Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur cet amendement de précision.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 22 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 274 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5, première phrase
Remplacer le mot :
assimilation
par le mot :
intégration
L’amendement n° 22 rectifié a été précédemment défendu.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 274.
Mme Bariza Khiari. Le cinquième alinéa de cet article 2 réaffirme l’obligation pour l’étranger postulant à la nationalité française de se soumettre à un contrôle de son « assimilation ».
Nous proposons de remplacer, le terme « assimilation » par le terme « intégration », beaucoup plus consensuel pour ceux – et seulement pour eux – qui demandent leur naturalisation.
Le terme « intégration », comme l’a rappelé notre collègue Éliane Assassi, ne devrait plus être utilisé pour ceux qui sont français depuis plusieurs générations. Utilisé constamment pour cette partie de nos concitoyens, ce terme montre à quel point il est difficile, dans le regard de l’autre, d’être tout simplement français.
Ce sixième texte ne facilitera certainement pas les choses - d’autant moins après les débats sur l’identité nationale, sur le port de la burqa, sur la viande halal, sur les minarets, et j’en passe, qui ont manifesté une forme de stigmatisation d’État -, mais il ne faut plus utiliser ce terme « intégration » pour ceux qui sont français.
Dans mon intervention sur l’article, j’ai rappelé que la notion d’assimilation exige de gommer la personnalité et la culture des intéressés. Elle constitue une forme d’acculturation au cours de laquelle un individu ou un groupe abandonne totalement sa culture d’origine pour adopter les valeurs d’un nouveau groupe.
Comment ne pas mettre en lumière les contradictions de ceux qui, sur les travées de la majorité, proclament la nécessité de « défendre nos racines » tout en mettant en demeure les immigrés d’oublier les leurs ? Lorsque certains proposent d’exiger des immigrés un serment solennel de fidélité à la nation française, combien de Français de souche accepteraient de prêter eux-mêmes un tel serment, ou même pourraient sincèrement le faire, comme l’a souligné notre collègue Jean-Pierre Michel ?
C’est pourquoi nous préférons le concept d’intégration, qui exprime davantage une dynamique d’échange dans laquelle chacun accepte de se constituer partie d’un tout, où l’adhésion aux règles de fonctionnement de la société d’accueil et le respect de ce qui fait l’unité et l’intégrité de la communauté n’interdisent pas le maintien des différences.
Mes chers collègues, la France doit se regarder telle qu’elle est ; elle ne peut se construire sur ce qu’elle n’est plus. La force et l’originalité de la République française ne consistent pas à exiger que tous soient semblables, mais résident au contraire dans le fait que nous partageons des valeurs dans le respect de la diversité.
Le terme « intégration » ici proposé pour désigner l’inclusion dans la nation française au moment de la naturalisation, et à ce seul moment, traduit le respect de cette diversité tout en soulignant l’importance de l’adaptation de l’étranger à la communauté française.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Avis défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Je ne peux que renouveler l’avis défavorable qu’a émis le Gouvernement sur l’amendement similaire défendu par M. Collin.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 22 rectifié et 274.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 275, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Remplacer les mots :
décret en Conseil d'État
par les mots :
le Parlement
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L’article 2 dispose que la nationalité ne pourra être conférée qu’à des personnes qui non seulement connaissent bien les droits et devoirs conférés par la nationalité, mais encore y adhérent.
Le contrôle de cette adhésion s’effectue en préfecture, au cours d’un entretien individuel qui se clôt par la signature d’une charte des droits et devoirs du citoyen français.
L’article 2, dans sa rédaction actuelle, prévoit que la charte sera rédigée par le Gouvernement et approuvée par décret en Conseil d’État.
Nous estimons que le contenu de cette charte ne peut relever d’un simple décret en Conseil d’État. En effet, la définition et le choix des principes et valeurs essentielles de la République qui seront contenus dans cette charte sont une compétence du Parlement, en vertu de l’article 34 de la Constitution.
Dans le but de lui donner plus de solennité et plus de force, mais aussi de traduire la volonté de la Nation, la charte doit donc être approuvée par le Parlement et annexée au présent projet de loi.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Comme je l’ai expliqué tout à l’heure, la charte des droits et devoirs du citoyen français n’aura pas de caractère normatif ; par conséquent, elle ne relève pas du domaine de la loi.
En outre, nous avons demandé au Gouvernement de s’engager à nous soumettre le projet de charte afin de pouvoir l’examiner préalablement à son approbation. À cet égard, nous avons d’ores et déjà obtenu quelques indications.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Pour les raisons que j’ai exposées à deux reprises en réponse à Mme Khiari, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. L'amendement n° 23 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 5, seconde phrase
Supprimer le mot :
essentiels
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Cet amendement n’est pas seulement de nature rédactionnelle.
