M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis.
Mme Éliane Assassi, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la modernisation de l’administration n’a de sens que si elle prend pour objectif la réorganisation du service et des procédures en fonction des attentes du citoyen.
On ne peut que souscrire à un tel principe. C’est celui que la direction générale de la modernisation de l’État, la DGME, responsable du présent programme 221, Stratégie des finances publiques et modernisation de l’État, souhaite adopter pour guider son action afin d’améliorer la qualité du service rendu aux administrés.
À titre personnel, je suis très réservée sur la compatibilité de ce principe avec la politique de RGPP suivie par le Gouvernement.
En se saisissant pour avis du présent programme budgétaire, la commission des lois souhaite justement examiner comment ce principe trouve à s’appliquer dans les actions conduites pour moderniser l’État.
L’an passé, elle avait plus particulièrement fait porter son examen sur l’accueil du public et l’accès au service public. Si les actions engagées étaient positives dans leur principe, on peut cependant regretter que le calendrier initialement fixé, très ambitieux, n’ait pu être tenu. Il me semble à cet égard utile d’appeler le Gouvernement et la DGME à plus de prudence dans la définition du calendrier retenu, car si le changement est nécessaire, il est tout aussi nécessaire de donner au changement le temps de s’accomplir, surtout lorsqu’il sollicite, aussi intensément qu’il le fait aujourd’hui, les personnels eux-mêmes.
Cette année, la commission des lois s’est plus particulièrement penchée sur deux nouveaux axes de réformes engagés par la DGME : l’accélération des procédures administratives et l’amélioration du traitement par les administrations des réclamations qui leur sont adressées.
L’examen des premiers résultats obtenus en matière d’accélération de procédure conduit la commission des lois à formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, le gain de temps ne peut pas seulement être obtenu par une optimisation de l’organisation de la procédure. Parfois, de véritables réformes législatives ou réglementaires sont nécessaires, comme pour la suppression de la double instruction des demandes de naturalisation. L’accélération des procédures ne peut reposer uniquement sur les personnels, mais doit aussi engager toute la chaîne hiérarchique, jusqu’au plus haut niveau.
Ensuite, le raccourcissement des délais ne peut jamais être qu’un objectif secondaire par rapport à la qualité et à la fiabilité du service rendu.
Enfin, la question se pose de l’utilisation qui sera faite des marges de manœuvre dégagées et du bénéfice qu’en tireront les usagers : si l’accélération de la procédure se traduit par des suppressions de postes, les usagers perdront le bénéfice des gains réalisés. Si elle aboutit à une intensification exagérée du travail des personnels, ces derniers risquent de ne pas adhérer à la démarche. Sur ce point, je souhaiterais que M. le ministre puisse nous fournir des éclaircissements.
La question du traitement des réclamations est importante car une réclamation à laquelle il n’est pas répondu redouble le sentiment de l’administré de ne pas être entendu par l’administration, puisqu’à la première expérience négative qui a justifié sa réclamation s’ajoute l’absence d’impact de cette dernière.
L’action engagée sur ce point est donc positive. Cependant, à nouveau, il semble que l’objectif retenu tienne insuffisamment compte de la nécessité de donner du temps au changement. La réclamation peut en effet apparaître aux personnels comme une critique de leur action. Tout l’enjeu de l’action engagée est justement de lever ces réticences en convaincant les agents et l’encadrement que l’amélioration du traitement des réclamations doit permettre de former une boucle vertueuse, chaque réclamation étant l’occasion d’ouvrir un dialogue avec les usagers et de remédier à un dysfonctionnement ou de mieux expliquer la procédure qui a été suivie. Cela demande du temps.
Par ailleurs, il faut que les objectifs de performance fixés aux gestionnaires des services et l’évaluation de la qualité du service rendu tiennent compte de la qualité du traitement des réclamations. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?
À la lumière de ces observations, la commission des lois a entendu donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 221 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », avis que, toutefois, je ne partage pas.
M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé pour cette discussion à cinq minutes le temps de parole dont chaque groupe dispose et à trois minutes celui dont dispose la réunion des sénateurs n’appartenant à aucun groupe.
