M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je suis assez étonnée de votre réponse. En effet, vous le savez, sur place, dans les centres de rétention, et très souvent également en zone d’attente, les étrangers, qui maîtrisent mal la langue, ne disposent pas d’interprètes. Il n’y a pas non plus d’avocats et les associations n’y sont pas présentes vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par ailleurs, ces dernières ont peu de moyens.
Lorsque la procédure s’enclenche, le temps imparti pour préparer la défense, surtout si c’est le week-end, est souvent déjà écoulé. Cette remise en cause du droit de la défense et des droits fondamentaux est presque anticonstitutionnelle. Nous ne pouvons pas accepter un tel recul.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 69 rectifié et 169.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 371, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. À la différence de M. le ministre, j’ai trouvé extrêmement probantes et claires les interventions de M. Mermaz, de M. Mézard et de Mme Mathon-Poinat. Je considère donc que cet amendement est déjà défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a eu l’occasion d’expliquer la nécessité de conserver une mesure d’éloignement sans délai de départ volontaire à l’article 23. Elle émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 28.
(L’article 28 est adopté.)
Article 29
(Non modifié)
L’article L. 513-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 513-4. – L’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l’article L. 511-1 peut, dès la notification de l’obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie, notamment pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ.
« Un décret en Conseil d’État prévoit les modalités d’application du présent article. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 53 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 171 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 53 rectifié.
M. Jacques Mézard. L’article 7 de la directive Retour prévoit seulement qu’aux fins d’éviter la fuite de l’étranger celui-ci peut être obligé de se présenter régulièrement aux autorités. En aucun cas il n’est fait mention des diligences prises pour préparer le départ.
Aux termes de l’article 29 du présent projet de loi, l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut « être astreint à se présenter à l’autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie ». Cette disposition peut se comprendre, mais il est ajouté : « notamment pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ ».
Serait-il possible d’obtenir des précisions sur ce terme générique, sachant que l’article 7 de la directive Retour évoque seulement la possibilité de « déposer une garantie financière adéquate, de remettre des documents ou de demeurer en un lieu déterminé » ?
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l’amendement n° 171.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article 29 est censé transposer le paragraphe 3 de l’article 7 de la directive Retour. Reconnaissez que vous faites preuve d’un zèle excessif, parce que cette directive ne prévoit pas l’astreinte de l’étranger à se présenter à l’autorité administrative ni aux services de police !
Selon la directive, la justification de ce type de mesure est uniquement la prévention du risque de fuite, ainsi défini : « le fait qu’il existe des raisons, dans un cas particulier, et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une procédure de retour peut prendre la fuite ». Le projet de loi va donc bien plus loin, puisqu’il généralise ce contrôle à tous les étrangers qui ont bénéficié d’un délai de départ volontaire. Cette nouvelle disposition, comme celle qui vise la généralisation du bracelet électronique, participe en fait à la création d’un dispositif de contrôle et de surveillance des étrangers sans cesse criminalisés.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable, puisque ces deux amendements identiques tendent à supprimer l’article 29 aux termes duquel l’étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut être astreint à se présenter à la préfecture ou aux services de police ou de gendarmerie pour y indiquer les diligences accomplies dans la préparation de son départ.
Cette disposition est le corollaire de celles de l’article 23, qui fait de l’OQTF avec délai de départ volontaire la mesure d’éloignement de base : si l’administration doit en principe accorder un délai de départ volontaire, il semble légitime qu’elle puisse aussi vérifier que celui-ci est bien employé à préparer le départ.
J’ajoute cependant une observation concernant la rédaction de l’article 29. La commission des lois, contrairement à sa jurisprudence constante, a omis de supprimer un « notamment » à la fin de l’alinéa 2. Je me permets donc de déposer un amendement afin de réparer cette erreur.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 516, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, et ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer le mot :
notamment
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 53 rectifié et 171.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 375 rectifié, présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les conditions de cette astreinte sont notifiées par écrit dans l’obligation de quitter le territoire.
