M. Laurent Wauquiez, ministre. M. le président Bizet a très bien exposé la position d’équilibre de la France concernant l’espace Schengen, qui ne saurait devenir une zone de libre circulation de l’immigration illégale. Nos compatriotes ne l’accepteront jamais. Il est donc extrêmement important que nous démontrions que les accords de Schengen permettent de répondre aux situations de crise.
De ce point de vue, permettez-moi de souligner que, contrairement à ce que j’ai pu entendre, que l’arrivée de 41 000 personnes à Lampedusa ne représente pas une crise mineure. Un tel flux d’entrées en France équivaut à une augmentation de 20 % de l’immigration illégale sur notre territoire en moins d’un mois et demi.
Sur ce point, mon approche diverge profondément de celle de M. Ries. Les principes, c’est bien joli et ils sont nécessaires, mais il faut aussi prendre en compte la réalité de la situation : que fait-on si un pays ne contrôle pas ses frontières avec des États extérieurs à l’Union, parce qu’il sait que les immigrants ne resteront pas sur son territoire, mais se rendront par exemple en France ?
N’oublions pas non plus l’existence de trafics de drogues ou d’armes. Doit-on considérer que ce n’est pas un sujet et que les mécanismes européens n’ont pas à en tenir compte ? La raison, le pragmatisme et la lucidité n’imposent-ils pas, au contraire, tout en s’inscrivant dans une perspective résolument pro-européenne, de se donner les moyens de réagir en cas de crise ? C’est, ni plus ni moins, ce que nous essayons de faire.
Je remercie M. Jacques Blanc d’avoir défendu la dimension méditerranéenne de l’Europe, sujet qu’il connaît parfaitement pour avoir souvent joué un rôle très important dans ce domaine. Comme l’a très bien dit M. Blanc, la France n’acceptera aucun repli, surtout dans la période actuelle, quant au nécessaire engagement européen à l’égard de la rive sud de la Méditerranée. Si nous avons défendu la règle des « deux tiers, un tiers » – deux tiers pour le partenariat méditerranéen, un tiers pour le partenariat oriental –, tout en renforçant des outils tels que la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, la BIRD, ou la Banque européenne d’investissement, la BEI, c’est précisément pour affirmer notre présence aux côtés de nos voisins de la rive sud de la Méditerranée et les aider dans la transition qu’ils vivent. Ils ont besoin de nous !
Je salue la précision chirurgicale avec laquelle M. le rapporteur général de la commission des finances a exposé les enjeux de la période actuelle : il s’agit effectivement non pas d’une crise de l’euro, mais d’une crise de la dette, l’enjeu fondamental étant, pour tous les États, la maîtrise des déficits.
L’Eurogroupe a annoncé que tous les nouveaux titres émis par les États membres seraient assortis de clauses d’action collective, en quelque sorte standardisées. Quel est l’objectif ? Au-delà de ses modalités juridiques, qui seront finalisées d’ici à la fin de 2011, il s’agit d’un dispositif contractuel prévoyant des procédures spécifiques en cas de défaut d’un pays débiteur. L’enjeu est d’assurer la prévisibilité des dispositions de remboursement : c’est là un point essentiel.
Comme vous l’avez très bien expliqué, monsieur le rapporteur général, si nous mettons en place une participation forcée des créanciers privés, il en résultera immédiatement ce que l’on appelle un « événement » sur les marchés, dont les conséquences pourraient être dramatiques pour la Grèce, l’Irlande, le Portugal et, au-delà, l’ensemble de la zone euro. C’est pourquoi nous avons opté pour une participation volontaire des créanciers privés.
En revanche, l’inclusion d’une clause d’action collective permettra de placer toutes les données sur la table et d’instaurer davantage de prévisibilité dans la gestion de la zone euro. Personne ne sera pris par surprise !
