M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
L’ordonnance du 13 janvier 2010 relative à la biologie médicale qui réforme les conditions de création, d’organisation et de fonctionnement des laboratoires de biologie médicale a été le fruit d’un important travail de concertation.
M. Guy Fischer. Quelle concertation ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Elle doit être néanmoins aménagée sur certains points – je n’y reviens pas car ils ont déjà été évoqués par M. le rapporteur.
Toutefois, le présent projet de loi traite de la loi de bioéthique et non de la biologie médicale. Ces aménagements seront donc insérés dans un autre vecteur, plus approprié, la proposition de loi Fourcade, qui a déjà été examinée par le Sénat et qui sera examinée à l’Assemblée nationale le 11 avril prochain.
M. le président. La parole est M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Le monde de la santé au sens large est aujourd’hui la victime d’une théorie tout économique, celle de la rationalisation.
Pour le Gouvernement, qui veut réduire la santé et les hôpitaux en de véritables entreprises de soins, et qui entend démanteler l’hôpital public, madame la secrétaire d’État,…
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. … il est possible, et même indispensable, de tout faire pour que les dépenses publiques soient toujours plus compressées.
Il faut dire que, pour le Gouvernement, une dépense c’est d’abord et avant tout un coût. À nos yeux, cette logique mécanique est idéologiquement marquée et nous réaffirmons avec force que les dépenses de santé peuvent constituer une chance pour notre pays ; elles sont en quelque sorte un investissement sur l’avenir.
Cette logique comptable, le Gouvernement a voulu la transposer au domaine de la biologie médicale en transposant, à l’occasion de la loi HPST, l’ordonnance relative à la biologie médicale. Bien que prévoyant une disposition intéressante, la reconnaissance du DES de biologie médicale, elle comportait d’autres mesures inacceptables, majoritairement refusées par les acteurs de terrain. Et pour cause !
En permettant aux « géants du secteur » de racheter les laboratoires de proximité qui n’auraient pas pu se conformer aux nouvelles exigences, cette ordonnance permet rien de moins que la financiarisation d’un secteur ô combien stratégique, puisque 80 % des prescriptions réalisées en France font suite à des examens de biologie médicale.
Cette volonté de réduire le nombre d’acteurs découle, personne ne peut l’ignorer, de la décision rendue à la suite de l’action engagée par la Commission européenne contre l’ordre national des pharmaciens, l’ONP, à qui elle reprochait de limiter l’installation des investisseurs extranationaux, c’est-à-dire d’entraver la libre concurrence.
Nous l’avons dit récemment à l’occasion de l’examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Jean-Pierre Fourcade sur mission du Gouvernement – en l’occurrence, notre collègue était effectivement en mission commandée –, l’organisation de la biologie médicale aurait nécessité que l’on distingue la biologie médicale hospitalière de la biologie médicale de ville.
Si nous sommes favorables à ce que l’on tire toutes les conséquences de la création du DES de biologie médicale, nous considérons que le risque que cette ordonnance fait peser sur les laboratoires de petite taille, qui participent à leur manière à la satisfaction des besoins en santé de proximité de nos concitoyens, est trop important.
Mes chers collègues, nous fréquentons tous un laboratoire de biologie médicale et nous constatons qu’une relation de qualité et de proximité s’établit avec le médecin, qui vient, d’ailleurs, conforter les prescriptions de notre médecin traitant, et que les conseils délivrés sont toujours très intéressants.
En conséquence, les membres du groupe CRC-SPG voteront cet amendement visant à abroger l’ordonnance relative à la biologie médicale.
M. le président. La parole est M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Vous l’avez noté, monsieur le rapporteur, nous avons souligné que nous souhaitions le rétablissement de l’article 4 quater pour des raisons différentes de celles qui ont été avancées par les députés.
Nous débattons sans cesse, dans cet hémicycle, des déserts médicaux. Or, de telles dispositions ne vont pas arranger les choses.
Mme Annie David. Exactement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Dans de nombreux territoires, nous avons beaucoup de mal à trouver des médecins. Dans certains cas, cela devient même absolument dramatique, que ce soit en milieu rural ou à la périphérie des villes.
