Mme Évelyne Didier. Je formulerai trois remarques.
Premièrement, nous sommes prisonniers du carcan de la LOLF, que notre groupe dénonce depuis longtemps et qui, à vous entendre, chers collègues de l’opposition, nous empêcherait de présenter le moindre amendement sur le projet de loi de finances ! Pour augmenter les crédits d’un programme, il faut réduire d’autant ceux d’un autre... Cet exercice ridicule rend tout choix politique impossible.
D'ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, si nous ne servons à rien, dites-le clairement et nous nous en irons ! Dans le cas contraire, souffrez que les sénateurs s’opposant au Gouvernement puissent s’exprimer par le biais des amendements qu’ils présentent !
Deuxièmement, lors de l’examen de la première partie du budget, nos collègues de la majorité sénatoriale ont formulé des propositions et ont dégagé des crédits supplémentaires. Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-les et ce problème sera résolu !
Troisièmement, aux adeptes de la concurrence libre et non faussée, dont on nous chante la louange sur tous les tons, je réponds que, sans les instruments de mesure mis au point par l’INSEE, dont 60 millions de consommateurs se charge de diffuser les résultats, il ne reste plus rien aux consommateurs ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, devant la commission de l’économie, j’ai déjà répondu en détail à chacune des questions posées et chacun s’en était félicité.
Madame Didier, je conçois tout à fait que votre remarque concernant la LOLF s’adresse non à moi mais aux sénateurs de la majorité présidentielle.
Mme Évelyne Didier. Pas du tout !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Par ailleurs, je comprends parfaitement que chacun dépose des amendements et que vous en présentiez au sujet de l’INSEE ou de 60 millions de consommateurs.
Comme je l’ai souligné devant la commission, je suis le plus acharné défenseur du pluralisme dans l’expression des consommateurs. Je défends donc l’indépendance de cet organe, madame Didier : vous connaissez parfaitement les décisions que j’ai été conduit à adopter, qui n’obèrent en rien l’avenir de 60 millions de consommateurs, bien au contraire. Nous souhaitons bien sûr que ce journal conserve son indépendance, mais force est de tenir compte de sa situation commerciale.
Mme Évelyne Didier. C’est une question de cohérence !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’entends parfaitement votre appel à la cohérence, madame Didier. Permettez-moi simplement de souligner que les amendements nos II-18 et II-171 visent des objectifs exactement opposés !
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. Quel est le problème ?
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. De telles décisions sèmeraient la pire des confusions dans l’esprit de nos compatriotes.
En outre, en votant contre les crédits de la mission « Économie », comme vous l’avez d’emblée annoncé, vous allez vous-mêmes faire tomber les amendements.
Mme Évelyne Didier. De toute façon, ils auraient été supprimés en commission mixte paritaire !
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Il est important de souligner ces contradictions, que nos compatriotes ne manqueront pas d’apprécier.
Mme Odette Herviaux. Il s’agit simplement de deux problèmes différents !
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits, modifiés.
(Ces crédits ne sont pas adoptés.)
compte de concours financiers : prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », figurant à l’état D.
État D
(En euros) |
||
Mission |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés |
10 500 000 |
10 500 000 |
Prêts et avances pour le logement des agents de l’État |
500 000 |
500 000 |
Prêts pour le développement économique et social |
10 000 000 |
10 000 000 |
Prêts à la filière automobile |
0 |
0 |
Prêts et avances au Fonds de prévention des risques naturels majeurs |
0 |
0 |
M. le président. La parole est à M. Christian Bourquin, rapporteur spécial.
M. Christian Bourquin, rapporteur spécial. La commission des finances appelle le Sénat à adopter ces crédits, monsieur le président.
M. le président. Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».
3
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le lundi 28 novembre 2011, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2011-219 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
4
Loi de finances pour 2012
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.
Aide publique au développement
Compte de concours financiers : Prêts à des États étrangers
Compte d’affectation spéciale : Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Aide publique au développement », ainsi que du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » et du compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ».
La parole est à M. Yvon Collin, rapporteur spécial.
M. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission qui nous occupe ne regroupe qu’un tiers des crédits que la France consacre à l’aide publique au développement, l’APD, soit 3,3 milliards d’euros en crédits de paiement. À cet égard, la non-transmission dans les délais, une fois encore, du document de politique transversale retraçant l’ensemble des crédits concourant à l’aide publique au développement n’a pas facilité les travaux des rapporteurs spéciaux et a contrevenu au nécessaire effort de transparence du Gouvernement en ce domaine.
