M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le ministre, je veux vous féliciter de votre reconduction. Vous avez amplement donné la preuve de votre capacité à gérer cet important ministère. (Applaudissements.)
Mmes Anne-Marie Escoffier et Nathalie Goulet. C’est vrai !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Mes chers collègues, après la présentation de notre excellent collègue Joël Bourdin, de la commission des finances, je voudrais, au nom de la commission de l’économie, apporter quelques compléments sur la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Tout d’abord, si la situation des agriculteurs semble s’améliorer depuis la mi-2010, la crise très forte de 2008-2009 n’est pas encore totalement digérée. Il faut, en effet, du temps pour absorber des baisses de revenu de 20 %, puis de 34 % ! Dans ce contexte, je salue le choix de maintenir les crédits de la mission à hauteur de 3,6 milliards d’euros, comme en 2010. Ce soutien à l’agriculture ne s’est pas démenti durant toute la crise, comme en témoigne le plan de soutien exceptionnel à l’agriculture mis en œuvre l’année dernière.
Après le plan de soutien, la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dont l’élaboration nous a occupés au cours du premier semestre de 2010, a introduit de nombreuses mesures structurelles pour répondre à la crise et surtout préparer l’avenir : la contractualisation, la suppression des « 3 R » – remises, rabais et ristournes – pour les fruits et légumes, l’amélioration des assurances agricoles, le renforcement du rôle des interprofessions, la mise en place de l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires, la taxation du déclassement des terres agricoles, au profit de l’installation des jeunes agriculteurs. La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a aussi promu une meilleure exploitation des ressources forestières ou encore le développement de l’aquaculture, cher à notre collègue Charles Revet.
M. Charles Revet. Merci !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Notons également que la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a jeté les bases d’une politique de l’alimentation, qui trouve sa traduction dans le projet de budget pour 2011 par une augmentation des crédits consacrés au programme national pour l’alimentation.
La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a peu d’implications budgétaires directes, mais elle donne des outils pour l’avenir. Toutefois, cet avenir se dessine surtout à l’échelon européen. En effet, 2011 sera une grande année de négociations sur l’avenir de la PAC.
Nous sommes partie prenante à cette démarche : la commission de l’économie a constitué avec la commission des affaires européennes un groupe de travail qui vient de rendre un premier rapport. Espérons que nous parviendrons à faire partager notre vision d’une PAC certes rénovée, mais demeurant forte et ne renonçant pas à son ambition régulatrice. Nous avons au demeurant plaidé pour que la politique agricole reste orientée vers la production de biens alimentaires et ne soit pas transformée au point d’être essentiellement une politique environnementale. Enfin, nous souhaitons le maintien du budget de la PAC à la même hauteur qu’avant 2014.
Pour en revenir au projet de budget pour 2011 proprement dit, il se caractérise par d’importantes réductions de crédits de fonctionnement. C’est là une politique transversale qui ne touche pas spécifiquement l’agriculture, mais se traduit par des efforts de gestion demandés au ministère, en particulier aux services déconcentrés, mais aussi aux opérateurs, par exemple FranceAgriMer, dont les crédits stagnent, voire baissent.
Seuls les crédits de l’Agence de services et de paiement connaissent cette année un « rebasage », pour éponger un déficit structurel. Les crédits de personnel des programmes 206 et 215 sont donc réduits, et les plafonds d’emploi sont, pour la première fois, inférieurs à 10 000 emplois pour le second de ces programmes. À périmètre constant, ce sont presque 500 emplois qui seront supprimés en 2011, notamment du fait des restructurations des administrations déconcentrées.
L’extinction de plusieurs dispositifs, tels que le stockage des farines animales, la prise en charge du service public de l’équarrissage au titre du programme 206 ou encore l’aide rotationnelle nationale en faveur de l’assolement inscrite au programme 154, donne également des marges de manœuvre en matière de crédits d’intervention.
Ces efforts permettent d’augmenter significativement –de plus de 20 % – l’enveloppe du programme 154, qui porte la plupart des dispositifs d’intervention en faveur des agriculteurs : elle dépasse, pour la première fois, les 2 milliards d’euros. Un quart de ces crédits sont consacrés à l’exonération de charges patronales pour les travailleurs saisonniers, comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, mercredi dernier à Bordeaux, lors du Congrès national des producteurs de légumes de France.