M. Guy Fischer. Dans les quartiers populaires !
M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement. Si, à cette difficulté, on ajoute la concentration de la biologie médicale au travers de simples sites de prélèvements, on accroît encore les risques de déserts médicaux.
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous tenions à attirer votre attention sur ce point. Nous ferions bien d’y réfléchir avant de prendre ces dispositions et d’accepter cette ordonnance.
D’ailleurs, il est tout à fait anormal que de telles dispositions soient prises par ordonnance parce que cela nous empêche d’en débattre. En effet, nous n’avons pas pu donner notre avis sur cette ordonnance.
Nous risquons indirectement d’encourager la désertification médicale dans certains lieux.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. La parole est M. Jacques Blanc, pour explication de vote.
M. Jacques Blanc. Un véritable problème se pose dans certains territoires comme les territoires de montagne, singulièrement dans le département de la Lozère : comment répondre aux exigences fixées prévoyant un certain nombre d’actes d’analyse ? Quand vous avez 75 000 habitants dispersés, vous ne pouvez pas répondre aux critères envisagés.
J’attire l’attention sur le besoin d’une prise en compte spécifique dans des zones à très faible densité de population, en particulier dans des zones de montagne comme le département de la Lozère, de manière à pouvoir maintenir sur place des laboratoires qui, s’ils ne correspondent pas aux grands laboratoires évoqués, apportent des réponses très fortes et nécessaires à la population.
M. Guy Fischer. Et vous prétendez défendre les milieux ruraux !
M. le président. L'amendement n° 12, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un arrêté du ministre chargé de la santé, pris sur proposition de l’agence de biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables aux techniques d’identification des personnes en fonction de certaines de leurs caractéristiques physiques ou comportementales.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. La biométrie permet l’identification ou l’authentification d’une personne sur la base de données reconnaissables et vérifiables qui lui sont propres.
Elle s’est largement développée ces dernières années. Les techniques sont le plus souvent encore fondées sur l’analyse morphologique de la personne. La plus ancienne, le recueil des empreintes digitales, est toujours très largement utilisée.
De nouvelles techniques sont apparues récemment. Ainsi, la photographie de l’iris qui s’est banalisée lors des contrôles de police dans les aéroports. En effet, la spécificité de cette pratique est meilleure que celle des empreintes digitales : si de vrais jumeaux peuvent posséder des empreintes digitales très proches, leurs iris, en revanche ne sont jamais identiques.
Parmi les nouvelles techniques, on trouve également l’analyse du comportement pour identifier une personne, comme la reconnaissance vocale ou la dynamique de frappe sur un clavier d’ordinateur.
Les applications de ces techniques sont de plus en plus nombreuses. Autrefois réservée à la police, leur utilisation s’est étendue dans de nombreuses entreprises, pour la sécurisation d’entrepôts par exemple, dans des établissements de santé et même à l’école, avec la reconnaissance des empreintes digitales pour l’accès à la cantine scolaire.
Quelle que soit la technique utilisée, la biométrie met de fait en danger les libertés individuelles. Elle permet en effet la constitution de fichiers. Si, sur ce point, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, est vigilante, des dérives sont toujours possibles. On peut parfaitement comprendre que l’utilisation d’un code alphanumérique - numéro d’identification nationale, numéro de sécurité sociale – soit nécessaire dans de multiples aspects de la vie courante. En revanche, admettre que certaines caractéristiques physiques, ethniques, voire – pourquoi pas ? – des données économiques et sociales soient stockées indéfiniment revêt une tout autre dimension.
À notre avis, une grande sévérité s’impose pour protéger efficacement les principes fondamentaux des droits du citoyen et de la bioéthique. En effet, les fichiers menacent la vie privée, remettant en cause l’autonomie et la liberté de choix de la personne concernée dans l’utilisation ou la non-utilisation des données qu’ils contiennent, en particulier lorsque ces données concernent ce qui fait notre individualité.
C’est pourquoi nous proposons, au travers de cet amendement, que l’Agence de la biomédecine définisse les règles de bonnes pratiques en matière d’utilisation des données biométriques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Cet amendement prévoit que l’identification d’une personne par la biométrie soit régie par des règles de bonnes pratiques définies par arrêté du ministre de la santé.
