M. le président. Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
État B
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Aide publique au développement |
4 575 100 559 |
3 334 086 204 |
Aide économique et financière au développement |
2 491 991 481 |
1 170 108 561 |
Solidarité à l’égard des pays en développement |
2 053 133 305 |
2 134 004 102 |
Dont titre 2 |
221 377 202 |
221 377 202 |
Développement solidaire et migrations |
29 975 773 |
29 973 541 |
M. le président. L'amendement n° II-55, présenté par M. Duvernois, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
(en euros) |
||||
Programmes |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
|
+ |
- |
+ |
- |
Aide économique et financière au développementDont Titre 2 |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Solidarité à l’égard des pays en développementDont Titre 2 |
3 000 000 |
|
3 000 000 |
|
Développement solidaire et migrationsDont Titre 2 |
|
|
|
|
TOTAL |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
3 000 000 |
SOLDE |
0 |
0 |
La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. On ne peut rester de marbre devant une diminution de plus de 5 % des crédits de la francophonie multilatérale, voire de 8 %, si l’on ne tient pas compte du loyer de la Maison de la francophonie, qui est incompressible. Je l’ai souligné dans mon rapport pour avis.
Cette diminution est encore plus sensible – elle dépasse 11 % – s’agissant de nos contributions volontaires à l’Organisation internationale de la francophonie et à l’Agence universitaire de la francophonie. Avec de telles réductions de crédits, on adresse un message négatif à ces deux opérateurs qui ont consenti des efforts considérables de rationalisation de leur gestion ! Je rappelle que les charges administratives de l’Agence universitaire de la francophonie ont été ramenées à moins de 18 % ; pourquoi alors la sanctionner ainsi et réduire autant ses marges de manœuvre, alors qu’elle va bientôt fêter son cinquantenaire, ce qui ne peut que la renforcer dans sa mission ?
Mes chers collègues, au final, c’est notre crédibilité qui est en jeu, la crédibilité de notre engagement francophone.
Nous proposons de prélever, par cet amendement, 3 millions d’euros sur les bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour les prêts aux États étrangers. Il s’agit de 3 millions d’euros sur 225 millions d’euros en autorisations d’engagement et 167 millions d’euros en crédits de paiement. L’aide de l’État aux prêts de l’AFD va même encore plus loin, puisque des crédits à cette fin sont également inscrits au compte spécial « Prêts à des États étrangers ».
Soyons honnêtes, cet amendement, adopté à l’unanimité par la commission de la culture, se veut raisonnable tout en visant à rapprocher, autant que faire se peut, les crédits de la francophonie multilatérale de leur niveau de 2010.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Yvon Collin, rapporteur spécial. Cet amendement vise donc à majorer de 3 millions d'euros les crédits de la mission « Aide publique au développement » en faveur de la francophonie, inscrits sous le programme 209, que pilote le ministère des affaires étrangères et européennes.
On ne peut que souscrire, sur le principe, à cette proposition de renforcer l’effort consenti en faveur de la francophonie.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que la situation budgétaire de l’État est contrainte pour l’ensemble des postes. En outre, le « gage » ici proposé ne paraît pas acceptable. Les crédits prévus pour la bonification d’intérêts des prêts de l’AFD, en effet, tendent à abaisser le taux d’intérêt de la ressource financière proposée par l’Agence dans les pays en développement bénéficiaires de ses concours.
Cela étant, la commission des finances souhaite entendre le Gouvernement sur le niveau des crédits alloués pour 2011 à la francophonie.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Monsieur Duvernois, vous proposez de transférer du programme 110 au programme 209 un montant de 3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement pour financer les contributions de la France aux institutions et aux opérateurs de la francophonie. Cette dotation permettrait de maintenir les crédits alloués à la francophonie multilatérale à leur niveau de 2010.
Je relève que vous proposez d’imputer cette dépense sur les crédits ouverts pour les bonifications d’intérêts versées par l’État à l’AFD pour des prêts consentis par celle-ci aux États étrangers.
Or les crédits de paiement affectés à la bonification des prêts de l’AFD aux États étrangers pour 2011 correspondent presque intégralement, à plus de 99,9 %, à des prêts octroyés les années antérieures et pour lesquels l’AFD, qui a signé des conventions de prêt avec les pays bénéficiaires, est juridiquement engagée.
En outre, étant donné le très fort effet de levier de ces crédits, l’incidence sur l’aide au développement de l’adoption de cet amendement dépasserait très largement les 3 millions d’euros en question.
