Article 1er
L’article L. 213–2 du code de l’urbanisme est ainsi modifié :
1° La seconde phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette déclaration comporte obligatoirement l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix, ainsi que les informations dues au titre de l’article L. 514–20 du code de l’environnement. Le titulaire du droit de préemption peut, dans le délai de deux mois prévu au troisième alinéa du présent article, adresser au propriétaire une demande unique de communication des éléments, fixés limitativement par décret, permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble. » ;
1° bis (nouveau) Le troisième alinéa est complété par quatre phrases ainsi rédigées :
« Le délai est interrompu à compter de la réception de la demande visée au premier alinéa. Il reprend à compter de la réception des éléments par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. » ;
2° Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’il envisage d’acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d’intention d’aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision dudit titulaire est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne qui avait l’intention d’acquérir le bien mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner. Le vendeur la transmet aux fermiers, locataires, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et aux personnes bénéficiaires de servitudes mentionnés dans la déclaration d’intention d’aliéner.
« Le titulaire du droit de préemption peut demander à visiter le bien dans des conditions fixées par décret. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« La déclaration d’intention d’aliéner comporte obligatoirement les éléments permettant d’apprécier la consistance et l’état de l’immeuble, l’indication du prix et des conditions de l’aliénation projetée ou, en cas d’adjudication, l’estimation du bien ou sa mise à prix. Le propriétaire transmet également, à la demande du titulaire du droit de préemption, les conclusions des diagnostics immobiliers prévus aux articles L. 271-4 et suivants du code de la construction et de l’habitation et les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement. »
La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Par cet amendement, nous proposons une rédaction un peu plus précise de ce que doit contenir une déclaration d’intention d’aliéner. Nous souhaitons notamment que soient mentionnés explicitement les conclusions des diagnostics immobiliers prévus aux articles L. 271-4 et suivants du code de la construction et de l’habitation, les informations dues au titre de l’article L. 514-20 du code de l’environnement, c’est-à-dire les éléments qui composent le dossier de diagnostic technique que doit fournir tout vendeur dans le cadre d’une promesse de vente – plomb, amiante, termites, installation de gaz, état des risques naturels et technologiques, état de l’électricité, assainissement non collectif, diagnostic de performance énergétique – et toute information concernant la pollution éventuelle du bien.
En marge de la présentation de cet amendement, je souhaite vous alerter sur les menaces qui pèsent sur le diagnostic de performance énergétique et sur l’affichage de l’étiquette énergétique, notamment depuis que le PTZ n’est plus soumis à condition de ressources.
À la base, votre idée était bonne, mais vous avez mis en œuvre une mesure inflationniste. C’est la fiabilité du système tout entier qui est remise en cause. Désormais, tout le monde a intérêt à surcoter un bien sur le plan énergétique : le vendeur, bien sûr, qui souhaite mieux le vendre, et l’acheteur, qui souhaite bénéficier d’un meilleur PTZ. Cela fait boule de neige ! Résultat : les abus se multiplient et les consommateurs grognent.
Nous avons pourtant une solution pour vous : supprimer ce PTZ sans condition de ressources, qui contribue à la hausse des prix et ne bénéficie qu’aux plus aisés de nos concitoyens.
Mme la présidente. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Marsin, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
et de l'article L. 271–4 du code de la construction et de l'habitation
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’objet de cet amendement, assez similaire à celui de l'amendement précédent, est d'inclure les éléments du dossier de diagnostic technique parmi les informations jointes à la déclaration d'intention d'aliéner.
Soyons clairs : la collectivité, l'établissement ou la structure qui exerce son droit de préemption se substitue en réalité à l'acquéreur. Il est donc normal et justifié qu’ils disposent de l'ensemble des éléments techniques dont bénéficierait l'acquéreur.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Cette déclaration d’intention d’aliéner peut être dématérialisée dans des conditions prévues par décret.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement vise à faire en sorte que la déclaration d'intention d'aliéner puisse faire l'objet d'une dématérialisation dans des conditions prévues par décret. Le rapporteur s’y est montré défavorable, sous prétexte qu'une ordonnance relative à la dématérialisation de l’ensemble des procédures était en préparation.