La commission, considérant que cette disposition n’a pas sa place dans le code de la santé publique et qu’elle est traitée dans le code civil, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. La biométrie n’entre pas dans le champ des compétences de l’Agence de la biomédecine. Les données biométriques sont essentiellement utilisées à des fins de sécurité publique et, à ce titre, elles ne relèvent pas de l’activité médicale.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. On peut certes entendre les arguments de M. le rapporteur et de Mme la secrétaire d’État, mais la volonté de M. Godefroy, au travers de cet amendement, était de limiter le recours à la biométrie. L’usage qui est fait de ces techniques, qui devrait s’accroître à l’avenir, soulève un problème de fond et nous conduit à nous interroger sur l’éthique, sur la liberté de chacun, et c’est l’un des points auxquels nous sommes très sensibles. C’est pourquoi nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Mme la secrétaire d’État et M. le rapporteur soutiennent que la question que je soulève dans cet amendement concerne le code civil. Peut-être, mais encore faudrait-il que le code civil soit éclairé.
Par ailleurs, madame la secrétaire d’État, je suis surpris que vous puissiez affirmer que les techniques biométriques sont sans rapport avec la médecine. Je considère que l’on pourrait parfaitement demander à l’Agence de la biomédecine d’apporter des précisions et de présenter des recommandations quant à l’usage qui en est fait. Ensuite, on pourra, ou non, modifier le code civil, intervenir par le biais d’un autre texte. Pour ma part, je le répète, cet amendement me semble avoir sa place dans le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Face au développement des technologies nouvelles, souvent intrusives, M. Jean-Pierre Godefroy pose une vraie question de société.
Je considère toutefois, comme M. le rapporteur, que c’est au code civil, et notamment à la CNIL, de faire la part des choses. Ce qui peut être nocif, ce ne sont pas les techniques biométriques en elles-mêmes, c’est plutôt le stockage des fichiers qui en sont issus (M. Jean-Pierre Godefroy opine.). L’aspect pernicieux ne réside pas dans la technologie que l’on utilise pour reconnaître une personne, sécuriser un accès ou avoir la certitude que le repas que consomme tel enfant dans une cantine a bien été payé. C’est l’accumulation des données recueillies dans des fichiers qui pose problème.
Cela étant dit, je me range à l’avis de M. le rapporteur. Il me paraît impossible de demander ce travail dans ce cadre-là.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre II
ORGANES ET CELLULES
M. Alain Milon, rapporteur. En 2009, dans notre pays, 250 personnes sur liste d’attente sont décédées faute d’avoir reçu une greffe d’organes à temps. Alors même que la France s’est hissée au quatrième rang mondial en termes de prélèvements d’organes, l’augmentation plus que proportionnelle des besoins entraîne une pénurie dramatique et parfois mortelle.
Face à cette situation, que devons-nous faire ? Une première solution réside dans l’amélioration des techniques de prélèvement et de conservation des greffons. Certains organes transplantés ne peuvent fonctionner que quelques années et les patients ont par conséquent besoin d’une nouvelle greffe. Il est donc important d’améliorer la qualité des greffes dans le temps.
Une autre voie consiste à mettre en œuvre de nouvelles modalités de don. C’est ce que fait le projet de loi : il élargit le cercle des donneurs vivants et il permet le don croisé, par lequel un couple donneur-receveur, incompatibles entre eux, pourra faire l’échange d’un greffon avec un autre couple donneur-receveur placé dans la même situation. Cette nouvelle possibilité permettra de répondre à quelques situations, mais sa portée pratique sera nécessairement limitée.
Aussi, la réponse se trouve dans le fait d’agir sur le consentement au don, qu’il s’agisse de donneurs morts ou vivants.
Faut-il modifier notre législation ?
Je vous le rappelle, la loi Caillavet de 1976 nous fait tous donneurs supposés à notre mort, sauf opposition explicite. Le code de la santé publique prévoit néanmoins la consultation de la famille si l’intention de la personne décédée n’est pas connue.
Plusieurs amendements à venir tendent à simplifier le prélèvement, soit en prévoyant un consentement explicite, comme au Royaume-Uni, soit en limitant le rôle de la famille et des proches dans la décision de prélèvement.