M. de Montesquiou a évoqué les hypothèses de croissance. Sur ce point, il me semble très important de préciser que les prévisions publiées par la Commission européenne à la mi-mai n’intégraient pas les données pour le premier trimestre de 2011, qui font état d’une croissance supérieure à 1 %. Aujourd'hui, les économistes s’accordent à prévoir un taux de croissance de 2 % pour notre pays cette année, l’OCDE estimant même qu’il devrait atteindre 2,2 %. L'analyse de la Commission me semble donc excessivement pessimiste : les premiers résultats de 2011 tendent plutôt à valider les hypothèses que nous avons retenues.
S’agissant de l’espace Schengen, je salue, monsieur le sénateur, votre souci d’équilibre entre engagement européen et nécessité de prévoir des mécanismes de réaction aux crises. Comme vous l’avez souligné, il ne faut pas que toute crise européenne constitue un drame. Les difficultés actuelles ne signifient pas la mort du projet européen.
Monsieur Badré, j'aime beaucoup votre définition de l’Europe, qui serait « pardon et promesse ».
M. Denis Badré. Vous pouvez vous en servir !
M. Laurent Wauquiez, ministre. J'y compte bien !
Je vous remercie d’avoir insisté sur le fait que la crise que nous vivons est non pas une crise de l'euro, mais une crise de la dette. Certains États ont accumulé des dettes de façon structurelle, et les investisseurs doutent aujourd’hui de leur capacité à les rembourser. Cette situation a le mérite de nous rappeler un principe élémentaire de sagesse budgétaire : on ne peut accumuler durablement les déficits et les dettes sans finir par être confronté au problème de leur remboursement. Il s’agit là d’un simple principe de bonne gestion ; nul n’est besoin d’invoquer le spectre du grand capital.
En ce qui concerne le Conseil de l'Europe, ce débat me donne l'occasion de remercier les sénateurs qui s’investissent au sein de cette institution. Elle a un rôle majeur à jouer dans la transition démocratique à l’œuvre sur la rive sud de la Méditerranée.
Si vous m’aviez écouté avec attention, monsieur Ries, vous m’auriez entendu souligner la dimension historique de l'adhésion de la Croatie à l’Union européenne, dont je me réjouis. La France a pesé pour que la clôture des négociations intervienne au mois de juin.
Monsieur le sénateur, notre approche n’est aucunement défensive. Je voudrais d’ailleurs vous montrer que nous pouvons, sur certains points, nous retrouver autour d’une vision commune de l’Europe.
Je pense notamment à la mise en place d’une taxation sur les transactions financières – une proposition française reprise par l'Europe –, d'un mécanisme de solidarité européenne – 500 milliards d'euros pour défendre les pays exposés à des attaques spéculatives – ou d’un gouvernement économique, notion jusqu’alors taboue, dont les Allemands ne voulaient pas entendre parler. Ce sont là autant de manifestations d’une Europe ambitieuse et innovante ! Affirmer que nous devons développer une véritable coordination en matière d’infrastructures, de recherche ou d’investissements d’avenir, réfléchir sur l’harmonisation fiscale, thème emblématique sur lequel nous nous sommes très souvent heurtés au veto de nos partenaires européens et qui avait été exclu de l'ordre du jour communautaire, voilà d’autres signes d’ambition !
Dans cet ordre d’idées, je pourrais également évoquer le soutien apporté aux project bonds, destinés à redonner une visibilité à de grands projets industriels d’avenir. Cet après-midi même, je signais avec le commissaire Tajani la relance de Galileo : d’ici à la fin de l’année seront lancés les premiers satellites qui assureront à l’Europe un accès indépendant au ciel et à l'espace.
C’est là une vision ambitieuse de l’Europe, monsieur Ries, que nous pouvons partager et défendre conjointement !
Pour le reste, il me semble que l'opposition entre fédéralisme et démarche confédérale a été dépassée grâce au traité de Lisbonne. Ces deux approches peuvent se concilier : le fédéralisme doit prévaloir dans certains domaines, la coopération entre États membres dans d’autres. D’ailleurs, c'est sans doute en ayant adopté une démarche trop idéologique et voulu à tout prix faire marcher l'Europe à un pas fédéral que nous avons suscité une réaction de rejet de la part des opinions publiques.
