Mme la présidente. L'amendement n° I-370, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 6 de l’article 200 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les taux : « 30 % » et « 40 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 40 % » et « 50 % » ;
2° Au troisième alinéa, les taux : « 18 % » et « 30 % » sont remplacés respectivement par les taux : « 30 % » et « 40 % ».
II. – Les dispositions du I s'appliquent à compter du 1er janvier 2011.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Article 5 bis (nouveau)
Le II de l’article 3 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009 est abrogé.
Mme la présidente. L'amendement n° I-4, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. - À la fin du II de l’article 3 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, la date : « 31 décembre 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2012 ».
II. - À la fin du premier alinéa du I de l'article 93 quater du code général des impôts, la référence : « 39 quindecies » est remplacée par la référence : « 39 novodecies ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement concerne l’article 5 bis, qui pérennise le régime de cession-bail permettant l’étalement, sur la durée du contrat, de la taxation des plus-values de cession.
Ce dispositif, qui était l’une des mesures efficaces du plan de relance, a, il est vrai, obtenu un grand succès. Il provenait, il faut le rappeler, d’une initiative du Sénat. Nous avions toutefois souhaité qu’il soit borné dans le temps au 31 décembre 2010. Ce dispositif, qui a un coût de trésorerie pour l’État, n’a pas vocation, de notre point de vue, à être pérennisé. Toutefois, nous considérons qu’il peut être prolongé pour une durée de deux ans.
Quant au II de l’amendement, c’est une disposition de coordination.
J’insiste, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sur le fait qu’il s’agit bien d’un dispositif dérogatoire dans son principe. En tant que tel, nous ne saurions guère admettre qu’il soit transcrit de manière permanente dans la législation. Un délai de deux ans nous semble de nature à ne pas trop injurier l’avenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je vais reprendre les termes de M. le rapporteur général et dire qu’un délai de deux ans n’injurie pas réellement l’avenir. C’est la raison pour laquelle, bien qu’il y ait sans doute matière à discussion sur quelques modalités, le Gouvernement est, dans l’ensemble, favorable à cet amendement.
Mme la présidente. En conséquence, l’article 5 bis est ainsi rédigé.
Article 6
La dernière phrase du second alinéa du I de l’article 216 du code général des impôts est supprimée.
Mme la présidente. L'amendement n° I-224, présenté par M. Marc, Mmes Bricq et M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... L'article 145 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au b du 1, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % » ;
2° Au b ter du 6, le taux : « 5 % » est remplacé par le taux : « 10 % ».
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Cet amendement concerne le régime « mère-fille », qui permet à une société mère d’être exonérée à raison des produits de participation reçus d’une filiale dès lors que la participation dans la filiale est supérieure à 5 % de son capital, sauf sur une quote-part de frais et charges égale à 5 % de leur montant.
Comme dans le cas évoqué précédemment, ce dispositif vise à supprimer une double imposition économique des dividendes provenant de bénéfices déjà imposés.
Ce dispositif existe également dans les autres pays européens. Le Conseil des prélèvements obligatoires, le CPO, signale qu’au regard des critères d’éligibilité de ce régime le dispositif français apparaît « relativement favorable », et ce depuis plusieurs années. Au surplus, le coût de cette exonération, que l’on a commencé à qualifier en 2006 de « modalité particulière de calcul de l’impôt », est exponentiel depuis les années 1990.
Relativement stable de 1980 à 1990 – 2,5 milliards de francs en 1980 et 6,5 milliards de francs en 1990, soit 0,1 point de PIB –, il s’est considérablement accru à compter de 2007 pour atteindre 27 milliards d’euros en 2008 – vous le voyez, la différence est considérable ! – et 34,9 milliards d’euros en 2009, soit 1,8 point de PIB.
Aujourd’hui, nous devons bien constater la réalité que nous n’appréhendons pas sur le mode idéologique. Vous avez dit tout à l’heure, monsieur le rapporteur général, que le mot « dividende » fait naître en nous des inquiétudes. Si vous écoutez bien notre argumentation, ce n’est pas tout à fait ce que nous disons.
Nous invoquons la recherche d’une justice et d’une équité fiscale. En l’occurrence, le dispositif est devenu aujourd’hui exorbitant compte tenu du montant en jeu, qui était proche de 35 milliards d’euros en 2009. Le dispositif français est nettement plus favorable que celui qui est pratiqué dans beaucoup d’autres pays européens.
Dans un souci de réduction du coût de cette exonération, la proposition du CPO de relever le taux de détention de 5 % à 10 % paraît tout à fait légitime et devrait, à notre sens, être suivie d’effet.