L’alinéa 5 de l’article 2 dispose que la charte des droits et devoirs du citoyen français doit rappeler les principes et valeurs essentiels de la République. Nous considérons, pour notre part, que tous les principes et valeurs de la République sont essentiels et que l’on ne saurait établir de hiérarchie entre eux.
Ainsi, le Conseil constitutionnel s’est toujours refusé à établir une telle hiérarchie. Il a au contraire, et de façon constante, cherché le meilleur moyen de concilier ces principes et valeurs, même lorsque certains d’entre eux pouvaient apparaître contradictoires.
Monsieur le ministre, je vous remercie donc par avance de bien vouloir nous éclairer sur cette hiérarchie.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Parler de principes ou valeurs essentiels de la République ne vise pas forcément à établir une hiérarchie entre les principes républicains ; cela vise à désigner ceux qui se rattachent le plus évidemment aux valeurs communes des citoyens français.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Cet amendement, qui vise à supprimer le mot « essentiels » pour qualifier les principes et valeurs de la République, repose sur le fait que, par essence, tous les principes sont « essentiels ».
Monsieur le sénateur, l’adjectif « essentiel » est utilisé à dessein. L’objectif du Gouvernement n’est pas de dresser, dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, la liste des très nombreux principes sur lesquels est fondé notre droit ou ceux qui régissent les règles du comportement, de la politique ou de la morale publique : ce serait trop long, et bien fastidieux.
Ce texte a pour vocation de rappeler les principes que l’on considère les plus importants.
Monsieur Collin, je ne suis pas d’accord avec pour considérer que la frontière entre ce qui est essentiel et ce qui l’est moins est quelquefois ténue. Il conviendra au comité qui rédigera le texte de la charte de peser les termes qui seront utilisés.
Il ne s’agit pas de faire une exégèse en plusieurs volumes de la nature de notre République ni des principes qui la régissent. La lecture de la charte devra simplement permettre de comprendre les principes essentiels du « vivre ensemble », auxquels il est si souvent faire référence. Nous allons associer à ce travail des historiens, des philosophes et des parlementaires afin que cette charte soit rédigée de la manière la plus intelligente possible.
Monsieur Collin, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon, je serais obligé d’émettre un avis défavorable, ce qui me désolerait.
L’objet de la charte n’est pas, je le répète, de rappeler les fondements de notre République, il est simplement de faire en sorte que les personnes qui souhaitent acquérir la nationalité française puissent comprendre ce qu’on leur demande.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Pour notre part, nous voterons cet amendement.
L’adjectif « essentiels » est l’un de ces nombreux termes qui encombrent la législation française, qui n’apportent rien et qui, loin d’éclairer le débat, le rendent plus complexe.
Si nous sommes hésitants sur ce projet de charte, c’est bien parce que vous avez des difficultés à en définir le contenu, monsieur le ministre.
Il me semble suffisant de préciser que la charte rappelle les principes et les valeurs de la République. Cette rédaction a le mérite de la clarté : tout le monde comprend qu’il s’agit des principes et des valeurs fondamentaux de la République.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je ne vous comprends pas très bien, monsieur le ministre. Dans un premier temps, vous déclarez que tous les principes de la République sont essentiels, qu’il n’y a pas de hiérarchie. Puis, dans un second temps, vous refusez la suppression du mot « essentiels », considérant qu’il convient de simplifier et de choisir les principes les plus essentiels. (M. le ministre s’exclame.)
Si tous les principes sont essentiels, il est inutile de le préciser, sous peine de créer une confusion.
Vous pouvez certes considérer que ce n’est pas important, parce que cela vient consacrer le fait que tous les principes sont essentiels. Monsieur le ministre, notre débat montre que les conceptions des uns et des autres divergent, qu’il y a un doute sur ce qui est essentiel et sur ce qui ne l’est pas. Afin de parvenir à un certain consensus, de lever ce doute, vous vous en remettez à une charte, dont nous aurons en principe à connaître. Mais, si vous voulez vraiment trouver un certain consensus, si vous voulez lever l’ambiguïté, pour ne pas dire la suspicion, il vous suffit d’accepter la suppression de l’adjectif « essentiels ».
En la refusant, vous ne faites que renforcer notre conviction sur le fait qu’il y a là un problème.
L’amendement de M. Collin est « basique », si je puis m’exprimer ainsi, et je m’étonne que, même sur ce point, il n’y ait aucune ouverture.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. Si l’on veut que les choses soient bien comprises, il faut qu’elles soient énoncées de manière claire et simple. On ne peut donc pas établir une liste trop longue.
Il y a des principes fondamentaux. D’ailleurs, peut-être sans s’en rendre compte, Richard Yung a justifié son refus de reconnaître que certains principes étaient essentiels en disant qu’il suffisait de se référer aux principes fondamentaux de la République.