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. L’article 29 ouvre la possibilité d’astreindre un étranger à l’obligation de se présenter devant les autorités administratives pendant la période de départ volontaire, notamment pour leur indiquer les diligences qu’il accomplit en vue de l’organisation de son départ. Ne pas se soumettre à cette obligation peut être considéré comme une présomption d’absence de garantie de représentation, pouvant entraîner une décision de fin de délai de départ volontaire, ainsi qu’un placement en rétention.
Comme nos collègues qui viennent de s’exprimer, nous considérons que l’obligation imposée à l’étranger de justifier de ses démarches outrepasse, une nouvelle fois, les préconisations de la directive. En effet, cette dernière justifie ce type de mesure par la prévention des risques de fuite de l’étranger. Le projet de loi va beaucoup plus loin, car le simple fait, pour l’étranger, de se présenter aux autorités démontre qu’il n’a pas pris la fuite. Dès lors, nul besoin de l’obliger à faire état de l’organisation de son départ pour prouver qu’il n’a pas pris la fuite !
Par ailleurs, ce contrôle s’apparente à une violation de la vie privée de l’étranger dépourvue de tout fondement. C’est pourquoi nous défendions la suppression de cet article 29.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable, car elle a estimé qu’il était légitime que l’étranger puisse connaître, dès le prononcé de la mesure, les obligations auxquelles il devra se soumettre.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l’article 29, modifié.
(L’article 29 est adopté.)
Article 30
(Non modifié)
L’article L. 551-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 551-1. – À moins qu’il ne soit assigné à résidence en application de l’article L. 561-2, l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l’autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger :
« 1° Doit être remis aux autorités compétentes d’un État membre de l’Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ;
« 2° Fait l’objet d’un arrêté d’expulsion ;
« 3° Doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction judiciaire du territoire prévue au deuxième alinéa de l’article 131-30 du code pénal ;
« 4° Fait l’objet d’un signalement aux fins de non-admission ou d’une décision d’éloignement exécutoire mentionnée à l’article L. 531-3 du présent code ;
« 5° Fait l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris moins de trois années auparavant en application de l’article L. 533-1 ;
« 6° Fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prise moins d’un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n’a pas été accordé ;
« 7° Doit être reconduit d’office à la frontière en exécution d’une interdiction de retour ;
« 8° Ayant fait l’objet d’une décision de placement en rétention au titre des 1° à 7°, n’a pas déféré à la mesure d’éloignement dont il est l’objet dans un délai de sept jours suivant le terme de son précédent placement en rétention ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette mesure est toujours exécutoire. »
M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, sur l’article.
M. Louis Mermaz. L’article 30 concerne le placement en rétention de l’étranger sur décision de l’autorité administrative, pour une durée de cinq jours. Cet article est censé transposer le dispositif qu’organise en la matière la directive Retour ; malheureusement, il ne respecte pas les dispositions de cette directive inspirées par un esprit plus humaniste que celui qui anime les auteurs de ce projet de loi, comme nous l’avons déjà rappelé à de nombreuses reprises. Les dispositions susceptibles d’offrir une meilleure garantie aux étrangers sont gommées par l’adaptation au droit français de la directive Retour.
Il est d’abord précisé que l’étranger est placé en rétention « à moins qu’il ne soit assigné à résidence », mais les motifs de placement en rétention sont les mêmes que précédemment – absence de papiers, etc. –, à ceci près que l’interdiction de retour prononcée par le préfet constitue un motif nouveau de placement en rétention.
La directive Retour prévoyait une panoplie de mesures moins coercitives que l’assignation à résidence, telles que la remise du passeport aux autorités administratives, la simple obligation de pointage au commissariat sans obligation de garder le domicile, ou encore l’indication des démarches effectuées en vue du départ. La transposition est incomplète puisque, en n’envisageant que l’assignation à résidence comme seule mesure de substitution à la rétention, l’article 30 introduit une nouvelle restriction au droit des étrangers.