C’est la raison pour laquelle il nous a semblé opportun d’inscrire cette proposition dans un amendement que nous demandons à notre assemblée de bien vouloir voter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mon cher collègue, je n’ai pas tout à fait la même lecture du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires. Et pourtant, le texte et la référence sont les mêmes.
Le CPO, que vous avez cité, estime, en effet, que le dispositif français du régime mère-fille est relativement favorable.
M. François Marc. Je l’ai dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
Sur ce point, il nous indique, en particulier, que le taux de participation exigé est, en France, en Espagne et aux Pays-Bas, avec 5 % du capital, plus faible qu’il ne l’est dans la moitié des pays de l’OCDE, où l’on trouve plutôt des taux de 10 % ou 15 %. Il nous indique, en revanche, que l’exonération des dividendes est subordonnée en France à la durée de détention la plus longue, soit deux ans, comme en Grèce, en Pologne et en Norvège.
Par ailleurs, le CPO, a, en effet, formulé une recommandation, qui consiste à relever le taux de détention de 5 % à 10 %, ce qui permettrait de priver mécaniquement un certain nombre de sociétés du bénéfice du régime mère-fille.
Le CPO reconnaît toutefois que le surplus de rentrées fiscales sur le long terme lié à une telle évolution devrait être relativisé, et ce pour deux raisons.
D’une part, cela ne concernerait que les distributions effectuées en dehors d’un groupe fiscal puisque, au sein de ce groupe, les distributions bénéficient d’un dispositif spécifique de neutralisation.
D’autre part, les sociétés mères chercheraient sans doute à faire progresser leur pourcentage de détention jusqu’à 10 % afin de continuer à bénéficier du régime, si bien qu’au fur et à mesure du temps l’augmentation du taux de détention aurait probablement de moins en moins d’incidence. (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
J’observe qu’à l’Assemblée nationale un amendement analogue a été rejeté à la fois par le Gouvernement et par la commission des finances. Et je partagerai bien volontiers la réponse qui a été faite par mon homologue Gilles Carrez selon lequel une telle mesure devrait faire l’objet d’une concertation européenne ou, en tout cas, être examinée à l’aune des régimes de nos principaux partenaires.
Pourquoi n’en ferait-on pas l’un des thèmes de la comparaison franco-allemande ? (M. François Marc s’exclame.) En tout état de cause, on observerait qu’aujourd’hui l’Allemagne – ce qui est, d’ailleurs, assez surprenant de mon point de vue – ne prévoit plus aucun seuil minimal de détention du capital de la filiale. Ce sujet, qui est évolutif dans les différents pays, est donc un peu plus complexe que vous ne semblez le penser au travers de votre amendement.
Enfin, procéder à une telle modification, qui consiste à porter le taux de 5 % à 10 %, nécessite sans doute un peu de concertation avec le milieu des entreprises. Sans en refuser définitivement le principe, je recommande d’approfondir les analyses pour savoir si cette idée est véritablement bonne.
Sous le bénéfice de ces explications, je suppose - j’espère ! – que vous accepterez de retirer l’amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, en proposant cette restriction du régime des sociétés mères, on voit bien – et je vous en donne volontiers acte – l’intérêt budgétaire que vous souhaitez mettre en avant et qui serait procuré par ce rehaussement du taux de détention nécessaire pour l’application du régime des sociétés mères.
Je voudrais, pour ma part, compléter – si tant est que l’on puisse compléter –, redire, à ma façon, ce qu’a dit M. le rapporteur général, en formulant trois observations.
D’abord, le gain budgétaire qui serait obtenu grâce à votre proposition ne serait sans doute pas pérenne puisque le seuil de détention est, en réalité, structurant. Les sociétés concernées chercheraient vraisemblablement assez vite à s’adapter à ce nouveau seuil de 10 %. Si l’effet budgétaire est évident en année n+1, il serait, selon toute vraisemblance, très nettement amoindri au cours des années suivantes.
Ensuite, le régime des sociétés mères fait déjà l’objet d’un aménagement que je ne qualifie pas de défavorable aux entreprises mais qui, en tout cas, ne leur est pas favorable - c’est ce que l’on appelle un euphémisme ! – dans le cadre de l’article 6 du présent projet de loi. En effet, celui-ci prévoit la suppression du plafonnement de la quote-part taxable des frais et charges. En ce qui nous concerne, nous pensons qu’il n’est pas utile, dans l’état actuel des choses en tout cas, d’aller beaucoup plus loin.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez entendu M. le rapporteur général évoquer le cas de l’Allemagne. Je voudrais, à mon tour, observer qu’outre-Rhin les dividendes peuvent être exonérés quel que soit le taux de détention du capital de la filiale distributrice.
