M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.
Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la deuxième lecture dans notre assemblée de cette proposition de loi relative à la solidarité dans le domaine de l’eau intervient près d’une année après la première. Si nous ne contestons pas la durée du processus législatif en elle-même, nous regrettons que ce délai n’ait pas été mis à profit pour élaborer un dispositif global, composé à la fois d’un volet curatif et d’un volet préventif. Nous en avions le temps, mais, semble-t-il, pas la volonté…
Le droit à l’eau est pourtant un droit fondamental, défini comme tel par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques, la LEMA, dans son article 1er. Toutefois, celui-ci n’a toujours qu’une valeur déclaratoire, aucun dispositif ne permettant de lui donner une portée effective à ce jour, en dépit de tous nos efforts en ce sens.
Conformément aux préconisations de l’ONU et de l’OCDE, le budget consacré à l’eau ne devrait pas dépasser 3 % des ressources d’un ménage. Il faut rappeler que si la facture d’eau représente en moyenne 0,8 % des ressources d’un ménage, elle s’élève à 5 % du revenu pour un allocataire du RSA.
Dans ces conditions, le consensus qui semble se dégager s’agissant de la nécessité de renforcer le volet curatif du droit à l’eau et de créer un volet préventif permettant de garantir juridiquement ce dernier constitue un progrès.
Cependant, le texte qui nous est présenté aujourd’hui, s’il représente une petite avancée, n’est pas la concrétisation du droit à l’eau.
Intéressons-nous tout d’abord au volet préventif. Celui-ci n’a pas beaucoup évolué depuis la première lecture du texte au Sénat, et les remarques que nous avions faites à l’époque restent d’actualité. Nous estimons ainsi que l’article 1er de la présente proposition de loi ne fait que préciser les dispositions prévues à l’article 6-3 de la loi de 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement, qui permet déjà aux services publics de l’eau d’abonder le FSL. Vous avez parlé de sécurisation juridique, monsieur le secrétaire d’État, dont acte ! Néanmoins, il ne s’agit là que d’une faculté, et le dispositif repris par ce texte n’est malheureusement pas plus contraignant. Il ne fait, en effet, que définir un plafond de contribution, qui a d’ailleurs été réduit en première lecture à 0,5 % du montant hors taxes des redevances d’eau ou d’assainissement perçues ! Nous proposerons donc de relever ce taux maximal à 1 %.
Sur le fond, il y a fort à craindre que la générosité des délégataires ne soit pas plus au rendez-vous demain qu’aujourd’hui. Actuellement, la contribution de ceux-ci, apportée par le biais d’abandons de créances – nous savons d’ailleurs que le nouveau dispositif leur permettra finalement de faire des économies ! –, s’élève à 3 millions d’euros, sur un total de facturation avoisinant les 12 milliards d’euros. Il s’agit de sommes extrêmement importantes ! Avec l’adoption du présent texte, la contribution des délégataires pourrait atteindre 50 millions d’euros, ce qui reste, on en conviendra, raisonnable.
Cependant, cette contribution n’étant pas obligatoire, il appartiendra aux collectivités de l’imposer à leurs délégataires, ce qui ouvrira la voie à des différences notables selon les régions. Pour cette raison, nous pensons qu’instaurer une obligation législative aurait été plus simple et, surtout, aurait garanti une application non différenciée du dispositif sur l’ensemble du territoire.
De surcroît, le dispositif du texte ne permettra pas de remédier aux dysfonctionnements actuels du FSL. Aujourd’hui, en effet, il n’existe pas de volet « eau » dans tous les départements. De plus, seules peuvent être aidées à ce titre les personnes disposant d’un compteur individuel, ce qui exclut de fait les 43 % de la population vivant en habitat collectif.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
Mme Évelyne Didier. Ainsi, en 2009, environ 60 000 personnes seulement ont été aidées par ce biais, pour une somme globale de 8,5 millions d’euros, ce qui est très peu au regard de l’ensemble des dépenses d’eau. C’est pourquoi nous proposons que la loi rende obligatoire la création d’un volet « eau » au sein du FSL pour tous les départements.