Enfin, s’il est vrai que nos contributions à la francophonie subissent une érosion entre 2010 et 2011, en passant de 60 millions d’euros de crédits de paiement à 56 millions d’euros, il est toutefois à noter que nous relevons pour 2011 à 5,2 millions d’euros le montant de notre contribution à la Maison de la francophonie.
Au total, ce sont donc plus de 61 millions d’euros de crédits de paiement qui sont prévus pour la francophonie dans le projet de loi de finances pour 2011, sous le programme 209.
De façon plus générale, il importe que les opérateurs de la francophonie rationalisent leur modèle économique pour davantage tenir compte du contexte budgétaire extrêmement contraint dans lequel nous nous trouvons.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je ne voterai pas cet amendement.
Les opérateurs de la francophonie doivent commencer à s’organiser, et le fait d’avoir un peu moins d’argent devrait les y amener… Ce matin, le président Arthuis nous a expliqué, avec des trémolos dans la voix, qu’il convenait de mieux contrôler les dépenses de certaines agences, notamment les salaires qu’elles versent. Francophonie rime parfois avec cacophonie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour explication de vote.
Mme Renée Nicoux. Les crédits de la francophonie sont maltraités par le Gouvernement. Ce n’est pas nouveau : chaque année, les commissions compétentes signalent cette anomalie. C’est une regrettable erreur de politique extérieure.
La solution proposée par M. le rapporteur pour avis n’est qu’une rustine, nécessaire peut-être, mais insuffisante. En effet, sans correction de la stratégie politique, les contributions de la France aux institutions et opérateurs de la francophonie resteront toujours une variable d’ajustement budgétaire.
Voter cet amendement ne sera pas suffisant, c’est pourquoi notre groupe s’abstiendra.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de la culture.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. On l’aura compris, cet amendement n’est pas essentiellement de caractère financier ; il est motivé par la très forte préoccupation de la commission de la culture devant la disparition du concept de francophonie dans les manifestations de l’État.
Ainsi, quelle n’a pas été notre inquiétude en constatant que le vocable même de francophonie n’apparaissait plus dans la titulature d’aucun membre du nouveau gouvernement. Ce n’est pas la première fois, au demeurant, puisque M. Jospin avait lui aussi, en son temps, fait disparaître ce mot en constituant son gouvernement, avant de rattacher quinze jours plus tard la francophonie au secrétariat d’État à la coopération.
Il nous paraît tout de même préoccupant que, trois semaines après le sommet des chefs d’État et de gouvernement francophones qui s’est tenu à Montreux, la francophonie n’apparaisse pas dans le titre dévolu à un ministre ou à un secrétaire d’État.
Il est vrai que nous avons eu la satisfaction d’apprendre que Mme le ministre des affaires étrangères prendrait directement en charge les questions de francophonie. Cependant, nous serions encore plus rassurés si cette attribution figurait expressément dans son titre. Nos très nombreux partenaires de la francophonie, qui ont tous un ministre chargé de la francophonie, pourraient ainsi aisément identifier un interlocuteur au sein du Gouvernement français.
À côté de cette préoccupation, la constitution de la nouvelle équipe gouvernementale nous a pourtant aussi apporté des motifs de satisfaction. Nous apprécions la nomination de Mme Alliot-Marie au Quai d’Orsay, ainsi que la présence au sein du Gouvernement de MM. de Raincourt et Lellouche. J’ai pu apprécier le soin que vous mettiez à défendre la francophonie, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous étiez chargé des affaires européennes. Ainsi rassurés sur les personnes, nous souhaiterions l’être également sur les symboles et sur l’affirmation du message de l’État.
Je voudrais dire aussi, à la suite de mon collègue Louis Duvernois, combien nous sommes malheureux que la LOLF ait fait disparaître la francophonie en l’intégrant à la mission « Aide publique au développement ». L’aide publique au développement est certes une préoccupation éminemment noble et importante, mais la francophonie, c’est autre chose ; il ne faut pas mélanger ces deux concepts.
Voilà pourquoi nous voudrions obtenir l’assurance que, à l’avenir, nous pourrons débattre de la francophonie lors de l’examen des crédits de la mission « Action extérieure de la France ». Cela nous semble relever de la cohérence la plus élémentaire.
Cet amendement est donc avant tout l’occasion d’adresser un message. À travers lui, nous avons voulu très clairement affirmer que la francophonie restait un élément important de l’action extérieure de la France.
Cela étant, je suis également inquiet de la diminution des crédits de l’Agence universitaire de la francophonie. Cette agence fonctionne bien, elle rencontre le succès, et de plus en plus d’universités de par le monde veulent en être membres. Dans ces conditions, est-ce bien le moment de réduire ses moyens, alors que la mondialisation est en train de jouer contre la présence de la langue française dans de très nombreuses universités ?
