M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, on reproche parfois au Sénat d’agir avec lenteur. Cette fois, il faut reconnaître qu’il se hâte avec lenteur !
Les contrats ont été institués le 1er avril dernier pour le lait – c’est à cette date qu’est paru le décret concernant ce secteur – et le 1er mars dernier pour les fruits et légumes. (M. Gérard César acquiesce.) Nous dressons donc le bilan de mesures qui sont en vigueur depuis seulement deux mois, voire à peine un mois pour certaines. Quant aux coopératives, elles n’ont pas encore adopté les dispositions nécessaires à la mise en place de ces contrats, puisqu’elles ont jusqu’au 1er juillet prochain pour le faire.
Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me permettrez d’être un peu plus prudent que vous dans l’appréciation que je porte sur la mise en œuvre de ces dispositifs. Comme le disait un Président de la République, que je respecte d’ailleurs, comme je le fais de tous les titulaires passés, présents ou futurs de cette fonction, il faut savoir « laisser du temps au temps ». (Sourires.)
Seconde remarque générale, je crois en la contractualisation. Je l’ai défendue à l’occasion de l’examen du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, et je continue à y croire. Je suis convaincu que l’avenir nous donnera raison, comme à tous ceux qui ont soutenu cette démarche. La contractualisation est, à mes yeux, le seul moyen de gagner en visibilité, donc en prévisibilité, au profit de l’ensemble des agriculteurs de France.
J’en viens au fond du sujet, et j’évoquerai tout d’abord le réquisitoire que Mme Goulet a prononcé contre les contrats.
Comme c’est votre anniversaire aujourd'hui, madame Goulet (Sourires.),…
Mme Nathalie Goulet. C’était hier, maintenant ! (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Le Maire, ministre. … à quelques minutes près, en effet, je n’aurai pas la discourtoisie de critiquer trop violemment votre dénonciation de ce bébé âgé d’un mois et demi à peine que sont les contrats laitiers.
Toutefois, permettez-moi de relever quelques inexactitudes dans vos propos.
Vous critiquez les contrats dans les coopératives, en soulignant qu’ils sont une source d’inquiétude. Or ils n’existent pas encore ! Je le répète, les coopératives ont jusqu’au 1er juillet prochain pour régulariser leur situation. À partir du moment où elles disposent d’un volume global apporté par les producteurs qui en sont membres et qui sont associés à leur capital, elles sont appelées à définir, dans ce cadre collectif qui leur est propre, la façon dont elles mettent en place le contrat.
Vous déplorez le problème spécifique né de la distinction, au sein des quotas, entre les volumes A et B, ces derniers étant, selon vous, rémunérés à des tarifs absolument scandaleux et inacceptables dans le cadre des contrats. Je vous rappelle que, aujourd'hui, les volumes B non seulement ne sont pas payés, mais font en outre l’objet de pénalités de la part de la Commission européenne pour cause de surproduction, laquelle n’est pas acceptable dans le cadre des quotas.
M. Benoît Huré. Exactement.
M. Bruno Le Maire, ministre. Par ailleurs, vous affirmez qu’il faudrait attendre que les organisations de producteurs existent pour mettre en place les contrats. Néanmoins, ces organisations existent déjà, madame Goulet ! C’est bien parce que la Commission européenne a constaté que nous avions mis en place les contrats que nous nous orientons, en toute logique, vers un renforcement des organisations de producteurs. Si nous n’avions pas institué les contrats – je reviendrai sur cette éventualité –, nous ne renforcerions pas les organisations de producteurs.
Enfin, vous me dites que les producteurs sont pieds et poings liés à cause de ces contrats. Dois-je vous rappeler, madame Goulet, que personne ne force les producteurs à les signer ? (M. Gérard César acquiesce.) Les contrats sont obligatoires pour les industriels, et uniquement pour eux, comme cela a très bien été expliqué tout à l’heure. Les producteurs sont libres, s’ils le souhaitent, d’en rester au dispositif antérieur.
M. Gérard César. Oui !
M. Bruno Le Maire, ministre. Ces quelques remarques préliminaires étant faites, je veux vous souhaiter, de nouveau, un très joyeux anniversaire ! (Applaudissements.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, gouverner, c’est prévoir.
Il serait irresponsable de la part du Gouvernement de ne pas anticiper la fin des quotas prévue en 2015. On peut être favorable ou hostile à leur disparition : cela se discute, je le reconnais bien volontiers.