Donc, s’il y avait une évolution du régime des sociétés mères, elle devrait plutôt s’orienter, dans une logique de cohérence européenne, vers la baisse ou la suppression du seuil minimal. Le rehaussement de 5 % à 10 % du taux de détention nous éloignerait, en effet, encore plus de nos partenaires allemands, ce qui n’irait pas dans la bonne direction.
Je conclurai sur ce point en rejoignant M. le rapporteur général. Dans le cadre de l’étude comparée actuellement conduite sur la situation de la fiscalité en France et en Allemagne, il me paraît préférable que vous retiriez cet amendement. Sinon, je serais contraint d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur François Marc, l’amendement n° I-224 est-il maintenu ?
M. François Marc. Je le maintiens, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 6
Mme la présidente. L'amendement n° I-226, présenté par Mme Bricq, M. Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Krattinger, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, il est inséré un 2 ter ainsi rédigé :
« 2 ter. Pour l'application du 1 et du 2, les charges d'intérêts liées à l'émission d'emprunts par une société sont admises, en déduction pour le calcul du bénéfice net, à condition que le rapport entre les capitaux propres et la dette financière ne soit pas inférieur à 66 %. »
II. - Les dispositions du présent I ne sont applicables qu'à compter du 1er novembre 2010.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Cet amendement vise à limiter les effets de la pratique dite du LBO. Selon l’assureur crédit COFACE, sur les 1 600 entreprises en LBO dans notre pays, 900 sont en zone de surveillance et plusieurs en zone d’alerte.
Si les LBO ne sont pas à l’origine des difficultés des entreprises, elles en constituent souvent un facteur aggravant. Les banques ont octroyé des crédits allant jusqu’à 70 à 80 % de la valeur des sociétés achetées, alors que des entreprises rachetées de cette façon sont censées rembourser la dette grâce aux résultats qu’elle génère. Mais avec le ralentissement de l’économie, la dette devient vite insupportable.
Notre amendement vise à décourager les opérations LBO les plus risquées en supprimant l’avantage fiscal dû à la déductibilité des intérêts d’emprunt lorsque le rapport entre capitaux propres et dette financière est inférieur à 66 %.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est un vrai sujet qu’évoque Mme Bricq. Pour autant, sa proposition apporte-t-elle la bonne réponse ?
Il est clair que pendant toute une période, notamment entre 2004-2007, les opérations de rachat à effet de levier, les LBO, ont fleuri. Les effets de levier ont souvent été supérieurs à 4 ou à 5.
Le secteur auquel se sont appliquées ces opérations a suivi le cycle économique. La crise et les baisses d’activité ont conduit à des situations qui peuvent apparaître difficiles.
À l’époque où ces LBO ont été montés, régnaient la surabondance des liquidités, une assez faible aversion aux risques et des pratiques d’enchères, voire un enchaînement de LBO successifs, des rachats sur rachats, qui ont impliqué, à chaque stade des opérations, un relèvement de l’effet de levier, en d’autres termes, un relèvement des exigences de rentabilité de l’entreprise pour garantir la faisabilité du montage.
Certaines sociétés-cibles ont été exagérément pressurées d’intérêts, malgré les qualités intrinsèques dont elles disposaient. Certaines se retrouvent aujourd’hui ou se retrouveront demain devant ce « mur du LBO », qui a été souvent évoqué dans les enceintes spécialisées ou dans la presse.
La question évoquée est tout à fait pertinente. Pour autant, alors que l’ambiance des affaires n’est pas aujourd’hui – à certains égards, hélas ! – celle des années 2004-2007, la bonne formule est-elle l’adoption d’une limite de déductibilité à un effet de levier de 1,5 ? Il aurait sans doute fallu le faire à l’époque dont je parle.
Une telle mesure ne prépare-t-elle pas, dans une certaine mesure, la guerre précédente ? Ce n’est pas une critique, c’est une interrogation, que nous partageons avec vous, madame Bricq.
L’effet de levier raisonnable est-il de 1,5 ? N’est-il pas un peu plus haut, à 2 ou à 3 ? En tout cas, c’est certain, il n’est pas à 4 ou à 5, ou même au-delà.
Les LBO ne sont pas nocifs par nature. Ils peuvent, si le mélange dette-capital est adéquat, permettre à la société-cible de franchir des paliers de croissance, mais il faut bien entendu éviter trop de rapacité et des montages trop tendus.
J’avoue mon incertitude. J’aurais souhaité que le Gouvernement puisse nous faire part de son analyse sur le sujet.
