expliquais que j’avais été le premier signataire d’un amendement tendant à résoudre la situation délicate des congés spéciaux dans la fonction publique territoriale.
Monsieur le secrétaire d’État, ces congés spéciaux ne se confondent pas avec les CPA, les cessations progressives d’activité. Ils concernent les administrateurs de la fonction publique territoriale et pourraient être comparés à la mise hors cadre des préfets. Pendant cinq ans, une collectivité met en quelque sorte en préretraite un fonctionnaire. Un dispositif similaire existe au Sénat.
Compte tenu de l’effectif des administrateurs territoriaux, et sachant que chaque collectivité a droit à un seul congé spécial et que toutes ne prennent pas ce type de décision, les fonctionnaires concernés sont en nombre très restreint.
Le problème, c’est que le congé spécial s’achève au bout de cinq ans. Les fonctionnaires en question risquent donc de se trouver dans une situation difficile : leur congé spécial sera terminé, mais ils ne pourront bénéficier d’une retraite à taux plein parce que l’âge de celle-ci aura été reculé. Ceux qui ont choisi de prendre un congé spécial à 60 ans en pensant partir à la retraite à 65 ans à taux plein se trouveront sans salaire et ne toucheront pas la pension qu’ils auraient souhaitée. Certes, ils pourront toujours prendre leur retraite, mais pas à taux plein. C’est là manquer d’honnêteté vis-à-vis des fonctionnaires qui ont pris une telle décision.
C’est la raison pour laquelle j’avais transformé un amendement déposé par le groupe socialiste en sous-amendement à l’amendement n° 1226 de la commission, dont je me disais qu’il avait toutes les chances d’être adopté.
Toutefois, la commission des finances persiste et signe dans son application de l’article 40 de la Constitution, même si la mesure en cause ne concerne qu’une poignée de fonctionnaires.
Certes, il s’agit des deniers publics, mais je puis vous garantir, monsieur le secrétaire d’État, que les fonds de la CNRACL peuvent supporter cette dépense supplémentaire sans le moindre problème, car le ratio par rapport à la masse des pensions versées, même si je n’en connais pas le chiffre exact, doit être extrêmement proche de zéro.
La commission des finances a tout à fait le droit de déclarer ce sous-amendement irrecevable. Toutefois, on a vu M. Woerth monter à la tribune pour dire : « Calmez-vous, on va donner la possibilité aux mères de familles qui ont élevé trois enfants ou qui ont des enfants lourdement handicapés de partir à la retraite à 60 ans » ; or cela représente une mesure autrement plus coûteuse.
Nous pourrions donc résoudre aisément un problème, qui, financièrement, est très marginal.
Je regrette donc que mon sous-amendement n’ait pas été présenté. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez toujours le reprendre à votre compte sans être frappé par les dispositions de l’article 40 de la Constitution.
M. Claude Domeizel. Vous ne m’avez pas répondu, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je n’ai aucun problème pour vous répondre, monsieur Domeizel. Vous avez soulevé un problème réel, qui, comme vous le savez, relève du domaine réglementaire. Cela dit, je suis tout à fait prêt à étudier la question.
M. Claude Domeizel. Pourquoi ne pas sous-amender votre texte ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Parce que cette question relève d’un décret.
Je reviendrai vers vous ultérieurement et je n’ai aucune position figée sur le sujet, car il y a là un vrai problème.
M. Adrien Gouteyron. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sous-amendez, monsieur le secrétaire d’État !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote sur l’article.
M. Nicolas Alfonsi. N’ayant pu défendre l’amendement n° 344 rectifié, faute de l’avoir cosigné, je rappellerai en un mot la position du groupe RDSE sur cet article 11.
Il est donc prévu de relever l’âge d’ouverture du droit à pension des fonctionnaires appartenant à la catégorie sédentaire de la fonction publique, dans les mêmes conditions que le régime général. Vous proposez donc d’augmenter de deux ans la limite d’âge qui correspond pour eux à l’annulation de la décote.
Cette disposition est injuste, car les personnels contraints aujourd’hui d’attendre 65 ans sont ceux qui ont eu des carrières morcelées et les plus précaires. Il s’agit principalement des femmes ayant interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants.
Certes, nous venons d’adopter un amendement de la commission permettant de reprendre certains aménagements concernant les femmes et les aidants familiaux. Toutefois, s’agissant tout particulièrement des femmes, il faut reconnaître que les conditions retenues sont trop restrictives.
Aussi, notre groupe votera contre l’article 11. (Mme Christiane Demontès applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le secrétaire d’État, juste avant la suspension de nos travaux, vous avez qualifié mes propos de « caricaturaux ».
Mme Bariza Khiari. Je suis pourtant connue dans cet hémicycle comme une personne tenant plutôt des propos nuancés.
Mme Bariza Khiari. Toutefois, nous faisons de la politique et nous sommes obligés de pointer vos carences en matière économique et sociale. Or quand nous soulignons vos errements, voilà que nous devenons caricaturaux !
Mme Bariza Khiari. Nous faisons seulement vivre la démocratie de manière paisible dans cet hémicycle. Et si vous jugez cela trop violent – je vous le dis avec le sourire, monsieur le secrétaire d’État –, il faut changer de job ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
Quand j’affirme que nous – les sénateurs présents de ce côté de l’hémicycle –, nous protégeons les acquis sociaux, tandis que vous, vous défendez les acquis tout court, mes propos peuvent vous paraître caricaturaux, mais, pour nous, ils sont seulement factuels.
Mme Bariza Khiari. Pour paraphraser le poète René Char : « À nous regarder, vous vous habituerez. »
Mme Christiane Demontès. Ce n’est pas sûr !
Mme Bariza Khiari. J’en viens à mon explication de vote.
Comme je l’ai fait remarquer lors de ma précédente intervention, le Gouvernement est fautif en ce qu’il nous présente ce texte comme résultant d’une nécessaire prise en compte des données démographiques, alors qu’il n’est que la traduction d’une forme d’incapacité à gérer convenablement les effets de la crise économique et sociale.
Certes, l’aspect démographique est essentiel : à quoi bon le nier ? Quel que soit le système de retraite, il s’agit d’un élément clé. Cependant, la réforme de 2003 a indexé la durée de cotisation sur l’augmentation de l’espérance de vie.
Dès lors, si le dispositif a été confronté à de nouveaux défis, c’est parce que – je persiste et je signe – vous avez été incapables de maintenir la croissance et l’emploi. Je ne nie pas la crise, mais nos voisins ont fait mieux.
Ne vous en déplaise, monsieur le secrétaire d’État, les déficits actuels sont dus principalement à la non-augmentation de la masse salariale et aux mauvais chiffres du chômage. Les recettes ont baissé et, par conséquent, des déficits se forment. En d’autres termes, c’est le Gouvernement, et lui seul – et non la démographie –, qui creuse les déficits.
Si l’on veut relever ce défi, il faut s’attaquer aux véritables problèmes, comme le font certains de nos voisins européens avec des résultats nettement supérieurs aux nôtres.
M. Philippe Dallier. L’Espagne, par exemple ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Bariza Khiari. Il faut lutter contre le chômage et trouver de nouvelles recettes pour financer les déficits. Le report de l’âge légal de la retraite, de même que celui de l’âge de la retraite à taux plein, n’est pas une réponse adaptée.
Comme vous n’évoquez jamais la question de l’emploi, nous sommes obligés de le faire.
En ce qui concerne l’emploi public, depuis 2007, 100 000 fonctionnaires n’ont pas été remplacés, dans les secteurs les plus divers, en fonction d’une logique purement comptable. Puisque vous aimez les rapports, je vous citerai celui de la Cour des comptes, qui a elle-même estimé que cette logique était court-termiste si elle ne s’accompagnait pas d’une réflexion sur les domaines où le travail des fonctionnaires pouvait évoluer, c’est-à-dire sur le lien entre les missions et l’emploi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous citez également le FMI. J’aimerais y revenir. Vous disposez de si peu d’arguments que vous en venez à utiliser deux phrases prélevées dans un rapport de cette organisation.
Vous aimeriez bien que Dominique Strauss-Kahn donne son imprimatur à votre réforme des retraites, mais tel n’est pas le cas. Mme Aubry l’a souligné hier : elle a montré que nous avions pour les retraites un véritable programme, qu’elle a tranquillement déroulé. Elle a précisé ce que contenait le rapport, en lisant le passage concerné du début à la fin, et elle a rappelé que ce texte n’engageait pas le FMI dans son ensemble, ni a fortiori son directeur général. En effet, quand un rapport du FMI est publié, ce n’est pas Dominique Strauss-Kahn qui le signe.
En 2011, quelque 34 000 postes seront supprimés au sein de l’éducation nationale ou de la police. Les récriminations sont de plus en plus importantes, tandis que s’accroît la demande du public pour des services de qualité et nombreux. Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, en temps de crise, c’est notre modèle social, avec nos services publics, qui sert d’amortisseur.
Cette politique de non-remplacement des fonctionnaires s’inscrit dans la perspective du départ à la retraite des baby-boomers, mais cette tendance ralentira dans les prochaines années. Si on ne cherche pas une position plus raisonnable et moins dogmatique, on n’arrivera nullement à un emploi public stable et de qualité.
Après les dégâts de la RGPP, vous nous demandez de faire passer l’âge de départ des fonctionnaires de 60 à 62 ans et de 65 à 67 ans. Les fonctionnaires, notamment les femmes, sous tension permanente, seront épuisés. C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas cet article 11. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 11, modifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 332 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 167 |
Pour l’adoption | 180 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
Article 12
(Non modifié)
I. – La loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « est fixée à », la fin du premier alinéa de l’article 1er est ainsi rédigée : « soixante-sept ans lorsqu’elle était, avant l’intervention de la loi n° … du … portant réforme des retraites, fixée à soixante-cinq ans. » ;
2° À l’article 1-2, les mots : « à soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « conformément aux dispositions du premier alinéa de l’article 1er » ;
3° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 7, les mots : « à soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « conformément au premier alinéa de l’article 1er ».
II. – L’évolution de la limite d’âge mentionnée aux 1°, 2° et 3° du I est fixée par décret dans les conditions définies au II de l’article 11 de la présente loi.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme le souligne le rapport de la commission des affaires sociales, l’article 12 découle bien sûr de l’article 11. Il constate le passage de l’âge de la retraite à taux plein de 65 à 67 ans pour les fonctionnaires de la catégorie sédentaire n’ayant pas atteint le nombre requis d’annuités et en tire les conséquences pour un certain nombre de postes de la fonction publique, tout en prévoyant des dérogations, notamment pour les fonctionnaires étant passés de la catégorie active à la catégorie sédentaire.
Nous contestons le bien-fondé de cette réforme de manière globale. C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression pure et simple de cet article. Je l’ai rappelé lors de l’examen de l’article 11 : les solutions que vous préconisez ne répondent pas aux véritables enjeux de la question des retraites ; vous vous placez sur le terrain de la démographie quand c’est d’orientation économique qu’il conviendrait de discuter.
Le recul de l’âge pour obtenir une retraite à taux plein lorsque l’on n’atteint pas le nombre requis d’annuités pour y prétendre avant est l’exemple même du caractère idéologique et inhumain de ce texte. Qui ne sera dans l’impossibilité de satisfaire à cette exigence, sinon, principalement, les femmes et les personnes ayant eu une carrière mouvementée, hachée ? Monsieur le secrétaire d’État, pensez-vous que ce sont des populations privilégiées, des nantis qui profitent du système ? Nous croyons, pour notre part, qu’il s’agit de personnes fragiles, précaires et ayant connu une vie plutôt difficile.
À 65 ans, bien des gens ont effectué une carrière complète ou quasi complète. Même les populations bien plus jeunes – les trentenaires, voire les jeunes actifs –, qui sont souvent entrées plus tard sur le marché du travail, auront atteint à cet âge les 42 années de cotisation. Je ne suis d’ailleurs pas certaine que le présent texte s’adresse véritablement à elles. Si vous prévoyez une clause de revoyure en 2018, ce sera sans doute pour tenter de durcir encore vos positions à leur égard. Vous constaterez alors que nous étions fondés à décrire votre réforme comme inefficace, puisqu’il vous faudra chercher de nouveaux moyens de financement.
À court terme, la très grande majorité si ce n’est l’ensemble des Français qui atteindront l’âge de 65 ans auront cotisé le temps requis, à l’exception de la catégorie la plus précaire, à savoir les femmes qui jonglent avec des périodes de temps partiel le plus souvent subi, de chômage, d’inactivité et les personnes ayant eu des carrières brisées, heurtées, inhabituelles.
Pour nous, réforme est synonyme de progrès. Quand un texte qui se veut réformateur fragilise encore davantage des catégories précaires, il se pare d’atours qu’il ne mérite pas. Je suis résolument opposée au recul de l’âge de la retraite à taux plein. Si certains veulent travailler plus, la loi les y autorise, mais que ceux qui veulent s’arrêter parce que la vie ne leur a déjà pas fait beaucoup de cadeaux le puissent, voilà qui me semble une véritable avancée. La solidarité doit continuer à avoir un sens dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l’article 12.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, mon intervention sur l’article vaudra présentation de l’amendement n° 19.
Nous souhaitons la suppression de l’article 12 qui est un article de coordination avec l’article 11, car le relèvement de 65 à 67 ans de l’âge limite dans la fonction publique est tout à fait inadapté aux caractéristiques de notre société.
Si l’on y ajoute la RGPP et son objectif de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, c’est une véritable pénurie d’emplois publics qui va se déclencher : elle se traduira très concrètement, comme on le remarque déjà, par une réduction du nombre de places proposées aux concours.
Relever l’âge limite de départ à la retraite des fonctionnaires et ne plus reconduire le poste que dans un départ sur deux, voilà qui sera fortement préjudiciable à l’emploi des jeunes, alors que notre pays aurait pourtant bien besoin d’une politique plus adaptée et plus audacieuse en ce domaine.
Mme Christiane Demontès. Absolument !
M. Guy Fischer. Je vous rappelle que 25 % des jeunes de moins de 25 ans en âge de travailler sont au chômage. Il est donc complètement aberrant de prolonger la durée de travail des personnes en fin de carrière, d’autant que cette réforme occulte un élément majeur et basique du financement des retraites : c’est l’emploi qui permet de financer les retraites par les cotisations des actifs. Vous n’invoquez les arguments démographiques que pour mieux masquer l’échec de votre politique en matière d’emploi.
Mme Christiane Demontès. Oui !
M. Guy Fischer. Nous n’en serions en effet pas là si vous n’aviez multiplié les mesures telles que le bouclier fiscal, les niches fiscales, sacrifiant l’argent public pour sauver les banques qui, responsables de la crise financière, ont provoqué la disparition de milliers d’emplois. Il aurait fallu que le Gouvernement s’occupe d’avantage des problèmes sociaux du plus grand nombre plutôt que de se soucier de l’intérêt de quelques-uns, les plus puissants et les plus favorisés.
Cette réforme que l’on prétend faire pour résorber les problèmes de financement des retraites contient des dispositions qui, précisément, les aggraveront. En se privant de nouveaux emplois avec la RGPP et en favorisant l’extension des années de travail des fonctionnaires, on contribue à restreindre le nombre de nouvelles cotisations pour les retraites. Si le nombre d’actif baisse, logiquement, le financement des retraites diminue également.
Il s’agit donc bien d’une logique à court terme, qui ne permettra même pas de résoudre la question des déficits budgétaires de l’État – ce sera l’objet de nos prochains débats –, car c’est sans compter le coût que représenteront ces millions de chômeurs. L’UNEDIC a estimé le coût de la réforme des retraites entre 440 et 530 millions d’euros pour l’assurance chômage, ce qui est loin d’être négligeable ! C’est pourquoi nous souhaitons la suppression de cet article, car il contribue à alimenter cette réforme absurde et inefficace.
La RGPP s’applique de manière très contrastée. Ainsi, aux Hospices civils de Lyon, où il est bien sûr impossible de supprimer les emplois médicaux ou paramédicaux, on constate cependant des contractions qui équivalent à la suppression d’un poste sur deux. Mais, dans les services administratifs, on va bien plus loin : ce sont jusqu’à trois emplois sur quatre qui sont supprimés. Des pans entiers sont sacrifiés. La suppression de l’article 12 se justifie donc totalement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 19 est présenté par Mme Pasquet, M. Fischer, Mme David, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 145 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 345 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 19 a déjà été défendu.
La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l’amendement n° 145.
Mme Christiane Demontès. Comme vient de le rappeler Guy Fischer, l’article 12 est un article de conséquence qui a pour objectif de coordonner la rédaction de la loi du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. Il prévoit de faire évoluer cette limite d’âge de manière croissante, à raison de quatre mois par génération.
Aussi, et cela ne vous surprendra pas, en cohérence avec les prises de position que nous avons précédemment défendues, nous opposerons-nous à son adoption. Nous défendons un système universel et personnalisé, une retraite choisie. Nous voulons garantir à toutes et à tous des droits clairs et permettre à chacune et à chacun de maîtriser sa vie dans un cadre solidaire et protecteur.
La retraite à 60 ans doit rester un droit et ne pas devenir une obligation. En allongeant la durée de travail, vous empêchez des milliers de jeunes d’entrer dans le monde de l’emploi ! Je rappelle, pour compléter les propos de Guy Fischer, que le taux de chômage de longue durée, c’est-à-dire de plus d’un an, ne cesse d’augmenter chez les jeunes. Tout le monde voit bien, et les jeunes au premier chef, que les prétendues politiques pour l’emploi des jeunes n’aboutissent pas : les mesures prises par votre Gouvernement ne sont pas suffisantes, monsieur le secrétaire d’État.
Dans ces conditions, comment imaginer que les mesures d’allongement de la durée de travail puissent avoir aujourd’hui un effet positif sur l’entrée dans l’emploi des jeunes ? Personne n’y croit !
L’enjeu des retraites, c’est d’abord celui du pacte social et républicain qui unit les Français, celui du lien intergénérationnel et du « vivre ensemble », socle qui fonde la solidarité contre l’individualisme. Or nous avons le sentiment que c’est ce dernier que vous appelez de vos vœux.
Le relèvement de la limite d’âge dans la fonction publique est la conséquence du relèvement de l’âge de départ à la retraite, mais il est aussi la conséquence d’une absence d’anticipation de la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui nos régimes de retraite. Ceux-ci ont accumulé des défaillances sérieuses, qui n’ont pas été corrigées.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez, nous semble-t-il, trop tendance à vous réveiller quand le mal est fait, en tapant vite et fort, sans malheureusement anticiper l’avenir.
Disant cela, je pense également à la situation des autres branches de la sécurité sociale, qui est similaire à celle que connaissent nos régimes d’assurance vieillesse. Je n’ose imaginer le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous examinerons dans quelques semaines, après le débat sur les retraites ! Je n’ose davantage imaginer la situation dans laquelle vous avez plongé l’assurance maladie !
Nous sommes ici, une fois encore, dans une réforme comptable, à l’instar des réformes de 1993 et de 2003, qui, disiez-vous à l’époque, devaient régler l’équilibre de nos systèmes de retraite et, aujourd’hui, vous obligent malheureusement à recommencer et à reproduire les mêmes erreurs d’analyse !
Nous demandons donc la suppression de l’article 12. (Mme Raymonde Le Texier applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 345 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 19 et 145 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Comme vient de le dire Mme Demontès, cet article 12 s’inscrit dans la continuité du précédent. La commission, qui souhaite évidemment son maintien, est défavorable aux deux amendements identiques de suppression. De plus, je tiens à le dire, il permet de préserver la situation des fonctionnaires membres de l’ancien corps des instituteurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 145.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 12.
(L’article 12 est adopté.)
Article 13
(Non modifié)
Le III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’âge d’ouverture du droit à pension applicable aux fonctionnaires mentionnés au présent III est fixé à soixante ans et leur limite d’âge est fixée à soixante-cinq ans. »
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, sur l’article.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet article 13, qui vient compléter le III de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, consacre l’ouverture du droit à pension aux fonctionnaires concernés par cette loi à 60 ans et leur limite d’âge à 65 ans.
Il s’agit, notamment, du personnel infirmier hospitalier ayant opté pour la catégorie A de la fonction publique, comme proposition lui en a été faite par ladite loi. Ce faisant, ce personnel, actuellement en fonction, ayant choisi d’opter pour la catégorie A, s’il perd son classement en service actif, n’est en revanche pas touché par la mesure de recul de deux ans de l’âge de départ à la retraite prévu par le projet dont nous débattons aujourd’hui. Nous en prenons acte.
Nous observons toutefois que cette mesure, prise pour inciter les infirmiers et les infirmières à opter pour le passage en catégorie A, dans un « marchandage » que nous avions déjà dénoncé à l’époque où le texte nous avait été soumis, ne peut occulter le fait que les soignants qui n’auront pas choisi d’intégrer la catégorie A – comme, du reste, les futures infirmières, non encore dans le corps infirmier hospitalier, qui relèveront automatiquement d’un classement en catégorie A sédentaire – seront concernés par le relèvement progressif de deux ans des bornes de limite d’âge pour leur départ à la retraite.
Autrement dit, si nous décodons, là aussi, la dimension « pénibilité » ayant justifié jusqu’ici le classement de tout le corps infirmier hospitalier en catégorie active n’est plus sanctuarisée sur ses bases actuelles, classement qui, je le rappelle, ouvre à cette catégorie la possibilité de prétendre à une pension de retraite à 55 ans.
M. Guy Fischer. C’est scandaleux !
M. Jacky Le Menn. Nous ne pouvons, dans ces conditions, que renouveler la demande formulée en juillet dernier : l’ensemble du corps des infirmiers hospitaliers doit pouvoir relever de la catégorie A de la fonction publique hospitalière en raison du niveau d’études requis – bac+3 et plus – aujourd’hui reconnu par l’université, dans le cadre de la filière LMD, avec maintien du bénéfice d’un classement en catégorie active ouvrant droit à un départ à la retraite à 55 ans sans possibilité de reculer cet âge à 57 ans.
Nous formulons une demande similaire pour les infirmiers anesthésistes diplômés d’État. Infirmiers spécialisés dont les cinq années d’études représentent un niveau d’équivalence universitaire en cours de reconnaissance au grade de master, classés jusqu’au 12 juin dernier dans la catégorie A active de la fonction publique hospitalière, compte tenu de la pénibilité de leur tâche, ils doivent pouvoir être maintenus dans cette catégorie active et prétendre ainsi à une pension de retraite à 55 ans.
En outre, les infirmiers anesthésistes, par leurs attributions et fonctions, remplissent tous les critères reconnus de pénibilité. Ils assument la continuité des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, alternant systématiquement travail de jour et travail de nuit. Leurs repos sont variables, ce qui n’est pas dénué de conséquences sur leurs rythmes biologiques.
Ils travaillent en permanence dans des conditions de stress extrême dues à la vigilance exigée dans leurs activités, à la gestion de gestes techniques précis et à la confrontation récurrente à des situations d’urgence vitale. Les temps de récupération et de repos sont souvent aléatoires et jamais choisis. Ils sont également exposés à des émanations gazeuses toxiques à long terme, malgré les systèmes de prévention utilisés qui n’offrent qu’une protection relative. L’ergonomie limitée autour d’une table d’opération, que j’ai personnellement pu constater, et la manipulation systématique des corps humains lors de leur positionnement sur les tables d’opération entraînent de nombreuses contraintes articulaires et posturales à l’origine de troubles musculo-squelettiques, les TMS.
Il serait donc tout à fait incongru que la notion de pénibilité ne soit pas retenue pour les infirmiers anesthésistes.
D’une manière générale, il s’agit, pour l’ensemble de ces personnels paramédicaux, de corps de métiers majoritairement féminins, dont tous nos concitoyens louent les services éminents tout en s’inquiétant de la pénibilité de leur travail. Ils savent que cette pénibilité est due, je le répète et j’y insiste, au stress croissant, au rythme de travail soutenu, à la station debout prolongée, à une multiplication du nombre de TMS, au travail de nuit astreignant, à une vigilance obligatoire de chaque instant, par exemple, pour la préparation des médicaments antimitotiques destinés à lutter, notamment, contre les pathologies cancéreuses.
Les personnels côtoient en continu la souffrance, très souvent la mort, mais aussi la douleur des familles. J’ai personnellement eu, pendant plus de trente ans, l’occasion de constater cette pénibilité tellement spécifique à ces corps de métiers indispensables au bon fonctionnement de notre système de santé.
Nous ne pouvons donc nous satisfaire monsieur le secrétaire d’État, de la mesure prévue par cet article 13 pour le personnel infirmier hospitalier et les autres personnels paramédicaux également concernés, dont les infirmiers anesthésistes.
Cette mesure fait illusion. Elle masque, en vérité, un marchandage inadmissible envers un personnel soignant admirable que l’on abuse sciemment. À nos yeux, comme à ceux de nos concitoyens, qui, par centaines de milliers, fréquentent les hôpitaux, pareille situation est non seulement déplorable, mais aussi condamnable.
Monsieur le secrétaire d’État, nonobstant cet article, sur lequel, pour ma part, je m’abstiendrai, il conviendrait que vous repreniez l’attache des représentants des personnels paramédicaux hospitaliers et des personnels infirmiers, infirmières ou anesthésistes, pour trouver un accord permettant de classer tous ces corps de métiers en catégorie A de la fonction publique hospitalière et de les intégrer dans la catégorie active susceptible de leur ouvrir le bénéfice d’un droit à pension à 55 ans. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.
M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, aux termes de cet article 13, il est donc proposé que les personnels hospitaliers et paramédicaux choisissent individuellement, à l’avenir, entre une meilleure rémunération, en contrepartie de l’allongement de sept ans de leur durée de travail jusqu’à 62 ans, ou l’allongement « allégé » à 57 ans, mais sans revalorisation salariale.
L’article 13 remet en cause la pénibilité du travail chez les infirmiers et infirmières prévu par l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Oui, nous sommes loin des engagements du Président de la République – c’est souvent ainsi ! – et de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, qui ont indiqué à de nombreuses reprises que leurs objectifs étaient de reconnaître les compétences des infirmières et de rendre cette profession attractive.
Cet article traduit, en effet, la méconnaissance d’un métier de plus en plus fatigant. Le personnel hospitalier doit mettre en œuvre de nouveaux talents : qualités d’accueil pour les admissions, aptitudes à canaliser et organiser un service des urgences de plus en plus fréquenté.
Par ailleurs, le développement des techniques de soins intensifs, l’apparition de matériels de plus en plus sophistiqués et complexes ont exigé des infirmières un niveau croissant de compétence technique et une véritable spécialisation. Plusieurs années d’activité professionnelle sont donc nécessaires pour qu’une infirmière connaisse parfaitement tous les aspects de son métier et qu’elle puisse, à son tour, former ses collègues plus jeunes.
Je rappelle qu’une infirmière est dans l’obligation d’avoir une attention de plus en plus soutenue dans son travail. Chacun se souvient des malheureux incidents et accidents dont certains ont entraîné le décès de patients. La plupart du temps, c’est elle qui est mise en cause.
Les statistiques sont la meilleure preuve de l’usure liée à l’exercice du métier : une infirmière sur cinq est en invalidité avant 48 ans. C’est une donnée incontestable. Leur durée moyenne de travail n’excède pas dix-sept ans.
En outre, 35 % des infirmières et infirmiers du secteur public travaillent régulièrement de nuit. Cela n’est pas neutre pour la santé ! Monsieur le secrétaire d’État, 60 % de ces personnes affirment éprouver des difficultés à accomplir leurs tâches dans les délais impartis. Nombreuses sont celles qui peinent à prendre leurs congés dans de bonnes conditions tant la quantité de travail est importante ! À cet égard, cet article ne constitue-t-il pas un véritable déni de leur mal-être ou de leurs difficultés ?
En effet, la profession est de plus en plus désertée et très nombreuses sont les infirmières qui partiront à la retraite d’ici à 2015.
L’annonce de la mesure prévoyant la disparition de la pension à jouissance immédiate après quinze ans d’activité pour les personnes ayant élevé trois enfants a suscité un véritable affolement dans les directions des ressources humaines à l’échelon des collectivités territoriales, notamment dans les hôpitaux. Cet affolement a été particulièrement vif chez les infirmières, qui ont demandé à être renseignées sur leur situation. Alors que certaines d’entre elles sont toujours en attente de réponses, la caisse de retraite qui gère leurs droits a enregistré 60 % de demandes de pension à jouissance immédiate supplémentaires par rapport à une situation ordinaire, en « vitesse de croisière ».
Le bon sens aurait donc voulu le maintien de la revalorisation et la possibilité d’un départ anticipé pour les inciter à exercer ce métier.
Les personnels infirmiers – ce sont souvent des femmes – sont sacrifiés par ce projet de loi. La reconnaissance de la pénibilité de cette profession doit être beaucoup mieux prise en compte ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. À mon tour je rappellerai que l’article 13 est, en quelque sorte, le corollaire de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique.
Nous nous étions opposés à l’adoption d’une telle mesure, censée transcrire un accord qui n’a été signé que par une seule organisation syndicale, très minoritaire et qui n’est d’ailleurs pas parvenue, lors des dernières élections professionnelles, à dépasser 1 % des suffrages. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
C’est dire que cette organisation était illégitime à négocier et à imposer un accord qui, lorsque l’on s’y penche de près, ressemble plus à un chantage qu’à une réelle reconnaissance ! Car il ne s’agissait ni plus ni moins que de demander aux infirmières et aux personnels paramédicaux de choisir entre le maintien à la retraite à 55 ans, justifié par des conditions de travail de plus en plus pénibles, et une augmentation de salaire, elle aussi justifiée en raison du niveau de diplôme exigé et de la plus grande technicité des actes que ces professionnels ont aujourd’hui à accomplir.
Contrairement à ce que voudraient nous faire croire la majorité sénatoriale et M. le rapporteur, l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 n’est pas la concrétisation des promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy en direction des professionnels.
J’en veux pour preuve la lettre qu’il a adressée à la secrétaire générale du Syndicat national des infirmier-e-s conseiller-e-s de santé, le SNICS. Il y affirmait : « [Les] infirmières et les infirmiers restent les “oubliés” de nos politiques de santé : leurs qualifications ne bénéficient pas d’une reconnaissance à la hauteur de la durée des études et du niveau d’exigence de leurs responsabilités professionnelles ; la revalorisation de leurs perspectives en termes de rémunération et de carrière a pris un retard incontestable. » Il précisait même : « Le temps est aujourd’hui venu d’aller au-delà des mots et des déclarations de bonnes intentions dont longtemps votre profession a dû se satisfaire. Nous devons enfin traduire tout cela dans les actes. »
S’il s’était effectivement engagé à mieux revaloriser les salaires des personnels infirmiers, Nicolas Sarkozy n’avait en revanche rien dit concernant une quelconque contrepartie. Avec la présente mesure et le renoncement aux 60 ans, il est bien loin le temps où il déclarait : « Je fais ce que j’ai dit, et j’ai dit ce que je ferai ». (M. René-Pierre Signé s’exclame.)
Pour notre part, nous continuons à réaffirmer avec les organisations syndicales que, au regard de l’évolution des tâches qu’ils accomplissent aujourd’hui – je pense notamment à la technicité des blocs opératoires – et de la dégradation de leurs conditions de travail, les personnels infirmiers et paramédicaux auraient dû se voir reconnaître leurs compétences en catégorie A tout en conservant le bénéfice de la catégorie active ; cela eût été la seule mesure juste socialement.
En lieu et place d’une telle mesure, vous avez fait le choix de sanctionner financièrement celles et ceux qui, usés par l’intensification du travail, par la diminution constante du nombre de personnels auprès des malades et par des rythmes de travail qui pèsent sur l’organisme, ont préféré faire le choix d’un départ à la retraite à 55 ans ; on comprend d’ailleurs leurs craintes et les départs massifs que celles-ci entraînent. Est-ce à dire que ces personnels méritent moins que les autres une revalorisation salariale ? Nous ne le croyons pas.
C’est pourquoi, soucieux de garantir les mêmes droits à l’ensemble des personnels, nous avons déposé un amendement de réécriture de l’article 13 pour qu’il prévoie désormais la suppression de l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010.
Cet amendement, qui a été retoqué par la commission des finances au motif de l’irrecevabilité financière, demeure – vous le savez – très attendu par les organisations syndicales. Aussi, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG s’abstiendront sur l’article 13. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, sur l’article.
M. René-Pierre Signé. Messieurs les ministres, mes chers collègues, on dit que la mémoire des hommes est infidèle ; il me semble que celle des malades est ingrate et injuste. De même que celle-là ne retient que le nom des rois, à l’hôpital on ne retient que le nom du chirurgien, l’homme de l’art.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Non ! Pas du tout !
M. René-Pierre Signé. L’anesthésiste, qui a pourtant joué un rôle aussi difficile et exercé autant de responsabilités, est ignoré.
Ensuite, c’est l’oubli total. Pourtant, viennent alors les soins de suite, les souffrances, le mal-être, le souci, l’angoisse, le désespoir même, l’avenir incertain qui terrorise le malade malgré toute l’affection que peut lui apporter son entourage. Tout cela est oublié ; on efface de sa mémoire tous ceux qui, par un geste, par un mot, par une caresse, par une présence, viennent vous consoler.
Mme Marie-Thérèse Hermange. On ne les oublie pas ! C’est très masculin, comme réaction ! C’est une réaction de chef !
M. René-Pierre Signé. Les infirmières et le personnel soignant sont les grands oubliés des hôpitaux. (Protestations sur les travées de l’UMP.) Mes chers collègues, demandez donc aux personnes qui ont été opérées, elles vous le diront ! Elles pourront vous dire qui les a soignées, mais le nom de celui ou de celle qui les a consolées aura été oublié.
Pourtant, les infirmières, les aides-soignantes interviennent à des moments cruciaux. Par un geste, je l’ai dit, elles se montrent présentes, et leur présence rassure, encourage.
Je ne reviendrai pas sur l’ambiance et l’atmosphère des services d’EHPAD, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, surtout la nuit. Il faut avoir vécu dans un tel environnement, l’avoir connu pour mesurer à quel point il est difficile à supporter.
Ce climat, les infirmières l’intériorisent et le portent en elles. Puisqu’il est subi chaque jour et toutes les nuits, il est susceptible d’entraîner de graves troubles psychologiques ou psychosociaux qui attentent à la santé des personnels soignants. On est alors au-delà de la pénibilité ; à ce stade, on entre dans le chapitre de l’invalidant.
J’ai parlé hier du travail physique, je ne me répéterai donc pas. Je pense aux malades invalides, impotents et lourds, à ceux qu’il faut changer, habiller, déshabiller, à ceux qu’il faut tourner parce qu’ils ont des escarres, coucher d’un côté et de l’autre, à ceux qu’il faut relever parce qu’ils sont tombés ; bref, à tous ceux qui méritent que l’on soit mobilisé une journée entière par des coups de sonnettes impératifs et dont les soins engagent la responsabilité de l’infirmière et de l’aide-soignante, car on ne leur pardonne rien !
Peut-on envisager que la fin de la journée soit attendue avec quelque impatience ? Dans ces conditions, l’âge de la retraite représente le moment où l’on se consacrera, enfin, à soi et à sa famille, où l’on espère trouver l’apaisement ou l’oubli malgré tant de détresse vécue, tant de malheur et tant de souffrance.
Insister sur la pénibilité est élémentaire : c’est une notion sur laquelle on doit revenir en ce qui concerne le métier d’infirmier.
L’âge de la retraite doit être précoce quand on a connu les difficultés, le harcèlement de la part de familles exigeantes – d’autant plus exigeantes, d’ailleurs, qu’elles ne viennent pas voir le malade… –, les malades souffrants qui n’acceptent pas et ne pardonnent pas d’être délaissés ; on sait ce que les infirmières et aides-soignantes doivent supporter !
Mme Bachelot-Narquin a profité du statut mal affirmé des infirmières et des aides-soignantes. Celles-ci étaient en effet formées hors université, au sein même des hôpitaux, qui ne formaient – et à quel prix ! – que le personnel dont ils avaient besoin. Elles ne bénéficiaient donc d’aucun statut universitaire. (Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Le temps de parole est dépassé, monsieur le président !
M. René-Pierre Signé. Les hôpitaux de proximité, qui n’avaient pas l’autorisation de former le personnel soignant, avaient quelquefois la chance de trouver, de-ci de-là, un professionnel formé.
On a accordé aux infirmières un diplôme universitaire après un concours extrêmement difficile ; vous savez que, désormais, pour être infirmier, il faut passer le même concours que pour être médecin, sage-femme, ou kinésithérapeute, un concours du niveau de celui qui ouvre l’entrée aux grandes écoles. Cependant, dans le même temps, on leur a supprimé le droit de faire valoir la pénibilité de leur travail. C’est une arnaque !
Mme Marie-Thérèse Hermange. De toute façon vous n’allez pas voter !
M. René-Pierre Signé. On leur a donné en échange un titre universitaire « anobli » de master 1, master 2 pour les infirmières anesthésistes, et on leur a ôté le bénéfice de la notion de pénibilité. Mais un diplôme permet-il d’enlever la pénibilité ? Le travail des infirmières, des aides-soignantes, du personnel soignant doit être reconnu pénible ; c’est une exigence élémentaire !
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. René-Pierre Signé. Ne pas le reconnaître, c’est être bien loin des réalités ; c’est n’avoir jamais mis les pieds dans un hôpital ! C’est être bien loin du réseau sanitaire de la France ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Vous n’avez pas le monopole des hôpitaux et des infirmières !
Mme Raymonde Le Texier. Calmez-vous !
M. René-Pierre Signé. C’est la vérité ! Vous n’allez pas m’apprendre ce qu’est la médecine !
M. le président. Il vous faut conclure, monsieur Signé.
M. René-Pierre Signé. J’ajouterai simplement que, compte tenu du niveau technique actuel exigé des infirmières, celles-ci doivent au moins pouvoir bénéficier, après des études difficiles, de la respectabilité et de la reconnaissance de la pénibilité comme une notion élémentaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. Messieurs les ministres, on ne comprend pas très bien l’empressement dont a fait preuve le Gouvernement pour proposer, en juillet dernier, un tel choix aux personnels hospitaliers.
Ne croyez-vous pas qu’il eût été plus judicieux que ce choix intervînt à l’issue du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites ? Les personnes intéressées auraient ainsi pu se décider en toute connaissance de cause.
Pour quelles raisons était-il si important d’aborder la question de la retraite de ces personnels avant même que le présent projet de loi soit connu ?
Quelle raison a motivé le Gouvernement, si ce n’est l’espoir d’obtenir de quelques infirmiers, abusés par la promesse d’une meilleure rémunération, l’abandon, à la hâte, de leur droit à une retraite à 55 ans ? Car c’est de cela qu’il s’agit : inciter les infirmiers au passage en catégorie A afin qu’ils perdent le bénéfice du classement en catégorie active.
Dès lors, on comprend très bien la stratégie du Gouvernement : celui-ci tente de maintenir le caractère attractif de l’intégration en catégorie A afin que les personnels orientent leur choix vers cette solution et consentent dans le même temps à la perte de tous les droits inhérents à la reconnaissance de la pénibilité de leur travail.
Cependant, en l’état actuel, le choix proposé aux infirmiers et personnels hospitaliers va entraîner, outre une complexification de leur système de retraite, une inégalité de traitement entre les agents.
En effet, c’est à non plus un mais trois régimes que sera désormais soumis le corps des personnels hospitaliers et paramédicaux : le régime des infirmiers qui auront choisi le classement en catégorie A, et qui partiront à 60 ans ; le régime de ceux qui auront fait le choix de rester en catégorie B, et qui partiront à 57 ans ; enfin, le régime des futurs infirmiers issus des promotions 2009 et suivantes.
Ces derniers seront en effet classés d’office en catégorie A et partiront à la retraite non pas à 60 ans, mais à 62 ans, sachant que, avec l’allongement de la durée de cotisation, ils prendront leur retraite à 67 ans s’ils veulent bénéficier du taux plein. Être Infirmier ou aide-soignant à 67 ans, c’est tout simplement inconcevable !
L’article 13 détricote ainsi la reconnaissance de la pénibilité du travail des professions.
On pourrait considérer cela comme une tromperie pour ceux qui ont opté en faveur du maintien en catégorie active. En effet, on leur avait annoncé qu’ils pouvaient prendre leur retraite à 55 ans. Or le présent texte prévoit qu’ils doivent travailler jusqu’à 57 ans. Ces deux années supplémentaires n’étaient pas prévues dans le protocole d’accord établi au départ. Il y a donc bien eu tromperie !
Aujourd’hui, ces professions doivent de plus en plus s’adapter à l’augmentation de leur charge de travail, au manque d’effectifs, aux heures supplémentaires non récupérées. La non-reconnaissance de la pénibilité ne répondra pas au besoin de fidélisation et d’attractivité.
Bien souvent, les infirmières et aides-soignantes sont confrontées à la détresse de nos concitoyens. Soigner, c’est avant tout prendre soin, prendre le temps d’écouter, de réconforter. C’est aussi expliquer un traitement, accompagner une personne en fin de vie, éduquer un malade. Elles accomplissent bien plus que des actes techniques, messieurs les ministres, et cela doit également être intégré dans la notion de pénibilité.
Avec cet article, on voit combien le Gouvernement a la volonté de ne pas traiter la question de la pénibilité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 146, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique est abrogé.
La parole est à Mme Maryvonne Blondin.
Mme Maryvonne Blondin. L’article 13 tend à reculer à 62 ans l’âge d’ouverture des droits à la retraite pour certains personnels médicaux ayant opté en faveur d’une intégration dans la catégorie A de la fonction publique.
Rappelons que cette intégration les a obligés à abandonner le statut réservé aux catégories dites « actives », c’est-à-dire à perdre la reconnaissance de la pénibilité qui caractérise leur profession, ainsi que la majoration d’assurance vieillesse correspondante.
La pénibilité peut-elle se monnayer, être une monnaie d’échange ? Pourquoi la pénibilité d’une profession changerait-elle d’un seul coup ? Rien ne le justifie ! Non seulement les services hospitaliers connaissent un sous-effectif permanent et les personnels en congé ne sont pas remplacés, ce qui augmente la charge de travail, mais on demande aussi aux personnels non médicaux d’accomplir des gestes nouveaux dans des domaines très pointus, avec une responsabilité qui ne cesse de croître.
Tout se passe donc comme si le passage en catégorie A faisait disparaître la pénibilité reconnue lors de l’exercice en catégorie B. Peut-on compenser la fatigue et les effets néfastes de conditions de travail difficiles par de l’argent ?
Lorsque le Gouvernement annonce qu’il veut faire de la pénibilité un volet important de la réforme des retraites, on ne peut qu’être inquiet ! Nous avions combattu cette disposition dans le cadre de la discussion du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et nous continuons de la combattre aujourd’hui.
Alors que les infirmiers et infirmières se font rares et que 55 % d’entre eux partiront à la retraite d’ici à 2015, le Gouvernement comptait certainement sur cette revalorisation pour les inciter à rester en activité, mais, à l’heure du choix, les conditions de travail pourraient compter davantage que le salaire.
En plus des méfaits de votre réforme, en ouvrant cette option, vous voulez mettre à mal une profession déjà bien en difficulté et un hôpital public très endommagé. (M. René-Pierre Signé applaudit.)
M. le président. L’amendement n° 915, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de cet article ne sont opposables aux infirmiers anesthésistes visés au dernier alinéa de l’article L. 4311-4 du code de la santé publique qu’à compter de la signature par les organisations syndicales représentatives d’un accord portant sur la reconnaissance de leur profession au grade de master. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le métier d’infirmier anesthésiste concerne des hommes et des femmes ayant tous exercé plusieurs années, généralement dans des services de réanimation et d’urgence, avant de pouvoir se présenter à un concours difficile qui leur ouvre la voie à deux années de formation en anesthésie et débouche sur un diplôme d’État. Il s’agit, faut-il le rappeler, de la spécialisation la plus longue de la filière infirmière.
Or, l’intégration de la filière infirmière au sein du système universitaire LMD, dans le cadre de l’uniformisation européenne de l’enseignement supérieur, processus de Bologne oblige, a imposé de profondes modifications de ces formations. Il faut le dire haut et fort : aujourd’hui, cette profession est dévalorisée !
En effet, le passage des infirmiers dans la catégorie A de la fonction publique s’accompagne de la perte, pour toute la filière, de la reconnaissance de la pénibilité de ce métier, le passage d’une catégorie dite « active » à une catégorie « sédentaire » impliquant la fin de la possibilité de partir à la retraite à 55 ans, et ce bien que la nature des fonctions exercées n’ait pas changé !
Depuis plusieurs mois déjà, les infirmiers anesthésistes se mobilisent pour obtenir une revalorisation de leur diplôme et de leur spécificité. Ils se battent pour une meilleure reconnaissance de leur profession, mais également pour la défense de notre service public de santé.
Visiblement, monsieur le ministre, vous ne tenez pas compte de la pénibilité de cette profession. Pourtant – cela a été dit, mais je le répète ! –, ces personnels assument la continuité des soins vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, avec une alternance systématique entre service de jour et de nuit et des temps de repos variables, ce qui n’est pas sans conséquences sur les rythmes biologiques, comme vous le savez ! Ils travaillent en permanence dans des conditions de stress extrême, dues à la vigilance exigée dans leurs activités, à la gestion de gestes techniques précis et à la confrontation récurrente à des situations d’urgence vitale. Les temps de récupération et de repos sont souvent aléatoires et jamais choisis. De plus, la profession est également exposée à des émanations gazeuses, toxiques à long terme, malgré les systèmes de prévention utilisés qui n’offrent qu’une protection limitée.
Les organisations syndicales comme les collectifs qui les représentent ont fait part de leur opposition à l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 et demandent la reconnaissance du niveau du master pour leur diplôme. C’est pourquoi nous vous proposons de subordonner l’application de ce dispositif aux infirmiers anesthésistes à la signature d’un accord leur reconnaissant le grade de master.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 146 tend à supprimer l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010 relative à la rénovation du dialogue social et comportant diverses dispositions relatives à la fonction publique, qui ouvre aux infirmiers la possibilité d’accéder aux corps de catégorie A de la fonction publique. Cette loi a été votée et elle laisse aux intéressés le choix entre le maintien en catégorie dite « active », impliquant la possibilité de partir à la retraite à 55 ans, et le passage dans un corps de catégorie A. Je ne vois donc aucune raison d’abroger un tel article et j’émets un avis défavorable.
En ce qui concerne l’amendement n° 915, il vise à accorder au diplôme d’infirmier anesthésiste la reconnaissance du niveau du master. Une telle disposition n’a pas sa place dans ce projet de loi et j’émets donc également un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements est également défavorable. Je souhaite cependant développer quelques remarques.
Tout d’abord, je tiens à remercier les intervenants d’avoir exposé leur point de vue avec le souci de la nuance. Je répète ce que j’ai dit précédemment : nous pouvons parfaitement exprimer des opinions divergentes sans tomber dans la caricature. Tel a été le cas lors de la discussion de cet article et j’y suis personnellement sensible.
Ensuite, je tiens à apporter rapidement quatre précisions.
Premièrement, un droit d’option est ouvert : par définition, il appartiendra aux intéressés de déclarer eux-mêmes leur volonté, ce qui me paraît très sain !
Deuxièmement, la revalorisation, en termes statutaires est tout à fait importante, puisque l’entrée dans le dispositif LMD permet d’offrir aux infirmiers un développement de carrière beaucoup plus intéressant qu’auparavant.
Troisièmement, l’avantage financier qui résulte de ce reclassement varie entre 2 100 euros en début de carrière et 3 800 euros en fin de carrière : il est donc loin d’être négligeable.
Quatrièmement, je voulais indiquer à M. Domeizel, qui a quitté la séance, que les chiffres dont nous disposons, émanant de la CNRACL, montrent que les infirmières n’ont pas procédé à des dépôts massifs de dossiers en application du dispositif « 15 ans-3 enfants », comme il l’avait laissé entendre : l’augmentation du nombre de dossiers est évaluée à 650, chiffre réellement très faible. Le système, dans sa logique actuelle, est donc parfaitement maîtrisé.
M. le président. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote sur l’amendement n° 146.
M. Jacky Le Menn. Monsieur le secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse et votre analyse. Malgré tout, votre démonstration ne peut convaincre le personnel infirmier : nous sommes en effet en train d’évoquer deux notions qui relèvent de champs complètement différents.
Vous le savez, car vous êtes suffisamment au fait des problématiques professionnelles dans l’ensemble de la fonction publique, lors de la négociation tendant à améliorer le pouvoir d’achat du personnel infirmier, qui concernait également le personnel anesthésiste, le niveau de formation a été pris en compte. Après discussion, la durée de formation de ces agents, d’au moins trois ans, a été transposée dans le cadre du dispositif LMD : comme beaucoup d’autres corps de la fonction publique, le personnel infirmier pouvait donc tout à fait normalement être classé en catégorie A, et d’autres corps ont également été reclassés ainsi.
Ce classement leur permettait d’accéder à un niveau de traitement qui correspondait à leur formation. Je dirais même que les infirmiers auraient pu bénéficier d’une meilleure reconnaissance sur le plan indiciaire, compte tenu de la dureté des tâches assumées ; mais passons…
Par ailleurs, se pose le problème fondamental de la pénibilité. Dans quel état sont les infirmiers lorsqu’ils partent à la retraite, après de nombreuses années d’exercice ? Vous nous dites – et votre collègue, Mme la ministre de la santé et des sports, nous a fait la même réponse – que l’on ne compte pas, parmi les infirmiers, plus de personnes qui partent à la retraite avec une invalidité reconnue que dans les autres catégories. Forcément, ils partent à la retraite avant ! Ils n’arrivent pas à l’âge de la retraite, car leur durée de vie active est très faible !
M. René-Pierre Signé. Mais oui !
M. Jacky Le Menn. De plus, je l’ai rappelé tout à l’heure, il s’agit d’un personnel essentiellement, massivement féminin. Comme toutes les femmes au travail, elles font deux journées, mais les infirmières font un travail pénible : je vous ai rapporté des exemples tout à l’heure, mais on pourrait les multiplier. Il faut avoir vécu avec elles pour le comprendre ! Certains de nos collègues, qui sont médecins, le savent d’ailleurs parfaitement. J’ai eu une discussion, en commission des affaires sociales, avec notre collègue Nicolas About, qui m’objectait que toutes les infirmières ne connaissaient pas les mêmes conditions de pénibilité ; mais heureusement ! Pendant trente-cinq ans, j’ai fait des tableaux de service avec les infirmières générales : nous affections de temps en temps certaines infirmières à des consultations afin de leur permettre de souffler.
Force est de constater qu’une majorité d’entre elles quitte carrément la profession ! Elles ne vont même pas exercer dans d’autres secteurs, où elles pourraient être salariées, comme c’est le cas dans la médecine scolaire. Non ! Elles quittent la profession.
M. Guy Fischer. Après treize ans d’exercice, en moyenne !
M. Jacky Le Menn. Un tel niveau de défection est un marqueur fort de la pénibilité, et celle-ci ne peut pas s’acheter !
C’est pourquoi cette notion de marchandage hérisse le personnel, notamment paramédical, au plus profond de sa dignité : il faut être conscient d’une telle difficulté.
Pour cette raison, je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, nonobstant l’adoption de l’article 37 de la loi du 5 juillet 2010, de reprendre la discussion sur ce point. Il est impératif de disjoindre nettement la reconnaissance du niveau de connaissances de celle de la pénibilité, car ces deux questions sont distinctes.
D’une part, la possibilité de partir à la retraite dans les conditions des catégories dites « actives » correspond à la prise en compte de la pénibilité. D’autre part, les infirmières doivent être payées correctement, car notre vie et celle de nos concitoyens sont entre leurs mains : on ne peut donc pas mégoter sur quelques euros !
M. René-Pierre Signé. Exactement !
M. Jacky Le Menn. Beaucoup d’autres dépenses sont nettement moins utiles. Il faut, à la fois, augmenter les infirmières et leur permettre d’avoir une fin de vie correcte lorsqu’elles prennent leur retraite. Nous le leur devons, à elles-mêmes, à leurs conjoints, à leurs enfants, à leurs familles ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 146.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’amendement. – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. En conséquence, l’article 13 est ainsi rédigé, et l’amendement n° 915 n’a plus d’objet.
Article additionnel après l’article 13 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements visant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
6
Démission de membres de commissions et candidatures
M. le président. J’ai reçu avis de la démission de M. Philippe Dominati, comme membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de celle de M. René Vestri, comme membre de la commission des affaires sociales.
Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom des candidats proposés en remplacement.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la commission des finances en remplacement de M. Christian Gaudin, dont le mandat de sénateur a cessé.
Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l’article 8 du règlement.
7
Réforme des retraites
Suite de la discussion d’un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 14.
Article 14
(Non modifié)
I. – Pour les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans en application des dispositions législatives et réglementaires antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, la limite d’âge est fixée :
1° À cinquante-sept ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-cinq ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1966 ;
2° À cinquante-neuf ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1964 ;
3° À soixante ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1963 ;
4° À soixante et un ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-neuf ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962 ;
5° À soixante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961 ;
6° À soixante-quatre ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante-deux ans, pour les agents nés à compter du 1er janvier 1959.
II. – La limite d’âge des fonctionnaires mentionnés au I nés antérieurement aux dates mentionnées aux 1° à 6° du même I est fixée par décret, de manière croissante par génération et dans la limite des âges fixés aux mêmes 1° à 6°.
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l’article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. La prise en compte de la pénibilité dans le calcul de l’âge de la retraite est on ne peut plus légitime.
Dans le secteur public, comme dans le secteur privé d’ailleurs, les critères caractérisant les métiers pénibles sont précis ; nous avons déjà pris le temps de les égrainer ici même. Ils s’articulent autour des contraintes physiques, de celles qui sont liées au travail et à un environnement considéré comme agressif.