Soyons plus pragmatiques et moins dogmatiques : jugeons, selon les cas, s’il faut opter pour une coopération entre États membres ou pour une approche plus fédérale. L'Europe a surtout besoin, dans cette période, de résultats concrets.
En tout état de cause, je ne veux ni d’une Europe forteresse ni d'une Europe passoire. Je veux simplement que notre continent soit armé pour répondre aux défis de demain.
Enfin, je remercie M. Humbert d'avoir rappelé l'importance de l'Union pour la Méditerranée. Sur ce point, nous devons faire progresser rapidement certains dossiers emblématiques, afin de poser les premières pierres de l’édifice : je pense à la création d’un office euro-méditerranéen de la jeunesse, à la mise en place de fermes solaires, à la possibilité de formations croisées, à l’établissement de coopérations dans des domaines précis entre entreprises de part et d'autre de la Méditerranée.
Je conclurai par une citation de Marc Bloch, qui reflète parfaitement l’articulation entre la France et l’Europe : « Il y a bien besoin de toute l'Europe pour écrire histoire de la France. » (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
6
Organisation des débats
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Tout à l’heure, le président Arthuis a demandé l’examen par priorité des articles 18 bis et 22 du projet de loi de finances rectificative, concernant respectivement l’aide médicale d’État et l’indemnisation des victimes du benfluorex.
Or nous venons d’apprendre que M. Xavier Bertrand, le ministre chargé de ces questions, ne pourra être parmi nous ce soir, lorsque nous reprendrons l’examen de ce texte. Dès lors, il est préférable de reprendre l’ordre normal de celui-ci. La commission des finances se voit donc amenée à retirer sa demande de priorité, monsieur le président.
M. le président. Acte est donné du retrait de cette demande de priorité. Nous revenons donc à la case départ !
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Débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011 (suite)
M. le président. Nous reprenons le débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011.
Débat interactif et spontané
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif et spontané, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes au maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre.
La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, pour l’heure, nous n’avons pas l’assurance que le Conseil des 23 et 24 juin permette de sortir durablement l’Union européenne de la zone dangereuse dans laquelle elle se trouve de nouveau depuis plusieurs semaines. En effet, tout se passe comme si nous étions revenus un an en arrière, en mai 2010, à l’époque de l’éclatement de la première crise de la dette grecque, et nous sommes aujourd’hui confrontés à ce que j’appellerai un « Lehman Brothers » rampant…
Les déclarations de certains chefs d’État européens incapables de résister aux tropismes électoraux locaux trouvent évidemment un écho sur les marchés. Les chefs d’État et de gouvernement qui se réuniront les 23 et 24 juin doivent prendre toute la mesure de la crise et mettre un terme à cette cacophonie, qui encourage la spéculation sur le risque de défaut de la Grèce. S’il n’y avait qu’un seul résultat à attendre de ce Conseil, ce devrait être celui-là.
Au demeurant, les marchés craignent autant la persistance des déficits que les politiques d’austérité qui pénalisent la croissance.
De leur côté, le Parlement européen et la Commission négocient le paquet « gouvernance économique », mais il existe à l’évidence un blocage : le Parlement pourrait voter le compromis élaboré par le Conseil des ministres de l’économie et des finances, mais il ne devrait pas voter de résolution législative.
Bref, les instances européennes sont paralysées, et pendant ce temps on demande à la Grèce de réduire ses déficits à marche forcée, alors même qu’elle est en récession. L’équation est insoluble !
