M. Guy Fischer. C’est bien la vérité !
M. Jacky Le Menn. ... que nous dénonçons, qu’au volet thérapeutique. Cela s’apparente à des mesures de sûreté n’ayant rien à voir avec la psychiatrie.
Il fallait un texte pour mieux répondre aux préoccupations des professionnels de santé, et surtout des patients et de leurs familles ; nous le reconnaissons. Mais les réserves que nous émettons sur ce projet de loi sont bien évidemment en rapport avec ce contexte sécuritaire que le Gouvernement entretient délibérément, dans ce texte comme dans d’autres textes qui sont tout aussi importants et dont nous avons eu à débattre récemment.
Le Gouvernement est obnubilé par ses préoccupations d’ordre public qui s’expriment maintenant de façon régulière dans notre pays. Mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions partager une telle phobie sécuritaire.
À défaut de voir ce texte retiré, ce qui serait le mieux, ou limité au strict nécessaire exigé par le Conseil constitutionnel concernant l’intervention du juge des libertés et de la détention dans les différentes étapes de la procédure, nous allons à nouveau essayer, par les amendements que nous avons déposés, d’infléchir ce projet de loi dans ce qu’il décline de plus négatif.
Certains de ces amendements prendront en compte les dernières préconisations du Conseil constitutionnel, qui, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité en date du 9 juin dernier, a censuré deux articles du code de la santé publique : les articles L. 3213-1 et L. 3213-4. La portée de cette censure est très importante, puisqu’elle signifie que le renouvellement du contrôle de la mesure du maintien en hospitalisation d’office doit avoir lieu tous les quinze jours. Cela induit que tout le dispositif prévu par le Gouvernement au trente-troisième alinéa de l’article 3 du projet de loi devient caduc.
Nous gardons l’espoir que, lors de cette deuxième lecture au sein de la Haute Assemblée, la sagesse de nos débats saura prévaloir sur l’esprit partisan. Bien évidemment, il y va de l’intérêt des malades, de leurs familles et de nos concitoyens, alors que le Gouvernement s’ingénie – allez savoir pourquoi ! – à mobiliser systématiquement les réflexes de peur de l’autre et de peur de la différence.
Cela est particulièrement attentatoire à l’idée que nous nous faisons de la cohésion sociale dans une société développée, où la solidarité doit l’emporter sur la défiance, celle-ci étant le précurseur d’un état d’anomie sociale, au sens où l’entend le sociologue Émile Durkheim dans son étude intitulée Le suicide. C’est un état qui est toujours préjudiciable au plus grand nombre des citoyens d’une société qui finit par douter d’elle-même avant de s’effondrer. Ce n’est pas, vous l’admettrez, l’objectif collectif que nous entendons voir fixer pour notre société française.
Pour conclure, je reprendrai à mon compte ce que déclaraient dans un article récent du quotidien Le Monde, à propos de ce projet de loi, des membres du collectif d’animation et de recherche interdisciplinaire en santé mentale, le Carisme, composé de sociologues, d’historiens, de politistes, etc. : « En proposant la création d’une obligation de soin hors de tout contexte d’infraction [...] Faute de répondre aux exigences éthiques et thérapeutiques auxquelles une politique envers des personnes vulnérables doit être soumise, le projet actuel s’expose à l’inefficacité, voire aux dérives sécuritaires, et étouffe un débat qui commence tout juste à s’ouvrir », « un débat nécessaire sur les aménagements possibles du consentement aux soins et sur les obligations de protection. ».
Hélas, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, on ne saurait mieux dire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
M. Jean Desessard. Bravo !
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, les décisions du Conseil constitutionnel rythment de plus en plus l’ordre du jour de notre assemblée ; la dernière décision du 9 juin 2011 sur deux questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la conformité aux droits et libertés constitutionnelles des articles L.3213-1 et L. 3213-4 du code de la santé publique en est encore l’illustration.
Un équilibre a-t-il vraiment été trouvé dans le contrôle de l’œuvre législative ? Il est pour le moins légitime de se poser la question compte tenu de la situation difficile dans laquelle nous sommes, ayant à réexaminer un texte moins de huit jours après une décision constitutionnelle !
