M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 1er A.
Article 1er
L’article L. 623-1 du code de la propriété intellectuelle est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-1. – Pour l’application du présent chapitre, constitue une "variété", un ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu qui peut être :
« 1° Défini par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes ;
« 2° Distingué de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères ;
« 3° Considéré comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme. »
M. le président. L’amendement n° 39, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 5
Remplacer ces alinéas par sept alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 623-1. – Constitue une « variété », un ensemble végétal d’un taxon botanique du rang le plus bas connu.
« Génétiquement il convient de distinguer au moins deux grands types variétaux :
« 1° « Les variétés populations » composées d’individus aux caractères phénotypiques proches mais présentant encore une grande variabilité leur permettant d’évoluer selon les conditions de culture.
« 2° « Les variétés fixées ou combinaisons de variétés fixées » :
« - Définies par l’expression des caractères résultant d’un certain génotype ou d’une certaine combinaison de génotypes
« - Distinguées de tout autre ensemble végétal par l’expression d’au moins un desdits caractères
« - Considérées comme une entité eu égard à son aptitude à être reproduit conforme. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. L’article 1er prévoyait initialement une réécriture de l’article L. 623-1 du code de la propriété intellectuelle présentant trois inconvénients majeurs.
Premièrement, y était proposée une définition très restreinte et orientée de la variété, excluant les variétés « population » sélectionnées ou conservées par les agriculteurs en vue d’adapter localement leurs cultures sans intrants chimiques.
Deuxièmement, cette définition avait fait l’objet de critiques scientifiques, en ce sens qu’elle s’appuyait sur une appréciation erronée de la notion de « taxon botanique de rang le plus bas connu ». En effet, celle-ci peut désigner un groupe d’individus aux caractères phénotypiques proches, mais pas uniformes car ne résultant pas d’un génotype unique. Or la définition retenue était celle d’une variété composée de clones regroupant deux types variétaux particuliers : les variétés « ligne-pure » et les variétés hybrides F1. Retenir cette définition reviendrait donc à ignorer la réalité des variétés en botanique et biologie de l’évolution.
Troisièmement, et c’est une conséquence directe des deux premiers inconvénients, une définition aussi contestable permettait de ne reconnaître des droits de propriété intellectuelle ou l’inscription au catalogue aux seules variétés fixées. Conscient de ce dernier point, M. le rapporteur a proposé un amendement en commission afin que la définition retenue ne s’applique que dans le cadre des obtentions végétales.
Cette correction est une bonne chose, mais elle ne règle pas la question de fond de la définition de la variété. Mes chers collègues, plutôt que de réduire le champ d’application d’une définition mauvaise, nous vous proposons une nouvelle rédaction de l’article 1er, afin de donner une définition positive de la variété incluant les variétés « population ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent de retenir deux approches de la variété végétale : une approche classique, qui concerne les variétés fixées, c’est-à-dire stables et reproductibles ; une approche de substitution, qui englobe les variétés dites « population », lesquelles évoluent en fonction des conditions de culture.
L’objectif consiste à permettre la reconnaissance de cette seconde catégorie. Toutefois, une telle reconnaissance est inutile au sens du droit de la propriété intellectuelle, car une variété « population » n’a pas l’homogénéité ni la stabilité requises pour pouvoir bénéficier d’un certificat d’obtention végétale, ce que l’on appelle l’élément DHS.
En outre, la commission a modifié le texte de la proposition de loi initiale pour restreindre la définition de la variété au sens de « variété fixée » au seul code de la propriété intellectuelle. L’objectif était justement de permettre l’ouverture du catalogue aux variétés « population », comme le préconise le rapport Vialle.
Les auteurs de cet amendement devraient en principe être satisfaits par une telle modification. Je leur demande donc de bien vouloir retirer leur amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suggère moi aussi le retrait de cet amendement. Dès lors que l’on distingue ce qui relève du catalogue de la propriété intellectuelle et les règles d’inscription au dit catalogue, outil indispensable pour permettre la commercialisation, ce sont ces règles qui évoluent.
Le catalogue, lui, est d’ores et déjà ouvert aux variétés de conservation pour les plantes agricoles et, depuis le mois de décembre dernier, aux variétés potagères. Cet amendement est donc sans objet.