La directive prévoit également que, s’il n’existe plus de risque de fuite, ou si l’étranger « coopère » pleinement avec les autorités, la personne doit être remise en liberté. Mieux : même si un risque de fuite existe – qui sondera les cœurs ? – et que la rétention est la seule option pour garantir un éloignement, la personne doit être remise en liberté si cet éloignement n’est pas raisonnablement possible, pour des motifs juridiques – risques de « traitements inhumains ou dégradants », au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – ou autres, tels que l’absence de coopération des autorités consulaires, l’absence de représentation consulaire, comme dans le cas de la Somalie. Autrement, la rétention deviendrait un emprisonnement et revêtirait un caractère pénal.
La durée de la rétention initiale, pendant laquelle l’administration peut maintenir l’étranger en rétention sans l’intervention du juge judiciaire, passe de quarante-huit heures à cinq jours ; vous ne me direz pas qu’il n’y a aucun changement ! Ce délai devrait être replacé, nous dit-on, dans le contexte d’une réforme d’ensemble des procédures juridictionnelles d’éloignement. L’article 41, on le verra, porte, quant à lui, à quarante-cinq jours, contre trente-deux aujourd’hui, la durée maximale pendant laquelle un étranger peut être maintenu en rétention.
Cinq jours, quarante-cinq jours, ces durées peuvent sembler abstraites. Il faut rappeler ce qu’est concrètement cette rétention qui affecte la liberté d’hommes, de femmes et d’enfants dont le seul tort est d’être des étrangers. Elle les conduit parfois à s’automutiler, voire à commettre une tentative de suicide. Sur le site de la CIMADE – dont vous nous parliez tout à l’heure, monsieur le ministre, en oubliant de préciser que vous avez restreint son champ d’intervention –, on peut lire, en date du 4 février 2011, sous le titre « Une semaine presque ordinaire au centre de rétention du Mesnil-Amelot » – centre que j’ai eu l’occasion de visiter jadis en compagnie de Jean-Pierre Sueur –, un condensé des conséquences humaines dramatiques auxquelles peuvent conduire l’enfermement à tout prix et les dérives de la politique du chiffre. Cette dernière, d’ailleurs, ne règle rien, puisque les immigrés arrivent toujours, comme vous le savez !
En voici un exemple : « Lundi : après avoir subi deux tentatives d’embarquement, un monsieur de nationalité algérienne, maintenu en rétention par la préfecture du Val-de-Marne depuis le 13 janvier se taillade avec des lames de rasoir. La veille, il avait déjà avalé du savon. Suite à ces tentatives d’embarquement forcé, les autres personnes retenues se sont particulièrement émues de sa situation. Ce monsieur sera malgré ses blessures embarqué vers l’Algérie le jour-même. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. L’article 30 du projet de loi, modifie l’article L. 551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif au régime de placement en rétention administratif. Nous voulons attirer l’attention du Sénat sur le fait que le texte proposé par ce projet de loi pour l’article L. 551-1 crée plusieurs nouveaux cas autorisant l’administration à placer un étranger en rétention administrative. Je mentionne, en particulier, le placement en rétention administrative pour l’étranger qui doit être reconduit à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire.
Nous avons dit hier tout le mal que nous pensons de cette nouvelle mesure, je n’y reviendrai donc pas, même si le mot « bannissement » a provoqué, semble-t-il, quelques crises d’urticaire… Nous considérons, en effet, qu’il s’agit d’une « double peine » pour l’étranger, d’où notre opposition.