Voilà trois semaines, je participais à Kyoto à un colloque sur la place à donner aux différentes langues et littératures étrangères dans les universités japonaises à l’ère de la mondialisation. Au Japon aussi se manifeste une tendance à se concentrer sur l’étude de l’anglo-américain, pour des raisons d’économies, et à réduire la place des autres langues. Nous devons lutter contre cette tendance et, à cet égard, l’AUF constitue un moyen d’action essentiel.
Même si cet amendement devait finalement être retiré, je souhaiterais au moins que son message de fond soit bien retenu. Promouvoir la francophonie, c’est affirmer nos valeurs et notre engagement en faveur de la diversité culturelle. Il y faut aussi des moyens ! (Applaudissements sur certaines travées de l’UMP, de l’Union centriste et du RDSE.)
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° II-55 est-il maintenu ?
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. L’éloquent plaidoyer de M. le président de la commission de la culture, auquel bien entendu je souscris pleinement, prouve que francophonie ne rime pas avec cacophonie ! C’est non sans regret que la commission de la culture retire cet amendement, en espérant toutefois que le Gouvernement sera sensible à la nécessité d’apporter en 2011 une aide à l’Agence universitaire de la francophonie pour consolider, en l’année de son cinquantenaire, la croissance régulière d’une institution universitaire à nulle autre pareille, qui promeut efficacement l’enseignement supérieur francophone sur tous les continents et qui, contrairement à ce que l’on a voulu laisser croire, est très bien gérée.
M. Jacques Legendre, président de la commission de la culture. C’est vrai !
M. le président. L'amendement n° II-55 est retiré.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Aide publique au développement », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de la mission.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique |
105 000 000 |
105 000 000 |
Projets de lutte contre la déforestation dans le cadre du financement précoce |
30 000 000 |
30 000 000 |
Actions des fonds environnementaux contre la déforestation dans le cadre du financement précoce |
75 000 000 |
75 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : accords monétaires internationaux
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Accords monétaires internationaux », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Accords monétaires internationaux |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire ouest-africaine |
0 |
0 |
Relations avec l’Union monétaire d’Afrique centrale |
0 |
0 |
Relations avec l’Union des Comores |
0 |
0 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
compte spécial : prêts à des états étrangers
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte spécial « Prêts à des États étrangers », figurant à l’état D.
État D
(en euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts à des États étrangers |
936 000 000 |
6 881 000 000 |
Prêts à des États étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d’infrastructure |
400 000 000 |
350 000 000 |
Prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes envers la France |
156 000 000 |
156 000 000 |
Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers |
380 000 000 |
232 000 000 |
Prêts aux États membres de l’Union européenne dont la monnaie est l’euro |
0 |
6 143 000 000 |
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits du compte spécial.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que des comptes spéciaux « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », « Accords monétaires internationaux » et « Prêts à des États étrangers ».
Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales
Compte spécial : Développement agricole et rural
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte spécial « Développement agricole et rural ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant donné les contraintes horaires qui s’imposent à nous, je serai aussi synthétique que possible.
Je commencerai par le calibrage global de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il nous est proposé de doter cette mission de 3,59 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 3,67 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2011. Il s’agit d’un budget d’après-crise, taillé pour un monde agricole encore convalescent. Cette dotation se caractérise par une certaine stabilité par rapport aux crédits votés pour 2010 : les autorisations d’engagement baissent de 1,8 %, tandis que les crédits de paiement progressent de 1,8 %. Hors crédits de personnel, les variations sont plus significatives, puisque les dotations sont marquées, par rapport à 2010, par une baisse des crédits de 0,5 % en autorisations d'engagement et une hausse de 4,3 % en crédits de paiement.
J’indique toutefois une limite à cet exercice de rapprochement des crédits entre lois de finances initiales d’une année sur l’autre. Il est en effet probable que, comme à l’accoutumée, la mission sera abondée en gestion par des ouvertures de crédits supplémentaires importantes. Au gré des crises subies par le monde agricole, climatiques, économiques ou sanitaires, nous assistons au retour de cette pratique année après année. Or le suivi de ces redéploiements par les parlementaires est toujours difficile. Cette situation témoigne, monsieur le ministre, d’une budgétisation au plus juste des crédits et nous montre que la question des aléas doit faire l’objet d’une prise en charge plus satisfaisante par les politiques agricoles.