En ce qui concerne l’aide à l’installation, je salue la décision du Président de la République de sanctuariser cette politique en lui consacrant un budget de 350 millions d’euros. La dotation jeunes agriculteurs et les prêts à l’installation sont maintenus, de même que l’avantage fiscal accordé aux jeunes agriculteurs. Le maintien d’une enveloppe communautaire de plus de 90 millions d’euros complète le financement de l’aide à l’installation, indispensable à l’avenir de notre agriculture.
En outre, comme nous l’avions souhaité lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, les recettes issues de la nouvelle taxe sur les plus-values réalisées à l’occasion de la vente d’un terrain agricole devenu constructible doivent être affectées prioritairement aux nouvelles installations agricoles.
Quant au programme 149 « Forêt », il est marqué, cette année encore, par les conséquences de la tempête Klaus, qui a surtout ravagé le sud-ouest de la France les 24 et 25 janvier 2009.
La mise en œuvre du plan d’aide a, fort logiquement, pour conséquence une hausse des crédits de paiement, qui passent de 343 millions d’euros à 371 millions d’euros, tandis que les autorisations d’engagement diminuent de 371 millions d’euros à 360 millions d’euros.
Or les propriétaires forestiers sont soumis à une double peine. En effet, après avoir vu leurs arbres abattus par la tempête, c’est un insecte, le scolyte, qui ravage depuis quelques mois les forêts les plus fragilisées : 5 millions de mètres cubes de bois sont d’ores et déjà perdus ! Monsieur le ministre, dans quelles conditions les fonds du plan Klaus pourront-ils être utilisés pour les forêts touchées par cet insecte ?
Je souhaiterais également évoquer la mise en œuvre de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, qui comporte, ce dont je me réjouis, un volet important consacré à la mobilisation du bois, comme l’a fort opportunément souligné notre collègue Philippe Leroy lors de la présentation du projet de budget en commission, mardi dernier.
Néanmoins, dans le cadre de cette loi, nous n’avons pas pu aller aussi loin que nous le souhaitions pour ce qui concerne le compte épargne d’assurance pour la forêt. Je le redis avec l’entier soutien du président de la commission de l’économie : il faudra avancer sur la question de l’assurance forestière, qui reste fondamentale pour la sauvegarde des forêts.
Je m’interroge également sur la baisse des crédits attribués au Centre national professionnel de la propriété forestière, alors que la mise en œuvre de la LMAP aura pour effet la réalisation et la validation de 16 000 nouveaux plans simples de gestion.
Enfin, l’Office national des forêts a maintenant un nouveau directeur général en la personne de M. Pascal Viné, qui aura désormais à définir, avec l’État, un nouveau modèle économique. Je voudrais insister sur le rôle crucial que l’ONF joue auprès des collectivités : si cet office doit se moderniser pour améliorer son efficacité économique, il est indispensable qu’il conserve le réseau de terrain, au contact des collectivités, qui seul permettra de préserver un élément essentiel du patrimoine national.
Comme l’année dernière, je conclurai en formulant deux interrogations sur la filière vitivinicole. Si je n’en parle pas, qui le fera ? (Sourires.)
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Moi !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. Concernant la gouvernance, le rapport Despey, rendu au mois d’avril dernier, propose un scénario de rapprochement des organisations interprofessionnelles viticoles qui permettrait d’améliorer la structuration de la filière. Monsieur le ministre, où en est-on en la matière ?
Ensuite, s’agissant des droits de plantation, notre collègue députée Catherine Vautrin vient de rendre au Gouvernement un excellent rapport, qui préconise le maintien des droits de plantation, indispensable à la préservation de la qualité de nos productions et à la maîtrise des quantités mises sur le marché.
Quelle logique y a-t-il à subventionner l’arrachage des plantations dans certaines régions françaises, si, dans d’autres, notamment européennes, on favorise au contraire un accroissement des surfaces plantées, sur des terres moins appropriées qualitativement que celles déjà couvertes de vignobles ? Quel espoir pouvons-nous avoir, monsieur le ministre, de nouer une alliance solide avec nos partenaires, notamment allemands, pour le maintien par Bruxelles de ces droits de plantation dans la future PAC ?
Nous examinerons ultérieurement la proposition de la commission des finances d’augmenter la taxe pour frais de chambres d’agriculture, évoquée tout à l'heure par notre collègue Joël Bourdin. Pour l’heure, je préconise l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, rapporteur pour avis.