Il est donc tout à fait normal que, pour les personnes concernées, réparation soit ouverte par un départ anticipé à la retraite, départ anticipé d’autant plus nécessaire que la durée d’espérance de vie est plus courte pour les personnes travaillant dans des conditions pénibles.
D’ailleurs, puisque M. About est présent, je serai heureuse de lui rappeler un point concernant l’espérance de vie.
M. Nicolas About. Allez-y !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous avez évoqué une espérance de vie frisant les 80 ans, monsieur About. Cette espérance de vie n’est qu’une donnée statistique.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous le savons tout de même !
M. Nicolas About. Merci de l’information !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous présentez pourtant l’espérance de vie comme un espoir à vivre. Or ce n’est pas du tout la même chose !
L’espérance de vie étant une donnée statistique sur une génération d’une population fictive, dans des conditions données, si l’on change une de ces conditions, elle est d’autant modifiée. C’est pourquoi il ne faut pas la confondre avec l’espoir à vivre et c’est ce que vous êtes en train de faire. Ces deux notions n’ont strictement rien à voir !
M. Nicolas About. Ce n’est absolument pas ce que j’ai dit, mais je vous remercie de vos conseils, madame !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Eh bien, prenez-en note !
Mme Éliane Assassi. Arrêtez avec vos airs prétentieux, monsieur About ! Assez !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Pianotez donc sur votre ordinateur et allez chercher la définition exacte de l’espérance de vie.
M. Nicolas About. Très bien !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cela étant dit, selon une étude récente de l’Institut national d’études démographiques, l’espérance de vie à 35 ans a augmenté de trois ans en moyenne entre la fin des années soixante-dix et les années quatre-vingt-dix. C’est peu ! En outre, il apparaît que cette avancée majeure a davantage profité aux catégories sociales favorisées, qui disposent, de surcroît, des moyens de se soigner. Or, je vous le rappelle, mes chers collègues, l’espérance de vie est fortement liée à la qualité de la santé.
M. Nicolas About. Et à la génétique !
Mme Josiane Mathon-Poinat. Ainsi, un ouvrier de 35 ans peut aujourd’hui espérer une vie sans incapacité sensorielle ou physique – déplacements normaux, pas de gênes ou de maux de dos chroniques, aucune forme de surdité,… – jusqu’à 59 ans. Cette espérance est de 69 ans chez les cadres, soit dix ans de plus.
Les inégalités sociales se doublent donc d’inégalités d’espérance de vie sans incapacité : une sorte de double peine, mais aussi un élément essentiel pour toute réforme des retraites, bien que la majorité refuse de le prendre en compte.
Si, à 59 ans en moyenne, une personne exerçant un métier pénible souffre de problèmes de santé, je vous demande dans quelle mesure elle pourra continuer à exercer son activité professionnelle ; à moins, bien sûr, qu’elle puisse partir à la retraite en renonçant à sa pension à taux plein et rejoigne ainsi la masse des retraités vivant au-dessous du seuil de pauvreté.
Depuis 1990, le minimum vieillesse progresse moins vite que le niveau de vie médian – pour ce concept, comme pour le salaire médian, il faudrait aussi pouvoir bien expliquer les choses – et les pensions sont indexées sur les prix, non plus sur les salaires bruts. Le taux de pauvreté des personnes de plus de 60 ans ne se réduit plus et 4 % des retraités touchent le minimum vieillesse. Ce taux s’accroît même pour les personnes seules ne percevant qu’une pension de réversion, autre élément que la majorité n’a sans doute pas pris en compte pour mieux perpétuer ces inégalités de droits.
Il est vrai que le Président de la République, dans la logique qu’il fait prévaloir, tente de façon scandaleuse de monter les salariés du secteur privé contre les fonctionnaires, en faisant sans cesse passer ces derniers pour des privilégiés.
Où sont les privilégiés, lorsque l’on entend que l’ancien président-directeur général de L’Oréal touche une retraite de 3,3 millions d’euros par an ?
Pensez-vous, mes chers collègues, qu’une infirmière exposée à de lourdes charges physiques et mentales, qu’un sapeur-pompier dont les activités sont pour le moins dangereuses, que tous les fonctionnaires, en général, concernés par un devoir de continuité de leur activité, travaillant à un rythme décalé et sacrifiant leur vie sociale, personnelle et leur santé pour le service public – sans parler du rôle social qui est le leur – sont des privilégiés ?
Par ailleurs, les départs à la retraite d’agents ayant au moins quinze ans de service actif ne représentent que 27 % des départs dans la fonction publique de l’État, 7 % dans la fonction publique territoriale et 66 % dans la fonction publique hospitalière. Mais qu’importe, puisque l’argument comptable du Gouvernement devient caduc dès lors que la CNRACL compte 2,3 cotisants pour un retraité et qu’elle participe ainsi à la solidarité nationale en renflouant les caisses déficitaires.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Bien que les fonctionnaires puissent, comme les salariés du secteur privé, continuer à travailler au-delà de l’âge légal de départ à la retraite, cet article 14 est indispensable à votre majorité, messieurs les ministres, puisqu’il repousse de deux ans la limite d’âge jusqu’à laquelle les fonctionnaires relevant des catégories actives ont le droit de travailler.
Ainsi, un fonctionnaire dont la limite d’âge était auparavant fixée à 57 ans pourrait demain, s’il en fait la demande, continuer à travailler jusqu’à 59 ans.
Cette conception de la société dans laquelle il faudrait travailler toujours plus longtemps n’est pas celle que nous nous faisons d’une société harmonieuse.
Elle nous interroge tous, y compris sur les difficultés que peuvent vivre les salariés approchant de l’âge de la retraite, notamment sur la question de leur utilité sociale en dehors du temps du travail. Il faut dire que l’image des retraités que nous renvoient certains écrivains, publicitaires ou journalistes ne participe pas à améliorer la conception qu’ils se font d’eux-mêmes.
Alors, me direz-vous, si une personne, fût-elle fonctionnaire, veut travailler plus longtemps, si c’est sa liberté, pourquoi la limiter ?
Eh bien, messieurs les ministres, mes chers collègues, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas la question !
De quelle liberté s’agit-il quand il est question de survivre financièrement et quand les agents des trois fonctions publiques continuent de travailler dans le seul objectif de pouvoir se nourrir et payer leur loyer ?
Quelle liberté que celle de continuer à travailler en s’usant la santé pour pouvoir vivre dignement ou celle de s’arrêter de travailler et connaître une précarité encore bien supérieure à celle qui est vécue du temps de son activité !
La liberté derrière laquelle le Gouvernement s’abrite est toujours très limitée, très encadrée, bref, très réduite. Elle l’est toujours en raison d’une seule et même règle, celle des économies budgétaires.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l’adoption de cet article 14. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Yannick Bodin. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 20 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 148 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 20.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Alors que ces dernières années auraient dû être marquées par un fort renouvellement démographique du fait des départs à la retraite de la génération du baby-boom, la fonction publique n’a pratiquement pas augmenté son offre de postes.
Après quelques années de politiques draconiennes et de suppressions de postes – mouvement qui, d’ailleurs, se poursuit –, les trois fonctions publiques – fonction publique de l’État, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière – sont soumises à un régime de pénurie et les dysfonctionnements s’aggravent de jour en jour.
Outre les conséquences ravageuses sur le bon déroulement de l’activité des services publics, les effets sur l’emploi d’une telle politique sont dévastateurs, alors que le chômage persistant depuis le milieu des années soixante-dix s’est traduit par des difficultés accrues d’accès à l’emploi.
Les jeunes sont les premiers concernés par cette crise : leur insertion est désormais devenue plus lente et plus chaotique que jamais. Dans les premières années suivant la fin de leurs études, ils sont plus souvent au chômage que les actifs ayant plus d’ancienneté présents sur le marché du travail.
Lorsque les jeunes ont un emploi, celui-ci est plus souvent temporaire ou déclassé et, à diplôme égal – cela va de soi –, leur salaire est inférieur à celui des actifs plus anciens. Ils terminent pourtant leurs études de plus en plus diplômés. Enfin, malgré les différentes mesures de politique de l’emploi prises par les pouvoirs publics, ils subissent davantage les fluctuations de la conjoncture.
Or la fermeture de l’accès à la fonction publique pénalise des centaines de milliers de jeunes. En effet, compte tenu du non-renouvellement d’un poste sur deux – on frise d’ailleurs un poste sur trois – et du report de l’âge légal de la retraite à 62 ans, les places proposées aux concours vont se réduire à peu de chose.
Quelle injustice pour tous ces jeunes qui ont orienté leurs études dans le but de se présenter à un concours !
Ce projet les conduira ou les maintiendra au chômage, alors que les offres d’emploi sont peu nombreuses.
Ainsi, je le rappelle, au travers de cette réforme des retraites, c’est toute une réflexion que nous pourrions mener sur le service public, sur le statut des fonctionnaires et, surtout, sur leurs missions.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l’amendement n° 148.
Mme Raymonde Le Texier. Cet article 14, qui tend à prolonger de deux ans les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique, est l’une des conséquences des articles 5 et 6, contre lesquels nous avons voté.
C’est une aberration supplémentaire !
Messieurs les ministres, au moment où la fonction publique est attaquée de toute part, à l’heure où vous y supprimez des dizaines de milliers de postes, vous limitez les entrées dans le monde du travail et vous édifiez une véritable barrière pour des milliers de jeunes qui vont rester sans emploi.
Supprimer des emplois, reculer l’âge de départ à la retraite, c’est freiner la promotion des jeunes, comme vient de l’expliquer, à l’instant, notre collègue Josiane Mathon-Poinat.
Selon un rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, il faut trois départs à la retraite pour embaucher un jeune. N’est-ce donc pas essentiel pour l’emploi des jeunes de maintenir l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans ?
Pourquoi préférez-vous des vieux travailleurs qui s’épuisent à des jeunes qui galèrent et se désespèrent ?
Aujourd’hui, 9 jeunes actifs sur 10 se disent soucieux de leur retraite, un sur 3 est même sûr qu’il n’en aura pas et 59 % des moins de 35 ans redoutent ce moment.
Voilà l’angoisse qui s’exprime dans la rue et que vous ne voulez pas entendre !
Cet article 14, qui tend à remettre en cause les limites d’âge des agents classés en catégorie active de la fonction publique, est un recul supplémentaire. Par conséquent, nous soutenons sa suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements identiques tendent à supprimer l’article 14. Or celui-ci a pour objet de relever les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique, relèvement qui est cohérent avec toutes les autres mesures contenues dans le projet de loi.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État chargé de la fonction publique. Nous partageons l’avis défavorable de la commission. Les dispositions de l’article 14 sont parfaitement cohérentes avec le relèvement général de deux ans de l’âge de la retraite.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Le moins que l’on puisse dire, effectivement, c’est que ces mesures sont cohérentes.
Cet article 14 s’articule parfaitement avec les articles 5 et 6 du projet de loi. C’est justement là le problème !
Chaque jour, messieurs les ministres, nous nous demandons pourquoi, devant le mécontentement et l’incompréhension suscités par ces deux articles, vous répondez de cette manière si brutale et lapidaire à la proposition qui, une fois encore, vous a été faite hier soir par une éminente personnalité. (Mme Bariza Khiari acquiesce.)
Devant les encouragements de Mme Bariza Khiari, je citerai très volontiers cette personne : il s’agit de Martine Aubry, et sa proposition consiste à prendre le temps de la négociation, celle-ci étant aujourd’hui, comme tout le monde le comprend dans le pays, vraiment nécessaire.
Vous pouvez dire, comme l’a jadis fait un Premier ministre, que vous êtes droits dans vos bottes. Pourtant, croyez-moi, il vaut parfois mieux prendre le temps de la discussion…
M. Gérard Longuet. Pour le prendre, on le prend !
M. Jean-Pierre Sueur. … plutôt que de laisser le climat se dégrader, comme c’est le cas actuellement.
S’agissant de la fonction publique, cela a été dit, notamment par Mme Le Texier, le contexte est très difficile depuis deux ans. Et comme beaucoup d’entre vous, mes chers collègues, j’ai récemment eu l’occasion de discuter avec des gendarmes et des policiers.
Pensez-vous que la suppression de 9 200 postes de gendarmes et de policiers en trois ans soit une mesure positive, défendable, cohérente avec les discours prononcés par les plus hautes personnalités de l’État ? Je pense notamment à M. Nicolas Sarkozy et aux propos qu’il a tenus au mois de juillet dernier sur la sécurité.
Si l’on en parle aux gendarmes – il n’y a pas d’organisation professionnelle – et aux syndicats des policiers, ils ont une idée très claire sur la question. Ils pensent qu’on ferait mieux de maintenir les postes et de s’épargner quelques discours. Je vous assure que ce serait plus efficace.
Dans d’autres secteurs d’activité, c’est pareil. Il m’est arrivé encore récemment, comme à chacun et chacune d’entre nous, de me rendre dans un hôpital, de visiter le service des urgences et de voir les conditions de travail des personnels. Quand on supprime des postes dans le secteur de la santé, notamment en milieu hospitalier, aux urgences, on crée une situation très difficile.
Il est tout à fait cohérent selon vous d’allonger les mesures d’âge de deux ans, et vous l’avez dit avec beaucoup de clarté.
Les jeunes ont le sentiment que cela rendra leur accès à l’emploi encore plus difficile. Je ne crois pas du tout que le malaise exprimé par la jeunesse soit quelque chose d’artificiel. Les jeunes se demandent vraiment s’ils vont avoir du travail. Je connais, comme nous tous, des jeunes qui font des études, qui se préparent à des métiers dans le domaine de la santé ou de la sécurité – on pourrait en citer d’autres – et qui s’interrogent sur leur avenir. Si les personnes en poste restent plus longtemps et que l’on supprime un poste sur deux dans des domaines dont on dit, dans tous les discours publics et officiels, tous les jours, qu’ils sont prioritaires, comment voulez-vous que l’on suscite de l’espoir chez ces jeunes ?
Dans le même temps, vous annoncez, messieurs les ministres, que ce n’est plus la peine de parler puisqu’on l’a déjà suffisamment fait et que, de toute façon, cela ne sert plus à rien de se mettre aujourd’hui autour de la table avec les syndicats. Comment voulez-vous que cela se passe bien ?
Finalement, nous aurions avantage à suivre la proposition de nos collègues qui nous ont suggéré, avec beaucoup de sagesse, de retirer cet article.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je voudrais soutenir mes collègues et préciser de nouveau que le maintien en poste, « de force », des seniors de la fonction publique, accompagné de votre RGPP, obscurcit dramatiquement l’horizon des jeunes adultes et leur entrée dans l’emploi.
Si on se place dans votre logique, vous prétendez nous parler d’avenir ; mais l’avenir, ce sont les jeunes. Vous prétendez nous parler d’efficacité, de réactivité, de compétitivité ; mais, qui mieux que les jeunes peut se saisir très rapidement des outils d’aujourd’hui et de demain comme le numérique ? Nos seniors se confrontent à ces nouvelles technologies avec difficulté et parfois avec souffrance.
Vous parlez de consommation, vous parlez de relance, vous inventez des mots, comme Mme Lagarde avec la « ri-lance ». Mais, si les jeunes sont au travail, à la différence des seniors, ils ne sont pas équipés, ils feront des achats, ils feront « tourner la machine ». Vous parlez de croissance, il faudrait encore vous en donner les moyens. Vous parlez de la dynamique d’une nation ; cela implique aussi de s’occuper de ses jeunes adultes.
Vos choix sont tragiquement incohérents.
Si on se place sur une autre logique, plus humaniste, le renouvellement générationnel dans l’emploi s’accompagnera d’un renouvellement culturel.
Cette mixité culturelle dans l’emploi des jeunes adultes est une impérieuse nécessité, et ce à un double titre : pour montrer que nous sommes encore dans un État juste, sans discrimination ; et parce que cet emploi des jeunes, de toutes origines culturelles, sera un miroir fondateur pour de nombreux adolescents à qui s’est, hélas ! transmise l’idée que, du fait de leur origine, il y avait moins de place pour eux que pour d’autres.
Ce levier-là, vous pouvez l’utiliser avec l’emploi des jeunes, à condition de ne pas « tenir de force » les seniors sur des postes qu’ils veulent quitter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Gautier, pour explication de vote.
M. Jacques Gautier. Je n’avais pas prévu d’intervenir, mais je me dois de réagir. Lorsque l’on parle de réduction des effectifs de police et de gendarmerie sur trois ans, tous mes collègues savent bien qu’il s’agit, non pas de diminuer les postes de policiers ou de gendarmes opérationnels sur le terrain, mais de supprimer certaines écoles qui « doublonnaient » et de mutualiser des services logistiques ou des gardes statiques.
M. Jean-Pierre Sueur. À vous entendre, ces 9 200 personnes ne faisaient rien : comme c’est étrange !
M. Jacques Gautier. Sur le terrain, je tiens à le rappeler, nous ne constaterons aucune perte d’effectifs.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. Au contraire, et ce n’est pas fini !
M. Jacques Gautier. Par ailleurs, cela fait maintenant trois semaines que nous recevons des leçons tous les jours et que nous voyons nos amis de la gauche se succéder au micro. (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je voudrais rappeler que la responsabilité du politique, notre honneur et notre noblesse consistent parfois à anticiper sur l’évolution de l’opinion publique et à relever les défis qui s’imposent à nous !
Mme Éliane Assassi. Cela fait quinze jours que nous vous expliquons que votre projet n’est pas bon !
M. Jacques Gautier. Nous ne pouvons pas toujours céder. Nous devons préparer l’avenir, car nous savons les uns et les autres que le système de retraite par répartition est en danger et qu’il nous appartient de le sauver ! Le Gouvernement et sa majorité sont en train de le faire, envers et contre tous ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. « Envers et contre tous », c’est certain !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 20 et 148 tendant à supprimer l’article 14.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 787, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Le présent article prévoit le relèvement de deux années des limites d’âge des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique.
Pour les mêmes raisons que celles que nous avons développées à l’article 5, nous sommes opposés à ce report de l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires concernés.
Nous considérons ainsi que l’allongement de la durée de vie ne peut en aucun cas justifier ce recul social sans précédent.
Je vous l’accorde, il existe un déficit de financement, mais, pour le combler, nous avons proposé des solutions dont vous n’avez pas souhaité débattre. Ces solutions sont pourtant crédibles, justes socialement et pertinentes économiquement.
Pensez-vous réellement, alors que tout le monde s’accorde sur le fait qu’il existe aujourd’hui un déséquilibre entre revenus du travail et revenus du capital, qu’il est nécessaire, une nouvelle fois, de faire porter l’essentiel de l’effort sur les salariés ?
Votre réforme est contestée, elle prend l’eau, la vigueur du mouvement social le démontre. Il est donc temps de mettre toutes les cartes sur la table et de réfléchir à une réforme des retraites qui serait moins pénalisante pour les salariés, plus en phase avec la réalité du monde de l’entreprise et avec celle de notre société.
Vos calculs mathématiques ne valent rien devant la réalité sociale. Les salariés et les agents de la fonction publique sont épuisés lorsqu’ils arrivent, enfin, à la retraite. Vous les obligez à travailler deux années supplémentaires sans en mesurer les conséquences. C’est là que votre raisonnement devient vicieux en termes d’espérance de vie.
Nous demandons donc la suppression de l’alinéa 1 de l’article 14.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Je n’avais pas prévu de prendre la parole. Je tiens à soutenir cet amendement.
Mais je veux revenir sur les propos de M. Gautier, car nous ne pouvons tout de même pas les entendre sans en tirer quelques conséquences.
S’agissant de la police et de la gendarmerie, notre collègue nous a expliqué, si je comprends bien, que les 9200 postes supprimés en trois ans étaient finalement des postes inutiles, occupés par des personnes qui « doublonnaient » et ne faisaient, en quelque sorte, rien.
M. Gérard Longuet. Cela s’améliore, il y a des gains de productivité, le monde bouge !
M. François Autain. Les étudiants aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. Vous savez, monsieur Longuet, l’administration a une réelle utilité ! Le monde bouge beaucoup, c’est vrai, mais il y a tout de même quelque chose qui me surprend. Vous connaissez la qualité des ministres de l’intérieur qui se sont succédé pendant les neuf dernières années. Nous avons eu MM. Nicolas Sarkozy, Dominique de Villepin, François Baroin – assez peu, mais nous l’avons eu –, …
M. François Autain. Nous l’avons encore ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur. … puis Mme Michèle Alliot-Marie et, aujourd’hui, nous avons M. Brice Hortefeux.
Vous me voyez extrêmement étonné que ces éminents personnages aient pu supporter pendant tant d’années ces 9 200 personnes qui ne faisaient rien et qu’il ait fallu attendre la période récente pour se séparer de ces 9 200 gendarmes et policiers qui n’étaient pas utilisés. Étaient-ils dans des placards ?... Quel manque de vigilance de la part de personnages aussi éminents ! Cela aurait pu être l’inattention d’un seul, mais que cinq personnes aient été aussi inattentives au fait que non pas quelques dizaines, ni même quelques centaines, mais 9 200 personnels soient inutilisés, voilà qui me stupéfie ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 788, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Par l’article 14 du projet de loi, le Gouvernement entend relever de deux années l’ensemble des limites d’âge applicables aux catégories actives de la fonction publique.
Au travers de notre amendement, qui s’inscrit dans la logique de suppression de l’ensemble des alinéas de l’article 14, nous réaffirmons notre opposition à l’ensemble du dispositif de cet article.
Pour vous convaincre, je voudrais aborder la question des emplois classés en catégorie active dans la fonction publique hospitalière. Il s’agit là de métiers particulièrement stressants et éprouvants physiquement ; je ne m’étendrai pas sur ce point, puisque plusieurs de mes collègues l’ont amplement démontré.
Alors que le Gouvernement s’était engagé – je fais référence à l’engagement n° 9 du Gouvernement sur les retraites – à « tenir compte de ceux qui ont eu une vie professionnelle plus difficile », cet engagement entre en totale contradiction, au détriment des salariés, avec l’objectif affiché.
Lors de l’examen du projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social et anticipant les débats sur les retraites, le Gouvernement a, par un cavalier législatif, fait passer de 55 ans à 60 ans l’âge de départ à la retraite des infirmiers et personnels paramédicaux, en échange du versement de ces derniers dans la catégorie A de la fonction publique.
Les sénateurs de mon groupe et moi-même avions proposé, au contraire, de reconnaître la qualité et l’engagement des professionnels par une double revalorisation, au travers, d’une part, de la qualification et, d’autre part, de la gratification.
Aujourd’hui, nos divergences sont toujours les mêmes. Nous considérons que les emplois visés notamment en raison de la pénibilité ne peuvent faire l’objet d’un relèvement des limites d’âge.
Parce que l’article 14 du projet de loi s’inscrit dans la droite ligne de cette première atteinte portée au statut des infirmiers du public, face à la dégradation des conditions de travail dans le public, comme dans le privé, à la remise en cause de la reconnaissance de la pénibilité pour l’ensemble des professionnels du secteur de la santé, et au nom de la défense des droits de l’ensemble des salariés des catégories actives de la fonction publique, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement. (Mme Éliane Assassi et M. Guy Fischer applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 789, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Par cet amendement, qui s’inscrit dans le droit fil des positions que nous avons déjà défendues, nous nous opposons au passage de l’âge légal de départ à la retraite à 59 ans lorsqu’il était fixé antérieurement à 57 ans, pour les agents de la fonction publique nés à compter du 1er janvier 1964.
Cette limite d’âge concerne particulièrement, parmi un certain nombre de catégories, les ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne. Pourtant, ces personnels subissent des conditions de travail dont la pénibilité est caractérisée et reconnue. Cela justifie d’ailleurs un départ précoce et un aménagement de leur temps de travail.
Les contrôleurs aériens, souvent appelés « aiguilleurs du ciel », ont, en effet, pour mission d’assurer le contrôle, la sécurité et la gestion de la circulation aérienne. Il s’agit d’une mission d’intérêt général fondamentale, source d’un grand stress chez les contrôleurs compte tenu du développement du mode de transport aérien, voire de l’explosion des trafics. (M. le rapporteur en doute.)
En effet, la moindre erreur pourrait avoir des conséquences particulièrement dramatiques. L’importance du trafic, les conditions météo, les plans de vol et trajectoires des avions, voilà de nombreuses informations que le contrôleur doit analyser simultanément. Il doit ainsi être en mesure de réagir et de prendre des décisions avec une extrême rapidité.
Plus fondamentalement, leur métier est éprouvant et lourd de responsabilités. Comme le pilote, le contrôleur aérien tient entre ses mains la vie de tous ceux qui sont à bord d’un avion ; il doit donc être en parfaite condition physique et nerveuse. Il communique en anglais avec les pilotes dans la plupart des cas. Il travaille en horaires décalés.
M. Gérard Longuet. Combien d’heures fait-il ?
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Selon vous, monsieur Fischer, tous les emplois qui nécessitent de parler en anglais devraient donc être classés dans les métiers pénibles ?
M. Guy Fischer. Je n’ai pas dit cela, monsieur le ministre, ne caricaturez pas mes positions ! Mais si vous en êtes d’accord, allons-y !
Ces conditions de travail particulièrement pénibles et justifiant un départ anticipé n’ont pas changé. Bien au contraire, le trafic étant de plus en plus important, les conditions de travail méritent d’être examinées de très près.
C’est pourquoi nous demandons le maintien de leur âge légal de départ à la retraite à 57 ans et cela pour deux raisons : non seulement pour préserver les droits sociaux des contrôleurs aériens, mais également parce que, à nos yeux, maintenir dans l’emploi ces contrôleurs trop longtemps ferait peser des risques importants sur la bonne réalisation de leur mission de sécurité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 790, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’alinéa 4 de l’article 14 traite des fonctionnaires dont la limite d’âge était jusqu’alors fixée à 58 ans pour la relever à 60 ans. Cela ne saurait vous étonner, nous souhaitons supprimer cet allongement. Nous sommes ainsi en cohérence avec les amendements précédemment déposés sur cet article comme sur l’ensemble du texte.
Le dispositif que vous nous proposez est, selon nous, inadapté et contradictoire, et je vais vous donner les paramètres qui nous permettent d’aboutir à cette conclusion.
Premièrement, seuls 40 % des 55-64 ans ont un emploi. L’emploi de ceux que l’on appelle les « seniors » est difficile et nombre d’entre eux terminent leur carrière par des années de chômage.
Deuxièmement, favoriser l’emploi des seniors contribuera à augmenter le chômage des jeunes. Ce sont autant de postes qui ne seront pas occupés par de nouveaux entrants sur le marché du travail.
Troisièmement, le chômage des jeunes est déjà extrêmement important : il est actuellement évalué à 25 % des jeunes de moins de 25 ans en âge de travailler.
Quatrièmement, le chômage, comme les retraites, a un coût financier qui incombe à l’État, en plus de son coût social.
Comment le Gouvernement peut-il ainsi prévoir de reculer l’âge limite de départ à la retraite sans, par ailleurs, se soucier de la question de l’emploi réel des seniors ?
Ces deux questions se complètent, sous peine de devenir inefficaces ou d’appauvrir nos futurs retraités condamnés à des années de chômage supplémentaires au risque que celles-ci soient prises en compte dans le montant de leur pension.
Selon la branche chômage de la sécurité sociale, l’UNEDIC, le coût de la réforme des retraites sur l’assurance chômage serait colossal. Les chiffres ont déjà été évoqués mais je me permettrai de les rappeler car ils sont très significatifs. La réforme des retraites va creuser le déficit de l’assurance chômage de 440 millions à 530 millions d’euros par an à partir de 2017.
Telles sont donc les raisons de notre refus du recul de la limite d’âge de départ à la retraite qui, dans la fonction publique comme ailleurs, n’aura pour effet que d’alimenter le chômage des jeunes, particulièrement en difficulté par la diminution du nombre de places aux concours, laquelle, alliée à la RGPP, sera drastique.
C’est pourtant bien l’emploi qui constitue une des ressources principales de la sécurité sociale en matière de financement des retraites par le biais de la cotisation des actifs.
Le cercle vicieux des dispositifs prévus par le Gouvernement est bouclé puisque les mesures prévues alimenteront purement et simplement le déficit des comptes de l’État.
Voilà pourquoi la suppression de cet alinéa, comme de ceux qui suivent, nous paraît extrêmement importante.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 791, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. L’alinéa 5 de l’article 14 repousse à 61 ans l’âge de départ à la retraite sans pénalisation pour les agents nés à compter du 1er janvier 1962, s’agissant des emplois classés en catégorie active.
Vous n’avez de cesse de parler d’équité entre public et privé quand, en réalité, vous cherchez à économiser sur le régime des fonctionnaires en l’alignant sur le privé. Car, pour vous, s’agissant des salariés, l’équité ne peut se concrétiser que vers le bas.
Vous cherchez sans cesse à opposer les salariés du secteur privé à ceux du secteur public, tentant de faire passer ces derniers pour d’indécents privilégiés. C’est une constante de votre politique : diviser pour régner. Mais cette constante fonctionne de moins en moins bien. Il n’est qu’à voir comment se côtoient dans les manifestations les secteurs publics comme privés dans toute leur diversité. Le « Tous ensemble » sonne l’échec cinglant de vos campagnes de division.
Ce que nous défendons, c’est une véritable égalité devant le droit à la retraite, et nous n’oublions pas que c’est la réforme Balladur de 1993 qui a précisément commencé à creuser les inégalités entre les différents régimes.
En portant la période de référence de dix ans à vingt-cinq ans pour le calcul des pensions dans le privé et en allongeant la durée de cotisation de trente-sept ans et demi à quarante ans, vous avez définitivement installé le déséquilibre entre le secteur privé et le secteur public. Puis, au nom d’une prétendue équité, vous avez dénoncé ce déséquilibre et, dans la réforme de 2003, accru la durée de cotisation des fonctionnaires pour prétendre à la retraite en l’alignant sur le privé.
En conséquence, aujourd’hui, vous augmentez l’âge de départ à la retraite et la limite d’âge de tout le monde à égalité : deux ans.
Vous manifestez une singulière conception de l’équité et de l’égalité, une conception pour le moins partisane : vers le bas pour l’énorme majorité des salariés, vers le haut pour les dirigeants de grandes entreprises, pour lesquels les retraites s’apparentent à une pêche miraculeuse.
Qu’ils viennent de la fonction publique ou du secteur privé, les salariés ne sont pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, responsables de l’insuffisance de financement des retraites.
Ce sont vos politiques inégalitaires, antisociales, qui le sont. Nous refusons donc toute augmentation de la limite d’âge pour les fonctionnaires en service actif. Par conséquent, nous demandons la suppression de l’alinéa 5.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 792, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’alinéa 6 de l’article 14 que nous vous proposons de supprimer repousse à 62 ans l’âge de départ à la retraite sans minoration pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961.
Il s’agit des emplois de fonctionnaires classés en catégorie active, qui, je souhaite le rappeler, sont ceux qui présentent « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles ».
Monsieur le ministre, augmenter dans la loi l’âge de départ à la retraite, c’est rayer d’un trait de plume cette particularité. C’est ne pas tenir compte de la diminution probable de l’espérance de vie entraînée par ces risques particuliers ou ces fatigues exceptionnelles. Cela montre, s’il en était encore besoin, que votre insistance sur le critère de l’espérance de vie n’est qu’un prétexte.
Mme Marie-Thérèse Hermange. On nous a dit tout à l’heure que c’était une donnée statistique !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les femmes seront ici aussi particulièrement touchées, puisque, nous le savons, nombre d’entre elles, dans la fonction publique comme ailleurs, touchent des salaires faibles et leurs carrières sont souvent amputées par des périodes prises, par exemple, pour élever leurs enfants. Beaucoup d’entre elles seront obligées de travailler durant ces deux années supplémentaires pour ne pas percevoir une pension davantage minorée.
Au nom d’une prétendue équité, vous allez finalement pénaliser les fonctionnaires plusieurs fois : en allongeant la durée de cotisation, en augmentant le montant des cotisations et en diminuant le montant de leur retraite.
Je voudrais dire quelques mots de l’augmentation des cotisations, qui, je le souligne, atteindra 34,93 % en dix ans.
D’une part, elle se traduira inéluctablement par une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Une telle mesure n’est pas propice à favoriser la relance du pays, qui est pourtant nécessaire pour lutter contre le chômage et, donc, pour faire rentrer des cotisations.
D’autre part, cette augmentation des cotisations remet en cause votre affirmation selon laquelle les fonctionnaires paieraient moins que les salariés du privé, ce qui est totalement faux ! (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Le taux de cotisation des agents de la fonction publique est de 7,85 % ; celui des salariés du privé de 6,65 % pour la cotisation vieillesse plafonnée, auquel il faut ajouter 0,1 % pour celle qui est déplafonnée, soit 6,75 %. (M. le ministre s’exclame.) Quand vous évoquez un taux de 10,55 %, vous omettez de dire que ce pourcentage intègre la cotisation pour la retraite complémentaire des salariés du privé, dont ne bénéficie pas le secteur public. (M. Jean-Jacques Jégou s’exclame.)
Quel que soit le bout par lequel on le prend, l’article 14 constitue, dans toutes ses déclinaisons, une régression que nous refusons. D’où notre amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le secrétaire d'État, une question me taraude depuis ce matin lorsque l’on parle d’espérance de vie, donnée statistique, comme le disait à l’instant, Mme Hermange, donc irréfutable.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je n’ai jamais dit cela ! J’ai simplement précisé que l’on nous avait dit que c’était une donnée statistique !
Mme Raymonde Le Texier. Dont acte !
À plusieurs reprises ce matin, lorsque nous demandions, en raison de la pénibilité de leur métier, le maintien de l’âge de départ à la retraite pour les infirmières, vous nous avez élégamment renvoyé dans nos buts, au motif que leur espérance de vie est équivalente, voire légèrement supérieure, à celle d’une femme lambda.
Dès lors, pourquoi, la semaine dernière, lorsque nous avons évoqué à de très nombreuses reprises l’espérance de vie des ouvriers, qui est inférieure de 7 ans à celle des cadres, n’avez-vous rien voulu entendre et nous avez-vous également renvoyés dans nos buts en refusant de prendre en compte nos amendements visant à maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite et à 65 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein sans décote ? J’aimerais bien avoir une réponse…
M. le président. L'amendement n° 793, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’alinéa 7 de l’article 14 repousse à 64 ans l’âge de départ à la retraite sans minoration pour les agents appartenant aux catégories actives de la fonction publique nés à compter du 1er janvier 1959.
Comme l’ensemble de l’article 14, cet alinéa 7 participe de la remise en cause progressive des droits attachés au service actif. Ces droits sont pourtant reconnus depuis plusieurs décennies, au regard, précisément, des difficultés inhérentes aux missions concernées.
C’est une nouvelle régression sociale que vont subir les fonctionnaires, comme le reste des salariés. À vous entendre, les fonctionnaires seraient responsables de la situation de leur régime de retraite : ils ne travailleraient pas assez longtemps et ne cotiseraient pas assez.
Vous omettez bien évidemment de dire que, avec la RGPP, la fonction publique perd chaque année de très nombreux cotisants aux régimes de retraite. Et vous refusez d’en tenir compte dans vos calculs, alors que cela pèse, et pèsera à terme encore plus lourdement, sur les financements. La situation est telle que les effectifs de Pôle emploi connaissent une décrue, alors que le nombre de chômeurs croît !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où vous voulez allonger de deux ans la durée de travail des fonctionnaires, comptez-vous continuer de réduire les remplacements des départs en retraite au nom du dogme de la réduction des dépenses publiques ? Allez-vous augmenter encore le nombre de jeunes susceptibles de travailler dans la fonction publique mais qui y trouveront porte close ? Je vous rappelle que 23 % des jeunes actifs sont au chômage.
Mais votre obsession, c’est de réduire la réponse publique aux besoins des populations pour y substituer une réponse privée. La réforme des collectivités locales, avec laquelle vous êtes aujourd’hui dans l’impasse, a d’ailleurs pour vocation de satisfaire cet objectif.
Tout converge donc pour montrer que cette réforme ne réglera les problèmes de financement des retraites ni à l’horizon 2018 ni à un autre. Tel n’est d’ailleurs pas son objet et nos concitoyens, notamment les salariés, l’ont bien compris. Vous avez, sur ce point, perdu la bataille des idées et de l’opinion. L’immense majorité des salariés, la population et la grande majorité des jeunes rejettent votre réforme : tous refusent de travailler deux ans de plus. (Mme Odette Terrade et M. Guy Fischer applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. L’article 14 entend relever de deux années des limites d’âges des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique. Cet article ne comporte que des reculs sur les droits des salariés, sans la moindre proposition positive tenant compte de l’évolution de la société. Nous jugeons ce relèvement d’âge injuste et impropre à constituer une réponse aux défis que présente la pérennisation de nos régimes de retraite.
Les limites d’âge fixées ici correspondent à des activités ou des tâches qui ont été jugées comme pénibles. Alors même que le Gouvernement prétend mettre en place un dispositif sur la pénibilité dans le secteur privé, au demeurant très insuffisant, il remet en cause celui qui existe dans la fonction publique.
Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, la vie au travail est difficile, en particulier pour certains métiers. La souffrance au travail se développe. De nouvelles pathologies apparaissent.
Aussi, en cohérence avec l’ensemble des propos que nous avons tenus depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous nous opposons à la présente disposition.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explications de vote.
M. Guy Fischer. Tous les arguments que nous avons développés au travers de nos amendements montrent que l’article 14 remet en cause des droits acquis importants et ne tient pas compte des réalités.
Avec cet article 14, qui relève de deux années les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique – elles touchent vingt-deux groupes d’emploi –, le Gouvernement reste cohérent au regard des dispositions emblématiques de son texte – je pense aux articles 4, 5 et 6.
Dans le rapport de la commission, un tableau très clair identifie les personnes concernées par l’article 14, que nous voulons plus que jamais voir supprimé : c'est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. (M. François Autain applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ferai une brève explication de vote pour, bien sûr, soutenir cet article et répondre à plusieurs collègues.
Je répondrai d’abord à notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur, qui tournait en dérision l’effort d’optimisation des moyens des fonctionnaires de police et de gendarmerie.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne le tourne pas en dérision !
M. Gérard Longuet. Vous avez, cher collègue, géré une grande ville et les collectivités locales lorsque vous avez exercé des responsabilités ministérielles. Comment pouvez-vous imaginer qu’un corps de fonctionnaires de l’État qui comprend près de 250 000 agents ne puisse pas, sur une période de trois ans, dégager un gain de productivité de 9 000 personnels, ce qui représente un effort de productivité de l’ordre de 1 % par an ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La fonction publique doit être en mesure de se remettre en cause pour dégager une productivité de guère plus de 1 % par an. Nous qui gérons des services importants, nous savons bien que, au fur et à mesure des années, les mauvaises procédures, l’absence d’utilisation de moyens modernes et la duplication d’efforts aboutissent parfois à des sureffectifs. C’est de l’optimisation des moyens, qui est parfaitement à la portée d’un gestionnaire normal d’une très grande administration.
Monsieur Fischer, vous avez évoqué la situation des contrôleurs aériens, en oubliant de préciser que l’un de leurs syndicats avait émis la demande, d’ailleurs repoussée, me semble-t-il, par l’autorité administrative, de pouvoir augmenter leur âge limite d’activité, au motif que les conditions techniques et l’état physique contrôlé permettaient à ceux d’entre eux qui en auraient exprimé le souhait de prolonger leur activité.
Pour revenir sur un sujet que nous avons évoqué hier soir, je voudrais rappeler que les conducteurs de locomotives des exploitants privés du réseau français sont, pour la plupart, des retraités de la SNCF. (M. Yves Pozzo di Borgo opine.)
Voilà les quelques évidences que je souhaitais rappeler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 15
(Non modifié)
L’article L. 5421-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « âgés de plus de soixante ans » sont remplacés par les mots : « ayant atteint l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° À la fin du 2°, les mots : « de soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « prévu à l’article L. 161-17-2 du même code augmenté de cinq ans ».
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Transférer des charges pour faire croire que l’on maîtrise les coûts est une technique de gestion inefficace et dangereuse. Or vous en avez fait une méthode de gouvernement inopérante et destructrice.
L’article 15 illustre votre démarche en la matière. En relevant les âges limites de versement des indemnités aux travailleurs privés d’emploi, dans les mêmes conditions que les bornes d’âge en matière de retraite, le Gouvernement organise concrètement la transformation des jeunes retraités en vieux chômeurs.
À l’assurance chômage de prendre le relais de ce qui relevait de la retraite ! Les nouveaux chômeurs y perdront ce que les employeurs y gagneront. Chacun sait en effet que les indemnités liées au chômage sont plus réduites, moins pérennes et, surtout, moins coûteuses pour les entreprises.
Avec seulement 17 % des 60-64 ans dans l’emploi, on mesure à quel point le relèvement de ces bornes d’âge pèsera sur les comptes de l’UNEDIC : plus de 1 milliard d’euros sur la période 2015-2017. Voilà le résultat de l’impact de votre réforme sur les comptes de l’UNEDIC !
L’impact sur les hommes et les femmes qui seront concernés n’est pas seulement quantitatif. Bien sûr, les conséquences de cet article seront mauvaises pour leurs finances, mais elles seront encore pires pour leur moral.
Alors que rien n’est fait pour favoriser le maintien dans l’emploi des seniors, alors qu’aucune réflexion n’a été amorcée pour mettre en place une autre politique des âges, au sein de l’entreprise comme dans notre société, vous choisissez de livrer aux affres de la fin de droits ceux qui n’aspiraient qu’à vivre enfin de leur retraite.
Loin de mobiliser tous les outils possibles pour remettre la question de l’emploi au cœur de la problématique de la gestion du vieillissement, vous faites l’aumône d’une aide à l’embauche des plus de 55 ans et d’un discours sur le tutorat, dépourvu de toute mesure concrète. J’en veux pour preuve cette palinodie que constitue l’obligation affichée pour les entreprises de plus de cinquante salariés de conclure un accord ou de mettre en place un plan d’action pour leurs salariés seniors. Soumise à aucune sanction, n’ayant fait l’objet d’aucun débat, ne donnant lieu à aucune mesure concrète, cette disposition est le cache-misère de la désertion de ce gouvernement du front de l’emploi des seniors.
Dommage, car d’autres ont su se battre sur ce front-là et ont obtenu des résultats. Dans les pays nordiques, par exemple, l’effort a notamment porté sur le relèvement du taux d’emploi des quinquagénaires. La question de la valorisation de ce patrimoine humain les a conduits à mettre en place une politique globale axée sur le maintien de l’employabilité de leurs salariés. Ils ont ainsi pu faire changer le regard que les entrepreneurs portaient sur les seniors.
Anticipant la pénurie de main-d’œuvre que le départ des baby-boomers du marché de l’emploi devrait susciter, ils ont su, d’un côté, attirer et fidéliser les jeunes générations et, de l’autre, retenir les seniors. C’est ainsi que la Suède et la Finlande ont réussi à créer un consensus autour de l’importance d’améliorer le bien-être au travail et de proposer des perspectives de développement professionnel aux différents âges de la vie.
Notre gouvernement, lui, a été incapable de s’emparer de cette question.
Cet article parachève donc le véritable objectif du Gouvernement : afficher une réduction des déficits de la branche vieillesse en maintenant les plus faibles dans la précarité et en transférant à l’assurance chômage ce qui relève du droit à la retraite.
Une gestion aussi calamiteuse ne saurait avoir le soutien du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Comme vous le savez, cet article prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. En d’autres termes, il se contente de créer des chômeurs plus âgés que ceux que nous connaissons jusqu’à présent.
En effet, comme l’énonce le rapport, cet article vise uniquement à « mettre en cohérence les dispositifs relatifs à l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi avec les mesures de relèvement des âges de retraite ». L’adverbe « involontairement » est ici assez savoureux !
C’est bien là où se situe le problème. Cet article n’a pour objectif que d’être une simple mesure de coordination afin de donner de la cohérence à des mesures qui, lorsqu’elles sont prises toutes ensemble, constituent un texte particulièrement injuste et idéologique.
Cet article, et plus généralement votre texte, n’apporte aucune solution pour réduire le chômage, notamment celui des seniors. Rien ou presque rien. La seule mesure que vous avancez n’aura malheureusement aucun effet durable sur le taux d’emploi des seniors. En effet, cette mesure, qui est contenue à l’article 32 et qui est constituée d’une énième exonération des charges patronales pour l’embauche de seniors, a déjà démontré son inefficacité. Elle n’aura qu’un effet d’aubaine pour les entreprises et creusera un peu plus les déficits des comptes sociaux.
Vous n’explorez donc aucune piste nouvelle pour tenter de résoudre le chômage, qui ne cesse de progresser.
Au final, avec votre texte, vous faites une double erreur : aucune action concrète pour favoriser l’emploi ; aucune action concrète et équitable pour un vrai droit à la retraite. En bref, vous voulez maintenir des gens dans un emploi qu’ils n’ont pas. Cette situation paradoxale, nous la dénonçons.
Prévoir que les chômeurs pourront maintenant percevoir des indemnités de chômage jusqu’à 67 ans ne résout rien. Vous créez simplement une nouvelle catégorie de chômeurs, plus âgés.
Il s’agit donc d’un transfert de charges, qui pose d’ailleurs de gros problèmes aux partenaires sociaux, car ceux-ci ne savent pas encore comment cette mesure sera financée.
La réponse à cette question, vous la renvoyez à plus tard. Aujourd’hui, l’important pour vous, monsieur le ministre, c’est de faire adopter ce texte, et peu importe les problèmes qu’il posera. Pourtant, le problème est soulevé : comment financera-t-on l’indemnisation des chômeurs âgés ?
Le troisième âge va désormais entrer en force dans les agences de Pôle emploi. Il va ainsi pouvoir faire connaissance avec les moins de 28 ans, chômeurs eux aussi ! C’est magnifique de votre part de rapprocher les générations afin qu’elles cherchent ensemble un emploi…
Nous sommes donc ici dans une situation quelque peu étrange : de 16 ans à 67 ans, tous au chômage, tous précaires et tous à Pôle emploi !
À ce propos, comment ne pas évoquer le marasme créé par votre fusion entre l’ANPE et les l’ASSEDIC. Les appels répétés du personnel de Pôle emploi commencent à devenir très sonores. Puisque tout est possible avec M. Sarkozy, la promesse est ici tenue…
M. François Autain. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l'article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. En d’autres termes, il se contente de créer des chômeurs plus âgés que ceux que nous connaissons jusqu’à présent.
En effet, comme l’énonce le rapport, cet article vise uniquement à « mettre en cohérence les dispositifs relatifs à l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi avec les mesures de relèvement des âges de retraite ».
C’est bien là où se situe le problème. Cet article n’a pour objectif que d’être une simple mesure de coordination afin de donner de la cohérence à des mesures, qui, lorsqu’elles sont prises toutes ensemble, constituent un texte injuste et idéologique.
Cet article, et plus généralement votre texte, n’apporte aucune solution pour réduire le chômage, notamment celui des seniors.
Au final, vous faites une double erreur : au lieu de tout faire pour que nos concitoyens puissent, d’une part, occuper un emploi au cours de leur vie active et, d’autre part, avoir à l’issue de cette période un vrai droit à la retraite, vous mélangez tout.
Vous devriez plutôt agir pour que, du sortir de l’école au moment de la retraite, les Français trouvent et conservent un emploi bien payé et de qualité, puis, arrivés à 60 ans, qu’ils jouissent d’un droit à la retraite bien mérité. Au lieu de cela, vous n’agissez pas pour réduire le chômage, tout en décidant de prolonger la durée de cette vie active en reculant l’âge de la retraite.
Prévoir que les chômeurs pourront maintenant percevoir des indemnités de chômage jusqu’à 67 ans ne résout rien. Vous créez simplement une nouvelle catégorie de chômeurs, plus âgés. Il s’agit donc d’un transfert de charges, qui pose d’ailleurs de gros problèmes aux partenaires sociaux, car ceux-ci ne savent pas encore comment cette mesure sera financée. Il est vrai que ce n’est pas votre souci, monsieur le ministre, puisque vous avez renvoyé les réponses à toutes ces questions à plus tard.
Si nous voulions être un peu ironiques, nous pourrions vous conseiller d’accompagner cette mesure de dispositions beaucoup plus prosaïques concernant l’aménagement des agences de Pôle emploi. Par exemple, équipez-les de davantage de sièges, car, passé un certain âge, attendre debout dans une file d’attente pendant des heures est fatiguant. Prévoyez également des rampes inclinées pour recevoir les chômeurs se déplaçant avec un déambulateur.
Alors que le chômage est un problème si grave dans notre pays, vous demandez à des personnes déjà âgées de se maintenir dans l’emploi et de se remettre, s’il le faut, à en chercher.
Finalement, le premier objectif de votre texte, comme l’a dit ma collègue Mathon-Poinat, est d’encourager le rapprochement entre les générations. À Pôle emploi aussi, les générations se donnent la main et cherchent ensemble du travail qui n’existe pas.
Les agents de Pôle emploi, dont nous saluons d’ailleurs le travail, vont devoir s’habituer à s’adresser à un public encore plus vaste. De 16 à 67 ans : tous au chômage et tous précaires ! Car à Pôle emploi se retrouvent tous les exclus du travail, tous les exclus de votre système, qui n’est construit que pour quelques-uns. Et quand ces mêmes personnes ont épuisé leurs droits chez Pôle emploi, savez-vous où on les retrouve ? À la Soupe populaire ou dans la rue, même à 67 ans !
Voilà pourquoi nous sommes contre cet article. Quant à l’ensemble de votre texte, il demeure dans le déni : il augmente les bornes d’âge et le nombre de trimestres nécessaires pour partir à la retraite, mais il fait tout cela sans se soucier de savoir si nos concitoyens ont du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 15, le Gouvernement entend procéder progressivement au relèvement des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. C’est une conséquence directe du recul des bornes d’âge de la retraite.
Cette disposition n’est pas seulement technique, puisqu’elle entraînera un transfert de charges de la branche retraite sur les allocations chômage, notamment.
Comme nous le savons, la croissance reste faible. Si le Gouvernement table sur un taux de 2 % pour l’année prochaine, de nombreux experts estiment que le chiffre ne sera pas supérieur à 1,3 %. Or nous savons qu’en dessous de 2 % le potentiel de création d’emplois est faible, voire nul selon certains commentateurs qui considèrent que la reprise pourrait s’effectuer sans baisse notable du nombre de demandeurs d’emploi.
S’ajoute à cela le fait que le Gouvernement a engagé une politique d’austérité qui aura, elle aussi, des conséquences sur le volume des demandeurs d’emploi.
La croissance n’est pas tout.
Il est indispensable de soutenir l’activité économique. Or, le Gouvernement a fait un choix contraire en menant une politique d’austérité. Les dépenses de l’État seront gelées en valeur pendant trois ans, c’est-à-dire qu’elles ne suivront même pas l’inflation, dont le taux est prévu à 1,5 % en 2011, puis à 1,75 % en 2012 et 2013.
Votre logique est donc contre-productive. Votre politique de rigueur va fragiliser le nécessaire soutien dont nos concitoyens et notre économie ont besoin.
De ce fait, nos chances de renouer avec la reprise économique sont amoindries et la baisse du nombre de demandeurs d’emploi est compromise.
Or, c’est bien l’emploi et son développement qui sont au cœur de la problématique. Le Gouvernement ne semble pas avoir pris conscience de cet enjeu majeur. Cette disposition en est une nouvelle illustration.
Comme nous l’avons vu non seulement au cours de la discussion générale, mais également à l’occasion de l’examen des articles, seulement 39 % des personnes de 55 à 64 ans sont en situation d’emploi. Dans la tranche comprise entre 60 ans et 64 ans, seulement 17,1 % des personnes ont un emploi, soit quinze points de moins que la moyenne européenne.
À ce titre, selon une récente parution de Pôle emploi consacrée aux perspectives économiques, la hausse du chômage a été la plus marquée pour les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus, à hauteur de 7,5 %.
Dans ce contexte, le déplacement des bornes d’âge pèsera donc sur le nombre de seniors demandeurs d’emploi.
Certes, vous mettez en place un certain nombre de mesures telles que le tutorat, mais c’est bel et bien d’une mobilisation générale pour l’emploi des seniors dont nous avons besoin.
À défaut, ces mesures risquent fort de se solder par de nouveaux échecs, comme ce fut le cas avec votre tentative d’inciter les entreprises de plus de cinquante salariés à se doter d’accords sur l’emploi des seniors ou à définir un plan d’action sur le sujet. Nous savons tous que les effets ont été on ne peut plus minces.
L’autre dimension concerne les implications financières. Qu’en sera-t-il des conséquences sur les allocations chômage ? Ne s’agit-il pas d’un transfert de charges d’une branche à l’autre ? En tout cas, c’est ce que nous pensons.
En outre, comment évoluera le nombre de bénéficiaires du RSA et des minima sociaux ?
Pour ce qui est du RSA, le 30 septembre dernier, le Gouvernement a annoncé sa prévision de passer à 935 000 bénéficiaires en 2011, puis à 1,13 million en 2012 et, enfin, à 1,2 million en 2013.
Ces chiffres intègrent-ils les conséquences du recul des bornes d’âge ? Nous l’ignorons, puisque, aux dires du ministre de la jeunesse et des solidarités actives, cette montée en charge n’a été pensée qu’au regard d’une possible reprise économique. Monsieur le ministre, nous aimerions avoir votre propre réponse sur ce point.
Vous l’aurez compris, en cohérence avec l’ensemble de nos prises de position mais aussi au regard des effets importants et négatifs que ce relèvement des âges limites aura sur les allocations chômage ainsi que sur l’ensemble des minima sociaux, nous nous opposons à l’adoption de cette disposition et nous présenterons un amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Dans le prolongement de l’intervention de ma collègue Catherine Tasca, je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre.