Je vous demande instamment, monsieur le secrétaire d'État, de nous indiquer à quel stade en est ce projet d’ordonnance.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 13. Prévoir que la DIA devra être accompagnée des diagnostics immobiliers relève du domaine réglementaire. C'est bien pour cette raison que l'article précise que le titulaire du droit de préemption peut demander au propriétaire de lui communiquer certains éléments, dont la liste est fixée par décret. Je ne vois pas pour quelle raison il faudrait citer nommément les diagnostics immobiliers.
De même, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 25 rectifié. Nous n’avons pas souhaité, afin de ne pas alourdir les formalités, que les documents complémentaires soient systématiquement adressés à l'autorité qui détient le droit de préemption dans la mesure où seules 1 % des mutations font l'objet d'un droit de préemption. Nous préférons que ces pièces soient transmises à la demande de l'autorité qui exerce le droit de préemption.
Enfin, la commission demande à son auteur de bien vouloir retirer l'amendement n° 14 ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Des travaux sur la dématérialisation des DIA sont en cours. M. le secrétaire d'État pourra sans doute donner quelques indications à ce sujet à Mme Printz, ainsi qu’elle l’a souhaité.
En tout cas, il ne me paraît pas utile que la loi dispose explicitement que les DIA peuvent être dématérialisées. Auquel cas, il faudrait élargir le champ à toutes les procédures dont on envisage actuellement la dématérialisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.
Pour répondre à la question que m'a posée Mme Printz, le décret sur la dématérialisation des DIA devrait être publié à l'automne.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 rectifié ter, présenté par M. Béteille, Mme Bout, M. Milon, Mme G. Gautier, MM. Cointat et Faure, Mme Deroche, MM. Alduy, Leclerc, Hérisson, Grignon, Laurent, Doublet et P. Blanc, Mme Bruguière, MM. Dufaut et Beaumont, Mme Mélot et MM. B. Fournier, Dulait et Houel, est ainsi libellé :
Alinéa 7
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
La décision dudit titulaire fait l'objet d'une publication.
2° Deuxième phrase
Remplacer les mots :
La décision dudit titulaire
par le mot :
Elle
La parole est à M. Laurent Béteille.
M. Laurent Béteille. J'espère que cet amendement d'une grande simplicité ne suscitera pas autant de débats que le précédent !
À travers celui-ci, nous demandons simplement que les décisions de préemption soient soumises à un affichage en mairie et à une publication dans le recueil des actes administratifs municipaux de manière que l'information soit totalement transparente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission considère très positivement cet amendement, sur lequel elle émet un avis favorable. Son adoption permettra notamment de purger l'ensemble des délais de recours.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Alain Gournac. Ah !
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié, présenté par MM. Raoul, Repentin, Daunis, Caffet, Godard, Courteau, Navarro et Rebsamen, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, avant-dernière phrase
Remplacer cette phrase par trois phrases ainsi rédigées :
Lorsque celle-ci n’est pas mentionnée dans la déclaration d’intention d’aliéner, le vendeur lui transmet immédiatement copie de la décision de préemption. L’acquéreur est réputé informé quinze jours après la réception de la décision de préemption par le vendeur. Le vendeur est tenu d’informer les locataires, les preneurs, occupants de bonne foi du bien, fermiers, titulaires de droits d’emphytéose, d’habitation ou d’usage et aux personnes bénéficiaires de servitudes mentionnées dans la déclaration d’intention d’aliéner.
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. La présente proposition de loi prévoit qu’il revient au notaire d’effectuer les démarches nécessaires en direction des personnes intéressées par la décision de préemption. Nous souhaitons que cette responsabilité revienne au vendeur pour éviter que ces nouvelles démarches obligatoires pour les notaires ne viennent alourdir les charges pour les acquéreurs.