Ce document nous est en effet parvenu sous format électronique le 4 novembre, c’est-à-dire deux jours après l’examen des crédits par la commission des finances. L’an dernier déjà, les rapporteurs spéciaux et pour avis du Sénat avaient protesté contre la communication très tardive de cette annexe au projet de loi de finances ; manifestement en vain !
Avec une APD évaluée à 9,7 milliards d’euros en 2010, la France est loin d’être sur la voie de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles, en 2005, de consacrer 0,7 % de son revenu national brut à l’APD en 2015.
Dans cette perspective, un rendez-vous avait été fixé par les pays européens : ils devraient, en 2010, allouer 0,56 % de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Or, cette année-là, ce ratio n’a atteint que 0,50 % pour notre pays, et la stabilité des crédits consacrés à l’APD dans la programmation pluriannuelle des finances publiques ne permet guère d’envisager de dépasser ce niveau en 2013. Pourtant, d’autres pays européens, comme le Royaume-Uni ou la Belgique, ont accompli un effort significatif pour atteindre, quant à eux, le seuil de 0,56 % à l’échéance prévue. En 2010, le Royaume-Uni a ainsi remplacé la France à la deuxième place du classement des plus forts contributeurs au titre de l’APD.
S’agissant de la mission « Aide publique au développement », le montant des crédits de paiement est stable pour 2012, à 3,33 milliards d’euros. Ces crédits retracent les actions de trois ministères : le ministère de l’économie, pour le programme « Aide économique et financière au développement », le ministère des affaires étrangères et européennes, pour le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement », enfin le ministère de l’intérieur, pour les actions du programme « Migrations et développement solidaire », dont les crédits, modestes et en net recul, soulèvent la question de l’existence d’une vraie politique française de développement solidaire, considérant mieux l’apport des étrangers originaires des pays en développement à la formation de notre richesse nationale.
S’agissant des crédits de personnel de la mission, la correction technique du plafond d’emplois pour 2012 porte sur 3 % des effectifs. Le ministère des affaires étrangères et européennes connaît-il donc précisément le nombre de ses agents travaillant dans le domaine de la coopération ? M. le ministre nous répondra certainement sur ce point.
La logique de maîtrise comptable des dépenses a parfois des effets particulièrement défavorables au rayonnement international de notre pays, surtout eu égard au montant des sommes en jeu, dont le poids dans la réduction du déficit public est somme toute marginal. Je pense notamment aux crédits consacrés à la francophonie, qui ont régressé de 64 millions à 61 millions d’euros entre 2007 et 2012, et plus encore à la diminution drastique des contributions volontaires de notre pays aux agences des Nations unies : leur montant, qui était de 86 millions d’euros en 2007, a connu un point bas à 49 millions d’euros en 2011, avant de s’établir à 51,4 millions d’euros dans le présent projet de loi de finances.
Par ailleurs, une grande partie de notre APD transite par un quasi-opérateur de l’État, l’Agence française de développement, l’AFD. J’ai l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat au sein de son conseil d’administration. À cet égard, comme les autres membres de celui-ci, j’ai reçu, le 7 juillet dernier, une lettre ouverte des syndicats traduisant un malaise tangible des personnels. L’AFD est engagée dans une importante opération de maîtrise de ses dépenses, ayant conduit en 2010 à une forte réduction des frais généraux. Si cet effort doit être salué, les mesures mises en œuvre ne peuvent l’être qu’en étroite concertation avec le personnel et ses organisations représentatives.
Toujours en ce qui concerne l’AFD, je souhaiterais connaître le lien existant entre le résultat financier annuel et les dividendes versés à l’État par l’AFD, estimés à 220 millions d’euros en 2010.
De même, je m’interroge, monsieur le ministre, sur la suppression, l’an dernier, d’une niche fiscale, sur l’initiative de la commission des finances du Sénat : je veux parler du dispositif attaché au compte épargne co-développement, qui, selon le Gouvernement, ne concernait que 31 souscripteurs. Or le projet de loi de finances pour 2012 fait état de 625 ménages bénéficiaires ! Qu’en est-il exactement ? Par ailleurs, où en est l’élaboration de l’instruction fiscale prévue suite à la disparition de ce dispositif ?