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s’il s’agit certes d’un budget d’après-crise, il est, sous certains aspects, un peu faible, d’autant que la crise est loin d’être terminée, en particulier pour les filières d’élevage.
Globalement, la situation de l’élevage laitier s’est peut-être améliorée, grâce à une remontée significative des prix, mais tous les producteurs de lait ne sont pas pour autant sauvés, d’où la reconduction de crédits importants : 45 millions d’euros en autorisations d’engagement et 18,5 millions d’euros en crédits de paiement au sein des crédits d’orientation de FranceAgriMer pour l’aide à la cessation d’activité laitière.
Les élevages bovins et porcins sont également en situation particulièrement difficile. La remontée des prix des céréales dans le courant de l’année 2010 a renchéri le coût des aliments pour animaux. Or, dans le même temps, les prix du kilogramme de viande bovine ou porcine ont stagné, du fait de la faiblesse du pouvoir de marché des éleveurs.
Un accord a été passé, le 10 novembre dernier, au sein de la filière bovine entre producteurs et industriels pour assurer une remontée raisonnable des prix et un meilleur partage de la valeur ajoutée sur l’ensemble de la chaîne, mais la partie est loin d’être gagnée. L’observation attentive des prix et des marges est fondamentale et doit être encouragée.
Pour répondre aux difficultés structurelles de ces secteurs, le projet de budget pour 2011 comprend des crédits devant participer au financement des plans de développement des filières. Au total, ce sont 300 millions d’euros qui doivent être mobilisés pour moderniser les filières bovine, porcine et laitière, dont 180 millions d’euros de crédits budgétaires et 120 millions d’euros apportés par la taxe sur les plus-values de cessions de terres agricoles devenues constructibles.
Notons, à cet égard, que ces derniers moyens doivent tout à la fois être consacrés aux plans de développement des filières et servir, dans ce cadre, à l’installation de nouveaux agriculteurs, conformément au souhait exprimé par les sénateurs lors de la discussion de la LMAP, qui a institué cette nouvelle taxe.
Les plans de développement constituent une approche plus intéressante que les traditionnels plans de soutien aux filières fragiles, car ils visent à améliorer structurellement la compétitivité des exploitations. L’enjeu consiste à conserver sur le territoire une activité agricole diversifiée et à ne pas laisser se désertifier des pans entiers de nos campagnes.
À cet égard, je tiens à insister sur le rôle fondamental que la politique agricole doit jouer au regard de l’enjeu de l’aménagement du territoire rural. Permettez-moi de vous féliciter à mon tour de votre reconduction, monsieur le ministre, et de saluer une innovation qui va dans le bon sens : à l’occasion du remaniement ministériel du mois dernier, l’aménagement du territoire a été rattaché, pour la première fois, au ministère de l’agriculture. Nous nous réjouissons de cette décision.
En effet, ces enjeux sont fortement liés. Le développement rural fait l’objet du deuxième pilier de la PAC au travers du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, qui apporte à la France environ 900 millions d’euros de subventions par an. Mais de nombreux autres outils doivent être mobilisés pour favoriser le développement de notre agriculture, véritable poumon de notre tissu rural.
Je pense notamment à la politique des transports. Le mauvais état du réseau ferroviaire secondaire constitue un handicap majeur pour les petites et moyennes coopératives situées loin des grands ports et centres de transformation.
Mme Anne-Marie Escoffier. Tout à fait !
M. Raymond Vall, rapporteur pour avis. Ces installations ont vocation soit à être moins compétitives, ce qui paraît difficile dans un contexte où les prix sont fixés par le marché, soit à disparaître au profit d’une concentration accrue des grands équipements de stockage autour des ports. J’insiste sur ce problème, car, dans les deux ans à venir, on risque d’assister à des phénomènes de délocalisation des équipements de stockage des coopératives.
Le monde rural souffre donc grandement de son enclavement ferroviaire et compte sur le ministre de l’agriculture, désormais également chargé de l’aménagement du territoire, pour remédier à ce handicap. Les circuits courts constituent une réponse pour notre agriculture, mais ce n’est évidemment pas la seule : nos producteurs doivent pouvoir être connectés aux marchés mondiaux. Durant l’élaboration de la LMAP, nous avions insisté sur le développement des circuits courts : en particulier, les cantines scolaires doivent pouvoir se fournir localement. Le code des marchés publics devait être adapté sur ce point. Où en est-on, monsieur le ministre, et peut-on aller plus loin dans les cahiers des charges des appels d’offres des collectivités territoriales ?