Néanmoins, nous faisons partie d’une communauté européenne dont les règles s’imposent à tous. Dès le premier jour de mes fonctions, il m’est apparu que la position française consistant à défendre les quotas était vouée à l’échec au sein de l’Union européenne. Elle ne nous aurait pas permis d’engager ce qui me tient le plus à cœur, c'est-à-dire la régulation des marchés. Pour obtenir cette dernière, il fallait cesser d’illusionner les producteurs au sujet des quotas ! (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.) Nous devions reconnaître que notre position n’était plus tenable en Europe, qu’elle isolait la France et qu’elle nous empêchait de prendre le leadership pour la réforme de la politique agricole commune après 2012.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Prévoir, c’est également assumer la concurrence de nos voisins et se défendre contre elle. L’Allemagne, en particulier, qui est devenue depuis quelques années un grand producteur agricole, récupère nos propres quotas pour vendre, avec des prix inférieurs aux nôtres, le lait que nous devrions, nous, produire en France. Nous ne pouvons ignorer cette réalité.
Prévoir, c’est aussi faire en sorte que notre production de lait ne soit pas chaque année inférieure à nos quotas, comme c’est le cas depuis près de dix ans maintenant. Dois-je rappeler aux sénatrices et aux sénateurs présents ce soir – je les remercie d’ailleurs d’être restés si tard en séance pour débattre de ce sujet, qui nous tient tous à cœur – que, depuis plus de dix ans, la France sous-réalise de 8 % à 10 % de ses quotas laitiers ? Cela signifie que notre pays offre le revenu de ses propres agriculteurs aux producteurs de lait allemands, parce qu’il n’est pas capable de réaliser ses quotas.
Prévoir, c’est également sortir les producteurs de l’instabilité chronique qu’ils subissent depuis des années.
En effet, de deux choses l’une : soit la situation qui existait précédemment dans le secteur était parfaite et tous les producteurs de lait en France vivaient royalement grâce aux revenus considérables garantis par des prix de production à la tonne extrêmement élevés, personne ne pleurant donc sur leur sort ; soit, au contraire, comme je le crois profondément, la situation des producteurs de lait dans notre pays était intenable, les prix étant souvent trop bas, avec de trop fortes variations, ce qui obligeait le ministre de l’agriculture en fonctions à intervenir, à la marge de la légalité – reconnaissons-le –, pour imposer des prix à des industriels qui n’étaient plus disposés à les accepter.
À l’évidence, je le répète, la situation était intenable. Il fallait changer le système et passer à autre chose. C’est exactement ce que nous avons fait avec les contrats laitiers.
Pour autant, je ne prétends pas que le mois et demi qui s’est écoulé depuis la publication du décret m’a laissé béat de satisfaction et que j’ai été totalement ravi de l’attitude des industriels. Au contraire, j’ai moi-même dénoncé cette dernière.
Je le répète de nouveau à cette tribune, devant la représentation nationale : je regrette profondément l’attitude qu’ont eue certains industriels, parmi les plus importants du secteur, lors de la mise en place de ces contrats. Ils auraient pu – disons-le clairement – jouer davantage le jeu. C’était leur intérêt, celui des producteurs et, tout simplement, celui du pays. Cet épisode a achevé de me convaincre que, en France, hélas, les représentants de la nation et de l’État restent les seuls garants de l’intérêt général.
En revanche, nous voyons progressivement se conclure sur certains points du territoire des contrats tout à fait convenables. Certains industriels, que je ne peux pas citer nommément dans cet hémicycle, ont bien joué le jeu. Ils ont accepté de récompenser leurs producteurs. Ils ont offert à ces derniers des contrats, courant sur plusieurs années, dont les conditions, en termes d’indicateurs de prix, de volumes, de dispositifs de révisions et de clauses de cession – les producteurs y sont très attachés – sont tout à fait satisfaisantes et conformes au guide de bonnes pratiques édicté par l’interprofession.
Quant aux autres industriels, je leur demande de respecter les règles qui ont été fixées. Nous avons mis en place un médiateur, qui devra s’assurer du caractère équitable des contrats proposés, et je veillerai à ce que cet impératif soit respecté.
Je n’accepterai pas que certains contrats, comme cela a pu être le cas, remettent en cause les droits syndicaux des producteurs ou laissent entendre que ces derniers ne peuvent ou ne doivent s’organiser pour négocier les prix avec les industriels. Il me revient de rappeler la règle de droit et de faire en sorte que la relation entre producteurs et industriels soit équitable.