En tout cas, sans la première décision du Conseil constitutionnel, il est clair que le texte « Droits et protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques » ne serait pas venu devant nous. Nous appelions de nos vœux une grande loi de santé mentale pour répondre aux difficultés, voire aux drames vécus par des centaines de milliers de familles, aux interrogations légitimes des praticiens hospitaliers, pour résoudre de manière plus équilibrée la difficile équation : maladie, soins, contrainte et liberté.
Plus de vingt ans se sont écoulés depuis la loi de 1990. Le temps du bilan, de la réflexion, de la proposition avait été largement donné ; malgré cela, nous voilà contraints de légiférer une nouvelle fois dans l’urgence, ce qui n’est jamais bon, surtout quand est pratiqué l’amalgame entre dangerosité et troubles psychiatriques, ce qu’avait justement déploré en 2008 la commission nationale consultative des droits de l’homme.
La seule finalité qui vaille est celle des malades et de ceux qui les soignent. Mais nous connaissons tous, ici, l’état catastrophique de ce secteur de santé et la raréfaction dramatique du nombre de médecins psychiatres hospitaliers, qui rendront quasiment impossible l’application pratique de cette loi.
Cette loi ne résout aucunement les vrais problèmes ; elle met en place une accumulation de procédures, dont l’enchevêtrement et la complexité sont contraires au titre même de ce projet de loi de « protection des personnes ».
La sagesse est de donner aux psychiatres hospitaliers les moyens de faire leur métier, c’est-à-dire de soigner les malades dans les meilleures conditions. Ce n’est pas la création d’un arsenal procédural, tant administratif que judiciaire, qui permettra d’atteindre cet objectif.
Nous sommes dans un domaine où la question de la préservation de la liberté individuelle est primordiale. À cette fin, comme vous l’avez dit, madame la secrétaire d'État, il convient de donner sens à la psychiatrie, de faciliter le travail au quotidien des praticiens hospitaliers et de simplifier les démarches et recours éventuels des patients contestant des mesures touchant à leur liberté.
La solution n’est certainement pas l’accroissement des pouvoirs des psychiatres, encore moins celui des directeurs d’hôpitaux et des préfets, et encore moins la jungle procédurale !
Le contrôle judiciaire est indispensable ; il n’a de sens que si les magistrats et leurs greffes sont en mesure de le réaliser. Or, nous le savons, les moyens ne leur en sont point donnés, ni en la forme ni au fond.
La solution raisonnable eut été, en l’état, de ne légiférer que sur la question du contrôle judiciaire imposé par les décisions du Conseil constitutionnel et de reprendre le travail sur la réforme au fond de la loi de 1990.
Certes, lors de la première lecture, le Sénat a permis d’infléchir le texte sur certains points.
Ainsi, nous nous étions longuement interrogés sur la notion de soins sans consentement sous une autre forme que l’hospitalisation complète. La suppression de cette modalité de soins, proposée par le rapporteur initialement désigné, Mme la présidente Muguette Dini, a tout d’abord été adoptée par la commission, avant de conduire au rejet du texte issu de ses travaux par la majorité.
Une rédaction de compromis a ensuite été adoptée en séance, sur l’initiative de notre excellent collègue Alain Milon et de M. le rapporteur Jean-Louis Lorrain. Elle met en exergue l’incapacité à consentir du malade et supprime la notion de formes de soins au profit de celle de lieux de soins. Les efforts déployés par nos collègues démontrent, s’il en est besoin, que, dans cet hémicycle, de nombreux élus sont mal à l’aise avec ce texte.
Quoi qu’il en soit, l’Assemblée nationale est revenue largement sur les avancées modestes que nous avions proposées, et nous sommes en droit, aujourd’hui, de nous inquiéter.
Chacun peut sans doute partager l’objectif de diversification des modes de prise en charge des personnes atteintes de troubles mentaux. Subsiste toutefois un trop grand nombre d’interrogations, à commencer par celle qui porte sur les moyens. Il est clair en effet que la mise en œuvre de ce nouveau dispositif exigera des besoins supplémentaires, puisque pas moins de six avis médicaux en une semaine, voire dix pour certains patients, seront nécessaires. Il faudra également désigner des référents et des accompagnants pour la gestion de la contrainte hors les murs. Sur le terrain, nous le savons tous, ce système est strictement irréaliste, la situation étant déjà extrêmement difficile dans certains établissements, en particulier dans le secteur psychiatrique.