Enfin, je souhaite saluer le maintien, dans ce projet de budget, des grands instruments budgétaires de soutien aux territoires ruraux, telle l’indemnité compensatoire de handicaps naturels. Il est cependant regrettable de constater, année après année, la baisse des crédits contribuant à la restructuration des exploitations dans les territoires ruraux, par exemple de ceux qui sont consacrés à l’hydraulique agricole : avec à peine 1,5 million d’euros, leur montant est presque symbolique.
De même, les crédits permettant d’aider les SAFER, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, à couvrir des pertes sur des opérations délicates menées dans des territoires enclavés sont en forte baisse et s’établiront à moins de 5 millions d’euros en 2011.
Je terminerai mon intervention en évoquant les maladies de la vigne, notamment l’esca, qui fait des ravages considérables, touchant chaque année de 5 % à 10 % du vignoble. Depuis l’interdiction, en 2001, de l’arsénite de sodium, seul moyen de lutte chimique efficace, nous sommes dans une impasse. Votre prédécesseur avait pris un certain nombre d’engagements pour promouvoir une recherche efficace. Pourriez-vous nous dire où en est la recherche sur ce point ?
Pour conclure, je préconise, comme les autres rapporteurs pour avis, l’adoption du projet de budget pour 2011 de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l'économie, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en remplacement de M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Daniel Soulage étant souffrant, il m’a demandé de vous faire part à sa place des réflexions que lui inspirent, en tant que rapporteur pour avis, les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » pour 2011 sur deux points : la gestion des risques et la situation de la filière fruits et légumes.
Concernant la gestion des risques en agriculture, le projet de budget pour 2011 confirme les objectifs ambitieux fixés dans la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Les exploitants agricoles connaissent de grandes variations de leurs revenus, du fait des aléas climatiques ou économiques, difficilement prévisibles et d’ampleur de plus en plus forte.
Il existe des dispositifs fiscaux d’encouragement à l’épargne de précaution, comme la déduction pour aléas, qui a été élargie, l’année dernière, à l’aléa économique. Ils permettent de faire face à des situations imprévues. Notons, au demeurant, que, à côté de cette épargne individuelle, la collectivité a mis en œuvre un plan de soutien exceptionnel à l’agriculture en 2009 et en 2010, pour soutenir massivement la trésorerie des exploitations en difficulté.
Mais la prudence n’est pas seulement individuelle, elle est aussi collective. L’objectif fixé au travers du projet de budget pour 2011 est de couvrir les aléas climatiques par un système d’assurance généralisé. Les normes de couverture sont établies pour 2011 à 49 % pour les grandes cultures, contre 26 % en 2009 ; à 29 % pour les vignes, contre 14 %, à 27 % pour le maraîchage, contre 11 %, et à 15 % pour les cultures fruitières, contre 2 %.
Les trois quarts des crédits de l’action n° 12 du programme 154 concernent les assurances, 33 millions d’euros devant venir compléter les 100 millions d’euros de crédits communautaires prévus dans le cadre du bilan de santé de la PAC pour subventionner la souscription d’un contrat d’assurance récolte.
Le développement de l’assurance est un bon principe, mais il se heurte à trois difficultés.
Tout d’abord, la diffusion de l’assurance doit être plus rapide. Or, dans une période où la situation de trésorerie des exploitations est tendue, le pari sur un passage « entre les gouttes » peut l’emporter sur la raison, qui impose de s’assurer pour être sauvé en cas de sinistre important. Nous ne sommes pas allés vers l’assurance obligatoire, mais il ne faudra pas échouer sur l’assurance volontaire.
Ensuite, le montant des soutiens au financement des primes d’assurance récolte est-il suffisant ? L’enveloppe nationale et européenne s’élèvera à 133 millions d’euros en 2011, soit un montant un peu plus faible qu’en 2010. Or l’objectif de couverture reste bien de doubler les surfaces assurées en deux ans. À moyens constants, la prime versée pour souscrire une assurance récolte a donc vocation à être fortement réduite. L’incitation à l’assurance sera-t-elle alors suffisante ?