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les opérations liées aux prêts pratiqués par l’État en faveur de l’aide au développement et, depuis mai 2010, celles qui s’inscrivent dans le cadre du soutien financier européen décidé en faveur de la Grèce, à hauteur de 3,89 milliards d’euros en crédits de paiement.
La première section du compte retrace les versements et les remboursements des prêts consentis à des États émergents en vue de faciliter la réalisation d’infrastructures. Les montants alloués, relativement faibles, traduisent l’insuffisante présence industrielle de la France dans les pays émergents.
La deuxième section porte sur les prêts à des États étrangers pour consolidation de dettes des pays pauvres très endettés. Je me félicite aujourd’hui de ce que, sur les quarante États éligibles, trente-deux aient franchi le point d’achèvement autorisant le traitement de leur dette.
La troisième section du compte retrace des prêts octroyés à l’AFD afin que celle-ci consente des prêts à des conditions préférentielles aux pays pauvres très endettés.
Enfin, la quatrième section du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » correspond à la deuxième année de mise en œuvre du plan de soutien européen à la Grèce. Pour les nouvelles tranches de prêts dont bénéficie la Grèce, ainsi que pour les appels à la solidarité européenne en faveur de l’Irlande et du Portugal, un autre instrument financier a été utilisé : le nouveau Fonds européen de stabilité financière.
Je voudrais enfin évoquer la mission de contrôle budgétaire que j’ai effectuée en Haïti en juillet dernier. J’ai pu apprécier, à l’occasion de ce déplacement, l’effort remarquable conduit sur place par notre ambassadeur et ses services, mais aussi l’engagement efficace de l’équipe de l’AFD, après le terrible séisme qui a touché ce pays. Néanmoins, si la France a répondu présente, le taux d’engagement des crédits n’est à l’évidence pas satisfaisant, puisqu’il n’atteignait que 20 % à la mi-juin 2011. L’action de la France retirerait un grand bénéfice d’une coordination accrue, et sans doute encore plus étroite, entre le directeur local de l’AFD et notre ambassadeur.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat quant à l’adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » et des comptes spéciaux « Prêts à des États étrangers » et « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial.
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer quelques éléments de réflexion, en complément de l’intervention très claire et très étayée de M. Yvon Collin. Je souligne d’emblée que je fais pleinement miennes ses observations sur la nécessité, pour notre pays, d’élever le niveau de son aide publique au développement, afin de respecter les engagements pris lors du sommet du G8 de Gleneagles. Cela étant, je me réjouis que les crédits de cette mission aient été sanctuarisés.
En ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Engagements en faveur de la forêt dans le cadre de la lutte contre le changement climatique », créé par l’article 63 de la loi de finances initiale pour 2011, il vise à financer des actions dans les pays en développement pour la gestion durable de la forêt et la lutte contre la déforestation. Son financement est couvert par la cession de « quotas carbone » sous forme d’unités de quantité attribuées à notre pays, telle que prévue par le protocole de Kyoto.
Or l’absence de ventes de « quotas carbone » n’a pas permis, à ce jour, d’engager les actions prévues dans le cadre de ce compte d’affectation spéciale, en matière d’imagerie satellite pour les pays d’Afrique centrale, de gestion forestière durable en Indonésie et de coopération régionale sur le plateau des Guyanes. Alors que s’ouvre aujourd’hui la conférence de Durban, cette situation nous interpelle quant au fonctionnement des mécanismes du protocole de Kyoto.
S’agissant des financements innovants, le succès de la contribution de solidarité sur les billets d’avion, dont d’aucuns s’étaient moqués quand elle avait été annoncée, plaide aujourd’hui pour la création d’une taxe sur les transactions financières.
Je rappelle que, depuis son entrée en vigueur, la contribution de solidarité sur les billets d’avion, gérée par l’AFD, a rapporté 707 millions d’euros. Elle finance UNITAID, dont on connaît le rôle en matière de promotion de l’accès aux vaccins et aux médicaments dans les pays en développement.
En ce qui concerne la taxe sur les transactions financières, je voudrais souligner combien le Président de la République s’est placé à l’avant-garde sur ce thème, en l’inscrivant à l’ordre du jour de la présidence française du G20.
Le 28 janvier 2011, le Président de la République a mandaté M. Bill Gates pour réaliser un rapport qui a été remis voilà quelques jours, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement des pays du G20 qui s’est tenu à Cannes.
Le 14 juin 2011, sur l’initiative de plusieurs de nos collègues, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution relative à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières.