L’extension de la notion de contrainte aux soins ambulatoires est, de surcroît, un contresens. Si la nécessité de l’hospitalisation sans consentement n’est pas contestable eu égard à la gravité de la maladie mentale, le soin lui-même passe par la parole et ne peut se concevoir sans le consentement des patients.
Nous attendions une grande loi sur la santé mentale, centrée sur la prise en charge du malade. Au lieu de cela, on nous apporte un texte qui n’est qu’assemblages de procédures complexes donnant prépondérance aux décisions administratives, un texte axé essentiellement sur l’aspect sécuritaire, alimentant l’exclusion et la stigmatisation de personnes qui auraient besoin, au contraire, de trouver leur place dans la cité, enfin un texte qui va freiner le processus de sortie des hospitalisations sous contrainte et compromettre la confiance des patients, qui fonde toute relation soignante.
Lisibilité, efficacité et applicabilité sont, de l’avis de nombre de membres de notre groupe – et cet avis me semble très largement partagé –, les trois vertus d’une loi. Or ces dernières sont absentes de ce texte. La meilleure preuve est que ce projet de loi est aujourd’hui rejeté tant par les praticiens et les associations de patients que par les magistrats eux-mêmes.
En conséquence, la très grande majorité de notre groupe votera contre ce projet de loi, certains d’entre nous s’abstenant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean Desessard applaudit également.)
M. Guy Fischer. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la colère gronde ! (MM. Jean Desessard et Alain Gournac s’exclament.) Parmi les professionnels, les associations, les patients et leurs familles, ainsi que les magistrats, la colère gronde contre ce texte, comme en atteste la conférence de presse organisée hier au Sénat par les groupes de gauche.
L’examen en deuxième lecture par notre assemblée du projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge est l’occasion, pour le groupe CRC-SPG, de dénoncer une nouvelle fois l’idée que vous vous faites, madame la secrétaire d’État, mesdames, messieurs de la majorité, des maladies mentales, de ceux qui en sont atteints et de ce que devrait être, selon vous, la psychiatrie.
Nous avions voté contre ce texte en première lecture ; les quelques amendements adoptés lors de l’examen en deuxième lecture par l’Assemblée nationale n’ont pas permis d’en changer le fond, qui repose, ce que je regrette, sur un certain nombre de mystifications et constitue un leurre. C’est un texte d’affichage.
Tout d’abord, contrairement à ce que le Gouvernement tente de nous faire croire, ce projet de loi ne garantit ni la protection des personnes ni celle des libertés publiques. Certes, il intervient après la décision du Conseil constitutionnel, qui oblige l’État à prévoir, sous peine de sanctions, l’intervention du juge des libertés et de la détention. Or celui-ci n’interviendra qu’a posteriori, c’est-à-dire après qu’une personne aura été « gardée à vue psychiatriquement » soixante-douze heures durant, et ne pourra qu’invalider ou conforter une décision prise par une autorité qui ne dispose pas, en droit, des capacités juridiques à décider de l’application d’une mesure privative de liberté.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. De la même manière, vous avez conservé le caractère suspensif de l’appel initié par le procureur de la République à l’encontre de la décision de mainlevée de la mesure privative de liberté prononcée par le juge. Cela pourrait avoir pour conséquence de priver une personne de sa liberté pendant encore quatorze jours. On est loin, me semble-t-il, de la volonté exprimée par le juge constitutionnel.
Autre mystification, vous présentez ce projet de loi comme indispensable. Or tel n’est pas le cas. Il vous aurait suffi, madame la secrétaire d’État, pour satisfaire aux contraintes issues de la décision du Conseil constitutionnel, de limiter la portée de ce texte à la seule intervention du juge des libertés et de la détention, en renvoyant les autres mesures prévues à un autre projet de loi. Telle aurait été la sagesse !