Naturellement, nous voulons améliorer encore l’organisation des producteurs. L’interprofession a joué le jeu. Elle a élaboré un guide de bonnes pratiques et même mis en place, dans plusieurs départements, des systèmes d’appui pour les producteurs et des points d’aides à la signature des contrats. Je tiens à les en féliciter. Ces documents seront signés dans les semaines et les mois à venir – je n’ai aucun doute à cet égard –, puis leurs dispositions seront mises en œuvre.
Par ailleurs, quand le paquet « lait », dont je rappelle qu’il a été porté par la France – il a été mis sur la table du Conseil de l’Union européenne par le ministre français de l’agriculture –, aura été définitivement adopté, comme je le souhaite, nous pourrons obtenir une modification du droit de la concurrence, afin que les producteurs aient la possibilité de s’organiser de façon encore plus collective, pour négocier leurs contrats avec les industriels en étant encore davantage en position de force.
Dans le cas de la France, les producteurs seront autorisés à se rassembler jusqu’à un seuil fixé à 3,5 % de la production laitière communautaire et à un tiers de la production nationale. Cela signifie, par exemple, que tous les producteurs de lait de Bretagne auront la possibilité, s’ils le souhaitent, de se regrouper au sein d’une organisation unique pour négocier le prix et la quantité du lait vendu aux industriels. Le paquet « lait » introduira donc un changement en profondeur pour tous les producteurs.
Dès lors, me direz-vous, pourquoi n’a-t-on pas attendu d’avoir ce paquet « lait » et cette modification du droit de la concurrence européen pour mettre en place les contrats ? La raison est très simple : la Commission observe de près ce que nous faisons, afin de déterminer si nous croyons aux contrats et les mettons vraiment en place.
La France, je le rappelle, est la seule à porter l’idée de la modification du droit de la concurrence européen, la seule à réclamer une meilleure organisation des producteurs, la seule à avoir souligné la nécessité d’une relation plus équitable entre agriculteurs et industriels. Si jamais elle renonce et faillit sur la question des contrats, c’est la modification du droit de la concurrence et le paquet « lait » qui seront remis en cause à la fin de l’année !
Si je tiens tellement à ce que nous ne perdions pas une minute pour mettre en place les contrats, c’est parce que je souhaite que, d’ici à la fin de l’année, nous adoptions le paquet « lait » avec tout ce qui l’accompagne, à savoir la modification du droit de la concurrence ainsi que le renforcement et le regroupement des producteurs.
Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, vous m’avez tous interrogé sur la filière viande. Je souhaite, dès à présent, vous répondre au sujet de ce secteur, avant d’évoquer celui des fruits et légumes.
Dans la filière viande, également, les contrats sont indispensables. Et je me contente d’observer les faits !
On nous disait, voilà quelques années, que la filière agneau était condamnée en France. On nous expliquait, et c’était vrai, que la Nouvelle-Zélande inondait le marché avec des agneaux qui étaient en fait des sous-produits de la filière laine et dont la valeur était nulle, en les vendant à des prix bien trop compétitifs pour que nous puissions lutter. Par conséquent, il valait mieux, selon certains, que les agriculteurs français abandonnent cette production.
Or, force est de le constater, une nouvelle organisation du secteur, en l’occurrence le regroupement des producteurs, ainsi que la mise en place de contrats de premier et de deuxième niveaux passés entre les agriculteurs et les industriels – auxquels, je l’espère, la grande distribution s’associera demain ... –, a permis de sauver la filière agneau française. Vous reconnaîtrez aussi que le bilan de santé de la PAC, qui a permis de redistribuer 120 millions d’euros en faveur de la filière, a également contribué à ce sauvetage.
Sans ces contrats, c’en était fini de la filière agneau française !
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous le dis avec beaucoup de gravité : si la filière bovine, à laquelle je suis viscéralement attaché, comme vous tous ici, car elle est une partie de l’identité de la France et de nos territoires, ne prend pas, prochainement, un certain nombre de décisions, sur lesquelles nous travaillons depuis plusieurs mois, elle connaîtra des difficultés dont elle ne se relèvera pas.
Si elle ne met pas en place le GIE, ou groupement d’intérêt économique, pour l’exportation, elle ne parviendra pas à gagner des parts de marché à l’étranger. Si l’audit de l’ensemble des abattoirs français n’est pas mené à son terme, elle ne rattrapera pas son retard de compétitivité par rapport à l’Allemagne. Si les interprofessions ne se regroupent pas davantage, nous ne réussirons pas à mieux valoriser la viande bovine française. Enfin, si nous ne définissons pas davantage d’indications géographiques protégées, de labels de qualité ou d’autres dispositifs du même ordre, le prix de nos races à viande continuera d’être aligné sur celui de la vache de réforme, ce qui ne manquera pas, bien sûr, de pénaliser les revenus des producteurs. Il est urgent que cette filière se réforme !