Vous aurez noté que notre amendement a été rectifié à la suite d’une erreur matérielle puisqu’il visait la dernière phrase de l’article alors qu’il devait viser l’avant-dernière phrase.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission demande à son auteur de bien vouloir retirer cet amendement, qui est largement satisfait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
D’une part, dans le texte issu des travaux de la commission, il est bien précisé que c’est le vendeur, et non le notaire, comme le prévoyait le texte initial, qui effectue les démarches nécessaires en direction des personnes intéressées par la décision de préemption. Apparemment, M. Repentin a dû travailler sur une version ancienne de cette proposition de loi, à savoir sa version initiale ! (Sourires.)
D’autre part, cet amendement est satisfait par l'amendement de M. Béteille, qui prévoit la publicité des décisions de préemption.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement a été rédigé avant que ayons connaissance du texte adopté par la commission, puisqu’il figurait dans notre proposition de loi.
Mais la commission ayant fait le travail avant nous, nous retirons notre amendement.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. L'amendement n° 16 rectifié est retiré.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La décision de préemption est affichée en mairie ou au siège du délégataire du droit de préemption pendant un mois et publiée au recueil des actes administratifs. »
La parole est à M. Yves Chastan.
M. Yves Chastan. Cet amendement vise à améliorer la publicité des décisions de préemption dans les communes en prévoyant leur affichage en mairie ou au siège du délégataire du droit de préemption pendant un mois et leur publication au recueil des actes administratifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Hervé Maurey, rapporteur. Mon cher collègue, votre amendement est satisfait par l'amendement de M. Béteille, que nous avons adopté voilà quelques instants.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Notre amendement est plus précis que celui de M. Béteille puisqu’il indique les modalités de publicité de la décision de préemption.
Cela étant, il ne nous a pas échappé que l'amendement n° 7 rectifié ter a un objet identique. Pour autant, nous l’avons voté, sachant que l'on nous objecterait que notre amendement était satisfait par celui-ci. C'est vous dire dans quel état d'esprit nous nous trouvons. Toujours est-il que nous retirons notre amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 15 rectifié est retiré.
La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur l'article 1er.
M. Thierry Repentin. Nous voterons l’article 1er compte tenu des améliorations qui ont été apportées au texte tant en séance publique qu’en commission. Nous sommes notamment sensibles au fait que la commission ait intégré dans l’article la possibilité pour le détenteur du droit de préemption urbain, une commune par exemple, de pouvoir visiter le bien qu’il envisage d’acquérir, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. Cette plus grande connaissance du bien qui va devenir propriété publique contribue à une meilleure utilisation des deniers publics.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er, modifié
(L'article 1er est adopté.)
Article 1er bis (nouveau)
L’article L. 213–2–1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213–2–1. – L’obligation prévue à l’article L. 213–2 est applicable en cas d’aliénation d’un bien situé seulement pour partie à l’intérieur d’une partie de commune soumise à un des droits de préemption institués en application du présent titre.
« Lorsque la réalisation d’une opération d’aménagement ou de construction le justifie, le titulaire du droit de préemption peut décider d’exercer son droit pour acquérir la fraction d'un bien compris à l’intérieur d’une partie de commune visée au premier alinéa.
« Dans le cas où la préemption partielle rendrait le bien impropre à la vente, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l’ensemble du bien. »
Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Dans ce cas, le propriétaire peut exiger que le titulaire du droit de préemption se porte acquéreur de l'ensemble du bien. »
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Cet amendement a trait à la préemption partielle.
Le texte adopté par la commission prévoit, en cas de préemption partielle, que la collectivité locale est tenue d’acquérir la totalité du bien à la seule condition que le vendeur prouve que l’achat de la partie préemptée rend l’ensemble du bien impropre à la vente.
Je prends un exemple. Un propriétaire souhaite vendre quatre immeubles solidaires formant un ensemble urbain, mais la collectivité locale n’est intéressée que par deux de ces immeubles. Le propriétaire risque d’avoir plus de difficultés pour vendre les deux immeubles restants. Dans cette situation, en l’état actuel du texte de la commission, le vendeur devrait prouver, je dis bien « prouver », que les deux immeubles restants sont impropres à la vente afin d’obliger la collectivité locale à acheter l’ensemble du bien.