Certains travailleurs salariés sont aujourd’hui couverts par des accords de cessation anticipée d’activité liée à l’âge ou à la pénibilité de leur travail, accords qui sont en cours d’application.
Or, on m’a cité le cas de bénéficiaires de tels accords de préretraite qui risqueraient, avec le recul des conditions d’âge de départ en retraite, de se trouver en fin de convention sans pour autant remplir les conditions d’âge leur permettant de bénéficier de leur retraite à taux plein.
Ma question est très concrète, monsieur le ministre. Il y a deux hypothèses.
Première hypothèse, les informations qui m’ont été communiquées ne sont pas exactes et il n’y aurait aucun cas où une personne actuellement en préretraite serait, à l’expiration de la convention, en dessous de l’âge nouveau de la retraite prévu par le projet de loi. Dans ce cas, ma question ne se pose pas.
Seconde hypothèse, si une telle situation existait, j’aimerais savoir comment vous allez régler le problème de ces salariés ou anciens salariés qui, à la fin de la période couverte par lesdits accords, ne satisferaient pas aux nouvelles conditions d’âge pour toucher leur retraite à taux plein.
C’est une question extrêmement concrète qui concerne un certain nombre de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à la question de M. Sueur, je souhaiterais préciser plusieurs points.
Tout d’abord, notre réforme n’est pas idéologique ! J’ai entendu à plusieurs reprises cette qualification, notamment sur les travées de l’opposition. C’est faux ! La modification des critères d’âge est – comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de l’expliquer – avant tout une question de bon sens dans le cadre d’une réforme des retraites. Des réponses spécifiques sont par ailleurs apportées pour traiter les cas particuliers de personnes ayant commencé à travailler tôt ou dont la pénibilité de l’activité est avérée. Il n’y a donc pas moins idéologique que cette réforme !
En outre, le message selon lequel la réforme serait contre l’emploi des jeunes est également très éloigné de ce que pense le Gouvernement. Vous dites que la prolongation de l’âge de départ à la retraite aurait pour effet, en maintenant les « vieux » en activité, de capter l’emploi des jeunes. (Mme Bariza Khiari s’exclame.) Je tiens à souligner que ce n’est pas comme ça que fonctionne la société française. Je trouve cette manière de voir les choses épouvantable. Sinon, demandez aux gens de partir à 40 ans ! Les « vieux » ont aussi leur place dans l’entreprise. (Marque d’approbation sur plusieurs travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Ils l’ont même au Sénat !
M. Éric Woerth, ministre. En effet, monsieur le sénateur, je n’osais pas faire cette remarque mais puisque c’est vous qui la faites… (Sourires.)
Heureusement qu’ils ont leur place dans la vie professionnelle ! J’imagine que vous le pensez également. On ne jette pas des personnes à 55 ans en leur disant que leur vie professionnelle est finie et qu’ils vont entrer dans des dispositifs sociaux compliqués avant de pouvoir prendre leur retraite.
Je pense que le mieux est de permettre à tout le monde de travailler. (Mme Éliane Assassi s’exclame.) Les personnes les plus expérimentées peuvent transmettre leur expérience. On doit aussi aménager les fins de carrière. En effet, on ne travaille pas de la même manière à 60 ans et, a fortiori, à 62 ans qu’à 40 ans ! Les jeunes également ont toute leur place dans le monde du travail, et ce le plus tôt possible.
Toutefois, il est faux de dire que le maintien d’une personne senior dans l’emploi crée automatiquement du chômage pour les jeunes. Sinon, nous aurions sans doute le taux d’emploi des jeunes le plus élevé d’Europe, puisque nous avons un faible taux d’emploi des seniors. Or ce n’est pas le cas. Le marché du travail ne se construit pas ainsi. Les « vieux » salariés ne sont donc pas l’ennemi du travail des jeunes !
Vous ne pouvez pas opposer les catégories d’âge. Si vous le faites en prétendant que c’est parce que les plus âgés ne partent pas à la retraite que les jeunes ne trouvent pas d’emploi, vous commencez à stigmatiser une partie de la population et vous créez une opposition entre les générations, ce qui n’est pas bon.
La seule manière de développer le marché du travail, c’est la croissance. Seule la création de richesses permet à nos salariés de travailler plus longtemps, tout simplement parce qu’avec celle-ci le marché du travail se développe. C’est aussi la fluidité de ce dernier, sa capacité à s’adapter, par la formation professionnelle notamment, qui permet de répondre au marché du travail. L’ensemble de l’environnement du marché du travail doit être considéré, et pas uniquement la retraite.
Mme Christiane Demontès. Nous n’avons jamais dit cela !
M. Éric Woerth, ministre. Par ailleurs, encore une fois, s’il est vrai que l’UNEDIC aura probablement des charges supplémentaires, il ne faut pas oublier qu’elle aura également des recettes plus importantes. Ces charges proviendront du fait que des personnes resteront plus longtemps dans les dispositifs de chômage faute d’emploi. C’est la réalité, vous avez raison ! Dans le même temps, il y aura des personnes qui maintiendront une activité professionnelle et qui continueront à cotiser. Les deux phénomènes vont avoir lieu.
L’UNEDIC évalue le coût net à environ 400 millions d’euros. Nous considérons, pour notre part, que cette évaluation est extrêmement pessimiste parce qu’elle est fondée sur des taux d’emploi des seniors ainsi qu’une prévision de croissance très faibles. Tant mieux ! Il est préférable d’être prudent et avoir de bonnes surprises.
Enfin, si l’on considère, d’une part, 400 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour l’UNEDIC et, d’autre part, 20 milliards d’euros de recettes supplémentaires dans les comptes de l’assurance vieillesse, cette réforme reste très positive en termes d’argent public.
Par ailleurs, nous avons demandé à la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, de faire une étude plus fine des conséquences de la réforme des retraites sur l’emploi des seniors. Je vous en communique le résultat : entre 55 ans et 59 ans, le taux d’emploi est actuellement de 58,5 % et passerait à quelque 68,5 %, soit une augmentation de près de 10 points. Pour les personnes de 60 ans à 64 ans, le taux d’emploi, qui est évidemment plus faible, s’élève à 17 % et devrait être augmenté de 10,5 % pour atteindre 27,5 % en 2018. (Mme Christiane Demontès s’exclame.) Ce sont les chiffres de la DREES.
Ainsi, cette réforme a évidemment un effet très fort sur l’emploi des seniors comme le relèvement de l’âge de départ à la retraite a pu l’avoir en Allemagne par exemple. Il n’y a aucune raison que nous soyons moins bons que les Allemands dans le domaine de l’emploi des seniors.
Monsieur Sueur, pour répondre à votre question, la plupart des conventions, de préretraites au fond, qui sont signées avec les entreprises font référence à l’âge légal et ne vise donc pas l’âge exact. Aussi, l’âge légal se déplaçant, la convention s’adapte. Ce point concerne toutes les conventions portées à notre connaissance, qui ne peut pas être exhaustive puisqu’il s’agit de conventions de droit privé.
Nous sommes en train de réaliser une enquête dans les différentes régions pour recenser si certaines conventions se réfèrent à un âge précis. Bien évidemment, le cas échéant nous apporterons une réponse au problème que vous soulevez.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je vous remercie, parce qu’il s’agit d’une précision importante pour les salariés concernés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 149 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau et Daudigny, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 256 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 346 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l’amendement n° 149.
Mme Bariza Khiari. L’article 15 qui prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi est une aberration supplémentaire. Il est la conséquence directe de l’article 6.
Vous allez prolonger un peu plus le désarroi et l’humiliation d’un grand nombre de nos concitoyens : seulement 38 % des 55-64 ans sont actifs. Être au chômage, ce n’est pas un choix. Être au chômage, c’est déstabilisant.
Lorsque l’on a travaillé toute une vie et que l’on se retrouve à 55 ans ou 56 ans sans emploi, on développe un sentiment d’inutilité et de rejet, que vous n’allez faire qu’amplifier.
La précarité économique entraîne l’essor de la vulnérabilité sociale.
Votre projet est vraiment – je regrette de vous le dire ! – un projet de classe ; les plus démunis, les plus vulnérables sont les premiers touchés.
Votre projet est un amplificateur de la précarité ; il ajoute de l’injustice à l’injustice.
Vous nous parlez d’avenir, monsieur le ministre. Mais que proposez-vous aux 62 % des plus de 55 ans qui se retrouvent au chômage parce que les employeurs considèrent qu’ils sont trop vieux ? Ils ne travailleront pas plus longtemps, mais ils vont galérer deux années de plus !
La majorité des entreprises ne sont pas prêtes à embaucher des employés de plus de 50 ans, et vous le savez. Elles les voient comme des freins à la croissance et le fait qu’on repousse l’âge de la retraite ne les fera pas changer d’avis. Alors, vous les sacrifiez une fois de plus ; ils sont triplement victimes, à la fois de la crise, de votre politique économique et de votre politique sociale.
De plus, les coûts économisés sur les pensions de retraite seront automatiquement transférés vers l’assurance chômage et le RSA.
Entre 440 millions et 530 millions d’euros par an, tel est le coût de la réforme des retraites pour l’assurance chômage.
Mécaniquement, la durée de prise en charge par l’assurance chômage des demandeurs d’emploi de plus de 60 ans s’allongera. Ce qui ne sera pas versé par les régimes de retraite le sera par l’assurance chômage ou par les départements. Tout cela pèsera encore sur les finances de nos collectivités locales, déjà mises à mal.
Il est vrai que vous êtes coutumiers des transferts de charges sans transferts des moyens adéquats. C’est une habitude ; faire payer par les autres ce que vous ne voulez plus ou ne pouvez plus assumer. Mes collègues conseillers généraux et présidents de conseil général savent de quoi je parle !
Au travers de la suppression prévue par cet amendement, nous voulons non pas interrompre le versement des indemnités chômage à 65 ans, mais nous opposer une fois de plus au recul du taux plein à 67 ans et à ses conséquences, qui, je le répète, sont inacceptables et touchent en premier nos concitoyens les plus précaires.
C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement visant à supprimer l’article 15.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 256.
Mme Marie-Christine Blandin. Voici comment est abordée la question du chômage au travers de ce projet de loi : les chômeurs resteront au chômage deux ans de plus !
Notre société issue des Trente Glorieuses a tant sacralisé la valeur « emploi » que ceux qui en sont exclus sont non seulement en difficulté financière, mais également en souffrance, par le regard que l’on porte sur eux à l’âge qu’ils ont ou qu’eux-mêmes portent sur eux.
Au moment où le demandeur d’emploi âgé allait entrer dans une période de retraite et de reconnaissance des efforts passés, vous le condamnez à deux ans de plus de mal-vivre !
La France compte plus de 5 millions d’hommes et de femmes touchés par le chômage. Franchement, c’est votre mission. On aurait pu espérer une politique de l’emploi plus ambitieuse. En 2010, le total des cinq catégories de Pôle emploi atteint les 4,4 millions de personnes en métropole, on compte également 270 000 chômeurs outre-mer, 324 000 dispensés de recherche d’emploi et, bien évidemment, des milliers de jeunes en situation de galère qui ne figurent pas dans les statistiques.
Votre devoir, c’est de stopper l’hémorragie. C’est aussi de protéger les chômeurs et précaires. Or, cet article ne fait qu’aggraver la situation de tous.
Compte tenu du faible taux d’emploi, le recul de l’âge de départ rendra encore plus difficile une carrière complète. De moins en moins de concitoyens pourront donc prétendre au taux plein. Sans compter que ces mesures sont financièrement inefficaces. Vous ne faites que transférer les coûts de l’assurance vieillesse sur l’assurance chômage.
Comme le soulignait Raymonde Le Texier, vous remplacez les jeunes retraités par de vieux chômeurs, et des gens soulagés par des gens en galère !
Et pour les chômeurs en fin de droits, ce sera éventuellement aux associations ou aux conseils généraux de verser davantage de revenu de solidarité active.
Les transferts de charges, quelle belle mesure d’économie ! Surtout quand la suppression de la taxe professionnelle met en péril la majorité des collectivités.
Comme vos amis du MEDEF, qui privatisent les bénéfices et externalisent les coûts de requalification de leurs sites, vous construisez un système de retraite qui transfère les déséquilibres aux autres. L’UNEDIC a du souci à se faire.
Vous avez évoqué les chiffres. On peut les étaler dans le temps. Le surcoût pourra atteindre 230 millions d’euros en 2015, 480 millions d’euros en 2016, 530 millions d’euros en 2018, à moins bien sûr d’une amélioration de l’emploi des seniors qui limiterait la casse, mais nous arriverions quand même à 440 millions d’euros. Nous sommes très loin d’une politique responsable et ambitieuse.
Une politique active de l’emploi reposerait sur la conversion de l’économie : conversion écologique, relocalisation, partage du temps de travail, et ce dans un contexte réel de décroissance sélective, solidaire et équitable. Mais cela vous est tellement idéologiquement insupportable que vous continuez à pédaler sur le vélo de la croissance sans vous rendre compte que votre chaîne a déraillé !
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à supprimer cet article, qui ne fait qu’aggraver la précarité des seniors. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Guy Fischer applaudit également.)
M. le président. L’amendement n° 346 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 149 et 256 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ces deux amendements tendent à supprimer l’article 15, qui relève les âges permettant de conserver un revenu de remplacement au titre du chômage. S’ils étaient adoptés, certains chômeurs perdraient leur revenu de remplacement sans avoir le droit de liquider leur pension de retraite. L’article 15 est donc indispensable.
Par ailleurs, comme vous le savez, la commission des affaires sociales a complété le projet de loi pour permettre aux bénéficiaires de l’allocation équivalent retraite, l’AER, de la conserver jusqu’à avoir atteint l’âge qui permet de liquider leurs pensions.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 149 et 256.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article additionnel après l’article 15 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
8
Nomination de membres de commissions
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe de l’Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires sociales, une pour celle de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, et une pour celle des finances.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :
– Mme Catherine Deroche membre de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. René Vestri, démissionnaire ;
– M. René Vestri membre de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, en remplacement de M. Philippe Dominati, démissionnaire ;
– M. Philippe Dominati membre de la commission des finances, à la place laissée vacante par M. Christian Gaudin, dont le mandat de sénateur a cessé.
9
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Chapitre III
Limite d’âge et de durée de services des militaires
Article 16
I. – Pour les militaires dont la limite d’âge est inférieure à soixante-cinq ans, en application de l’article L. 4139-16 du code de la défense, antérieures à l’entrée en vigueur de la présente loi, la limite d’âge est fixée, à compter du 1er janvier 2016 :
1° À quarante-sept ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à quarante-cinq ans ;
2° À cinquante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante ans ;
3° À cinquante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-quatre ans ;
4° À cinquante-huit ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-six ans ;
5° À cinquante-neuf ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-sept ans ;
6° À soixante ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à cinquante-huit ans ;
7° À soixante-deux ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante ans ;
8° À soixante-six ans lorsque cette limite d’âge était fixée antérieurement à soixante-quatre ans.
Un décret fixe, de manière croissante, les limites d’âge sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des âges fixés au présent I.
Pour les militaires mentionnés au présent I, l’âge maximal de maintien mentionné au I de l’article L. 4139-16 du code de la défense est relevé de deux années à compter du 1er janvier 2016.
Un décret fixe, de manière croissante, les âges maximaux de maintien des militaires mentionnés au présent I sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des deux années prévues à l’alinéa précédent.
II. – Pour les militaires sous contrat, les limites de durée de services sont fixées, à compter du 1er janvier 2016 :
1° À dix-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à quinze ans ;
2° À vingt-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à vingt-cinq ans.
Un décret fixe, de manière croissante, les limites de durée de services sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, dans la limite des durées fixées aux 1° et 2° du présent II.
III. – L’article 91 de la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires est abrogé à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au I du présent article et au plus tard le 1er juillet 2011.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 16 porte sur le relèvement de deux années des limites d’âge des militaires et des durées de service des militaires sous contrat.
En apparence, cette disposition pourrait sembler équitable et de bon sens. En effet, comme tous les Français, comme tous les salariés, comme tous les fonctionnaires, bien que ce qualificatif convienne mal à ces hommes et à ces femmes, il pourrait paraître normal qu’ils soient eux aussi appelés à fournir un effort pour assurer la pérennité de notre système de retraite.
Pourtant, cette argumentation ne tient compte ni de la réalité ni de la spécificité de l’état militaire.
Il faut tout d’abord rappeler que les militaires ont déjà fourni cet effort avec la modification de leur dispositif statutaire en 2005.
La loi du 24 mars 2005 portant statut général des militaires avait ainsi déjà reculé les limites d’âge d’un an à cinq ans pour les officiers et d’un an à trois ans pour les sous-officiers. Cela a d’ailleurs été critiqué par le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, le HCECM, dans l’avis qu’il a rendu sur le projet de loi qui nous occupe aujourd'hui. En effet, selon le comité, cette mesure « serait, à tout le moins, prématurée, les effets combinés de la loi sur les retraites de 2003 et du relèvement des limites d’âges opéré par le statut général des militaires de 2005 n’étant pas encore définitifs. »
Remettre aujourd’hui en cause ce dispositif statutaire, sans concertation, au travers d’un autre projet de loi, me paraît peu convenable et, surtout, désinvolte à l’égard de nos armées.
Un projet de loi qui considère, comme vous le faites, que les militaires sont après tout des fonctionnaires comme les autres, qui ne reconnaît ni la spécificité de leur condition ni leurs mérites risque d’être très mal ressenti dans l’institution.
En outre, un tel relèvement de deux ans entre en totale contradiction avec la nécessité d’avoir des armées jeunes, principale garantie de leur qualité opérationnelle.
Le HCECM avait également relevé que cette mesure était « de nature à conduire à un vieillissement trop important de l’ensemble des effectifs, surtout si elle était accompagnée d’un allongement de la durée des services ouvrant droit à la liquidation immédiate de la pension de retraite. »
En plus, cette disposition est aussi contradictoire avec le type de déroulement de carrières qu’a toujours essayé d’appliquer le ministère de la défense. Il consiste à faire en sorte que les limites d’âge restent suffisamment basses, notamment dans les unités opérationnelles, afin de stimuler les gradés d’un niveau subalterne et d’éviter un vieillissement trop important dans les grades les plus élevés.
Enfin, cette mesure posera inévitablement des problèmes de qualité du recrutement. Celle-ci a déjà été largement éprouvée avec la suspension de la conscription, qui représentait un très important vivier de talents divers.
Quel attrait peuvent encore aujourd’hui représenter nos armées auprès de jeunes, s’ils n’ont plus, par exemple, la possibilité d’une bonne reconversion professionnelle après quinze années de services ?
Décidément, ces mesures de relèvement des limites d’âge et de durée de service, qui pourraient sembler banales et logiques, auront de graves conséquences sur le moral et sur l’organisation même de nos armées.
Les militaires font un métier exigeant, qui peut parfois aller – je vous le rappelle – jusqu’au sacrifice de leur vie, un métier qui demande un engagement de tous les instants. Ils ont largement contribué à l’effort imposé par la RGPP, la révision générale des politiques publiques, notamment en matière de réduction budgétaire et de diminution des effectifs.
Monsieur le ministre, ne leur imposez pas ces mesures, qui, comme pour le reste de nos concitoyens, sont injustes et inefficaces.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.
M. Jean-Pierre Caffet. Le sujet de cet article 16, c'est-à-dire la limite d’âge et de durée de services des militaires, aurait dû, nous semble-t-il, faire l’objet d’un examen approfondi en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Nous aurions pu alors apporter quelques lumières au texte du Gouvernement et ainsi permettre à ce dernier de l’améliorer ou, en tout cas, de ne pas commettre des erreurs.
C’est d’ailleurs dans cet état d’esprit positif que nous avons déposé nos amendements à l’article 16. Et c’est sans doute aussi cet état d’esprit qui animait M. de Rohan, le président de la commission des affaires étrangères, quand il a déposé un amendement sur l’article 20 visant à « maintenir le bénéfice de la bonification du cinquième à quinze ans de services ».
J’espère d’ailleurs que le Gouvernement réservera à l’amendement de M. de Rohan un autre sort que celui qu’il réserve aux nôtres, c'est-à-dire, en règle générale, le rejet pur et simple.
Avec la professionnalisation des armées, le recrutement du personnel militaire est confronté à une concurrence permanente sur le marché de l’emploi. Les armées doivent attirer désormais une ressource jeune vers un métier caractérisé notamment par des sujétions que ne connaît pas le secteur civil, comme la disponibilité, les opérations extérieures et les risques particuliers à la fonction militaire. Les mesures proposées par votre projet viennent compliquer encore cette situation.
Les pensions des militaires sont en effet régies, au même titre que celles qui sont attribuées aux fonctionnaires civils, par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Toutefois, les pensions militaires présentent plusieurs particularités du fait de la spécificité du métier et des carrières militaires.
D’une part, elles prennent en compte, à travers les modalités du calcul des annuités, les conditions particulières d’exercice du métier militaire. D’autre part, elles permettent d’assurer la maîtrise des flux qui caractérise la gestion du personnel militaire.
À ce titre, elles remplissent une double fonction. Elles constituent un instrument de gestion, concourant, avec d’autres, à la jeunesse et au pyramidage des effectifs militaires ; elles revêtent alors le caractère d’une pension de reconversion. Elles assurent également, pour la dernière partie de la vie de ceux qui ont quitté le service, le maintien d’un niveau de ressources qui est fonction de leur rémunération d’activité ; elles ont alors le caractère d’un avantage vieillesse classique.
Nous soutenons, et vous aurez du mal à nous démontrer le contraire, que votre réforme met à mal cette double fonction.
D’une part, parce qu’elle vient percuter de plein fouet la difficile, complexe et périlleuse « manœuvre des ressources humaines » engagée par les armées en raison de la RGPP. D’autre part, parce que vous allez troubler profondément le fonctionnement interne des armées en asséchant l’attractivité de la carrière militaire.
Pourtant, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes convaincus que la question d’une évolution de la durée des services ouvrant droit à liquidation de la pension des militaires mérite d’être étudiée selon deux points de vue : ses conséquences sur la carrière et la condition des intéressés, d’une part ; son impact sur les capacités et les besoins opérationnels des armées, d’autre part.
Pourriez-vous nous communiquer une étude d’impact analysant les conséquences de ce projet de loi sur les carrières militaires, sur les effectifs des forces et, in fine, sur la tenue du contrat opérationnel ?
Pourriez-vous nous dire aussi comment préserver la cohésion du « système d’hommes » des armées, pris en tenaille entre la déflation due à la RGPP et l’évolution des retraites militaires induite par ce projet de loi ?
Il est évident que la communauté militaire doit contribuer elle aussi à l’effort collectif national de financement des régimes de retraite, mais elle doit le faire ni plus ni moins que tout le monde.
Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire a rédigé son quatrième rapport en janvier 2010 et l’a remis au Gouvernement ainsi qu’au chef de l’État. Nous regrettons profondément que toutes les recommandations avancées par le Haut Comité aient été ignorées par le Gouvernement.
C’est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, les mesures que vous proposez auront sur le périmètre et sur le profil des armées des conséquences qui, selon nous, ont été mal évaluées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 21 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 151 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 347 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Autain, pour présenter l'amendement n° 21.
M. François Autain. À l’occasion de la présentation des amendements que nous avons défendus à l’article 9, nous sommes longuement revenus sur le cas particulier de la retraite des militaires, regrettant au passage que le ministre de la défense se soit montré incapable de tenir les engagements qu’il avait pris devant les militaires.
Étant fermement opposés à toute augmentation des bornes d’âge pour financer votre contre-réforme des retraites, nous sommes opposés à l’article 16, qui vise à relever de deux années l’ensemble des limites d’âge des militaires, lesquelles sont actuellement fixées entre 45 ans et 64 ans.
Toutefois, je soulignerai que, pour ne pas gêner le déroulement des carrières des officiers appelés à devenir prochainement officiers généraux, le Gouvernement a opté pour un autre mode de relèvement. En effet, comme le souligne M. le rapporteur « le relèvement ne s’effectuera pas nécessairement à raison de quatre mois par génération pour tous les militaires, même si tous atteindront les nouvelles limites d’âge à la date prévue ».
La démonstration est ainsi faite que, contrairement aux discours tenus depuis le début de l’examen du projet de loi dans cet hémicycle, d’autres pistes pouvaient être envisagées, notamment afin de rendre cette réforme moins insupportable pour nos concitoyens. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point ultérieurement.
Aussi, par cohérence avec l’ensemble des amendements que nous défendons sur ce projet de loi et parce que nous sommes convaincus que ce texte demeure injuste et insuffisant pour financer l’avenir des régimes de retraites – nous l’avons dit à maintes reprises –, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 151.
M. Jean-Pierre Godefroy. L’article 16 prévoit le relèvement de deux années des limites d’âge des militaires, ainsi que le relèvement des durées de services des militaires sous contrat.
Je me suis procuré le rapport 2010 du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. D’après ce rapport, les militaires prennent en moyenne leur retraite à 43,8 ans. Cet âge varie selon le grade : 51,3 ans pour les officiers ; 45,8 ans pour les sous-officiers ; 32,2 ans pour les militaires du rang.
En moyenne, les personnels militaires partent après une durée de service de 23,8 ans et bénéficient toujours en moyenne d’une bonification de 8,4 ans – opérations extérieures, services aériens, sous-marins, domaine que je connais particulièrement bien –, soit un total de 32,2 ans pour la durée moyenne d’assurance.
À titre de comparaison, les fonctionnaires civils de l’État prennent leur retraite à 58,8 ans après 33,6 années de service.
Les pensions des militaires sont relativement faibles : 1 484 euros à la fin de l’année 2008, contre 1 957 euros pour les fonctionnaires civils.
Il faut également rappeler que « les deux tiers – 63 % – des militaires quittent le service sans droit à pension militaire de retraite ». C’est le cas de la quasi-totalité des militaires du rang – 92 % – et du quart des sous-officiers, puisqu’ils sont rayés des cadres avant d’avoir accompli 15 années de services.
« Les militaires français partent à la retraite plus jeunes que les autres actifs, mais un peu plus âgés que les militaires américains, britanniques ou allemands », constate le rapport du Haut Comité. Il ne s’agit donc pas d’un avantage national, il s’agit bien plutôt d’une spécificité de l’état militaire que l’on retrouve dans les autres pays.
Quant à la proposition de l’article 16, le rapport énonce, noir sur blanc, qu’il n’est pas souhaitable de relever la limite d’âge des militaires. En effet, il précise qu’une telle réforme serait de nature à conduire à un vieillissement trop important de l’ensemble des effectifs.
Un relèvement des limites d’âge portant sur les grades terminaux de l’ensemble des corps risquerait de déséquilibrer la gestion et de ralentir les carrières, ce qui serait contraire à l’évolution induite par les nouveaux statuts particuliers.
Par ailleurs, une telle mesure nécessiterait de mettre en place un management particulier des fins de carrière.
La problématique de l’allongement de la vie active des militaires pose des difficultés.
La conjonction des facteurs structurels induit par cette réforme et des facteurs conjoncturels, tels que la disparation ou le transfert de régiments, aboutira à une impossibilité totale de reclasser certains personnels. Les collectivités locales sont déjà sollicitées à cette fin. Une fois de plus, l’État, qui pousse ces dernières à reprendre des personnels dont il ne veut plus, organise un transfert de ses charges à leurs dépens !
Aussi, en cohérence avec l’ensemble des propos que nous tenons depuis le début de l’examen de ce texte, nous vous proposons de supprimer cet article.
M. le président. L’amendement n° 347 rectifié n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 21 et 151 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ces deux amendements tendent à supprimer l’article 16, qui relève les limites d’âge et les durées de services des militaires.
La commission ne voit pas de raisons objectives d’écarter purement et simplement les militaires du projet de réforme des retraites. Aussi, elle émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je remercie les orateurs qui ont défendu les deux amendements et ont avancé des arguments précis, en particulier issus du dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire.
Je relativiserai néanmoins vos propos, monsieur Godefroy.
Comme la commission, le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Il n’y a pas de raison objective – on peut ne pas être d’accord sur le principe – de déroger au principe même de la loi.
Je souhaite apporter quelques précisions.
Tout d’abord, l’impact de la mesure de relèvement ne concernera que 2 % des effectifs militaires totaux dans la mesure où les deux tiers des militaires réalisent une durée de service qui est bien plus faible que quinze ans. En moyenne, vous le savez, monsieur le sénateur, le militaire du rang a une durée moyenne de carrière de quatre à cinq ans, contre neuf ans en 2002. Cette durée va donc en diminuant. Le tiers restant a une moyenne de vingt-deux ans de carrière.
Le relèvement, vous le savez, sera fait de manière très progressive, puisqu’il va s’opérer en six ans à hauteur de quatre mois par an.
Compte tenu de ce relèvement très progressif et du faible impact de la mesure – seuls 2 % à 3 % des effectifs seront touchés –, toutes les questions que vous avez soulevées au sujet du format des armées et de leur capacité à pouvoir remplir leurs missions trouvent une réponse très mesurée.
Enfin, je précise que nous maintenons par ailleurs tous les avantages du régime des militaires, ce que j’aurai l’occasion de rappeler tout à l’heure. C’est vrai pour le droit à pension à jouissance immédiate et sans condition d’âge ; c’est vrai également pour la décote courte, qui, comme vous le savez, est de dix trimestres pour les militaires au lieu de vingt. Cela permet aujourd’hui, comme vous l’avez très justement relevé, messieurs les sénateurs, à un militaire de disposer d’une pension dès trente-trois ans s’il s’est engagé à dix-huit ans. Demain, il pourra prendre sa retraite à trente-cinq ans. Vous le voyez, nous sommes très loin des limites d’âge.
Vous avez évoqué de vraies questions, messieurs les sénateurs, mais je pense également vous avoir apporté de vraies réponses.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 21.
M. Guy Fischer. Monsieur le secrétaire d'État, malgré les précisions que vous venez d’apporter et compte tenu de la logique qui est la nôtre, vous comprendrez que nous restions opposés pour les militaires – car, ne l’oublions pas, ce sont des fonctionnaires –, comme pour les autres professions, au recul de l’âge limite d’exercice.
Dans les faits, cumulé avec l’allongement de la durée de cotisation ainsi qu’avec le recul de l’ouverture de la retraite sans décote, il prend toute sa signification.
Ainsi, le recul d’une limite d’âge ne peut être considéré comme un droit nouveau pour des militaires qui souhaiteraient, par passion ou par amour du métier, se consacrer quelques années de plus à une profession qui les épanouit.
Associé aux autres mesures de cette réforme, le recul de la limite d’âge sera surtout un maintien en activité par nécessité financière, pour obtenir des pensions dont le montant sera le moins symbolique possible. Car, contrairement aux idées reçues, si le départ en retraite est accordé plus tôt, le montant des pensions militaires reste très faible.
À l’heure actuelle, les militaires connaissent un âge limite de départ à la retraite entre 45 ans et 64 ans en raison des nombreuses spécificités et des difficultés propres au métier. La pénibilité d’une carrière de militaire professionnel est réelle. Elle est actuellement reconnue à juste titre par cette limite d’âge.
Les militaires sont, en effet, envoyés de longs mois en mission loin de leur famille en caserne et en mission à l’étranger, cumulant de très nombreuses heures de service par jour et par semaine dans des conditions psychologiques et physiques particulièrement éprouvantes. N’oublions pas qu’un militaire, quand il est envoyé sur un lieu de conflit, est en service vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept.
En matière de « privilèges », argument avancé pour mieux dégrader le droit à la retraite de tous les fonctionnaires des régimes spéciaux, on fait mieux ! Ce métier à risque exige de toute manière le maintien d’effectifs jeunes.
Il est également normal, comme le prévoit la législation actuelle, que les militaires puissent bénéficier du minimum contributif après 17 ans de services. Or le projet de loi que nous examinons, en plus du recul de la limite d’âge, prévoit le report du minimum contributif pour les militaires après 19,5 années de services. Rappelons, à ce titre, que le minimum contributif est inférieur au seuil de pauvreté et qu’un départ au bout de 17 ans ou 19,5 ans ne se justifie pas autrement que par la difficulté du métier.
De plus, comme l’indique le dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, si les militaires français partent à la retraite plus jeunes que les autres actifs, ils partent cependant plus âgés que les militaires américains, britanniques ou allemands. La spécificité militaire est donc reconnue internationalement.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 16.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 21 et 151.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 794, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 1 de l’article 16.
Chacun l’aura compris, il s’agit pour nous de rappeler notre opposition à cet article et, au-delà, à l’ensemble du projet de loi.
En décidant de bouger les trois curseurs fondamentaux que sont l’âge légal de départ à la retraite, l’âge permettant de bénéficier d’une retraite sans décote et la durée de cotisation, vous imposez à nos concitoyens une réforme qui est la plus lourde d’Europe et qui aura pour conséquence de rendre le régime de retraite français plus contraignant que partout ailleurs en Europe.
En effet, comme le soulignent avec raison Thierry Pech et Laurent Jeanneau dans le numéro d’Alternatives Économiques de juillet 2010 : « la plupart des pays qui ont décidé de relever les seuils d’âge compensent ce durcissement par des durées de cotisation inférieures ». Ils ajoutent : « le Royaume-Uni n’exige désormais que 30 ans de cotisations – contre précédemment 44 ans –, l’Espagne se contente de 15 ans de cotisations minimums et de 35 ans pour une pension complète, et les Pays-Bas demandent 50 ans… de résidence dans le pays ».
Autrement dit, contrairement à ce que vous ne cessez de répéter, cette réforme tend plus à satisfaire les agences de notation et ceux qui recherchent une harmonisation européenne vers le bas qu’à garantir l’avenir des régimes de retraites et le niveau des pensions.
Je regrette, d’ailleurs, que la commission des affaires sociales ait déclaré irrecevable l’un de nos amendements visant à préciser qu’aucune pension ne devait être inférieure au seuil de pauvreté.
En effet, à quoi bon une réforme si elle n’a pas pour objectif premier de garantir aux retraités, actuels et futurs, une retraite supérieure au seuil de pauvreté ? À quoi bon une réforme des retraites si elle n’a pas d’abord comme objectif la réduction des inégalités et l’assurance donnée aux retraités de vivre dignement.
Disant cela, je voudrais, une nouvelle fois, attirer l’attention de notre rapporteur, qui a personnellement contribué à la réécriture de l’article 1er A, déjà examiné. Cet article prévoit un niveau de retraite satisfaisant, sans que celui-ci soit jamais défini et sans qu’un plancher soit instauré. Or, pour que le dispositif soit efficace, il est nécessaire de définir dans la loi le montant en dessous duquel le niveau des pensions ne serait plus satisfaisant.
Aussi, je souhaite profiter de la présentation de cet amendement pour interroger de nouveau le rapporteur et le Gouvernement sur le montant en dessous duquel ils estiment qu’une pension n’atteint plus un niveau satisfaisant.
M. le président. L’amendement n° 1218, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer le mot :
antérieures
par les mots :
dans sa version antérieure
La parole est à M. le rapporteur pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 794.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 1218 est rédactionnel.
Par ailleurs, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 794.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Il est défavorable à l’amendement n° 794 et favorable à l’amendement n° 1218.
M. le président. L’amendement n° 796, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement tend à supprimer l’alinéa 2 de cet article, qui porte l’âge de départ à la retraite sans décote pour les militaires à 47 ans, au lieu de 45 ans actuellement.
Vous le savez, nous sommes opposés sur le fond à la logique même des mesures d’âge, puisque nous sommes convaincus que cette disposition est destinée à contourner la question des financements. Il aurait pourtant fallu travailler plus en amont cette question, afin d’éviter que les salariés et les fonctionnaires, y compris les militaires, ne paient le prix de cette mesure.
Selon le dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, les militaires prennent leur retraite, en moyenne, à 43,8 ans, partent après une durée de service de 23,8 années et bénéficient, toujours en moyenne, d’une bonification de 8,4 années. Ces bonifications sont, par exemple, celles qui sont accordées au titre des opérations extérieures, ou des services aériens et sous-mariniers. Au total, leur durée de cotisation correspond à 32,2 années.
De manière globale, les pensions sont relativement faibles : 1 484 euros en moyenne en 2008.
Afin d’éviter que les militaires de carrière, notamment les sous-officiers, ne soient sanctionnés, nous proposons par conséquent la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 795, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Selon le dernier rapport du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire, les personnels militaires prennent leur retraite, en moyenne, à 44 ans. Cet âge varie selon le grade : 51 ans pour les officiers, 46 ans pour les sous-officiers, 32 ans pour les militaires du rang.
En moyenne, les personnels militaires partent après une durée de service de 23,8 années et bénéficient, toujours en moyenne, d’une bonification de 8,4 années – OPEX, services aériens, sous-marins, etc. –, soit, au total, une durée moyenne d’assurance de 32,2 années. À titre de comparaison, les fonctionnaires civils de l’État prennent leur retraite à 59 ans, après 33,6 années de service, auxquelles s’ajoute 1,6 année de bonifications.
Toutefois, à l’issue de leurs années de service, les militaires touchent des pensions relativement faibles : 1 484 euros, en moyenne, en 2008, contre 1 957 euros pour les fonctionnaires civils.
Surtout, ces pensions sont inégalement réparties. Il faut rappeler que les deux tiers, soit 63 %, des militaires quittent le service sans droit à pension militaire de retraite. C’est le cas de la quasi-totalité des militaires du rang et du quart des sous-officiers, puisqu’ils sont rayés des cadres avant d’avoir accompli 15 années de service.
Au final, les militaires français, s’ils partent à la retraite plus jeunes que les autres actifs, partent tout de même plus tard que les militaires américains, britanniques ou allemands. Il ne s’agit donc pas d’un avantage national, il s’agit bien d’une spécificité de l’état militaire que l’on retrouve dans les autres pays. Qui plus est, contrairement à ce que laissent penser les croyances en la matière, leur droit à une pension n’est absolument pas assuré.
Ce texte prévoit de retarder encore l’âge de leur départ à la retraite.
La possibilité pour les sous-officiers de partir à la retraite avec une pension à jouissance immédiate après 15 ans de service sera progressivement supprimée. Comme pour l’ensemble des salariés, leur durée de cotisation sera allongée de deux ans. En 2016, il leur faudra donc avoir servi 17 ans afin de pouvoir prétendre à une pension à jouissance immédiate.
Cela aura deux conséquences : le nombre de militaires quittant le service sans droit à pension augmentera considérablement, et ces métiers qui, par essence, ne peuvent plus être exercés au-delà d’un certain âge vont connaître un vieillissement particulièrement dommageable pour l’activité elle-même, pour les conditions de vie et de travail des militaires, et même pour leurs conditions de sécurité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 797, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 798, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 799, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter ces trois amendements.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous l’avons vu tout au long des débats qui ont précédé la séance d’aujourd’hui, l’un de vos arguments d’autorité est de prétendre que l’allongement de l’âge légal de la retraite serait l’une des conditions essentielles pour sauver notre système de retraite par répartition. Vous déclinez ce dogme de façon intangible, et aveuglément.
Comme pour les autres catégories de salariés, le relèvement de deux années de l’âge permettant l’ouverture de droits à pension serait ainsi, avec cet article 16, également applicable aux militaires.
Cette application « uniforme », si j’ose dire, ne tient aucunement compte de la spécificité de la condition militaire. En effet, dans un grand pays comme le nôtre, aux traditions et aux capacités militaires établies et internationalement reconnues, l’une des conditions nécessaires afin de pouvoir disposer de forces armées efficaces et opérationnelles est qu’elles soient composées d’hommes et de femmes jeunes, ou dans la force de l’âge.
Certes, les militaires ne sont pas tous affectés à des unités combattantes. Le ministre de la défense, en application des recommandations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ne cesse pourtant d’affirmer son intention d’inverser le ratio actuel entre les fonctions de soutien et l’opérationnel, afin de mieux répondre aux exigences de la projection de nos forces à l’étranger.
Nos forces projetables, fer de lance de nos armées, doivent donc impérativement être composées d’hommes et de femmes jeunes, qu’il s’agisse des hommes du rang, de l’encadrement ou du commandement.
Ces mesures de relèvement des limites d’âge vont vite se heurter aux réalités du terrain, car il est évident pour tout le monde qu’un militaire ne peut pas accomplir les mêmes tâches physiques à 59 ans qu’à 20 ans. C’est pourtant l’objectif de certains alinéas de cet article.
Pour cette raison, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cette série d’amendements.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Même avis, car nous sommes toujours dans la même logique de suppression.
M. le président. L’amendement n° 800, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 801, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
L’amendement n° 802, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter ces trois amendements.
Mme Marie-Agnès Labarre. Il s’agit d’amendements de conséquence.
Vous avez décidé, sans aucune concertation avec les intéressés, d’allonger systématiquement les limites d’âge des militaires, et ce pour toutes les tranches d’âge. Nous avons dénoncé précédemment la pratique dogmatique que révèle l’application mécanique de cette mesure, mais nous avons également d’autres raisons de nous y opposer.
On peut craindre, par exemple, que le vieillissement important de l’ensemble des effectifs de nos armées, auquel conduirait cette disposition, ne constitue rapidement un handicap, en accentuant la différence qui existe, dans ce domaine, avec les armées amies, qui sont d’un niveau opérationnel tout à fait comparable au nôtre. En effet, nos militaires partent aujourd’hui à la retraite un peu plus tard que leurs collègues américains, britanniques ou allemands.
En outre, cette disposition aura assurément un effet négatif sur le déroulement des carrières, car elle entrera en contradiction avec les politiques pratiquées jusqu’à présent, qui permettent une promotion rapide des officiers et des sous-officiers les plus méritants. Elle risque ainsi de créer un véritable goulet d’étranglement pour les grades les plus élevés.
Ces raisons supplémentaires nous incitent à proposer la suppression du relèvement, pour certaines tranches d’âge, des limites d’âge des militaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 800, 801 et 802
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Danglot. Mon explication de vote portera plus particulièrement sur l’amendement n° 802.
Il est vrai que les ressources de la caisse de retraite des militaires avoisinent 8,2 milliards d’euros pour seulement 513 000 personnes. À titre de comparaison, les régimes sociaux de la SNCF, de la RATP et d’EDF comptent deux fois plus de salariés et coûtent un tiers de moins que la retraite des militaires. Pourtant, ces salariés sont régulièrement montrés du doigt, désignés comme des privilégiés, voire des parasites, et continuellement accusés d’être responsables de tous les maux et de tous les déficits publics.
Le coût des retraites des militaires est donc beaucoup plus élevé pour un nombre de retraites moitié moins important. Il est pour le moins étrange de taire le coût de la politique militaire française, qui mériterait pourtant un large débat, et, dans le même temps, de stigmatiser sans cesse les acteurs d’un service public déjà dépouillé de tous ses biens.
De toute façon, nous avons renoncé à chercher une quelconque cohérence dans la politique du Gouvernement, qui agit, dans les faits, de façon dogmatique et, dans le fond, sous la pression des lobbys financiers.
Quoi qu’il en soit, la réforme proposée par le Gouvernement pour les retraites des militaires ne nous satisfait en rien. Au contraire, en relevant l’âge de la retraite pour tous les militaires sans distinction, elle ne fait qu’accentuer les inégalités et disparités qui existent au sein de l’armée.
Comme nous l’avons dit précédemment, les deux tiers des militaires quittent le service sans droit à pension militaire de retraite. Le rehaussement de l’âge de départ rendra encore plus nombreux ceux qui ne pourront pas toucher de pension. S’agissant de ceux qui ont servi durant le nombre d’années nécessaire, les situations sont totalement disparates. Si certains touchent des pensions importantes, d’autres – bien qu’ils aient exercé des métiers à haut risque, où la pénibilité est grande et qui les ont contraints tant dans leur vie sociale que familiale – touchent des pensions particulièrement minimes. Dois-je vous rappeler que le système des pensions militaires est d’abord conçu pour favoriser les départs jeunes, afin de maintenir une moyenne d’âge relativement basse et de permettre une reconversion des anciens militaires ?
En relevant la limite d’âge, non seulement vous contraignez des personnes à exercer un métier pénible plus longtemps, mais vous diminuez également le niveau de leurs pensions ainsi que leurs chances de reconversion dans la vie civile. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 803, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
M. Guy Fischer. Il est défendu, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 804, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Supprimer cet alinéa.
M. Guy Fischer. Il est également défendu, monsieur le président !
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Chapitre IV
Maintien en activité au-delà de la limite d’âge
Article 17
(Non modifié)
Au premier alinéa de l’article 1-3 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 précitée, les mots : « à soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « à la limite d’âge prévue au premier alinéa de l’article 1er de la présente loi » et les mots : « l’âge de soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « un âge égal à la limite d’âge prévue au même premier alinéa ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 152 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 348 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Bernard Vera. Initialement, la loi du 13 septembre 1984 prévoyait que les fonctionnaires appartenant à des corps ou des cadres d’emploi dont la limite d’âge est inférieure à 65 ans puissent, lorsqu’ils atteignent cette limite d’âge, sur leur demande et sous condition d’aptitude physique suffisante, être maintenus en activité jusqu’à l’âge de 65 ans.
Les raisons de telles demandes peuvent être nombreuses. Il peut s’agir de la volonté de personnes entrées tardivement dans la fonction publique de toucher une retraite à taux plein, mais aussi de l’envie de poursuivre un métier que l’on a exercé avec passion. Si ces envies sont toutes légitimes, il y a néanmoins une raison à une telle restriction. En effet, pour permettre l’accès à l’emploi aux plus jeunes, le développement de carrière des fonctionnaires déjà en poste et assurer une alternance salutaire pour le bon déroulement des services et la modernisation permanente de leurs méthodes, il est nécessaire, à un moment donné, d’obliger les plus anciens à partir en retraite.
Une disposition repoussant cette limite à l’âge de 67 ans va donc créer, dans le déroulement des carrières des fonctionnaires, notamment en fin de carrière, un « embouteillage » dont les répercussions toucheront toutes les générations. Ainsi, en permettant à un nombre plus important de fonctionnaires de se maintenir en poste plus longtemps, on contraint les fonctionnaires plus jeunes à faire face à davantage de difficultés de progression au sein de leurs administrations, et on empêche certains prétendants d’entrer dans la fonction publique.
Outre les effets sur le chômage que produit ce type de politique dont nous avons déjà parlé à l’occasion de l’examen de nos amendements précédents, de telles décisions nuisent également gravement au bon fonctionnement des services publics. En effet, si tout le monde n’est pas égal face à la vieillesse, il paraît tout de même évident qu’une personne âgée de plus de 65 ans – aussi compétente soit-elle – aura plus de mal à supporter les cadences, le stress et la difficulté de certaines tâches qu’une personne plus jeune.
Au final, la rationalité économique de cette décision nous échappe totalement. Nous considérons en effet que les économies réalisées en laissant des fonctionnaires en poste au-delà de 65 ans seront perdues à terme, du fait de la création de contraintes supplémentaires sur des services publics qui doivent déjà gérer la pénurie et qui rencontrent des difficultés croissantes pour mener à bien leurs missions.
Certes, en augmentant l’âge de départ à la retraite, vous diminuez à court terme le nombre de postes mais vous créez, à moyen terme, des problèmes différés dans le temps que l'État devra, de toute façon, régler.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 152.
Mme Christiane Demontès. Cet article entend relever de deux ans l’âge jusqu’auquel peuvent être maintenus en activité les agents appartenant aux catégories actives de la fonction publique. Il s’inscrit donc dans la logique de régression sociale qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi.
L’article 93 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré pour les fonctionnaires appartenant à des cadres d’emploi dont la limite d’âge était inférieure à 65 ans la possibilité de se maintenir en activité jusqu’à cet âge.
Nous le savons tous, l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite définit la catégorie active. Cette dernière couvre « les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles ».
La liste des personnels concernés a été définie par l’arrêté interministériel du 12 novembre 1969.
Il s’agit notamment des sapeurs-pompiers professionnels, des agents de police municipale, des agents des réseaux souterrains des égouts, des éboueurs ou encore des maçons, c’est-à-dire près de 10 % des fonctionnaires territoriaux.
Dans les faits, la notion de « service actif » reconnaît collectivement, par corps, la pénibilité dans la fonction publique. Jusqu’alors, le « service actif » donnait droit à un départ anticipé, en général autour de 55 ans. Malgré le recul des bornes d’âge, le Gouvernement s’évertue à affirmer que « l’approche historique de la pénibilité dans la fonction publique, le service actif, est préservée ». Il fait toutefois passer la limite d’âge à 57 ans.
Par cet article 17, il s’agit de porter l’âge limite des catégories actives à 67 ans. Mais quel regard porter sur cette mesure lorsque l’on sait que la première des motivations des agents qui continuent de travailler au-delà de l’âge auquel ils peuvent partir à la retraite est financière ? Ne voyez-vous pas que, une fois encore, celles et ceux qui auront recours à ce dispositif seront les plus modestes, notamment les femmes ?
Ne percevez-vous pas que vous ajoutez de l’injustice à des conditions de travail difficiles puisqu’elles présentent des conditions de fatigue exceptionnelles ?
Avez-vous pris en considération les études sur les raisons qui poussent les salariés à faire valoir leur droit à la retraite au plus tôt ? En effet, comme le sociologue Robert Rochefort l’assure, « La France se caractérise par une productivité horaire vive, […] les gens sont épuisés dès 55 ans ».
Est-ce là une réelle liberté qui est offerte ? N’est-ce pas plutôt une situation de non-choix dans laquelle vous enfermez ces personnels ?
Par ailleurs, si nous considérons les termes de ce projet de loi, nous observons que pour les salariés du privé, il est prévu une reconnaissance individuelle de la pénibilité sous la forme d’une retraite pour invalidité à 60 ans sans décote. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point lors de l’examen d’autres articles.
Au-delà du fait que le Gouvernement s’ingénie à confondre invalidité et pénibilité, deux systèmes de reconnaissance de la pénibilité vont donc coexister.
Ne doit-on pas voir dans cette architecture les prémices d’une future remise en cause du service actif dans la fonction publique ? Comment ne pas s’interroger en effet lorsque l’on considère le précédent que représentent les « 250 000 infirmiers » ?
Comment ne pas s’interroger quand le Gouvernement décide de geler sa contribution au financement de la retraite de ses fonctionnaires au niveau atteint en 2010 ?
Nous savons quelle logique vous appliquez à notre système de protection sociale.
Pour l’ensemble de ces éléments, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter en faveur de cet amendement de suppression.
Mme Raymonde Le Texier. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 348 rectifié n’est pas soutenu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 22 et 152 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Par cohérence, la commission est défavorable à ces deux amendements, car ils tendent à supprimer l’article 17 relatif au maintien en activité au-delà de la limite d’âge.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet le même avis défavorable que M. le rapporteur. Je rappelle toutefois que cette poursuite de l’activité s’effectue sur la base du volontariat, à la demande de l’agent et sous réserve de son aptitude physique.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote.
Mme Odette Terrade. En repoussant l’âge légal de départ à la retraite des fonctionnaires, le Gouvernement poursuit un double objectif. D’une part, celui, commun au secteur privé, de faire reposer la retraite sur les seuls et uniques salariés. D’autre part, celui, plus spécifique, de réduire les dépenses publiques en empêchant le renouvellement des fonctionnaires.
Cette idée est pour le moins saugrenue. Prenons l’exemple des médecins.
Dans les années soixante-dix a été mis en place le numerus clausus, censé permettre de gérer les flux de nouveaux médecins entrants. L’on pensait en effet à l’époque qu’ils étaient trop nombreux. Le quota a commencé à diminuer en 1977, pour atteindre son point le plus bas à 3 500 en 1992, niveau auquel il est resté pendant de nombreuses années. La théorie alors en vigueur était la suivante : plus il y a de médecins, plus les dépenses de santé et le déficit de l’assurance maladie augmentent. La façon la plus simple de réduire le déficit de l’assurance maladie était par conséquent de diminuer le nombre de médecins.
Or, dès l’été 2003, dans le contexte de la canicule, le Gouvernement s’alarma de la pénurie de médecins. Dans les hôpitaux et les cliniques les médecins manquaient, et ils manquent encore davantage aujourd’hui dans de nombreuses spécialités parmi lesquelles la pédiatrie, la chirurgie ou l’obstétrique.
Au même moment, en 2003, le ministère constatait également la disparition des médecins de nombreuses zones peu peuplées. Le manque de généralistes conduisait partout à des « embouteillages » aux services des urgences. Dans un silence honteux, ces manques de médecins avaient été compensés par le recours aux services de médecins étrangers, utilisés bien souvent comme de la « chair à canon » hospitalière. Ces derniers étaient en effet contraints d’exercer dans des conditions particulièrement dégradées, avec, pour nombre d’entre eux, nous le savons bien, peu d’espoir de pérenniser leur situation dans notre pays.
Le résultat de telles pratiques, bien qu’elles aient résulté des choix de gouvernements de différentes couleurs politiques, se traduit par un gâchis de ressources ainsi que par un gâchis humain.
Or, ce qui a été fait pour les médecins il y a plusieurs années est désormais appliqué pour les professeurs, dont le nombre diminue de façon drastique chaque année, tant et si bien que M. Chatel, le ministre de l’éducation nationale, a osé faire appel à des professeurs retraités pour remédier aux carences de postes.
Conscient de ces deux exemples, le Gouvernement devrait étudier avec plus de finesse et de parcimonie les besoins de fonctionnaires dans de nombreux domaines. Loin de là, il supprime, tel un « bulldozer », des dizaines de milliers de postes par an sans se soucier des effets économiques et sociaux dévastateurs que cela engendre.
Pour ces raisons, nous voterons cet amendement. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 et 152.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 17.
(L'article 17 est adopté.)