Le président Barroso a déclaré vouloir proposer au Conseil d’autoriser le versement de subventions à la Grèce, à hauteur de 1 milliard d’euros, afin de soutenir la croissance et de réduire le chômage. La France approuvera-t-elle cette initiative, qui ne règle pas le problème au fond, mais qui présente au moins l’intérêt d’être concrète ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé des affaires européennes. Madame Bricq, je ne peux que vous rejoindre sur la nécessité de réduire la cacophonie et la dispersion dans les déclarations des chefs d’État et de gouvernement.
À cet égard, je souligne que la France s’est exprimée d’une façon très claire et dépouillée. Que nous appartenions à la majorité ou à l’opposition, nous devons d’ailleurs tous nous efforcer de tenir un discours responsable.
Nous n’avons pas d’opposition de principe à l’initiative du président Barroso. Il reste à en définir les modalités techniques. N’oublions pas que la Grèce a bénéficié dans une mesure considérable des fonds européens, qui doivent être utilisés à bon escient. Il ne s’agit pas d’essayer de remplir le tonneau des Danaïdes !
M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.
M. Pierre Bernard-Reymond. M. Jean-Claude Trichet a préconisé voilà quelques jours la création d’un ministère européen de l’économie, proposition rapidement appuyée par le commissaire européen Michel Barnier, ainsi que par M. Yves-Thibault de Silguy, qui était commissaire européen aux affaires économiques, financières et monétaires au moment de la création de l’euro.
Dans un rapport sur la gouvernance économique européenne, un sénateur de l’opposition et un sénateur de la majorité ont fait une proposition analogue voilà plusieurs mois, en demandant la création d’un haut représentant de l’Union européenne à l’économie.
Que pensez-vous de cette suggestion, monsieur le ministre ? L’Europe se trouve au milieu du gué : soit elle franchit un pas de plus vers l’intégration, soit elle prend le risque de la régression et de l’éclatement. Le rythme de la construction européenne n’est pas à la mesure du rythme de la mondialisation. Dès lors, ne faut-il pas aller plus vite dans l’instauration d’une gouvernance plus intégrée de l’Europe ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur le sénateur, je vais essayer de répondre le plus directement possible à cette vaste question.
Tout d’abord, le moment ne me semble pas venu de créer une nouvelle superstructure. Cela soulèverait d’ailleurs de vraies difficultés sur le plan institutionnel : ce haut représentant serait-il responsable, et devant qui ? Devant le Parlement européen ? Devant les parlements nationaux ? Comment se positionnerait-il par rapport aux exécutifs ?
En revanche, il est vrai que nous devons améliorer la gouvernance économique de l’Europe – nous le faisons avec le semestre budgétaire – et le dialogue économique entre le Parlement européen, le Conseil et les États membres. Il me semble que, pour l’heure, nos efforts doivent porter principalement dans cette direction.
Cela ne signifie pas, pour autant, que je considère que la voie que vous proposez est sans issue. J’estime simplement que ce n’est pas alors que nous sommes au cœur de la tourmente que nous devons l’emprunter.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Le nouveau plan prétendument destiné à sauver la Grèce de la faillite financière prévoit de mettre douloureusement à contribution le peuple grec, qui n’est pas responsable de cette situation catastrophique, et ce de façon obligatoire.
Ce même plan prévoit, en revanche, que la contribution des banques, premières responsables de la crise avec les marchés financiers, interviendra sur la base du volontariat. Il serait naïf de croire qu’elles accepteront spontanément de payer en partie les conséquences des risques inconsidérés qu’elles ont pris et qu’elles ont fait prendre à l’État grec. Notre pays est très exposé dans cette affaire, puisque c’est aux banques françaises que la Grèce doit le plus d’argent.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu’il serait nécessaire d’instaurer un mécanisme obligeant les banques à accepter le rééchelonnement et l’allégement de la charge de remboursement des prêts consentis à la Grèce, c’est-à-dire à participer à l’effort, en acceptant d’être remboursées un peu plus tard ou un peu moins ?
Par ailleurs, à l’échelon européen, pour éviter que les banques ne se retournent vers les États – cela s’est déjà vu – et prévenir la contagion à d’autres pays, ne faudrait-il pas obtenir avec nos partenaires européens une modification du rôle de la Banque centrale européenne, pour qu’elle puisse racheter les titres de la dette publique des États ?