On peut certes comprendre qu’une collectivité ne souhaite pas acquérir la totalité d’un bien. Mais le Gouvernement considère qu’il n’appartient pas au vendeur d’en subir les conséquences. Lorsqu’une collectivité locale ne veut acquérir qu’une partie d’un bien et que le vendeur est d’accord, il n’y a aucun problème. Dans le cas contraire, il est logique d’obliger la collectivité locale à acheter l’ensemble du bien.
Le droit de préemption est légitime, mais son application doit respecter l’équilibre des intérêts de la collectivité locale et du propriétaire. Or, avec le texte de la commission, le droit de préemption s’exercerait au bénéfice de la collectivité, avec un préjudice trop important pour le propriétaire.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 31, présenté par M. Maurey, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Amendement n° 27, alinéa 3
Remplacer les mots :
Dans ce cas,
par les mots :
Dans le cas où la préemption partielle entraînerait une dévalorisation du bien,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Hervé Maurey, rapporteur. La commission souhaite qu’une collectivité puisse préempter seulement une partie d’un bien.
Je prendrai à mon tour un exemple. Une petite commune peut vouloir acquérir une parcelle d’une grande propriété sans avoir les moyens financiers d’acheter l’ensemble du bien, même si vous me rétorquerez sans doute que, si elle acquiert la totalité du bien, elle peut ensuite revendre la partie qu’elle n’entend pas conserver.
C’est la raison pour laquelle nous avons voulu, dans la proposition de loi, poser un principe quelque peu différent. M. le secrétaire d’État a insisté sur le fait que le vendeur devait « prouver » – il a employé le terme à plusieurs reprises –…
M. Hervé Maurey, rapporteur. … que le bien devenait impropre à la vente dès lors que l’on n’en préemptait qu’une partie. Je suis sur ce point disposé à revoir la disposition initiale.
M. le secrétaire d’État souhaite le maintien du droit existant qui impose à une collectivité voulant préempter une partie d’un bien l’achat de sa totalité si le propriétaire le demande. Cela ne soulève pas de difficulté majeure pour les grandes collectivités, dans lesquelles des établissements publics fonciers réalisent l’achat, le portage et la revente du bien. En revanche, il peut être dissuasif d’exiger par principe d’une petite commune qui ne dispose pas d’un outil de cette nature qu’elle achète l’ensemble d’un bien. J’en reviens à la notion d’arme nucléaire qui a été utilisée tout à l’heure.
Aussi, je suis prêt à faire un effort pour aller dans le sens de M. le secrétaire d’État, et c’est l’objet du sous-amendement no 31 qui vise, dans l’amendement no 27, à remplacer les mots « Dans ce cas » par les mots « Dans le cas où la préemption partielle entraînerait une dévalorisation du bien », étant bien entendu que tout cela se fait sous le contrôle du juge.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 31 ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je m’en remets à la sagesse du Sénat. En effet, comme je mesure à peu près les conséquences de ce sous-amendement, je les anticipe au travers de cet avis.
Monsieur le rapporteur, permettez-moi de préciser l’argumentaire de l’amendement no 27. Le Gouvernement souhaite le maintien de la situation actuelle, et c’est l’objet de l’amendement qu’il a déposé, afin que soit respecté l’équilibre entre les parties.
Je conçois qu’une petite commune ne veuille acquérir que la parcelle qui l’intéresse d’une propriété plus vaste. Un propriétaire peut souhaiter vendre une parcelle à un acheteur qui veut, par exemple, y construire une maison. Il faut bien considérer que le droit préemption est un élément gênant en termes d’équilibre entre les parties. Mais si on permet à la collectivité de dire au propriétaire : « Je n’achète que les 30 % de votre terrain qui m’intéressent. Le reste, ce n’est pas mon problème, je ne veux pas en entendre parler. », on accorde un pouvoir très important à la collectivité locale.