Je ne pense pas que cette solution soit la bonne. Les pays où le consentement est explicite prélèvent moins que la France, et l’expérience montre que, même dans ce cas, les équipes demandent le consentement des familles. Il est d’ailleurs, à mon sens, difficile d’agir autrement. La logique médicale et celle de la solidarité nationale s’arrêtent au seuil du respect dû aux morts et à la manière dont sa famille le conçoit. Peut-on imaginer un instant que le don d’organes ne souffrirait pas terriblement d’un prélèvement opéré contre la volonté des proches ?
La commission considère qu’il faut d’abord mener un travail de pédagogie. Les jeunes générations ont, en matière de don, une attitude qui n’est pas celle de leurs aînés. Faire connaître la loi et les raisons du don d’organes paraît la meilleure solution pour l’avenir. Je me rangerai donc aux conclusions issues des comparaisons internationales et aux analyses faites par l’Agence de la biomédecine pour considérer qu’il serait dangereux de changer le système actuel.
La commission des affaires sociales s’est, en revanche, opposée à la mise en place de contreparties autres que symboliques pour les donneurs. Deux articles s’y apparentaient : celui qui instaurait une priorité accordée aux donneurs pour une éventuelle greffe future, ainsi que l’article 19 A, adopté par l’Assemblée nationale, lequel prévoyait la possibilité pour une personne n’ayant pas eu d’enfant elle-même de donner des gamètes et d’obtenir à cette occasion une conservation de ses propres gamètes. La commission a par conséquent supprimé ces deux articles, considérant qu’il s’agissait là d’un changement de la nature du don, et la recherche de donneurs plus jeunes et plus nombreux aurait alimenté le risque d’un glissement vers l’assistance médicalisée à la procréation de complaisance.
J’évoquerai un dernier point, technique celui-là. La commission a supprimé plusieurs articles que soutenaient certaines associations de donneurs, mais qui présentaient un caractère redondant avec les dispositions actuelles du code de la santé publique. Ce n’est pas en inscrivant une disposition deux fois dans la loi qu’on lui donne plus de force ; au contraire, on l’affaiblit.
Article 5
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1231–1 est ainsi modifié :
aa) La deuxième phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ainsi que toute personne pouvant apporter la preuve d’un lien affectif étroit et stable depuis au moins deux ans avec le receveur » ;
a) Après le même deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d’incompatibilité entre la personne ayant exprimé l’intention de don et la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en vertu des premier ou deuxième alinéas, rendant impossible la greffe, le donneur et le receveur potentiels peuvent se voir proposer le recours à un don croisé d’organes. Celui-ci consiste pour le receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne ayant exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en vertu des premier ou deuxième alinéas, tandis que cette dernière bénéficie du don du premier donneur. En cas de mise en œuvre d’un don croisé, les actes de prélèvement et de greffe sont engagés de façon simultanée respectivement sur les deux donneurs et sur les deux receveurs. L’anonymat entre donneur et receveur est respecté. » ;
b) À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « et des conséquences éventuelles du prélèvement, doit exprimer son consentement » sont remplacés par les mots : « , des conséquences éventuelles du prélèvement et, le cas échéant, des modalités du don croisé, doit exprimer son consentement au don et, le cas échéant, au don croisé » et les références : « premier et deuxième alinéas » sont remplacées par les mots : « premier, deuxième et, le cas échéant, troisième alinéas » ;
c) Au quatrième alinéa, le mot : « prévue » est remplacé par les mots : « de prélèvement sur une personne mentionnée » ;
2° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 1231–3, les mots : « de l’opération, les risques que celle-ci » sont remplacés par les mots : « d’un prélèvement et d’une greffe d’organe, les risques que le prélèvement » et est ajouté le mot : « potentiels » ;
3° À l’article L. 1231–4, après le mot : « notamment », sont insérés les mots : « les dispositions applicables aux dons croisés d’organes, ».
II. – Au premier alinéa de l’article 511–3 du code pénal et au deuxième alinéa de l’article L. 1272–2 du code de la santé publique, les mots : « troisième » et « cinquième » sont remplacés respectivement par les mots : « quatrième » et « sixième ».