Par ailleurs, nous prenons acte de l’insertion par l’Assemblée nationale d’un nouvel article 2, même si nous regrettons qu’il s’agisse simplement de prévoir la remise au Parlement, dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, d’un rapport du Gouvernement « sur les modalités et les conséquences de l’application d'une allocation de solidarité pour l'eau ».
Nous pensons, en effet, que les volets curatif et préventif devraient faire l’objet d’une articulation cohérente et complémentaire, afin de garantir effectivement le droit à l’eau. C’est d’ailleurs ce qu’a préconisé le Comité national de l’eau dans un avis de décembre 2009, renouvelé en juin dernier. Je précise également que c’est ce que nous avions suggéré dans notre proposition de loi de novembre 2009, aimablement évoquée par M. le rapporteur. Cette proposition de loi s’appuyait sur un travail très intéressant de l’Observatoire des usagers de l'assainissement d'Île-de-France, l’OBUSSAS, proposant la mise en place d’une « allocation eau », sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. Nous pensions qu’il était normal et intéressant de reprendre ainsi une préconisation issue de la société civile. Cependant, les amendements que nous avions déposés à cette fin ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.
Sur le fond, si ce dispositif limité tend à pallier une inégalité manifeste, n’oublions pas que le problème principal reste celui de la maîtrise publique de la distribution de l’eau, d’une part, et d’un meilleur contrôle public de la formation des tarifs, d’autre part.
M. Roland Courteau. Oh oui !
Mme Évelyne Didier. Nous trouvons inadmissible que l’eau soit d’abord, et avant tout, une source de profits énormes pour les multinationales du secteur !
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Évelyne Didier. Ces profits sont réalisés par le biais d’une facturation de l’eau à un prix bien trop élevé aux usagers, alors même que ces derniers subissent une crise économique et sociale majeure les plongeant de plus en plus dans la précarité.
Ainsi, les profits des deux « géants » de l’eau ont atteint, pour l’année 2009, un niveau colossal ! Par exemple, ceux de Veolia s’élèvent à 5,5 milliards d’euros pour le seul marché français ! Imaginez ce que cela peut donner à l’échelle mondiale !
M. Roland Courteau. C’est scandaleux !
Mme Évelyne Didier. Nous proposons donc que les entreprises délégataires soient les principaux financeurs de cette « allocation eau ».
Avant de conclure, je souhaiterais indiquer que nous ne sommes pas, par principe, contre l’idée d’une tarification sociale de l’eau. En effet, celle-ci peut favoriser une consommation d’eau plus sobre, allant dans le sens d’une meilleure utilisation de la ressource.
Pour autant, nous préférons le modèle d’une allocation permettant de tenir compte de la recommandation de l’ONU et de l’OCDE selon laquelle la facture d’eau ne doit pas dépasser 3 % des ressources d’un ménage et de faire contribuer directement les entreprises, à hauteur de 1 % de leur chiffre d’affaires. Comment ne pas rappeler également la nécessaire implication de l’État au titre de la solidarité nationale, puisque celui-ci perçoit la TVA sur l’eau ?
En tout cas, nous déplorons aujourd’hui que la solidarité reste le seul fait des usagers. Les aides prévues sont simplement des aides à la solvabilité, que les entreprises ne se priveront pas de répercuter sur les consommateurs.
Pour cette raison, nous regrettons que le présent texte n’ait pas repris nos propositions pour garantir le droit à l’eau. Attendant avec impatience de connaître le nouveau dispositif qui, semble-t-il, devrait voir le jour au cours de l’année 2011, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la solidarité revêt une dimension toute particulière lorsqu’elle permet à des personnes en situation de précarité d’accéder à une denrée aussi vitale que l’eau potable. C’est la raison pour laquelle je souhaite saluer très chaleureusement l’initiative de notre collègue Christian Cambon, auteur de la présente proposition de loi.
Les maires que nous sommes ou que nous avons été connaissent les difficultés rencontrées par nombre de familles qui se retrouvent dans l’impossibilité de payer leurs factures d’eau potable.