Par ailleurs, les mesures de substitution à la rétention prévues par ce projet de loi sont, nous semble-t-il, insuffisantes. Or la directive 2008/115/CE précise bien que la décision de placement en rétention ne peut intervenir qu’après la prise en considération d’autres formes de contrôle. Elle prévoit ainsi explicitement que, si « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives » peuvent être « appliquées efficacement », elles doivent se substituer à la rétention. J’ajoute que la consignation des documents d’identité, l’obligation de pointer auprès des services de police constituent autant de mesures de substitution efficaces.
Enfin, comme l’a rappelé Louis Mermaz, l’allongement de la durée de rétention initiale à cinq jours ne trouve aucune justification. Nous y reviendrons lorsque nous aborderons l’examen de l’article 37.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l’article.
Mme Bariza Khiari. Nous voici revenus à la transposition de la directive Retour, transposition dont nous constatons, de nouveau, qu’elle est incomplète. En effet, la directive Retour demande aux États membres d’essayer de privilégier des solutions qui ne passent pas par la rétention et le Gouvernement fait précisément l’inverse en favorisant cette dernière.
La directive prévoit que les mesures de rétention ne peuvent concerner que des étrangers dont on pense qu’il existe une forte probabilité de pouvoir les éloigner. Il s’agit d’un élément important, puisque vous savez que certains consulats ne vous permettent pas d’opérer cette reconduite à la frontière. Dès lors, puisque vous ne pouvez pas reconduire l’étranger visé – et vous le savez rapidement en général, tous les membres de la police aux frontières que nous avons rencontrés nous l’ont confirmé –, pourquoi le maintenir en détention ?
Vous n’avez donc pas transposé toute la directive, qui précise que ne peuvent être placés en rétention que les étrangers pour lesquels il existe des « perspectives raisonnables d’éloignement ». Nous aurions donc voulu que cette précision soit transposée dans l’article 30, ce qui n’est pas le cas.
Par ailleurs, la directive Retour encadre, dans son article 17, les conditions de rétention des mineurs et de leurs familles. Puisqu’il s’agit officiellement de transposer ce texte, nous aurions souhaité, là encore, que cela soit fait complètement.
En effet, selon la directive Retour, « les mineurs non accompagnés et les familles comportant des mineurs ne sont placés en rétention qu’en dernier ressort et pour la période appropriée la plus brève possible ». Or ce qui devrait relever de l’exception devient de plus en plus la règle : on compte de nombreux mineurs en centre de rétention, les rapports de la CIMADE sont sans équivoque sur ce point.
Nous assistons donc aujourd’hui à une institutionnalisation de ce qui relevait auparavant de l’exception. Il ne s’agit ni du « dernier ressort » mentionné par la directive ni de « la période appropriée la plus brève possible ».
Résultat de la politique du chiffre, le nombre de personnes en rétention augmente inexorablement, alors que les centres de rétention, surtout en région parisienne, ne disposent pas toujours des capacités d’accueil suffisantes ; mécaniquement, le nombre d’enfants placés en rétention aux côtés de leurs parents est également en hausse. Nous considérons, dès lors, que le texte de la directive n’est pas respecté.
Parce que des enfants sont concernés, de manière quasi automatique, nous vous demandons de bien vouloir faire en sorte que le placement d’un enfant en centre de rétention soit vraiment l’exception. C’est une des raisons, parmi d’autres, qui motivent nos amendements.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 54 rectifié est présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L’amendement n° 172 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L’amendement n° 376 est présenté par MM. Yung, Anziani et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il s’agit là d’un nouvel amendement de suppression, qui concerne un article extrêmement important sur le plan des principes.
M’appuyant une fois encore sur le rapport de notre excellente commission, je rappelle que, dans le droit en vigueur, « l’assignation à résidence n’est pas une mesure choisie par l’administration mais résulte d’une décision du juge des libertés et de la détention qui peut la prononcer exceptionnellement ». Or, le placement en rétention administrative, mesure privative de liberté affectant l’étranger pendant cinq jours, devient aujourd’hui la norme.
Le rapport nous fournit d’ailleurs des explications à ce sujet.