III. – Au 7° de l’article L. 1418–1 du code de la santé publique, après les mots : « celle-ci et », sont insérés les mots : « de celle du registre des paires associant donneurs vivants et receveurs potentiels ayant consenti à un don croisé d’organes ainsi que ».
IV. – Le 1° de l’article 225–3 du code pénal est complété par les mots : « ou qu’elles se fondent sur la prise en compte des conséquences sur l’état de santé d’un prélèvement d’organe tel que défini à l’article L. 1231–1 du code de la santé publique ».
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l'article.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 5 vise à accroître le nombre de donneurs potentiels, d’une part en étendant le cercle des donneurs vivants et, d’autre part, en autorisant la pratique du don croisé.
Aujourd’hui, la technique médicale de la greffe d’organe est de mieux en mieux maîtrisée. Les antirejets permettent de juguler toujours plus le rejet. Et les résultats, en termes tant de durée que de qualité de la vie, s’améliorent chaque jour. Ces succès grandissants ne font d’ailleurs qu’accroître encore les besoins.
Pourtant, en France, chaque année, plus de 14 000 malades restent dans l’attente d’une greffe. En 2009, seuls 4 580 d’entre eux ont été greffés. La même année, M. le rapporteur l’a indiqué, 250 patients sont décédés, simplement parce qu’ils n’ont pu recevoir un greffon à temps. L’obstacle principal à la greffe réside dans la criante pénurie d’organes disponibles. Il nous appartient par conséquent de tout mettre en œuvre pour remédier à cette situation et, donc, d’augmenter le nombre de donneurs potentiels.
Or, comme le rappelle l’Agence de la biomédecine, deux voies peuvent permettre de combler l’actuel déficit d’organes : la lutte contre les refus « par précaution » et le prélèvement de nouveaux profils de donneurs.
Plusieurs dispositions de ce projet de loi ont pour objet de faciliter les transplantations à partir de donneurs décédés. Elles sont positives, certes, mais demeurent insuffisantes. En effet, le principe du consentement présumé n’est pas encore satisfaisant, notamment en raison du refus de la famille, qui, bien souvent, ignore le souhait du défunt. Un prélèvement possible sur trois est ainsi rendu impossible. C’est pourquoi j’ai signé l’amendement de mon collègue Jean-Pierre Sueur, qui vise à créer un registre d’enregistrement du consentement du don d’organes, afin de protéger juridiquement la volonté exprimée par la personne décédée.
La France a longtemps privilégié les prélèvements à partir de donneurs décédés. Aujourd’hui, il est essentiel de développer les dons de donneurs vivants, qui ne représentent que 5,6 % des prélèvements, alors même que ce type de transplantation est extrêmement performant.
Dans ces conditions, je salue l’amendement adopté par l’Assemblée nationale qui élargit le cercle des donneurs potentiels. Jusqu’à présent, les donneurs devaient appartenir à la seule famille nucléaire. La prise en compte de tous les membres entretenant ce que les sociologues appellent des « liens primaires » est positive.
Au Sénat, la commission des affaires sociales a jugé bon de durcir les conditions posées par les députés en ajoutant un critère de durée de deux années à l’existence du « lien affectif étroit et stable » entre le donneur et le receveur, par crainte du trafic d’organes. C’est pourquoi j’ai cosigné l’amendement de Raymonde Le Texier visant à revenir à la seule exigence posée par l’Assemblée nationale d’un « lien affectif étroit, stable et avéré ». Il me semble que cette exigence de durée est non seulement arbitraire, mais encore inutile dès lors que de nombreuses garanties permettent de s’assurer de la réalité des motivations constatées par l’équipe médicale, le « comité donneur vivant » et, enfin, le magistrat du tribunal de grande instance.
Certes, il s’agit de prendre toutes les dispositions pour pallier les dérives. Cependant, les données dont nous disposons sur le trafic d’organes révèlent qu’en Europe ces craintes relèvent davantage du fantasme. De surcroît, n’oublions pas que ce trafic serait entretenu par la pénurie d’organes et donc par la limitation du nombre de donneurs potentiels. En outre, il me paraît également important de lutter contre le « tourisme de la transplantation », qui, malheureusement, se développe.