L’eau est en effet une denrée de plus en plus chère pour un nombre croissant de nos concitoyens. Aujourd’hui, l’eau est d’ailleurs plus chère en ville, où les offres de services abondent, qu’à la campagne, où la gestion des réseaux est souvent suivie directement par les élus eux-mêmes. Ces derniers paient de leur personne pour que l’entretien et la gestion quotidienne soient assurés dans de bonnes conditions, ce qui explique les différences de prix que je viens d’évoquer. Cependant, je crains que nous ne nous dirigions vers un alignement des prix à l’échelon national, ce qui défavoriserait le monde rural, qui s’est humainement investi dans ce domaine.
Il est donc important que la loi puisse préciser, et surtout permettre d’atteindre, l’objectif fixé à l’article 1er de la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatique, qui consacre un « droit d’accès à l’eau potable, dans des conditions économiquement acceptables par tous ».
La proposition de loi clarifie en outre le recours au FSL, déjà mis en œuvre par de nombreux maires, au titre de leur action sociale de proximité. Il convenait de mieux encadrer cette pratique et de conforter le rôle du FSL, tout en maintenant le maire au centre du dispositif.
Je salue le travail de M. le rapporteur, qui a permis d’améliorer le dispositif lors de la première lecture, notamment en prévoyant l’éligibilité des foyers vivant en immeuble collectif d’habitation, qui ne sont pas titulaires d’un abonnement personnel.
Malgré la diminution de 1 % à 0,5 % du total hors taxes des redevances perçues du plafond des recettes permettant d’alimenter le FSL, il semble que le montant moyen attendu, de 50 millions d’euros environ, soit suffisant par rapport aux besoins.
Enfin, si le maire est au cœur du dispositif, il paraît essentiel que les opérateurs extérieurs à la commune, qu’ils soient publics ou privés, puissent, le cas échéant, apporter leur contribution.
S’agissant des apports au texte issus des travaux de l’Assemblée nationale, je partage tout à fait l’idée selon laquelle le volet curatif du présent dispositif pourrait être utilement complété par un volet préventif, à savoir une tarification sociale de l’eau. Cela permettrait de garantir que les dépenses d’eau ne dépassent pas 3 % du revenu. Je suis d’accord sur ce point avec Mme Didier. De tels dispositifs existent d’ailleurs déjà pour le gaz et l’électricité, et un volet préventif a le mérite de mieux responsabiliser l’usager, qui paie une somme, fût-elle symbolique, et n’est ainsi pas entièrement assisté.
En revanche, le délai de trois mois prévu pour présenter le rapport est particulièrement bref. J’aimerais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez vous engager sur son respect.
Au bénéfice de ces considérations, mes collègues du groupe de l’Union centriste et moi-même soutenons résolument cette initiative, qui nous permettra de mieux vivre demain. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui en deuxième lecture vise à mettre en place un système plus large d’aide au règlement des impayés d’eau dans notre pays. Le montant de cette aide pourra atteindre 0,5 % des recettes liées à la distribution d’eau.
Ce texte vient à point nommé, dans la mesure où le nombre d’impayés d’eau explose actuellement et où la pauvreté tend à s’aggraver dans notre pays.
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Paul Raoult. Le pouvoir d’achat des plus démunis se dégrade, accentuant la précarité et la pauvreté. On le sait, plus de 1,6 million de ménages bénéficient aujourd'hui de la couverture maladie universelle, la CMU, et sont donc considérés comme pauvres, avec moins de 50 % du revenu disponible médian. De plus, 20 000 ménages défavorisés sont privés d’eau chaque année et 475 000 ménages sont potentiellement susceptibles de l’être.
Depuis plusieurs années, le prix de l’eau augmente à un rythme bien supérieur à celui de l’indice des prix ou à celui de la progression du revenu moyen des ménages. De fait, la part du revenu consacrée à l’eau s’accroît sensiblement et les foyers devant consacrer plus de 3 % – critère reconnu par l’Organisation des Nations unies – voire jusqu’à 10 % de leurs revenus pour payer leur facture d’eau sont toujours plus nombreux.
M. Roland Courteau. C’est anormal !
M. Paul Raoult. J’ajoute que, aujourd'hui, plus de la moitié de la facture d’eau est imputable à un service qui n’était pas rendu auparavant, à savoir le traitement des eaux usées. Ce mouvement, qui a démarré dans les années soixante-dix et qui s’est amplifié dans les années quatre-vingt, est loin d’être terminé. Les investissements dans le traitement des eaux usées restent colossaux. Dans ma région, par exemple, le projet de station d’épuration de Marquette, d’une capacité supérieure à 500 000 équivalents habitants, pèsera lourdement dans le budget de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, et la communauté urbaine de Lille sera contrainte d’ajuster ses prix pour faire face à la dépense.