Enfin, le développement de l’assurance à de nouveaux secteurs, comme l’élevage avec un dispositif d’assurance fourrage, est-il encore possible ? Lors de l’élaboration de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, nous avions estimé qu’il fallait développer un système de réassurance pour permettre une offre nouvelle de produits d’assurance.
Monsieur le ministre, où en sont les réflexions communes à votre ministère et au ministère du budget sur ce sujet, en particulier sur la perspective d’une réassurance publique ?
Pour faire face aux risques, j’insiste sur la nécessité de développer davantage les fonds de mutualisation dans les filières animales. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en est notre pays dans la mise en œuvre de tels fonds, pour lesquels le bilan de santé de la PAC a dégagé 40 millions d’euros par an ? Ces sommes viendront-elles compléter les financements nationaux pour indemniser les éleveurs ou les remplaceront-elles ? Quelle part restera à la charge des éleveurs au travers de leurs cotisations professionnelles ? Enfin, monsieur le ministre, à quel organisme support avez-vous choisi de confier la gestion de ce fonds ? Personnellement, je vous avais suggéré de désigner la Fédération nationale des groupements de défense sanitaire du bétail, puisque celle-ci représente l’ensemble des éleveurs.
Je serai plus bref sur la situation de la filière fruits et légumes.
La campagne 2009-2010 s’est bien mieux déroulée que la précédente. Je salue à cet égard votre action énergique, monsieur le ministre, qui a apporté aux producteurs une grande bouffée d’air, grâce au dispositif d’exonération de charges patronales pour les travailleurs saisonniers, dont le coût est de près de 500 millions d’euros par an et qui absorbe près d’un quart des crédits du programme 154.
La compétitivité passe par la maîtrise des coûts, mais aussi par un meilleur rapport de force entre producteurs et acheteurs.
La LMAP permet de jouer sur deux leviers : la contractualisation et la transparence, par le biais de l’Observatoire de la formation des prix et des marges, aujourd’hui en place.
En revanche, la portée de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche a été plus modeste en termes de massification de l’offre au travers des organisations de producteurs, ne mettant pas fin à ces dernières sans transfert de propriété. Quelles sont les perspectives vraiment ouvertes s’agissant des regroupements de producteurs ? L’instrument des associations d’organisations de producteurs, les AOP, a été mis en place, car permis par l’organisation commune des marchés « fruits et légumes », mais quelle est l’efficacité réelle des AOP ?
Enfin, quelles aides, tant nationales, au travers des crédits de FranceAgriMer, qu’européennes, pourrons-nous mobiliser pour favoriser l’organisation des producteurs et promouvoir une organisation plus efficace des filières ? L’effort prévu à ce titre dans le projet de budget pour 2011 me semble assez modeste.
Telles sont, monsieur le ministre, les réflexions que notre collègue Daniel Soulage m’a chargé de vous livrer sur les crédits de la mission pour 2011, dont il recommande l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.
M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en cinq minutes, il n’est pas possible de faire une analyse minutieuse, détaillée, des crédits de l’agriculture : c’est là la fonction du rapport écrit ! Je souhaite plutôt, au travers de mon propos, mettre ce projet de budget en perspective, en analysant la politique agricole qu’il est censé servir.
Cette approche repose sur trois points.
L’objectif majeur de notre politique agricole, pour maintenir la présence d’agriculteurs sur notre territoire, est bien la garantie des revenus agricoles, qui passe par des prix décents. Cette problématique relève largement, nous le savons, de la politique agricole commune, au titre de laquelle la France reçoit 10 milliards d’euros par an.
Malheureusement, à l’échelon européen, l’ambition régulatrice s’est évanouie au profit d’une orientation par le marché, seul déterminant du prix payé au producteur. On a vu, ces dernières années, les effets dévastateurs sur notre agriculture de la grande volatilité des prix agricoles.
Au moment de construire la PAC du futur, ne faudrait-il pas réhabiliter le concept de régulation, en instaurant des outils consistants, et non de simples filets de sécurité, comme l’a écrit la Commission européenne ?
Cependant, si la politique agricole est d’abord européenne, les États n’ont pas complètement abandonné la partie. La connaissance des prix et des marges, grâce à l’Observatoire de la formation des prix et des marges créé par la LMAP, constitue à cet égard un élément prometteur de transparence, en vue de mettre fin à l’aberration que représente l’écart considérable subsistant entre le prix payé au producteur et le prix payé par le consommateur.