Je vous rappelle également que l’intervention générale vaut explication de vote pour ces missions.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jacques Gautier.
M. Jacques Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos s’attachera à évoquer le programme Fonction publique de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dont vous nous proposez aujourd’hui de voter les crédits pour 2011.
Le groupe UMP se réjouit que ce programme traduise les efforts engagés par le Gouvernement, qui poursuit une politique vigoureuse de modernisation, d’optimisation et de rationalisation des services de l’État et de la fonction publique, au sens le plus large du terme.
M. Jacques Mahéas. Une politique de casse !
M. Jacques Gautier. À ce titre, je tiens à saluer le chantier-phare qu’a constitué la création de la direction générale des finances publiques, issue de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. D’ores et déjà, la qualité du service rendu à l’usager et aux collectivités locales s’en est trouvée améliorée. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous faire un point d’étape précis sur les différentes opérations lancées depuis la création de cette direction et les quelques mouvements naturels d’humeur de certains personnels ?
Je suis de ceux qui soulignent que le Gouvernement s’est montré particulièrement actif et volontariste pour faire avancer ses projets et ses réformes, que l’on peut qualifier de novatrices.
Dès lors, monsieur le ministre, le groupe UMP, convaincu que la France réussira à moderniser notre fonction publique et à renforcer les services publics, votera le budget que vous nous proposez.
Je souhaiterais, avant de passer à cette ultime étape, vous poser quatre questions.
Vous nous avez rappelé que ce projet de loi de finances propose de ramener les crédits du programme Fonction publique, consacrés, d’une part, à la formation interministérielle des fonctionnaires de l’État et, d’autre part, à l’action sociale interministérielle, à 221,3 millions d’euros pour les autorisations d’engagement, soit une baisse de 9,3 %, alors que les crédits de paiement restent stables, à 221 millions d’euros.
Cette évolution, qui témoigne d’une réelle maîtrise des dépenses, garantit également la poursuite de la mise en œuvre des prestations sociales à destination des agents de la fonction publique, et nous ne pouvons que nous en réjouir.
Mais il est évident que cette politique ne saurait se réduire à la seule mesure de réduction des effectifs, même si l’ampleur de nos déficits publics impose une stabilisation de la masse salariale de l’État, dont les effectifs devraient connaître en 2011 une réduction.
Premièrement, pouvez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, ce que sera l’évolution du pouvoir d’achat des fonctionnaires, les chiffres que vous nous avez fournis méritant d’être précisés et médiatisés au regard des critiques formulées contre la politique gouvernementale, qui me semblent injustifiées si l’on veut bien prendre en compte les résultats obtenus ces trois dernières années.
Deuxièmement, quelles mesures salariales l’État peut-il prescrire aux collectivités territoriales, qui connaissent une véritable flambée de leurs dépenses de fonctionnement et de leur masse salariale ?
Troisièmement, comment évoluent les effectifs de la fonction publique d’État, mais aussi des autres fonctions publiques ? Ceux de la fonction publique territoriale, notamment, se sont beaucoup développés depuis un certain nombre d’années, même si cela découle pour partie des transferts de compétences.
Enfin, quatrièmement, s’agissant du dossier des contractuels, quelles sont les principales dispositions prévues à cet égard ? Par ailleurs, ou en sont les réformes de l’indemnité de résidence et du supplément familial de traitement ?
Soyez assurés, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que le groupe UMP votera d’un seul bloc ces deux missions.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, puisque cinq minutes seulement me sont imparties, je limiterai mon intervention à quelques points du programme 148, Fonction publique, non sans rappeler le contexte toujours inquiétant dans lequel il s’inscrit.
Monsieur le ministre, drapé de votre programme 148, vous prétendez que la fonction publique va maintenir des services de qualité à effectifs réduits. Mais, dans la pratique, la mise en œuvre des missions de service public devient presque impossible, dans le contexte de la seconde vague de révision générale des politiques publiques, qui permet donc, insidieusement, de venir justifier leur future privatisation.
Les réformes destructrices s’enchaînent les unes aux autres, accompagnant la RGPP. La loi « mobilité et parcours professionnels », adoptée en août 2009, est l’illustration concrète de la perte de la garantie de l’emploi pour les fonctionnaires. Le 16 novembre dernier, le Journal officiel publiait le décret permettant, soit de mettre en disponibilité – c’est-à-dire sans salaire –, soit de licencier un agent qui, dans le cadre de la suppression de son poste, refuserait par trois fois les propositions d’emploi de l’administration. C’est chose faite !
Voici un principe consacré alors que l’ensemble des agents souffrent de la dégradation de leurs conditions de travail.
Or cette politique, la vôtre, qui a pour but affiché de redonner de la lisibilité et de l’efficacité à l’administration nous montre d’elle-même ses limites ! À force de vouloir réduire les dépenses publiques, elles augmentent !
Ainsi, on ne pourrait passer sous silence le dérapage des dépenses salariales de l’État, pour lesquelles la commission des finances de notre assemblée a dû émettre un avis favorable, le 24 novembre dernier, assorti de fortes réserves certes, sur un décret d’avance transmis par le Gouvernement pour...ouvrir « en urgence » 1,14 milliard d’euros de crédits de paiement dont « 930 millions destinés à couvrir les dépenses de personnel » ! Ce dérapage proviendrait « de départs en retraite inférieurs aux anticipations, mais aussi de surcoûts associés à des mesures catégorielles dont la multiplicité conduit à douter de la consistance réelle des efforts de maîtrise de la masse salariale de l’État », toujours aux dires de la commission.
Gouverner c’est prévoir ! Franchement, que penser de cette politique qui déstructure la fonction publique et aboutit aux résultats exactement inverses des objectifs qu’elle poursuit ? Quelle lisibilité avons-nous de la masse salariale des fonctionnaires d’État ?
Monsieur Tron, vous avez précisé, lors de l’audition en commission, qu’il faudrait donner une plus grande publicité à une nouvelle « découverte » : 20 300 emplois de plus – probablement cachés dans les tiroirs des ministères – que ceux habituellement comptés pour le ministère de l’éducation nationale, qu’il a bien fallu rémunérer sur l’année 2010. Dans ce nombre figurent 2 900 enseignants vacataires recrutés pour assurer des remplacements, le volant de professeurs remplaçants ayant disparu puisque les titulaires ne sont pas remplacés, à raison d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite !
J’en reviens au projet de loi de finances : pas plus que l’an dernier, il n’est porteur d’une action significative pour la fonction publique. Il s’enferre dans des objectifs comptables dont les écueils ont pourtant été relevés tant par la Cour des comptes que par le principe de réalité que je viens de vous rappeler.
Nulle part dans ce programme ne sont évoqués les enjeux auxquels doivent faire face l’État et son administration : redéfinir les besoins en termes de services publics, accompagner les fonctionnaires dans leur formation, leur mobilité, leur pouvoir d’achat ou leur retraite. On s’intéresse aux chiffres et on oublie le facteur humain.
Comment ne pas remarquer la baisse de près de 10 % des crédits alloués à la formation des fonctionnaires ? J’avais déjà souligné devant vous, l’an dernier, qu’en 2008, seuls 868 agents avaient été concernés lors de la mise en place du droit individuel à la formation, le DIF. Cette année encore, le DIF n’est pas mis en œuvre dans la plupart des administrations et il n’est pas donné suite aux demandes des agents. Les lois de 2007 relatives à la modernisation de la fonction publique et à la fonction publique territoriale n’ont, dans les faits, entraîné aucune amélioration de la formation des agents, alors même qu’on exige d’eux davantage de mobilité, plus d’adaptation à de nouvelles tâches.
Une telle politique nie le travail parlementaire et les véritables besoins de réforme dans la fonction publique ! « Réforme », pourtant, le Gouvernement n’a que ce mot à la bouche pour présenter sa politique concernant la fonction publique.
Après les 33 700 suppressions d’emplois équivalents temps plein annoncées en 2010, ce sont encore plus de 31 600 suppressions qui devraient être effectuées l’année prochaine. De plus, selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011à 2014, de nouvelles coupes claires sont prévues.
Or cette politique ne fonctionne pas. Le nombre de contractuels ne cesse d’augmenter, et je ne parle pas seulement des 2 900 remplaçants de l’éducation nationale réapparus ! On assiste à un recours à l’intérim et à des remplacements temporaires de fonctionnaires par des contractuels, sur des emplois permanents, portant le taux de contractuels à près de 15 % dans la fonction publique d’État.
En outre, parmi les mesures prévues par le Gouvernement pour soutenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires, quasiment aucune n’est générale. Le point d’indice, qui n’a progressé que de 0,5 % cette année,…
M. Jacques Mahéas. … ne sera pas revalorisé en 2011, et le projet de loi de programmation laisse entrevoir qu’il n’y en aura pas davantage en 2012 et en 2013 !
Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste ne saurait voter des crédits qui traduisent une politique de mise à mal des services publics et de ses fonctionnaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Mahéas. Beaucoup trop doux, voulez-vous dire, monsieur le secrétaire d’État ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je centrerai, si vous le voulez bien, mon intervention sur la gestion des ressources humaines bien que nous soyons dans un domaine financier, un domaine dont je ne souhaiterais pas qu’il prît le pas sur celui de la relation aux femmes et aux hommes des services de la fonction publique, même si, j’en suis sûre, les deux domaines sont compatibles sous réserve d’une réflexion ouverte et prospective.
Certes, les personnels de la fonction publique sont une « ressource », mais une ressource d’une autre nature que la ressource financière, la ressource en matériaux, produits, équipements…
Avant d’être « ressource », ils sont à mes yeux « relation », relation à l’autre, que l’autre soit l’usager, l’administré, voire le client, ou qu’il soit l’un des maillons de la hiérarchie du service public.
De cette acception vient l’idée que je me fais de la gestion des relations humaines, une gestion bien établie sur trois pieds : la gestion de la carrière, la formation, l’action sociale.
Or, mon premier constat au regard de ce triptyque, c’est la « parcellisation » de l’homme, découpé en trois tranches correspondant à ces trois modes de gestion.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous ne manquerez pas de me faire valoir que je me trompe et que tout est dans tout : pour preuve les évolutions récentes, presque révolutions, que vit la fonction publique : la suppression de cent cinquante corps fusionnés, les dispositifs d’aide à la mobilité ou bien encore les parcours de formation.
Tout cela est vrai dans l’absolu, mais je connais trop de signes qui me disent le contraire.
Pourquoi, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, traduire obstinément le sigle RGPP par les mots « suppressions d’emplois », « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite » ? La mathématique applique rigoureusement cette formule en oubliant qu’elle devrait bien plutôt s’inspirer de la sagesse géométrique et commencer par analyser les missions, leur contenu, leurs conditions d’exercice pour déterminer le nombre de personnes utiles à l’exercice de ces missions, en tenant le plus grand compte des dernières mesures adoptées en matière de retraite, notamment des femmes.
L’autre sigle, ETPT – équivalent temps plein travaillé –, me paraît aussi incongru et déshumanise lui aussi ce monde de la FPE – fonction publique d’État –, FPT – fonction publique territoriale –, FPH – fonction publique hospitalière –, dont on a pendant si longtemps pu souligner l’exemplarité et qui est devenu un grand corps malade, au point que l’on a recours au diagnostic de la charte Marianne pour mesurer la qualité de l’accueil dans les services !
Ce référentiel « Marianne » prête à sourire : n’est-il pas tout simplement normal d’accueillir poliment les administrés ; normal de répondre par écrit à leurs courriers ; normal de le faire dans des délais décents ; normal encore de ne pas leur imposer un parcours du combattant entre services administratifs avant de les ramener au point de départ ?
Pourquoi, encore, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le principe de restitution aux agents de la moitié des économies résultant des suppressions de postes se traduit-il – quand il se traduit – par les seules mesures catégorielles, hors les mesures de formation et les mesures sociales ?
Force est de constater, si l’on veut bien être impartial – et je suis sûre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, que vous le voulez – que le malaise est grand chez les fonctionnaires.
Malaise il y a, j’ai eu l’occasion de vous le dire, monsieur le ministre, face à une réforme territoriale qui vise à réorganiser et rationaliser le niveau départemental et régional en recherchant non pas une amélioration du service apporté au public, mais une économie de moyens : je n’en veux pour preuve que le fonctionnement indigne de certains services, celui de la direction des étrangers, par exemple, à Bobigny.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Les images et les commentaires que j’ai vus et entendus de ce service m’ont ramenée à la honte que j’avais vécue il y a près de quinze ans, lorsque je voyais les étrangers coucher sur place dans des cartons d’emballage, devant les services de la préfecture, pour être sûrs de pouvoir présenter leur dossier dès l’ouverture des guichets.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme Anne-Marie Escoffier. Est-ce là le fruit de la réorganisation, celui de la suppression des emplois ou, mieux encore, celui de la modernisation de l’État ?
Jusqu’où supprimera-ton la compétence des préfectures et des sous-préfectures en matière de contrôle de légalité ? Pour ne vexer personne – et les élus font partie de ce « personne », – on a progressivement supprimé ou du moins largement réduit le contrôle en matière de fonction publique territoriale ; il s’est réduit comme peau de chagrin, et il a fallu toute la force de conviction des membres de la commission des lois pour éviter que ne soit définitivement fragilisée la sécurité juridique des actes administratifs, et ce pour des raisons d’ajustement comptable qui aurait permis d’amputer un peu plus les services préfectoraux.
Comment expliquer encore que, au moment où la déconcentration aboutit à la réorganisation territoriale que nous connaissons, un peu plus de 3 % des emplois soient transférés au niveau central, pour mettre en place le pilotage de la fonction de gestion des ressources humaines ? Ne peut-on piloter le management depuis le niveau régional ou le niveau départemental ?
Je dois vraiment vous dire, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, ma tristesse face à ce chaos qui se met progressivement en place dans une fonction publique qui n’était certainement pas sans défaut, mais qui avait un réel attachement à ce qu’elle faisait au service des citoyens.
Je suis triste de voir ces citoyens, tous, quels qu’ils soient, désorientés, incapables de trouver au bon moment la bonne personne pour la bonne réponse.
Je suis triste de mesurer l’inquiétude, voire la détresse, de ces fonctionnaires et agents, eux aussi perdus dans une administration à la dérive.
Et pourtant je veux avoir confiance, confiance dans le bon sens, confiance dans la raison retrouvée, celle qui redonnera à tous ces fonctionnaires et agents la fierté de travailler pour le service public.
Dans l’immédiat, le budget qui nous est proposé n’apporte pas le gage qu’attendent les membres du groupe auquel j’appartiens. Aussi, à une grande majorité il ne le votera pas. Néanmoins, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il vous gardera sa confiance, en espérant que les projets de loi de finances suivants sauront tirer la leçon de ces désordres pour reconstruire une fonction publique solide et forte. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission budgétaire se traduit depuis de longues années par une réduction constante et continue des effectifs de l’actuelle direction générale des finances publiques, regroupant les anciennes directions générales des impôts et la direction générale du Trésor.
Une fois encore, pour l’année 2011, vous voulez procéder à une compression des effectifs, qui se traduira par la disparition de 2 372 postes, essentiellement par la suppression de postes de catégorie C – plus de 3 400 – tout en créant des postes du cadre A et du cadre A+.
Depuis 2006, ce sont pratiquement 12 000 emplois qui auront disparu au sein des anciennes directions aujourd'hui regroupées dans la nouvelle direction générale.
De surcroît, je rappellerai que les personnels de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, ont été répartis entre les nouvelles directions départementales interministérielles et les services de l’Autorité de la concurrence
Le problème soulevé, c’est que le « pyramidage » nouveau de la direction générale des finances publiques – avec un nombre croissant de cadres A – va de pair avec une réduction constante des effectifs d’exécution.
Les gains de productivité sont, bien évidemment, largement évoqués pour justifier cette évolution, mais il faut surtout se demander si le service rendu ne souffre pas de cette évolution.
Au-delà des péripéties sur les programmes d’informatisation des services, Chorus, Hélios, Sirius et autres Copernic, qui sont autant de sources de dépenses de développement et, parfois, de constats regrettables d’inadaptation des outils, se pose en effet la question du fonctionnement même de la DGFIP dans les relations qu’elle entretient avec le public.