Article additionnel après l'article 17 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Chapitre V
Durées de services
Article 18
(Non modifié)
I. – Les durées de services effectifs prévues au 1° du I et aux 1° et 2° du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, au 1° de l’article L. 25 du même code, au 3° de l’article L. 416-1 du code des communes, au premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 instituant un régime particulier de retraites en faveur des personnels actifs de police, à l’article 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 relative au corps des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne et au troisième alinéa du II de l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 portant diverses mesures d’ordre sanitaire, social et statutaire, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, pour la liquidation de la pension des fonctionnaires et des militaires sont fixées, à compter du 1er janvier 2016 :
1° À douze ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à dix ans ;
2° À dix-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à quinze ans ;
3° À vingt-sept ans lorsque cette durée était fixée antérieurement à vingt-cinq ans.
II. – À titre transitoire, les durées de services effectifs prévues par les dispositions mentionnées au premier alinéa du I, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, pour la liquidation des pensions des fonctionnaires et des militaires sont fixées, pour la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2015, par décret, de manière croissante et dans la limite des durées fixées à ce même I.
III. – Par dérogation, les I et II ne sont pas applicables aux fonctionnaires et aux militaires qui, après avoir effectué les durées de services effectifs mentionnées au I avant l’entrée en vigueur de la présente loi, soit ont été intégrés dans un corps ou un cadre d’emploi dont les emplois ne sont pas classés en catégorie active, soit ont été radiés des cadres.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 23 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 153 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 349 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l’amendement n° 23.
M. Jean-Claude Danglot. Bien que le Président de la République ait été ministre de l’intérieur pendant plusieurs années, force est de constater que l’administration policière de notre pays ne risque pas, avec le présent texte, d’être mieux traitée que les autres.
L’article 18, de coordination, dispose que certaines des dispositions préconisées pour le secteur privé s’appliqueront aux agents du secteur public appartenant à l’une des catégories de services actifs. Dans tous les cas – c’est la preuve d’une imagination débordante –, les durées de services sont majorées de deux ans, avec toutes les conséquences qu’une telle mesure implique.
Je mettrai évidemment en exergue, dans cet amendement, la situation spécifique des forces de sécurité intérieure, c’est-à-dire de la police nationale. Une part croissante des professionnels de ce secteur est de plus en plus perplexe et critique devant les choix, relatifs aux orientations, aux méthodes de travail et au bien-fondé de l’intervention, effectués par leur ministre de tutelle et la Présidence de la République.
Ce n’est pas mentir que d’affirmer qu’il existe une certaine forme de malaise dans la police : en effet, nombre d’agents en tenue, de policiers en civil, de gradés et d’officiers s’interrogent sur la politique du chiffre menée dans notre pays en matière de sécurité.
Les opérations coup-de-poing, les interventions en masse contre les camps occupés par les gens du voyage, opérées sous l’œil de multiples médias convoqués pour l’occasion, concourent à discréditer l’image de la police et à l’éloigner de nos concitoyens.
C’est la pire des situations qui puisse lui être réservée, car la police a besoin d’être au cœur des populations, comme un poisson dans l’eau. Elle a besoin d’entretenir des liens avec les habitants des quartiers, d’être connue et reconnue pour imposer au besoin la médiation et prévenir, autant que faire se peut, la délinquance de proximité, qui demeure la plus génératrice du sentiment diffus d’insécurité dans notre société.
En outre, ceux qui rendent la police impopulaire veulent aussi imposer aux fonctionnaires de police de travailler deux ans supplémentaires.
Nous ne pouvons évidemment que demander la suppression de l’article 18. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 153.
Mme Jacqueline Alquier. L’article 18 tend à augmenter de deux ans les durées minimales de services autorisant la liquidation de la pension des agents de la catégorie active de la fonction publique et des militaires de carrière.
Dans la logique de nos prises de position sur les articles précédents, nous avons déposé un amendement de suppression de cet article.
Je souhaite en cet instant attirer votre attention sur la situation qui est réservée aux militaires.
Au mois de juillet dernier, a été examiné à l’Assemblée nationale le projet de loi relatif à la reconversion des militaires. Selon le ministre de la défense, les « carrières courtes, qui sont une spécificité du métier militaire, sont une condition nécessaire pour conserver une armée jeune et opérationnelle. » Le Gouvernement, en déposant ce texte, entendait les prendre en compte.
En effet, chaque année, plus de 33 000 militaires quittent l’institution. Cet effectif est en hausse depuis quelques années, puisqu’il est passé de 28 728 en 2005 à 34 696 en 2009. Il sera amené à connaître de nouvelles augmentations avec la suppression de 54 000 postes prévue d’ici à 2014 par la loi de programmation militaire, qui vise à favoriser les départs volontaires.
Deux mois après l’examen du projet de loi relatif à la reconversion des militaires, nous débattons d’une disposition qui tend à allonger la durée de services.
Quelle est la cohérence de la politique menée ? Nous la recherchons sans succès. Pis, il s’agit de l’exact opposé. Le Gouvernement nage en pleine contradiction, puisque la professionnalisation actuelle n’est pas compatible avec l’incitation à rester plus longtemps en service. Qui plus est, sans les carrières courtes, le système militaire voulu dans le Livre blanc par le président Sarkozy n’est plus viable.
Certes, vous allez nous dire que le Conseil supérieur de la fonction militaire a été consulté. Cependant, permettez-moi de m’interroger sur la pertinence d’une telle disposition au regard des objectifs de la défense nationale.
Pouvez-vous nous expliquer quelle cohérence existe entre ces deux mesures : d’une part, l’allongement de la durée de services et, d’autre part, les efforts effectués en matière de reconversion ? D’ailleurs, quel est l’avis du ministre de la défense ? Il est demeuré muet sur cette question qui engage l’avenir des hommes et des femmes travaillant sous ses ordres...
Pour notre part, la seule cohérence que nous pourrions y déceler renvoie aux objectifs financiers du Gouvernement, au bilan budgétaire de ses politiques, et aux déficits abyssaux qui affectent notre économie et le budget de l’État.
Nous nous opposons donc à l’adoption de l’article 18, dont nous demandons la suppression.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur ces deux amendements tendant à supprimer l’article 18, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ces amendements identiques ayant pour objet de supprimer l’article 18, qui est en cohérence avec l’ensemble du projet de loi, le Gouvernement, comme précédemment, émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 23 et 153.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 805, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. À la lecture de l’article 18, on pourrait évidemment se demander quelles sont les raisons de voter des dispositions dont le plein effet ne se fera sentir qu’à compter de 2016.
Cet article, qui ressemble un peu à un supplice chinois, prévoit que, peu à peu, la position des agents publics en services actifs sera minorée. Un certain nombre d’entre eux paieront le prix de leur jeunesse ou de leur entrée tardive dans la fonction publique.
Cette orientation, condamnable, de notre point de vue, va rendre plus difficile l’exercice du droit à pension et permettra à l’État de « récupérer » plus de 1,2 milliard d’euros, somme qui sera en fait ponctionnée sur les pensions ultérieurement versées.
Nous avons vu, lors de l’examen des amendements identiques de suppression, que la mesure frappait particulièrement les fonctionnaires de la police nationale, de plus en plus mécontents du sens que l’on donne à leur intervention, des tâches qu’on leur demande d’accomplir, singulièrement dans ces périodes de forts mouvements sociaux.
La police a sans doute mieux à faire, pour l’heure, que de procéder à des tirs tendus sur des lycéens inquiets pour leur avenir professionnel immédiat ou de porter atteinte au droit de grève des salariés des raffineries de notre pays qui participent, à leur manière, au vaste mouvement qui soulève les Français. Celui-ci s’essoufflera d’autant moins que paraîtra plus intolérable encore l’intervention d’une police brutale vis-à-vis du mouvement populaire.
En multipliant les violences, vous augmenterez immanquablement les colères, vous grossirez les cortèges de demain, samedi, et plus encore ceux de mardi prochain.
Les policiers, dans notre pays, sont des citoyens et des travailleurs. Leur demander aujourd’hui d’être les auxiliaires d’une répression, engagée plus vite que le dialogue social qui ne s’est jamais instauré, et leur imposer demain de nouveaux sacrifices quant à leur déroulement de carrière, déjà largement affecté par les contraintes et les sujétions, est choquant.
Pour notre part, nous sommes aux côtés des policiers qui doutent aujourd’hui de plus en plus du bien-fondé de la politique de sécurité menée par ce gouvernement, et nous le demeurerons pour faire valoir leur droit légitime à être respectés comme travailleurs à part entière.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter l’amendement n° 805.
Mme Odette Terrade. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 805.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Article 19
(Non modifié)
I. – L’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa du 1° du I, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept » ;
2° Au 1° du II, les mots : « vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « vingt-sept » et au 2° du même II, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept ».
II. – L’article L. 25 du même code est ainsi modifié :
1° Au 1°, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept » ;
2° Au 2°, les mots : « vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « vingt-sept ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 154 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 350 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 24.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement tend à la suppression de l’article 19 du présent projet de loi, article de coordination avec le précédent.
Nous avions demandé la suppression de l’article 18, car il prévoit le relèvement de deux années de la durée de services des catégories actives de la fonction publique, ainsi que des militaires de carrière, qui, en raison de conditions de travail particulièrement éprouvantes, voient fort justement leur droit à liquidation de la pension ouvert beaucoup plus tôt que les autres.
Ne tenant aucun compte des spécificités de ces métiers, le Gouvernement entend appliquer à ceux qui les exercent l’allongement de la durée de travail de deux ans, comme à tout un chacun, au mépris de leur santé physique et de leur bien-être.
Pour les agents communaux des réseaux souterrains des égouts, la durée de services nécessaire à la liquidation de la pension passera de 10 à 12 ans ; celle des catégories actives de la fonction publique et des militaires non officiers sera portée de 15 à 17 ans ; enfin, celle des officiers militaires, des personnels actifs de la police et de la surveillance de l’administration pénitentiaire devra atteindre 27 ans au lieu de 25.
Ces métiers de catégorie active sont pourtant définis à l’article L. 24-1-1 du code des pensions civiles et militaires de retraite comme des emplois « présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. » Il suffit simplement d’examiner les métiers concernés pour se rendre compte de la nécessité de ne pas aggraver la situation des professionnels en cause et de maintenir en l’état leur possibilité de liquider leur pension.
Au sein de la fonction publique hospitalière, un tiers des effectifs sont classés dans cette catégorie : il s’agit particulièrement des infirmiers, des aides-soignants, des sages-femmes. Est-il besoin d’insister une fois encore sur les dégâts humains que pourrait causer une prolongation forcée d’activité avant la liquidation de la pension ?
Dans la fonction publique territoriale, ce sont essentiellement les sapeurs-pompiers qui sont concernés.
Dans la fonction publique d’État, il s’agit majoritairement des policiers, des instituteurs, des agents et chefs d’équipes d’exploitation des travaux publics de l’État et des personnels de surveillance et infirmiers de l’administration pénitentiaire, mais également des personnels des services de la surveillance des douanes et des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne.
Ces métiers difficiles doivent, dans l’intérêt du travailleur comme de la collectivité, être préservés et échapper plus particulièrement aux dégradations majeures que le Gouvernement inflige à l’ensemble de notre régime de retraite. Cela relève du bien-être collectif.
C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter pour la suppression de l’article 19.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 154.
Mme Christiane Demontès. Notre amendement est en cohérence avec ce que nous avons dit précédemment.
L’article 19 étant le résultat des articles précédents, il coordonne dans le code civil les dispositions prises au regard du relèvement des durées de services. Nous avons manifesté notre opposition au travers des amendements sur les articles précédents.
Nous voterons contre cet article, dont nous vous demandons la suppression.
M. le président. L’amendement n° 350 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 24 et 154 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Je reste, moi aussi, dans ma cohérence et, sur ces amendements de suppression de l’article 19, j’émets un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 154.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 806, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Par cet amendement, nous entendons supprimer une disposition du projet de loi qui organise, avec d’autres, le recul de l’âge du départ à la retraite pour les fonctionnaires actifs.
Je souhaite m’arrêter un instant sur le droit à la retraite d’une catégorie de fonctionnaires à laquelle la population s’intéresse beaucoup et à juste titre, la police et la gendarmerie.
Il faut le rappeler, les policiers et les gendarmes sont concernés par votre projet de loi, monsieur le secrétaire d’État, mais ils en sont aussi, en quelque sorte, les victimes.
Je vous rappelle que les policiers nationaux sont en principe des fonctionnaires de l’État. Ils dépendent, pour leurs retraites, du régime des pensions civiles.
Ils comprennent les personnels actifs divisés en trois corps : le corps de conception et de direction, le corps de commandement et d’encadrement et le corps de maîtrise et d’application.
Les personnels actifs sont classés en catégorie active, à la différence des personnels sédentaires qui sont classés, eux, en catégorie sédentaire. Cela semble aller sans dire, mais il vaut mieux le dire !
Cette différence de classification a pour principale conséquence d’engendrer un régime de retraite différent.
Pourquoi les agents en services actifs bénéficient-ils d’une possibilité de partir en retraite plus tôt ? Parce que la pénibilité leur est reconnue de manière collective et non pas individualisée.
Vous n’allez pas vérifier que chaque policier atteint le seuil de handicap nécessaire pour partir avant soixante ans, méthode que vous préconisez pourtant pour l’ensemble des salariés de manière scandaleuse.
Le métier de policier est difficile, éprouvant, surtout dans ce contexte de suppression massive de postes de fonctionnaires dans la police, que nous évoquions voilà quelques instants.
Comment pouvez-vous affirmer, monsieur le secrétaire d’État, que, dans cette situation très difficile pour la police nationale, comme pour la gendarmerie nationale, il est opportun de repousser l’âge de départ à la retraite ?
Nous nous y opposons, et c’est en toute logique que nous proposons de supprimer l’alinéa 2 de l’article 19 par le vote de notre amendement n° 806.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 807, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. L’article 19, comme l’article 18, est intéressant. En effet, il pose, au travers du droit à la retraite de certaines catégories de fonctionnaires, la question très importante de la pénibilité et de sa nécessaire reconnaissance, pour les salariés, de manière collective, et non pas individualisée comme le propose le Gouvernement.
Les sapeurs-pompiers sont concernés par l’article 19. La pénibilité évidente et incontestable de leur métier justifie ce qui ne constitue aucunement un avantage, mais une obligation de la société à leur égard.
La différence entre vous et nous, monsieur le secrétaire d’État, c’est que nous ne faisons pas deux poids et deux mesures entre, d’une part, ceux qui exercent un travail pénible dans le cadre du service actif de la fonction publique et, d’autre part, les salariés comme le maçon ou la femme de ménage que, à notre sens, on méprise, au point de leur refuser la pénibilité collectivement.
Une chose est certaine : quoi qu’il en soit, ces fonctionnaires que sont les pompiers, comme les policiers ou les militaires, sont, eux aussi, victimes de votre projet de loi, puisque vous reculez de deux années l’âge de leur départ en retraite.
Monsieur le secrétaire d’État, ne croyez-vous pas que deux années de la vie d’un pompier qui combat le feu et qui prend des risques importants pour protéger nos concitoyens, c’est long ?
Comment ne pas percevoir le caractère profondément inhumain de cette réforme qui, au nom de l’équilibre financier, au nom d’une vision comptable à courte vue, …
Mme Brigitte Bout. Oh !
M. Guy Fischer. … – c’est la vérité, madame Bout ! –, ampute des vies de deux années de retraite ? Ces deux années pourraient être heureuses.
Nous l’avons montré et démontré, des moyens existent pour une autre réforme, financée autrement.
Comme nous sommes très attachés aux sapeurs-pompiers, je demanderai un scrutin public sur l’article 19.
M. François Autain. Oui !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
Je rappelle à nouveau que les sapeurs-pompiers volontaires bénéficient déjà de deux dispositifs qui permettent de répondre à vos demandes : d’une part, le reclassement sur un poste non exposé et, d’autre part, le congé pour difficultés opérationnelles, qui correspond, de fait, à une cessation d’activité dès 50 ans.
Le Gouvernement partage toute l’attention et l’intérêt que vous portez aux sapeurs-pompiers. C’est la raison pour laquelle, malgré l’avis défavorable, je tenais à apporter cette précision.
M. le président. L'amendement n° 808, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est défendu, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 19.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 38 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article additionnel après l'article 19 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Chapitre VI
Dispositions relatives à certains statuts particuliers
Article additionnel avant l'article 20 (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 20
I. – Le premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 précitée est ainsi modifié :
1° Les mots : « vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « vingt-sept » ;
2° Il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« Cette limite d’âge évolue conformément au II de l’article 14 de la loi n° … du … portant réforme des retraites. »
I bis (nouveau). – Au troisième alinéa de l’article 1er de la même loi, les mots « cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots « cinquante-sept ans ».
II. – La loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 précitée est ainsi modifiée :
1° À l’article 3, les mots : « cinquante-sept » sont remplacés par les mots : « cinquante-neuf » ;
2° À l’article 4, le mot : « cinquante » est remplacé par les mots : « cinquante-deux » et les mots : « quinze ans, au moins, de services actifs ou de la catégorie B prévus à » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans, au moins, de services effectifs dans des emplois classés dans la catégorie active mentionnés au 1° du I de ».
III. – L’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 précitée est ainsi modifié :
1° Au I, les mots : « cinquante-cinq » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa du II, les mots : « vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « vingt-sept ».
III bis (nouveau). – L’article 93 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « vingt-cinq ans de services publics effectifs dont quinze ans de services dans un emploi de surveillance » sont remplacés par les mots : « vingt-sept ans de services publics effectifs dont dix-sept ans de services dans un emploi de surveillance » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « cinquante-huit ans », « l’âge de soixante ans » et « le jour du soixantième anniversaire » sont remplacés respectivement par les mots : « soixante ans », « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » et « le jour auquel le fonctionnaire atteint l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;
3° Au quatrième alinéa, les mots : « vingt-cinq ans » et « cinquante-huit ans » sont remplacés respectivement par les mots : « vingt-sept ans » et « soixante ans ».
III ter (nouveau). – Le III de l’article 125 de la loi n° 83-1179 du 29 décembre 1983 de finances pour 1984 est ainsi modifié :
1° Les mots : « cinquante-cinq ans » sont remplacés par les mots « cinquante-sept ans » et les mots : « quinze ans de service effectif » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans de service effectif » ;
2° Le septième alinéa est supprimé.
IV. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 952-10 du code de l’éducation, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept ».
V. – L’article L. 416-1 du code des communes est ainsi modifié :
a) Les 1° et 2° sont abrogés ;
b) Au 3°, le mot : « cinquante » est remplacé par les mots : « cinquante-deux » et les mots : « dix années dans ces services, dont cinq années consécutives » sont remplacés par les mots : « douze années de services, dont la moitié de cette durée accomplie de manière consécutive ».
VI. – Au premier alinéa de l’article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux, les mots : « soixante ans s’il occupe un emploi de la catégorie A, à cinquante-cinq ans s’il occupe un emploi de la catégorie B, à cinquante ans » sont remplacés par les mots : « cinquante-deux ans ».
VI bis (nouveau). – Au i de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « cinquante-sept ans », « l’âge de soixante ans » et « au moins quinze ans de services militaires effectifs » sont remplacés respectivement par les mots : « cinquante-neuf ans », « l’âge mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » et « au moins dix-sept ans de services militaires effectifs ».
VII. – Le II de l’article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat est ainsi modifié :
1° Au troisième alinéa, le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept » ;
2° Au quatrième alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « soixante-deux ».
VIII. – À la première phrase du I de l’article 37 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010 précitée, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept ».
VIII bis (nouveau). – À l’article 78 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les mots : « soixante » sont remplacés par les mots : « « soixante-deux ».
IX. – À l’article 20 de la loi n° 47-1465 du 8 août 1947 relative à certaines dispositions d’ordre financier et à l’article L. 422-7 du code des communes, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept ».
IX bis. – À la seconde phrase du premier alinéa du III de l’article 76 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « mentionné à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ».
IX ter. – À la première phrase du deuxième alinéa de l’article 17 de la loi n° 90-1067 du 28 novembre 1990 relative à la fonction publique territoriale et portant modification de certains articles du code des communes, les mots : « service de quinze » sont remplacés par les mots : « services effectifs de dix-sept » et les mots : « cinquante-cinq » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept ».
IX quater. – Au quatrième alinéa du I de l’article 37 de la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004, les mots : « cinquante-cinq » sont remplacés par les mots : « cinquante-sept » et le mot : « quinze » est remplacé par les mots : « dix-sept ».
IX quinquies. – Le code de la justice administrative est ainsi modifié :
1° L’article L. 233-7 est ainsi modifié :
a) À la fin, les mots : « pendant une durée de trois ans non renouvelable » sont remplacés par les mots : « jusqu’à l’âge maximal de maintien mentionné à l’article 1er de la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’État » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Nul ne peut être maintenu en activité dans une juridiction qu’il a présidée au cours de sa carrière. » ;
2° L’article L. 233-9 est abrogé à compter du 1er juillet 2011.
X. – L’âge auquel la pension peut être liquidée par les agents mentionnés aux I à IX quater du présent article évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 8. La limite d’âge de ces agents évolue dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 11 et au II de l’article 14. Les durées de services effectifs mentionnées dans les mêmes I à IX quater évoluent dans les conditions fixées par le décret prévu au II de l’article 18.
XI. – Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures de relèvement des âges d’ouverture du droit à pension et des limites d’âge prises, par voie réglementaire, pour les autres régimes spéciaux de retraite.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. L’article 20, même s’il ne comporte que des mesures de coordination, pose un certain nombre de problèmes sur lesquels je souhaite revenir.
En allongeant les durées de services d’un certain nombre de fonctionnaires, l’article 20 conduira à prolonger inutilement les carrières au-delà du raisonnable, notamment dans des métiers aussi exposés que ceux de surveillant des services pénitentiaires ou encore de sapeur-pompier professionnel.
Dans certains métiers, comme ceux que je viens de citer, l’âge commence à être un obstacle à l’accomplissement normal des fonctions professionnelles et le risque existe de ne plus avoir la vigilance et l’efficacité nécessaires pour réagir à une situation de tension.
Au-delà du risque pesant sur les conditions objectives d’accomplissement des missions de service public, se pose aussi le problème du goulot d’étranglement des postes budgétaires disponibles que provoquera la prolongation de la carrière de certains.
Nous nous trouvons, rappelons-le, dans un contexte où l’on cherche, coûte que coûte, à réduire l’emploi public. Ce processus a déjà une influence notable sur le mouvement des mutations, les promotions et le nombre de postes ouverts aux concours de recrutement de nouveaux fonctionnaires.
Je ne sais pas si nous sommes durablement installés dans un tel processus. Toujours est-il que le nombre des départs à la retraite non remplacés est déjà suffisamment élevé pour rendre presque inutile l’organisation de tel ou tel concours, dans tel ou tel corps de la fonction publique.
Si, à présent, on décide de retenir coûte que coûte en activité des fonctionnaires âgés, on procédera rapidement à une quasi-extinction du mouvement des mutations et, plus encore, à la quasi-disparition des concours de recrutement, ce qui aura pour conséquence, notamment, d’empêcher un renouvellement plus important des cadres, avec tout ce que cela implique pour l’avenir de la fonction publique. En particulier, le déséquilibre entre le nombre des cotisants et celui des ayants droit des régimes de retraite du secteur public risque de s’accentuer.
C'est pourquoi nous ne pouvons donc que rejeter, sans hésitation, cet article 20.
Monsieur le secrétaire d'État, comme le temps qui m’est imparti n’est pas encore écoulé, je voudrais revenir sur le débat que nous avons mené avec vous à propos de l’article 8 du projet de loi.
En effet, vous avez évoqué hier un dispositif, que vous n’avez pas nommé, qui permettait aux pompiers de bénéficier d’un congé ou d’un reclassement.
Je me suis reporté aux débats de l’Assemblée nationale, et plus précisément à la journée du 10 septembre dernier, où vous aviez également fait référence à ce dispositif. Vous évoquiez alors le congé pour difficulté opérationnelle, le CDO.
Permettez-moi de citer vos propos : « [Pour] les pompiers, […] il est fait application du congé pour difficulté opérationnelle qui, dès 50 ans, peut conduire à ce que les sapeurs-pompiers soient rémunérés tout en restant à leur domicile […] ».
Monsieur le secrétaire d'État, vous n’êtes pas sans savoir que le CDO a été aboli et remplacé par le CRO, le congé pour raison opérationnelle. Si ce dernier dispositif est plus favorable que le précédent, encore faut-il qu’il soit attribué, ce qui, de l’avis des organisations syndicales que nous avons reçues, ne se produit que très rarement.
Ce dispositif s’inscrit dans la logique d’une approche individuelle et très médicalisée de la prise en compte des souffrances et des pénibilités, puisque le CDO s’appliquait, lui, de plein droit quand le sapeur-pompier le demandait.
Par ailleurs, je souhaite revenir sur la question de la surcotisation. Vous nous avez affirmé que la « bonification du cinquième » était une validation gratuite de cotisations. Or les pompiers surcotisent à hauteur de 3,8 %, contre 3,6 % pour l’employeur. Ce dispositif, je le rappelle, a été mis en place par le décret n° 91-969, et il est donc lié à l’intégration de la prime de feu dans le salaire de base.
Mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais rappeler à l'occasion de cette intervention.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 25 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 157 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 351 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 25.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Avec cet article 20, il s’agit, en fait, de décliner l’application de la réforme des retraites dans un ensemble de professions du secteur public soumises à des régimes spéciaux.
Les dispositions prévues à cet article se présentent de façon assez marquée comme une simple coordination, mais elles produisent en réalité un volume non négligeable de pseudo-économies pour le compte spécial de pensions.
Sont ainsi directement visés les personnels actifs de la police, les agents du contrôle aérien, les personnels de surveillance des établissements pénitentiaires et les enseignants de nos universités, entre autres métiers, et je salue au passage les sapeurs-pompiers professionnels !
Pour faire bonne mesure, la commission des affaires sociales a voté quelques amendements complémentaires qui tendent à mettre en cause les bonifications de carrière de certains agents, après que l’Assemblée nationale a allongé la liste des professions visées en y introduisant, notamment, les aides-soignants. La démarche menée par le Gouvernement et sa majorité, comme nous l’avons vu lors de l’examen des articles 8 et 9, tend donc à faire payer une partie de la réforme des retraites aux agents du secteur public.
On aura noté précédemment que, pour le moment, la plus sérieuse source de recettes induites est la mise en cause des statuts spécifiques des catégories dites « actives », même si la décote doit largement jouer son rôle dans les années à venir.
Allonger la durée de cotisation des agents publics, c’est effectivement exposer un plus grand nombre d’entre eux à la décote, surtout quand on sait que les fonctionnaires disposent, de manière générale, d’une durée de cotisation légèrement supérieure à 144 trimestres.
Cela signifie que, si leur emploi public a été le seul de leur vie professionnelle, ils s’exposeront rapidement à une décote importante sur leur pension : le passage à 40 annuités impliquait déjà la validation de 160 trimestres ; celui à 41,5 annuités placerait la barre à 166 trimestres.
Nul doute que le Gouvernement attend de cette situation qu’elle lui permette de dégager quelques menues économies au sein des effectifs appelés, chaque année, à faire valoir leur droit à pension.
L’article 20 consacre donc l’ensemble des attaques portées au statut des fonctionnaires : allongement de la durée de cotisation, minoration du droit à pension, réduction des bonifications, élargissement du risque de décote, etc. Mes chers collègues, nous ne pouvons que vous appeler à le repousser sans la moindre équivoque, en adoptant notre amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 157.
Mme Raymonde Le Texier. L’intention du Gouvernement est toujours la même.
Il applique aux régimes spéciaux le relèvement des bornes d’âge prévu par le projet de loi, dès que la montée en charge de la réforme de 2008 sera achevée, c’est-à-dire à la fin de l’année 2017. Pour notre part, nous condamnons le dispositif dans toutes ses déclinaisons.
Nous l’avons dit et nous le répétons, le groupe socialiste, comme la société française dans son ensemble, sait qu’une réforme des retraites est nécessaire, mais il veut qu’elle soit juste. Il n’ignore pas que le seuil des 60 ans constitue pour les Français un bouclier social, que vous entendez supprimer mais que nous jugeons indispensable à la cohésion sociale.
Nous demandons donc la suppression de cet article 20.
M. le président. L’amendement n° 351 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 25 et 157 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Cette explication de vote vaudra aussi pour l’article 20, monsieur le président.
Je me permettrai de citer quelques extraits d’une longue lettre que nous a envoyée une retraitée de la fonction publique, peu de temps après avoir appris que le présent texte viendrait en débat au Sénat :
« Le 30 juin 1950, j’ai quitté les bancs du lycée sur lesquels j’avais continué ma scolarité après le passage du brevet.
« Le 1er juillet de la même année, j’entrais comme agent auxiliaire dans le bureau de poste de ma commune de résidence pour commencer à y travailler comme opératrice du téléphone.
« J’avais à l’époque 18 ans et nous étions chargées, moi et mes collègues, de mettre en relation, sur les antiques standards téléphoniques à fiches, les personnes qui appelaient l’opératrice et les numéros de téléphone qu’elles voulaient joindre.
« Durant toutes les années cinquante et soixante, j’ai pratiqué à peu près tous les métiers de l’administration des postes et télécommunications.
« J’ai été, un temps, employée au centre des chèques postaux de Paris, où je passais mon temps à faire de la saisie mécanographique des opérations avant que de procéder à la destruction des chèques émis par les clients.
« J’ai intégré les services d’exploitation du téléphone, au moment où l’État avait décidé de procéder au développement du réseau national, en abandonnant peu à peu le réseau dit “manuel” pour le réseau automatique.
« Pour le téléphone, j’ai connu toutes les évolutions technologiques, jusqu’au jour où, en deux secondes, la France a ainsi pu basculer de la numérotation à sept chiffres à la numérotation à huit chiffres.
« J’ai aussi travaillé en bureau de poste, à une époque où la France comptait 18 000 bureaux, c’était même la publicité grand public de La Poste,… » – Je vois que M. Longuet acquiesce. Il a l’air tout à fait au courant ! – « …et où nous nous attachions à permettre aux usagers de recevoir leur courrier le lendemain de son envoi.
« Comme j’ai commencé à travailler à 18 ans, j’ai cotisé pendant 41,5 annuités à la retraite.
« Et comme j’ai fini ma carrière en position de cadre B, je dispose aujourd’hui d’une retraite qui dépasse un peu les 1 800 euros mensuels, d’autant que j’ai eu deux enfants de mon mariage, même si mon mari est aujourd’hui décédé.
« Cette retraite, inférieure de plus de 20 % à ma dernière rémunération – qui dépassait certes les 2 000 euros, mais au bout de plus de 40 années de carrière – est considérée comme trop élevée pour que je puisse aujourd’hui percevoir du régime général la moindre réversion de la retraite de mon mari.
« Alors que celui-ci, décédé avant l’âge de 60 ans, a cotisé pendant 35 ans, je ne touche que la réversion de quelques caisses de retraite complémentaire auxquelles il avait souscrit au fil de sa carrière.
« Avec ce que je perçois comme pension, je ne me considère pas comme une privilégiée, et mon revenu me permet de faire face, sans trop de difficultés mais en faisant tout de même attention, aux charges de ma maison et de profiter de ma retraite pour faire quelques voyages.
« Rien de sensationnel, d’autant que ma santé s’est détériorée avec le temps et que je dois suivre plusieurs traitements ».
Mes chers collègues, cette situation-là n’a rien d’exceptionnel. Elle est même finalement assez banale. Tout au plus peut-on dire que certains agents du secteur public ont eu une carrière aussi longue que cette personne, mais perçoivent une pension plus faible, parce qu’ils n’ont pas terminé leur carrière au même niveau.
Ce qui est certain, c’est que l’ensemble des mesures dites « de coordination » de l’article 20 conduiront, à un titre ou à un autre, à minorer les droits à pension et s’attaqueront au pouvoir d’achat des retraités du secteur public.
Mes chers collègues, je vous remercie de m’avoir écouté patiemment.
M. Jean Desessard. Attentivement !
M. Guy Fischer. Je crois qu’il était important de faire entendre la voix…
M. Gérard Longuet. De la base !
M. Guy Fischer. Tout à fait, cher collègue ! C’est la voix de la base, des Français ordinaires, de la proximité.
M. Jean Desessard. Et des cadres B de La Poste !
M. Guy Fischer. Nous ne voterons donc pas cet article et nous vous invitons bien sûr à adopter ces amendements tendant à le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 25 et 157.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 809, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1 à 5
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement tend à supprimer les alinéas 1 à 5 de cet article, qui portent, pour les agents de police, le droit à la retraite à 27 ans de cotisations, contre 25 ans à l’heure actuelle.
En effet, contrairement à ce que le Gouvernement voudrait faire croire, les régimes spéciaux sont concernés. Si la loi ne leur est pas applicable aujourd'hui, elle le sera demain, en 2017, ce qui vous permettra d’agir par la suite, par la voie réglementaire, c’est-à-dire de manière dissimulée, mais surtout en évitant ce front commun des mobilisations que vous craignez plus que tout.
Par cet amendement, nous entendons rappeler le caractère profondément injuste de votre réforme. L’ensemble des dispositions affectant les droits en matière de retraite représenterait une ponction de 22,6 milliards d’euros en 2018 et de 25,1 milliards d’euros en 2020.
Parallèlement, les propositions concernant la mise à contribution des hauts revenus, des revenus du capital et des entreprises ne font qu’égratigner les dispositions en faveur de ces derniers. Il est vrai que la taxation dont il est question ici n’est qu’illusoire. Il s’agit de donner le change à celles et ceux qui, contrairement à vous, proposent de réelles mesures de solidarité. En outre, comme vous refusez de mener une politique courageuse à l’égard des marchés financiers, vous reportez les efforts sur les salariés et les fonctionnaires !
Le prix de la réforme pour la fonction publique serait de 10 milliards d’euros en 2020 sur 25 milliards d’euros de ponction sur les salaires et les retraites, soit 40 % de l’effort total, alors que les fonctions publiques représentent 20 % de l’emploi salarié en France.
Cela passe, notamment, par une réduction des droits découlant du service actif qui reconnaît collectivement, par corps, la pénibilité dans la fonction publique et donne droit à un départ anticipé.
Pourtant, les agents de la police nationale connaissent réellement des conditions de travail dégradées.
Comment pourrait-il en être autrement quand le ministre de l’intérieur fait de la culture du résultat l’alpha et l’oméga de sa politique, alors que, dans le même temps, la RGPP conduira à la suppression de 10 000 postes entre 2004 et 2012, dont 4 000 postes rien que cette année ?
Si vous poursuivez cette politique, les agents et les Français doivent le savoir, il ne restera plus, à terme, que 100 000 policiers pour effectuer l’ensemble des missions de sécurité sur le territoire. C’est dire s’il sera porté atteinte aux conditions de travail de cette catégorie !
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression des alinéas 1 à 5 de cet article.
M. le président. L'amendement n° 810, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Vous savez désormais ce que nous pensons de l’application de cet article aux agents de la police nationale et les raisons pour lesquelles nous y sommes opposés. Je n’y reviendrai donc pas.
Avec cet amendement, nous proposons la suppression du cinquième alinéa de cet article, qui reporte de deux ans l’âge à partir duquel les bonifications du « cinquième » sont minorées. En d’autres termes, vous trouvez là un moyen supplémentaire de réduire les retraites et les pensions des agents de la police nationale. Certes, vous avez fait le choix de prolonger la durée d’activité de ces agents. Pour autant, vous n’étiez pas obligé de modifier les règles concernant les bonifications du « cinquième ».
C’est pourquoi, afin de ne pas continuer à pénaliser les agents de police, nous demandons la suppression de cet alinéa.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 809 et 810.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 809 et 810.
Monsieur Autain, si nous suivions votre proposition présentée à l’amendement n° 810, tous les fonctionnaires de police seraient pénalisés.
Le report de deux ans que propose le Gouvernement permet d’éviter une extinction précoce du dispositif. La disposition est donc cohérente.
Je comprends tout à fait la logique de votre amendement, qui s’inscrit dans une perspective d’abandon du dispositif général. Toutefois, les limites d’âge étant repoussées de deux années, il faut automatiquement prévoir cette mesure de coordination.
En tout état de cause, si vous le souhaitez, je reste à votre disposition pour en rediscuter avec vous.
M. le président. L'amendement n° 811, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Avec cet amendement, nous entendons supprimer les dispositions de cet article qui sont applicables aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne. Cette profession, dont le statut a d’ailleurs été remis en cause par la directive européenne dite « Ciel unique », joue, vous le savez, un rôle important, car elle assure la chaîne de sécurité.
Au-delà de ce cas spécifique, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons dénoncer le sort que vous réservez aux salariés dont le régime de retraite est dérogatoire au droit commun.
Je pense particulièrement à la manière dont vous avez refusé le dialogue social. En effet, les salariés des régimes de retraite réglementaires n’ont appris que vers la fin du mois de mai dernier s’ils seraient ou non concernés par le projet de loi.
D’ailleurs, les déclarations de M. Éric Woerth ont été très évasives, indiquant, en ce qui concerne les régimes spéciaux : « le sujet a été très largement abordé », lors de la réforme de 2007, et « beaucoup a été fait, ils sont en train de converger vers le système général. ». Ces propos tendaient à faire croire que les régimes spéciaux ne seraient pas concernés. On se souvient aussi de cette autre déclaration : « Nous respecterons à la lettre les engagements qui ont été pris en 2007. […] Les régimes spéciaux ont été réformés et considérablement réformés. »
On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien, puisque votre réforme sera applicable dès 2017 à l’ensemble des salariés des régimes dits spéciaux. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les cheminots, les dockers ou les agents des transports publics sont mobilisés contre votre projet de loi.
En réalité, ce qui compte pour vous, dans votre stratégie qui consiste à opposer les Français entre eux, c’est de pouvoir faire la démonstration que les bénéficiaires des régimes spéciaux, que vous présentez comme des privilégiés, sont eux aussi concernés.
Cependant, les privilégiés ne sont pas ceux que vous montrez du doigt ; ce sont celles et ceux qui n’ont pas besoin de travailler pour gagner de l’argent, et en gagner beaucoup. Ainsi, la plus grande fortune de France, qui est également le plus gros bénéficiaire du bouclier fiscal, perçoit plus de 32 000 euros de salaire par jour, ce qui équivaut à une rémunération égale à 25 355 fois le SMIC. Et l’on voudrait encore nous faire croire que ce sont les agents de la RATP, de la SNCF ou les salariés des mines qui seraient des privilégiés !
Alors que la crise n’est pas encore finie et que l’on demande aux salariés d’en payer le prix, les dividendes, eux, ne cessent de fleurir. Si l’on en croit Le Figaro du 23 février 2010, un tiers des entreprises cotées au CAC 40 ont augmenté les dividendes qu’elles distribuent à leurs actionnaires. Sept entreprises sur vingt-trois se montrent plus généreuses avec leurs actionnaires : en tête de peloton se trouve BNP Paribas et, en queue, sa rivale, la Société Générale, qui a pu obtenir de l’État le remboursement d’une part importante des dettes qu’elle a enregistrées en raison des pratiques spéculatives qu’elle laissait se développer, voire qu’elle encourageait.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Bien que nous ayons déjà abordé la question des aiguilleurs du ciel à deux reprises, à l’occasion de l’examen de l’article 14 et, à l’instant, avec la présentation de cet amendement par M. Vera, il me semble utile d’apporter une précision supplémentaire.
Monsieur le secrétaire d'État, vous prenez souvent les exemples européens pour justifier votre réforme et vos politiques en général. Permettez-moi de faire de même en vous rappelant que, dans tous les pays européens, y compris dans ceux où la sécurité aérienne est assurée par des entreprises privées, l’âge de départ à la retraite est inférieur à 55 ans. Il faut dire que tous les pays ont compris que, pour assumer les responsabilités qui sont les leurs, mieux valait que les personnels concernés soient en bonne santé. C’est d’ailleurs ce postulat de base qui a conduit l’Europe à renforcer les critères médicaux et à étendre les causes d’inaptitude.
Prolonger la durée d’activité de ces agents aux missions singulières, c’est donc prendre le risque de multiplier les cas de licenciement pour inaptitude, ce qui n’est souhaitable ni pour les comptes sociaux ni pour les salariés concernés.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous invitons à voter cet amendement.
10
Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi
M. le président. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, déposée sur le bureau de notre assemblée.
11
Communications du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le Président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du 15 octobre 2010 :
- une décision du Conseil d’État sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010-84 QPC) ;
- et une décision de la Cour de cassation sur une question prioritaire de constitutionnalité (n° 2010-85 QPC).
Acte est donné de ces communications.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à vingt et une heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
12
Réforme des retraites
Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée
(Texte de la commission)
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites.
Nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 20.
Article 20 (suite)
M. le président. L'amendement n° 812, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 9 à 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le III de l’article 20, dont nous proposons la suppression, prévoit de repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite pour les fonctionnaires appartenant aux corps du personnel de surveillance de l’administration pénitentiaire.
Ces agents sont, comme vous le savez, des acteurs indispensables de la vie en milieu carcéral. La dégradation de leurs conditions de travail, l’accroissement du stress, qui résulte notamment du manque cruel et grandissant de moyens, nous conduisent à proposer que ces agents ne soient pas concernés par cette loi, même en 2017.
Nous ne savons que trop, en effet, que vous entendez poursuivre dans l’avenir votre politique comptable de destruction des emplois publics. Le projet de budget pour 2011 du ministère de la justice en est la triste démonstration, puisqu’il ne prévoit aucune revalorisation indemnitaire et statutaire. Il limite les créations d’emplois à 413 et étend la réserve civile pénitentiaire.
Cette dernière mesure constitue une négation du stress qu’engendre ce métier et constitue une remise en cause insidieuse des difficultés de ce travail. Car, après tout, si un retraité peut le faire, c’est que ce n’est pas si dur que cela !
Pour vous, les surveillants pénitentiaires doivent travailler plus longtemps, y compris après leur départ à la retraite. Cette vision, nous ne la partageons pas. C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de ces alinéas.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. La commission est évidemment défavorable à cet amendement qui vise à supprimer les alinéas 9 à 11 de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État chargé de la fonction publique. Même avis, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. J’ai une demande à formuler plus particulièrement à l’intention de M. le ministre.
Je reviens de Neuilly-sur-Marne, ville située à quinze kilomètres de Paris. Ce soir, j’ai pu constater que les automobilistes s’affolent devant les stations-service où les files d’attente atteignent plusieurs centaines de mètres dans certains secteurs. Le département de Seine-Saint-Denis a été également le théâtre de scènes extrêmement conflictuelles entre la police et les jeunes.
D’ailleurs, monsieur le ministre, vous avez très mal répondu à Mme Voynet ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Oh ! Ce n’est pas bien !
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Je lui ai très bien répondu !
M. Jacques Mahéas. Le jour où vous aurez un enfant qui aura reçu un flash-ball, peut-être réagirez-vous d’une façon différente ! Dans ma ville, cela m’est arrivé ! Donc, je sais de quoi je parle ! (M. le ministre proteste.)
Monsieur le ministre, avez-vous relu ce que vous avez dit ?
M. Jacques Mahéas. Moi aussi, j’ai honte pour vous ! C’est tout à fait réciproque !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous n’étiez pas là quand M. le ministre a répondu !
M. Jacques Mahéas. On a le droit de lire les comptes rendus ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Si vos propos ont été mal rapportés, faites faire des rectifications !
Les étudiants et les lycéens sont traités en irresponsables. (M. Nicolas About s’exclame.) Très franchement, je pense que tel n’est pas le fond de la pensée de plusieurs d’entre vous ici.
S’agissant de ce texte, les sondages sont très mauvais pour vous. Je vais vous faire une proposition qui vous paraîtra vraisemblablement provocatrice, monsieur le ministre : demandez une suspension de séance. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Patrick Courtois. Et comment donc !
M. Jacques Mahéas. Téléphonez éventuellement à M. le Président de la République pour demander que l’on s’arrête là et que l’on remette tout à plat sur la table ! (Protestations sur les mêmes travées.) Demandez qu’entre hommes de bonne volonté, on trouve une solution, parce qu’on frôle de graves difficultés ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous ceux qui ont eu à cœur, dans cette enceinte, de travailler sur la loi pénitentiaire, qui n’a bien entendu pas donné de résultats entièrement satisfaisants ni reçu l’ombre d’une application à ce jour, savent très bien que la question de la vie dans les établissements pénitentiaires tient beaucoup non seulement à un certain nombre de modifications de la législation, mais aussi à la qualité du travail du personnel.
À cet égard, chacun sait, parce qu’on a eu l’occasion d’en parler ici pendant de très longues heures, que la situation des personnels pénitentiaires n’est, en général, pas très enviable.
Je pense à ceux d’entre eux qui font l’effort – tous ne le font peut-être pas – de contribuer à rendre la vie en détention supportable pour les uns et les autres. C’est un bien mauvais signe qu’on leur envoie en refusant de maintenir pour eux le droit à pension qu’ils ont aujourd’hui !
M. le président. L'amendement n° 813, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 12 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je voudrais faire un commentaire sur la politique menée par le Gouvernement au travers de cette réforme des retraites.
Le souci du Gouvernement, dans sa volonté de réduire les déficits budgétaires, est de faire pression pour diminuer de manière drastique les dépenses publiques. Il demande au plus grand nombre de faire des économies pour qu’elles se fassent avant tout sur le dos des travailleurs.
Lors de nos débats, vous avez affirmé, monsieur Woerth, que nous n’aimions pas les entreprises. Ce propos nous paraît scandaleux ! Mais à voir la politique que vous menez, on pourrait vous rétorquer que de votre côté, vous n’aimez pas le monde du travail !
M. Nicolas About. Oh !
M. Guy Fischer. Vous n’aimez pas le monde des salariés, des fonctionnaires, des précaires, qui participent, de par leurs efforts, à dessiner la société que nous connaissons actuellement et qui, il faut le dire, est riche des richesses ainsi produites.
Nous pensons que si vous n’aimez pas le monde du travail, c’est certainement que vous lui préférez celui de la spéculation ! (M. Nicolas About s’exclame.)
Votre politique, nous l’avons définie, à juste raison, comme étant une politique de classe. Ce sentiment, qui n’avait pas été éprouvé depuis très longtemps, est ressenti par beaucoup de travailleurs, de salariés, et se résume, en fait, à la sensation d’un affrontement des marchés contre le monde du travail.
La preuve en est fournie par les alinéas que cet amendement vise à supprimer. En effet, le III bis, tel qu’il est issu des travaux de notre commission, prévoit de repousser de deux ans l’âge à partir duquel les fonctionnaires, et plus spécifiquement les agents des douanes, bénéficient d’une majoration.
C’est en ce sens que s’inscrit votre logique : il s’agit d’une réforme strictement, exclusivement comptable, qui nie les besoins des populations. Une négation qui ne repose que sur une seule conviction : nier ces besoins, rendre incontournable cette réforme et éviter de poser la question d’un financement juste et solidaire.
C’est la raison pour laquelle nous proposons la suppression des alinéas 12 à 15 de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est un avis défavorable, puisqu’il s’agit d’amputer l’article de quatre alinéas !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 814, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pur amendement de coordination, cet amendement de notre groupe appelle, toutefois, quelques observations.
Les trois alinéas dont nous demandons la suppression portent sur une profession particulièrement populaire et qui jouit, notamment auprès des jeunes enfants et adolescents, d’un certain prestige, je parle des sapeurs-pompiers professionnels.
Bien entendu, ce dont nous parlons ici recouvre les personnels des services départementaux d’incendie et de secours, personnels civils, à la différence des sapeurs-pompiers de la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris et de ceux du Bataillon des marins-pompiers de Marseille.
Au détour de cette réforme des retraites, nous voyons remis en cause un élément essentiel du statut de ces agents territoriaux, un statut qui a fait l’objet à plusieurs reprises ces dernières années de controverses et d’actions revendicatives des professionnels eux-mêmes.
Cette prolongation de la durée de services ignore souverainement les sujétions particulières auxquelles sont soumis les sapeurs-pompiers, dont la conscience professionnelle, le dévouement à la chose publique et l’attachement à la qualité de leur travail sont pourtant unanimement reconnus.
Un service d’incendie et de secours fonctionne évidemment vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, jours fériés compris.
Il faut donc, à chaque instant, en temps réel, dirait-on aujourd’hui, disposer des forces nécessaires et suffisantes pour faire face à tout sinistre, quelle que soit sa nature – incendie de forêt, inondation à la suite d’intempéries violentes, accident de la circulation, feu dans un immeuble, etc. –, ce qui suppose d’organiser des astreintes, avec les contraintes que celles-ci impliquent pour la vie personnelle et familiale des pompiers.
En balayant « par coordination » le statut de l’ensemble des catégories actives, l’article impose donc aux sapeurs-pompiers de nouvelles obligations de service. De surcroît, il conditionne l’octroi des bonifications à un allongement de la durée du service actif.
Cette situation aura d’ailleurs pour conséquence de reporter vers les collectivités locales la gestion du contentieux social qui émergera naturellement de cette dégradation des conditions d’exercice du droit à pension.
Nous vous invitons donc, pour pallier ce risque de conflit social, à supprimer les alinéas 16 à 18 de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. Permettez-moi tout d’abord de faire une observation sur la forme.
Le texte des alinéas dont il est question dans cet amendement ne figurait pas dans le projet de loi initial.
On peut évidemment se demander pourquoi le Gouvernement avait adopté une telle rédaction au départ, mais au vu de la discussion et du contenu des ajouts de l’Assemblée nationale, on mesure très vite le sens de cette méthode. Celle-ci consiste à garder le silence sur ses intentions jusqu’au bout pour éviter, d’une part, sans doute, un avis circonstancié du Conseil d’État, qui n’aurait pas été nécessairement positif, et, d’autre part, une réaction immédiate des sapeurs-pompiers professionnels concernés par ces alinéas avant même le début de la discussion du texte au Parlement.
Cet amendement vise donc à mettre le doigt sur la méthode gouvernementale, qui consiste à négliger le dialogue social, notamment dans la fonction publique, puis à distiller le recul social en tentant chaque fois de prendre de vitesse toute réaction d’opposition. C’est l’illustration que ce texte a bel et bien pour objet d’organiser un recul social généralisé.
J’ajouterai un dernier point au sujet des sapeurs-pompiers. Nous aborderons plus tard dans nos débats les articles relatifs à la pénibilité. S’il y a bien un métier pour lequel la pénibilité est établie, en raison des contraintes horaires et des risques professionnels évidents, c’est celui de sapeur-pompier.
Or, avant même toute négociation sur le thème, que trouvons-nous ici ? Rien d’autre qu’un allongement contraint des carrières et des sujétions, c’est-à-dire, a fortiori, une extension du domaine de la pénibilité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, pour explication de vote.
Mme Samia Ghali. Je souhaite intervenir au sujet des sapeurs-pompiers, notamment ceux de Marseille.
En effet, lorsque de gros feux se déclarent dans cette ville, parfois même plus largement dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ou PACA, ce qui est ordinairement le cas en période estivale, ces personnels interviennent de manière dévouée, ne comptent pas leurs heures et, souvent, mettent leur vie en péril. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Nicolas About. Ce sont des militaires !
Mme Samia Ghali. À Marseille, ils ont un statut particulier ; vous devriez vous renseigner, mes chers collègues ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
Étant marseillaise, j’ai quelque raison d’évoquer les sapeurs-pompiers de Marseille et de les défendre ! En tout cas, je ne pense pas qu’il soit interdit de parler d’eux.
Mme Isabelle Debré. Il n’y a pas que Marseille !
Mme Samia Ghali. Rien ne vous empêche, d’ailleurs, chers collègues, de défendre les sapeurs-pompiers des autres villes !
Puisque vous semblez d’accord avec mon groupe et le groupe CRC-SPG (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), vous allez sans doute, à l’instar de mes collègues communistes et socialistes et de moi-même, voter cet amendement, et même des deux bras, pour soutenir les sapeurs-pompiers de France, notamment ceux de Marseille !
En effet, ces professionnels sont toujours prêts à aller secourir des personnes au détriment de leur propre vie, dans des conditions peu aisées. On ne leur facilite d’ailleurs pas toujours le travail. Il me paraît donc important de tenir compte des spécificités de cette profession, chère aux Français et reconnue par nos concitoyens, et de la soutenir en votant, tout simplement, cet amendement.
Puisque vous avez l’air si décidés, mes chers collègues de la majorité, je suis sûre que vous le voterez avec nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Patrick Courtois. Il n’est pas applicable !
M. le président. L'amendement n° 815, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 20 à 22
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les agents des douanes, un service dépendant du ministère des finances, sont visés par la minoration des bonifications de pension telle qu’elle est prévue.
Comme pour les fonctionnaires de police, cette disposition a été ajoutée par l’Assemblée nationale, au travers d’un amendement au texte initial du projet de loi, c’est-à-dire dans les conditions d’un débat tronqué.
Débat tronqué à l’Assemblée nationale et absence de dialogue social au sein de la Direction générale des douanes et des droits indirects, la DGDDI, tel est le cocktail qui a présidé à la rédaction de cette disposition.
Concrètement, il s’agit de faire économiser quelques millions ou dizaines de millions d’euros sur le dos de la vingtaine de milliers d’agents des douanes et de ceux qui, parmi eux, devront retarder leur départ à la retraite ou, à défaut, partir plus tôt, mais avec une retraite dont le montant aura subi une décote, alors même qu’ils auront déjà pâti de la minoration de la bonification de leur pension.
Leur carrière sera donc plus longue et les majorations de pension moins importantes, ce qui, au final, les conduira à percevoir une retraite d’un montant moins élevé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je répéterai à M. Vera ce que j’ai indiqué tout à l’heure à M. Autain. Si un tel dispositif n’était pas mis en place, l’effet inverse de celui qu’il a évoqué se produirait : en réalité, les fonctionnaires concernés seraient perdants, puisque cette mesure vise à ajuster le dispositif de bonification au décalage de l’âge.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 1202, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
VI. - À la seconde phrase du 1er alinéa de l'article 111 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, les mots : « quinze ans » sont remplacés par les mots : « dix-sept ans ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le projet de loi ne prévoit pas, dans sa rédaction actuelle, le relèvement de la condition de durée de services de deux ans pour les agents de catégorie active qui ont été transférés aux collectivités locales dans le cadre de l’acte II de la décentralisation.