Viande, lait, fruits et légumes : dans ces secteurs, les coûts de transformation des produits n’expliquent pas de tels écarts. On peut, au demeurant, se demander si les cinq emplois prévus au sein de FranceAgriMer pour assurer les missions de l’Observatoire de la formation des prix et des marges seront suffisants, compte tenu de l’énormité de la tâche confiée à celui-ci.
Ma deuxième préoccupation est l’amélioration des conditions de travail des agriculteurs.
Je salue à cet égard l’initiative de l’Assemblée nationale, qui a voté un amendement tendant à prolonger le crédit d’impôt pour recours à un service de remplacement pour congés.
Je regrette au passage que le projet de budget pour 2011 ne soit pas plus ambitieux s’agissant du plan de modernisation des bâtiments d’élevage, dont la dotation baissera de 30 millions à 29 millions d’euros. Ce recul porte atteinte à la fois à la sécurité et aux conditions de travail.
Pourquoi ne pas promouvoir, dans le même esprit que celui qui a présidé, voilà maintenant plus de trente ans, à la création des groupements agricoles d'exploitation en commun – les GAEC –, la mise en commun de nouveaux moyens pour les exploitations ? Si le regroupement est nécessaire en matière de commercialisation des produits, pour peser face à l’amont de la filière, il devient également indispensable en matière de production, pour améliorer son organisation. Des ateliers d’élevage communs à deux ou trois exploitations, avec une identité juridique spécifique, apparaissent dans certains départements. Une telle évolution, qu’il convient me semble-t-il d’accompagner, nécessite une mutation des mentalités, en particulier dans l’élevage, mais elle reste une voie très féconde tant pour gagner en compétitivité que pour améliorer les conditions de travail. En fait, il s’agit d’élargir la panoplie des possibilités déjà existantes.
Rappelons que l’État consent un effort de 500 millions d’euros pour alléger les charges patronales pour l’emploi saisonnier. Cet effort est nécessaire pour améliorer la compétitivité des entreprises, mais quid des conditions de travail de ces salariés ?
Je souhaiterais insister, pour finir, sur le modèle agricole « à la française » – une agriculture à taille humaine reposant sur des propriétaires exploitants – promu par les politiques que nous menons, ainsi que sur la nécessité de parler d’une seule voix au niveau européen au moment de la préparation de la nouvelle PAC.
Il ne faudrait pas que la réforme de la PAC vienne menacer ce modèle. Des dispositifs tels que l’indemnité compensatoire de handicap naturel – dotée de 248 millions d’euros –, la prime nationale supplémentaire à la vache allaitante – dotée de 165 millions d’euros, sur un total de 550 millions d’euros avec l’apport européen –, la prime herbagère agro-environnementale – dotée de 66 millions d’euros –, qui permet d’encourager l’élevage bovin en prairie, doivent être maintenus. Tous les contrats qui devaient prochainement arriver à échéance sont reconduits jusqu’à la fin de 2013 ; c’est une bonne chose, mais que se passera-t-il après l’entrée en vigueur de la nouvelle PAC ? Il est nécessaire que celle-ci maintienne ces outils. Nous ne devons avoir de cesse de défendre cette position. Gardons-nous d’un schéma où les bénéficiaires des aides européennes seraient les propriétaires des fermes, et non plus ceux qui exploitent effectivement les terres.
J’évoquerai brièvement le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural », ou CAS-DAR. Il finance des opérations de recherche, de développement et de transfert menées au bénéfice des exploitants agricoles. Les crédits baissent, les compétences augmentent, notamment en matière de génétique animale et végétale. Certes, monsieur le ministre, vous m’opposerez que, en 2011, on pourra utiliser les réserves de 2010 ; mais ensuite ?
J’aimerais enfin exprimer un regret : la LOLF ne permet pas de bien apprécier l’incidence des mesures votées un ou deux ans après leur adoption. Monsieur le ministre, quel correctif nous proposez-vous sur ce point ?
Un trop grand décalage existant entre le présent projet de budget et mes propos, je ne voterai pas, à titre personnel, les crédits présentés ; en revanche, la majorité de la commission de l’économie préconise leur adoption. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)