Tout cela nous conduit à une troisième mystification, que je dénonce avec l’ensemble de mon groupe, Annie David et Nicole Borvo Cohen-Seat en tête : la dimension sanitaire est quasiment absente de ce projet de loi, et pour cause ! Vous ne vous êtes intéressée qu’à un aspect des maladies mentales, à savoir les troubles à l’ordre public qu’ils peuvent engendrer. Cela n’aura d’ailleurs échappé à personne, c’est après la survenue d’un fait divers à Saint-Égrève, dans l’Isère, le département d’Annie David, que le Président de la République a pris la décision de modifier dans un sens radicalement sécuritaire la loi du 27 juin 1990. Cette volonté se traduit par la limitation des sorties d’essai, qui ont pourtant une véritable vocation thérapeutique : comme nous l’ont bien expliqué les psychiatres, ces sorties permettent de créer des liens entre eux-mêmes et le malade. Vous créez également un nouveau mode d’hospitalisation sous contrainte ne relevant ni de la demande d’un tiers ni de l’hospitalisation d’office.
De la même manière, vous privilégiez systématiquement le sécuritaire au détriment du médical. J’en veux pour preuve la conception que vous vous faites du soin et des maladies mentales. Pour vous, ces dernières pourraient être soignées contre la volonté même des malades. Vous réduisez la psychiatrie au traitement de la crise, plus, d’ailleurs, par souci de l’ordre public que dans l’intérêt des patients. Les équipes médicales deviennent de fait des auxiliaires de police, ce qui fait peser sur elles une responsabilité particulière : elles doivent en effet apporter la garantie que jamais une personne malade ne commettra de crimes. On criminalise ainsi la psychiatrie.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Guy Fischer. Or le risque zéro n’existe pas, d’autant que vous confortez la disparition de la politique de psychiatrie de secteur, laquelle demeure pour nous la seule réponse pertinente qui ait fait ses preuves. Elle repose sur un postulat opposé à celui de votre projet de loi : les soins, pour être efficaces, doivent être consentis. La maladie mentale a cela de particulier qu’elle repose sur le déni du malade. Pour accompagner ce dernier sur le chemin de la guérison, il faut l’amener à prendre conscience de sa maladie et le conduire à accepter le traitement adéquat. Les soins sous contraintes nient cette spécificité ; vous faites comme si les maladies mentales étaient des maladies somatiques !
Tout cela nous conduit à penser que, si votre projet de loi devait être adopté, la priorité serait donnée aux seules périodes de crises, au travers de traitements imposés de courte durée et reposant de manière excessive sur le recours aux médicaments. Or ces derniers ne soignent pas. Ils apaisent temporairement le patient, rendent possible la cohabitation entre celui-ci et sa maladie, laquelle demeure. On en revient au traitement des seuls symptômes, quand notre société devrait se fixer pour objectif la guérison, non pas pour satisfaire à l’image que nous nous faisons d’un ordre social normé – la folie fait partie de la vie –, mais pour permettre à chacun – cela relève de notre responsabilité – de trouver sa place dans la société, conformément à la théorie des psychiatres désaliénistes.
Enfin, la dernière mystification repose sur la notion même de soins ambulatoires sans consentement. Avec cette extension jusqu’alors jamais vue du champ de la contrainte, vous préparez ce que Mathieu Bellahsen, psychiatre de secteur et membre du collectif des 39 contre la nuit sécuritaire nomme à raison « un grand renfermement... à domicile ». Alors que des psychiatres comme Lucien Bonnafé avaient pris le parti de libérer les fous, vous faites quand à vous le choix de les enfermer à résidence. Cette modalité de soins risque, demain, de se généraliser, tant la politique comptable que vous appliquez aux établissements publics de santé et, singulièrement, à la psychiatrie entraîne fermetures de lits et réductions de personnels.
M. Jean Desessard. Eh oui !
M. Guy Fischer. Comme le souligne à raison la Ligue des droits de l’Homme, « compte tenu de l’absence de moyens alloués aux secteurs extra-hospitaliers, ces soins se limiteront la plupart du temps à injecter un neuroleptique retard, en attendant la géolocalisation, au plus grand bénéfice de l’industrie pharmaceutique et de l’ordre public réunis. Cette disposition d’une extrême gravité augure l’avènement d’une société de contrôle inédite où chacun sera tenu, au moindre écart de conduite, d’être enfermé et “traité” chez soi ! »
Au contraire, c’est de davantage de moyens que la psychiatrie publique a besoin, de davantage de confiance et d’indépendance, au service des populations en souffrance.