Je terminerai en rappelant que, bien sûr, les critères de sélection des donneurs, fixés par le ministère, ne doivent pas écarter systématiquement les homosexuels du don. L’orientation sexuelle ne doit en effet assurément pas préjuger de conduites à risque. Cette affirmation n’est pourtant pas partagée par le Gouvernement. Aussi, j’ai cosigné l’amendement présenté par mon collègue Cazeau, qui dispose que « Nul ne peut être exclu du don en raison de son orientation sexuelle ».
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l’article.
M. Bernard Cazeau. J’y renonce, monsieur le président, étant précisé que je m’associe aux excellents propos de ma collègue Mme Lepage.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l’article.
M. Guy Fischer. Il est courant de rappeler que trois principes président en matière de don d’organes : le consentement, la gratuité et l’anonymat Ces trois principes jouent un rôle particulier puisqu’ils protègent, certes, les receveurs, mais surtout les donneurs. En effet, l’objectif est d’éviter que ne s’exerce sur ces derniers des pressions morales ou marchandes les conduisant à consentir de leur vivant au don d’un organe.
Or, les règles sont naturellement très différentes selon qu’il s’agit d’un don d’organe réalisé une fois la mort survenue ou d’un don effectué du vivant du donneur. Si le principe de l’anonymat du don est respecté dans le premier cas, il ne l’est nécessairement pas dans le second, puisque le don est réalisé au bénéfice d’un proche parent, qu’il s’agisse d’un frère ou d’une sœur, d’un fils ou d’une fille, ou encore d’une mère ou d’un père.
C’est d’ailleurs précisément parce que ce don d’une personne vivante fait obstacle au principe du respect de l’anonymat qu’il est très encadré.
L’article 5 prévoit de créer une nouvelle possibilité de don provenant d’un donneur vivant, en autorisant le don croisé d’organes. Il s’agit de permettre, lorsque deux « couples » donneur–receveur ne peuvent procéder à des dons d’organes du fait d’incompatibilités biologiques, de croiser les dons. Le donneur du premier couple donne son organe au receveur du deuxième couple et inversement.
Je voudrais illustrer ces propos par un exemple concret, trouvé sur Internet : « Irène a besoin d’une greffe de rein. Son mari Marc est prêt à lui donner un des siens, mais n’est pas biologiquement compatible. Le même problème se pose pour Marie, maman de Léa. Avec le don croisé, Léa pourrait bénéficier d’un rein de Marc et Irène d’un rein de Marie. » Voilà de quoi il est question lorsque l’on parle de « dons croisés ».
Cette proposition, qui reprend la préconisation formulée à l’occasion des états généraux de la bioéthique, tend en réalité à sortir du cercle familial, pour rechercher, au-delà de celui-ci, des personnes qui rencontreraient les mêmes difficultés de compatibilité entre donneur et receveur. Certains voient dans une telle démarche les prémices d’une commercialisation du don. Tel n’est pas notre cas.
Les dons réalisés à partir de donneurs vivants sont très rares, et les cas d’incompatibilité détectés peu de temps avant que la transplantation ne soit effectuée le sont également. Or, dans cet article 5, il n’est question que de cette situation particulière.
Contrairement à ce que j’ai pu lire, il ne s’agit pas d’instaurer dans la loi la mentalité du « donnant-donnant », il s’agit plutôt, comme le dit très justement le professeur Jacques Beghiti, d’apporter un nouvel élan de solidarité dans le don du vivant. Permettez-moi de citer le professeur Beghiti. « Moins on est biologique, plus on est humain. Ce qui fait l’homme, c’est de ne pas rester dans le cercle biologique. Autrement dit, pour le donneur vivant, pour le rein, je suis fortement favorable à l’élargissement à des gens qui s’aiment. ». Telle est l’analyse que nous faisons de l’article 5.
L’adoption de cet article, avec les protections actuellement prévues et celle que nous proposons au travers de notre amendement n° 90, nous semble être de nature à concilier notre exigence – partagée – de protection des donneurs comme des receveurs, tout en permettant de rendre possible davantage de greffes, c’est-à-dire de sauver un plus grand nombre de vies.