M. le président. Monsieur Le Cam, l’amendement n° 39 est-il maintenu ?
M. Gérard Le Cam. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er.
(L’article 1er est adopté.)
Article 2
I. – L’article L. 623-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-2. – Pour l’application du présent chapitre, est appelée "obtention végétale" la variété nouvelle, créée et développée qui :
« 1° Se distingue nettement de toute autre variété dont l’existence, à la date du dépôt de la demande, est notoirement connue ;
« 2° Est homogène, c’est-à-dire suffisamment uniforme dans ses caractères pertinents, sous réserve de la variation prévisible compte tenu des particularités de sa reproduction sexuée ou de sa multiplication végétative ;
« 3° Demeure stable, c’est-à-dire identique à sa définition initiale à la suite de ses reproductions ou multiplications successives ou, en cas de cycle particulier de reproduction ou de multiplication, à la fin de chaque cycle. »
II. – À l’article L. 623-3 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 623-12, la référence : « L. 623-1 » est remplacée par la référence : « L. 623-2 ».
M. le président. L’amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Demuynck, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
nouvelle, créée et développée qui
par les mots :
nouvelle créée qui
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. La commission a souhaité supprimer totalement la notion de découverte. En toute logique, il convient de supprimer le terme « développée », lequel, à mon sens, n’a plus aucune signification quand il est associé, comme dans le texte qui nous est présenté, à la variété « créée ».
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Dans sa version initiale, le texte de la proposition de loi prévoyait que pouvait faire l’objet d’un certificat d’obtention végétale toute « variété nouvelle, créée ou découverte et développée ».
La commission a considéré qu’une simple découverte d’une variété existant à l’état naturel la rendait non appropriable, dans la mesure où cette variété préexiste. Elle a donc procédé à la suppression du mot « découverte » en adoptant un amendement présenté par notre collègue Daniel Raoul, qui connaît parfaitement le sujet dans sa région.
M. Demuynck propose désormais de supprimer le terme « développée ». En effet, ce dernier, accolé à l’adjectif « créée » rend l’exigence qui pèse sur l’obtenteur au mieux redondante, au pire, trop forte.
L’amendement consiste finalement en une clarification et une simplification. Pour reconnaître une obtention végétale et recevoir un certificat, il faudra faire œuvre de création, quelle qu’en soit la forme : croisement de variétés existantes, stabilisation d’une variété naturelle, etc.
La commission émet donc un avis favorable sur cet amendement, dans la mesure où il a été rectifié.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je m’abstiendrai sur cet amendement. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je comprends très bien la logique qui sous-tend vos avis favorables. Toutefois, soyons honnêtes, il ne s’agit pas de se prendre pour le bon Dieu ! (Sourires.)
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l’économie. Nous n’avons pas cette prétention !
Mme Marie-Christine Blandin. On ne crée rien ex nihilo ! On part de Darwin, on passe par la protohistoire et les sociétés paysannes, puis on ajoute quelque chose. On procède comme un encadreur devant un tableau de Léonard de Vinci. (Exclamations amusées.)
M. Daniel Raoul. Oh là là !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 19 rectifié est présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L’amendement n° 40 est présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les obtentions végétales d’un genre ou d’une espèce bénéficiant du régime de protection institué par les dispositions du présent chapitre ne sont pas brevetables. »
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l’amendement n° 19 rectifié.
Mme Marie-Christine Blandin. J’ai attentivement écouté tous les orateurs qui soutiennent cette proposition de loi. Ils la présentent véritablement comme le bouclier le plus efficace, à l'échelle de la France et de l’Europe, contre la brevetabilité du vivant.
C’est le sens de votre texte, chers collègues. Aussi mon amendement vise-t-il simplement à réintroduire une précision réclamée sur presque toutes les travées, ainsi que sur les bancs de la commission et du Gouvernement.
Cette mention existait auparavant. Monsieur le rapporteur, vous avez réécrit l’article L. 623-2 du code de la propriété intellectuelle, en supprimant soudainement cette affirmation de notre résolution en faveur de la non-brevetabilité du vivant. Vous avez justifié cette suppression en arguant qu’une précision était inutile, parce qu’elle était redondante. Pour ma part, quand je vous ai tous entendu dire à la tribune que vous refusiez la brevetabilité du vivant, je n’ai pas trouvé cela « redondant », mais satisfaisant. Il serait bon que l’on inscrive ce principe dans la loi.