Pour tous ces motifs, et parce que nous ne pouvons que nous opposer à ce qui s’apparente à une déraison de l’État, nous voterons contre ce projet de loi. Nous disons « non » à un texte d’affichage et d’opportunité, qui criminalise les malades et dénature la psychiatrie, « non » à un texte liberticide, qui doit être retiré au profit d’une grande loi de santé mentale ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.– Mme Anne-Marie Escoffier applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées de l’UMP.)
M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois, que j’ai eu l’honneur de représenter en qualité de rapporteur pour avis lors de la première lecture de ce texte, ne peut que se réjouir de la confirmation, par l’Assemblée nationale, du texte issu des amendements dont elle avait été à l’origine.
En premier lieu, rappelons que le Sénat avait adopté un amendement tendant à unifier le contentieux de l’hospitalisation sous contrainte à compter du 1er janvier 2013. L’Assemblée nationale a approuvé ce dispositif, sous réserve de certaines précisions, tendant en particulier à indiquer que le juge des libertés et de la détention, ou JLD, ne prononcerait la mainlevée de l’hospitalisation qu’en cas d’irrégularités qui portent atteinte aux droits du patient, c’est-à-dire d’irrégularités substantielles, conformément à la jurisprudence administrative.
J’insiste sur le fait qu’il s’agit d’une avancée, qui permettra de mettre un terme à ce que d’aucuns nomment le « désordre des deux ordres », d’autant plus insupportable qu’il porte préjudice à des personnes atteintes de troubles mentaux, donc particulièrement vulnérables.
Je profite d’ailleurs de l’occasion qui m’est donnée pour remercier mon collègue Christian Cointat, qui m’avait fort obligeamment suppléé lors de la première lecture.
En second lieu, le Sénat avait souhaité donner la possibilité au juge des libertés et de la détention, lorsqu’il prend une décision de mainlevée de l’hospitalisation complète, d’en différer l’effet pendant une durée maximale de vingt-quatre heures, afin de permettre à l’équipe soignante d’élaborer un programme de soins. L’Assemblée nationale a confirmé ce dispositif, qui répond largement à la préoccupation de la commission des lois de doter le juge des libertés et de la détention du pouvoir de transformer une mesure d’hospitalisation complète en soins ambulatoires.
Le juge des libertés et de la détention pourra donc ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation, soit avec effet immédiat, soit avec effet différé.
Dans cette dernière hypothèse, le patient restera au sein de l’hôpital psychiatrique pour permettre au corps médical, si celui-ci le souhaite, d’élaborer un programme de soins rendant possible sa prise en charge en dehors de l’hôpital ; le juge des libertés et de la détention enverra alors un signal clair au corps médical, signifiant en quelque sorte : « Au vu du dossier, j’estime que la personne doit sortir de l’hôpital, mais il me semble que vous devriez envisager des soins ambulatoires sous contrainte ; bien sûr, je vous laisse apprécier ».
Un tel dispositif permettra au juge des libertés et de la détention de moduler sa décision et d’éviter ainsi le « tout ou rien ».
En troisième lieu, le Sénat avait adopté un amendement prévoyant la remise au Parlement d’un rapport relatif à l’évolution du statut et des modalités de fonctionnement de l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, ou IPPP. L’Assemblée nationale a confirmé ce dispositif.
À cet égard, je rappelle que la commission des lois avait appelé de ses vœux un dispositif plus ambitieux. Elle avait en effet adopté un amendement contraignant l’IPPP à évoluer, à terme, en un établissement hospitalier de droit commun, considérant que, sur le plan des principes, une situation pathologique, fût-elle d’urgence, ne devait pas être prise en charge par une structure relevant d’une institution de police, sauf à alimenter la confusion, toujours regrettable, entre troubles psychiatriques, délinquance et dangerosité.
J’ai bien noté, madame la secrétaire d’État, que, lors des débats au Sénat, vous aviez déclaré que l’infirmerie psychiatrique devait évoluer sur le plan statutaire et que l’Agence régionale de santé de l’Île-de-France y travaillait. En tout cas, sachez que la commission des lois sera attentive au contenu du rapport qui sera remis au Parlement.
Il me paraîtrait également important que les droits des patients soient clarifiés, afin que les mesures provisoires susceptibles d’être prises en urgence par les maires, et par les commissaires de police à Paris, soient bien considérées comme des mesures de soins sans consentement.