M. le rapporteur a effectivement très bien appréhendé la difficulté qui se présente à nous, tout en proposant d’adopter l’article 30 sans modification. Ainsi fait-il remarquer que, « alors qu’une transposition parfaitement fidèle de la directive Retour aurait supposé de prévoir que la rétention ne peut être décidée par le préfet que si l’assignation à résidence ne suffit pas, le présent article met sur le même plan ces deux mesures, entre lesquelles le préfet est donc assez libre de choisir ».
Toutefois, et je reconnais là son objectivité, M. le rapporteur ajoute : « Toutefois, il est vrai que la transposition stricte de la directive sur ce point aurait probablement eu pour effet un net accroissement d’un contentieux administratif déjà nourri. » On ne saurait mieux le dire…
En définitive, pour éviter cet accroissement de contentieux, on pourrait priver quelqu’un de sa liberté pendant cinq jours, sans aucune difficulté – je n’ose dire par une décision arbitraire, même si cela y ressemble – et en contrôlant la mesure a posteriori, ce qui est tout de même assez curieux dans un cas de privation de liberté.
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 172.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. La directive Retour demande aux États membres d’essayer de privilégier des solutions qui ne passent pas par la rétention. Mais, manifestement, la logique de criminalisation, d’enfermement et – oui, il faut le dire – de bannissement de l’étranger prime sur le principe de dignité humaine, que la majorité a par ailleurs beau jeu d’inscrire dans la Constitution.
Selon la directive, les mesures de rétention administrative ne peuvent concerner que des étrangers dont la possibilité d’éloignement est fortement probable. Elle conditionne ce placement en rétention à des perspectives d’éloignement que ne prévoit pas l’article 30 du projet de loi, telles que la remise du passeport aux autorités administratives.
Encore une fois, monsieur le ministre, vous n’avez donc pas transposé ce texte intégralement.
Par ailleurs, le placement en rétention administrative décidé par l’autorité administrative peut durer cinq jours. Vous franchissez un cap – pas des moindres, convenez-en – en permettant une mise en rétention arbitraire : le juge n’étant pas saisi dans de brefs délais pour se prononcer sur la validité de la présence en rétention de l’étranger, il ne peut donc intervenir pour interpréter le caractère nécessaire de la mesure.
Enfin, ce dispositif instaure une discrimination entre l’étranger qui fera l’objet d’une mesure d’assignation à résidence prononcée par le juge des libertés et de la détention et celui qui se verra placé en rétention administrative par l’administration.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous proposons d’adopter cet amendement de suppression.
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 376.
M. Roland Courteau. L’article 30 tend à modifier l’article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, relatif au régime de placement en rétention administrative.
La nouvelle rédaction ajoute plusieurs nouvelles situations autorisant l’administration à placer un étranger en rétention administrative. C’est le cas notamment du placement en rétention administrative pour les étrangers devant être reconduits à la frontière en exécution d’une interdiction de retour sur le territoire.
Pour le groupe socialiste, l’interdiction de retour sur le territoire français s’assimile à une double peine pour l’étranger obligé de quitter le territoire. Elle institue, de fait, le bannissement du territoire européen. Nous y sommes fortement opposés. Il n’y a pas lieu d’intégrer ce cas de figure dans le nouvel article L.551-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Par ailleurs, les alternatives à la rétention semblent insuffisantes. L’article 15 de la directive Retour prévoit pourtant que « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives », si elles peuvent être appliquées efficacement, doivent se substituer à la rétention. Ainsi, la consignation des documents d’identité et l’obligation de pointer auprès des services de police constituent des alternatives efficaces.
En outre, l’article L.551-1, dans la rédaction proposée, prévoit un allongement de la durée de rétention initiale à cinq jours, allongement qui ne trouve, selon nous, aucune justification.
Voilà pourquoi nous demandons la suppression de cet article 30.