M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l’amendement n° 40.
Mme Mireille Schurch. Dans sa rédaction actuelle, le code de la propriété intellectuelle refuse clairement la brevetabilité des obtentions végétales. Or l’article 2 de la proposition de loi ne reprend pas ce principe. Nous demandons donc que les termes de l’article L. 623-2 de ce code soient rétablis dans l’article 2 de la proposition de loi.
On assiste, à l’échelon mondial, à une multiplication de brevets sur des espèces sauvages traditionnellement utilisées par des populations locales, comme le brevet Bayer sur les feuilles de saule en Amérique du sud, et plusieurs brevets sur le riz doré.
Prenons l’exemple de la brazzeine. Cette plante cultivée au Gabon intéresse pour les baies sucrées qu’elle produit. Elle a permis aux chercheurs de développer une protéine 1 000 fois plus sucrée que le sucre, et bien moins riche en calories. Actuellement, quatre brevets sur la brazzeine ont été délivrés, et des licences ont été accordées à cinq sociétés, dont aucune n’est gabonaise d'ailleurs. Selon certaines estimations, les produits d’exploitation susceptibles de revenir aux industriels représentent 100 milliards de dollars par an !
Notre amendement vise à réaffirmer le principe fondateur d’un partage juste et équitable des avantages issus de l’exploitation des ressources : celui de la non-brevetabilité des variétés végétales.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Rémy Pointereau, rapporteur. Ces amendements tendent à préciser que les variétés susceptibles de recevoir une protection par un certificat d’obtention végétale ne peuvent faire l’objet d’un brevet. Or ce principe figure dans la proposition de loi.
Une telle précision est inutile, car l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle prévoit déjà que les variétés végétales ne peuvent pas faire l’objet d’un brevet. Les objectifs des auteurs des amendements sont par conséquent satisfaits par le droit en vigueur.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je partage l’avis de M. le rapporteur, pour l’excellente raison qu’il a donnée : l’article L. 611-19 du code de la propriété intellectuelle prévoit déjà que les variétés végétales ne peuvent pas faire l’objet d’un brevet. Il me semble inutile de le rappeler.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 rectifié et 40.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
(L’article 2 est adopté.)
Article 3
L’article L. 623-4 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 623-4. – I. – Toute obtention végétale peut faire l’objet d’un titre appelé certificat d’obtention végétale qui confère à son titulaire un droit exclusif de produire, reproduire, conditionner aux fins de la reproduction ou de la multiplication, offrir à la vente, vendre ou commercialiser sous toute autre forme, exporter, importer ou détenir à l’une de ces fins du matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée.
« II. – Lorsque les produits mentionnés aux 1° et 2° ont été obtenus par l’utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication de la variété protégée, le droit exclusif s’étend :
« 1° Au produit de la récolte, y compris aux plantes entières et aux parties de plantes ;
« 2° Aux produits fabriqués directement à partir d’un produit de récolte de la variété protégée.
« III. – Le droit exclusif du titulaire s’étend :
« 1° Aux variétés qui ne se distinguent pas nettement de la variété protégée au sens de l’article L. 623-2 ;
« 2° Aux variétés dont la production nécessite l’emploi répété de la variété protégée.
« IV. – Le droit exclusif du titulaire d’un certificat d’obtention végétale portant sur une variété initiale s’étend aux variétés essentiellement dérivées de cette variété.
« Constitue une variété essentiellement dérivée d’une autre variété, dite variété initiale, une variété qui :
« 1° Est principalement dérivée de la variété initiale ou d’une variété qui est elle-même principalement dérivée de la variété initiale ;
« 2° Se distingue nettement de la variété initiale au sens de l’article L. 623-2 ;
« 3° Est conforme à la variété initiale dans l’expression des caractères essentiels résultant du génotype ou de la combinaison de génotypes de la variété initiale, sauf en ce qui concerne les différences résultant de la dérivation. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l’article.