Afin d’assurer l’égalité de traitement pour l’ensemble des agents classés en catégorie active, cet amendement vise à étendre ce relèvement, tout en supprimant une disposition inutile.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme l’a très bien expliqué M. le rapporteur, il s’agit d’un amendement de normalisation.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 554 est présenté par MM. de Rohan, Beaumont, J. Blanc, Borotra, Cambon, Cléach, Couderc, del Picchia et Dulait, Mme B. Dupont, MM. Faure, J.P. Fournier et François-Poncet, Mmes Garriaud-Maylam et G. Gautier, M. J. Gautier, Mme N. Goulet, MM. Guerry, Kergueris, Laufoaulu et Loueckhote, Mme Michaux-Chevry et MM. Pasqua, Paul, Pintat, Poncelet, Pozzo di Borgo, Raffarin, Romani et Trillard.
L'amendement n° 648 est présenté par MM. Pozzo di Borgo et Maurey.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 24
Supprimer les mots :
au moins quinze ans de services militaires effectifs
et les mots :
au moins dix-sept ans de services militaires effectifs
Ces amendements ne sont pas soutenus.
L'amendement n° 817, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 41
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Sans doute pour éviter que le mouvement social ne puisse s’appuyer sur la mobilisation de salariés rompus à l’exercice de la grève de longue durée, le Gouvernement a prudemment décidé de reporter à une date ultérieure l’examen de la situation des régimes spéciaux.
C’est en effet par le biais d’un rapport publié avant le 1er janvier 2017, c’est-à-dire presque au terme de la prochaine législature, que le Gouvernement entend donner au Parlement les moyens de réfléchir aux mesures d’âge portant sur le fonctionnement des régimes spéciaux.
Dans les faits, l’alinéa 41 de l’article 20 vise à éviter que les agents de la Régie autonome des transports parisiens, la RATP, ainsi que ceux de la SNCF ou du secteur des industries électriques et gazières, ne participent trop, en fonction de la situation de leur secteur, aux éventuels mouvements sociaux.
Vu la situation qui affecte depuis plusieurs jours le transport ferroviaire dans notre pays, il semble bien que l’opération ait quelque peu échoué !
Je souhaite revenir à présent sur les raisons de cet échec.
Premièrement, les salariés de la SNCF, pour prendre cet exemple, savent pertinemment que tout recul imposé aux assurés du régime général en termes de durée de cotisation, d’âge d’ouverture des droits ou d’âge de liquidation sans décote – ce sont les trois piliers de la réforme qui figurent aux articles 4, 5 et 6 –, rend quasiment intenable la préservation de la spécificité du régime.
Au demeurant, l’offensive menée dans ce texte pour, de façon symétrique, imposer un tel recul social aux agents ressortissant au statut de la fonction publique d’État, de la fonction publique territoriale ou de la fonction publique hospitalière, justifierait d’autant plus que des mesures de même ordre soient mises en œuvre dans les régimes de la SNCF, des traminots ou des électriciens.
Deuxièmement, l’attaque contre le régime de retraite va naturellement de pair avec celle qui est menée contre l’emploi et l’activité des agents bénéficiant d’un régime spécial, et dont les effets sont de plus en plus patents.
Pour ne citer qu’un exemple, c’est le cas dans le fret ferroviaire, où l’abandon des dessertes de faible circulation, c’est-à-dire les wagons isolés, participe d’un objectif plus général de recherche de rentabilité sur quelques créneaux et lignes plus fréquentées ou plus concurrentielles.
Notons d’ailleurs que le projet de loi NOME, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, va, de son côté, peser sur le chiffre d’affaires d’EDF et, sans doute, occasionner de nouvelles pressions sur le régime de retraite des agents.
Enfin, troisièmement, les agents ont très bien compris que le processus avait des mobiles comptables évidents. Depuis des décennies, une entreprise comme EDF ne perçoit plus aucune aide de l’État, tout en apportant à ce dernier, soit en qualité d’actionnaire, soit au titre des impôts, des ressources considérables. Le désengagement probable de l’État du financement du régime de retraite sera compensé par l’accroissement des cotisations acquittées par les agents, alors que ceux-ci verront leur retraite amputée au final.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons d’adopter notre amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement tendant à supprimer l’alinéa 41 de l’article 20.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Le projet de loi de programmation des finances publiques décline ses objectifs pour chacun des acteurs de la dépense publique. Ainsi, il programme jusqu’en 2013, par mission, l’ensemble des dépenses de l’État.
Celles-ci seront stabilisées, au cours de la période, en valeur hors charge de la dette et pensions, c’est-à-dire « zéro valeur hors dette et pensions », ce qui permettra une progression du total de la dépense de l’État, y compris de la dette et des pensions, légèrement inférieure à l’inflation observée.
Les concours de l’État aux collectivités locales seront, eux aussi, stabilisés en valeur. La progression des dépenses d’assurance maladie sera limitée à 2,9 % en valeur en 2011, puis à 2,8 % par an à partir de 2012.
L’évolution de la dépense publique intégrera aussi les économies réalisées grâce à la réforme des retraites actuellement en discussion.
En effet, mes chers collègues, le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2011-2014 a été présenté en complément du projet de loi de finances pour 2011.
Il nous semble qu’il convient de garder cet élément à l’esprit pour mieux percevoir ce qui se cache derrière cette série d’articles dits « de coordination » figurant dans ce projet de loi : il s’agit en réalité d’associer les fonctionnaires et les agents du service public, en général, à l’objectif de réduction des déficits publics.
En effet, on se refuse à atteindre cet objectif au travers d’une augmentation généralisée des impôts, préférant s’attaquer aux niches fiscales, mais de manière à ne toucher que celles qui intéressent les couches moyennes et modestes. On entend plutôt mettre en œuvre une compression de la dépense publique, sous toutes les formes possibles.
J’observe, mes chers collègues, que prélever autant d’impôts pour financer moins de dépenses publiques, et donc fournir une qualité de service moindre, revient finalement, dans notre esprit et dans celui de nos concitoyens, à augmenter leurs impôts pour obtenir un service public dégradé.
Cette dégradation qui touche également l’emploi public, car on continue de mettre en œuvre le plan social larvé que constitue le non-remplacement des départs en retraite, va aussi affecter le corollaire de l’emploi public, c’est-à-dire, singulièrement, les pensions.
Comme la soumission des politiques publiques aux marchés financiers est patente, on peut s’attendre, dans les prochaines années, à ce que le service de la dette consomme des masses de plus en plus importantes d’argent public. Il faut donc, dans cette perspective, réduire autant que faire se peut la progression des salaires et pensions : tel est le sens des mesures d’âge que nous avons déjà dénoncées !
Quid, dans ce contexte, des régimes spéciaux ? Le rapport pour avis de la commission des finances nous offre la clé. Outre qu’il se félicite de la plus faible revalorisation des pensions et du fait que le nombre de liquidants se soit sensiblement réduit avec les premières réformes du régime de la SNCF, ce rapport met en évidence que l’année 2013, ou 2014, devrait constituer la première année où la contribution de l’État au financement de ce régime spécial devrait diminuer.
En effet, les régimes spéciaux connaissent une évolution démographique qui réduit le nombre des réversions – il suffira que les épouses des cheminots aient aussi travaillé pour que le poids des pensions de réversion se réduise – et qui stabilise le nombre des pensionnés.
Pour que chacun mesure l’importance du privilège accordé aux cheminots par leur régime de retraite, rappelons que la pension moyenne du régime s’élève à 1 800 euros bruts par mois, ce qui n’a pas grand-chose à voir, vous en conviendrez, avec les retraites chapeaux ou les parachutes dorés !
Tout cela nous laisse donc à penser que les régimes spéciaux vont servir, en quelque sorte, de variable d’ajustement pour consolider la réduction des dépenses publiques à compter de 2017.
Nous vous appelons donc à voter cet amendement de suppression de l’alinéa 41, qui tend à faire contribuer, demain, un certain nombre de travailleurs à une politique économique et budgétaire, aiguillée de façon à suivre uniquement le train fou des marchés financiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. À l’évidence, je voterai l’amendement présenté par notre collègue.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite à présent vous poser une question.
L’alinéa 41 de l’article 20 dispose : « Avant le 1er janvier 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les mesures de relèvement des âges d’ouverture du droit à pension et des limites d’âge prises, par voie réglementaire, pour les autres régimes spéciaux de retraite. »
Comme l’a dit ma collègue, le Gouvernement souhaite visiblement modifier par voie réglementaire les conditions d’âge des régimes spéciaux de retraite. Dès lors, pourquoi remettre un rapport au Parlement ? En effet, vous avez clairement exprimé votre intention d’agir et vous avez choisi de ne pas recourir au vote du Parlement. Quel sera donc l’intérêt d’un tel rapport, puisque les parlementaires n’auront pas de possibilité d’intervention ?
Je réitère donc ma question, monsieur le secrétaire d'État, si vous daignez me répondre : à quoi servira ce rapport ?
M. Nicolas About. Tout dépendra de ses conclusions !
M. Jean Desessard. Le Parlement aura-t-il la possibilité de proposer des modifications, alors que le Gouvernement annonce clairement qu’il recourra à la voie réglementaire ?
M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. M. le rapporteur et M. le secrétaire d'État ont exprimé leur avis défavorable sur cet amendement, mais je voudrais m’y attarder quelque peu, puisque notre collègue Mme Labarre a évoqué certains régimes spéciaux, dont celui des cheminots.
Je comprends bien les propos de notre collègue, mais je souhaite revenir sur l’histoire du secteur ferroviaire. Tout à l’heure, M. Fischer nous a lu une lettre de témoignage. Quant à moi, je ne lirai pas de lettre, mais je donnerai mon témoignage personnel. Étant moi-même issu du monde cheminot, je comprends l’attachement et l’attitude de nos collègues de l’opposition à son égard.
Outre le problème du régime spécial de retraite, ma chère collègue, vous avez aussi évoqué la disparition des wagons isolés et l’évolution de la SNCF. Cependant, ce projet de loi est totalement étranger à ces deux dernières questions.
S’agissant de la retraite des cheminots, et en particulier des personnels roulants, à l’époque de la traction à vapeur, deux personnes pilotaient les locomotives, par tous les temps, maniant la pelle. C’était un métier très difficile ! Depuis, avec l’évolution technique, le développement de la traction électrique notamment, les conditions de travail ne sont plus les mêmes : les conducteurs se trouvent seuls à conduire à des vitesses de plus en plus élevées. Les contraintes ont changé, le recrutement est devenu particulièrement difficile.
On peut donc comprendre les réactions des cheminots et les points de vue qui ont été exprimés que, tous, nous respectons, car je crois que, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, nous reconnaissons les difficultés de chaque profession.
On peut donc comprendre les réactions des cheminots, mais je voudrais revenir sur la disparition des wagons isolés, évoquée par Mme Labarre. Je la déplore aussi, à titre personnel, mais c’est un état de fait : la SNCF a un conseil d’administration, Réseau ferré de France également. Il leur faut faire preuve de réactivité et tenir compte de la concurrence de la route.
Mme Marie-Agnès Labarre. Développez le transport multimodal !
M. Marc Laménie. On ne peut malheureusement pas la nier ! Elle résulte d’un choix des entreprises, il faut le reconnaître.
On peut aussi déplorer la suppression de certaines infrastructures ferroviaires, mais on peut aussi la comprendre. Ces questions mériteraient un autre débat, mais je sais que vous avez déposé une proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire : vous aurez ainsi toute latitude pour en reparler.
Compte tenu des avis négatifs émis par M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État, que je partage, je ne voterai pas cet amendement, même si je comprends les motivations de ses auteurs.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Monsieur Desessard, si vous m’y autorisez, sur la forme, il ne s’agit pas pour moi de savoir si je daigne vous répondre ou non. Vous m’interrogez en tant que parlementaire, je vous réponds très volontiers, puisque c’est dans ce cadre que le dialogue entre nous doit s’instaurer, de façon parfaitement dépassionnée, avec le seul souci, en ce qui me concerne, d’apporter des informations qui répondent à une question légitime.
Vous m’avez donc interrogé, monsieur le sénateur, sur la raison d’être du rapport concernant les régimes spéciaux de retraite.
Je rappelle d’abord que certains sénateurs, dont le rapporteur de ce projet de loi, M. Dominique Leclerc, ont déjà remis de nombreux rapports sur les régimes spéciaux ; ils connaissent donc bien ce sujet et mesurent le poids de ces régimes spéciaux dans le cadre du financement des retraites, en particulier pour l’équilibre financier du système. Vous savez également, comme moi, que l’État verse actuellement une subvention pour équilibrer les régimes spéciaux.
Le rapport visé à l’article 20 a été programmé par le Gouvernement pour être déposé avant l’entrée en application de la loi, le 1er janvier 2017. Il a pour objet de préciser à la représentation nationale, d’une part, le contenu des différents décrets qui, régime par régime, vont définir l’application progressive des nouvelles dispositions et, d’autre part, leurs conséquences financières. Dans la mesure où ce domaine relève du pouvoir réglementaire – vous le savez, monsieur le sénateur, puisque vous avez pu le constater en 2007 et en 2008 –, le Gouvernement tient à fournir une explicitation à la représentation nationale des éléments qui, sans ce rapport, pourraient lui échapper.
Ce rapport répond donc au souci d’informer la représentation nationale, afin qu’elle puisse exercer un droit de regard sur la montée en puissance de mesures contenues dans cette loi, que vous allez peut-être voter, et à leur incidence sur l’évolution des régimes spéciaux.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Je souhaite répondre à M. Laménie, car je ne peux pas, en tant que cheminote, laisser dire un certain nombre de contre-vérités.
S’agissant des conditions de travail des personnels roulants, effectivement, le charbon et les locomotives à vapeur ont disparu, je vous le concède ! Cela étant, il ne faut pas oublier que les roulants sont seuls aujourd’hui sur leurs machines. Or ils assument la responsabilité du transport de plusieurs centaines de personnes, ce qui peut créer un certain stress. (M. Nicolas About acquiesce.) Ils doivent ainsi exercer une surveillance constante, rester vigilants quant aux signaux, etc. Je ne veux pas m’étendre excessivement sur ce point, mais les conditions de travail de ces personnels, si elles ont évidemment évolué, restent éprouvantes, notamment en termes de stress, justifiant entièrement un départ anticipé à la retraite, de mon point de vue, mais aussi du leur, apparemment !
Concernant la situation du fret ferroviaire, je ne peux pas accepter l’idée que la suppression du wagon isolé résulte d’un état de fait. Ce n’est pas vrai ! C’est en fait la traduction d’une volonté politique de reporter ce trafic sur la route, contrairement aux engagements pris, ici même, par le Gouvernement et les parlementaires dans le cadre du Grenelle de l’environnement.
La concurrence de la route est parfaitement déloyale. Il faut tout d’abord savoir que la SNCF est l’un des premiers transporteurs routiers européens : je n’ai donc pas besoin de vous faire un dessin ! Cette concurrence est également déloyale, parce que les taxes appliquées aux routiers sont loin d’atteindre le niveau de celles que supportent les utilisateurs des voies ferrées. Il y aurait donc beaucoup à dire sur ce sujet, mais je crois qu’un débat doit être prochainement organisé sur une proposition de résolution de notre groupe relative au développement du fret ferroviaire : ce sera l’occasion d’approfondir la question ! (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour paraphraser les propos tenus hier par M. Pozzo di Borgo, la France « a la chance » de bénéficier de chemins de fer publics, avec des conducteurs – qu’il s’agisse du TGV ou d’autres trains – qui prennent leur retraite à 50 ans ; tout le monde m’aura comprise. Mais je crains que nous ne puissions profiter encore bien longtemps de cette chance avec ce gouvernement ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
C’est la raison pour laquelle nous nous battons avec détermination pour maintenir le système de retraite des cheminots !
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 817.
Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
M. Jean Desessard. Mais pourquoi donc ? (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 39 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à M. Michel Boutant, pour explication de vote sur l'article 20.
M. Michel Boutant. Lorsque l’on examine dans le détail l’article 20, il est question, entre autres, des professions paramédicales, comme les aides-soignants.
Je trouve assez pitoyable de rallonger la durée du travail de deux ans de ces personnels, alors même que l’on réduit drastiquement les effectifs de la fonction publique, que leur charge de travail s’est considérablement alourdie, rendant leur mission difficile sur les plans humain et physique, et que, dans le même temps, on fait des ponts d’or aux habitués du Fouquet’s et du Bristol. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Protestations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG et, l'autre, du groupe UMP.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 40 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Articles additionnels après l'article 20 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 20 bis
(Non modifié)
L’article L. 4139-16 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le 1° du I est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « soixante-quatre » sont remplacés par les mots : « soixante-six » ;
b) Au second alinéa, les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept » ;
2° Le 2° du I est ainsi modifié :
a) Le tableau est ainsi rédigé :
«
Officiers subalternes ou dénomination correspondante |
Commandant ou dénomination correspondante |
Lieutenant-colonel ou dénomination correspondante |
Colonel ou dénomination correspondante |
Âge maximal de maintien en première section des officiers généraux |
|
Officiers des armes de l’armée de terre, officiers de marine, officiers spécialisés de la marine, officiers des bases et officiers mécaniciens de l’air |
59 |
63 |
|||
Officiers de gendarmerie |
59 |
60 |
63 |
||
Officiers de l’air |
52 |
56 |
63 |
||
Officiers du cadre spécial, commissaires (terre, marine et air), officiers des corps techniques et administratifs, ingénieurs militaires des essences, administrateurs des affaires maritimes |
62 |
64 |
|||
Médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes |
62 |
67 |
|||
Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (officiers) |
62 |
- |
|||
Ingénieurs de l’armement, ingénieurs des études et techniques de l’armement, ingénieurs des études et techniques des travaux maritimes, professeurs de l’enseignement maritime, ingénieurs militaires d’infrastructure de la défense |
66 |
67 |
|||
Officiers greffiers, chefs de musique, fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, aumôniers militaires |
66 |
- |
» ;
b) À la première phrase de l’avant-dernier alinéa, le mot : « soixante » est remplacé par les mots : « soixante-deux » et les mots : « soixante-cinq » sont remplacés par les mots : « soixante-sept » ;
3° Le tableau du 3° du I est ainsi rédigé :
«
Sergent ou dénomination correspondante |
Sergent-chef ou dénomination correspondante |
Adjudant ou dénomination correspondante |
Adjudant-chef ou dénomination correspondante |
Major |
|
Sous-officiers de carrière de l’armée de terre, de la marine ou de l’air (personnel non navigant) |
47 |
52 |
58 |
59 |
|
Sous-officiers de gendarmerie, sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale |
58 (y compris le grade de gendarme) |
59 |
|||
Sous-officiers du personnel navigant de l’armée de l’air |
47 |
52 |
|||
Militaires infirmiers et techniciens des hôpitaux des armées (sous-officiers), major des ports (marine) et officiers mariniers de carrière des ports (marine) |
59 |
||||
Sous-officiers du service des essences des armées |
- |
62 |
|||
Fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, majors sous-chefs de musique (trois armées), sous-chefs de musique de carrière (trois armées), maîtres ouvriers (terre), maîtres ouvriers, tailleurs et cordonniers (marine), musicien sous-officier de carrière (air), commis greffiers et huissiers appariteurs |
66 |
» ;
4° Le tableau du II est ainsi modifié :
a) À la troisième ligne de la seconde colonne, le nombre : « 15 » est remplacé par le nombre : « 17 » ;
b) À la quatrième ligne de la seconde colonne, le nombre : « 25 » est remplacé par le nombre : « 27 ».
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 158 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 352 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n °26.
Mme Odette Terrade. L’article 20 bis, qui résulte de l’adoption d’un amendement présenté par la commission des lois de l’Assemblée nationale en coordination avec l’article 16 de ce projet de loi, augmente de deux ans les limites d’âges et les durées d’assurances pour les militaires, et plus précisément ceux de la première section qui intègrent notamment les officiers généraux.
Nous n’oublions pas que c’est au nom de cet article 16 que le Gouvernement a introduit des mesures concernant l’ensemble des militaires, sans distinction de grade, mesures que nous avons dénoncées à l’occasion des articles 9, 16 et 18 et que nous continuons à dénoncer ici.
Pour notre part, nous considérons que le monde de travail dans son ensemble doit être épargné par une retraite dont le principal ressort réside dans votre refus d’opérer un meilleur partage des richesses.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à voter en faveur de notre amendement de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 158.
Mme Christiane Demontès. Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, tend à opérer les coordinations relatives au relèvement des limites d’âge et des durées de services pour les militaires.
Nous vous avons exposé, au moment de l’examen de l’article 16, qu’il n’est pas souhaitable de relever la limite d’âge des militaires.
Le relèvement de l’âge de liquidation de la retraite au sein des corps militaires revient à méconnaître la pénibilité attachée à leur profession, qui a d’ailleurs été rappelée. Pourtant, les conditions de départ en retraite sont justifiées par les risques attachés à ce métier, l’obligation de maintenir des effectifs jeunes, ainsi que la nécessité d’attirer un public qui se détourne de plus en plus de l’armée.
En outre, une telle reforme serait de nature à conduire à un vieillissement trop important de l’ensemble des effectifs.
Cet article 20 bis est un article de coordination. En cohérence avec l’ensemble des propos que nous avons tenus depuis le début de l’examen de ce texte, nous en demandons la suppression.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ces deux amendements visent à supprimer l’article 20 bis qui opère des coordinations pour le relèvement des limites d’âge dans le code de la défense. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l’amendement n° 26.
M. Guy Fischer. Nous serons cohérents avec les positions que nous avons soutenues antérieurement. Il s’agit, avec cet article, de reporter les limites d’âge. Nous y sommes résolument opposés, puisque nous affirmons le principe de la retraite pour tous à 60 ans.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. Avec notre amendement n° 26, nous vous proposons de supprimer l’article 20 bis.
Cet article, je le rappelle, modifie l’article L. 4139-16 du code de la défense qui a trait aux limites d’âge, aux âges maximaux de maintien et aux limites de durée de services des officiers et des sous-officiers.
L’article précise également l’âge maximal de maintien en « première section », c’est-à-dire en activité, des officiers généraux, avant qu’ils ne soient versés en « deuxième section » car, chacun d’entre nous le sait bien, un officier général, comme d’ailleurs un agent EDF, n’est jamais en retraite ; il est en « inactivité ».
Le projet de loi, dans un article précédent contre lequel nous avons voté, a relevé de deux années les limites d’âge et de durée de services de tous les militaires, quels que soient leur grade et leurs états de services.
Il s’agit donc maintenant, en adaptant le code de la défense, de formaliser ces mesures dans un tableau très précis qui détaille les grades, mais aussi les emplois de chaque catégorie militaire.
Ce tableau entre loin dans le détail, puisqu’après avoir commencé par l’essentiel de nos armées composées de forces opérationnelles, il termine par les officiers greffiers, les chefs de musique, les fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, les fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées et, enfin, les aumôniers militaires.
Je vous concéderais bien volontiers, mes chers collègues, que le relèvement de deux ans des limites d’âge de ces diverses catégories n’affecterait peut-être pas les capacités opérationnelles de nos armées, ce qui était l’un de nos principaux arguments pour nous opposer à votre projet de réforme des retraites concernant les militaires.
Toutefois, nous considérons que, pour ces catégories comme pour l’ensemble de nos concitoyens, ce relèvement des limites d’âge n’est ni juste ni efficace, et sans doute pas de nature à assurer la pérennité de notre système de retraite par répartition.
Enfin, il ne faudrait pas que l’arbre cache la forêt. Nos armées sont largement composées de forces opérationnelles et l’argumentation que nous avons précédemment développée, selon laquelle le relèvement des limites d’âge aurait un impact négatif notamment sur la jeunesse de nos forces armées, garde évidemment toute sa pertinence.
Ainsi, chers collègues, par cohérence avec nos positions sur ce texte, nous vous demandons de voter cet amendement n° 26, tendant à supprimer notamment le tableau instaurant les limites d’âge et de durée de service dans nos armées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Bien que vous m’ayez répondu cet après-midi, monsieur le secrétaire d’État, je voudrais revenir sur cette problématique des militaires.
Je suppose que, comme tout le monde, ceux-ci vont être soumis aux critères de pénibilité s’ils souhaitent partir plus tôt à la retraite.
Or comment peut-on définir une pénibilité pour l’ensemble des militaires ? Comment allez-vous distinguer ceux qui sont sur un théâtre opérationnel et ceux qui sont en veille ?
Je voudrais prendre en exemple un cas que je connais bien, comme je l’ai déjà signalé cet après-midi. Les militaires qui sont à bord des sous-marins nucléaires d’attaque ou, surtout, lanceurs d’engins, partent pendant des semaines en immersion et restent longtemps coupés de leur famille. Évidemment, ils ont accepté ces conditions et aiment leur métier. Mais ne croyez-vous pas que l’allongement de la durée d’exercice est dans leur cas tout à fait inadapté ?
Un militaire ne pourra partir en retraite plus tôt que s’il souffre d’une invalidité. En cas de conflit, certains militaires rempliront malheureusement peut-être cette condition. Mais les autres ? Il y a bien pénibilité aussi pour eux. Pourquoi voulez-vous allonger la durée de carrière de ceux qui passent des heures, des semaines, des mois sous l’eau, en veille, pour défendre notre pays ? Je voudrais que l’on m’explique…
Je crois véritablement, monsieur le secrétaire d’État, que tout niveler pour que les mêmes conditions vaillent pour tous constitue une grave erreur. Les professions ne se ressemblent pas, les contraintes ne se ressemblent pas. Je plaide donc pour que les militaires puissent continuer à partir à la retraite comme par le passé.
Nous vous l’avons déjà dit cet après-midi, les militaires français, alors qu’ils sont engagés sur de nombreux théâtres d’opération, partent plus tard à la retraite que leurs homologues américains et allemands, notamment.
C’est pourquoi je soutiendrai ces amendements nos 26 et 158 de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote.
Mme Bernadette Dupont. Pour avoir fait un stage dans la marine, je confirme ce que vient de dire M. Jean-Pierre Godefroy : les militaires ont un moral d’acier. C’est particulièrement le cas des marins, qui sont jeunes, très contents du métier qu’ils exercent et qui, pour la plupart, ne renâclent pas à leur embarquement.
Il faut en outre savoir que, si le métier de sous-marinier ne convient plus, on peut parfaitement évoluer vers un autre métier au sein de la marine.
Comme ces marins sont jeunes, ils peuvent travailler deux ans de plus ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Éliane Assassi. Voilà !
M. Guy Fischer. Les jeunes feront deux ans de plus… et les vieux aussi !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 158 tendant à la suppression de l’article 20 bis.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous faites perdre notre temps !
Mme Christiane Demontès. Et c’est nous qui sommes accusés de faire traîner les débats !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 42 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Godefroy. Je fais ce rappel au règlement à titre personnel, mais je pense que ma position est partagée par d’autres, pour évoquer un sujet sur lequel on m’a déjà entendu plusieurs fois dans cet hémicycle.
Je considère que le scrutin public ne devrait pas exister. (Ni l’amendement ! sur les travées de l’UMP.)
Oui, je vous le dis très tranquillement, chers collègues, ce mode de scrutin ne devrait pas exister, quelle que soit la majorité. Des sénateurs et des sénatrices se déplacent pour siéger et travailler sur un texte de loi et, sur ce même texte, ce sont les absents, et non les présents, qui font la décision ! C’est parfaitement inacceptable !
M. Gérard Longuet. Nous sommes solidaires !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je pense qu’il faut réformer ce mode de scrutin. Permettre à chaque sénateur ou à chaque sénatrice de disposer d’un pouvoir me semble envisageable. Mais qu’un sénateur ou une sénatrice puisse déposer 150 bulletins dans l’urne, alors que les intéressés ne sont pas là…je ne suis pas d’accord !
Cette pratique me heurte depuis dix ans que je siège au Sénat. Je le dis à titre personnel et je continuerai à le dire ! (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Notre collègue a raison !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 20 bis (suite)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20 bis.
M. Jean Desessard. Nous sommes vingt-sept, monsieur le président !
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'article.)
M. Jean Desessard. Merci d’avoir recompté, monsieur le président !
Articles additionnels après l’article 20 bis (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Titre III
MESURES DE RAPPROCHEMENT ENTRE LES RÉGIMES DE RETRAITE
Article 21 A
(Non modifié)
Avant le 30 septembre 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport relatif à la création d’une Caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Ce rapport examine notamment les contraintes organiques encadrant une telle création, les améliorations attendues en termes de transparence du système de retraite et les conditions d’une participation des partenaires sociaux à la gestion de cet établissement public.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Il est des demandes de rapport qui en disent long sur les finalités réelles des parlementaires qui en prennent l’initiative…
En effet, alors que le régime de retraite des fonctionnaires, garanti par l’État, a déjà connu – et en peu de temps – des modifications importantes, cet article 21 A va plus loin en prévoyant la création d’un rapport destiné à évaluer l’opportunité et les contraintes d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État.
Naturellement, nous ne sommes pas opposés à ce que le système de retraite des fonctionnaires soit transparent. Mais la transparence des régimes n’est pas la seule finalité de ce projet. On peut même craindre qu’elle ne soit qu’une finalité marginale face à un objectif resté secret : participer insidieusement, petit à petit, à la casse du statut de la fonction publique, notamment de la fonction publique d’État.
Cette idée n’est malheureusement pas nouvelle. Nous en avions déjà discuté en 2003 et les organisations syndicales avaient alors, et de manière très majoritaire, fait connaître leur opposition. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, votre gouvernement l’avait refusée, comme il l’avait refusée en 2009, à l’occasion de la création du Service des retraites de l’État.
Présentée par vous-même, cette proposition de créer une caisse spécifique de retraite des fonctionnaires de l’État a été unanimement repoussée le 25 mai 2010 par les organisations syndicales de la fonction publique. Vous avez alors annoncé que vous renonciez à cette création.
J’ai donc été surprise, tout comme les organisations syndicales, en découvrant qu’un député UMP, sans doute bien inspiré ou bien conseillé, avait déposé un amendement, devenu l’article 21 A du projet de loi, que nous examinons en cet instant.
Mais les organisations syndicales furent aussi très surprises par les propos que vous avez tenus à l’occasion de la discussion à l’Assemblée nationale de cet amendement. Je vous cite, monsieur le secrétaire d’État : « […] lors de la discussion que, à la demande de M. Éric Woerth, j’ai engagée avec les syndicats sur le sujet, ceux-ci nous ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas siéger au conseil d’administration d’une telle caisse ».
Mais, monsieur Tron, les organisations syndicales n’ont pas dit qu’elles ne souhaitaient pas siéger à cette caisse : elles se sont opposées à sa création !
Comme elles, nous considérons que l’institution d’une telle caisse porterait un coup supplémentaire au code des pensions civiles et militaires de retraite et, au-delà, au statut de la fonction publique, que vous ne cessez de remettre en cause.
Actuellement, les salaires et les pensions forment un seul élément du budget de l’État, ce qui garantit aux fonctionnaires le montant de leurs pensions. Avec la création de cette caisse, la retraite des agents ne figurerait plus dans les engagements de l’État. Elle serait soumise à des ressources non garanties dépendant de l’équilibre entre le nombre d’actifs cotisant et le nombre de pensionnés. Or, avec les destructions massives d’emplois publics – révision générale des politiques publiques oblige ! –, cet équilibre est menacé, ce qui pourrait conduire à une baisse mécanique des pensions.
Tout ce qui précède illustre bien la volonté du Gouvernement de casser notre système de retraite. Pour ce qui nous concerne, nous le défendrons pied à pied, en continuant, comme nous le faisons depuis le début du débat, à être une force de proposition alternative. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Nous abordons, avec cet article 21 A, le titre III, sobrement intitulé « Mesures de rapprochement entre les régimes de retraite ». Rapprochement ? Quel doux euphémisme…
M. Tron lui préfère le vocable « convergence », dont il a épuisé tous les dérivés en nous présentant le texte, le 5 octobre dernier.
Mais, à égrener les mesures qui, dans ce projet de loi, concernant la fonction publique, il serait plus approprié d’employer le mot « régression ».
En effet, comme nous allons devoir le détailler, sous couvert d’équité, vos mesures procèdent de manière systématique à un nivellement vers le bas, monsieur le secrétaire d’État.
C’est une illustration supplémentaire d’une politique particulièrement brutale envers les fonctionnaires, une politique de défiance qui considère, a priori, que la dépense publique est forcément superflue, les fonctionnaires, forcément trop nombreux et la fonction publique, forcément inefficace.
J’en veux pour preuve les suppressions massives de postes passées et à venir : 100 000 entre 2007 et 2010, 100 000 annoncées pour la période 2011-2013. Dans l’éducation nationale, où 16 000 postes seront sacrifiés à la rentrée de 2011, après la suppression de 50 000 postes depuis 2007, la situation est extrêmement tendue. Les remplacements en ce moment ne sont pas assurés.
Alors que nous ne sommes pas encore sortis de la crise, ce sont autant de postes qui ne profiteront pas à des jeunes, autant de cotisations perdues. Et là, n’allez pas me dire que l’activité crée l’activité et donc des postes : un professeur doit être devant une classe, et doit donc être remplacé à raison d’un pour un, ou alors cela signifie que l’État n’assume plus les remplacements.
J’en viens à l’article 21 A. Il s’agit, pour le Gouvernement, de remettre au Parlement un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État, et ce avant le 30 septembre 2011.
Vous n’ignorez pas – cela vient d’être rappelé – que les partenaires sociaux sont opposés à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires et ont fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas siéger au conseil d’administration d’une telle caisse si elle devait être créée.
De surcroît, le compte d’affectation spéciale nous renseigne d’ores et déjà sur les contributions des agents de la fonction publique, sur les masses financières concernées et sur la part financée par l’État. C’est pourquoi le rapport demandé est redondant. Je croyais que la RGPP, soucieuse de bonne gestion, bannissait les doublons !
Vous n’êtes vraiment pas tendres, de manière générale, avec les fonctionnaires. Lorsqu’il s’agit des niches fiscales, ce n’est pas un rabot que vous utilisez, mais le plus fin des papiers de verre ! En revanche, lorsqu’il s’agit des fonctionnaires, sans aller jusqu’à parler de « massacre à la tronçonneuse », tous les outils sont bons pourvu que l’on tranche dans les effectifs !
M. Baroin a récemment prononcé cette phrase extraordinaire : « Les fonctionnaires, on en supprime mais on les paie mieux. » Mais, lorsqu’il s’agit de discuter de leur pouvoir d’achat, on gèle le point d’indice !
M. Jacques Mahéas. Si l’on se réfère à l’augmentation du coût de la vie et, comme on le verra tout à l’heure, à l’alourdissement des cotisations sociales, on ne peut pas dire que le pouvoir d’achat des fonctionnaires va augmenter.
M. Baroin n’a pas osé dire ce qu’a écrit la Cour des comptes, à savoir que, pour être efficace, ce gel devra être effectif pendant trois années.
Alors, dans ces conditions, soyez francs et, plutôt que de « rapprochement », parlez de « régression » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Cet article prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État.
De prime abord, la création d’une telle caisse pourrait apparaître nécessaire, tant il est vrai qu’il a longtemps été impossible de comparer les régimes respectifs des salariés du secteur privé et des fonctionnaires.
Une comparaison objective entre ces régimes n’est pas une mince affaire. On mesure bien son importance dans ce débat à l’utilisation malhonnête qu’en fait le Gouvernement en voulant faire passer, auprès de l’opinion publique, les fonctionnaires pour des privilégiés, cette vieille obsession du patronat et de la droite française ! Tout cela au nom de l’équité, et pour mieux détourner l’attention sur les vraies injustices de sa réforme.
Toutefois, nous doutons que la création de cette caisse soit vraiment de nature à simplifier les choses et à apporter de la lisibilité face à une question aussi complexe.
Notre éminent collègue Dominique Leclerc a, me semble-t-il, également émis quelques doutes, dans son rapport, sur l’utilité de cette création.
Pour notre part, nous estimons que la création d’une caisse de retraite pour l’employeur unique qu’est l’État ne permettrait pas une plus grande lisibilité ni une plus grande transparence du montant de ses engagements pour ces salariés que sont les fonctionnaires.
En effet, tous les éléments de comparaison sont déjà disponibles : outre le compte d’affectation spéciale et les données détenues par le ministère des finances, il faut compter aussi avec la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale.
Non, ce ne sont pas les données en elles-mêmes qui posent problème, c’est l’utilisation qui en est faite par le Gouvernement pour justifier l’injustice de sa réforme.
Dans ces conditions, créer une caisse de retraite dédiée aux fonctionnaires ne réglerait en aucune façon le problème. Nous ne voyons donc pas l’utilité de préparer un rapport sur la création de cette caisse, et nous vous proposons par conséquent, mes chers collègues, de supprimer cet article 21 A. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'amendement n° 27 a pour objet de supprimer l’article 21 A, qui prévoit un rapport relatif à la création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’État. Or ce rapport peut cependant être utile pour envisager à terme – je dis bien « à terme » – la création d’une caisse qui pourrait concerner l’ensemble des agents des trois fonctions publiques.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Je voudrais simplement rappeler, puisque j’ai été interpellé sur le sujet, qu’il ne s’agit que d’un rapport et que l’on ne peut nullement en présumer le contenu. A fortiori, cela n’empêchera en aucun cas que des opinions parfaitement argumentées, comme celles que je viens d’entendre, puissent s’exprimer dans le cadre de ce rapport.
Enfin, je souligne, madame Éliane Assassi, et M. Jacques Mahéas l’a lui-même rappelé, que, si j’ai prononcé à l’Assemblée nationale les paroles que vous m’avez prêtées, c’est parce que je les ai entendues de la bouche des représentants syndicaux. Ceux-ci m’ont expliqué qu’ils étaient totalement hostiles à la création de cette caisse et que, dans l’hypothèse où celle-ci serait malgré tout instituée, ils refuseraient d’y siéger. C’est exactement ce que j’ai dit et que je répète ; ce n’est en aucun cas contradictoire.
Pour le reste, un rapport n’est jamais qu’un rapport, et chacun est libre d’y apporter ou non sa contribution.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. Si la création d’une caisse de retraite est apparue nécessaire pour gérer les relations avec les 47 000 employeurs territoriaux et hospitaliers de la CNRACL, la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la création d’une caisse de retraite pour l’employeur unique qu’est l’État n’a tout simplement pas de sens.
Le système en vigueur actuellement donne toutes les garanties de transparence. En effet, depuis la mise en œuvre de la LOLF en 2006, les cotisations des fonctionnaires sont imputées sur les budgets de chaque ministère et reversées au compte d’affectation spéciale « Pensions ».
Ce CAS est placé sous la surveillance de la Cour des comptes et les fonds inscrits ne servent qu’au paiement des pensions. La gestion de ces pensions est réalisée par le Service des retraites de l’État, qui a compétence nationale.
Le CAS « Pensions » permet de tenir une comptabilité en recettes et en dépenses.
Il est vrai qu’aucune cotisation n’est centralisée, puisqu’il s’agit d’une tenue de compte budgétaire. Il n’en demeure pas moins que les fonctionnaires cotisent, sauf que l’État a historiquement jugé inutile de procéder à des transferts de cotisations de lui-même à lui-même. Il se contente donc de verser aux agents leurs salaires nets et de procéder au paiement des retraites sur son budget général.
Après tout, il s’agit de ses propres agents, et c’est d’ailleurs avec eux qu’il aurait fallu négocier !
Les organisations syndicales ont d’ores et déjà proposé qu’une instance spécialisée du futur conseil supérieur commun aux trois versants de la fonction publique, créé par la loi portant rénovation du dialogue social dans la fonction publique, soit mise en place afin de suivre les problématiques des retraites dans la fonction publique. Elles se sont, en outre, fermement opposées, et d’une seule voix, à la création d’une caisse de retraite.
Si une telle caisse venait à être créée, la retraite des agents ne figurerait plus dans les engagements de l’État. Par ailleurs, ses ressources ne seraient plus garanties, puisqu’elles dépendraient de l’équilibre entre le nombre d’actifs – les cotisants – et le nombre de pensionnés. Or les destructions massives d’emplois publics enclenchées à cause de la révision générale des politiques publiques aggravent depuis plusieurs années ce déséquilibre. Une baisse mécanique des pensions s’ensuivrait, ce que nous refusons.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l’article 21 A s’il n’est pas supprimé.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27, tendant à la suppression de l’article 21 A.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 43 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 921, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée l'intégration de l'ensemble des éléments de rémunération dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Par cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 décembre de cette année, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée l’intégration de l’ensemble des éléments de rémunération dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
En effet, dès lors que le Gouvernement et sa majorité ont fait le choix de porter atteinte au régime de retraite des fonctionnaires en accroissant la durée de cotisation, alors la justice sociale impose d’intégrer les primes et indemnités de toute nature dans le salaire servant de base au calcul du montant des pensions des agents de la fonction publique.
Je vous rappelle que la rémunération des fonctionnaires se compose d’une rémunération principale et de primes et indemnités. Celles-ci ne sont pas négligeables dans le traitement que reçoivent les fonctionnaires. Prenons le cas d’une directrice d’école : ses primes et indemnités peuvent atteindre le montant de 600 euros par mois, soit sur dix mois 6 000 euros ! Elles se décomposent en indemnités de cantine versées par la mairie, en indemnités relatives aux fonctions particulières de maître formateur, ainsi qu’en indemnités relatives aux fonctions particulières de directrice. Dans ce cas, ces 600 euros par mois ne seraient pas pris en compte au titre du calcul de la pension de retraite, ou seulement à 5 %, comme c’est le cas depuis quelques années.
Le passage à la retraite correspond donc à une perte sèche de pouvoir d’achat, alors même que ces fonctionnaires ont œuvré toute leur vie pour l’intérêt général.
J’ai pris cet exemple, mais ils sont en réalité très nombreux, et les primes et indemnités très nombreuses également. Au titre des primes liées aux fonctions, contraintes ou circonstances particulières de travail peuvent notamment être mentionnées les primes attribuées en cas d’accomplissement d’heures supplémentaires, les indemnités attribuées pour compenser les contraintes subies ou les risques encourus dans l’exercice des fonctions ou indemnités de sujétion – indemnité horaire pour travail de nuit ou travail dominical –, les primes attribuées en reconnaissance d’un niveau de qualification et de technicité exigé pour l’exercice de certaines fonctions, les primes liées à la mobilité, celles qui sont liées à l’exercice ponctuel de certaines missions comme les indemnités d’astreinte.
Nous estimerions à ce titre absolument normal que ces primes soient intégrées dans le traitement de base servant de référence au calcul du droit à la retraite des agents de la fonction publique.
Tel est le sens de cet amendement de justice sociale qui permettrait également de renforcer le pouvoir d’achat des retraités fonctionnaires.
M. le président. L'amendement n° 935, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 décembre 2010, un rapport sur les conditions dans lesquelles peut être envisagée la mise en œuvre des recommandations formulées par le médiateur de la République concernant les conditions d'attribution de la bonification d'un an accordée aux fonctionnaires parents d'enfants nés avant le 1er janvier 2004.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Notre amendement prévoit une nouvelle rédaction de l’article 21 A. Nous souhaitons que le Gouvernement remette au Parlement une étude sur les conditions d’attribution de la bonification d’un an accordée aux fonctionnaires parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2004.
En effet, si la réforme des retraites de 2003 prévoyait l’octroi de ce droit à tous les fonctionnaires, hommes et femmes, qui ont interrompu leur activité pendant deux mois consécutifs, la réalité fait que cette extension n’est pas toujours effective, du fait même des conditions de l’attribution de cette bonification. Le Médiateur de la République a mis en évidence l’injustice qui résulte des conditions d’application de cette mesure, à savoir l’interruption d’activité de deux mois.
Si, dans une volonté de s’accorder à la jurisprudence européenne, la réforme de 2003 a étendu le champ d’application de cette bonification aux parents d’enfants nés avant le 1er janvier 2004, en réalité, je cite le Médiateur « Les conditions d’attribution ne sont jamais remplies par les hommes, ni par les enseignantes ayant accouché pendant l’été qui n’ont pas pris de congé maternité, ni par les mères adoptantes qui n’ont pas pu prendre ce congé de deux mois ou dont le congé était d’une durée inférieure ».
Pour faire suite à la demande du Médiateur en date du 8 juillet exigeant le rétablissement des droits à bonification de ces fonctionnaires, nous souhaitons avec cet amendement ouvrir le débat en mettant à l’étude les propositions du Médiateur.
Celles-ci préconisaient un assouplissement des règles conditionnant la bonification, parce que la législation pénalise particulièrement les pères et les mères adoptantes, pour lesquelles le congé d’adoption n’existe que depuis 1978, ou les parents qui, pour ne pas impacter le fonctionnement de leur service, n’ont pas interrompu leur activité.
Aucune raison valable ne saurait justifier que ces personnes qui, comme les autres, sont touchées dans leur carrière et dans leurs disponibilités professionnelles par la naissance d’un enfant, ne bénéficient pas, elles aussi, de cette bonification.
Ces bonifications ont en effet pour but de compenser un retard de carrière en raison d’un éloignement temporaire du travail dû à l’enfant. Or l’éloignement ne se traduit pas toujours par la cessation temporaire de l’activité mais, bien au contraire, par le cumul de la charge de l’enfant et de la charge professionnelle. Il nous paraît donc primordial de revoir les conditions d’attribution de cette bonification.
M. le président. L'amendement n° 353 rectifié, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, MM. Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Marsin, Milhau, Plancade, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Deuxième phrase
Remplacer les mots :
les conditions d'une participation des partenaires sociaux
par les mots :
les mesures visant à associer les partenaires sociaux
La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. S’agissant de la création d’une caisse de retraite, notre groupe partage également le sentiment des auteurs de l’amendement de suppression qui vient d’être rejeté, ne voyant pas en effet la nécessité de la création de cette caisse. Toutefois, l’amendement n° 353 rectifié que nous déposons à titre de repli a pour objet de mieux associer les partenaires sociaux.
Notre groupe a suffisamment le sens des nuances pour établir une différence particulièrement sensible entre la participation, d’une part, l’association, d’autre part. Nous pensons que l’association des partenaires sociaux traduit une volonté plus forte et plus manifeste de les intégrer dans cette future caisse des retraites. Je pense que le rapporteur sera sensible à cette nuance de rédaction et qu’il sera dans ces conditions favorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 921 veut faire disparaître l’article 21 A dans sa rédaction actuelle. Nous voulons, nous, la conserver. Donc, nous émettons un avis défavorable.
Notre jugement est identique sur l’amendement n° 935, et l’avis de la commission est donc également défavorable.
L’amendement n° 353 rectifié tend à l’association des partenaires sociaux à une éventuelle caisse de retraites de l’État. Or le texte adopté par l’Assemblée nationale prévoit déjà d’étudier les conditions de leur participation à cette hypothétique caisse. Le dispositif actuel apparaissant satisfaisant, l’avis est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable sur les trois amendements.
Sur les primes, le Gouvernement a choisi de ne pas revenir sur le dispositif des six derniers mois. S’il l’avait fait, on serait rentré dans une logique d’intégration des primes. Je rappelle d’ailleurs qu’au titre du régime additionnel de la fonction publique ces primes sont déjà intégrées à 20 %, mais cela correspond en fait à 70 % des masses de primes. Donc, sur ce point, je crois qu’il est prudent de ne pas aller beaucoup plus loin.
En ce qui concerne le rapport de Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, je tiens à votre disposition la lettre que je lui ai adressée pour répondre précisément aux questions qu’il a posées. L’une de ces questions portait sur la pension de réversion, l’autre sur le statut des enseignants et nous avons répondu très précisément.
Pour ce qui concerne Nicolas Alfonsi j’ai déjà répondu tout à l’heure et je maintiens ma réponse sur le principe. Le rapport prévu est, à mon avis, la bonne formule intermédiaire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21 A.
M. Jean Desessard. Chers collègues, nous sommes maintenant majoritaires dans l’hémicycle !
M. le président. Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 44 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, ce que nous venons de vivre apporte la démonstration de l’absurdité du vote par scrutin public. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Nous nous préparions à voter à main levée, lorsque notre ami Jean Desessard a signalé aux membres de la majorité qu’ils étaient minoritaires. Et voilà que tombe la feuille verte de demande de scrutin public ! Alors que nous sommes une soixantaine dans l’hémicycle, nous nous retrouvons avec 338 votants !
M. Christian Cambon. Cela ne date pas d’hier !
M. Christian Demuynck. Non, en effet !
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 21
(Non modifié)
Le 2° de l’article L. 61 du code des pensions civiles et militaires de retraite est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ce taux prend en considération les taux des cotisations à la charge des assurés sociaux relevant de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés et des institutions de retraite complémentaire visées à l’article L. 922-1 du code de la sécurité sociale pour la partie de leur rémunération inférieure au plafond prévu à l’article L. 241-3 du même code ; ».
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Chers collègues de la majorité, le recours au vote par scrutin public ne date certes pas d’hier, mais je trouve que, pour « la » réforme du Président de la République, votre mobilisation est extrêmement médiocre !
M. Jean Desessard. Très bien !
M. Jacques Mahéas. L’article 21 illustre parfaitement la confusion opérée entre convergence et régression sociale.
Comme tous les Français, les fonctionnaires seront touchés par le relèvement de l’âge d’ouverture des droits à pension et l’augmentation de la durée de cotisation. Cet article prévoit également qu’ils soient « frappés », je ne trouve pas d’autre mot, par le passage de 7,85 % à 10,55 % de leur taux de cotisation d’assurance vieillesse. Bien qu’il soit lissé sur dix ans, le processus se traduira, mécaniquement, par une baisse importante de leur pouvoir d’achat.
Or les fonctionnaires ne sauraient être les dupes de celui qui prétendait devenir « le Président du pouvoir d’achat ».
Depuis quelques années, le point d’indice augmente faiblement, en dessous du rythme de l’inflation. C’est pourtant le seul élément salarial qui bénéficie à tous les agents. Alors que le gel du point d’indice sera inévitablement acté pour trois ans, la hausse du taux de cotisation prévue par l’article 21 ne fera qu’accentuer, dans des proportions inédites, une dégradation salariale déjà inquiétante.
Vous affirmez qu’une augmentation de 0,26 % correspond à une augmentation moyenne de 6 euros par mois, autrement dit une somme qui peut sembler négligeable. Mais c’est arrêter un peu vite le calcul ! Au bout de dix ans, ce seront non plus 6 euros, mais 60 euros par mois, c’est-à-dire, tout de même, 720 euros par an !
Sans compter que cet alignement sur le privé n’est équitable qu’en apparence. La convergence forcée entre les règles applicables aux fonctionnaires et celles qui concernent les salariés du secteur privé n’a aucun sens, si ce n’est de dresser les Français les uns contre les autres, alors que tous subissent la même précarité, connaissent les mêmes inquiétudes pour leur avenir comme pour celui de leurs enfants.
Pourquoi chercher un rapprochement, alors que l’organisation des retraites est entièrement différente ? On ne peut isoler certains éléments du système de la fonction publique sans les rapporter à l’ensemble de l’organisation du régime des fonctionnaires.
La retraite des fonctionnaires est un système à un étage, un étage unique, et est calculée à partir du seul traitement indiciaire. La retraite des salariés du secteur privé est construite sur deux étages – retraite de la sécurité sociale et retraites complémentaires obligatoires, ARRCO et AGIRC – et intègre les primes, les indemnités, les heures supplémentaires.
Du reste, des études parallèles montrent qu’il n’y a pas autant de différence que l’on croit entre la retraite du privé et celle du public, compte tenu du niveau en moyenne plus élevé de formation des fonctionnaires du public. Ce serait donc une imposture de vouloir comparer la pension des fonctionnaires à la seule retraite de base des salariés du privé.
De toute façon, à manier les comparaisons hâtives, on court le risque des discours démagogiques qui désignent trop souvent les fonctionnaires comme des privilégiés. En effet, nous avons tous lu des chiffres qui indiquent des écarts parfois spectaculaires, afin d’illustrer de supposées inégalités en faveur du secteur public. Mais il ne faut pas noyer les différences de niveau de qualification dans des moyennes ! Ainsi, on compte 30 % de cadres dans la fonction publique de l’État, contre seulement 16 % dans le privé.
Nous considérons qu’il est aberrant d’engager ce processus de hausse du taux de cotisation d’assurance vieillesse dans une période où l’économie n’est pas encore véritablement repartie – nous le saurions, sinon ! – et où la consommation a besoin d’être soutenue. Or les fonctionnaires sont l’un des moteurs essentiels de l’économie nationale, grâce à leur niveau de consommation.
Nous refusons cet alignement par le bas répété et nous lui préférons un socle de droits communs aux secteurs public et privé.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L’article 21 vise à « rapprocher » les taux de cotisation. Pour traiter le sujet dans sa globalité, mon groupe avait déposé un amendement visant à intégrer les primes des fonctionnaires dans le calcul de leurs retraites et, par voie de conséquence, de supprimer le régime additionnel de la fonction publique, créé il y a quelques années. Cet amendement a été retoqué au motif de l’application de l’article 40, ce que je regrette.
Contrairement à une idée reçue et véhiculée par les médias, les fonctionnaires ne partent pas avec 75 % de leur dernier salaire. Leur taux de remplacement est considérablement amoindri par la non-prise en compte, dans l’assiette, des primes et indemnités. Or la part des rémunérations accessoires progresse sans discontinuer depuis vingt ans.