Enfin, je voudrais vous faire une suggestion, monsieur le ministre.
Lors de la crise de 2008, le Président de la République et le Président Obama avaient promis une réforme des agences de notation pour qu’elles ne contribuent plus à l’accentuation de la spéculation sur les crises. Ne pensez-vous pas qu’il serait temps de passer du discours aux actes, au moment où l’agence Moody’s a décidé de « placer sous surveillance » la note de trois de nos banques ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Billout, permettez-moi d’abord de vous remercier du caractère posé de votre question, qui aborde des sujets de fond, que l’on ne saurait contourner.
Effectivement, le peuple grec n’est pas responsable de la situation présente : nous sommes parfaitement d’accord sur ce point. Faut-il, pour autant, chercher un bouc émissaire extérieur ? La responsabilité doit-elle être rejetée sur les banques, par exemple ? Objectivement, je ne le crois pas.
En réalité, plus que de la crise, la Grèce est victime, d’une part, de ne pas avoir suffisamment œuvré pour développer l’emploi, et, d’autre part, d’avoir accumulé, année après année, des dettes et des déficits, son taux d’endettement atteignant aujourd’hui 142 % du PIB et son déficit budgétaire 10 %, ce qui est énorme. Elle est victime non pas de la spéculation financière, mais de s’être placée dans une situation de dépendance.
Ce constat étant posé, nous devons essayer de trouver un juste équilibre : à l’évidence, les créanciers privés doivent participer à l’effort. Pour autant, il faut veiller, ce faisant, à ne pas déclencher le chaos sur les marchés, ce qui affecterait ensuite l’Irlande, le Portugal et toute la zone euro. Nous n’aurions alors rien gagné, bien au contraire : une telle situation serait redoutable pour l’ensemble des peuples européens, d’où le mécanisme que j’ai détaillé tout à l’heure, reposant sur le volontariat.
Quant à la réforme des agences de notation, elle est lancée. Elle figure dans le « paquet Barnier », qui a notamment posé des principes de plus grande éthique et de transparence. Une deuxième série de mesures vont d’ailleurs être prises. Permettez-moi de le souligner, sur tous ces sujets, le Gouvernement français et le Président de la République ne cessent de prendre des initiatives et de peser pour que les leçons du passé ne soient pas oubliées. Au nombre de ces initiatives, je citerai l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, l’intensification de la lutte contre les paradis fiscaux, le renforcement de l’éthique dans le fonctionnement des banques, la régulation des agences de notation : la France est systématiquement aux avant-postes.
En conclusion, je rappellerai une leçon très gaulliste : quand vous dépendez de l’extérieur pour votre financement, vous n’avez plus complètement votre destin entre les mains. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud.
M. Didier Boulaud. Je me félicite de ce que la Commission européenne ait rendu un avis positif sur l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. Ce pays a fait des progrès remarquables et il doit être encouragé à poursuivre sur la voie de la modernisation et de la réconciliation régionale. Pour autant, n’oublions pas les autres États des Balkans occidentaux, qui ont également vocation à adhérer à l’Union européenne.
Première observation : ne serait-il pas temps, monsieur le ministre, de reconnaître à la Serbie, l’autre grand de la région, le statut de candidat à l’adhésion ? Le transfèrement de Ratko Mladić au Tribunal pénal international est un signal encourageant à cet égard, mais la route sera longue. Malgré le lancement d’un dialogue entre Pristina et Belgrade, la Serbie n’a toujours pas reconnu l’indépendance du Kosovo, et l’idée d’une partition du nord du Kosovo, qui déstabiliserait la région, est parfois, hélas ! évoquée en ce moment à Belgrade. À la lumière du précédent chypriote, il faut veiller à ne pas importer de conflits dans l’Union européenne… L’octroi du statut de candidat ne peut-il constituer un levier pour faire avancer Belgrade sur tous ces sujets ?