Fin septembre 2011, la Commission européenne a adopté une proposition en vue de la création d’une telle taxe, en évaluant son rendement à 55 milliards d’euros.
Je voudrais plaider en faveur de l’instauration d’une taxe sur les transactions financières. Que le secteur financier, dont les dérives secouent le monde et ont provoqué la crise, soit ainsi sollicité répond d’abord à une nécessité sur le plan moral. En outre, créer cette taxe devient désormais nécessaire pour les marchés financiers eux-mêmes : les obliger à déclarer le volume et la nature des flux financiers permettra la mise en place de régulations internationales d’ordre public.
Enfin, cette taxe est indispensable au financement de l’aide au développement et de la lutte contre le changement climatique, dont les pays du Sud subissent les conséquences alors qu’ils n’y ont que très marginalement contribué.
Un consensus se dégage dans notre assemblée sur la création d’une telle taxe à un taux faible et avec une assiette large. Je me félicite du dépôt de nombreux amendements à cette fin, notamment ceux de la commission des affaires étrangères, de M. Yvon Collin et des membres de son groupe, du groupe socialiste-EELV. Il est politiquement important que nous portions tous ensemble ce projet.
En ce qui concerne la coopération décentralisée, le ministère des affaires étrangères et européennes intervient pour des cofinancements, à hauteur de 9,8 millions d’euros. Je voudrais plaider pour cette forme moderne de coopération technique qui mobilise les compétences dans les collectivités territoriales. Il serait souhaitable qu’une synergie accrue puisse s’établir avec l’action de l’État. On estime aujourd’hui l’investissement des collectivités territoriales à environ 60 millions d’euros, mais les dépenses de personnel sont largement sous-évaluées.
En particulier, la loi relative à la coopération internationale des collectivités territoriales et des agences de l’eau, dite « loi Oudin », permet aux communes de financer l’aide au développement, dans la limite de 1 % de leurs budgets alloués aux services publics de l’eau et de l’assainissement.
M. Christian Cambon. Excellent !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. J’aborderai enfin la question de l’accompagnement des changements politiques intervenus dans le Maghreb arabe. Ces mutations exigent une réponse politique qui soit à la hauteur des enjeux. Le Président de la République a évoqué ce sujet majeur lors du sommet du G8 de mai 2011. Un plan de soutien à l’Égypte et à la Tunisie a été annoncé à cette occasion. La France y contribuera à hauteur de 1 milliard d’euros sur trois ans. Les États membres du G8 ont également appelé à l’extension du mandat de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, la BERD, à la rive sud de la Méditerranée, en décidant la création d’un fonds dédié au sein de cette banque.
Notre pays a évidemment, pour des raisons historiques et culturelles, un rôle essentiel à jouer dans les révolutions arabes.
Mme Nathalie Goulet. Oui !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Cependant, les opérateurs de l’État ne disposent pas toujours de ressources à la hauteur des attentes placées en notre pays.
Mme Nathalie Goulet. Ils manquent aussi d’informations !
Mme Fabienne Keller, rapporteur spécial. Je pense en particulier à l’opérateur de la coopération audiovisuelle du ministère des affaires étrangères et européennes, Canal France International, dont la dotation continue de s’éroder alors qu’il a été en première ligne lors du printemps arabe.
Pour conclure, mes chers collègues, je dirai que le maintien de l’aide publique au développement française dans un contexte de sobriété budgétaire doit être salué, sans que nous puissions toutefois nous satisfaire de la reconduction de l’existant.
Si la commission des finances a décidé, comme l’a indiqué M. Yvon Collin, de s’en remettre à la sagesse du Sénat, je voterai pour ma part les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis.
M. Jean-Claude Peyronnet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme l’ont dit les orateurs précédents, ce projet de budget prévoit une stabilisation de l’effort de la France en faveur du développement. C’est bien, cependant cet effort risque de ne pas permettre à notre pays de tenir un des engagements majeurs pris par la communauté internationale voilà cinq ans, celui d’atteindre, en 2015, un taux d’effort de 0,7 % du revenu national brut. Passer de 10 milliards d’euros en 2013 à 17 milliards d’euros en 2015 semble, en effet, hors de portée.