À la fin de 2008, dans la fonction publique d’État, la part variable représentait 15,5 % de la rémunération globale, contre 14,6 % en 2006. Même les enseignants ont franchi en 2008 la barre des 10 % de rémunération variable. Dans le secteur privé, la rémunération variable représentait en moyenne 14,3 % de la rémunération globale.
Vous avez fait de la performance le maître mot de votre mode de gestion des services de l’État, monsieur le secrétaire d’État, détruisant ainsi l’essence même du service public tout en dénaturant le sens des prérogatives régaliennes.
Bien que les méthodes de management issues de grandes entreprises du secteur privé s’accordent mal avec les missions de nos services publics, vous avez introduit une part variable dans la rémunération des fonctionnaires à l’image de la PFR, la prime de fonctions et de résultats. En ce sens, la PFR est une démonstration de plus de votre volonté de casser le statut de la fonction publique, qui est fondé sur la rémunération indiciaire.
Soucieux de ne surtout pas augmenter les traitements de l’ensemble des personnels, titulaires ou contractuels, en activité ou en retraite, la droite n’a cessé d’accroître la part indemnitaire des revenus des fonctionnaires. C’est effectivement très pratique dès lors que les seuls critères retenus sont des critères comptables et que le dogme libéral pousse à individualiser les primes, prétendument en fonction des résultats obtenus par chacun des agents.
Pourtant, alors que, face aux suppressions massives d’emplois et à la baisse du pouvoir d’achat, se pose avec force l’exigence de revalorisation du point d’indice et de reconnaissance des qualifications, afin de mettre à niveau les rémunérations des fonctionnaires, la part variable dans la rémunération ne cesse d’augmenter.
Pour les ministères où elle s’applique déjà, le montant de la PFR représente en moyenne 23 % de la rémunération annuelle, primes comprises, pour un cadre C, 24 % pour un cadre B et 26 % pour un cadre A.
Ainsi, en plus de dénaturer les missions de nos services publics, la PFR accélère le processus de banalisation des tâches entre les différentes catégories, sous couvert de promotions. C’est l’instauration de la contractualisation comme dans le privé et le développement de l’arbitraire et des pressions en tous genres sur la vie des agents.
Le déplafonnement de l’assiette éligible à la RAFP, la retraite additionnelle de la fonction publique, ne nous apparaît pas comme une solution profitable pour les cotisants. Plutôt qu’une extension du régime additionnel, il nous paraît essentiel de revendiquer l’intégration des primes et indemnités dans le calcul de la pension.
Mes chers collègues, je tenais à vous donner cet éclairage sur l’importance de plus en plus grande de la part variable dans la rémunération variable des fonctionnaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Au printemps dernier, lors d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale, François Baroin avait assuré qu’il ne travaillait pas « sur une baisse du pouvoir d’achat ou du niveau de vie des fonctionnaires ». Comment faut-il, alors, appeler l’alignement du taux de retenue pour pension sur le traitement des agents de la fonction publique avec le taux de cotisation du privé ?
En plus, le Gouvernement a décidé de geler le salaire des fonctionnaires pour 2011 s’il n’a encore rien annoncé pour 2012 et 2013, nous pouvons nous attendre au pire, l’orientation gouvernementale de maintenir le gel apparaissant en effet comme quasi certaine. Mais alors, à quoi travaille réellement M. Baroin ?
Enfin, si l’on constate que le budget de l’action sociale a été rogné et que les réformes du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence se feront désormais – au mieux ! – à budget constant, doit-on se poser des questions sur l’honnêteté politique de M. Baroin ?
Pour nous l’addition est simple : hausse des cotisations plus gel des salaires plus baisse des prestations sociales égalent accentuation de la perte de pouvoir d’achat ! Nous ne voyons d’ailleurs pas comment il est possible d’affirmer le contraire.
Force est donc de constater que nous faisons face à un gouvernement qui fait preuve d’un dogmatisme forcené et qui s’obstine à ne pas reconnaître les pertes de pouvoir d’achat des agents de la fonction publique enregistrées depuis 2000.
En effet, en quelques années, la fonction publique a été soumise à un plan de rigueur particulièrement violent. Aux suppressions d’emplois sont venus s’additionner les attaques contre le statut ainsi que les effets dévastateurs de la révision générale des politiques publiques, de la réorganisation administrative territoriale de l’État, de la loi HPST et des réformes touchant les collectivités territoriales.
Le résultat de ces politiques gouvernementales en matière de fonction publique est une dégradation accrue tant des services publics que des conditions de travail des personnels.
L’augmentation drastique du taux de cotisation, le relèvement de l’âge de départ et l’allongement de la durée de services pour les catégories actives ne feront qu’empirer cette situation d’ores et déjà catastrophique.
C’est pourquoi, avec bon sens, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’article qui harmonise le taux de cotisation des fonctionnaires et celui des salariés du secteur privé. Il s’agit pourtant d’une mesure de convergence à la fois utile et nécessaire pour des raisons tant financières que d’équité.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Je veux maintenant répondre aux intervenants qui ont abordé la question des primes.
Le régime additionnel de retraite des fonctionnaires, vous le savez comme moi, mes chers collègues, est assis sur les primes à hauteur de 20 % du traitement indiciaire. Au-delà de ce taux, certaines primes sont intégrées. Je pense à la prime de feu des pompiers, qui a été évoquée, à certaines primes à la SNCF ou à la nouvelle bonification indiciaire. C’est également le cas pour une dizaine ou une vingtaine d’autres primes.
En fait, voilà où se trouve l’inégalité : en fonction du corps auquel vous appartenez, les primes sont intégrées ou non. Il est donc impossible de procéder à un rapprochement total. Rien ne sert de fantasmer. Prévoir le paiement de 6 euros par mois est bien plus raisonnable.
Cessez donc de nous prêter des intentions, de divaguer, d’entretenir des polémiques, d’opposer les uns aux autres. Tout cela est bien superflu, à mon avis !
M. Guy Fischer. Ce n’est pas nous qui stigmatisons les fonctionnaires !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je veux bien tout entendre, pourvu qu’il y ait un minimum de cohérence. Or j’ai peine à en trouver dans les propos qui ont été tenus. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je n’entends aucune hostilité, y compris dans les rangs de l’opposition, au principe d’envisager la convergence au nom de l’équité. Tout le monde est d’accord pour dire qu’il faut rendre le système lisible et équitable. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Le problème est que, chaque fois que nous proposons quelque chose, vous démontrez par A plus B qu’il ne faut rien faire. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Isabelle Pasquet. Ce n’est pas vrai !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Vous avez un principe, mais vous en refusez l’application.
Je suis obligé de vous dire que votre analyse est factuellement fausse. D’ailleurs, ce n’est pas très difficile à démontrer, ce que je vais faire non sans vous avoir auparavant répondu, monsieur le président, que le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.
Mais j’en arrive à ma démonstration.
Commençons par les rémunérations.
Je tiens à votre entière disposition les archives dans lesquelles vous trouverez toutes les courbes, tous les chiffres relatifs à l’augmentation de la rémunération par personne physique dans les trois fonctions publiques depuis 2000.
Comme je l’ai déjà expliqué tout à l’heure, quand le point d’indice augmente de 0,2 %, de 0,3 %, de 0,4 %, de 0,5 %, de 0,6 % ou n’augmente pas du tout, quelle que soit l’année considérée, la rémunération progresse toujours au moins de 0,6 % ou de 0,7 %. Pourquoi ? Tout simplement, parce que, outre le GVT, il y a l’effet de mesures catégorielles. Ajoutez à cela la GIPA, la garantie individuelle du pouvoir d’achat, monsieur Mahéas, et vous avez un système – c’est nous qui l’avons mis en place – où il n’y a aucune baisse de pouvoir d’achat pour le fonctionnaire, contrairement à ce que vous prétendez.
Si vous le souhaitez, je peux vous en faire la démonstration sur une période de quatre ans.
J’en viens aux primes.
Je vous suis volontiers, monsieur Fischer, pour dire que l’on pourrait y voir plus clair.
Avec Éric Woerth, j’ai reçu les représentants de l’ensemble des associations d’employeurs territoriaux, qui m’ont expliqué qu’il était nécessaire d’y voir plus clair dans ce système indemnitaire de la fonction publique territoriale caractérisé par la coexistence d’un nombre incalculable de primes. On recense de même 1 800 primes dans la fonction publique de l’État !
Cela étant, je vous rappelle que, dans le cadre de la loi relative à la rénovation du dialogue social, la prime de fonctions et de résultats a été étendue aux deux autres fonctions publiques. Nous aurons ainsi un dispositif limpide, qui permettra de réaliser des comparaisons indemnitaires. À ce moment-là, peut-être pourrons-nous entrer dans la logique que vous défendez, à savoir intégrer les primes dans l’assiette de la pension, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Je vous le répète, commençons d’abord par y voir clair en matière indemnitaire. Ensuite, les choses seront beaucoup plus simples.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Diminuons les pensions !
M. Robert Hue. Vous ne voulez pas augmenter les salaires !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Enfin, je tiens à préciser que les dépenses en matière d’action sociale n’ont absolument pas diminué – je tiens les chiffres à votre disposition – et qu’il n’est pas question qu’elles diminuent. D’ailleurs, vous pourrez le constater lorsque le Gouvernement présentera le projet de budget au Parlement dans les prochaines semaines.
Pour terminer tout à fait, je veux répondre aux remarques concernant les augmentations de salaires pour l’année 2011-2012. Je le répète encore une fois : nous avions promis d’augmenter le point d’indice de 0,5 % et de le geler en 2011, sans aller au-delà, et nous sommes le seul pays à avoir tenu ses engagements en la matière.
Lisez le rapport que la Cour des comptes a rendu il y a quelques jours. Si nous étions sérieux - peut-être le serons-nous, ou peut-être ne suivrons-nous pas les recommandations de M. Migaud -, nous devrions bloquer l’indice pendant trois ans !
Pour l’instant, je le dis ici, notre décision n’est pas prise. Ayez donc l’amabilité de ne pas être aussi dramatique dans votre façon de présenter les choses.
Monsieur Fischer, il y a des moments où il faut être cohérent avec soi-même. On ne peut pas en même temps prôner l’équité et la convergence et dire non à tout ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean Desessard. Vous, vous êtes bien en cohérence avec vous-même !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il n’y a guère de chance que la situation évolue ce soir, nous sommes en total désaccord avec le Gouvernement, qui manifeste une réelle volonté de peser sur les trois fonctions publiques. On le voit bien lorsque l’on récapitule les nombreuses mesures qui s’accumulent : gel du point d’indice – il s’agit d’une pression évidente –, allongement de la durée de cotisation – on le sait, cela pèsera d’une manière ou d’une autre sur le niveau de vie des fonctionnaires –, recul de l’âge légal de départ à la retraite, qui pèsera également sur tous les salariés, ceux du secteur privé mais aussi les fonctionnaires.
Sur des sujets aussi sensibles, une véritable étude d’impact aurait été nécessaire. Elle nous aurait notamment permis d’avoir une idée claire du taux de remplacement dans la fonction publique. J’ai évoqué le taux de 75 %, mais celui-ci est certainement bien plus faible, car il est inexorablement tiré vers le bas.
Je suis particulièrement choqué par le processus de convergence des taux de cotisation que le Gouvernement a engagé. Songez-y, mes chers collègues : 6 euros par mois pour la catégorie C ! Jamais vous ne vous seriez permis d’imposer aux médecins, aux agriculteurs ou aux commerçants une hausse aussi importante. Mais, là, vous allez jusqu’au bout !
Comme vous êtes friands de recommandations, je vais vous faire part du « traitement de choc » proposé par la commission Attali, que vous appliquerez certainement largement.
Pour trouver les 10 milliards d’euros d’économies dont nous avons déjà parlé ici, la commission Attali invite à geler le salaire des fonctionnaires au-delà de 2011 et à étendre le non-remplacement d’un départ sur deux à la retraite aux collectivités locales et à la Sécurité sociale. Elle prône aussi le gel de certaines prestations sociales. Je rappelle que, pour la première fois, celles-ci n’ont pas augmenté cette année au 1er avril.
La commission Attali propose également de mettre les allocations familiales sous condition de ressources – là aussi, vous allez rompre avec une tradition – et de recentrer l’allocation personnalisée d’autonomie sur les plus dépendants. Comptez d’ailleurs sur nous pour que cette question soit au cœur de nos préoccupations !
Pour la sécurité sociale, cela passerait par une révision de la prise en charge des affections de longue durée. C’est un débat que nous avons déjà engagé en commission des affaires sociales. Nous savons en effet que, dans le déficit de l’assurance maladie, les ALD pèsent très fortement, pour 50 %, comme l’hôpital, d’ailleurs !
Ceux que vous allez toucher véritablement, ce sont les personnes les plus âgées. Voilà pourquoi nous sommes contre la convergence des taux de cotisation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous remercier, car nous avons enfin eu une réponse moins lapidaire.
M. Jacques Mahéas. Je parle de ce soir, monsieur le secrétaire d’État.
Malgré tout, nous ne pouvons vous suivre.
Vous nous dites que le pouvoir d’achat est garanti pour les agents de la fonction publique. À l’appui de vos propos, vous invoquez le GVT. Or il est lié à la pyramide des âges, ce qui fait que, actuellement, il pèse de façon importante. Par conséquent, en le diminuant, vous mettez en jeu la carrière des fonctionnaires.
Vous nous dites également que vous maintenez le pouvoir d’achat et que vous accordez une prime. C’est vrai que vous donnez une prime, d’ailleurs souvent à des fonctionnaires arrivés au maximum de leur grade, pour compenser l’inflation, mais le problème est que cette prime n’entrera que pour très peu dans le calcul de la retraite.
Il s’agit donc, là encore, d’une diminution de la retraite des fonctionnaires, et quelquefois dans des proportions importantes.
Là où je vous rejoins, en revanche, et je vous en remercie, c’est sur votre volonté de clarifier le système des primes, notamment celles qui sont versées aux hauts fonctionnaires. L’actualité récente nous le rappelle, le fonctionnaire de base s’interroge quand il apprend les revenus des membres du cabinet de M. Baroin.
M. Jean-Pierre Sueur. C’est cher !
M. Jacques Mahéas. C’est vrai, cela fait cher la prestation, si brillante soit-elle.
Il serait bon d’avoir plus d’information sur ce sujet. Pour ma part, j’ai posé de nombreuses questions écrites au fil des années, mais j’ai reçu très peu de réponses de la part des ministères.
Or je pense que les fonctionnaires n’ont rien à cacher. Certains auront effectivement un bon salaire, ce qui est logique compte tenu de leurs hautes responsabilités ; ils en ont parfois autant que les patrons du CAC 40, alors qu’ils ne connaîtront jamais le même niveau de rémunérations. Pourquoi ne pas le dire ? Les fonctionnaires n’auront alors absolument aucun complexe.
En revanche, pour le reste, excusez-moi de vous contredire, mais ce que vous dites est faux ! Depuis plusieurs années, la baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires a été évidente, se situant au moins à 8 %.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28 tendant à supprimer l’article 21.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 45 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 179, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
1° Après les mots :
prend en considération
insérer les mots :
, d'une part
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et d'autre part, l'ensemble des retenues supplémentaires opérées sur le traitement des agents concernés
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 178, présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
ainsi que l'évolution du pouvoir d'achat des agents concernés et la situation économique
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Comme nous l’avons souligné précédemment, il est totalement déplacé de mettre en avant le principe d’équité pour défendre l’architecture de l’article 21.
Il s’agit d’une harmonisation vers le bas qui pénalisera davantage encore les salariés de la fonction publique.
Monsieur le secrétaire d’État, faut-il vous rafraîchir la mémoire ? En 2010, 35 000 postes de fonctionnaires ont été supprimés, un départ de fonctionnaire sur deux n’étant pas remplacé.
La loi de finances pour 2009 prévoyait déjà la suppression de 30 000 emplois, celle de 2008 près de 23 000 emplois et plus de 11 000 emplois en 2007, suppressions auxquelles il faut ajouter le gel des salaires en 2011.
Alors, allez-vous continuer à nous expliquer qu’il n’y aura effectivement aucune baisse du pouvoir d’achat en 2011 ? D’année en année, les partisans de la rigueur multiplient les ponctions, ignorant les besoins et les attentes de la population et sacrifiant la richesse collective que constituent les services publics.
La convergence des taux de cotisation des fonctionnaires et des salariés du secteur privé ne saurait intervenir dans un moment de crise où la relance par le pouvoir d’achat est décisive.
L’État se place lui-même dans l’incapacité d’assumer les responsabilités qui sont les siennes dans des domaines pourtant essentiels pour la vie de chaque citoyen et, plus largement, pour le pays. C’est un véritable démantèlement des services publics et de leurs missions qui est ainsi programmé.
Pour les personnels, c’est une dégradation de leurs conditions de travail, de leurs garanties statutaires et un accroissement de la précarité et du chômage des jeunes.
Nous ne pouvons pas accepter une telle situation !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, car il s’agit d’une proposition contraire à l’esprit du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, pour la même raison.
Dois-je le rappeler ? pour une pension à peu près égale, le coût d’acquisition de la retraite dans la fonction publique est d’un tiers inférieur à celui du secteur privé, ce qui est inéquitable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Pour ce qui nous est présenté comme « la » réforme du Président de la République, cela fait désordre !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 46 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour explication de vote sur l'article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est tellement dense en dispositions concernant les fonctionnaires que l’on serait tenté de croire, à première lecture, qu’il s’agit d’un projet de loi concernant les finances publiques, une sorte d’excroissance ou de guide pratique de la RGPP en matière de retraites.
Or, vous en conviendrez, les retraites des fonctionnaires n’étant pas financées par la sécurité sociale, les mesures proposées ne sont pas vraiment destinées à réduire le déficit de la sécurité sociale.
En revanche, nous l’avons tous compris, ces dispositions permettent de réduire les déficits publics, donc d’atteindre à plus ou moins long terme les objectifs d’équilibre imposés tout à la fois par l’Union européenne et par les agences de notation.
Selon vous, les mesures prises concernant les fonctionnaires se justifieraient au nom du principe d’équité ; c’est d’ailleurs devenu votre argument massue. Nous voyons avec votre politique fiscale qu’il s’agit d’un principe à géométrie variable. C’est d’ailleurs au nom de ce principe que vous prévoyez, dans cet article 21, d’augmenter le taux de cotisation des fonctionnaires, afin, dites-vous, de le porter au même taux que celui qui est supporté par les salariés du secteur privé.
Par exemple, vous rappelez à juste titre que le taux de cotisation des fonctionnaires est de 7,85 % seulement. Comme vous le savez également, le taux de cotisation des salariés du secteur privé, pour la branche vieillesse, bien entendu, lui est inférieur, puisqu’il est de 6,65 %. À cela il convient effectivement d’ajouter les cotisations AGFF et ARRCO, ce qui porte le taux de cotisation sociale assumée par les salariés du secteur privé à 10,45%.
Or cet article va plus loin que la stricte égalité, puisqu’il porte la contribution des fonctionnaires à 10,55% à l’horizon 2020, soit un pourcentage légèrement supérieur à celui qui est supporté par les salariés du secteur privé.
Mais, comme vous le savez également, il convient d’ajouter à ce taux les cotisations des fonctionnaires au régime additionnel de la fonction publique, le RAFP. Ainsi, tout cumulé, les contributions des fonctionnaires au financement de leurs régimes de retraites devraient être légèrement supérieures à celles du secteur privé, régime de base et régime complémentaire compris.
Au demeurant, ce régime complémentaire représente une part importante dans la pension des salariés du secteur privé, alors que le RAFP est encore, pour sa part, très symbolique.
Mais ces vérités ne vous intéressent pas ! Ce qui compte, pour vous, c’est de poursuivre dans votre politique et de continuer à opposer les Français entre eux ! Comme toujours, votre cible privilégiée demeure les agents des trois fonctions publiques.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, si vous aviez réellement pour objectif d’harmoniser les taux de cotisation, vous auriez alors pu le faire en décidant d’une mesure simple, approuvée par l’immense majorité des agents et de leurs syndicats : un transfert de cotisations employeurs vers les cotisations salariales avec augmentation à due concurrence du salaire indiciaire.
Cela ne représenterait aucun coût salarial pour l’État concernant les fonctionnaires en activité, mais le montant des pensions augmenterait d’autant pour les nouveaux retraités, ce qui n’est pas, a priori, l’objectif de votre gouvernement.
En lieu et place de cette proposition, vous avez fait le choix d’imposer une mesure brutale : une hausse des cotisations sociales des trois fonctions publiques de 35 % en dix ans. C’est du jamais vu, d’autant plus que vous avez décidé de geler les points d’indice des fonctionnaires.
Tout cela conduit mécaniquement à la réduction des pensions, des salaires, bref du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous n’entendons pas participer à cette opération de stigmatisation des fonctionnaires.
C’est la raison pour laquelle nous avions déposé un amendement de suppression et pour laquelle nous voterons contre cet article 21. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Les chartes du commerce équitable – c’est à la mode – insistent sur l’utilité publique des biens et services qu’ils promeuvent et sur les garanties de juste salaire et de couverture sociale dont bénéficient les ressources humaines qui travaillent dans ces secteurs.
Au fond, les fonctionnaires, c’est notre secteur équitable républicain : mission de service public, sobriété des revenus – je ne parle pas des revenus des membres des cabinets ! – mais emploi durable, protection sociale, transparence…
Alors, pourquoi tant de stigmatisation ? Vous appliquez à ce secteur des remèdes que Diafoirus n’aurait pas reniés : la saignée de la RGPP et la purge, avec l’article 21 !
La saignée de la RGPP, c’est un départ sur deux non remplacé. Mais ouvrez les yeux sur les conséquences désastreuses de cette politique !
Dans le secteur de la santé, de la dépendance, les besoins vont croissant. Comment affronter ces problématiques avec des sous-effectifs ? Dans celui de la petite enfance, le développement des modes de garde des jeunes enfants permettrait à leurs parents de travailler, donc d’alimenter les caisses avec leurs cotisations.
De tels emplois créeraient un cercle vertueux, mais vous n’en faites rien. Et les femmes sont en première ligne ; elles représentent 57 % des effectifs dans les secteurs concernés.
L’objectif est clair : c’est la poursuite de la destruction des services publics.
Il est vrai que nombre de vos amis sont en embuscade pour marchandiser la santé, l’éducation nationale, l’accompagnement de fin de vie… M. Chatel en offre un bel exemple. Sa stratégie ? Fermer des maternelles et ouvrir des jardins d’enfants privés !
La purge, c’est l’article 21 ! Après avoir reporté l’âge de la retraite à 62 ans pour les fonctionnaires, vous vous attaquez maintenant à leur pouvoir d'achat. L’augmentation du taux de cotisation d’assurance vieillesse amputera leur budget dans des proportions croissantes inédites.
L’harmonisation entre le privé et le public que vous appelez de vos vœux, vous la faites par un alignement vers le bas !
Pour un fonctionnaire percevant un traitement moyen, le passage du taux de cotisation des fonctionnaires de 7,85 % à 10,55 % coûtera environ 6 euros par mois, mais ce n’est vrai que pour la première année. La deuxième année, ce sera 12 euros par mois, puis 18 euros l’année suivante, et ainsi de suite jusqu’à atteindre 60 euros par mois au bout de dix ans…
Non, monsieur le ministre, les fonctionnaires ne sont pas les grands privilégiés du monde du travail ! C’est une caricature pour tenter de diviser la société !
C’est pourquoi les sénatrices et les sénateurs Verts voteront contre cet article.
En revanche, je ne suis pas d'accord avec ma collègue Christiane Demontès, qui a tout à l’heure fait remarquer à la majorité l’aspect clairsemé de ses rangs pour la « grande réforme » du Président de la République. Mais, ma chère collègue, ils sont excusables ! Le candidat Nicolas Sarkozy n’avait jamais annoncé une telle réforme. Les membres de la majorité n’avaient donc pas prévu d’être là. L’ennui, c’est que les Français non plus n’avaient pas envisagé que cela leur tomberait dessus ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Christian Cambon. Que c’est drôle ! Et quel esprit !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Hier, on nous a expliqué que la gauche n’avait aucune vision sur le monde économique, un monde en mouvement perpétuel, et que nous avions une perception sclérosée de la fonction publique.
M. Jean-Patrick Courtois. C’est la vérité !
M. Yves Daudigny. Je souhaite répondre à ces affirmations.
Mon modèle de référence en matière sociale, ainsi que celui de nombre d’entre nous, ce n’est pas la Chine ! Et l’avenir de nos territoires, urbains ou ruraux, ne se construira pas sur la destruction des services publics et l’effacement progressif de la présence de l’État dans les quartiers, dans les communes rurales, les cantons ou dans les bourgs…
Pourtant, telle est bien la machine que vous avez mise en route à travers les phases successives de la RGPP. Désormais, la principale question que se pose un ministre chaque matin est de savoir sur quel poste il pourrait ne pas remplacer des fonctionnaires partant à la retraite et quelle mission il pourrait supprimer.
Cet article 21 entre bien dans la philosophie que je décris, mais il participe aussi de cette pratique du Président de la République et du Gouvernement : cliver ! Ce sont les jeunes contre les anciens, les riches contre les pauvres, ceux qui se lèvent tôt contre ceux qui se lèvent tard et, plus spécialement aujourd'hui, les fonctionnaires contre les salariés du secteur privé.
Nous n’entrerons pas dans une telle mécanique et nous voterons bien sûr contre cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 21.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG, l'autre, du groupe UMP.
M. Jean Desessard. Connivence ! (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que la commission comme le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 184 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 22
(Non modifié)
I. – L’article L. 25 bis du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 25 bis. – L’âge d’ouverture du droit à une pension de retraite résultant de l’application de l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale est abaissé pour les fonctionnaires relevant du régime des pensions civiles et militaires de retraite qui ont commencé leur activité avant un âge et dans des conditions déterminés par décret et ont accompli une durée totale d’assurance et de périodes reconnues équivalentes dans ce régime et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au moins égale à une limite définie par le même décret, tout ou partie de cette durée totale ayant donné lieu à cotisations à la charge du fonctionnaire. Ce décret précise les modalités d’application du présent article et, notamment, les conditions dans lesquelles, le cas échéant, une partie des périodes de service national et les périodes pendant lesquelles les fonctionnaires ont été placés en congé de maladie statutaire ainsi que les périodes comptées comme périodes d’assurance dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires au titre de la maladie, de la maternité et de l’inaptitude temporaire peuvent être réputées avoir donné lieu au versement de cotisations. »
II. – L’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est applicable aux fonctionnaires affiliés au régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales. La condition de durée minimale d’assurance ou de périodes reconnues équivalentes prévue à ce même article est celle accomplie dans le régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales et, le cas échéant, dans un ou plusieurs autres régimes obligatoires.
III. – L’article 57 de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale pour 2005 est abrogé.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Nous aurions préféré une véritable amélioration du dispositif « carrières longues » qui profite aussi bien aux fonctionnaires qu’aux salariés du privé.
En effet, permettre à ceux qui ont validé un grand nombre de trimestres de partir avant les autres constitue une mesure de justice.
Voilà quelques jours, j’avais évoqué avec M. Woerth le cas de cette dame ayant commencé à travailler à 14 ans et considérant de ce fait avoir été plus solidaire que les autres. Avec les mesures que vous avez annoncées, elle pourra effectivement partir en retraite à 58 ans. Il n’empêche qu’elle aura cotisé pendant quarante-quatre ans, et sans avoir pour autant augmenté sa pension de retraite ! C’est ce que je tenais à préciser à M. le ministre, quand j’ai souhaité l’interrompre mais qu’il n’y a pas consenti.
Cette mise au point étant effectuée, je voudrais vous faire part d’un constat : vous vous contentez d’un décalque qui allonge le temps de travail pour tous. L’âge d’ouverture du droit à la retraite anticipée pour carrière longue sera ainsi repoussé de deux ans pour les assurés sociaux ayant commencé à travailler avant 16 ans et d’un an pour ceux qui auront commencé à travailler à 16 ans et qui pourront partir à 60 ans.
Par ailleurs, le dispositif sera étendu aux assurés ayant débuté leur carrière à 17 ans pour un départ anticipé à 60 ans.
Je veux ici réaffirmer notre attachement à la retraite à 60 ans ; l’année 2012 nous donnera peut-être l’occasion de la rétablir… D’ailleurs, si les Français étaient consultés aujourd'hui, notre position serait, me semble-t-il, largement majoritaire et le projet de loi serait brocardé par un nombre très important de nos concitoyens !
Cela étant, pour revenir à l’article 22, il faudrait toutefois veiller à ne pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler très jeune sans avoir pu cotiser suffisamment au début de leur activité. Je pense notamment à certains apprentis, étudiants ou personnels de laboratoire universitaire, pour lesquels les salaires versés les premières années étaient trop faibles pour qu’ils puissent valider des trimestres.
J’attire également votre attention sur la nécessité d’augmenter la durée des congés maladie admis pour l’ouverture du droit à départ anticipé, car il importe de ne pas pénaliser les agents ayant subi des périodes de maladie en cours de carrière. Certains prétendent que les fonctionnaires tombent malades intentionnellement…Honnêtement, je vous assure qu’ils préfèrent travailler et être en bonne santé !
Afin de respecter les règles de décompte du temps partiel dans l’appréciation de l’ouverture d’un droit à pension, il convient également de prendre en compte la durée des services effectués, qu’il s’agisse d’un temps plein ou d’un temps partiel.
Il est donc nécessaire de modifier la rédaction de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite pour prendre en compte le temps partiel dans les mêmes conditions que pour l’appréciation de l’ouverture des droits à pension.
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, sur l'article.
M. Bernard Vera. Depuis que nous avons commencé à débattre de ce projet de loi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous ne cessez de réaffirmer que vous êtes les seuls à vous préoccuper de la question des salariés ayant commencé à travailler tôt, c’est-à-dire ayant des carrières longues.
Or, cette affirmation est fausse. En 2002, avant que M. Fillon présente son projet de loi, nous avions déposé avec nos collègues députés une proposition de loi destinée à tenir compte des carrières longues.
Par ailleurs, mon groupe a également déposé au Sénat en juillet 2010 une proposition de loi visant à garantir le financement de la retraite à 60 ans sans décote, avec un taux de remplacement au moins égal à 75 % du SMIC net, et ce texte abordait clairement la question des carrières longues.
Pour notre part, nous proposons que, passé un certain âge, le salarié soit inscrit dans un processus où chaque année de vie donnerait droit à des périodes de cotisations sociales. Ce mécanisme, qui repose sur le principe d’une sécurité sociale professionnelle, exige, bien entendu, que l’on bouleverse l’ordre actuellement établi. Cela passe par un renforcement des droits des salariés et de leurs représentants, par une meilleure répartition des richesses ou encore par une rénovation fondamentale du code du travail, avec comme objectifs principaux la préservation de l’emploi et la diminution notable des emplois précaires.
Pour nous, dans un tel projet, chaque période de vie donne lieu à des périodes de cotisation, y compris les périodes de formations initiale ou professionnelle puisqu’elles contribuent à enrichir personnellement et professionnellement les salariés, donc, par voie de conséquence, les entreprises.
Ce projet repose, naturellement, sur un bouleversement fiscal et social. Par exemple, le taux des cotisations des entreprises pourrait être modulé à raison de leur politique en matière d’emplois et de salaires et les dividendes taxés afin de faire cesser la mécanique d’intoxication financière qui plonge notre économie dans la crise.
Avec cette proposition, nous pourrions être en mesure de garantir à tous les salariés un droit à la retraite à taux plein dès 60 ans tout en assurant aux salariés ayant eu des carrières longues le droit d’en bénéficier réellement, contrairement à ce que prévoit le dispositif que vous avez introduit en 2003 et dont vous avez durci les conditions d’accès au point de le rendre quasi inaccessible. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à supprimer l’article 22 du projet de loi, qui transpose dans cette réforme le dispositif « carrières longues » de la loi de 2003.
Loin d’améliorer une disposition par ailleurs rendue quasi obsolète par les modifications décidées par le Gouvernement, l’article 22 se contente de réécrire cette dernière pour la durcir en fonction de l’allongement de la durée de cotisation.
Le dispositif « carrières longues » a été instauré par la loi de 2003. Il prévoyait que les personnes ayant commencé à travailler entre 14 ans et 16 ans pourraient partir à la retraite avant 60 ans sous différentes conditions : une durée minimale d’assurance en début de carrière avant 16 ans ou 17 ans selon l’âge de départ, une durée minimale totale d’assurance, une durée minimale d’assurance cotisée variant selon l’âge de l’assuré à la date d’effet de sa pension.
Cependant, en raison du coût trop important de ce dispositif, le Gouvernement n’a eu de cesse de le durcir jusqu’à en provoquer la dénonciation par la seule organisation syndicale signataire en 2003, la CFDT.
Ainsi, en 2008, le Gouvernement prévoit que les activités n’ayant pas donné lieu au versement d’une cotisation telle que les apprentissages ou les aides familiales sont désormais constatées non plus par la signature d’un document par deux témoins, mais par le déplacement de ces derniers en vue d’effectuer une déclaration sur l’honneur.
De plus, sans preuves matérielles établissant l’activité, par exemple des feuilles de paye, seulement quatre trimestres pourraient être validés contre la validation d’une période indéterminée et sans limites dans le dispositif antérieur à 2008.
Enfin, depuis janvier 2009, la durée de cotisation pour bénéficier de ce dispositif a été allongée, contraignant certains salariés à devoir cotiser jusqu’à 43 ans avant de pouvoir partir.
Conséquence, le nombre de bénéficiaires, qui dépassait 100 000 personnes jusqu’en 2008, est tombé en 2009 à 30 000 personnes, soit une diminution de 70 %, ce dispositif se réduisant comme peau de chagrin.
La nouvelle rédaction prévue dans cet article ne changera pas fondamentalement la donne, c’est bien le problème. L’article acte l’allongement de l’espérance de vie sur le dispositif « carrières longues » pour, encore une fois, opérer une régression sociale en augmentant l’âge de départ à la retraite des salariés concernés, sans dépasser l’âge de 60 ans.
Ainsi, pour les débuts de carrière à 14 ans ou à 15 ans, l’âge de départ sera porté à 58 ans ou à 59 ans ; pour les débuts de carrière à 16 ans et à 17 ans, il sera porté à 60 ans.
Nous avons, nous, l’ambition de revoir les conditions d’accès à un départ anticipé à la retraite pour les carrières longues afin d’améliorer véritablement le dispositif.
Nous sommes donc opposés à un article qui ne change rien dans la continuité de l’existant, mais durcit un dispositif déjà minime. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement est évidemment défavorable à cet amendement. Son adoption aurait pour conséquence paradoxale de faire tomber le dispositif « carrières longues » dans la fonction publique !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29, tendant à supprimer l’article 22.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour explication de vote sur l'article.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. L’article 22 procède à la réécriture du dispositif « carrières longues » dans la fonction publique en le calquant sur celui qui en vigueur dans le secteur privé.
En d’autres termes, il est question du dispositif de retraite anticipée pour longue carrière au sein de la fonction publique. Ce dispositif, instauré par l’article 23 de la loi du 21 août 2003, a été étendu aux fonctionnaires par l’article 119 de la loi de finances pour 2005. Il permet aux agents ayant commencé très jeune leur activité professionnelle de partir avant la date de liquidation prévue par leur corps.
Ainsi, la rédaction de l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite est alignée sur celle de l’article L. 351-1-1 du code de la sécurité sociale. Avec cette mesure, à partir du 1er juillet 2011, l’âge nécessaire pour bénéficier de ces dispositions sera relevé de deux années. Par exemple, un fonctionnaire ayant commencé à cotiser à 14 ans pourra liquider sa pension à partir de 58 ans, soit après quarante-quatre ans de travail, comme l’a souligné mon collègue.
L’allongement de la durée de travail qu’impose ce texte n’est pas dénué de conséquences sur la santé des personnels visés par cette disposition.
À cet égard, il eût été logique que la rédaction proposée à l’article L. 25 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite instaure une amélioration pour les ayants droit, et s’inscrive dans une recherche de justice sociale et de reconnaissance du travail effectué durant quarante-trois ans ou quarante-quatre ans. Or il n’en est rien.
Le Gouvernement estime que près de 90 000 personnes pourraient être chaque année concernées par ce dispositif. Nous parlons de personnes ayant commencé à travailler à 14 ans, à 15 ans, à 16 ans ou à 17 ans. Et vous voulez leur imposer une année, voire deux années de plus de travail pour pouvoir bénéficier d’une retraite anticipée ? N’est-ce pas là une régression sociale ? Pour notre part, nous en sommes convaincus !
L’argumentation du Gouvernement en faveur de l’augmentation de la durée du travail est purement économique, nous le savons. En dehors de l’invalidité, que nous allons examiner dans les prochains articles, l’impact d’une telle mesure sur la santé des salariés semblent laisser de marbre l’exécutif.
Or il suffit de se pencher sur les observations effectuées par les médecins généralistes pour se rendre compte des effets induits par cette réforme. À titre d’exemple, je prendrai l’étude effectuée dans sept maisons médicales réparties sur tout le pays.
Sur les 1 150 patients âgés de 50 ans à 55 ans dont 48,9 % hommes et 51,1 % femmes, il apparaît que 65,5 % des 50-55 ans souffrent d’au moins une maladie chronique ayant un impact sur la capacité de travail, 44 % souffrent de pathologies musculo-squelettiques – 43 % des hommes et 44 % des femmes – et 16 % souffrent de pathologies mentales – 11 % des hommes et 21 % des femmes.
En allongeant la durée de travail pour les salariés, notamment pour ceux qui ont débuté leur activité professionnelle tôt, le Gouvernement augmente la durée d’exposition aux risques professionnels directs et diffus.
Nous considérons que cet article constitue donc une nouvelle étape dans la régression sociale organisée sciemment par les promoteurs de ce projet de loi. Nous nous opposons donc à son adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 22.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Sueur. C’est excessif !
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est de l’obstruction !
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi les sénateurs UMP ne sont-ils pas présents !
M. le président. Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 185 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Rappel au règlement
M. Jean-Pierre Sueur. Je m’adresse directement à vous, monsieur le président, car je sais que vous êtes profondément attaché à la forme du débat parlementaire, mais aussi à son esprit. Or nous assistons, ce soir, à un véritable détournement de la procédure du scrutin public.
Quelle est l’origine de cette procédure ? Elle date, comme vous le savez, mes chers collègues, de la Révolution française. On considérait alors que les citoyens désignés pour siéger dans les assemblées qui se sont succédé n’étaient pas porteurs de leur seul point de vue, mais aussi de celui de la population qu’ils étaient censés représenter.
C’est pourquoi, dès l’origine des assemblées révolutionnaires, le principe a été posé que les scrutins ne devaient pas être secrets. Le scrutin public permet donc à chacun d’exprimer son point de vue, et à la population de prendre connaissance du vote de chaque parlementaire, afin que celui-ci puisse en répondre devant elle.
Ceux qui ont établi cette procédure, non seulement dans sa forme, mais aussi dans son esprit, n’auraient pu imaginer que, par une nuit d’octobre 2010, elle serait ainsi pervertie et qu’un scrutin public serait demandé toutes les dix minutes, faute de participants au débat, faute de combattants, faute de présents, faute de conviction…
En l’occurrence, l’esprit du scrutin public n’est plus respecté : il s’agit d’une sorte de manœuvre, destinée à masquer toutes ces carences ! Nos collègues de la majorité devraient tout de même prendre des dispositions ! M. Woerth nous répète tous les jours que cette réforme est tellement importante qu’il faut la voter en l’état, hormis quelques éventuels aménagements très mineurs. Mais si cette réforme est aussi nécessaire, et même indispensable, qu’il ne le dit, pourquoi ses partisans n’accourent-ils pas pour la soutenir ?
Nous en sommes à seize scrutins publics consécutifs ! Nous assistons à un véritable détournement de procédure. J’aimerais connaître, monsieur le président, votre sentiment sur cette situation, au regard tant de la lettre que de l’esprit.
M. Christian Cambon. C’est vous qui voulez faire durer le débat !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous argumentons ! En présentant nos amendements, nous exprimons notre point de vue, tandis que vous ne faites que demander des scrutins publics ! Ce sont des scrutins publics « de confort », qui détournent l’esprit fondamental de cette procédure…
M. Christian Cambon. Et les 1000 amendements, ce n’est pas du détournement ? Vous vous exprimez par amendements, et nous par scrutins publics ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Si vous étiez suffisamment convaincus par ce texte, vous viendriez le soutenir avec enthousiasme, même à cette heure !
M. Jean-Patrick Courtois. Si c’est pour vous entendre répéter toujours la même chose…
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Je rappelle que le scrutin public est de droit. (Voilà ! sur les travées de l’UMP.)
L’article 60 du règlement du Sénat dispose que « le scrutin public ordinaire, lorsqu’il n’est pas de droit ou lorsqu’il ne résulte pas des dispositions de l’article 54, ne peut être demandé que par le Gouvernement, le président, un ou plusieurs présidents de groupes, la commission saisie au fond, ou par trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal ».
M. Jean-Pierre Sueur. Cela, je le sais ! (Alors ? sur les mêmes travées.) Vous ne dites rien sur l’esprit de la procédure !
Articles additionnels après l'article 22 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 23
I. – Le 3° du I de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;
b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné » ;
3° (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à la réduction » sont insérés après les mots : « à l’interruption ».
II. – Le 1° bis du II du même article L. 24 est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, ou » sont supprimés ;
b) Les mots : « chaque enfant, interrompu son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État » sont remplacés par les mots : « cet enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État et qu’il ait accompli quinze années de services effectifs » ;
2° Au dernier alinéa, les mots : « aux enfants mentionnés » sont remplacés par les mots : « à l’enfant mentionné » ;
3° (nouveau) Au deuxième alinéa, les mots : « ou à la réduction » sont insérés après les mots : « à l’interruption ».
III. – Par dérogation à l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le fonctionnaire civil et le militaire ayant accompli quinze années de services civils ou militaires effectifs avant le 1er janvier 2012 et parent à cette date de trois enfants vivants, ou décédés par faits de guerre, conserve la possibilité de liquider sa pension par anticipation à condition d’avoir, pour chaque enfant, interrompu ou réduit son activité dans des conditions fixées par un décret en Conseil d’État.
Sont assimilées à l’interruption ou à la réduction d’activité mentionnée au premier alinéa du présent III les périodes n’ayant pas donné lieu à cotisation obligatoire dans un régime de retraite de base, dans des conditions fixées par le décret en Conseil d’État mentionné au deuxième alinéa du 3° du I et au 1° bis du II de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Sont assimilés aux enfants mentionnés au premier alinéa du présent III les enfants énumérés au II de l’article L. 18 du même code que l’intéressé a élevés dans les conditions prévues au III de ce même article.
IV. – Pour l’application du VI de l’article 5, dans la rédaction issue de la présente loi, et des II et III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée aux fonctionnaires civils et militaires mentionnés au III du présent article qui présentent une demande de pension, l’année prise en compte est celle au cours de laquelle ils atteignent l’âge prévu au dernier alinéa du I de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée ou, le cas échéant, l’âge prévu au I de l’article 8 de la présente loi. Si cet âge est atteint après 2019, le coefficient de minoration applicable est celui prévu au I de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Lorsque la durée de services et bonifications correspondant à cette année n’est pas fixée, la durée exigée est celle correspondant à la dernière génération pour laquelle elle a été fixée.
Le précédent alinéa n’est pas applicable :
a) Aux demandes présentées avant le 1er janvier 2011, sous réserve d’une radiation des cadres prenant effet au plus tard le 1er juillet 2011 ;
b) Aux pensions des fonctionnaires civils et des militaires qui, au plus tard le 1er janvier 2011, sont à moins de cinq années ou ont atteint l’âge d’ouverture des droits à pension applicable avant l’entrée en vigueur de la présente loi ou l’âge mentionné à l’article L. 4139-16 du code de la défense dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Les personnels mentionnés aux a et b conservent le bénéfice des dispositions de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
V. – Les services administratifs compétents informent, avant le 15 décembre 2010, les fonctionnaires civils et les militaires ayant accompli quinze années de services effectifs et parents de trois enfants vivants ou décédés pour faits de guerre du changement des règles de départ anticipé à la retraite.
M. le président. La parole est à Mme Samia Ghali, sur l’article.
Mme Samia Ghali. L’article 23 constitue une régression de plus pour les femmes. Il vise, en effet, à supprimer la possibilité de prendre une retraite anticipée pour les fonctionnaires parents de trois enfants ayant effectué quinze années de services. Certes, cette disposition n’existe pas dans le régime général. Peut-on, pour autant, la supprimer au nom de l’équité, de la justice ? Ce n’est pas en limitant des droits que l’on fait œuvre de justice ! Ce gouvernement est le champion de l’injustice, et son entêtement à vouloir conserver le bouclier fiscal en est la preuve !
Avec cet article, vous ajoutez de l’injustice dans la vie déjà difficile de nombre de nos concitoyens. Vous dites que le dispositif en question, qui date de 1924, ne correspond plus aux objectifs visés : cela est vrai. Pour autant, de nombreuses familles ont bâti un projet autour de cette possibilité de départ anticipé à la retraite. Est-il juste, responsable et digne de leur dire, aujourd’hui, que leur projet de vie reposait sur du vent ?
Dans la version première de ce projet de loi, le Gouvernement mettait les fonctionnaires face à un dilemme cruel : partir immédiatement à la retraite pour conserver leurs droits ou différer leur départ en sachant que leur pension serait moindre. L’État, sans sommation préalable, procédait ainsi à une rupture unilatérale et terriblement brutale de contrat.
En présentant cette disposition, fort heureusement pointée rapidement du doigt par les organisations syndicales, notamment la CFDT, le Gouvernement a semé un véritable vent de panique. En trois semaines, les femmes concernées auraient dû faire un choix entre prendre leur retraite avant l’été 2011, en conservant ainsi le droit à une retraite à taux plein, et ne pas utiliser cette possibilité, quitte à voir le montant de leur future pension réduit de 20 % à 40 %. Or ces femmes, ces foyers avaient patiemment bâti un projet de vie intégrant cette possibilité de départ anticipé.
La méthode de travail du Gouvernement, marquée par l’impréparation, la précipitation, l’inconséquence, la brutalité, se trouve ici parfaitement résumée, alors que celui-ci ne cesse de se prévaloir de son sens des responsabilités.
En la matière, le Gouvernement est certes responsable ! Il est le responsable, et même le coupable, du climat anxiogène et conflictuel qu’il fait naître et s’étendre dans notre société.
Sa décision, assortie d’un calendrier sommaire et étroit, revenait à appliquer, dès le 13 juillet, une disposition figurant dans un texte pas encore adopté. C’est une autre spécialité de ce gouvernement ! Faut-il rappeler, à cet instant, les mesures qui ont été adoptées sans l’approbation préalable du Parlement : réduction du taux de TVA pour la restauration, suppression de la publicité sur France Télévisions, loi de programmation militaire ?
Prendre une telle mesure était surtout irresponsable : le Gouvernement n’a pas anticipé le risque, complètement inconsidéré, de faire subir aux effectifs des services publics hospitaliers et de l’éducation une hémorragie catastrophique pour l’ensemble de nos concitoyens. Le message était finalement très clair : mieux vaut partir à la retraite tout de suite que plus tard !
Alors que ce projet de loi vise officiellement à maintenir le plus longtemps possible, et coûte que coûte, les gens en situation d’emploi, le Gouvernement, en l’occurrence, les incite fortement à partir.
De l’avis même de M. Laurent Hénard, rapporteur pour avis de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur ce texte, « toute personne concernée, bien informée et sensée, aura tout intérêt à activer son droit à pension anticipée ». Selon lui, « cela va contre l’esprit d’un texte qui vise à prolonger la durée d’activité ».
Il a fallu plusieurs jours pour que cette « bourde » soit considérée comme telle. Le Gouvernement a introduit des modifications, mais la version remaniée du texte n’est toujours pas satisfaisante. Elle demeure brutale, injuste et illisible.
Pour prendre en compte l’inquiétude de certains services qui risquent de perdre une partie importante de leurs effectifs, et aussi pour répondre à l’angoisse légitime des agents concernés, le Président de la République a voulu que le dispositif soit maintenu pour ceux qui se trouvent à moins de cinq ans de l’âge de la retraite. C’est bien le moins !
Par ailleurs, la date butoir a été repoussée au 31 décembre 2010 pour un départ à la retraite prévu au plus tard le 30 juin suivant. Mais ce calendrier n’est pas plus réaliste que le précédent. Certes, la majorité a imposé que les services administratifs compétents au sein de chaque fonction publique informent personnellement, d’ici au 15 décembre prochain, les fonctionnaires concernés de l’incidence du changement des règles en matière de départ anticipé à la retraite sur le montant de leur pension. Cependant, compte tenu des différents délais, et même si les administrations travaillent sans doute déjà sur ce dossier, le temps de délibération sur un choix majeur qui engage l’avenir d’un foyer est réduit comme peau de chagrin.
Enfin, c’est vraiment faire abus de langage que de présenter la disparition de ce dispositif comme conforme à un principe d’équité. Il est vrai que suivant qu’un fonctionnaire a réuni les deux conditions – avoir eu au moins trois enfants et avoir effectué quinze années de services – avant ou après les lois Fillon de 2003, le calcul de la pension répond à des règles différentes. Vous êtes les artisans de cette injustice, et il est particulièrement pervers, dans ce cas de figure,…
M. le président. Veuillez conclure, s’il vous plaît.
M. Jean-Patrick Courtois. Voilà pourquoi nous demandons des scrutins publics…
Mme Samia Ghali. … de supprimer un dispositif sous prétexte de remédier à une injustice que vous avez vous-même instituée.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l’article.
M. Jacques Mahéas. Je vois que les rangs s’éclaircissent de plus en plus du côté droit de l’hémicycle… Restera-t-il un sénateur de la majorité pour demander un scrutin public ?
M. Jacques Mahéas. S’il n’en reste qu’un, ce sera donc vous, monsieur Courtois !
M. Jean-Patrick Courtois. Non, mais il en restera bien un !
M. Jacques Mahéas. Cette situation est tout de même étonnante, mais revenons-en à l’article 23…
La nouvelle convergence affichée correspond à une nouvelle régression sociale.
Vous avez décidé de clore le dispositif qui permettait aux fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et ayant effectué quinze années de services effectifs de liquider leur pension avant l’âge de droit commun. Le motif invoqué est qu’il serait logique de maintenir les fonctionnaires dans l’emploi dans un contexte de relèvement de l’âge de départ à la retraite.
À la suite de pressions politiques et syndicales, vous avez renoncé au projet de supprimer ce droit dès le 13 juillet, le jour même du dépôt du projet de loi : c’était une véritable provocation ! Lors du conseil des ministres du 8 septembre dernier, le Président de la République a affirmé que « personne ne doit voir ses projets de vie bouleversés. C’est pourquoi nous proposerons que pour tous les agents qui sont à cinq ans de l’âge de la retraite et qui entendaient demander le bénéfice de cette mesure, les conditions de celle-ci demeurent inchangées. » C’est certes là un progrès, mais seulement pour ceux « qui sont à cinq ans de l’âge de la retraite » !
Voilà un bel exercice de rétropédalage, car ce retour partiel au statu quo ante, désormais intégré au texte, s’avère en totale contradiction avec l’esprit général tant de l’article que du projet de loi. Ne nous en plaignons pas, c’est sans doute un moindre mal, même si, pour l’ensemble des fonctionnaires, le compte n’y est toujours pas ! En effet, ce dispositif transitoire est à la fois sélectif et opportuniste.
Il est sélectif, parce qu’il ne préserve pas le droit acquis par des milliers de fonctionnaires parents de trois enfants au moins, ayant effectué quinze années de services effectifs, mais se trouvant à plus de cinq ans de l’âge de la retraite. Lorsqu’ils ont signé un contrat avec l’État, ils savaient à quoi ils s’engageaient, et certains ont créé leur famille en s’inscrivant dans un projet d’avenir aujourd’hui brisé.
Ce dispositif est également opportuniste, parce que vous trouvez là un bon moyen de contenir l’hémorragie de départs qui aurait eu lieu en 2011. Vous avez bien compris que toutes les personnes concernées s’apprêtaient à demander à partir à la retraite avant l’extinction du dispositif. Dans l’enseignement et la fonction publique hospitalière, notamment, on aurait assisté à des départs massifs de personnel, risquant de perturber gravement le fonctionnement de ces services publics.
Monsieur le secrétaire d’État, j’attire tout particulièrement votre attention sur le cas de la fonction publique hospitalière. En effet, nous avons récemment permis aux infirmières d’accéder à la catégorie A, en renonçant au classement en service actif ouvrant droit à un départ à la retraite à 55 ans. Or elles seront de nouveau pénalisées par le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. La porte du dispositif de départ anticipé à la retraite étant encore entrouverte, celles qui ont la possibilité d’en bénéficier risquent de partir en masse, d’autant qu’elles pourront compléter leur pension amoindrie en prenant un emploi à temps partiel, par exemple, dans le secteur privé. Cela aggravera les difficultés déjà existantes dans nos hôpitaux.
Il faut réfléchir à ce risque, car nous avons déjà bien du mal à faire fonctionner nos hôpitaux.
M. Jean-Patrick Courtois. Évidemment, avec les 35 heures…
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l’article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le ministre, puisque vous refusez de l’entendre, je vous le répète, comme l’ont fait mes collègues avant moi : votre réforme est injuste pour les femmes.
L’article 23 en fournit malheureusement une parfaite illustration, car il remet en cause le dispositif de départ anticipé à la retraite destiné aux fonctionnaires parents d’au moins trois enfants et ayant effectué quinze années de services.
Il est certain que ce dispositif va à l’encontre de votre volonté de repousser de deux ans l’âge de départ à la retraite. Pourquoi s’embarrasser de cet obstacle à votre entreprise de casse des acquis sociaux, d’autant qu’il s’agit d’un avantage réservé, de fait, aux femmes, fonctionnaires de surcroît !