Si la collectivité a « besoin » de ce terrain, et si elle décide de l’acquérir, il est logique qu’elle assume toutes les conséquences de son choix, et pas seulement au regard de son propre intérêt.
Si je m’en remets à la sagesse du Sénat sur votre sous-amendement, monsieur le rapporteur, c’est parce que les seuls éléments de dévalorisation du bien que vous avancez me semblent insuffisants et, surtout, parce que la disposition que vous proposez serait un nid à contentieux. En effet, qui estimera si le bien a été dévalorisé ? Le juge !
Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 31.
M. Thierry Repentin. Mon explication de vote vaudra pour le sous-amendement et pour l’amendement.
Au travers de cette proposition de loi, nous nous étions efforcés de trouver un équilibre entre le maintien du droit de propriété et l’élargissement des moyens dont disposent les collectivités locales pour conduire des opérations d’aménagement en utilisant le droit de préemption urbain. Il nous semble que l’amendement du Gouvernement introduit une distorsion, un déséquilibre dans ce texte qui recueillait plutôt notre assentiment. C’est pourquoi nous sommes hostiles à cet amendement.
La Haute Assemblée doit prendre en considération l’outil que constitue le droit de préemption urbain pour les collectivités locales et tenir compte de leur intérêt. (M. Yves Chastan opine.) Il nous semble disproportionné de contraindre une collectivité locale à acheter un tènement alors que seule une partie lui est nécessaire pour réaliser un projet d’intérêt général. Certaines collectivités locales pourraient être conduites, faute de moyens financiers par exemple, à renoncer au projet qu’elles souhaitaient développer sur leur territoire.
Certes, M. le rapporteur l’a rappelé, les établissements publics fonciers locaux peuvent se porter acquéreurs de l’ensemble du bien. Mais j’observe que ces établissements n’ont pas toujours, eux non plus, les disponibilités financières nécessaires. En outre, ils ne couvrent qu’une petite partie du territoire, car on n’en compte guère qu’une quinzaine. Ils jouent pourtant un rôle très intéressant et mériteraient d’être beaucoup plus nombreux. Lorsqu’une collectivité n’a pas d’établissement public foncier, elle n’a pas aujourd’hui d’autre choix que d’acheter elle-même l’ensemble du bien.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que l’amendement du Gouvernement est inacceptable. Quant à la modification que lui apporte M. le rapporteur, elle nous semble bien timide.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. En ma qualité de maire, je suis souvent confronté à ce type de situations.
Il est fréquent, dans nos bourgs, que les maisons soient construites sur de grands terrains. Une partie de ces terrains, que l’on appelle des « dents creuses » serait utile pour permettre la densification, la massification de l’habitat, qui est un des objectifs des politiques conduites dans ce domaine, y compris par le Gouvernement.
Lorsqu’une collectivité veut acheter une partie d’un bien pour la dédier à la construction, elle est tenue d’acquérir l’ensemble du bien, y compris la maison qui, éventuellement, y est construite.
Si l’amendement du Gouvernement est adopté, le droit existant ne changera pas, et ce n’est pas souhaitable. L’objet de cette proposition de loi était de permettre aux collectivités de n’acheter que la partie du terrain qu’elle voulait dédier à la construction.
Mme Évelyne Didier. Cela ne veut pas dire que le reste ne vaut rien !
M. Gérard Le Cam. En effet. Si cet amendement est adopté, même modifié par le sous-amendement, le propriétaire pourra demain trouver des arguments pour affirmer que son bien est dévalorisé et rien ne se fera. Il faut, me semble-t-il, savoir être pragmatique.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. J’entends bien votre argument, monsieur le sénateur, mais allons, si vous le voulez bien, au bout de votre raisonnement. Dans votre optique, on ne s’occupe plus du propriétaire. Celui-ci veut vendre une maison sur un grand terrain ; la collectivité préempte le terrain ; il ne peut plus alors vendre que la maison seule : tant pis pour lui !
Une maison vendue avec un terrain vaut plus cher qu’une maison sans terrain. Si le terrain est préempté, le prix intrinsèque de la maison est bien évidemment moins élevé.