Je ne crois pas que la mesure soit adéquate ou pertinente aujourd’hui. Je crois, en revanche, qu’il convient de nous intéresser à cette question de manière réaliste, pour proposer une solution appropriée.
En conclusion, se pose aussi la question du dénouement des anciens LBO, trop exigeants pour les entreprises. Comment en sort-on ? C’est un sujet sans doute du ressort de Mme Christine Lagarde et sur lequel elle devrait être interrogée. Il serait en effet utile de connaître son estimation de ce risque pour l’économie. Il y a certainement un risque substantiel, en nombre d’entreprises et en volume d’emplois. Il ne peut pas être sous-estimé.
Sans doute faut-il enfin, par ailleurs, éviter que les dispositifs ne soient trop pousse-au-crime. Est-ce le dispositif imaginé par Nicole Bricq qui convient ? Faut-il regarder dans d’autres directions ? Nous aurions besoin d’un peu d’imagination et de capacité d’expertise.
Sous réserve de l’avis du Gouvernement, je ne crois pas que cet amendement puisse être adopté à ce stade.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Je voudrais essayer à nouveau de tenir un propos similaire à celui du rapporteur général, avec la même modération, c’est-à-dire en ayant une approche permettant de bien comprendre si, au-delà de l’esprit, la lettre de l’amendement est adaptée à l’objectif visé.
Le droit fiscal français, madame la sénatrice, permet la déduction intégrale des intérêts d’emprunt, mais des mesures ont d’ores et déjà été adoptées, comme vous le savez, pour limiter, dans certaines hypothèses, la déductibilité des charges financières. C’est le cas, par exemple, des intérêts excessifs qui sont versés par les entreprises à leurs associés.
Mais il existe d’autres dispositifs anti-abus. Un dispositif récent, entré en application au 1er janvier 2008, appelé « dispositif antI-sous-capitalisation », limite très précisément la déductibilité des charges financières supportées par les entreprises sous-capitalisées.
Par ailleurs, le dispositif dit « amendement Charasse », auquel le rapporteur général faisait allusion, aménagé en 2005 et 2006, limite également cette déductibilité en cas d’achat de titres à soi-même.
Nous sommes bien sûr tous attachés à ce que les entreprises soient capitalisées de manière suffisante. C’est ce que nous essayons de faire. Néanmoins, nous ne voulons pas, et c’est la réponse que j’apporte à la question posée par le rapporteur général en introduction de son propos, entrer dans un dispositif qui n’atteigne pas l’objectif que nous fixons.
Or, en l’occurrence, je crains qu’en ne retenant qu’un seul critère, un seul ratio, celui qui est évoqué dans cet amendement, on ne mette en place un dispositif qui soit susceptible de déséquilibrer financièrement des entreprises, bien au-delà des LBO que vous entendez viser. Au demeurant, les LBO, comme l’a dit le rapporteur général et je reprends à mon compte ses propos, ne sont pas nécessairement mauvais en soi.
C’est la raison pour laquelle je vous suggère, madame la sénatrice, de retirer cet amendement ; à défaut, je demanderais son rejet. En effet, il n’est pas bien ajusté par rapport à une véritable question, qui est bien posée.
Mme la présidente. Madame Bricq, l’amendement n° I-226 est-il maintenu ?
Mme Nicole Bricq. Je ne vais pas le retirer, madame la présidente, car nous souhaitons l’apporter au débat.
En revanche, j’ai bien écouté le rapporteur général. Le groupe socialiste ne dispose pas des moyens pour viser juste. Je suggère que la commission des finances se saisisse du sujet, même si, je le sais, nous traitons déjà de nombreuses questions. En effet, ce sujet mérite que l’on s’y intéresse. Il s’agit de l’économie réelle : le sort d’un certain nombre d’entreprises est en jeu. Les chiffres que j’ai indiqués ne sont pas contestables. Il faudrait donc faire le clair, afin de déterminer quel est le bon mécanisme.
Aussi, je souhaiterais que le rapporteur général et le président de la commission, qui ont les moyens d’accéder aux services de Bercy, travaillent sur ce sujet, nous en rendent compte au sein de la commission des finances.
Ensuite, si la majorité parlementaire veut proposer l’ajustement adéquat pour éviter la disparition du tissu de nos entreprises que les chiffres que j’ai cités laissent entrevoir, libre à elle de le faire. Je crois que cela vaut la peine. C’est la raison pour laquelle je souhaite apporter cet amendement au débat. S’il est peut-être imparfait, il a au moins le mérite de poser le problème.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-5, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Au troisième alinéa du c du 1 de l’article 145 du même code, les mots : « de l’une des opérations visées aux » sont remplacés par les mots : « d’opérations dont le profit ou la perte ne sont pas compris dans le résultat de l’exercice de leur réalisation en application des ».