M. Richard Yung. Le présent article est important, puisqu’il tend à ancrer plus solidement le certificat d’obtention végétale, cette très importante solution de rechange au brevet, dans notre droit. La réaffirmation de la primauté du COV est d’autant plus nécessaire que le débat éthico-juridique sur l’appropriation privée du vivant n’est pas clos, loin s’en faut.
J’en veux pour preuve les récentes affaires dites « du chou brocoli » et « de la tomate ridée », qui portaient sur la distinction entre découverte et innovation.
La Grande chambre de recours de l’Office européen des brevets, instance juridique suprême qui dit le droit et interprète les textes de propriété industrielle, en particulier dans le domaine des brevets et de la biotechnologie, a récemment décidé, le 9 décembre 2010, qu’une technique utilisée pour sélectionner un caractère pouvant être porté par plusieurs variétés différentes ne pouvait être considérée comme une invention.
En précisant ainsi l’étendue du principe de la non-brevetabilité d’un processus biotechnologique, dont on demandait la protection par brevet, la Grande chambre de recours a limité l’appropriation du vivant par les entreprises.
Un autre cas fait actuellement l’objet d’un débat de fond, celui du melon résistant à certains virus.
Ce melon n’est pas une invention, mais le résultat d’une sélection génétique naturelle réalisée à partir d’espèces de melons résistantes cultivées en Inde. Il n’y a donc, en l’occurrence, ni apport d’intelligence humaine ni activité inventive.
L’introduction dans notre droit de la notion de « variété essentiellement dérivée » devrait permettre de prévenir tout risque de privatisation du vivant. L’extension à ces variétés de la protection offerte à l’obtenteur par le COV permettra en effet d’éviter que l’introducteur d’un gène breveté dans une variété végétale existante obtienne un droit de propriété total sur la variété obtenue par transformation génétique. La variété végétale est donc protégée de façon encore plus forte.
Pour toutes ces raisons, l’article 3 de la proposition de loi est bienvenu.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Le Cam et Danglot, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les informations concernant les ressources utilisées pour sélectionner la nouvelle doivent être rendues publiques lors de l'enregistrement du certificat d'obtention végétale. Les informations sur toute forme de protection de droit de propriété intellectuelle couvrant une variété, une ressource phytogénétique, une semence ou les plantes cultivées, les récoltes et les produits qui en sont issus, doivent être rendues publiques lors de leur enregistrement et de leur commercialisation.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Le cumul des deux protections prévues dans la proposition de loi – COV sur la variété et brevet sur le gène et sa fonction – est un outil d’appropriation des semences bien plus redoutable que le brevet.
Je tiens ici à réitérer notre inquiétude sur les conséquences d’une telle réglementation, alors même qu’aucune réflexion globale sur la propriété intellectuelle et le régime des brevets n’a été engagée.
Lorsqu’un obtenteur déposera un COV sur une variété, il se pourra que celle-ci contienne un gène protégé par un brevet. Tant qu’il s’agit de faire des recherches et de créer de nouvelles variétés, le brevet n’est opposable ni aux obtenteurs qui se serviront de la variété créée, ni aux agriculteurs. En revanche, lors de la commercialisation de la semence, les obtenteurs et les agriculteurs seront redevables de royalties au bénéfice du titulaire du brevet.
Ce risque est facteur de limitation de l’innovation. De plus, l’insécurité juridique favorise une concentration excessive de l’industrie semencière entre les mains des propriétaires des plus gros portefeuilles de brevets.
Les obtenteurs qui développent de nouvelles variétés sont sous la menace permanente de devoir payer des droits de licence ou d’accepter que leur entreprise soit absorbée pour pouvoir les commercialiser. Et les agriculteurs ne savent pas si une éventuelle contamination par des gènes brevetés ne leur interdit pas toute réutilisation de leur récolte comme semence.
En effet, les brevets déposés sur les informations génétiques issues d’autres techniques que la transgénèse – fusion cellulaire, mutagénèse dirigée, sélection assistée par marqueur – se multiplient, sans qu’aucune information existe sur les ressources phytogénétiques ou les variétés qu’ils sont susceptibles de protéger, ni même parfois sur les espèces dans lesquelles ils peuvent être utilisés.