Je souligne que l’exécution budgétaire en 2009 et en 2010 présente un profil très perturbé. L’année dernière, 935 millions d’euros en autorisations d’engagement et 838 millions d’euros en crédits de paiement ont ainsi été ouverts en cours d’année pour la mission, ce qui représente une augmentation de 29 % et de 24,1 % respectivement par rapport aux dotations prévues par la loi de finances initiale pour 2009. Aucun autre département ministériel ne connaît, me semble-t-il, de telles variations.
La crise grave traversée par l’ensemble des filières agricoles ne suffit pas à expliquer un tel écart. Ce phénomène résulte aussi de la budgétisation clairement insuffisante de certains postes en loi de finances initiale. Monsieur le ministre, il conviendrait que votre collègue du budget en tienne compte dorénavant.
Avant de formuler quelques remarques sur chacun des programmes de la mission, je voudrais, monsieur le ministre, vous parler des dépenses fiscales en matière agricole, ainsi que des réformes portées par votre ministère, qui emportent, sur le plan budgétaire, des conséquences que je souhaite voir préciser.
J’observe ainsi que les dépenses fiscales de la mission, concentrées sur le programme 154, ne font pas l’objet d’une évaluation suffisante. Je demande, monsieur le ministre, qu’un effort important soit accompli à cet égard pour les prochains exercices.
En ce qui concerne les réformes, le ministère de l’agriculture est entré ces dernières années dans un processus profond de modernisation du point de vue tant de l’organisation de ses services et de ses opérateurs que de ses dispositifs d’intervention.
L’Agence unique de paiement et le Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles ont été fusionnés en 2009 au sein de l’Agence de services et de paiement, l’ASP.
Les principaux offices agricoles ont été regroupés au sein d’un établissement unique, FranceAgriMer. Je précise à cet égard que la commission des finances a demandé pour 2011 à la Cour des comptes, en application du 2° de l’article 58 de la LOLF, une enquête sur cette fusion des offices agricoles et la création de l’ASP. Ce travail sera l’occasion de faire le point sur les enjeux et la cohérence de cette réforme.
L’effort de modernisation des opérateurs concerne aussi la politique forestière, avec la fusion du Centre national de la propriété forestière et des dix-huit centres régionaux de la propriété forestière. La situation difficile de l’Office national des forêts, l’ONF, sur laquelle j’ai eu l’occasion d’attirer l’attention du Sénat il y a un an, s’améliore. Cela devra permettre de renouer avec la trajectoire définie par la révision générale des politiques publiques, la RGPP. L’arrivée d’une nouvelle équipe de direction devrait y aider, avec la désignation de notre collègue député Hervé Gaymard à la présidence du conseil d’administration et de M. Pascal Viné, votre ancien directeur de cabinet, monsieur le ministre, au poste de directeur général.
Autre sujet qui nous est cher, le regroupement des Haras nationaux et de l’École nationale d’équitation au sein de l’Institut français du cheval et de l’équitation, l’IFCE, le 1er février dernier, mérite également d’être mentionné : conformément à ce que j’ai pu préconiser voilà quelques années en tant que rapporteur spécial, il a été choisi de recentrer l’IFCE sur des missions de service public, les activités des Haras nationaux dans le secteur concurrentiel étant désormais confiées au GIP France Haras.
Au total, je regrette que l’incidence budgétaire à moyen terme de ces réformes, qu’elles soient liées à la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ou au bilan de santé de la politique agricole commune, ne soit pas encore évaluée avec précision ; je ne doute pas que cela viendra.
Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir confier à vos services le plus rapidement possible une mission d’évaluation des coûts et, surtout, des gains de toutes ces réformes, en explicitant les hypothèses de travail et la cohérence des résultats au regard de la programmation pluriannuelle des crédits de la mission.
Je formulerai maintenant quelques observations rapides sur chacun des programmes de la mission.
Le programme 154, doté de plus de la moitié des crédits de la mission, est le support privilégié de la politique d’intervention du ministère. J’ai observé en son sein une réduction drastique en un an, de 9 millions d’euros à 4,7 millions d’euros, des subventions allouées aux filières cheval de sport et cheval de trait. Une telle baisse n’est pas acceptable, monsieur le ministre, et je présenterai, au nom de la commission des finances, un amendement visant à amortir ce choc. Je sais que notre collègue Ambroise Dupont, président de la section cheval du groupe d’études de l’élevage, a également déposé un amendement analogue.
Pour le programme 149 « Forêt », je retiens que le principal opérateur concerné, l’ONF, doit poursuivre ses efforts de rationalisation et mettre en place une véritable politique commerciale. Il doit y être aidé par une clarification de ses relations financières avec l’État, les collectivités territoriales et les forestiers privés.