Depuis une dizaine d’années, la régie de mon syndicat intercommunal, qui gère 700 communes et 180 petites stations d’épuration, augmente régulièrement le prix de l’eau, et ce sera encore le cas l’an prochain, car il est absolument nécessaire de continuer à investir dans les stations d’épuration.
Le prix de l’eau augmente, et continuera d’augmenter, pour des raisons structurelles, même s’il est vrai que certains grands groupes privés réalisent parfois des profits exagérés. Et je n’évoque même pas les incidences des investissements nécessaires pour veiller à la qualité de l’eau, pour réaliser des interconnexions de nature à garantir la sécurité de l’approvisionnement et à constituer des réserves suffisantes pour faire face aux périodes de sécheresse.
Alors qu’ils doivent financer des investissements en progression constante, les élus sont par ailleurs confrontés à une pauvreté accrue, qui prend parfois des allures dramatiques. Certains ménages que nous rencontrons dans nos permanences ont complètement démissionné. Eu égard à la faiblesse de leurs revenus, ils savent qu’ils ne pourront jamais régler leur facture d’eau et, bien souvent, ils ne font plus aucun effort. Face à une telle situation, il est devenu nécessaire de légiférer.
Avec la baisse de la consommation d’eau par ménage, les distributeurs d’eau, qu’ils soient privés ou publics, voient leurs recettes diminuer. Ils ont donc tendance à faire pression sur les usagers pour obtenir le paiement des factures. Dans le même temps, les moyens de recouvrement du Trésor public s’affaiblissent ; l’État se désengage. Ainsi, bien que le nombre de factures impayées augmente, les recours des distributeurs diminuent, alors même qu’ils doivent investir, et les admissions en non-valeur s’accumulent jusqu’à former un volume financier considérable. Il nous faut donc réagir !
Face à cette situation, l’on nous présente des dispositions de nature curative : on essaie de réparer le mal en mobilisant les fonds de solidarité pour le logement, alimentés par une contribution volontaire des opérateurs de l’eau, mais parfois aussi en sollicitant les conseils généraux et les communes. Si le renforcement du rôle des FSL est judicieux, il reste néanmoins très insuffisant, car certains départements n’ont toujours pas créé de FSL, que ce soit par indifférence ou par manque de moyens, et ceux qui en ont créé un n’ont pas toujours un volet « eau ». De plus, d’un département à l’autre, on constate d’importantes disparités dans le montant des aides.
La présente proposition de loi, certes intéressante, demeure largement perfectible. Aujourd’hui, environ 50 000 ménages bénéficient d’une aide pour l’eau d’environ 130 euros par an, ce qui est très insuffisant. Selon la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, la FNCCR, 100 000 ménages devraient être aidés, pour un montant largement supérieur.
Le système préventif qui nous est promis depuis longtemps doit absolument être mis en place. Il est devenu une nécessité pour les ménages qui touchent le revenu de solidarité active, par exemple, ou pour les personnes âgées qui perçoivent une faible pension de réversion. Certes, les centres communaux d’action sociale, les CCAS, interviennent ; mais hors des grandes agglomérations, dans les vastes espaces ruraux périurbains, leurs moyens financiers sont très faibles.
L’eau n’est pas une marchandise comme les autres, elle est un bien sacré : il faut donc trouver des solutions pérennes pour en faciliter l’accès.
Dans cet esprit, la mensualisation des factures devrait être privilégiée. Certains distributeurs n’établissent qu’une ou deux factures par an, ce qui ne permet pas l’étalement des paiements.
On peut également envisager de minorer le prix des vingt ou des cinquante premiers mètres cubes d’eau consommés. Cependant, la FNCCR considère que cette pratique, qui est en vigueur dans certaines villes et dans d’autres pays, n’est pas porteuse d’égalité sociale dans la mesure où des personnes seules ayant une faible consommation peuvent très bien disposer de revenus élevés.
On pourrait aussi, comme l’ont fait certaines communes, installer de bornes-fontaines où chacun peut se ravitailler librement, ce qui permet d’atténuer les difficultés liées aux coupures d’eau.
En fait, la seule solution est d’assurer un financement pérenne en faveur des plus démunis, sur le modèle de l’aide personnalisée au logement, l’APL. À cette fin, il convient de prendre en compte la composition des ménages et le niveau des ressources.
Si ce dispositif d’aide est mis en œuvre rapidement, ce que je souhaite, il faudra déterminer les modalités de sa gestion administrative. Peut-être faudra-t-il taper du poing sur la table, monsieur le secrétaire d’État, pour que les caisses d’allocations familiales, les CAF, et la Caisse nationale d’allocations familiales, la CNAF, collaborent avec les distributeurs d’eau, publics et privés, et avec les communes. Nous ne pourrons mettre en place ce service que si les CAF en sont pleinement parties prenantes. J’ai cru comprendre qu’il fallait s’attendre à des résistances… Or, une collaboration totale est indispensable pour que le système puisse fonctionner.
Il faut donc trouver une solution simple, juste, sensée. Certes, les distributeurs d’eau doivent tirer de leur activité un profit raisonnable qui leur permette d’assumer les investissements nécessaires, présents et à venir, mais il faut aussi faire en sorte que la facture des usagers soit juste et admissible, c’est-à-dire en relation avec leurs revenus.
Quoi qu’il en soit, dans les mois qui viennent, je souhaite qu’une solution soit trouvée pour que les 100 000 ménages les plus démunis aient réellement accès à l’eau dans des conditions dignes et que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre Haute Assemblée est invitée à se prononcer à nouveau sur la proposition de loi que j’ai eu l’honneur de déposer le 18 février 2009.
Vous me permettrez, au début de ce bref propos, de vous faire part de mon émotion naturelle, celle d’un parlementaire qui, au cours de son premier mandat, réussit à faire inscrire dans le droit positif français une proposition de loi qui, je l’espère, sera utile à toutes les familles en difficulté. Je me réjouis par ailleurs que le Sénat, protecteur des collectivités territoriales, soit l’initiateur de ce nouveau dispositif de solidarité dans le domaine de l’eau.
Je tiens à remercier M. le président de la commission de l’économie, Jean-Paul Emorine, du soutien qu’il m’a apporté tout au long du parcours législatif de cette proposition de loi et à saluer l’excellent travail réalisé par notre rapporteur, Michel Houel. Sa longue expérience d’élu local en Île-de-France, dans un département voisin du mien, lui a permis d’accompagner mon travail avec l’efficacité que nous lui connaissons.
Je souhaite également souligner les apports réalisés par l’Assemblée nationale, grâce notamment au député André Flajolet, qui a permis de sauvegarder l’esprit de cette proposition de loi, notamment le rôle du maire au cœur du système que nous avions proposé.
La présente proposition de loi arrive au terme de son parcours. Je me félicite de son adoption conforme par la commission de l’économie la semaine dernière, car elle apporte une réponse concrète aux problèmes réels que sont les impayés de facture d’eau.
Comme cela a été souligné, l’eau est aujourd'hui devenue un produit coûteux pour nombre de Français. Il n’est plus rare de voir des familles en difficulté en raison de factures d’eau représentant une charge annuelle de 400 euros, 500 euros, voire plus. Or, comme vous le savez, l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, recommande dorénavant que le montant annuel des factures d’eau payées par l’usager ne dépasse pas 3 % de ses revenus.
Face à ce risque nouveau pour les familles en situation de précarité, la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques, dite « loi LEMA », avait instauré un droit d’accès à l’eau dans des conditions économiquement acceptables par tous. Il s’agit d’un principe magnifique, mais aucune application concrète n’a véritablement été prévue pour le mettre en œuvre. Ma proposition de loi apporte une part, mais une part seulement, de la réponse à cette attente.
Ce texte permet en effet de créer une véritable solidarité entre les usagers, en donnant la possibilité aux opérateurs de l’eau de contribuer au financement des fonds départementaux de solidarité pour le logement, les FSL. Concrètement, cette action sociale se traduit par une contribution volontaire à hauteur de 0,5 % des recettes perçues au titre des redevances. Cela permettra d’aider nos concitoyens ayant des difficultés à payer leur facture d’eau, qu’ils résident en habitat individuel ou collectif, ce qui constitue une différence par rapport à la législation précédente.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Christian Cambon. Tous les maires et services sociaux de nos communes sont confrontés à ces problèmes. C’est pourquoi j’avais souhaité qu’un dispositif simple et pragmatique replace les élus locaux au centre de l’aide accordée aux familles.
C’est ainsi que le texte adopté dans notre hémicycle en première lecture prévoyait un système d’avis obligatoire du maire sur l’attribution des aides avec un triple rôle de saisine. Les députés ont, fort opportunément, proposé une rédaction simplifiée du dispositif d’information des collectivités locales.
En effet, l’attribution des aides du FSL ne peut légalement prendre en considération d’autres critères que la situation financière du demandeur. De plus, les délais de saisine risquant de ralentir inutilement les procédures, il est apparu préférable de revoir le rôle du maire dans la gestion des demandes présentées au FSL.
Désormais, toutes les demandes d’aide seront notifiées par le gestionnaire du fonds aux élus locaux et aux centres communaux ou intercommunaux d’action sociale.
Les maires, qui sont les mieux placés pour connaître la situation des familles en difficulté, pourront transmettre aux gestionnaires du FSL les aides déjà fournies, ainsi que toutes les informations – et elles sont nombreuses – en leur possession susceptibles d’éclairer le gestionnaire sur les problèmes rencontrés par le demandeur.
L’évolution relative au mécanisme d’information mutuelle entre le gestionnaire et le maire apportera in fine une approche de proximité, simple et efficace, donnant – je l’espère – une réponse adaptée aux problèmes de dizaines de milliers de familles et ce, en maintenant le FSL comme pivot de la distribution de cette aide.
Mes chers collègues, je suis bien conscient que cette proposition de loi ne résout pas l’ensemble des problèmes de l’accès à l’eau, cela a d’ailleurs été amplement rappelé. Pour autant, ce texte est, me semble-t-il, une avancée de plus qui fait de la France l’un des pays en pointe en matière d’accès social à l’eau potable.
Ces dispositions curatives sont faciles d’application ; elles peuvent être mises en œuvre rapidement et apporter une réponse adaptée aux augmentations du prix de l’eau que l’application des normes européennes en matière d’eau potable et, surtout, d’assainissement rend malheureusement inéluctables.
En ce qui concerne l’aspect préventif de l’aide, l’Assemblée nationale avait souhaité aller plus loin, dans la continuité d’une initiative présentée par les députés du groupe communiste et par l’Observatoire des usagers de l’assainissement, l’OBUSASS, avec lequel j’ai pour ma part l’habitude de travailler. Toutefois, en raison de l’application de l’article 40 de la Constitution, ces propositions n’ont pas été retenues.
Nos collègues députés ont donc souhaité que soit remis au Parlement un rapport présentant les différentes pistes permettant l’instauration d’un volet préventif, en complément du dispositif d’aide actuel en matière d’accès à l’eau. Je ne peux qu’approuver cette disposition dans la mesure où, sur toutes ces travées, nous nous accordons à reconnaître qu’il faut aller encore plus loin afin d’aider les familles en difficulté. L’accès à l’eau doit véritablement devenir un droit pour tous.
Je souhaite soulever un dernier point qui a été évoqué à plusieurs reprises au sein de la commission de l’économie et par les orateurs m’ayant précédé à cette tribune.
L’absence de FSL dans certaines zones du territoire est une réalité. Certes, soixante-treize départements ont signé des conventions FSL, 20 000 dossiers sont traités chaque année et dix-huit autres conventions sont en cours de signature. Néanmoins, monsieur le secrétaire d’État, il sera essentiel de veiller à ce que tous les départements soient dotés d’un FSL dans un avenir proche, afin de pouvoir bénéficier du concours efficace du dispositif que j’ai l’honneur de soumettre à votre vote.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, pendant de longues années, le droit social à l’eau n’a fait l’objet que de motions, de colloques ou de recommandations. Aujourd'hui, j’ai le sentiment que nous franchissons, avec modestie, un pas concret.