Un sélectionneur qui engage un travail de recherche ne peut plus savoir si les ressources qu’il utilise contiennent ou non des informations génétiques brevetées. C’est le secret défense !
Nous demandons au travers de cet amendement que soit assurée l’information des obtenteurs, lorsqu’ils s’échangent des variétés, et des agriculteurs.
Nous proposons que les informations concernant les ressources utilisées pour sélectionner la nouvelle variété soient rendues publiques lors de l’enregistrement du certificat d’obtention végétale, et que celles portant sur toute forme de protection de droit de propriété intellectuelle couvrant une variété, une ressource phytogénétique, une semence ou les plantes cultivées, les récoltes et les produits qui en sont issus, soient rendues publiques lors de leur enregistrement et de leur commercialisation.
La réponse qui nous a été faite en commission ne nous satisfait pas. Comme pour les OGM, on nous dit que cela relève du secret de la recherche. Ainsi, personne ne sait rien !
M. le président. L’amendement n° 20, présenté par Mme Blandin, MM. Raoul, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’information sur les ressources qui ont été utilisées pour sélectionner la nouvelle variété doit être rendue publique lors de l’enregistrement du certificat d’obtention végétale.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Cette intervention me donnera l’occasion de souligner que des amendements peuvent être défendus de façon différente, tout en ayant le même objet.
Au travers de l’amendement n° 20, je tiens à insister sur la nécessité de la transparence de l’information sur l’origine de la plante pour laquelle sera déposé et inscrit un COV. La ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, Mme Kosciusko-Morizet, vient de se rendre à la conférence de Nagoya pour signer, au nom de la France, la convention sur la diversité biologique, dont l’article 15 énonce les règles de « l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages ».
Nous considérons que les informations sur les ressources utilisées sont nécessaires pour veiller à ce que les modes d’accès aux ressources génétiques ou à leurs utilisations ne nuisent ni aux communautés auprès desquelles elles auraient pu être trouvées ni à l’environnement. En effet, les exemples ne manquent pas de prédations et de destructions de variétés convoitées destinées à empêcher une firme semencière concurrente de bénéficier de la même découverte…
Si les utilisateurs recherchent des ressources afin d’en tirer des avantages, les fournisseurs doivent bénéficier, en contrepartie, d’une part équitable des avantages résultant de leur utilisation.
Nous espérons que cette proposition de loi suivra sa route jusqu’à son terme et que l’on ne nous fait pas travailler de nuit pour la mettre au placard, comme cela s’est déjà produit à maintes reprises avec d’autres textes. Quoi qu’il en soit, si elle est votée, elle entrera en application au moment où les travaux de la Fondation pour la recherche sur la biodioversité, la FRB, auront été transmis au ministère de l’environnement et se traduiront dans la réalité.
Les communautés autochtones, qui ont été capables, au cours de leur histoire, d’identifier des semences et d’apprendre à les récolter et à les transformer, vont acquérir des droits. Par conséquent, en conformité avec les engagements pris par la France dans la convention sur la diversité biologique, le COV sera enrichi d’une information sur l’origine des variétés.
M. le président. L’amendement n° 22, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« L’information sur toute forme de protection de droit de propriété intellectuelle couvrant une variété, une ressource phytogénétique, une semence ou les plantes cultivées, les récoltes et les produits qui en sont issus, doit être rendue publique lors de leur enregistrement et de leur commercialisation.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la notion de « variété très voisine », sur laquelle l’obtenteur garderait une sorte de prolongation de ses droits. Si un gène était modifié et introduit, nous avez-vous dit, il ne faudrait pas que l’obtenteur se trouve spolié de la variété qu’il a mise au point à lui seul, si l’on excepte le gène qui a été ajouté.
Je ne plaide pas, pour ma part, en faveur des droits et du patrimoine de l’obtenteur, mais de ceux de l’utilisateur et du consommateur.
Ces derniers ont le droit de savoir quel gène a été modifié à l’intérieur de la variété qui vient d’être inscrite sur le catalogue des semences et plants. Car s’il s’agit d’un gène qui produit de l’insecticide, ou une autre substance de cette nature, je n’ai pas vraiment envie de le retrouver dans mon assiette, sous prétexte que l’obtenteur doit conserver son droit à bénéfice et que l’on se bat contre le brevet.