Cela emporte plusieurs conséquences : la période de soixante-douze heures devra commencer dès l’entrée en vigueur des mesures considérées, qu’elles prennent la forme d’un placement à l’IPPP, dans un hôpital de droit commun ou même dans un gymnase municipal ; les personnes doivent être informées de leurs droits, en particulier de celui de recourir aux services d’un avocat ou de saisir le juge des libertés et de la détention dès l’entrée en vigueur de ces mesures provisoires ; la durée des mesures provisoires doit être prise en compte dans le délai de quinze jours avant l’expiration duquel le juge des libertés et de la détention doit s’être prononcé.
En quatrième lieu, le Sénat avait adopté, sur l’initiative de la commission des lois, plusieurs amendements permettant au juge des libertés et de la détention de statuer dans des conditions qui garantissent la sérénité des débats. L’Assemblée nationale les a approuvés sans apporter de modification.
Que prévoyaient-ils ?
Le Sénat avait précisé que le juge des libertés et de la détention, lorsqu’il se prononce sur une mesure de soins psychiatriques sous contrainte, pourrait ne pas statuer publiquement. Cette précision paraît importante, dès lors que la publicité de l’audience pourrait avoir, dans certains cas, des conséquences dommageables pour les personnes concernées.
Le Sénat avait également prévu que, si une salle d’audience est spécialement aménagée sur l’emprise de l’hôpital pour assurer la clarté, la sécurité et la sincérité des débats ainsi que pour permettre au juge des libertés et de la détention de statuer publiquement, celui-ci pourrait statuer dans cette salle. Cet aménagement spécial, qui pourra d’ailleurs être sommaire, est destiné à garantir que la salle est clairement identifiée comme un lieu de justice.
Enfin, notre assemblée avait doublement encadré le recours à la visioconférence.
Elle avait tout d’abord précisé que le recours à cette technique ne serait possible que dans l’hypothèse où l’hôpital psychiatrique aurait spécialement aménagé en son sein une salle d’audience satisfaisant aux conditions que je viens d’indiquer. Autrement dit, que le juge des libertés et de la détention soit physiquement présent dans cette salle ou qu’il intervienne à distance depuis le palais de justice, les exigences portant sur l’aménagement des lieux doivent être identiques.
Elle avait ensuite prévu que le juge des libertés et de la détention pourrait seulement recourir à la visioconférence après qu’un avis médical aurait attesté que l’état mental de la personne ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de ce procédé.
La commission des lois aurait certes préféré aller plus loin pour ce qui concerne la compétence du juge des libertés et de la détention ; je rappelle qu’elle avait souhaité que le juge des libertés et de la détention soit saisi automatiquement non seulement en cas d’hospitalisation partielle, mais aussi en cas de désaccord entre le préfet et le corps médical. Pour sa part, l’Assemblée nationale n’a prévu qu’un seul cas de saisine automatique, celui où le préfet n’ordonne pas la levée de l’hospitalisation complète, alors que le psychiatre la propose.
Je signale que cette solution, que notre assemblée n’avait pas retenue, est conforme au sens de la décision rendue le 9 juin dernier par le Conseil constitutionnel en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité. En effet, cette décision marque l’affaiblissement du rôle du préfet en matière d’hospitalisation d’office. Par parenthèses, je vous signale, mes chers collègues, qu’il faudra nous faire à l’idée que, à l’instar des trains, une QPC peut en cacher une autre, le cas échéant entre la première et la deuxième lecture…
Faute que soit prévue l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention en matière d’hospitalisation partielle, nous comptons sur le Gouvernement pour prévoir, dans les décrets d’application, que les patients devront être régulièrement informés de leur droit de saisir à tout moment le juge des libertés et de la détention ; l’exercice du recours facultatif sera ainsi facilité.
Bien entendu, il nous appartiendra d’évaluer précisément le dispositif en considération d’un certain nombre de critères : nombre d’hospitalisations partielles, fréquence de saisine du juge des libertés et de la détention postérieurement à cette hospitalisation, capacité des personnes hospitalisées ou de leurs proches, après qu’elles aient été informées, à exercer le recours facultatif, etc.
En dépit des réserves que je viens d’exposer, je ne peux que vous inviter, mes chers collègues, à voter le projet de loi, qui assure un équilibre entre la liberté individuelle, la sauvegarde de l’ordre public et la protection de la santé. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)