Après les majorations de durée de cotisation, c’est maintenant le départ anticipé à la retraite : vous n’avez de cesse d’abolir les dispositions sociales tendant à réparer les injustices professionnelles que les femmes subissent tout au long de leur carrière.
Chaque année, 15 000 personnes bénéficiaient de ce dispositif, conçu à l’origine pour favoriser la natalité et que vous souhaitez, selon vos propres propos, supprimer au nom de l’équité. Selon vous, il faut absolument effacer toutes les spécificités ou plutôt, devrais-je dire, les supposés avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires.
En revanche, vous avez décidé de geler la contribution de l’État employeur au financement de la retraite de ses agents. Cette mesure montre bien que tous les efforts d’ajustement liés à l’augmentation des dépenses de retraites sont réclamés aux seuls fonctionnaires, notamment aux femmes. Décidément, vous ne respectez rien, et votre volonté de réformer à tour de bras, au profit des plus privilégiés, ne connaît aucune limite.
Par cet article, vous mettez à mal les choix et les projets de vie de milliers de femmes fonctionnaires et mères de famille, déjà pénalisées de facto par les congés parentaux et les temps partiels.
La fixation au 1er janvier 2012 de la date butoir pour la fermeture du droit au départ anticipé à la retraite va encore aggraver la situation des femmes en matière de retraite. Par l’application du principe générationnel, ce dispositif couperet remet brutalement en cause un droit. Cela conduit à calculer les droits en fonction non plus de l’année de leur acquisition, mais de celle où l’assuré atteint sa soixantième année.
Ce dispositif durcit également les conditions de départ à la retraite dans le cadre de la période transitoire.
Ces considérations justifient le rejet d’un article qui entretient l’opposition entre secteur public et secteur privé. En réalité, il va effectivement placer les deux secteurs en situation d’égalité, en ce que les femmes, qu’elles soient fonctionnaires ou non, sont toutes fortement pénalisées par votre réforme. Toutes en sont les victimes ! Il faut vraiment méconnaître la réalité de la situation des femmes dans notre société pour envisager sereinement, comme vous le faites, une telle perspective, et ne pas entendre l’expression du désarroi de toutes ces femmes fonctionnaires.
Vous avez prévu un mécanisme de lissage qui maquille un peu mieux la mesure, sans rien changer au fond.
Si la possibilité de partir de façon anticipée restera ouverte après 2012, les conditions financières de ce départ seront telles, étant donné que le mécanisme de décote réduira d’environ 30 % le montant de la pension, que, pour éviter d’être trop pénalisées, de nombreuses fonctionnaires seront contraintes de partir avant le 1er juillet 2011. L’extinction totale du dispositif est toujours prévue, et les mesures transitoires, très défavorables financièrement, demeurent inchangées.
La suppression de la possibilité de départ anticipé à la retraite va conduire la majeure partie des femmes fonctionnaires à faire des choix difficiles, à renoncer, peut-être, à une carrière. De nombreuses femmes ont fait des choix de vie en essayant de concilier au mieux leur activité professionnelle et leur vie familiale. Elles ont parfois orienté leurs choix en fonction des dispositions relatives aux conditions de départ à la retraite. C’est à toutes ces femmes que vous tournez le dos sans leur donner plus d’explications.
Au nom de toutes ces femmes qui font le choix de travailler et de vivre mieux, qui font le choix de s’opposer à la domination masculine dans notre société et qui, au final, font le choix de plus de liberté et de démocratie, je m’oppose à cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
MM. Guy Fischer et Robert Hue. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l’article.
Mme Marie-Agnès Labarre. À l’occasion de l’examen précipité des articles 5 et 6, nous avons longuement abordé la question fondamentale des inégalités de salaires dont les femmes sont victimes, et qui se répercutent sur le montant de leur retraite.
Vous avez, dans un premier temps, nié ces inégalités, avant d’affirmer que les retraites n’avaient pas vocation à les compenser. Autrement dit, vous avez pris la décision de ne pas agir, quitte à contraindre les salariées à accepter des pensions insuffisantes pour leur permettre de vivre dignement.
C’est donc en raison de la pression des parlementaires de l’opposition et de celle des millions de femmes et d’hommes qui manifestent dans les rues que vous avez consenti à déposer un amendement au dispositif extrêmement restrictif, tant dans ses finalités que dans ses conditions d’application. En effet, celui-ci exclut du champ de la mesure de report à 67 ans de l’âge de départ à la retraite à taux plein les seules femmes nées entre 1951 et 1955, ayant eu au moins trois enfants et ayant validé auparavant un certain nombre de trimestres de cotisation. In fine, cette mesure temporaire, très limitée dans le temps, ne devrait concerner que 25 000 femmes par an, pendant quatre ans et demi.
Cette annonce, très bien orchestrée du point de vue médiatique, vous a permis de donner l’illusion que vous répondiez aux attentes des femmes concernant leurs retraites. Mais vous vous leurrez si vous croyez que le sujet est clos : l’ampleur des manifestations actuelles le prouve.
En effet, celles et ceux qui rejettent votre projet de loi, de même que les 70 % de Français qui apportent leur soutien aux mobilisations, exigent des mesures fortes en faveur de l’ensemble des femmes, notamment en matière d’emploi, que ce soit en termes de qualité, de sécurité ou de rémunération.
Or, par cet article 23, vous faites une nouvelle fois la démonstration que vous vous souciez moins du montant de la retraite des femmes que de celui du déficit public.
Ainsi, vous proposez de mettre fin au dispositif qui permet aux femmes agents de la fonction publique de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite si elles justifient de quinze ans de services et si elles sont mères d’au moins trois enfants. Pourtant, cette disposition garantit à des milliers de femmes une retraite à taux plein malgré une carrière interrompue par les congés de maternité ou parentaux.
Selon l’association Osez le féminisme, « les mêmes causes vont produire les mêmes effets. La réforme proposée s’inscrit dans la suite de celles de 1993 et 2003, qui ont eu comme conséquence non seulement une baisse générale du niveau des pensions mais également un accroissement des inégalités entre les femmes et les hommes. Si l’objectif d’une réforme des retraites est de garantir à toutes et à tous un niveau de retraite décent et d’œuvrer pour l’égalité entre les femmes et les hommes, le Gouvernement a choisi la mauvaise voie. »
Si vous maintenez cet article, vous priverez chaque année près de 14 000 fonctionnaires, dont 99 % de femmes, de la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite.
En conséquence, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, sur l’article.
Mme Maryvonne Blondin. Le dispositif de cet article touche de plein fouet les femmes, déjà pénalisées au moment de la retraite par les congés parentaux et le travail à temps partiel.
En outre, cet article prévoit des règles de calcul de la pension moins favorables pour les parents demandant à bénéficier du dispositif transitoire. J’ai été moi aussi interpellée par de nombreuses femmes, qui m’ont toutes fait part de leur très vive émotion. En effet, la disposition visée leur garantissait une retraite à taux plein ; ce ne sera plus le cas.
Vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, lors de la discussion générale, qu’il s’agissait d’une mesure d’équité, tendant à prendre en compte les demandes de la Commission européenne. Il est regrettable de constater que cela se traduit par la suppression des acquis.
Dès l’annonce de la fin du dispositif, en juillet dernier, les syndicats vous ont alerté sur les risques de départs massifs à la retraite dans certains métiers très féminisés.
Aussi le Gouvernement a-t-il fait adopter à l’Assemblée nationale, afin d’atténuer cet effet de masse, un amendement visant à exonérer de l’application des règles nouvelles tous les agents se trouvant à cinq ans de l’âge d’ouverture des droits.
Mais cet amendement, élaboré dans la précipitation, ne résout que très partiellement, pour ne pas dire aucunement, les problèmes soulevés. Les personnes concernées devront très rapidement, c’est-à-dire avant le 30 juin 2011, présenter leur demande pour pouvoir partir à la retraite de manière anticipée.
Un délai aussi bref est inacceptable, car il posera toujours des problèmes d’organisation aux différents services concernés et des difficultés de formation aux personnels amenés à remplacer leurs collègues partis à la retraite. De plus, la décote subsiste.
Dans ce que M. le ministre qualifie de « mesure d’équité », nous voyons un recul incontestable au regard de la situation présente. Les simulations de calcul de pension réalisées par les personnes concernées font apparaître des écarts importants entre le système actuel et celui que vous proposez.
La réalité est dure et brutale pour ces milliers de femmes qui se sentent trahies en tant que fonctionnaires, en tant que mères de famille ayant eu trois enfants ou plus, dans un pays qui s’enorgueillit de son taux de natalité. Elles sont les grandes perdantes de la réforme des retraites.
Pour nous, l’article 23 constitue à la fois un recul incontestable et une nouvelle injustice envers les femmes. C’est pourquoi nous en demandons la suppression. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 30 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
L'amendement n° 189 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 354 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l’amendement n° 30.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les différentes prises de parole sur l’article 23 ont bien mis en exergue le caractère aberrant de celui-ci.
Nous avons qualifié de mensongère la publicité gouvernementale parue dans la presse, puisqu’elle affirmait, à la suite du Président de la République, le souci du Gouvernement de ne pas défavoriser les femmes, voire d’améliorer leur situation.
L’article 23 est emblématique de l’injustice que le présent projet de loi constitue pour les femmes, en particulier pour celles qui sont fonctionnaires. Il tend à mettre fin à la possibilité de départ à la retraite anticipé offerte aux fonctionnaires parents d’au moins trois enfants après quinze années de services.
Depuis 2003, aux pensions servies dans le cadre de ce dispositif était appliquée une décote calculée l’année où le droit était acquis. Avec la modification que tend à introduire l’article 23, la décote sera calculée en fonction des droits définis l’année où le fonctionnaire concerné aura 60 ans. Le taux de décote sera donc plus élevé. Certes, ce dernier ne peut excéder 25 %, mais la pension moyenne dans la fonction publique hospitalière, par exemple, s’élevant à 1 200 euros, sa hausse pourra avoir une incidence très importante sur les pensions des femmes concernées.
De plus, aujourd’hui, si 20 % des mères usant de la faculté de partir à la retraite de façon anticipée dans la fonction publique font jouer leur droit au minimum garanti, ce pourcentage atteint 50 % dans la fonction publique hospitalière et 60 % au sein de la fonction publique territoriale. Compte tenu des modifications d’attribution du minimum garanti dans la fonction publique, qui imposent désormais d’avoir atteint l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite à taux plein, ces femmes ne pourront plus y prétendre, ce qui aura des conséquences dramatiques et imprévues sur le montant de leur pension.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 189.
Mme Catherine Tasca. L’article 23 soulève une émotion légitime chez les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants, et plus particulièrement parmi les femmes.
En effet, il met fin à la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires parents d’au moins trois enfants après quinze années de services.
Par ailleurs, le dispositif transitoire prévu au paragraphe IV aura des effets contraires à l’esprit général de l’article, qui vise à maintenir en activité les femmes fonctionnaires mères de trois enfants et plus.
Depuis 2003, une décote calculée l’année où le droit était acquis était appliquée aux pensions servies dans le cadre de ce dispositif. Avec la mesure que tend à introduire l’article 23, cette décote sera calculée en fonction des droits définis pour l’année où l’agent concerné aura 60 ans. Le taux de décote aura donc augmenté. Or, s’il ne peut excéder 25 %, la pension moyenne dans la fonction publique hospitalière étant de 1 200 euros, cette hausse pourra avoir une incidence très importante sur le montant des pensions des mères concernées.
De plus, aujourd’hui, si 20 % des mères partant à la retraite dans le cadre de ce dispositif dans la fonction publique d’État font jouer leur droit au minimum garanti, ce taux atteint 50 % dans la fonction publique hospitalière et 60 % au sein de la fonction publique territoriale. Compte tenu des modifications d’attribution du minimum garanti dans la fonction publique, qui imposent désormais de justifier du bénéfice du taux plein, ces femmes ne pourront plus y prétendre, ce qui aura des conséquences importantes sur le montant de leur pension.
Ces éléments risquent d’entraîner des vagues de départs importantes, pour ne pas dire massives, d’ici au mois de juillet 2011. Les départs anticipés représentent 20 % des départs à la retraite dans la fonction publique hospitalière et 12 % dans la fonction publique territoriale. De tels départs massifs susciteraient de très importantes difficultés.
Je ne peux m’empêcher de m’interroger sur l’acharnement du Gouvernement et de la majorité à annuler les maigres avantages qui étaient concédés jusqu’à présent aux femmes pour atténuer quelque peu l’inégalité foncière qu’elles subissent, liée à leurs parcours de vie. Je ne peux non plus m’empêcher de songer aux mauvaises pensées qui sont les vôtres concernant la durée du congé de maternité, les pensions de réversion, la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux parents isolés.
Pour nombre de femmes fonctionnaires, votre réforme des retraites sera source de difficultés supplémentaires. Nous demandons la suppression de l’article 23. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’article 23 prévoit la suppression de la possibilité de départ à la retraite anticipé pour les fonctionnaires parents de trois enfants au moins et ayant effectué quinze années de services. Ce dispositif est obsolète, puisque les femmes concernées y ont recours bien après avoir atteint quinze ans de services, à un moment où leurs enfants sont déjà élevés.
En outre, au fil du temps, les règles de la décote et de l’augmentation de la durée d’assurance ne s’appliquent plus.
La suppression du dispositif est par conséquent justifiée. Toutes les précautions nécessaires sont prévues pour éviter une fermeture trop brutale.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 30 et 189.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis négatif sur les deux amendements.
Je suis très sensible au fait que certains intervenants aient fait le distinguo entre le cas des femmes et celui des agents. Il ne s’agit pas d’une question sémantique : comme vous le savez certainement, même si, curieusement, aucun d’entre vous ne mentionne jamais ce fait, la Commission européenne est très vigilante sur ce sujet et fait peser sur nous de très lourdes contraintes. (Mme Odette Terrade s’exclame.)
C’est une réalité ! Le dispositif ouvrant droit à un départ à la retraite anticipé après quinze ans de services pour les parents ayant eu au moins trois enfants a été jugé incompatible avec la réglementation européenne. Il a donc été modifié une première fois en 2003, afin d’ajouter une condition supplémentaire d’interruption d’activité minimale de deux mois par enfant. Cependant, cette nouvelle version du dispositif a également été jugée incompatible avec la réglementation européenne.
Je tiens à insister sur ce point, mesdames, messieurs les sénateurs, car, si nous n’y prenons garde, c’est l’ensemble des dispositifs de bonification qui pourraient être remis en cause. Il est très important d’avoir cela à l’esprit.
En outre, comme l’a dit M. le rapporteur, le maintien du dispositif ne se justifiait plus. Il avait été adopté en 1924, dans le cadre d’une politique nataliste, mais il a été complètement détourné de cette vocation depuis. De plus, il n’a pas d’équivalent pour les salariés du secteur privé. J’ajoute qu’il a une incidence très négative sur le montant des pensions, puisqu’il incite à des carrières courtes, ce qui va à l’encontre de l’objectif visé. Enfin, il est évidemment coûteux pour les finances publiques.
L’Assemblée nationale a apporté trois aménagements à la rédaction de l’article 23, afin notamment de rendre progressive l’extinction du dispositif. De ce fait, de nombreuses inquiétudes ont pu être levées. En particulier, les règles actuelles s’appliqueront aux fonctionnaires qui auront déposé leur demande de départ à la retraite anticipé d’ici au 31 décembre prochain et à ceux qui sont à moins de cinq ans de l’âge d’ouverture des droits à pension. Nul ne peut donc aujourd’hui prétendre qu’il n’est pas possible de se projeter dans l’avenir.
Enfin, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a souligné la nécessité de délivrer une information très précise aux agents potentiellement concernés sur le changement des règles de départ anticipé à la retraite. Le Gouvernement a lancé une telle opération, en concertation d’ailleurs avec les organisations syndicales.
Tout cela m’amène à affirmer qu’il n’y aura pas de départs massifs. À ce jour, 900 demandes de départ anticipé à la retraite ont été déposées au sein de la fonction publique d’État. Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas du tout le flux redouté par certains d’entre vous.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Par le biais de l’amendement n° 30, nous souhaitons attirer une nouvelle fois l’attention sur le devenir du dispositif de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires parents de trois enfants au moins.
Ce sont essentiellement des femmes qui sont concernées. Jusqu’à présent, en cas d’interruption de carrière, il n’était aucunement question de les pénaliser au moment de la retraite, d’autant qu’elles subissent déjà de profondes inégalités au cours de leur vie professionnelle. Or il n’en ira plus ainsi avec le présent texte.
De fait, nombre de femmes interrompent leur carrière à la naissance de leurs enfants, ce qui signifie que leur mari ou leur compagnon pourra prendre sa retraite bien avant elles.
Injustice supplémentaire, le niveau des pensions de retraite des femmes sera d’autant plus faible que les dispositions envisagées prévoient une décote de 5 % par année manquante et l’obligation de poursuivre une activité professionnelle jusqu’à 67 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein.
Ces mesures ne respectent rien. Elles ne respectent pas les préconisations du Conseil d’orientation des retraites, qui recommande de permettre un départ progressif à la retraite. Surtout, elles ne respectent pas les choix de vie de ces femmes, qui ont bien souvent interrompu leur carrière pour s’occuper de leurs enfants.
Encore une fois, nous dénonçons un projet de réforme des retraites particulièrement brutal, injuste pour les femmes. Avec l’article 23, vous entendez revenir sur un acquis social qui va à l’encontre de la volonté du Gouvernement de repousser de deux ans l’âge légal de départ à la retraite. Ainsi, selon vous, le dispositif de départ anticipé à la retraite, de facto réservé aux femmes fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et justifiant de quinze ans de services, doit être purement et simplement supprimé. À vos yeux, le respect du principe d’égalité exige que l’on gomme toutes les spécificités, autrement dit les supposés avantages dont bénéficieraient les fonctionnaires.
Nous nous opposons à ce manque de respect pour les choix et les projets de vie de milliers de femmes fonctionnaires mères de famille, déjà pénalisées lorsqu’elles ont pris un congé parental ou travaillé à temps partiel.
Nous nous opposons aussi à la volonté du Gouvernement de réduire le nombre de fonctionnaires et à sa décision de supprimer définitivement, au 1er janvier 2012, le droit à un départ anticipé à la retraite.
Cette mesure ne manquera pas de dégrader davantage encore la situation des femmes au regard de la retraite. Ce dispositif remet en cause brutalement un droit par l’application du principe générationnel, ce qui conduit à calculer les droits à prendre en compte non plus l’année où ils sont acquis, mais celle où l’assuré atteint son soixantième anniversaire.
L’article 23 durcit également les conditions de départ anticipé à la retraite dans le cadre de la période transitoire. Malgré des effets d’annonce, l’extinction totale du dispositif est toujours prévue, et les mesures transitoires, très défavorables financièrement, demeurent inchangées.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. De nombreuses femmes mères d’au moins trois enfants ayant bénéficié d’un départ anticipé à la retraite après quinze ans de services ou aspirant à cesser leur activité professionnelle dans les mêmes conditions m’ont dit leur attachement à ce dispositif et leur regret de le voir remis en cause.
Je voudrais revenir sur les arguments que vous nous avez opposés, monsieur le secrétaire d’État.
Premièrement, concernant la réglementation européenne, je serai, pour ma part, moins affirmatif que vous. Il faut examiner les textes de près. Je constate que, dans un certain nombre d’autres États européens, des systèmes similaires sont en vigueur.
M. Jean-Pierre Sueur. En outre, il n’est pas sûr que nous ne puissions continuer à mettre en œuvre des mesures de ce type après négociation avec la Commission européenne. Nous avons une certaine conception de l’Europe, qui n’implique pas un alignement systématique, en matière de mesures sociales, sur les dispositifs les moins favorables, bien au contraire.
Deuxièmement, vous nous avez indiqué que le dispositif avait été instauré en 1924. Monsieur le secrétaire d’État, je ne vois pas en quoi cela serait un argument. Permettez-moi de vous le rappeler, certaines dispositions ayant été prises en 1789, en 1848, en 1901 ou en 1905 sont toujours en vigueur…
Troisièmement, selon vous, ce dispositif incite des femmes à partir à la retraite avec une pension moins élevée. Or si tel est leur choix de vie, je ne vois pas en quoi nous devrions nous ériger en censeurs de ce choix.
Enfin, une information des personnes susceptibles d’être concernées par le changement des règles de départ anticipé à la retraite est assurée, nous avez-vous indiqué, en coopération étroite avec les organisations syndicales. Je trouve cette formule quelque peu excessive. Certes, les organisations syndicales informent sans doute les fonctionnaires sur votre dispositif, mais elles y sont globalement opposées.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Concernant les infirmières, un amendement soutenu par le groupe socialiste permettra, s’il est adopté, d’atténuer l’effet de masse que j’ai évoqué.
Monsieur le secrétaire d’État, vous oubliez un peu vite que les fonctionnaires ont choisi la fonction publique en pesant les contraintes et les avantages de son statut. La disparition d’un droit, même un peu étalée dans le temps, est vécue comme un mauvais coup. Les nombreux témoignages de désappointement qui nous ont été adressés le montrent bien. Pour le dire très clairement, il s’agit d’une rupture de contrat !
Mme Odette Terrade. Oui !
M. Jacques Mahéas. Comme l’a indiqué Mme Tasca, le dispositif de départ anticipé à la retraite après quinze ans de services concerne non pas quelques fonctionnaires, mais 20 % des agents de la fonction publique d’État, 50 % de ceux de la fonction publique hospitalière et 60 % des effectifs de la fonction publique territoriale.
Par ailleurs, l’article 24, que nous examinerons ensuite, durcit les conditions d’attribution du minimum garanti de pension, en imposant désormais de justifier du taux plein. Cela signifie que les agents partant à la retraite de manière anticipée ne pourront plus prétendre au minimum garanti, ce qui aura une incidence importante sur le montant de leur pension. De plus, la décote subsiste.
Ces départs anticipés à la retraite auraient pourtant pu permettre de libérer, tant dans nos collectivités territoriales que dans la fonction publique hospitalière ou dans la fonction publique d’État, un certain nombre d’emplois pour les jeunes.
D’une façon générale, les fonctionnaires sont manifestement dans votre ligne de mire. Toutes ces mesures sont porteuses de régression ! Leur présentation participe d’une technique éprouvée : vous gommez sciemment les spécificités de la fonction publique, vous enfoncez sans cesse des coins dans le statut des fonctionnaires. Vous avez ainsi institué le CDI de droit public, à la place du concours,…
M. Jacques Mahéas. … autorisé l’emploi intérimaire, facilité le recours aux non-titulaires… D’ailleurs, la situation est à ce point difficile que, dans l’éducation nationale, on en est venu à dire aux chefs d’établissement de chercher eux-mêmes des remplaçants, tant on peine à en trouver. Nous connaissons tous des cas de non-remplacement d’enseignants.
J’ajoute que vous avez créé une procédure de licenciement économique dans la fonction publique et multiplié les dispositifs de rémunération au mérite. La liste est longue des accrocs au statut de la fonction publique ! Défenseur inconditionnel de la fonction publique, laquelle est, j’en suis de plus en plus persuadé, un facteur d’équilibre pour notre pays, je ne puis accepter ces attaques successives.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le secrétaire d’État, vous feignez de présenter les quelque cinq années de sursis à l’extinction du dispositif comme une reconduction, certes limitée dans le temps, d’une mesure vertueuse relevant du passé.
Je signale au passage que ce dispositif a perdu quelques plumes. Les femmes fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants pouvaient jusqu’à présent partir à la retraite au bout de quinze ans de services ; désormais, elles devront en outre avoir interrompu leur activité professionnelle pour élever leurs enfants, et la première naissance devra avoir été précédée d’une certaine période de cotisation.
M. Guy Fischer. Très bien ! Voilà la vérité !
Mme Marie-Christine Blandin. Par ailleurs, vous invoquez les foudres de la Commission européenne. M’occupant beaucoup de questions environnementales, j’ai pourtant pu constater avec quelle facilité vous vous asseyez sur toutes les directives et toutes les préconisations européennes ! Par exemple, vous ne respectez pas la directive-cadre sur l’eau : vous laissez les éleveurs de porcs polluer les eaux en Bretagne !
Mme Marie-Christine Blandin. Dans ce domaine, l’Europe ne compte pas pour vous, vous ne l’écoutez pas ! Vous n’invoquez la réglementation européenne que lorsque cela vous arrange ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 30 et 189, tendant à supprimer l’article 23.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C’est de l’obstruction ! (Sourires.)
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 927, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 6
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Les alinéas 1 à 6 de l’article 23 sont très importants, car ils suppriment, à compter du 1er janvier 2012, le droit à un départ à la retraite anticipé pour les femmes ayant eu au moins trois enfants et comptant quinze ans de services.
Visiblement, monsieur le secrétaire d'État, vous ne vous sentez pas concerné par la pénibilité du travail des infirmières, des aides-soignantes et autres agents publics qui sont les principales utilisatrices de cette mesure.
Dans le secteur public comme dans le secteur privé, vous vous en prenez frontalement aux salariés dont les conditions de travail sont les plus pénibles. Vous voulez les obliger à travailler le plus tard possible, sans manifester la moindre considération pour tous les services rendus. Vous n’avez qu’un seul objectif : récupérer 900 millions d’euros en 2020 dans la poche de ces salariés qui, je le répète, sont le plus souvent des femmes. Leur pension sera diminuée de 20 % à 25 % par rapport à ce qu’elles auraient touché avec l’application des règles de calcul antérieures à 2004, certains syndicats estimant même que leur retraite pourrait être amputée de 30 % à 40 % selon le moment du départ à la retraite. Quelle liberté de choix leur restera-t-il donc ?
Il est exact, monsieur le secrétaire d'État, que cette mesure existe depuis 1924. Les gouvernements qui se sont succédé depuis cette époque auraient-ils tous eu tort de ne pas la supprimer ? Faut-il rappeler que de nombreux textes remontant au début du xxe siècle sont toujours en vigueur et continuent de régir des pans entiers de notre vie quotidienne ou d’affirmer des valeurs auxquelles nous sommes très attachés ?
Pourquoi supprimer ce dispositif alors qu’il répond à un réel besoin ? De nombreuses femmes ont organisé leur carrière en s’appuyant sur cette possibilité, mais, à l’évidence, vous n’en faites aucun cas. Vous avez créé parmi elles un véritable climat de panique en annonçant de façon aussi brutale une telle mesure, applicable rétroactivement.
Les nouvelles conditions que vous imposez au travers de cet article pénaliseront de façon importante des femmes fonctionnaires qui ont travaillé au service de nos concitoyens. Vous allez les placer dans des difficultés telles qu’elles devront partir à la retraite avec des pensions incomplètes. Un quotidien a ainsi pu titrer : « Fonctionnaires avec trois enfants : partez vite ! »
Dans les lettres que nous recevons sur ce sujet, la colère n’a d’égale que l’incompréhension. L’une d’entre elles fait même état de la crainte et du mépris qu’inspirent vos mesures.
Mes chers collègues, je vous demande d’entendre ce que ces femmes nous disent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 927.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 51 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 170 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 185 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 190, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
Les conditions d'ouverture du droit liées à l'enfant doivent être remplies à la date de la demande de pension.
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’en reprends le texte, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1231, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, qui reprend le contenu de l’amendement n° 190.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Le fonctionnaire parent d’un enfant handicapé peut bénéficier d’un départ anticipé à la retraite à la condition que cet enfant soit vivant au moment de la radiation des cadres ou, en cas de décès, qu’il ait été élevé pendant neuf ans avant l’âge de 16 ans ou de 20 ans.
L’état du droit impose actuellement aux régimes de retraite de vérifier la condition de l’enfant vivant au moment de l’examen des droits à pension, puis, une nouvelle fois, après la mise en paiement de la pension, afin de constater que la condition a été remplie à la date de radiation des cadres.
Afin de faciliter le traitement du dossier de pension et d’éviter tout retard, nous proposons que cette condition soit vérifiée uniquement lors de l’examen des droits à pension. Elle pourrait ainsi être appréciée au moment où l’ensemble des droits sont étudiés, sans qu’il soit besoin de procéder à une nouvelle vérification après l’âge de la radiation des cadres. Cet amendement vise à modifier en conséquence le III de l’article L. 24 du code des pensions civiles et militaires.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. M. Domeizel étant seul signataire, nous n’avons pu défendre l’amendement n° 190. Nous prenons acte de sa reprise par la commission.
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 314, présenté par Mme Debré, MM. Laménie, J. Gautier, Lardeux, Vasselle, Milon, Pinton et Vestri, Mme Rozier, M. Dériot, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. P. Blanc et Gournac, Mmes Hermange, Goy-Chavent et Bout et M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
c) Le mot : « officier » est remplacé par le mot : « militaire » ;
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Cet amendement vise à étendre aux militaires non officiers le bénéfice d'un départ anticipé à la retraite lorsqu'ils sont parents d'un enfant atteint d'une invalidité égale ou supérieure à 80 %.
En effet, cette possibilité est actuellement réservée aux seuls officiers, ainsi qu’aux civils. Or il paraîtrait pour le moins équitable que les militaires non officiers, hommes du rang et sous-officiers, bénéficient des mêmes droits que les autres assurés relevant du régime des militaires et que les fonctionnaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Étendre à tous les militaires parents d’un enfant handicapé la possibilité de bénéficier d’un départ anticipé à la retraite semble une telle évidence que nous n’avons pu que souscrire à cet amendement. La commission émet donc un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet évidemment un avis favorable sur cet amendement. Je remercie Mme Debré d’avoir corrigé une situation qui n’avait strictement aucune justification.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous ne pouvons que soutenir l’amendement présenté par Mme Debré. (Marques de satisfaction sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Exceptionnellement, nous soutiendrons une proposition de Mme Debré ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 314.
M. Jean Desessard. Il n’y a pas de scrutin public ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 930, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 13 à 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Robert Hue.
M. Robert Hue. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez d’abord voulu pénaliser celles et ceux qui n’auraient pas déposé leur dossier de demande de départ anticipé à la retraite avant le 13 juillet 2010, puis, devant le tollé,…
M. Robert Hue. … vous avez repoussé cette échéance au 31 décembre 2010. Ce n’est pas mieux, c’est seulement moins mauvais…
Pour vous, une telle démarche était normale, puisqu’elle avait déjà été imposée en 2003 lors de la réforme des majorations pour enfants et de l’indemnité de retraite outre-mer. Toutefois, c’était ne pas tenir compte de la jurisprudence constante de la juridiction administrative, qui fait dépendre le droit de la date d’effet de la retraite du premier jour de cette dernière, et non de la date de demande.
Pour les demandes de départ à la retraite présentées à partir du 31 décembre 2010, le mode de calcul de la pension relèvera des dispositions de la loi Fillon, suivant les conditions de l’âge d’ouverture du droit, c'est-à-dire 60 ans en général et 55 ans pour les services actifs. Ainsi, en particulier, la décote s’appliquera.
De même, les mères dont la durée d’assurance n’est pas complète perdront le bénéfice du minimum garanti, qui a concerné 36 % des départs anticipés pour motifs familiaux en 2008. La perte financière pour les femmes pourra atteindre 30 %.
Ce dispositif de départ anticipé à la retraite a été utilisé par de nombreuses femmes ayant travaillé dans le secteur public depuis 1924, et ce n’est que justice. Mais, dans son rapport de 2008 intitulé « Retraites : droits familiaux et conjugaux », le COR a considéré qu’il échappait aux règles de calcul de la retraite en fonction de l’année de naissance qui s’appliquent à tous.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, à l’instar du COR, vous avez comparé ce dispositif à une préretraite à un âge jeune et vous avez estimé, avec la Commission européenne, qu’il était discriminatoire à l’égard des hommes ! C’est toujours au nom de l’alignement sur le droit commun que vous réduisez les droits acquis par les salariés, surtout lorsqu’il s’agit de femmes, comme dans le cas présent.
Dans ces conditions, le dispositif transitoire des alinéas 13 à 15 va, dans les faits, contraindre nombre de femmes à un départ précoce, au risque d’une réduction du montant de leur pension pouvant aller jusqu’à 30 %. Nous y sommes fermement opposés et demandons donc la suppression de ces alinéas. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L'amendement n° 931, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
avant le 1er janvier 2012
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement de cohérence avec ceux que nous avons déjà défendus à l’article 23 s’inscrit dans une logique d’opposition à la suppression du dispositif de départ anticipé à la retraite qui permet aux fonctionnaires parents de trois enfants au moins et ayant effectué quinze ans de services de bénéficier d’une pension sans décote.
Cet amendement a pour objet non pas de priver les fonctionnaires visés à cet article de bénéficier jusqu’en 2012 de cette mesure, mais, au contraire, de supprimer la date butoir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 930.
De même, la commission est défavorable à l'amendement n° 931, dont l’adoption remettrait en cause tout le dispositif de l'article 23, en permettant aux fonctionnaires parents de trois enfants au moins de continuer à bénéficier de l’application des règles antérieures en matière de durée d’assurance et de décote. Or la réforme de 2003 a vocation à s’appliquer à l’ensemble des assurés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements nos 930 et 931. Je souligne à l’intention de Mme Labarre que l’adoption de l'amendement n° 931 durcirait le dispositif.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 934, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’alinéa 16 prévoit l’application aux fonctionnaires des principes adoptés aux articles 5 et 6, contre lesquels, pour notre part, nous avons voté, et affecte ainsi la possibilité ouverte aux fonctionnaires parents de trois enfants au moins et justifiant de quinze ans de services de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé.
Vous revenez en fait sur un dispositif qui permettait aux fonctionnaires ayant satisfait avant 2004 aux conditions requises pour bénéficier de ce départ à la retraite anticipé de liquider leur pension sans décote. Si vous agissez ainsi, c’est bien parce que cette mesure est utile aux fonctionnaires : elle leur permet en effet de contourner les effets catastrophiques de la loi de 2003 en termes de niveau de pension. Votre projet reposant sur une lourde contribution des salariés et des fonctionnaires, le maintien de cette disposition n’est évidemment pas concevable.
Votre argumentation laisse songeur ! En effet, M. Leclerc précise, dans son rapport, que « cette situation crée une inéquité vis-à-vis des autres assurés nés la même année et pour lesquels les règles de retraite appliquées peuvent diverger de plusieurs décennies. Ainsi, un parent né en 1965 ayant trois enfants et quinze ans de services en 2003 qui partira à la retraite en 2025 se verra appliquer les règles en vigueur en 2003 (trente-sept ans et demi, absence de décote…) alors qu’un autre fonctionnaire né la même année, éventuellement parent de deux enfants, qui partira également en 2025 aura sa retraite calculée sur les règles en vigueur en 2025. »
Cette démonstration contredit l’argument sur lequel repose l’amendement n° 1182 du Gouvernement. Si la disposition antérieure est génératrice d’iniquité, qu’en est-il de celle que vous avez défendue et qui ne concerne que les assurés parents de trois enfants au moins et nés entre 1951 et 1955 ? Cette disposition est elle-même contraire au principe d’égalité !
Pour éviter à coup sûr la censure du Conseil constitutionnel, la solution aurait été de supprimer les conditions d’âge, comme nous l’avions proposé par le biais de notre sous-amendement à l’amendement n° 1182.
M. le président. L'amendement n° 933, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 16, première phrase
Remplacer les mots :
celle au cours de laquelle ils atteignent l'âge prévu au dernier alinéa du I de l'article 5 de la loi du 21 août 2003 précitée ou, le cas échéant, l'âge prévu au I de l'article 8 de la présente loi
par les mots :
celle au cours de laquelle ils ont réuni l'ensemble des conditions exigées
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Par cet amendement, nous entendons réaffirmer le principe selon lequel un fonctionnaire qui liquide sa pension au titre du régime de départ à la retraite anticipé visé se voit appliquer les paramètres valant pour l’année au cours de laquelle il a réuni l’ensemble des conditions exigées, et non les paramètres en vigueur l’année où il atteint l’âge de 60 ans.
Il s’agit pour nous de figer les droits et d’éviter que, à plus ou moins long terme, les fonctionnaires se voient appliquer des règles nouvelles, alors même qu’ils remplissaient précédemment toutes les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé à la retraite. Ce serait là, à nos yeux, une mesure forte de justice sociale. Il s’agit d’éviter que l’évolution législative ne soit toujours synonyme, pour les assurés, de réduction des droits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 934.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 933, qui tend à exonérer les fonctionnaires parents de trois enfants au moins de l’application du principe générationnel en matière de durée d’assurance et de décote qui découle de la loi de 2003.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements. La véritable iniquité consiste à appliquer des règles différentes à des assurés de la même génération.
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Article 24
I. – Le premier alinéa de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigé :
« Si le nombre de trimestres de durée d’assurance, telle que définie à l’article L. 14, est égal au nombre de trimestres nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum de la pension mentionné à l’article L. 13 ou si l’intéressé a atteint l’âge ou la durée de services auxquels s’annule le coefficient de minoration prévu aux I et II de l’article L. 14 ou si la liquidation intervient soit pour les motifs prévus aux 2° à 5° du I de l’article L. 24, soit pour les motifs prévus aux 1° bis et 3° du II du même article L. 24, soit pour les motifs d’infirmité prévus aux 1° et 2° du II du même article L. 24, le montant de la pension ne peut être inférieur : ».
II. – À titre transitoire, l’âge mentionné au I du présent article, auquel s’annule le coefficient de minoration prévu à l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite, et au III de l’article 66 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 précitée est minoré pour l’application du présent article d’un nombre de trimestres déterminé par décret en Conseil d’État.
III. – Le I du présent article s’applique aux pensions liquidées à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, les fonctionnaires civils et les magistrats qui ont atteint, avant cette date, l’âge de liquidation qui leur est applicable en vertu du 1° du I des articles L. 24 et L. 25 bis, du 1° de l’article L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite, des articles L. 416-1 et L. 444-5 du code des communes, de l’article 86 de la loi n° 52-432 du 28 avril 1952 portant statut général du personnel des communes et des établissements publics communaux, de l’article 2 de la loi n° 57-444 du 8 avril 1957 précitée, de l’article 4 de la loi n° 89-1007 du 31 décembre 1989 précitée et du II de l’article 24 de la loi n° 96-452 du 28 mai 1996 précitée, dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi, conservent le bénéfice des dispositions de l’article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction antérieure à la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Avec cet article 24, encore une fois, vous tirez le système vers le bas.
Votre sens biaisé de l’équité s’exerce au détriment des plus petites pensions. Désormais, aucun fonctionnaire à la carrière incomplète partant à la retraite avant l’âge ouvrant droit au taux plein ne sera plus éligible au minimum garanti ! C’est un recul inadmissible, car il affectera en priorité des agents de catégorie C, ceux qui ont déjà, durant leur période d’activité professionnelle, touché les plus bas salaires. Imposer d’avoir effectué une carrière complète pour que la pension ne soit pas assortie d’une décote équivaut à diminuer la retraite des fonctionnaires ayant connu les parcours les plus difficiles ou entrés tardivement dans la fonction publique. La même logique du couperet préside au relèvement de 65 ans à 67 ans de l’âge auquel on peut bénéficier d’une retraite sans décote.
Vous vous en prenez aux plus fragiles, par exemple aux agents de catégorie C de la fonction publique territoriale, qui ont souvent effectué des carrières incomplètes ; nombre d’entre nous, élus locaux, le savent.
En outre, les victimes de votre texte seront en grande majorité des femmes. C’était déjà le cas avec l’article précédent, qui prévoit l’extinction de la possibilité de départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires ayant eu au moins trois enfants et justifiant de quinze ans de services. C’est encore le cas ici, car la mise sous condition de l’attribution du minimum garanti s’appliquera aux agents ayant les plus courtes durées d’assurance. Or les femmes totalisent, en moyenne, six trimestres de cotisation de moins que les hommes, parfois bien davantage.
Si l’équité vous guide réellement, cessez d’aligner dans le moindre détail le pauvre du public sur le un peu plus pauvre du privé qui lui serait équivalent ! Les Français ne peuvent se satisfaire d’être tous entraînés dans une baisse des revenus et du pouvoir d’achat. Que les fonctionnaires soient frappés n’aidera pas les salariés du privé à mieux vivre ! Alignez donc les régimes par le haut ! En l’occurrence, il existe deux régimes avec deux montants de pensions différents : l’un faible, l’autre très faible. L’effort de convergence doit donc se faire dans le sens du progrès, et non dans celui de la régression.
Sous un prétexte ou sous un autre, vous rognez sans cesse les droits des plus démunis ; en revanche, vous préservez soigneusement les intérêts des plus fortunés. C’est la ligne de toute votre réforme : la mise à contribution des entreprises et du capital ne couvrira que de 10 % à 15 % des besoins de financement. C’est indécent ! Quant au bouclier fiscal, étrangement, il ne disparaîtra pas au nom d’une répartition équitable de l’effort, puisque vous liez son sort à celui de l’ISF ! Quel tour de passe-passe !
Gardons bien en mémoire les ordres de grandeur : la mise à contribution des hauts revenus, des revenus du capital et des entreprises apportera des recettes estimées à 4,6 milliards d'euros, c’est-à-dire à peu près exactement l’effort demandé aux seuls fonctionnaires. Mais ce qui constitue une contribution infime pour les premiers représente un effort considérable pour les seconds. Et vous osez invoquer l’équité ?
Comment ne pas voir que les fonctionnaires sont traités comme des variables d’ajustement de vos errances budgétaires ? La crise a bon dos ! Les mesures que vous déclinez au travers de cette réforme ne sont que pertes et préjudices pour les agents de la fonction publique, déjà victimes de suppressions massives de postes et du gel des salaires.
De façon scandaleuse, vous désignez la fonction publique comme source d’une dépense excessive, voire injustifiée, qu’il convient de réduire drastiquement. Nous nous faisons une autre idée du service public et nous rejetons avec force vos mesures de régression sociale, dont l’accumulation suscite notre révolte.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 31 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 191 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 355 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 31.
Mme Odette Terrade. L’article 24 est une illustration de plus de votre volonté de porter de violentes attaques contre les trois fonctions publiques, d’État, hospitalière et territoriale. Nous n’avons pas oublié, par exemple, les récentes déclarations du Président de la République relatives aux mesures d’économie qu’il estime nécessaire d’imposer aux collectivités territoriales. Qu’importe si, ce faisant, il passe par pertes et profits un élément fondamental pour le développement de nos territoires, le principe de libre administration.
Comme vous ne pouvez pas, pour l’heure, contraindre les élus locaux à appliquer des plans drastiques de suppression d’emplois, vous en êtes réduits à chercher le moyen de faire quelques économies sur le dos des agents, toutes fonctions publiques confondues. Voilà les raisons pour lesquelles vous vous attaquez au minimum contributif.
Ce mécanisme, qui a pour effet de porter la retraite des fonctionnaires à un montant minimal de 1 065,24 euros par mois, est devenu à vos yeux insupportable en l’état.
En effet, vous lui trouvez trois défauts. Tout d’abord, contrairement aux salariés du secteur privé, les fonctionnaires bénéficient de ce minimum dès qu’ils atteignent l’âge d’ouverture des droits, c’est-à-dire sans condition de durée d’assurance. Ensuite, ce minimum est légèrement plus élevé dans la fonction publique. Enfin, son calcul n’est pas linéaire, ce qui ne favoriserait pas la poursuite d’activité des fonctionnaires une fois atteint l’âge de la retraite.
Il ne vous en faut pas plus pour limiter l’accès à ce minimum garanti, sous prétexte d’application du principe d’équité, principe qui ne vous a pas empêchés d’instaurer, dès le début du mandat présidentiel, le bouclier fiscal. Lorsque l’on sait que ce dispositif permet aux plus riches de payer moins d’impôts qu’un couple de jeunes cadres, on est amené à se demander où est passé votre sens de l’équité !
Afin de mieux comprendre votre politique, je me suis plongée dans un dictionnaire… L’équité y est présentée comme étant la vertu de ceux qui possèdent un sens naturel de la justice. Votre sens de la justice vous pousse donc à vous attaquer à une mesure qui garantit aux fonctionnaires les plus modestes une pension d’un montant de 1065 euros mensuels, sous prétexte que son équivalent, pour les salariés du privé, serait inférieur de 150 euros ! On en déduit que, pour vous, l’équité est toujours synonyme, lorsqu’elle s’applique aux plus modestes, d’une réduction des droits. À l’inverse, dès lors qu’il s’agit de protéger les plus riches, l’équité vous commande de réformer notre droit fiscal et de distribuer chaque année aux plus gros contribuables des chèques pouvant aller jusqu’à 30 millions d’euros.
Cette politique sociale et fiscale qui tire toujours les droits vers le bas est devenue, pour l’immense majorité de nos concitoyens, véritablement insupportable ! C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article 24 et de travailler collectivement à instaurer une véritable équité, en portant le minimum contributif au niveau du minimum garanti.
M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, pour présenter l'amendement n° 191.
Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Notre amendement s’inscrit dans la continuité de la discussion précédente, au cours de laquelle il a été souligné que l’impossibilité de fait d’accéder au minimum garanti durcira encore le dispositif de transition prévu.
On peut, certes, décider de supprimer un droit en arguant qu’il n’existe pas ailleurs, mais encore faut-il être attentif aux personnes concernées. L’alignement des droits par le bas est une démarche d’une autre nature que la recherche de l’égalité.
La restriction des conditions d’accès au minimum garanti touchera les plus modestes des agents de la fonction publique. Parce que nous sommes opposés à la suppression de ce qui est un filet de sécurité pour les plus précaires, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L’amendement n° 355 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 31 et 191 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements. La modification des règles d’attribution du minimum garanti est indispensable dans le cadre de cette réforme.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. J’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur les deux amendements.
Le dispositif de l’article 24 est lui aussi fondé sur un principe d’équité, puisque les règles d’octroi du minimum garanti sont très différentes de celles du minimum contributif. C’est la raison pour laquelle nous les corrigeons en ajoutant la condition de l’accès au taux plein. Cela s’appelle la convergence, mais je sais que c’est un mot qui vous choque !
Je souligne que nous ne touchons pas au montant du minimum garanti, qui est supérieur de près de 200 euros à celui du minimum contributif. En cela, nous sommes fidèles à la promesse du Président de la République de ne pas baisser les pensions.
Nous ne modifions pas non plus la courbe du minimum garanti (Mme Odette Terrade s’exclame), tout à fait différente de celle du minimum contributif. Il sera donc toujours octroyé dans des conditions préférentielles.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour explication de vote.
Mme Marie-Agnès Labarre. Si nous avons aujourd’hui un débat important sur le minimum garanti, c’est bien parce que, contrairement à une image d’Épinal à laquelle vous avez régulièrement recours pour opposer les Français entre eux, les fonctionnaires ne sont pas des nantis !
Ils sont nombreux, et même de plus en plus nombreux, à être éligibles à ce minimum garanti, c’est-à-dire à avoir droit à des pensions tellement faibles qu’on les porte à ce montant.
De ce fait, la mise sous conditions de l’attribution de ce minimum frappera immanquablement les plus modestes, notamment celles et ceux qui ont eu des carrières courtes, heurtées, ou qui ont intégré tardivement la fonction publique. Une étude fait par exemple la démonstration que les principaux bénéficiaires du minimum garanti sont des fonctionnaires dont la durée de la carrière dans la fonction publique n’excède pas cinq ans.
Ce minimum garanti joue donc un rôle très important, particulièrement dans la fonction publique territoriale, où les salaires sont proches de ceux qui sont versés dans le privé.
En 2008, 54 % des femmes et 39 % des hommes ont vu leur pension mensuelle majorée de 150 euros en moyenne. Plus globalement, ce minimum présente une importance particulière pour les assurés dont la carrière dans la fonction publique a été très brève, qui sont très souvent des femmes. N’oublions pas, en effet, que la durée de cotisation des femmes est en moyenne inférieure de six trimestres à celle des hommes !
Je trouve d’ailleurs curieux que, devant cette situation d’inégalité frappante – c’est la HALDE qui la qualifie ainsi –, vous ne parliez plus d’équité ! Alors que les pensions perçues par les femmes, dans le public et dans le privé, sont considérablement plus faibles que celles des hommes, vous ne faites rien ! C’est à croire que quand il s’agit de renforcer les droits de nos concitoyens, le sens de l’équité vous quitte ! Pour vous, les plus pauvres, les petites gens doivent partager leur précarité ou leur misère.
De ce point de vue, l’article 24 ne fait pas exception à la règle. L’ensemble des mesures de ce projet de loi concernant les fonctionnaires devraient rapporter à l’État plus de 5 milliards d’euros, alors que, toutes mesures confondues, les hauts revenus ne contribueront à l’effort qu’à hauteur de 4,6 milliards d’euros ! Cette situation n’est pas sans nous rappeler que l’ensemble de la réforme sera financée à plus de 85 % par les salariés.
Vous poursuivez inflexiblement votre politique de classe, quitte à ce qu’elle se traduise, pour nos concitoyens, par l’accroissement de leurs difficultés. Pourtant, le Gouvernement, qui n’est pas contraint par l’application de l’article 40 de la Constitution, aurait pu décider de revaloriser le minimum contributif pour le porter au niveau du minimum garanti et de supprimer la condition de durée d’assurance. Il aurait pu, pour une fois, mener une vraie politique sociale et aider tous ceux pour qui retraite rime avec précarité !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 31 et 191.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 660, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :
A. - Après l'alinéa 2
Insérer six alinéas ainsi rédigés :
I bis. - L'article L. 17 du même code est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le minimum garanti est versé sous réserve que le montant mensuel total des pensions personnelles de retraite de droit direct, attribuées au titre d'un ou plusieurs régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales, portées le cas échéant au minimum de pension, n'excède pas un montant fixé par décret.
« En cas de dépassement de ce montant, le minimum garanti est réduit à due concurrence du dépassement sans pouvoir être inférieur au montant de la pension civile ou militaire sans application du minimum garanti. Ne peuvent bénéficier du minimum garanti que les agents qui, à la date de liquidation de la pension à laquelle ils ont droit au titre du présent code, ont fait valoir leurs droits aux pensions personnelles de retraite de droit direct auxquels ils peuvent prétendre au titre des régimes légaux ou rendus légalement obligatoires, de base et complémentaires, français et étrangers, ainsi que des régimes des organisations internationales.
« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application des trois précédents alinéas. »
I ter. - Après l'article L. 173-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 173-2-0-1-A ainsi rédigé :
« Art. L. 173-2-0-1-A. - Un décret détermine les modalités d'application de l'article L. 173-2 du présent code et des deux derniers alinéas de l'article L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans le cas où ces dispositions sont applicables à l'assuré susceptible de bénéficier du minimum de pension dans plusieurs régimes au titre de l'article L. 351-10 du présent code et de l'article L. 17 susmentionné. »
B. - Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Les dispositions des I bis et I ter du présent article sont applicables aux pensions liquidées à compter du 1er juillet 2012.
... - Les dispositions du présent article sont applicables aux fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales ainsi qu'aux ouvriers régis par le régime des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, dans des conditions déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'État.
Cet amendement n’est pas soutenu.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur le président, j’en reprends le texte.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 1232, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, qui reprend le contenu de l’amendement n° 660.
Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement subordonne l’attribution du minimum garanti de la fonction publique à une condition de montant global de pension de retraite. En cas de dépassement, le minimum garanti sera minoré à due concurrence.
Dans le cas où l’assuré bénéficie parallèlement du minimum contributif, un mécanisme de coordination est instauré entre les deux minima. Cette proposition s’inscrit dans l’esprit de convergence entre secteur privé et secteur public que nous évoquions tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 192, présenté par M. Domeizel, est ainsi libellé :
Alinéa 4, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le I du présent article s'applique aux fonctionnaires civils et aux magistrats radiés des cadres à compter du 1er juillet 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 1221, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 4, seconde phrase
Après les mots :
dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente loi,
insérer les mots :
et les militaires non officiers dont la durée de services est, au 1er janvier 2011, au moins égale à celle prévue pour la liquidation de leur pension par le 2° du II de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, diminuée de cinq années
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement, cher à M. de Rohan et à Mme Debré, présente à nos yeux une certaine importance.
Depuis le début de ce débat, la commission des affaires sociales a souvent répété qu’il fallait que tous les assurés participent à l’effort et que nous devions éviter de prévoir des dérogations catégorielles.
À cet instant, je propose pourtant une mesure particulière au bénéfice des militaires du rang, parce qu’il nous a semblé que la réforme créait une situation inéquitable à leur égard.
Aujourd’hui, les militaires du rang peuvent bénéficier, après quinze ans de services, d’une pension à jouissance immédiate. Cette pension est portée au minimum garanti, de sorte que son montant atteint environ 600 euros par mois.
À la suite de la réforme des retraites, les militaires du rang ne pourront plus bénéficier de la pension qu’après dix-sept ans de services. Cela est normal et la commission des affaires sociales n’a nullement l’intention de remettre en cause ce principe.
Toutefois, après la réforme du minimum garanti, ces militaires ne se verront accorder une pension au niveau du minimum garanti qu’après dix-neuf ans et demi de services, et non plus dix-sept ans. C’est là qu’un problème se pose à nos yeux.
Dans un premier temps, j’avais déposé un amendement tendant à ce que tous ces militaires puissent conserver le bénéfice d’une pension portée au minimum garanti après dix-sept ans de services. Vous m’avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, qu’une telle solution remettrait en cause les règles de la loi Fillon sur la décote. J’ai donc retiré mon amendement.
Mais j’estime, et c’est l’objet de l’amendement n° 1221, qu’il faut au moins préserver la situation de ceux qui se sont engagés en sachant qu’existait cette possibilité de retraite au minimum garanti et qui ont déjà passé dix ans dans l’armée. Par conséquent, je propose que ces militaires conservent le bénéfice d’une pension au minimum garanti lorsqu’ils atteignent l’âge de la retraite.