Au sujet du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », je précise que la réduction des crédits n’est qu’apparente, la plupart des actions bénéficiant en fait de moyens renforcés en 2011. Cette baisse optique résulte principalement de mesures de transfert, de la résorption du stock des farines animales à détruire et du transfert du financement de l’équarrissage aux filières professionnelles, l’État ne restant payeur que du seul service public résiduel. Je salue en outre le fait que vous ayez souhaité donner la priorité à l’alimentation, monsieur le ministre ; cela se traduit par une hausse de 80 % des autorisations d’engagement de cette action par rapport à 2010.
En ce qui concerne le programme 215, programme support de la mission, je souligne l’effort consenti par le ministère pour respecter en 2011 la règle d’économie de 5 % sur les dépenses de fonctionnement. La démarche de suppression d’emplois est poursuivie. J’observe de nouveau que la concentration des dépenses de personnel de la mission au sein d’un unique programme ne se justifie pas et qu’elles devraient, dans le prochain projet de loi de finances, être ventilées entre les programmes.
Avant de conclure par les articles rattachés et le statut des coopératives agricoles, je dirai quelques mots sur la mission « Développement agricole et rural », qui correspond au compte d’affectation spéciale dit « CAS-DAR ».
Je formulerai deux remarques : premièrement, la justification des crédits doit être améliorée pour s’assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d’une logique d’abonnement des organisations par lesquelles ils transitent ; deuxièmement, de nouvelles missions au coût durable, autour de la génétique animale, ont été confiées au CAS-DAR, alors que ses recettes fluctuent chaque année. Je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur ce point : confier ce type de missions au CAS-DAR est-il bien raisonnable ?
Je dirai maintenant quelques mots des deux articles rattachés à la mission, qui seront examinés samedi soir ou dimanche matin.
Il s’agit, d’une part, de supprimer une exonération de cotisations sociales salariales pour les saisonniers agricoles de moins de 26 ans, car c’est un dispositif qui n’a pas fait ses preuves.
Il s’agit, d’autre part, de fixer à 1,5 % pour 2011 le taux d’augmentation de la taxe pour frais de chambres d’agriculture. Cette hausse mesurée fait suite à un gel des recettes fiscales de ces organismes en 2010 et doit permettre d’accompagner le processus de mutualisation de leurs moyens, ainsi que le surcoût résultant du transfert des associations départementales pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles, les ADASEA.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Très juste !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est très important !
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. En conclusion, je souhaite évoquer rapidement le bilan du statut des coopératives agricoles que j’ai établi. Ce travail m’a conduit à découvrir, monsieur le ministre, un secteur en bonne santé, comprenant, d’une part, 3 000 entreprises – coopératives, unions de coopératives et sociétés d’intérêt collectif agricole –, qui pilotent plus de 1 700 filiales soumises au droit commun, et, d’autre part, 12 500 coopératives d’utilisation de matériel agricole, ou CUMA. L’ensemble du secteur aurait réalisé un chiffre d’affaires de plus de 82 milliards d’euros en 2009 et emploierait en direct plus de 150 000 salariés. Le poids des grands groupes coopératifs est croissant, avec un recours presque généralisé à la filialisation, notamment sous la forme de « holding ».
En contrepartie de nombreuses contraintes juridiques sur lesquelles je ne reviens pas, mais qui sont bien réelles, les coopératives agricoles bénéficient de nombreux avantages fiscaux, notamment en matière d’impôt sur les sociétés, de taxe foncière sur les propriétés bâties ou de contribution économique territoriale.
Le coût total de ces mesures est estimé à 110 millions d’euros, et ces régimes dérogatoires font l’objet de remises en question, y compris sur un plan contentieux. Plusieurs dossiers ayant trait à des dispositifs en faveur de coopératives sont aujourd’hui en cours d’examen à l’échelon communautaire et mettent en cause, notamment, la France. Toutefois, la Commission européenne n’a, à ce jour, pas ouvert de procédure formelle d’examen à l’encontre des autorités françaises ; elle s’est « contentée » de nous adresser trois demandes d’informations suite à la plainte déposée en 2004 par la Confédération française du commerce de gros et du commerce international, sous l’impulsion de la Fédération du négoce agricole.
Pour ma part, monsieur le ministre, je juge nécessaire d’attendre le résultat des procédures pendantes au niveau de l’Union européenne avant de prendre une initiative, quelle qu’elle soit, en matière de réforme des avantages fiscaux accordés aux coopératives agricoles.
C’est sous le bénéfice de ces observations que la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)