C’est aussi probablement un facteur d’aggravation des conditions de travail des personnels et cela explique ce que nous disait notre collègue Bernard Angels sur l’état de santé des personnels.
Si l’usage de la télédéclaration s’est largement répandu – il est même l’outil normal de traitement de la fiscalité des entreprises –, il n’en demeure pas moins que la complexité constante et souvent renforcée de la loi fiscale demeure à la source d’un volume de traitement contentieux important de dossiers tant d’entreprises que de particuliers.
Relevons également que, bien souvent, la procédure d’instruction d’une dépense fiscale, soumise à des modalités de calcul particulières, est d’une telle complexité qu’un coût administratif induit non négligeable en découle.
Souvent, quand nous sommes opposés aux mesures visant à corriger les modalités de calcul de l’impôt de solidarité sur la fortune, c’est aussi parce que la complexité de leur mise en œuvre impose aux services compétents des charges administratives non négligeables, tout en nuisant à la lisibilité et à l’équité de cet impôt.
Cela n’est pas sans avoir des conséquences sur les conditions de travail des personnels, confrontés à une complexité plus grande, avec des moyens moindres. Ce qui se prépare avec le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale risque d’imposer de nouvelles exigences aux assujettis ; les personnels en seront les premiers témoins, mais aussi les premières victimes, car ils devront faire face aux difficultés.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, l’efficacité ne commande-t-elle pas, d’abord et avant tout, non pas une réduction des personnels, mais une fiscalité plus claire, plus lisible, plus équitable et donc plus facile à accepter par l’ensemble de la population ?
Pour les raisons que je viens d’exposer, mais aussi pour bien d’autres relatives aux conditions de mise en place de la direction générale des finances publiques, le groupe CRC-SPG votera contre les crédits de cette mission budgétaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, mesdames, messieurs les sénateurs, M. Angels a présenté les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », tandis que Mme Bricq a présenté ceux du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ».
Avant de répondre à leurs interrogations, je tiens simplement à rappeler que le budget de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » s’inscrit dans le cadre général fixé pour le budget de l’État.
Le budget de la mission affiche, pour 2011, une progression maîtrisée. À périmètre constant et hors pensions, la mission est, en effet, stable en valeur, avec une évolution négative de 0,1 %.
Ce résultat est obtenu grâce à la poursuite de l’effort de rationalisation et d’accroissement de la productivité de l’ensemble du ministère, qui se traduit par un taux de non-remplacement des départs à la retraite sensiblement supérieur à 50 % en 2011, ce qui représente 3 127 postes.
Ce budget donne, néanmoins, au ministère du budget les moyens de poursuivre son action, tout en améliorant la qualité du service rendu aux usagers.
Le processus d’unification des deux réseaux déconcentrés des anciennes direction générale des impôts et direction générale de la comptabilité publique au sein de la direction générale des finances publiques, la DGFiP, s’achèvera à la fin de l’année prochaine.
Vous me demandez, monsieur le rapporteur spécial, si ce processus n’est pas trop rapide, notamment pour les agents concernés. Sur ce point, je tiens à vous rassurer.
Les agents des impôts et du Trésor ont effectivement nourri quelques inquiétudes en 2008 lorsque la fusion est intervenue. C’était compréhensible eu égard à l’historique des deux directions : sans aller jusqu’à parler de face à face, ces deux structures étaient suffisamment éloignées l’une de l’autre pour que leurs agents aient été obligés d’apprendre à se connaître, à connaître l’origine de leurs métiers, d’apprendre à partager les mêmes bureaux, à définir les mêmes missions, pour, d’abord, se respecter et, ensuite, pouvoir travailler ensemble dans de bonnes conditions.
Lorsque je suis arrivé à la tête de ce ministère, j’ai été frappé par la rapidité avec laquelle les agents regroupés dans cette direction magnifique se sont mis au service d’une mission qui correspond à leur vocation, leurs convictions et leur engagement, car on ne s’engage pas dans ce métier par hasard ! Ils ont vraiment voulu se donner les moyens de mener à bien cette nouvelle organisation.