M. Richard Yung. C’est ce qu’a dit le ministre !
M. Yves Détraigne. Principes essentiels ? Principes fondamentaux ? Soyons clairs et simples. Il y a quelques principes de base sur lesquels la société ne peut pas transiger. Il s’agit, comme l’a indiqué M. le ministre, des principes du « vivre ensemble ». N’établissons pas une liste trop longue qui, par définition, serait incompréhensible.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. On s’amuse beaucoup, on coupe les cheveux en quatre : très bien ! Mais, mes chers collègues, les principes essentiels, ou fondamentaux, ce sont en effet les valeurs du « vivre ensemble ».
L’indépendance des professeurs d’université est un principe important et reconnu, mais il n’est pas pour autant essentiel pour la vie en commun des citoyens. Et je pourrais citer d’autres exemples.
Les principes essentiels sont notamment ceux qui figurent dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, même s’il convient sans doute de ne pas tous les décliner.
Nous pourrions rappeler que le droit de propriété est inviolable et sacré ; il en est certains à qui cela ferait beaucoup de bien…
Mes chers collègues, tout le monde comprend très bien ce dont il s’agit. Il me semble que notre débat devient un peu byzantin, même si j’emploie ce terme à regret, car j’admire Byzance !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel après l'article 2
Mme la présidente. L'amendement n° 276 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l'article 21-25 du code civil, le mot : « assimilation » est remplacé par le mot : « intégration ».
La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Cet amendement est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 276 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
(Non modifié)
Après le mot : « doit », la fin du dernier alinéa de l’article 21-2 du même code est ainsi rédigée : « également justifier d’une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue française, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 24 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 103 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 24 rectifié.
M. Yvon Collin. Cet amendement, comme l’un des amendements que nous avons déposé à l’article 2, vise à préciser qu’il revient au législateur, et non au pouvoir réglementaire, d’exercer sa compétence sur un élément conditionnant l’accès à la nationalité, ici par le mariage.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l'amendement n° 103.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les lois du 26 novembre 2003 et du 24 juillet 2006 ont relevé la durée du délai de communauté de vie après mariage nécessaire à l’acquisition de la nationalité française pour un conjoint de Français.
Ce délai est actuellement de quatre ans, ce qui est excessivement long. Il est en outre assorti d’une condition de maîtrise de la langue française que cet article prévoit d’évaluer selon un barème encore inconnu, qui sera déterminé par décret.
Au regard des politiques actuelles menées en France et en Europe en matière d’immigration, on ne peut pas imaginer que ce décret serve à autre chose qu’à l’introduction d’une évaluation restrictive utilisée comme instrument de régulation de l’immigration.
La maîtrise de la langue est indispensable, mais elle doit s’accompagner d’une obligation pour la France de dispenser des formations à ceux qui le souhaitent.
En outre, nous sommes opposés à toutes les mesures prises depuis 2003 qui font peser des soupçons inadmissibles sur les mariages dits « mixtes » et qui durcissent les conditions d’acquisition de la nationalité française.
Pourtant, un certain nombre de vérifications sont déjà effectuées avant et après ces mariages, ainsi qu’au moment de la délivrance des cartes de séjour et de résident : personne n’échappe au droit !
Ces multiples conditions et contrôles assortis d’un délai sont encore plus abusifs et porteurs d’atteintes au droit de ces couples lorsque de l’union naît un enfant. Comment les soupçons de fraude peuvent-ils alors encore perdurer ?
Le seul effet de cette reconnaissance tardive et complexe est de maintenir un grand nombre de personnes résidant sur le sol français dans une situation précaire au regard du droit. Cette mesure s’inscrit dans une tendance plus large, en France comme en Europe, alors que se développe l’idée d’une immigration restrictive et choisie, tendant à la fermeture des frontières.
Sans empêcher l’immigration, ces politiques ont pour principal effet de maintenir les migrants dans un statut de séjour précaire et irrégulier, dont le principal bénéficiaire reste le marché, à qui la clandestinité permet d’outrepasser les droits des travailleurs, considérés comme autant d’entraves à leurs profits.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La définition des modalités et des conditions d’évaluation de la maîtrise par l’étranger de la langue française relève non pas de la loi, mais bien du règlement. La loi fixera uniquement le principe selon lequel cette évaluation s’effectue en tenant compte de la condition de l’étranger.
J’ajoute que la précision apportée par le texte conférera plus d’objectivité aux évaluations actuellement réalisées par les fonctionnaires des préfectures et constituera, pour cette raison, un progrès.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Philippe Richert, ministre. Personne ne peut imaginer que soient définis dans une loi les modalités d’évaluation et le niveau de connaissance et de maîtrise de la langue française que doit atteindre une personne qui souhaite acquérir la nationalité française. Il est bien évident que cela ne peut se faire que par décret.