Cette proposition, qui concerne un nombre de cas tout à fait limité, a une valeur symbolique très forte pour l’armée. Je rappelle que nous parlons ici non d’officiers ou de sous-officiers, mais bien de militaires du rang contractuels, c’est-à-dire d’engagés qui assument des missions particulièrement difficiles, en particulier ces derniers temps.
M. le président. Le sous-amendement n° 1229, présenté par M. Laménie, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 1221
Supprimer les mots :
, diminuée de cinq années
La parole est à M. Marc Laménie.
M. Marc Laménie. Ce sous-amendement, qui va tout à fait dans le sens de la proposition de M. le rapporteur, vise à exonérer de la réforme du minimum garanti tous les militaires du rang qui auront atteint quinze ans d'ancienneté au 1er janvier 2011.
Par ailleurs, il est important que le Gouvernement précise ses intentions quant à l'accompagnement de la réforme pour les militaires ayant déjà effectué entre dix et quinze années de services.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 1229 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission n’a pas eu le temps d’examiner ce sous-amendement. J’ai exposé, en défendant l’amendement n° 1221, une situation difficile à laquelle il n’était pas évident de trouver une solution. Ce sous-amendement nous offre une possibilité de prendre en compte la situation de personnes peu nombreuses, particulièrement exposées et dont les carrières sont très courtes. Il s’agit d’engagements qui, en général, ne durent que quelques années et ne sont pas suffisamment répétés pour arriver au nombre d’années ouvrant droit au minimum garanti.
À titre personnel, j’émets un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous sommes au cœur d’un sujet très complexe sur le plan technique. Mme Debré a su, là encore, mettre le doigt sur un problème de fond.
Il fallait faire en sorte d’éviter un effet de seuil trop brutal. Dès lors que le bénéfice du taux plein sera requis pour l’attribution du minimum garanti et que, simultanément, la borne d’âge sera reculée de deux années, la durée de services pour obtenir une pension au niveau du minimum garanti passe de quinze ans à dix-neuf ans et demi. De fait, il y a là un véritable effet de seuil, que l’amendement de la commission vise à corriger, en incluant dans son dispositif les militaires dont la durée de services a dépassé deux fois la durée moyenne des contrats, soit dix années.
Cela pose problème dans la mesure où une inégalité nouvelle est alors créée. Le sous-amendement de M. Laménie tend à y remédier, en limitant le champ du dispositif présenté par M. le rapporteur aux militaires ayant effectué au moins quinze ans de services. Pour cette raison, je suis favorable à ce sous-amendement.
Cela étant, monsieur le rapporteur, je puis prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, d’examiner selon quelles modalités un pécule pourrait être versé aux militaires ayant dix ans d’ancienneté Au demeurant, une telle mesure intéressera sans doute beaucoup plus les militaires concernés qu’une rente d’un montant trop faible. Le montant de ce pécule sera fixé par décret.
Pour résumer, le Gouvernement est favorable à l’amendement de la commission, modifié par le sous-amendement de M. Laménie.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 1229.
Mme Marie-Christine Blandin. Cette intervention n’engage absolument pas le groupe.
Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, alors que vous avez été parfaitement sourds à tous les plaidoyers en faveur de toutes les catégories, voilà que, tout à coup, votre cœur s’ouvre pour les militaires engagés…
Pourtant, nous savons que les militaires, après quinze ans de services, exercent tous une autre profession. Ils trouvent sans difficultés du travail, notamment comme vigiles !
M. Jean Desessard. Eh oui !
Mme Marie-Christine Blandin. Vous êtes donc prêts à consentir une exception en faveur de militaires engagés, c’est-à-dire de personnes dont le métier consiste aussi à enlever la vie (Protestations sur les travées de l’UMP),…
Mme Isabelle Debré. À défendre le pays, pas à enlever la vie !
Mme Marie-Christine Blandin. … alors que, pour les professionnels qui donnent la vie ou la sauvent, tels que les anesthésistes, les sages-femmes, les infirmières, il n’y a pas de dérogation possible !
Nous ne voterons pas une telle mesure !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Mme Blandin nous a habitués, depuis le début du débat, à pousser le bouchon tellement loin, lors de ses rares interventions, que nous avions décidé de ne pas lui répondre, mais je ne peux laisser passer de tels propos.
Madame la sénatrice, j’aimerais savoir comment vous pouvez à la fois vous exprimer en ces termes et défendre la cause des militaires dans le cadre de l’examen du présent texte, comme a pu le faire l’opposition.
Mme Marie-Christine Blandin. Ce n’était pas ma position !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. En réalité, c’est du grand n’importe quoi, parce que vous n’avez pas davantage pris connaissance de ce dispositif que des autres ! Je vais vous le démontrer immédiatement.
Ce dispositif vise à corriger un effet de seuil brutal, qui allait concerner un millier de personnes, dû à la conjonction d’une modification des règles d’attribution du minimum garanti et du relèvement de deux années de l’âge légal de la retraite. L’objet de l’amendement de M. le rapporteur, modifié par le sous-amendement de M. Laménie, est précisément de remédier à cette situation, sans créer une nouvelle inégalité.
Madame la sénatrice, je tiens à souligner que c’est exactement ce que nous avons fait pour les mères d’au moins trois enfants ou les infirmières. Quand nous considérons qu’un correctif est nécessaire, nous le mettons en place. Les propos que vous avez tenus étaient donc, comme d’habitude malheureusement, tout à fait déplacés et excessifs ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Monsieur le secrétaire d’État, je ne crois pas que les propos de Mme Blandin soient aussi excessifs que vous le dites.
M. Nicolas About. Ce sont des propos maladroits !
M. Jean Desessard. Nous nous interrogeons sur les critères retenus. M. le rapporteur a mis l’accent sur la difficulté des missions de ces militaires engagés.
S’ils interviennent sur des théâtres d’opération lointains – nous ne soutenons d’ailleurs pas de telles interventions –, ils touchent des primes de risque. C’est une autre question.
S’il s’agit simplement de prendre en compte la pénibilité de leur travail, il convient alors de revenir aux critères qui valent pour tous. Peut-être le groupe CRC-SPG n’a-t-il pas présenté suffisamment d’amendements exposant la pénibilité de bien d’autres professions… Il me semble donc que, selon les métiers, on ne retient pas les mêmes critères pour juger de la pénibilité.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Il s’agit non pas d’une retraite différée, mais d’une retraite à jouissance immédiate ! Nous sommes dans une logique de durée, pas dans une logique d’âge !
M. Jean Desessard. J’entends ce que vous dites, monsieur le secrétaire d’État, mais, comme l’a indiqué Mme Blandin – je reprends donc à mon compte des propos que vous trouvez excessifs –, les militaires peuvent partir à la retraite assez jeunes, ce qui leur permet de cumuler leur pension avec les revenus d’une nouvelle activité.
M. Jean Desessard. Nous n’avons pas la même notion de la pénibilité et de l’équité !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Madame Blandin, je suis très choquée que vous puissiez affirmer que le métier des militaires est d’ôter la vie. Leur rôle est de nous protéger, souvent en donnant leur vie, comme cela a été le cas aujourd’hui encore !
M. Jean Desessard. Que font-ils en Afghanistan ?
Mme Nicole Bricq. C’est vous qui envoyez des troupes en Afghanistan !
Mme Isabelle Debré, vice-présidente de la commission des affaires sociales. Madame Blandin, il est rare que je prenne la parole, mais j’ai été extrêmement choquée par vos propos et je ne pouvais les laisser passer. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l’article 24.
Mme Christiane Demontès. Nous ne voterons pas l’article 24.
Même si, contrairement à ce qu’affirme la majorité, les situations respectives des secteurs privé et public sont en réalité plus proches qu’on ne le croit, il est souhaitable, pour qu’une réforme des retraites soit juste, que les conditions d’une convergence progressive des divers systèmes soient recherchées.
Cependant, l’article 24, au lieu de prévoir de nouvelles règles de calcul des pensions minimales applicables aux salariés du secteur privé plus favorables, impose un nouveau mode de calcul du minimum garanti aux agents de la fonction publique. Désormais, pour que le versement de ce minimum garanti ne soit pas affecté d’une décote, les fonctionnaires concernés devront avoir réalisé une carrière complète. Cette disposition tire évidemment l’ensemble du système vers le bas.
Ainsi, ceux qui vont pâtir de ce nouveau mode de calcul seront les fonctionnaires les plus modestes,…
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Christiane Demontès. … ceux dont la carrière n’est pas complète – il s’agit notamment, une fois encore, des femmes, qui comptent en moyenne six trimestres de cotisation de moins que les hommes –, mais aussi ceux qui ont eu des parcours difficiles ou sont entrés plus tardivement dans la fonction publique.
Tout l’intérêt de ce minimum garanti était là : il constituait une mesure de solidarité envers ceux qui avaient eu un parcours plus difficile que les autres, mais dont on considérait, à juste titre, qu’ils avaient tout de même droit à un minimum leur permettant de vivre décemment une fois à la retraite.
En application du dispositif du minimum garanti actuellement en vigueur dans la fonction publique territoriale, 54 % des femmes et 39 % des hommes ont touché, en 2008, une pension mensuelle majorée de 150 euros en moyenne. Nous nous en réjouissons. Même si le montant du minimum garanti ne sera pas revu à la baisse, le nouveau mode de calcul que vous proposez, en renforçant les conditions d’obtention, induira tout de même une diminution du montant des retraites.
Ainsi, avec cet article 24, on retrouve bien la logique de l’ensemble de votre projet de loi. En relevant de 65 ans à 67 ans l’âge ouvrant droit à une retraite sans décote, vous avez pénalisé ceux qui ont eu des parcours morcelés dans le secteur privé. Cette fois, vous vous en prenez très directement aux fonctionnaires les plus modestes, ceux de la catégorie C, voire de la catégorie B, qui sont très souvent, je le rappelle, des femmes. Leurs retraites seront souvent, de ce fait, plus faibles que celles du secteur privé. Dès lors, comment parler d’égalité ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une approche de la « convergence » qui introduit une nouvelle iniquité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 24 (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 24 bis A
(Non modifié)
Avant le 31 mars 2011, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les bonifications inscrites à l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
M. le président. L'amendement n° 964, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au plus tard le 31 décembre 2010, sur le bureau de deux Assemblées, un rapport portant sur le coût pour l'État et les avantages pour les fonctionnaires de l'instauration d'une mesure permettant qu'en cas de bénéficiaires multiples, la part de réversion de l'un des bénéficiaires décédant accroisse la part du ou des autres bénéficiaires survivants.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous entendons aborder ici la question des pensions de réversion, plus particulièrement de celles d’entre elles qui sont servies à la suite du décès d’un agent de la fonction publique.
Concernant les assurés relevant du régime général ou des régimes affiliés, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites et les textes pris pour son application ont modifié les conditions d’attribution de cette prestation.
Désormais, et l’on ne peut que s’en féliciter, les veufs peuvent eux aussi bénéficier d’une pension de réversion au décès de leur épouse.
Or, même si le mécanisme de la réversion constitue une avancée importante, les évolutions législatives tendent à en réduire la portée. Tel est le cas, pour les assurés du régime général, des mesures visant à conditionner le droit à réversion à un niveau de ressources maximum ou à réintroduire des limites d’âge.
Ces dernières devaient pourtant théoriquement disparaître à l’horizon 2011. En dépit des engagements présidentiels, la promesse a été oubliée en 2008 : aujourd’hui, pour pouvoir bénéficier de la pension de réversion, il faut avoir au moins 55 ans. Cette dernière mesure, qui ne sera pas sans incidence sur les éventuels bénéficiaires, est dictée par une logique exclusivement comptable, comme l’atteste le rapport sénatorial sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, aux termes duquel « si [l’] aspect humain [de la suppression progressive de toute condition d’âge pour l’accès à une pension de réversion] n’est pas contestable, elle a pour inconvénient majeur d’augmenter considérablement le nombre de personnes éligibles à une pension de réversion, entraînant une dépense supplémentaire estimée à 150 millions d’euros pour la CNAV en 2008 ».
Concernant les pensions de réversion dont bénéficient les survivants d’un fonctionnaire, la réforme de 2003 a eu pour effet de modifier l’article L. 45 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Dans sa nouvelle rédaction, cet article prévoit que, en cas de bénéficiaires multiples, la part de réversion de l’un des bénéficiaires décédant n’accroît plus la part du ou des autres bénéficiaires survivants.
Là encore, cette mesure semble avant tout destinée à réduire les dépenses sociales, alors même que ses effets peuvent être très lourds pour les bénéficiaires d’une pension de réversion.
Aussi proposons-nous que le Gouvernement remette au Parlement un rapport visant à évaluer les conséquences et les coûts de l’application d’une mesure prévoyant le retour à la rédaction antérieure à la loi de 2003, c’est-à-dire permettant que, en cas de bénéficiaires multiples, la part de réversion de l’un des bénéficiaires décédant puisse accroître la part du ou des autres bénéficiaires.
Nous aurions d’ailleurs préféré proposer purement et simplement le rétablissement du dispositif antérieur, mais, nous le savons, un tel amendement se serait vu opposer l’article 40 de la Constitution. C’est pourquoi nous nous limitons à demander la remise d’un rapport.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet amendement fait suite à une recommandation du Médiateur de la République, mais l’établissement d’un rapport ne nous semble pas nécessaire. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, pour explication de vote.
M. Jean-François Voguet. L’amendement que nous venons de présenter est d’une grande importance pour les épouses ou époux survivants d’agents de la fonction publique.
En effet, la pension de réversion constitue aujourd’hui un droit acquis : dans une logique patrimoniale, elle vise à transférer une partie des droits acquis par l’assuré de son vivant à son conjoint et/ou ses ex-conjoints survivants. Si la logique n’est plus celle d’une pension de subsistance, la réversion n’en demeure pas moins fondée sur la solidarité, car elle est la continuation, dans la mort, des liens de solidarité qui unissaient les couples de leur vivant.
Et si son caractère vital – pour les bénéficiaires – peut paraître atténué par rapport à sa création – notamment en raison des évolutions sociétales, telles que le remariage, le concubinage ou l’ensemble des organisations du mode de vie différentes du mariage, et de l’augmentation du taux de travail des femmes –, le bénéfice de la pension de réversion demeure important et permet souvent à ses bénéficiaires, malgré ses insuffisances, de vivre plus dignement que s’ils n’en bénéficiaient pas. Aussi pourrait-on dire aujourd’hui de la pension de réversion qu’elle relève d’un modèle hybride, à mi-chemin entre la pension d’assurance et la pension d’assistance.
À titre d’exemple, malgré l’augmentation du taux d’emploi des femmes, la pension de réversion continue à jouer un rôle fondamental dans le niveau de vie de ces dernières, une fois l’âge de la retraite atteint. En effet, en prenant en compte l’ensemble des droits propres, des droits dérivés et du minimum vieillesse, les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient, en 2004, une retraite moyenne de 1 020 euros par mois, soit 62 % de celle des hommes, qui s’élevait à 1 636 euros par mois.
Pourtant, ce sont précisément les femmes qui sont, dans l’immense majorité des cas, les bénéficiaires de la pension de réversion – 92 % des bénéficiaires selon le sixième rapport du Conseil d’orientation des retraites, le COR. Cette pension, qui s’élève en moyenne à 548 euros mensuels pour les femmes, contre 238 euros pour les hommes, représenterait, toujours selon le sixième rapport du COR, plus de la moitié de la retraite totale des femmes.
Ces réflexions nous ont conduits à déposer une proposition de loi sur ce sujet, et vous comprendrez donc que nous vous invitions à voter en faveur de cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l’article 24 bis A.
(L’article 24 bis A est adopté.)
Article 24 bis
(Non modifié)
I. – Le h de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite est abrogé.
II. – Les fonctionnaires recrutés avant le 1er janvier 2011 conservent pour les périodes antérieures à cette date le bénéfice du h de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Le métier d’enseignant a particulièrement évolué. La précarité grandissante que subissent les familles a des conséquences indéniables pour les enfants. L’accroissement de toutes les violences, la dégradation des quartiers populaires et les craintes considérables quant à l’avenir des jeunes passent aujourd’hui les grilles des lycées. Ceux-ci ne sont pas des sanctuaires, des lieux hors du temps ou des difficultés sociales. Les enseignants, qui jouent un rôle fondamental, sont en première ligne, face à une génération pour qui l’avenir s’accorde, pour un certain nombre, avec précarité, galère, mépris ou misère.
Tout cela se répercute sur les enseignants, comme l’atteste la montée en charge des dispositifs chargés de traiter les difficultés enseignantes : les cellules d’écoute, les directions des ressources humaines, les psychologues du travail se multiplient et appuient des professionnels qui ont, eux-mêmes, de plus en plus besoin d’une aide professionnelle. Est-il besoin de rappeler des expériences récentes, notamment le dossier France Télécom ? Cette souffrance est d’autant plus forte que le domaine d’intervention des professionnels est complexe ou exposé aux critères que je viens de mentionner.
Cette réflexion nous conduit tout naturellement à nous interroger sur la signification de cet article 24 bis qui supprime la bonification dont bénéficient les professeurs de l’enseignement technique. Cette mesure est d’autant plus regrettable que vous menez une politique désastreuse à l’égard de l’enseignement professionnel.
Selon une étude en date de 2004, « les difficultés liées aux tensions du métier mènent à une réelle souffrance, quand les enseignants ne supportent plus la situation sans pouvoir en changer. On peut l’exprimer de la façon suivante : “ je ne peux continuer comme ça et mais je ne peux changer ”. Cette absence d’issue est un véritable marqueur de cette souffrance ordinaire. Cette impossibilité d’issue se manifeste clairement dans le corps depuis le fait de s’isoler […] à des somatisations diverses. Les enseignants mettent ainsi l’accent sur les manifestations physiques de leurs tensions ».
Or, nous le savons, c’est dans l’enseignement professionnel que l’on retrouve les enfants des classes populaires, le plus souvent d’origine immigrée.
Cet article 24 bis va donc pénaliser ces professeurs,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Guy Fischer. … et vous aurez compris que nous ne souhaitons pas supprimer la bonification dont ils bénéficiaient !
M. le président. L’amendement n° 32, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à la suppression de l’article 24 bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Je précise, d’une part, que l’état du droit antérieur permettait une double validation, qui pouvait aboutir, en moyenne, à cumuler deux cents trimestres dans deux régimes différents. Reconnaissez avec nous que cette situation est particulièrement choquante et ne correspond pas à la situation que vous décriviez, monsieur Fischer.
D’autre part, une mesure d’exonération est prévue pour tous les personnels recrutés avant le 1er janvier 2011. Nous faisons donc très attention à ce que cette disposition n’ait aucun effet rétroactif.
Je pense par conséquent que cette mesure n’encourt pas les critiques que vous avez émises.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La situation des enseignants des lycées professionnels et technologiques me préoccupe et je considère que cet article porte un véritable coup à leurs retraites.
Cet article 24 bis porte atteinte au droit à la retraite de manière générale, comme le reste du projet de loi, mais il constitue surtout un coup de plus assené à l’enseignement technologique et professionnel. Il tend à supprimer purement et simplement les bonifications de retraites accordées aux enseignants des lycées professionnels. Celles-ci résultaient pourtant directement des spécificités du métier et de son mode de recrutement. En effet, ces bonifications sont accordées au titre de l’expérience professionnelle antérieure, et extérieure à l’enseignement, effectuée dans le domaine de l’industrie.
Il faut ici rappeler que cette activité professionnelle dans l’industrie est tout simplement exigée pour être recruté à ces postes : à hauteur de cinq ans pour les titulaires d’un diplôme de niveau III, et même de sept ans pour les titulaires d’un diplôme de niveau IV. Cette expérience est une condition sine qua non pour se présenter au concours.
Rien ne saurait justifier une telle atteinte à une profession exigeante et difficile. Supprimer cette bonification de retraite, c’est dissuader encore davantage l’orientation vers des métiers de l’enseignement professionnel et technologique, et c’est mal récompenser les efforts fournis quotidiennement par ces professeurs qui s’en trouveront découragés. Avec un recrutement exigeant et un métier souvent éprouvant, la suppression d’une contrepartie accordée dans le calcul des retraites ne saurait qu’aggraver la situation de ces professeurs.
Pourtant, l’enseignement professionnel et technologique, tout comme ses acteurs qui le font vivre, élèves et professeurs, mériterait la plus grande attention. Ces derniers devraient constituer le cœur de notre réflexion globale sur l’éducation nationale.
Le lycée professionnel et technologique doit faire face à des difficultés réelles et cumulatives. Malgré la volonté affichée de revalorisation de ses filières, il reste toujours, et fort injustement, associé à un discours de dévalorisation. Il est avant tout considéré comme une voie de relégation pour des élèves en échec scolaire n’ayant pas réussi au sein de la voie consacrée, celle du lycée général. Les filières de notre système éducatif sont fortement hiérarchisées au détriment des filières technologiques et professionnelles et, de ce fait, les élèves qui fréquentent les établissements professionnels et technologiques s’y retrouvent souvent orientés de force et par l’échec. Or, il est extrêmement difficile de sortir de cette spirale.
Cette concentration d’élèves en difficulté, qui se retrouvent là souvent par hasard et sans connaissance réelle des objectifs de la filière qu’ils intègrent, ne favorise pas l’exercice de l’activité des professeurs, ni l’apprentissage de l’enseignement dispensé. Le cumul des difficultés scolaires, des lacunes non comblées au collège et de l’orientation imposée jouent sur le manque de motivation des élèves auquel doivent faire face leurs enseignants. Ces filières stigmatisantes et peu valorisantes pour les élèves influent sur l’exercice du métier d’enseignant et ne le rendent ni aisé ni particulièrement attractif.
Je souhaite pour ma part lutter contre ce phénomène et faire de l’enseignement professionnel et technologique une voie d’excellence reconnue, avec ses spécificités. Je ne peux dès lors que m’interroger sur le contenu de cet article. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je serai très bref !
Mme Catherine Procaccia. Lire un papier à cette heure-ci, ce n’est pas difficile !
M. Jacques Mahéas. Mais nous sommes vaillants quelle que soit l’heure !
Même si l’explication de vote de notre collègue a été logique et pointue, je serai beaucoup plus court, en affirmant que je me trouve sur la même longueur d’ondes qu’elle.
En effet, je représente ici un département particulièrement difficile, la Seine-Saint-Denis, le 93, et je sais que, dans ce département, les professeurs de l’enseignement technique rencontrent encore plus de difficultés qu’ailleurs.
Permettez-moi de relever une grave anomalie : tout à l’heure, nous ne nous sommes pas opposés à l’amendement que vous avez défendu concernant les militaires ; maintenant, vous nous proposez de supprimer, de manière pour le moins rapide, un avantage accordé à une profession qui mérite d’être encouragée.
La suppression de l’article 24 bis ne nous paraît donc absolument pas incongrue !
M. le président. Je mets aux voix l’article 24 bis.
(L’article 24 bis est adopté.)
Article 24 ter
(Non modifié)
I. – Le III de l’article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les bonifications de durée de services et majorations de durée d’assurance, à l’exclusion de celles accordées au titre des enfants et du handicap, prévues par les dispositions législatives et réglementaires, quel que soit le régime de retraite de base au titre duquel elles ont été acquises, ne sont pas prises en compte pour ce calcul. Un décret fixe la liste des bonifications et majorations de durée auxquelles s’applique le présent alinéa. » ;
2° À la fin du dernier alinéa, les mots : «, dans la limite de vingt trimestres » sont supprimés.
II. – Le I du présent article est applicable aux fonctionnaires affiliés au régime de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
III. – L’article L. 351-1-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les bonifications de durée de services et majorations de durée d’assurance, à l’exclusion de celles accordées au titre des enfants et du handicap, prévues par les dispositions législatives et réglementaires, quel que soit le régime de retraite de base au titre duquel elles ont été acquises, ne sont pas prises en compte pour ce calcul. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l’article.
M. Jacques Mahéas. J’ai la triste impression de me répéter… (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. Cela ne nous a pas échappé !
M. Christian Cambon. Nous aussi avons cette impression vous concernant !
M. Jacques Mahéas. … et j’ai également la triste impression d’être très peu compris par la majorité sénatoriale ! J’ai même la triste impression que les Français ne comprennent pas, globalement, la position de la majorité sénatoriale sur cette loi. (M. Nicolas About proteste.)
Mme Odette Terrade. Ça, c’est sûr !
M. Christian Cambon. On verra cela plus tard !
M. Jacques Mahéas. Cela vous étonne peut-être, mais les contacts que j’ai et les sondages publiés le prouvent amplement ! Ne vous réjouissez donc pas trop vite même si j’ai l’impression de me répéter !
Vous proposez dans cet article que les règles de calcul de la surcote soient alignées sur les modalités en vigueur dans le régime général : seules les périodes de service effectif et les bonifications et majorations à caractère familial, ou ayant un lien avec un handicap, sont prises en compte pour le calcul de la surcote. Les avantages de durée d’assurance attribués au titre des enfants ou du handicap demeurent pris en compte pour le bénéfice de la surcote dès lors que ceux-ci tendent à compenser l’effet de la naissance et de l’éducation des enfants ou du handicap sur la carrière.
Vous avez également supprimé le plafond de vingt trimestres qui existe dans le secteur public et pas dans le secteur privé.
C’est encore un mauvais coup que vous portez aux femmes, car ce sont elles qui subissent le plus les décotes résultant de la durée de cotisation. Le Conseil d’orientation des retraites précise même que les femmes travaillant dans la fonction publique sont particulièrement touchées, et cet amendement ne fera qu’aggraver leur situation !
Plus globalement, je déplore que la suppression des bonifications et majorations de durée se fasse dans une telle précipitation, forcément dommageable. J’attire d’ailleurs votre attention, d’une façon générale, sur les conditions dans lesquelles ce projet de loi a été bâclé, du point de vue tant de la concertation préalable que de la réflexion. Alors, laissez-nous quand même le temps de nous exprimer au Sénat !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 33 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 194 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 33.
Mme Éliane Assassi. Ce que nous avons déjà dit au sujet des salariés du secteur privé vaut également pour les fonctionnaires. Celles et ceux qui décident de poursuivre leur activité professionnelle au-delà de 65 ans, et demain 67 ans, le font d’abord et avant tout pour accroître le montant de leur pension.
Cette démarche vise non pas à accumuler encore plus de richesses mais juste à disposer, un jour, d’une retraite digne.
Cette situation, mes chers collègues, est la conséquence d’une multiplication de critères : les allongements passés des durées de cotisation, l’indexation des salaires sur les prix, les retraites portées aux comptes, la précarisation des emplois dans la fonction publique, l’impossibilité d’atteindre une fin de carrière complète et au niveau le plus haut de la rémunération indiciaire, ou encore la non-prise en compte des primes...
Tout cela conduit à un affaiblissement des pensions et rend naturellement attrayant les mécanismes de surcote ou de majoration de durée d’assurance pour celles et ceux, salariés du privé ou agents de la fonction publique, qui seraient ainsi contraints de travailler non seulement plus, mais trop par rapport à ce qu’ils souhaitent réellement.
Certes, me direz-vous, vous connaissez ici ou là quelques chercheurs, enseignants universitaires ou scientifiques de renom qui, ne pouvant plus travailler en France, ont fait le choix de l’expatriation.
M. Gérard Longuet. Eh oui, il y en a !
Mme Éliane Assassi. Mais ce sont là deux sujets différents. La législation en vigueur comme les articles précédents prévoient déjà la possibilité de travailler au-delà de 65 ans – jusqu’à 69 ans même pour être plus précis. Or cet article concerne précisément un aspect financier. Il n’autorise pas le travail jusqu’à 70 ans – c’est déjà fait ! Il organise dans ce cadre une surcotisation, c’est-à-dire une récompense pour qui travaillerait au-delà de l’âge légal.
Nous pensons pour notre part que les fonctionnaires de notre pays n’ont pas besoin de tels mécanismes et qu’ils attendent au contraire une hausse indiciaire des salaires. (M. Guy Fischer applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 194.
M. Yves Daudigny. Nous réaffirmons par cet amendement notre opposition forte aux mesures que vous proposez.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que c’est au titre de l’équité que vous avez fait le choix d’une démarche de convergence, et que cette équité guide votre argumentation pour aligner le régime applicable aux salariés du public sur le régime applicable aux salariés du privé.
Comment pouvez-vous parler d’équité lorsque l’on sait que, en début de carrière, les fonctionnaires sont moins bien rémunérés que les salariés du secteur privé, que les primes ne sont pas intégrées dans le calcul de la retraite et, surtout, que la fonction publique est – et cette dérive s’accentuera dans les années à venir – la grande sacrifiée de votre politique de rigueur ?
La précipitation avec laquelle vous supprimez ces bonifications est inacceptable à nos yeux. Elle illustre parfaitement, une fois de plus, la brutalité de votre réforme. Vous réduisez drastiquement, tous azimuts et sans aucun recul, la dépense publique. Vous comprendrez que nous ne puissions pas vous suivre, d’où cet amendement de suppression de l’article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression de l’article.
M. Jacques Mahéas. Il y a un argument, monsieur le rapporteur ?
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 33 et n° 194. Je vais vous donner un argument, monsieur Mahéas !
Premièrement, je vous fais observer que nous ne touchons pas aux bonifications en général, dans la fonction publique. Des sénateurs de la majorité nous ont d’ailleurs interrogés à ce sujet, et nous leur avons expliqué pourquoi nous refusions d’y toucher.
Deuxièmement, nous modifions le régime de la surcote, mais nous ne le supprimons pas. Deux règles sont changées : la première est l’exclusion des majorations de durée dans la prise en compte de la surcote, ce qui est parfaitement équitable par rapport au secteur privé. En contrepartie, nous supprimons le plafond de vingt trimestres qui était appliqué à la surcote.
L’alignement entre les régimes des deux secteurs est donc la règle, mais la suppression de la majoration, qui ne se justifiait plus, est compensée par la suppression du plafonnement à vingt trimestres.
Pour la même raison que la commission, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 33 et 194.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 ter.
(L'article 24 ter est adopté.)
Article additionnel après l’article 24 ter (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 24 quater
(Non modifié)
L’article L. 351-13 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La majoration prévue au premier alinéa est supprimée à compter du 1er janvier 2011. Toutefois, elle est maintenue pour les pensionnés qui en bénéficiaient au 31 décembre 2010, tant qu’ils en remplissent les conditions d’attribution. »
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, sur l'article.
M. Jacques Mahéas. Alors que ce projet de loi est à l’étude depuis plusieurs mois, on peut regretter que le Gouvernement n’ait pas présenté dans les temps ses propositions d’amélioration des conditions de départ à la retraite des personnes en situation de handicap.
Au détour d’un amendement du rapporteur pour avis de la commission des finances à l’Assemblée nationale, vous supprimez le dispositif de majoration pour conjoint à charge, en ne l’accordant plus à compter du 1er janvier 2011. Il est toutefois maintenu pour les bénéficiaires actuels.
Cela n’en demeure pas moins brutal !
Aujourd’hui, cette majoration peut atteindre un peu plus de 600 euros par an, ce qui constitue une somme importante.
Selon vous, elle serait devenue caduque compte tenu de la création du minimum vieillesse et de l’allocation vieillesse des parents au foyer. Or, ces dispositifs ne se recoupent pas exactement.
La majoration concerne actuellement 172 000 bénéficiaires. En 2009, elle a été accordée à 12 200 nouveaux bénéficiaires. C’est loin d’être négligeable.
J’aimerais être sûr que votre motivation ne soit pas exclusivement l’économie de 3,4 millions d’euros par an que devrait entraîner l’extinction du dispositif pour l’avenir. Mais je crains néanmoins que, dans la droite ligne de régression qui est la vôtre, article après article, vous ne vous en preniez une fois encore aux plus fragiles, à ceux qui touchaient déjà de toutes petites retraites.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 34 est présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 195 est présenté par Mme Demontès, M. Bel, Mmes Alquier et Campion, MM. Cazeau, Daudigny et Desessard, Mme Ghali, M. Godefroy, Mme Jarraud-Vergnolle, MM. Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et Le Menn, Mmes Le Texier, Printz, San Vicente-Baudrin et Schillinger, MM. Teulade, Domeizel et Assouline, Mme M. André, M. Bérit-Débat, Mme Blondin, MM. Botrel et Bourquin, Mme Bourzai, MM. Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume et Haut, Mmes Khiari et Lepage, MM. Mirassou, Mahéas, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l’amendement n° 34.
Mme Odette Terrade. Nous proposons la suppression de l’article 24 quater.
En effet, cet article a été adopté sur proposition de la commission des finances à l’Assemblée nationale. Il vise à supprimer le dispositif de majoration pour conjoint à charge, en ne l’accordant plus à partir du 1er janvier 2011. Je précise que cette allocation continuera à être servie aux bénéficiaires actuels qui remplissent les conditions.
Actuellement, cette majoration est versée à trois conditions.
Premièrement, il faut que le conjoint ait 65 ans, ou 60 ans s’il est reconnu inapte au travail.
Deuxièmement, il faut que le conjoint ne bénéficie pas d’une pension, allocation ou rente acquise au titre de l’assurance vieillesse ou de l’assurance invalidité en vertu d’un droit propre ou du chef d’un précédent conjoint.
Troisièmement, les ressources personnelles du conjoint doivent être inférieures à un plafond d’environ 7 900 euros par an. Aujourd’hui, cette majoration peut atteindre un peu plus de 600 euros par an. Cette somme, loin d’être négligeable, est versée intégralement si l’assuré justifie de 150 trimestres. Dans le cas contraire, elle est calculée au prorata du nombre de trimestres acquis.
Le rapporteur pour avis de la commission des finances à l’Assemblée nationale a indiqué que, compte tenu de la création du minimum vieillesse et de l’allocation vieillesse des parents au foyer, il n’y avait plus de raison de servir cette majoration.
Or, les deux dispositifs ne se recoupent pas. Ainsi, la conséquence directe de cet article est qu’un certain nombre de ménages vont perdre cet avantage. En outre, nous ne disposons d’aucune étude d’impact sur cette mesure de suppression.
Nous constatons que, comme les autres modifications proposées au nom de l’équité, vous supprimez des dispositifs qui concernent des personnes ayant de toutes petites retraites.
Pourtant, le rapporteur à l’Assemblée nationale a eu l’aplomb de dire qu’il s’agissait uniquement d’une « mesure de simplification, et non d’économie ». Le rapport au Sénat est plus clair et peut être un peu plus honnête, puisqu’il indique que cette mesure pourrait conduire à une économie de 3,4 millions d’euros par an.
Voilà donc sans doute les vraies raisons de cette suppression : l’économie et la rigueur ...
Monsieur le ministre, nous souhaiterions que vous reveniez sur cette disposition qui va pénaliser les plus fragiles. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons d’adopter cet amendement n° 34 qui vise à supprimer l’article 24 quater.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l’amendement n° 195.
Mme Christiane Demontès. L’article 24 quater supprime la majoration pour conjoint à charge. Nous nous posons trois questions et nous avons des craintes. Cette suppression nous semble être désavantageuse pour certaines personnes, en particulier pour celles qui touchent des petites retraites, comme l’a souligné mon collègue Jacques Mahéas.
Deuxièmement, comme l’a observé Mme Terrade, nous ne disposons d’aucune étude d’impact sur cette disposition.
Enfin, il nous paraît clair que la suppression de la majoration pour conjoint à charge est non pas seulement une mesure de simplification, mais bien une économie. Cela ne nous paraît pas souhaitable ; aussi proposons-nous la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Ce dispositif a en effet été corrigé par un amendement présenté à l’Assemblée nationale. Cela a été fait à partir de l’examen, par la commission à l’Assemblée nationale, de différents rapports du Conseil d’orientation des retraites, qui mettaient en exergue le caractère anachronique du dispositif au regard de l’évolution sociologique. En effet, si ce dernier était certainement adapté lorsque les femmes qui travaillaient étaient plus rares, ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Par ailleurs, concernant les remarques assez justes que vous avez formulées, les uns et les autres, sur les études d’impact, je précise que les études réalisées au sujet de cette majoration ont mis en exergue, chiffres à l’appui, que cette dernière était en grande partie octroyée à des personnes résidant à l’étranger, ce qui rendait les fraudes plus difficiles à constater et à évaluer.
En conclusion, ce dispositif a été mis en place afin de mettre fin à l’anachronisme de cette majoration pour conjoint à charge, et pour répondre aux difficultés de contrôle de cette majoration.
Mais, comme l’a dit très justement Mme Terrade, que je remercie de l’avoir précisé, cette mesure de suppression ne s’appliquera pas avant le 31 décembre de cette année.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34 et 195.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 quater.
(L'article 24 quater est adopté)
Articles additionnels après l'article 24 quater (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 24 quinquies A (nouveau)
Au b de l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les mots : « ou réduit » sont insérés après les mots : « aient interrompu ». – (Adopté.)
Article 24 quinquies
I. – Après le mot : « fonctionnaires », la fin du 1° de l’article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi rédigée : « après une durée fixée par décret en Conseil d’État ; ».
II. – Les I et IV sont applicables aux fonctionnaires radiés des cadres à compter du 1er janvier 2011.
III. – L’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Le début de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigé : « Pour les fonctionnaires titularisés au plus tard le 1er janvier 2013, peuvent également… (le reste sans changement). » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les services validés au titre des dixième et onzième alinéas ne peuvent être pris en compte pour parfaire la condition prévue au 1° de l’article L. 4. »
IV. – L’article L. 90 du code des pensions civiles et militaires de retraite est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, la référence : « I. – » est insérée avant les mots : « La pension » ;
2° Il est complété par un II ainsi rédigé :
« II. – Par dérogation aux dispositions du I du présent article, les pensions inférieures à un montant mensuel fixé par décret sont payées, soit sous forme de capital, soit selon une autre périodicité, dans des conditions déterminées par ce même décret. »
V. – L’article L. 12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les bonifications prévues aux a, c et d du présent article sont prises en compte dès lors que la pension rémunère au moins quinze années de services effectifs. Elles sont prises en compte sans condition de durée pour les fonctionnaires et les militaires radiés des cadres pour invalidité. »
VI. – L’article L. 17 du même code est ainsi modifié :
1° Au c, après le mot : « pension », sont insérés les mots : « liquidée au motif d’invalidité » ;
2° Après le c, il est inséré un d ainsi rédigé :
« d) Lorsque la pension liquidée pour tout autre motif que celui visé au c rémunère moins de quinze années de services effectifs, à un montant égal, par année de services effectifs, au montant visé au a rapporté à la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum d’une pension civile et militaire de retraite visée au premier alinéa de l’article 5 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements.
L'amendement n° 1204, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
II. - Compléter cet article par paragraphe ainsi rédigé :
... - Les I et IV sont applicables aux fonctionnaires radiés des cadres à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.
M. le président. L'amendement n° 942, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5 à 8
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Notre amendement tend à abroger la disposition de cet article qui supprime la prise en compte pour la constitution du droit à liquidation des périodes de services auxiliaires. Cette mesure, qui élimine la validation des services de non-titulaire pour les services accomplis par un fonctionnaire avant sa titularisation, semble être la contrepartie à la réduction de la condition dite « de fidélité ».
Si cette mesure était attendue par un certain nombre d’organisations syndicales, ces dernières ne s’attendaient pas à ce que vous supprimiez la prise en compte des périodes auxiliaires dans la reconstitution de la carrière du fonctionnaire.
Cette mesure est importante puisqu’elle concerne les futurs professeurs des écoles qui auront été, avant leur recrutement, assistants d’éducation, auxiliaire de vie scolaire pour l’aide aux enfants handicapés, comme c’est fréquemment le cas.
Pour notre part, nous considérons que, contrairement aux arguments avancés par le Gouvernement dans l’objet de son amendement devenu, après son vote à l’Assemblée nationale, cet article 24 quinquies du projet de loi, cette mesure n’est pas de nature à améliorer la situation des « pensionnés public-privé ». Pis, nous estimons que, en rendant impossible la validation de services, elle crée de fait des polypensionnés, qui ne l’auraient pas été en application des règles antérieures.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de cette disposition.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 942 ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 1204 et 942 ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. S’agissant de l’amendement n° 1204, le Gouvernement émet un avis favorable.
En revanche, il est défavorable à l’amendement n° 942, et ce pour une raison très simple.
D’un côté, il y a la simplification extrême de la problématique des titulaires sans droit à pension, avec l’abaissement de quinze ans à deux ans de la durée nécessaire pour avoir droit à une pension.
De l’autre, il y a la question de la validation des services d’auxiliaire. Quel est le calcul ? La caisse ayant perçu les cotisations versera les pensions, ce qui est d’une grande cohérence.
En outre, cela permet deux avancées.
D’une part, on évite la complexité administrative, étant rappelé que 350 emplois sont aujourd’hui consacrés à cette gestion. D’autre part, le dispositif est très intéressant pour les agents, puisque ceux-ci doivent actuellement s’acquitter d’une surcotisation lors de leur réaffectation vers le régime du secteur privé, du fait des différentiels de cotisation que nous avons évoqués voilà quelques instants. Dans le système que nous proposons, ce ne sera plus le cas et les agents constateront, par conséquent, un gain de pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 942.
M. Jacques Mahéas. Je souhaite, non pas faire une explication de vote en tant que telle, mais plutôt interroger M. Georges Tron sur la situation des polypensionnés. (M. Jean Desessard acquiesce.)
À l’Assemblée nationale, le Gouvernement a promis la remise d’un rapport dans un an environ. Certes, la question des polypensionnés évoluant du secteur privé vers le secteur public a été partiellement résolue. Mais il existe d’autres situations de polypensionnés, et certains problèmes ne sont pas réglés, notamment pour ceux qui auront accumulé des droits dans des régimes non alignés.
Cette étude permettra-t-elle d’y voir clair ? Pour nous, pour l’instant, la question reste ouverte…
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Mon intervention rejoindra celle de mon collègue Jacques Mahéas car, même s’il est tard, certaines choses, qui sont évidentes, méritent d’être répétées.
Vous nous avez expliqué, monsieur le secrétaire d’État, que la situation des polypensionnés ne serait pas immédiatement réglée. J’en ai d’ailleurs été étonné, puisque cette question doit être traitée en urgence. L’urgence, pour vous, c’est donc l’élaboration d’un rapport dans un an !
Il ne s’agit pas seulement d’une promesse faite à l’Assemblée nationale. Le projet de loi, dans sa rédaction actuelle, comprend bien une disposition selon laquelle le Gouvernement transmettra au Parlement un rapport sur la situation des polypensionnés.
Mais, tant que ce rapport n’a pas été discuté et qu’aucune décision se fondant sur ce document n’a été prise, pourquoi ne tient-on pas compte de l’amendement proposé par le groupe CRC-SPG ?
Pourquoi, suivant la logique qui est la vôtre pour le rapport, ne consacrez-vous pas un an à étudier les incidences de certaines des dispositions que vous prenez sur le sujet ? Pourquoi opter, maintenant, pour une décision brutale, alors que le rapport n’a pas été remis et qu’aucun choix n’a été fait sur cette base ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur Mahéas, monsieur Desessard, vous avez parfaitement raison : l’article 3 octies du projet de loi tend à prévoir qu’« avant le 1er octobre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport faisant le point sur la situation des assurés ayant relevé de plusieurs régimes d’assurance vieillesse, en indiquant les différences de situation entre les femmes et les hommes ».
Comme vous avez pu le constater, nous discutons maintenant d’une situation qui est très bien identifiée et n’épuise en aucun cas le sujet. Elle concerne, d’une part, les fonctionnaires qui, ayant moins de quinze ans de service, sont directement reversés au régime général et à l’IRCANTEC – nous en avons parlé tout à l’heure – et, d’autre part, les fonctionnaires qui ont relevé du régime général avant d’être titularisés dans la fonction publique.
Ces deux mouvements s’inscrivent donc dans un même contexte, puisqu’ils concernent des fonctionnaires, qu’ils aient cotisé au régime général avant leur titularisation ou qu’ils n’aient pas validé la durée minimale nécessaire à l’ouverture de leur droit à pension.
Le rapport que vous évoquez, messieurs les sénateurs, portera sur tous les autres régimes et tous les autres mouvements.
Ici, notre préoccupation a trait à la situation des titulaires sans droit à pension de la fonction publique, qui sont parfaitement identifiés.
M. Jean Desessard. Ils sont identifiés, mais vous ne réglez pas le problème pour autant !
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 quinquies, modifié.
(L'article 24 quinquies est adopté.)
Article additionnel après l'article 24 quinquies (réservé)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
Article 24 sexies (nouveau)
Après l’article L. 133-6-8-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 133-6-8-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 133-6-8-3. – L’affectation des sommes recouvrées au titre des bénéficiaires du régime mentionné à l’article L. 133-6-8 s’effectue par priorité à l’impôt sur le revenu puis, dans des proportions identiques, aux contributions mentionnées aux articles L. 136-3 du présent code et 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale. Le solde est affecté aux cotisations de sécurité sociale selon un ordre déterminé par décret. » – (Adopté.)
Article 24 septies (nouveau)
I. – Le premier alinéa de l’article L. 382-12 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Les personnes affiliées au régime général en application de l’article L. 382-1 relèvent de régimes complémentaires d’assurance vieillesse institués en application de l’article L. 644-1 dont la gestion est assurée par une caisse de retraite complémentaire dotée de la personnalité juridique et de l’autonomie financière, dans des conditions fixées par décret. »
II. – Au premier alinéa de l’article L. 152-1 du même code, après les mots : « du code rural », sont insérés les mots : « et de l’organisme mentionné à l’article L. 382-12 ». – (Adopté.)
Article 24 octies (nouveau)
I. – Il est créé, à compter du 1er janvier 2013, un régime de retraite complémentaire obligatoire des professions artisanales, industrielles et commerciales reprenant les droits et obligations des régimes mentionnés à l’article L. 635-1 du code de la sécurité sociale, selon des modalités fixées par un règlement établi par le conseil d’administration de la caisse nationale du régime social des indépendants approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
Ce règlement détermine notamment les modalités selon lesquelles les points acquis, au titre des régimes mentionnés à l’article L. 635-1 du code de la sécurité sociale, jusqu’au 31 décembre 2012, sont convertis en points dans le nouveau régime. Les réserves des régimes mentionnés au premier alinéa sont transférées, à compter du 1er janvier 2013, au régime complémentaire obligatoire des professions artisanales, industrielles et commerciales.
II. – À compter du 1er janvier 2013, la section 1 du chapitre V du titre III du livre VI du code de la sécurité sociale est intitulée : « Régime complémentaire d’assurance vieillesse » et est ainsi modifiée :
1° L’article L. 635-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 635-1. – Toute personne relevant de l’une des organisations mentionnées aux 1° ou 2° de l’article L. 621-3, y compris lorsque l’adhésion s’effectue à titre volontaire ou en vertu du bénéfice d’une pension d’invalidité, bénéficie d’un régime de retraite complémentaire obligatoire auquel il est d’office affilié.
« Le régime complémentaire obligatoire d’assurance vieillesse des professions artisanales, industrielles et commerciales assure au bénéfice des personnes affiliées l’acquisition et le versement d’une pension exprimée en points. Le montant annuel de la pension individuelle de droit direct servie par ces régimes est obtenu par le produit du nombre total de points porté au compte de l’intéressé par la valeur de service du point. La valeur de service du point peut être différenciée suivant la date d’acquisition des points et la date de prise d’effet de la pension, ainsi que pour les points attribués antérieurement à la création du régime ou convertis lors de sa transformation. Elle peut également, s’agissant des points issus de la conversion mentionnée au second alinéa du I de la loi n° … du … portant réforme des retraites, être différenciée suivant le régime d’affiliation antérieur.
« La couverture des charges est assurée par des cotisations, dont les taux et tranches de revenus sur lesquelles ceux-ci s’appliquent sont fixés par décret. Ces cotisations sont assises sur le revenu professionnel défini à l’article L. 131-6, et recouvrées dans les mêmes formes et conditions que les cotisations du régime de base.
« L’équilibre financier du régime est assuré par ses seules ressources. Un décret détermine les règles de pilotage du régime, et notamment les conditions dans lesquelles le conseil d’administration de la caisse nationale du régime social des indépendants formule à échéance régulière, au ministre chargé de la sécurité sociale, des règles d’évolution des paramètres permettant de respecter des critères de solvabilité. » ;
2° L’article L. 635-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 635-2. – Les possibilités de rachat ouvertes dans le régime de base par l’article L. 634-2-1 sont également ouvertes dans le régime complémentaire obligatoire visé à l’article L. 635-1. Un décret précise ces modalités de rachat. » ;
3° À l’article L. 635-3, les mots : « des régimes complémentaires obligatoires » sont remplacés par les mots : « du régime complémentaire obligatoire ».
M. le président. L'amendement n° 1205, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 6, dernière phrase
Après les mots :
au second alinéa du I
insérer les mots :
de l'article 24 octies
La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il s’agit simplement d’un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1205.
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 octies, modifié.
Mme Christiane Demontès. Le groupe socialiste vote pour !
(L'article 24 octies est adopté.)
Article 24 nonies (nouveau)
L’article L. 642-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À la demande de l’assuré, l’assiette des cotisations peut être fixée selon les modalités prévues au sixième alinéa de l’article L. 131-6 ».
M. le président. L'amendement n° 764, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« À titre exceptionnel et dans des conditions fixées par décret, les assurés peuvent demander à bénéficier d'un report de six mois dans le paiement de leurs cotisations sociales. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. L’article 24 nonies constitue un changement important puisqu’il tend à modifier les règles de cotisation applicables aux professionnels libéraux.
Jusqu’à présent, les professionnels libéraux cotisent à leur régime de base et au régime complémentaire d’assurance vieillesse sur la base des revenus obtenus au cours de l’avant-dernière année d’activité.
Considérant que cette situation n’était pas satisfaisante, vous avez fait le choix, monsieur le secrétaire d’État, d’offrir la possibilité aux ressortissants du régime social des indépendants – le RSI – d’estimer leur revenu de l’année pour fixer l’assiette de leur cotisation. Vous tentez de justifier cette mesure par le fait que les professionnels libéraux pourraient être soumis à des baisses brutales de revenu, les obligeant à cotiser sur une assiette de revenus plus ample que celle dont ils bénéficient réellement.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet argument ne nous semble pas opportun.
En effet, pour reprendre une formule que la majorité aime utiliser, les professionnels libéraux doivent se comporter en « bons pères de famille ». Autrement dit, les modalités de calcul et de règlement de cotisations sociales qui leur sont applicables reposent sur un principe simple, celui du provisionnement. Ils mettent chaque mois de côté une part de leurs ressources afin que, le temps du règlement des cotisations venu, ils ne soient pas obligés de compter sur les ressources qu’ils auraient obtenues deux ans après.
Le provisionnement permet justement d’éviter la situation prévue par cet article, puisque les cotisations, qui sont fonction des revenus tirés de leur activité, sont immédiatement provisionnées et mises de côté deux ans durant.
La logique du provisionnement nous paraît être une pratique de gestion comptable permettant de respecter un principe fondamental pour le financement de notre système de protection sociale. Les cotisations sociales appartiennent à la collectivité et ne sont pas une propriété dont on peut disposer comme on le souhaite.
C’est pourquoi nous proposons de substituer le mécanisme prévu dans cet article par l’octroi aux professionnels libéraux d’un délai de six mois pour le règlement des cotisations sociales qu’ils doivent au RSI.
M. le président. L'amendement n° 970, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les treizième et quatorzième alinéas de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale sont supprimés.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 764 tend à remplacer le dispositif présenté par la commission par un délai de paiement. Mais la question posée est celle d’une variation des revenus des professions libérales d’une année sur l’autre. À cet égard, le texte de la commission permet aux professionnels d’évaluer eux-mêmes leurs revenus de l’année en cours en vue du paiement de leurs cotisations, afin d’éviter un paiement indu qui devrait, ensuite, être remboursé. L’avis de la commission est donc défavorable.
L’amendement n° 970 porte sur des mesures financières relevant du projet de loi de financement de la sécurité sociale. L’avis de la commission est également défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Nous partageons les deux avis défavorables de la commission.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC-SPG, je ne vous le reproche pas le moins du monde, mais la disposition que vous proposez au travers de l’amendement n° 764 va beaucoup plus loin que le dispositif envisagé. Celui-ci vise à obtenir une bonne évaluation ; vous proposez un délai de paiement. C’est un autre sujet !
L’amendement n° 970, quant à lui, concerne effectivement des mesures s’inscrivant dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et non dans celui d’une réforme des retraites.
M. le président. Je mets aux voix l'article 24 nonies.
(L'article 24 nonies est adopté.)
Article 24 decies (nouveau)
Après l’article L. 643-2 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 643-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 643-2-1. – I. – Les personnes dont la pension de retraite de base prend effet postérieurement au 1er janvier 2011 peuvent demander la prise en compte, en contrepartie du versement de cotisations, des périodes d’activité ayant donné lieu, avant le 1er janvier 2004, à une exonération de cotisation obligatoire au titre des deux premières années d’exercice de la profession dans le régime d’assurance vieillesse de base des professions libérales.
« Les conditions d’application du présent article et les modalités selon lesquelles s’effectue le versement des cotisations afférentes à ces périodes sont déterminées par décret ».
« II. – Les présentes dispositions sont applicables jusqu’au 1er janvier 2016. » – (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 24 decies (réservés)
M. le président. Je rappelle que l’ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels ont été réservés jusqu’après l’article 33.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, samedi 16 octobre 2010, à quinze heures quinze, le soir et, éventuellement, la nuit :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant réforme des retraites (n° 713, 2009-2010).
Rapport de M. Dominique Leclerc, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 733, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 734, 2009-2010).
Avis de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances (n° 727, 2009-2010).
Rapport d’information de Mme Jacqueline Panis, fait au nom de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes (n° 721, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 16 octobre 2010, à trois heures quinze.)
Le Directeur adjoint
du service du compte rendu intégral,
FRANÇOISE WIART