Les interrogations qui se sont manifestées au départ ont été levées dans des délais rapides. À cet égard, je tiens à rendre hommage au directeur général des finances publiques, aux organisations syndicales et à tous les agents de cette direction, car ils ont réalisé un travail absolument remarquable, qui est à l’honneur de l’État.
L’année 2009 a vu la préfiguration des premières directions départementales uniques et la mise en place des premiers services des impôts des particuliers. Les agents concernés ont rapidement compris tout l’intérêt professionnel et managérial qu’il y avait à travailler sous un encadrement unique, avec des collègues chargés de l’assiette et du recouvrement. Je vous affirme, monsieur Angels, que ce sont les associations professionnelles et les agents eux-mêmes, parfois même certains représentants syndicaux, qui m’ont demandé d’accélérer le processus.
Par ailleurs, je viens de prendre connaissance des résultats de l’Observatoire interne que Bercy mène depuis dix ans, au moyen de deux enquêtes téléphoniques annuelles. Figurez-vous que, par rapport au mois de mars dernier, les résultats du mois d’octobre sur l’état d’esprit des agents de la DGFiP sont rassurants : le pourcentage des agents qui jugent le changement trop rapide est en recul, tandis que le pourcentage de ceux qui considèrent que les changements intervenus dans leur direction ont un effet favorable augmente de cinq points, atteignant son plus haut niveau depuis 2008. Vous le voyez, nous sommes dans la bonne direction.
Je ne crois donc pas que l’on doive considérer que la mise en œuvre de la fusion soit trop rapide. Les étapes qui ont été proposées les unes après les autres ont été menées en coordination de très haut niveau avec l’ensemble des organisations syndicales et une participation active des personnes concernées à l’échelle départementale, dans l’objectif de réussir ces fusions départementales.
Je sais que la commission des finances a décidé de demander, en 2011, à la Cour des comptes une enquête sur cette fusion, en vue de l’examen du projet de loi de finances pour 2012.
Je me permets de vous indiquer que cette initiative me semble un peu précoce puisque, comme l’a souligné M. le rapporteur spécial lui-même, l’année 2011 sera l’année d’unification des statuts et des règles de gestion des personnels. Il est essentiel pour les agents de la DGFiP d’être traités de la même manière que leurs collègues, s’agissant des promotions et des mutations notamment. Ils attendent donc impatiemment cette unification.
Si la Cour des comptes mène son enquête au premier semestre, elle ne pourra valablement juger qu’un processus en cours de finalisation. Il me semble préférable que votre commission des finances commence par auditionner le directeur général de la DGFiP, Philippe Parini, qui se tient à la disposition du Parlement et auquel, je le répète, je tiens à rendre hommage ce soir pour l’action qu’il mène depuis deux ans et demi, et ce dans le plus grand respect des personnels. Nous lui devons beaucoup.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous craignez que nous n’allions trop vite, mais vous proposez vous-même d’évaluer trop rapidement ce rythme que vous dénoncez.
Quoi qu’il en soit, le ministère du budget se tient à la disposition de la Cour des comptes s’il en est ainsi décidé.
Pour sa part, la direction générale des douanes et droits indirects, la DGDDI, amplifiera la dématérialisation des formalités dont elle assure la gestion.
Par ailleurs, je tiens à souligner que le budget triennal permettra de poursuivre l’adaptation et la modernisation des moyens de surveillance aéronavale de la douane.
Les grands chantiers de modernisation des systèmes informatiques de gestion financière de l’État, dont l’aboutissement est l’une des conditions de la réussite des réformes en cours, seront poursuivis.
Sur ce point, vous m’avez interrogé, monsieur le rapporteur spécial, à juste titre d’ailleurs, sur deux programmes en particulier : les programmes Chorus et Copernic.
Le programme Chorus, qui traite de la gestion de la dépense de l’ensemble de l’État, relève d’une réforme sans précédent, qui concerne plus de 30 000 gestionnaires, et vise, je le rappelle, à mettre totalement en œuvre la LOLF.
Cette application a été déployée auprès de 12 000 agents des ministères de la défense, de l’intérieur, de la justice et de l’éducation nationale en janvier dernier. Son déploiement se fera, comme prévu, dans les autres ministères le 1er janvier prochain.