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous êtes également battus en faveur de la mise en place de dispositifs d’assurance au sein de cette filière ; j’y suis tout à fait favorable.
La sècheresse dramatique qui plonge actuellement des dizaines de milliers de producteurs dans une détresse terrible, sur l’ensemble du territoire français, nous montre qu’il est indispensable de prévoir un dispositif de réassurance publique, qui permettra d’offrir des sécurités financières à nos éleveurs.
À défaut, nous serons encore contraints d’activer le Fonds national de garantie des calamités agricoles, comme ce sera le cas dans quelques semaines, sur ma demande, et de faire payer par l’État ce que les agriculteurs n’auront pas pu vendre, soit, pour les seuls éleveurs, la totalité de leur production. C’est infiniment regrettable !
J’en viens aux contrats interfilières, pour lesquels je plaide depuis des mois. Je regrette que nécessité fasse loi en la matière et qu’il ait fallu une sècheresse pour que se mette en place un tel dispositif.
Pourquoi ces contrats ne sont-ils pas disponibles dès maintenant ? Pourquoi a-t-on tant tardé ? Pourquoi certains dirigeants agricoles n’ont-ils pas su prendre en main le destin des filières dont ils ont la responsabilité ?
Le calendrier s’accélère aujourd’hui, et je m’en réjouis. Les contrats entre les filières de l’élevage et celles des grandes productions seront signés, au plus tard, dans trois semaines ou un mois, car l’urgence s’en fait sentir. Il est dommage que ces documents n’aient pas été prêts un peu plus tôt ; cela aurait sans doute permis de prévenir les difficultés actuelles en termes de mise à disposition de fourrage et de paille.
Je tiens à rassurer Aymeri de Montesquiou, qui a plaidé pour la mise en place de ce dispositif : nous irons plus vite que prévu, et j’espère que les premiers contrats entre céréaliers et éleveurs pourront être signés avant le 1er juillet prochain, en vue de garantir les prix ainsi que des quantités suffisantes de fourrage pour nourrir les bêtes. Celles-ci en ont bien besoin en cette période de sècheresse !
En ce qui concerne maintenant les fruits et légumes, le décret relatif à ce secteur est entré en vigueur le 1er mars 2011. Nous avons privilégié la voie réglementaire pour une raison très simple : il y avait urgence à agir, et l’interprofession m’avait fait savoir, très clairement, qu’elle n’était pas prête à signer un accord.
S’il y a bien une filière qui doit faire évoluer ses relations commerciales, c’est celle des fruits et légumes ! La contractualisation écrite a été mise en place dans ce secteur afin d’en modifier les pratiques, qui sont loin d’être excellentes, et de contribuer à changer les mentalités.
Qu’on ne me dise pas que le texte de ce décret n’a pas été discuté ! Il a fait l’objet d’une longue négociation avec les organisations professionnelles agricoles, qui l’ont majoritairement approuvé.
Tel qu’il est rédigé, ce décret est tout à fait applicable. Certains me disent que trois ans, c’est trop long. D’autres estiment que des durées plus courtes seraient de nature à nuire aux intérêts des producteurs. Ces derniers ont raison : si nous voulons inscrire nos relations commerciales dans la durée, il faut leur donner du temps. Cela n’empêche nullement de réviser les prix et les quantités, bien sûr ; d’ailleurs, le contrat le prévoit. Cela n’interdit pas non plus aux producteurs qui le souhaitent de contractualiser seulement une partie de leur production.
En effet, c’est l’acheteur qui doit commercialiser et contractualiser 100 % des volumes achetés. Pour ma part, je comprendrais tout à fait qu’un producteur ne s’engage que pour une partie de sa production, afin de s’assurer un revenu minimum et de garantir la stabilité d’une partie de ses ressources.
Si une disposition de ce décret mérite éventuellement d’être révisée, c’est celle qui est relative aux carreaux des producteurs des marchés de gros.
J’ai écouté attentivement ce que disait Daniel Soulage sur ce sujet sensible, dont m’ont également saisi plusieurs producteurs ; enfin, j’ai appris ce qui s’était passé à Agen, dans ce département que je connais bien. Nous aménagerons donc le décret afin de tenir compte des spécificités des carreaux de producteurs.
Une fois encore, je ne suis pas un garçon buté ! Comme je l’ai dit lors du débat sur la politique forestière et le développement de la filière bois, je suis le premier à reconnaître les erreurs qui ont été commises et à vouloir les corriger. S’agissant du cas particulier des carreaux, nous modifierons donc le dispositif.