Deuxième observation : au moment où l’Union européenne s’apprête à adopter un nouveau plan de sauvetage de plusieurs milliards d’euros en faveur de la Grèce, ne pourrait-on pas demander à ce pays de faire un réel effort pour régler enfin son contentieux avec la Macédoine ? Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu’il serait opportun d’agir en ce sens au sein du Conseil européen ?
Troisième observation : j’ai pu constater, dans la région, des inquiétudes très vives quant à l’avenir de la Bosnie-Herzégovine, État plus que fragile, traversé de forces centrifuges. Comment sortir de la crise actuelle ? Les inquiétudes ne manquent pas non plus en ce qui concerne le blocage politique actuel en Albanie.
En conclusion, les événements en cours sur la rive sud de la Méditerranée ne doivent pas amener la France à délaisser la région des Balkans occidentaux. Notre pays doit au contraire continuer à y asseoir son influence, en particulier en matière économique.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Monsieur Boulaud, je salue votre expertise sur les pays de l’Est et la région des Balkans.
Je vous remercie d’avoir souligné l’engagement de la France en faveur de l’élargissement de l’Union européenne à la Croatie. Le gouvernement croate y a été sensible. La position équilibrée que nous avons adoptée a permis d’emporter l’adhésion de pays qui étaient à l’origine beaucoup plus réticents. Nous avons travaillé ensemble sur ce dossier dans une optique très constructive.
N’oublions pas les autres pays de la région. En ce qui concerne la Serbie, l’arrestation de Mladić est incontestablement une étape importante : une page de l’histoire a été tournée. Quant à la reconnaissance du Kosovo, ce n’est pas une condition, mais c’est une nécessité. Le Conseil devrait être amené à se prononcer d’ici à l’automne sur l’ouverture du processus pour la Serbie.
S’agissant de la Macédoine, vous connaissez la difficulté de trouver une solution avec la Grèce. La Commission européenne et les États membres s’y emploient. C’est incontestablement là le deuxième problème très difficile dans cette région.
S’agissant de la Bosnie-Herzégovine, je partage vos inquiétudes. Nous devons être très attentifs à la situation de cet État. De ce point de vue, si Mme Ashton fait souvent l’objet de critiques, il faut savoir reconnaître qu’elle est parvenue à mettre un terme à ce projet de référendum sur la République serbe de Bosnie-Herzégovine, qui aurait pu avoir des effets redoutables.
M. le président. La parole est à M. Roland Ries.
M. Roland Ries. Je voudrais apporter trois précisions à mes propos de tout à l’heure, faire part d’une inquiétude et appeler à la vigilance.
En ce qui concerne tout d’abord l’espace Schengen, j’ai bien dit que les clauses de sauvegarde existent d’ores et déjà dans les accords. Je souhaite simplement que leur mise en œuvre soit cohérente à l’échelle de l’ensemble de l’Union européenne et qu’elle ne continue pas à relever de la responsabilité des États.
Ensuite, l’harmonisation fiscale est à l’évidence nécessaire, mais elle ne pourra être menée à son terme qu’à condition de mettre l’accent sur la construction politique de l’Europe. C’est la base de tout !
Mme Nicole Bricq. Bien sûr !
M. Roland Ries. Il faut une autorité politique, et donc une meilleure intégration.
Enfin, je ne suis pas dogmatique, monsieur le ministre, vous le savez. Il ne s’agit pas pour moi d’opposer fédéralisme et confédéralisme. J’affirme que, pour faire face aux crises à venir, la meilleure garantie est de progresser dans l’intégration politique, sous des formes à définir.