Comme toute nouvelle application informatique, elle change les habitudes et les organisations, mais 60 000 jours de formation ont été dispensés, et les délais de traitement, et donc de paiement, se sont normalisés après une période d’apprentissage normale. Il reste encore, je dois à la vérité de le dire, quelques retards d’exécution au ministère de la défense, qui font naturellement l’objet de toute l’attention du Gouvernement.
Quant au programme Copernic, il a constitué le plus ambitieux chantier de refonte du système d’information fiscale. Son pilotage est aujourd’hui totalement intégré à la gouvernance informatique de la DGFiP. Celle-ci ayant consacré l’année 2010, en priorité, aux systèmes d’information chargés de gérer les recettes de l’État et au développement de Chorus, elle examinera, en 2011, l’ouverture de Copernic vers les systèmes informatiques fiscaux de la douane, comme l’avait suggéré la Cour des comptes et comme vous le souhaitez vous-mêmes. Il s’agit d’un chantier lourd et coûteux qui n’a pas pu être ouvert cette année.
En outre, le ministère du budget contribuera à l’effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l’État, notamment par de fortes réductions de ses charges locatives en Île-de-France, soit à la suite de renégociations de baux, soit à la suite de déménagements. C’est ainsi que 1 500 agents quitteront des locations coûteuses à Paris, pour un total annuel de 22 millions d’euros, et rejoindront, en 2012, un bâtiment en construction à Ivry-sur-Seine, appartenant à l’État.
Madame Bricq, vous avez souhaité avoir des précisions sur la nature des dépenses qui seront réalisées sur le compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État » grâce au remploi des produits de cession.
À cet égard, permettez-moi de vous donner trois exemples.
Tout d’abord, l’État a récemment très bien vendu, par appel d’offres, plusieurs biens utilisés par l’IGN, l’Institut géographique national, et Météo-France, le siège de cet établissement, situé quai Branly, ayant été vendu très au-dessus de la valeur domaniale. Le produit de ces cessions servira à financer les travaux du bâtiment qui va permettre de regrouper à Saint-Mandé, dans les meilleures conditions, l’IGN, Météo-France et le service hydrographique et océanographique de la marine. C’est une belle opération, d’un point de vue tant fonctionnel que financier.
Ensuite, les diverses cessions de bâtiments militaires, partout en France, permettent de financer l’installation des nouvelles bases de défense, qui vont concrétiser la réforme des armées.
Enfin, les futures cessions des bâtiments domaniaux utilisés par le ministère de l’agriculture à Paris financeront le futur bâtiment de ce ministère pour regrouper ses services. Il sera construit sur un terrain de l’État, rue de Picpus, dans le 12e arrondissement.
Désormais, le mode de financement le plus courant pour un projet immobilier consiste à vendre des actifs inutiles. C’est tellement logique qu’il paraît aujourd'hui évident d’en faire la matrice de la politique immobilière de l’État.
Je rappelle, enfin, que les administrations qui n’ont pas de besoins de relogement ou pas de projet conforme à la politique immobilière – les fameux douze mètres carrés par agent pour respecter la norme – ne reçoivent rien : ce n’est pas un « droit de retour », comme cela est présenté parfois abusivement.
Par ailleurs, madame Bricq, vous avez évoqué l’amendement que vous défendrez demain soir, qui vise à demander au Gouvernement d’établir un rapport annuel sur la performance immobilière de tous les services.
En avant-première, si je puis dire, je tiens à vous assurer que le Gouvernement partage totalement votre objectif d’avoir un meilleur suivi de la rationalisation des implantations immobilières des administrations. Cependant, il ne sera techniquement possible d’y répondre qu’en 2013, lorsque toutes les conventions d’occupation auront été signées et qu’elles seront suivies dans le module immobilier de Chorus.
C’est pourquoi je vous proposerai, demain soir, de réexaminer votre proposition lorsque les outils seront à notre disposition.
Madame Assassi, vous m’avez interrogé sur la possible conciliation entre l’amélioration de la qualité de service et la réduction des effectifs, élément d’interrogation sans fausse naïveté d’ailleurs puisqu’il fait partie de la doctrine que vous défendez en tous temps, tous lieux et toutes circonstances.