J’ajoute que la formation des candidats à la naturalisation à la langue française est intégralement financée par l’État, qui y consacre 50 millions d’euros par an. Les propos qui ont été tenus tout à l’heure – des « dérapages » - ne correspondent donc pas tout à fait à la réalité. Et la réalité, c’est que l’État consacre chaque année 50 millions d’euros pour permettre à des personnes qui veulent acquérir la nationalité française de mieux maîtriser notre langue. Cet effort méritait d’être souligné.
Nous sommes l’un des seuls pays à financer entièrement cette formation.
M. Richard Yung. C’est aussi le cas en Allemagne !
M. Philippe Richert, ministre. J’ai dit que nous étions « l’un des seuls pays », je n’ai pas dit « le seul pays ». Mais je vous remercie de me donner l’occasion de préciser, monsieur Yung, qu’une politique similaire est conduite en Allemagne. Je n’ai pas souhaité évoquer cet exemple tout à l’heure, car je ne veux pas trop me référer à ce qui se fait dans d’autres pays.
M. François Trucy. Très bien !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 rectifié et 103.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
L’article 21-2 du même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».
2 °Au deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois » et les mots : « trois ans » par les mots : « un an ».
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Nous souhaitons, par cet amendement, revenir à l’état du droit antérieur à la loi du 24 juillet 2006.
Le délai de quatre ans imposé au conjoint étranger d’un ressortissant français pour obtenir la nationalité française est manifestement excessif, alors que les contrôles préalables sont déjà particulièrement rigoureux. Il peut même constituer une entrave à l’intégration, dans la mesure où la multiplication des contrôles et la longueur des délais font peser une forme de soupçon.
Il convient au contraire de donner toutes ses chances d’intégration au conjoint, en revenant à des délais beaucoup plus raisonnables.
Mme la présidente. L'amendement n° 292 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :
L'article 21-2 du code civil est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux » ;
2° À la première phrase du deuxième alinéa, le mot : « cinq » est remplacé par le mot : « trois ».
La parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Depuis 2003, les couples dits binationaux font l’objet d’un véritable acharnement juridique. Au nom de la lutte contre les mariages de complaisance et du contrôle de l’immigration dite familiale, trois lois ont sévèrement durci les conditions d’acquisition de la nationalité française par mariage. Le présent amendement vise à limiter les dégâts…
En l’état actuel du droit, si le conjoint étranger d’un ressortissant français désire acquérir la nationalité française, les époux doivent partager effectivement leur vie depuis au moins quatre ans, le délai ne pouvant courir qu’à compter du mariage. Par ailleurs, ce délai est porté à cinq ans lorsque le conjoint étranger n’a pas résidé sans interruption pendant au moins un an sur le territoire français.
Ces conditions sont disproportionnées, car de nombreuses vérifications sont faites avant et après la célébration d’un mariage entre un Français et un étranger, puis au moment de la délivrance du visa, de la carte de séjour temporaire et, enfin, de la carte de résident.
D’après le mouvement Les Amoureux au ban public, ces contrôles, qui visent à prévenir ou à réprimer les unions frauduleuses, conduisent à des situations inadmissibles : multiplication des procédures d’opposition au mariage ; difficultés pour obtenir la transcription des unions célébrées à l’étranger ; multiplication des refus de visa ou de titre de séjour – nous parlementaires sommes souvent obligés d’intervenir auprès des consulats pour demander un peu plus de générosité et de logique ; éloignement des conjoints de Français en situation irrégulière ; enquêtes de police sur la communauté de vie ne respectant pas les règles élémentaires de déontologie, d’objectivité et de respect des personnes auditionnées ; non-reconnaissance du droit au séjour des couples binationaux vivant hors mariage…
Dans ces conditions, les délais de vie commune nécessaires pour acquérir la nationalité française apparaissent excessivement longs. Il faut vraiment être amoureux ! (Mme Isabelle Debré rit.)
Par conséquent, nous proposons de revenir, au minimum, à la situation qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration, que nous n’approuvions déjà pas.
Concrètement, nous proposons, d’une part, de restaurer le délai de deux ans de vie commune – c’est déjà beaucoup – pour l’obtention de plein droit de la nationalité française par mariage, et, d’autre part, de fixer ce délai à trois ans lorsque le conjoint étranger, au moment de sa déclaration, ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins un an sur le territoire français à compter du mariage.
Je ne me fais pas trop d’illusions sur le sort qui sera réservé à cet amendement, dans la mesure où un autre article prévoit la vérification des mariages « gris ». Où va-t-on ? Désormais, l’inquisition consistera à vérifier les sentiments des gens !