Par ailleurs, j’ai entendu le Premier ministre britannique dire qu’il souhaitait, lors d’un prochain Conseil européen, poser de nouveau la question du maintien du siège du Parlement européen à Strasbourg. Il faudra alors manifester une nouvelle fois l’unanimité qui avait prévalu ici même au Sénat à l’occasion de l’examen d’une proposition de résolution que j’avais présentée.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Wauquiez, ministre. Aujourd’hui, les clauses de sauvegarde prévues par les accords de Schengen sont trop restrictives : elles ne peuvent jouer qu’en cas d’atteinte à l’ordre public. Si un État membre manque à son devoir de surveillance de ses frontières, cela ne permet pas toujours de mettre en œuvre une clause de sauvegarde. C’est pourquoi les choses doivent être revues. Nous plaidons aussi pour une meilleure évaluation, par les services de la Commission, du respect par les États membres de leurs obligations en matière de défense des frontières européennes.
S’agissant de l’harmonisation fiscale, je ne sais pas si cela est dû à mon tempérament auvergnat, mais je ne crois pas au grand soir, qui amène souvent beaucoup de désillusions. J’ai plutôt tendance à penser que les grandes avancées se construisent pas à pas. Cela vaut d’ailleurs aussi en matière d’intégration politique. Ainsi, la mise en place d’un gouvernement économique, le semestre européen sont des pas dans la bonne direction : peut-être sont-ils insuffisants, mais ils permettent en tout cas de préparer l’avenir. L’Europe s’est toujours faite de cette manière.
Un saut qualitatif est en train de se produire, et de ce point de vue les Européens convaincus que nous sommes, vous et moi, ne doivent pas bouder leur plaisir.
Enfin, on connaît la très forte mobilisation des élus alsaciens et français, ainsi que de tous les Européens humanistes, en faveur du maintien à Strasbourg du siège du Parlement européen. Seuls les eurosceptiques le contestent, et il est hors de question de les laisser l’emporter. Nous avons été très clairs sur ce point avec nos amis Anglais. (M. Roland Ries applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. Je voudrais remercier M. le ministre chargé des affaires européennes d’avoir bien voulu, à la veille du prochain Conseil européen, nous accorder de son temps pour répondre à nos questions et nous informer.
Conforter, renforcer et assurer une meilleure gouvernance de l’espace Schengen, c’est tout simplement assurer la survie de cet espace de liberté de circulation pour les hommes et les femmes en situation régulière. Cette libre circulation suppose un certain nombre de règles, qui doivent par exemple prendre en compte l’hypothèse d’une crise brutale, entraînant un afflux massif d’immigrés. C'est la raison pour laquelle le Sénat et l'Assemblée nationale ont créé un groupe de suivi sur les accords de Schengen : il importe de conserver cet acquis communautaire fondamental qu’est la liberté de circulation des personnes.
Par ailleurs, nous devons faire preuve de réalisme et de fermeté s’agissant de la crise grecque. En défendant la Grèce, nous défendons notre monnaie commune. Mais cet effort, auquel les créanciers privés sont appelés à participer, ce dont je me réjouis, devra nécessairement s’accompagner de réformes structurelles très profondes : la Grèce devra, le plus tôt possible, procéder à un certain nombre de privatisations et rationaliser sa gouvernance. En dégageant 50 milliards d’euros, elle adresserait également un message très clair aux marchés et à ses partenaires de l’Eurogroupe.
Enfin, je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir souligné que l’Europe est sortie, avec le traité de Lisbonne, d’une vision dichotomique opposant fédéralisme et confédéralisme. Il faut avant tout savoir faire preuve de réactivité et de souplesse dans l’action. C’est précisément là, me semble-t-il, l’un des grands acquis de ce traité.
En conclusion, je tiens à saluer l’action de la France au sein du couple franco-allemand dans la crise difficile que nous traversons, dont l’Europe, je l’espère, sortira renforcée. À cet instant, je voudrais citer M. Barnier : « Malheur à celui qui ne bouge pas quand tout, autour de lui, est en mouvement ! Malheur à celui qui préfère être solitaire quand, précisément, il convient d’être solidaire ! »
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat préalable au Conseil européen du 24 juin 2011.