II. – Le troisième alinéa de l’article 223 B du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les titres n’ont pas été conservés pendant un délai de deux ans, leur prix de revient est diminué, pour la détermination de la plus-value ou moins-value de cession, du montant des produits de participation y afférents dont le montant a été retranché du résultat d’ensemble en application du présent alinéa. »
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement s’inscrit dans un ensemble de mesures « anti-abus », auxquelles j’ai travaillé ces dernières semaines avec les services de Bercy, en matière d’impôt sur les sociétés. En l’occurrence, il s’agit de parer à deux types de montages d’optimisation qui sont de même nature.
Ces schémas reposent sur des opérations successives de distribution et de fusion visant à vider une société-cible de sa trésorerie, puis à la faire disparaître par fusion, peu de temps après son acquisition, le cas échéant après une cession intragroupe.
Dans ce cas de figure, il est possible de cumuler deux dispositifs fiscaux favorables, l’exonération des dividendes perçus au titre du régime mère-fille, que nous avons évoqué tout à l’heure, et la déductibilité d’une moins-value dans le cadre d’une fusion.
Le présent amendement mettrait fin à la coïncidence de ces deux schémas et accroîtrait ainsi les recettes d’impôt sur les sociétés par une neutralisation en amont de la moins-value déductible, laquelle se réaliserait techniquement en deux temps et dans les conditions précisées dans le rapport écrit de la commission, auquel vous pouvez vous référer. Le commentaire de l’article concerné détaille en effet cette mesure dont nous préconisons l’adoption.
M. le président. L’amendement n° I-322, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l’article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts est supprimé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Parmi les centaines de mesures de dépense fiscale et dispositifs dérogatoires touchant l’impôt sur les sociétés, le mécanisme prévu au troisième alinéa de l’article 223 B du code général des impôts est très intéressant. À l’entendre, celui-ci fait même « tiquer » M. le rapporteur général. Il permet en effet des optimisations fiscales contre lesquelles, me semble-t-il, on ne peut que lutter.
Dans le régime des groupes, où nous sommes donc en présence d’une société mère, de filiales et sous-filiales, il n’est pas rare que l’on procède à des opérations de cession partielle d’actifs, voire d’entités économiques entières, au fil notamment des besoins de trésorerie.
Ainsi l’entreprise peut-elle procéder à une stratégie de « répartition » des opérations de cession, qui font « porter » à telle ou telle entité du groupe les plus-values, comme les moins-values, à raison des besoins de pure optimisation fiscale du résultat.
On imagine rapidement les suites susceptibles d’être données au processus.
Prenons l’exemple d’un groupe vendant une société moyennant une plus-value. Plutôt que d’enregistrer ladite plus-value dans les comptes de la holding de tête, il décide de l’imputer sur les comptes d’une des sociétés, dont la qualité est d’être domiciliée dans un pays où n’existe pas de taxation des plus-values des entreprises.
Arguant du fait qu’on ne peut établir de double imposition du même bénéfice, la holding ne paiera rien sur cette plus-value et la société pas plus, au seul motif qu’elle bénéficie d’un régime très favorable de ce point de vue.
Et le total reste dans les comptes du groupe, sachant que le dividende que la société verse à la holding peut évidemment se trouver majoré l’année où l’on « localise » dans cette société le produit de la plus-value concernée.
C’est bien d’une pure opération d’optimisation qu’il s’agit. Elle n’a qu’un très lointain rapport avec ce que l’on pourrait attendre des mesures d’allégement de la fiscalité des entreprises.
Nous vous proposons donc de mettre un terme à ce système de défiscalisation et d’optimisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-322 ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Madame Beaufils, s’il y a, dirais-je, un certain tronc commun entre nos amendements, force est de reconnaître qu’il n’est tout de même pas très imposant !
Mme Marie-France Beaufils. J’ai cru le comprendre !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous visons, d’un côté comme de l’autre, l’article 223 B du code général des impôts. Mais alors que vous voulez supprimer son troisième alinéa, la commission préconise de le compléter.
Le dispositif proposé par la commission me semble plus réaliste que votre proposition. Il tient compte des avertissements formulés, en particulier, par le Conseil des prélèvements obligatoires, et également des leçons tirées du contrôle fiscal.
Par conséquent, ma chère collègue, vous pouvez, vraiment sans aucun état d’âme, vous rallier à la position de la commission, après avoir retiré votre amendement.