Je retiens la proposition de Daniel Soulage visant à ce que les factures et bons de livraison tiennent lieu, dans ce cas précis, de contrats. Je ferai expertiser cette mesure ; si elle est juridiquement possible, nous la mettrons en œuvre.
Dans ce secteur des fruits et légumes, nous nous heurtons à des résistances qui tiennent tant aux principes qu’à l’organisation et de la filière. Celle-ci doit évoluer afin de laisser davantage de place à l’organisation et à la mutualisation des intérêts des producteurs. En cas d’échec, ces derniers connaîtront, là encore, des difficultés très importantes. Or j’ai pour souci premier et constant de défendre les intérêts de tous les producteurs agricoles de ce pays.
Pour conclure, je tiens à rappeler que le dispositif de contractualisation constitue non pas une solution miracle, mais un outil au sein d’une réflexion plus large, qui s’articule autour de trois piliers indispensables.
Le premier est la meilleure organisation des producteurs.
Ce qui ruine l’agriculture française, c’est le défaut d’organisation des producteurs. Ce qui rend si difficile la vie des agriculteurs français, c’est l’insuffisante solidarité entre les filières professionnelles, la non-organisation entre producteurs, industriels et distributeurs, enfin l’absence de coopération et de dialogue, pourtant indispensables, à l’intérieur d’une seule et même filière.
Voilà désormais deux ans que j’assume les fonctions de ministre de l’agriculture. Lors des réunions entre les professionnels que j’anime au rythme de trois ou quatre par semaine, j’assiste aux divisions, aux querelles, aux affrontements pricocholins. Je regrette profondément ces conflits car, au bout du compte, ce sont toujours les producteurs, ceux qui sont sur le terrain, qui en paient le prix.
Si nous voulons que les filières s’en sortent dans le monde et l’Europe d’aujourd’hui, il faut que les producteurs s’organisent davantage.
Le deuxième pilier indispensable est la régulation européenne des marchés.
Il n’est pas possible de mettre en place une libéralisation totale des marchés agricoles. Je veux le répéter avec force : les produits agricoles ne sont pas des produits comme les autres. Le temps de la production agricole n’est pas celui de la production industrielle ou de services. Ce secteur est en effet soumis à une irréversibilité qui n’existe dans aucune autre forme de production.
La production agricole, c’est la vie, et l’on ne peut pas tout changer, dans ce domaine, du jour au lendemain. On ne peut pas demander à une vache de cesser de fournir du lait dans les deux jours ou les trois prochaines semaines ! On ne peut ni interrompre une production de fruits et légumes en quelques jours ou quelques semaines, ni la calibrer au kilogramme près, alors que l’on ne sait rien des conditions météorologiques à venir. De même, on ne saurait maîtriser le rendement d’une parcelle de blé ou de colza. Il faut impérativement tenir compte de cette réalité, afin de s’orienter vers une régulation des marchés.
Réguler les marchés, c’est sauver l’agriculture européenne ! Ce combat mérite d’être mené.
Enfin, le troisième pilier indispensable est celui de la lutte contre la volatilité des prix agricoles à l’échelle mondiale.
Il serait temps que les responsables des pays les plus puissants de la planète, qui s’occuperont – pour une fois ! – d’agriculture, à la demande du Président de la République, lors de la prochaine réunion du G20, comprennent que le blé, le maïs, le riz et l’élevage sont aussi importants que le pétrole.
Il n’y a aucune raison de s’être autant battu pour mieux organiser les marchés pétroliers et énergétiques mondiaux, certes stratégiques pour la bonne marche du monde, et d’avoir délaissé à ce point l’agriculture, les matières premières agricoles, le blé et le riz.
Ces questions, également, sont stratégiques pour la planète ! En effet, lorsqu’un peuple n’est pas nourri, il se révolte, et l’instabilité qui en résulte est tout aussi dangereuse que celle qui naît de la pénurie de pétrole, de gaz ou des autres matières premières énergétiques. J’espère que les États membres participant à la réunion du G20 à Paris, les 22 et 23 juin prochains, auront compris, à la suite des négociations intenses que j’ai conduites durant un an à travers le monde, qu’il en va de leur intérêt de s’entendre sur la régulation des marchés agricoles, sur la lutte contre la volatilité des cours et sur une meilleure gouvernance agricole mondiale. Tel est mon vœu pour ce G20 organisé par la France ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Mmes Renée Nicoux et Maryvonne Blondin applaudissent également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous en avons terminé avec cette question orale avec débat sur la contractualisation dans le secteur agricole.