Que dire, dès lors, de l’attitude de l’administration des finances, qui a jugé qu’il valait mieux ne publier le document de politique transversale qu’après le sommet du G20 ? Ce n’est pas correct ! L’information du Parlement ne doit pas dépendre de l’appréciation de l’administration sur le caractère satisfaisant ou non des prévisions. D’ailleurs, en ces temps difficiles, nous ne recevrions plus beaucoup de documents budgétaires s’il ne fallait publier que ceux qui annoncent de bonnes nouvelles…
Comme l’a souligné l’évaluation à mi-parcours de la France par le Comité d’aide au développement de l’OCDE, le CAD, nous aurions dû établir, dès 2007, une feuille de route budgétaire permettant de définir une stratégie crédible pour atteindre cet objectif. C’est ce qu’a fait la Grande-Bretagne, qui ne manque d’ailleurs pas de le faire savoir, ainsi que d’autres pays, comme le souligne le rapport de M. Bill Gates aux États membres du G20.
Cet engagement n’est pas le seul qui a été pris par la France ces dernières années, toutes majorités confondues. Nous retraçons, dans notre rapport écrit, l’ensemble de ces engagements, dont le bilan est inégal, pourrait-on dire sous forme de litote !
Si l’on tient compte des engagements de financements additionnels pris ces deux dernières années, notamment par le Président de la République, à Copenhague, à Muskoka, à New York ou à Londres, on atteint 680 millions d’euros annuels additionnels… et tout cela sans recettes supplémentaires ! Comment diable va-t-on financer tout cela ?
Nous déclarons à l’OCDE 10 milliards d’euros d’aide au développement. Plus de 20 % de cette somme correspond à des dépenses qui n’ont qu’un rapport très indirect avec l’aide au développement ; en particulier, de 10 % à 30 %, selon les années, du montant de l’aide au développement consiste en annulations de dettes. Par ailleurs, il faut souligner la part croissante des prêts. Notre aide au développement comporte deux fois plus de prêts que celle des autres bailleurs de fonds en moyenne. Notre coopération prête de plus en plus et donne de moins en moins, et c’est moins la croissance de ces prêts qui nous préoccupe que la diminution des dons.
Les dons programmables pour les quatorze pays prioritaires au titre de notre aide publique au développement ont baissé de 30 % entre 2006 et 2009. Cette diminution est en contradiction avec nos objectifs de concentration sur l’Afrique subsaharienne et sur les quatorze pays prioritaires de la coopération française, dont la capacité d’endettement est faible.
On se trouve ainsi devant une situation très paradoxale : les quatorze pays dits prioritaires ne représentent que 8 % de l’activité de l’Agence française de développement. Autrement dit, l’opérateur pivot de la coopération française exerce 92 % de son activité ailleurs que dans les pays qui ont été considérés par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, comme la cible prioritaire de notre coopération.
Vous nous l’avez dit, monsieur le ministre, l’objectif de l’État est de concentrer 60 % de l’effort budgétaire sur l’Afrique subsaharienne et d’accorder 50 % des subventions aux quatorze pays prioritaires, mais l’enveloppe des subventions bilatérales est tellement faible que ces derniers n’ont que 150 millions d’euros à se partager, soit environ 10 millions d’euros par pays, ce qui est trop peu pour être significatif. Sur les 10 milliards d’euros d’APD déclarés, ces pays dits prioritaires représentent en fait un centième de notre aide.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous souhaiterions que notre action dans ces pays constitue un des volets de l’évaluation biennale dont vous nous avez proposé de définir ensemble le contenu.
Ces critiques ne sont pas minces. Elles doivent conduire le Parlement à être très vigilant pour l’année budgétaire à venir et à veiller à la mise en œuvre des évolutions positives que nous appelons de nos vœux.
En attendant, certains signes permettent de penser que nous sommes sur une bonne – ou une meilleure – voie. En particulier, nous nous félicitons de la sanctuarisation des crédits de la mission, dans un contexte financier extrêmement difficile. C’est le point positif essentiel de ce projet de budget.
Par ailleurs, la part de l’aide bilatérale devrait passer de 56 % en 2009 à 64 % en 2012. Il faut s’en féliciter, car cela permettra de dégager des crédits de subventions pour financer notre action bilatérale dans ces zones.
Enfin, les événements qui se déroulent dans nombre de pays que nous aidons, en particulier parmi ceux de la rive sud de la Méditerranée, et l’attente que suscite notre aide, même si elle est trop faible, nous incitent à ne pas envoyer un signal négatif qui pourrait être mal interprété.
Telles sont les trois raisons qui ont conduit la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC. – M. Jacques Legendre applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis.