Mme Annie David, rapporteure. Votre temps de parole est écoulé !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. En résumé, à Plan de Campagne, les salariés travaillant le dimanche touchent leur salaire, augmenté du pourcentage prévu pour les heures supplémentaires et d’au minimum 100 % du SMIC horaire pour les heures travaillées le dimanche. De plus, ils ont droit à deux jours de repos compensateur.
M. Ronan Kerdraon. Merci patron !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Enfin, il ne faut pas oublier un point important : à Plan de Campagne, on embauche des étudiants pour travailler le week-end.
Pour toutes ces raisons, je demande, à l’instar du groupe UMP, la suppression de l’article 2.
M. le président. La parole est à M. Pierre Charon, sur l'article.
M. Pierre Charon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à titre liminaire, je souhaiterais souligner que la présente proposition de loi me semble reposer sur une double stigmatisation : de l’employeur d’une part, du consommateur du dimanche d’autre part.
Les opposants au travail le dimanche passent sous silence le fait que, si les magasins ouvrent le dimanche, c’est parce qu’une partie de la clientèle a besoin de faire ses courses ce jour-là. À les entendre ou à les lire, on a le sentiment que l’individu serait contraint de consommer.
M. Jean Desessard. Et le commerce de proximité ?
Mme Annie David, rapporteure. Ce ne doit pas être important !
M. Pierre Charon. Parallèlement, on retrouve l’idée que seule la consommation culturelle, sportive ou touristique devrait être possible le dimanche. Dans ce cas, pourquoi autoriser l’ouverture dominicale des restaurants ?
Le modèle de société qui sous-tend le texte dont nous débattons ne prend pas en compte les changements intervenus dans les habitudes de consommation et – oserai-je le dire ? – dans les modes de vie.
L’intention de l’auteur de la proposition de loi est d’orienter la consommation du dimanche vers la culture, le sport et l’activité touristique. Cela représenterait une entorse à la liberté de chacun, voire une rupture d’égalité, puisque seuls les Français vivant dans des zones considérées comme touristiques pourraient trouver des commerces ouverts le dimanche. Or, la France étant la première destination touristique au monde, ne faudrait-il pas considérer que l’ensemble du territoire, et notamment Paris, est une zone touristique ?
J’en viens maintenant plus spécifiquement à l’article 2 de la proposition de loi.
On comprend bien que l’intention de l’auteur est de renforcer les garanties offertes aux salariés. L’article réaffirme le principe du volontariat – déjà prévu par la loi Mallié de 2009 – tout en l’assortissant d’une garantie de contrepartie. On peut difficilement s’opposer à une telle mesure.
Toutefois, alors que la loi de 2009 avait introduit une disposition selon laquelle le refus d’accepter une offre d’emploi impliquant de travailler le dimanche ne pouvait constituer un motif de radiation des listes de demandeurs d’emploi, confortant ainsi le principe du volontariat, la présente proposition de loi va plus loin sur ce point, en précisant que cette position ne peut être considérée comme un motif valable de refus d’embauche par un employeur, sans toutefois prévoir aucun mécanisme de contrôle ou de sanction. En effet, comment le salarié pourrait-il prouver que le refus d’embauche tient à ce motif, et surtout comment contraindre un employeur à embaucher un salarié qui refuse de travailler le dimanche ? À l’inverse, avec le dispositif proposé, un salarié peut très bien déclarer verbalement qu’il accepte de travailler le dimanche, puis signifier son refus par écrit, après avoir été embauché. Ce dispositif me semble donc surtout déclaratoire.
Par ailleurs, je comprends parfaitement que l’on fasse reposer le travail dominical sur le volontariat pour préserver l’équilibre familial des salariés. Néanmoins, nul n’ignore que les difficultés qui se posent aujourd’hui en matière de pouvoir d’achat risquent d’aller en s’aggravant.
Dans cette optique, le travail dominical offre à certaines catégories de salariés l’occasion d’améliorer leur pouvoir d’achat, puisque la rémunération est au moins doublée. Je pense en particulier aux jeunes sans enfants et aux étudiants. S’agissant de ces derniers, je déplore, comme l’ensemble de mes collègues, qu’ils soient contraints de travailler pour financer leurs études. Il n’en demeure pas moins que c’est une réalité. Il vaudrait donc mieux qu’ils puissent travailler le week-end plutôt qu’en semaine, afin qu’ils puissent se consacrer à leurs cours.
M. Yves Pozzo di Borgo. Bien sûr !
M. Pierre Charon. Quant aux jeunes, je ne leur dénie pas le droit à une vie de famille, mais le travail dominical ne pose véritablement problème que lorsqu’il y a des enfants. En tant que législateur, j’aurais donc souhaité qu’il soit réservé en priorité aux jeunes et aux étudiants.
Les mères élevant seules leurs enfants constituent l’autre catégorie à laquelle il a souvent été fait référence. Elles ont en effet plus de mal que les autres mères à faire garder leurs enfants, puisqu’elles ne disposent pas de l’appui d’un conjoint, mais elles ont souvent des fins de mois difficiles. Soulignons que, dans bien des cas, les enfants sont censés passer un week-end sur deux chez l’autre parent : dans cette hypothèse, le travail dominical est source non pas de déséquilibre familial, mais plutôt de revenus complémentaires. À mes yeux, ces aspects sont insuffisamment pris en compte.
Par ailleurs, le texte que nous examinons prévoit que les salariés conservent le bénéfice des rémunérations et des primes qu’ils percevaient antérieurement en cas de sanction prononcée à l’encontre de l’employeur. Cela signifie-t-il qu’un employeur condamné à fermer le dimanche devra continuer à rémunérer ses employés au même niveau que précédemment ? Qu’en est-il si des salariés n’ont été recrutés que pour travailler le dimanche ?
Le dispositif qui nous est présenté soulève donc de trop nombreuses questions. S’il s’agit bien de choisir un modèle de société, nous ne saurions l’adopter dans la précipitation. Nous devons trouver un modèle de société qui permette de concilier liberté de choix et protection de la famille et des salariés contre d’éventuels abus.
Pour ces raisons, je voterai contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mmes Hummel, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Hummel.
Mme Christiane Hummel. Le repos dominical a été généralisé par la loi du 13 juillet 1906. Le code du travail dispose, depuis lors, qu’il est interdit de faire travailler un salarié plus de six jours par semaine. S’il est bien précisé que le repos doit durer au minimum vingt-quatre heures et intervenir le dimanche, de nombreuses dérogations à cette règle sont prévues.
Ces dérogations sont soit permanentes, soit temporaires. Ce sont celles-ci qui ont été redéfinies par la loi du 10 août 2009. Il s’agit de dérogations bien précises, applicables aux commerces situés dans des zones touristiques et dans certaines grandes agglomérations.
Contrairement à ce que vous avez soutenu à l’époque, chers collègues de la majorité sénatoriale, cette loi n’a jamais eu pour objet de généraliser le travail du dimanche. Le texte défendu par notre collègue Isabelle Debré offrait, au contraire, d’importantes garanties aux salariés travaillant le dimanche : la loi Mallié a ainsi institué un équilibre, que vous voulez mettre à mal au travers de cette proposition de loi.
Quel est votre but ? Permettez-moi de vous le dire, madame le rapporteur, je suis étonnée que vous osiez proposer un texte qui ne respecte pas les protocoles relatifs à la concertation préalable avec les partenaires sociaux.
Je rappelle, encore une fois, que vous n’êtes pas les seuls à être attachés à la définition d’un jour commun de repos, et que vous n’avez pas le monopole de l’intérêt porté aux familles : la loi du 10 août 2009, qui avait été excellemment rapportée par Isabelle Debré, en est la preuve.
Cette loi avait permis d’établir un équilibre reposant sur deux principes.
Le premier principe était de garantir par la loi le volontariat des salariés, dans les cas où le travail du dimanche est exceptionnel.
Le second principe, très important, était qu’il appartient aux partenaires sociaux, et à eux seuls, de fixer les contreparties du travail du dimanche, dans les cas où le travail du dimanche est une caractéristique intrinsèque de l’activité considérée.
L’article 2 de la présente proposition de loi tend à lier par une sauce amère les situations différentes que recouvre le travail du dimanche. Mais cette sauce ne peut pas prendre, car vous mélangez toutes ces situations, sans tenir compte de leurs spécificités !
La mise en œuvre de votre proposition de loi déstabiliserait le fonctionnement des entreprises et remettrait en cause les équilibres conventionnels existants.
En outre, chose extrêmement étonnante, la rédaction initiale du texte déclarait « nuls et non avenus » les accords collectifs ne répondant pas point par point à vos exigences. Le sixième alinéa de cet article 2 révèle ainsi une conception bien étrange, et légèrement méprisante, non seulement du dialogue social, mais également des relations humaines à l’intérieur de l’entreprise.
Fidèles à l’idéologie du conflit inévitable, vous imaginez que, dès l’entretien d’embauche, la relation entre le candidat et le recruteur se noue obligatoirement sur fond de malveillance de l’entreprise et de coercition exercée sur le recruté. Cela fait manifestement bien longtemps que vous n’avez pas passé un entretien d’embauche ! (M. Ronan Kerdraon rit.)
Il me semble honteux de proposer à une personne sans emploi de se porter candidate à un poste dont elle ne pourra assumer les contraintes et de la faire entrer ainsi dans un conflit qui n’apportera rien à personne.
Mme Annie David, rapporteure. Vous dépassez votre temps de parole !
Mme Christiane Hummel. Le troisième sous-paragraphe de l’article 2 me confirme que nous n’avons pas les mêmes valeurs ! Nous avions en effet prévu, dans notre loi du 10 août 2009, d’importantes garanties pour les salariés, en fixant les règles applicables en l’absence d’accord collectif. Pour votre part, dans le texte initial de votre proposition de loi, vous aviez rejeté, de façon tout à fait ahurissante, ces accords collectifs. Certes, vous avez bien voulu supprimer cette disposition, mais celles qui tendent à inscrire dans la loi le nivellement des situations et qui traduisent un mépris de la négociation collective sont maintenues. Nous les rejetons absolument. Ce n’est plus du dialogue social, c’est de l’autoritarisme brutal !
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UCR.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dépasser son temps de parole, c’est grossier !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie David, rapporteure. L’article 2 définit les droits et les garanties des salariés travaillant le dimanche. Que vous vouliez le supprimer fait tomber les masques : vous refusez d’accorder des droits et des garanties à ces salariés.
M. Yves Pozzo di Borgo. La meilleure garantie, c’est le travail !
M. Alain Gournac. Il faut d’abord travailler !
Mme Annie David, rapporteure. Pour notre part, nous ne demandons pas la fermeture générale des commerces le dimanche ; nous voulons simplement que les salariés concernés par le travail dominical bénéficient de garanties en termes de contreparties salariales et de repos compensateur !
On voit bien que vos belles paroles de compassion sont destinées aux entreprises, et tant pis pour les salariés qui doivent travailler le dimanche !
M. Alain Gournac. N’importe quoi !
Mme Annie David, rapporteure. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression de l’article 2, lequel vise à revenir sur l’équilibre issu de la loi du 10 août 2009.
Je m’inscris totalement en faux contre les propos de Mme le rapporteur : la loi Mallié a apporté des garanties aux salariés travaillant dans les PUCE, mais aussi en matière de dérogations individuelles.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Nadine Morano, ministre. Lorsque le travail du dimanche est exceptionnel, il appartient à la loi de garantir le volontariat des salariés et d’établir des contreparties minimales. Pour la définition de ces contreparties, la priorité est donnée à l’accord collectif, car il n’y a pas lieu de douter de la pertinence de cette solution : c’est le régime des dérogations accordées pour les PUCE.
Lorsque le travail le dimanche est une caractéristique intrinsèque de l’activité considérée – je pense notamment aux établissements ouverts le dimanche dans les zones touristiques –, il appartient aux seuls partenaires sociaux de déterminer les contreparties offertes aux salariés concernés. Il n’est pas justifié, alors, de réclamer l’accord individuel et exprès de chaque salarié : c’est le régime applicable dans les communes et les zones touristiques.
L’article 2 n’opérant aucune distinction entre les situations spécifiques que recouvre le travail du dimanche, la mise en œuvre de son dispositif déstabiliserait le fonctionnement des entreprises et remettrait en cause les équilibres conventionnels existants, qui ont pourtant fait leurs preuves, notamment en termes d’adaptation à chacune des situations.
Par ailleurs, cette proposition de loi tend à limiter le champ du dispositif aux seuls accords de branche et interprofessionnels, à l’exclusion des accords d’entreprise ; ces derniers sont pourtant les mieux à même d’apporter les solutions les plus adaptées à la réalité du terrain.
Les auteurs de la proposition de loi prétendent vouloir ainsi protéger les droits des salariés, mais leur analyse est totalement erronée. La pertinence des accords d’entreprise ne saurait être remise en cause. J’en veux pour preuve les accords signés chez Kiabi ou Maxi Toys, dont les magasins sont implantés à la fois dans des PUCE et des communes touristiques : ils prévoient les mêmes garanties pour l’ensemble des salariés, quelle que soit leur zone d’affectation.
Cette défiance à l’égard des partenaires sociaux est inadmissible. Pour nous, les accords d’entreprise sont tout à fait légitimes. Je ne partage absolument pas votre conception du dialogue social.
Mme Isabelle Pasquet. C’est certain !
Mme Nadine Morano, ministre. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. On ne perd jamais à donner plus de liberté. Pour autant, les abus doivent être sanctionnés avec rigueur.
Aujourd’hui, l’existence de chacun est constituée d’étapes.
Quand on est étudiant, il vaut mieux travailler le dimanche que la nuit, surtout si l’on doit suivre des cours le lendemain.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne se passe pas comme ça !
Mme Isabelle Debré. Les étudiants qui travaillent le dimanche dans les magasins des Champs-Élysées perçoivent le triple du salaire normal. Certes, accorder plus largement des bourses serait une autre solution, mais l’état des finances de l’État et des collectivités locales ne le permet pas, nous le savons tous. Le travail du dimanche répond donc à un véritable besoin pour les étudiants.
Ensuite, quand on se marie, on peut souhaiter acheter une maison ou un appartement, et trouver intérêt, dans cette perspective, à travailler un dimanche sur deux, par exemple.
M. Jean Desessard. Vous avez vu les prix de l’immobilier ?
Mme Isabelle Debré. Quand on devient parent, en revanche, on n’a plus envie de travailler le dimanche.
C’est parce que la vie est ainsi faite d’étapes qu’il faut ménager une souplesse. La loi Mallié répond, me semble-t-il, à ce besoin en prévoyant le droit au refus du travail dominical, qui n’existait pas auparavant. Cette loi a donc représenté une avancée. Le comité parlementaire d’évaluation de son application n’ayant pas encore rendu ses conclusions, il me paraîtrait prématuré de revenir sur ses dispositions. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 68 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 165 |
Contre | 171 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L'amendement n° 12 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer les mots :
l’évolution de
Cet amendement n’est pas soutenu.
Mme Annie David, rapporteure. J’en reprends le texte, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 14, présenté par Mme David, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 12 rectifié.
Vous avez la parole pour le défendre, madame la rapporteure.
Mme Annie David, rapporteure. Mme Escoffier ne pouvait être présente ce matin pour présenter l’amendement n° 12 rectifié, sur lequel la commission avait émis un avis favorable. Son adoption permettra d’alléger le texte, et c'est pourquoi nous le reprenons.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 2.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Mme Isabelle Debré. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. La gauche étant minoritaire ce matin dans l’hémicycle, elle ne cesse de demander des scrutins publics.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placée pour en parler !
Mme Isabelle Debré. Je regrette que vous soyez si peu nombreux pour débattre d’un sujet de société important, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance afin de pouvoir préparer les bulletins de vote de mon groupe.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame Debré.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à onze heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix, par scrutin public, l’article 2.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 69 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 171 |
Contre | 165 |
Le Sénat a adopté.
Article 2 bis (nouveau)
Le premier alinéa de l’article L. 3132-13 du code du travail est ainsi rédigé :
« Dans les commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de treize heures. Le seuil maximal de 500 mètres carrés n’est pas applicable dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente. »
L'amendement n° 6, présenté par Mmes Kammermann, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Jouanno, MM. Laménie, Léonard, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. L’article 2 bis remet en cause la possibilité, ouverte depuis l’entrée en vigueur de la loi Mallié et largement utilisée, de faire ses courses dans les commerces de détail alimentaire jusqu’à treize heures le dimanche.
Avant même l’adoption de cette loi, certains commerces alimentaires étaient ouverts le dimanche jusqu’à treize heures, mais cette situation n’était guère légale, puisque le code du travail prévoyait la fermeture des boutiques à midi. La loi Mallié a donc validé une pratique existante, en réponse à la demande des commerçants, qui ont vu leur chiffre d’affaires augmenter, et aux attentes des consommateurs.
Au travers de l’article 2 bis, il est proposé de réserver aux seuls commerces de détail alimentaire d’une surface inférieure à 500 mètres carrés cette possibilité d’ouverture dominicale jusqu’à treize heures.
Bien évidemment, cette mesure vise à avantager les petits commerçants par rapport aux grandes surfaces. Nous partageons totalement cette volonté de protéger les commerces de proximité, cependant nous ne pouvons nous rallier à la position de notre collègue Ronan Kerdraon, qui a introduit cet article en commission par voie d’amendement.
Tout d’abord, s’il est louable de vouloir protéger les petits commerces, l’adoption de l’article 2 bis entraînerait un retour en arrière pour les salariés travaillant dans des commerces de plus grande surface. Depuis plus de deux ans, l’ensemble des commerces de détail alimentaire peuvent ouvrir le dimanche jusqu’à treize heures.
La disparition de cette possibilité pour les commerces de plus de 500 mètres carrés nuirait à chacun.
En effet, elle serait source d’incompréhension pour les consommateurs : la faculté ouverte par la loi de 2009 vise à répondre à l’évolution des habitudes sociales et économiques, en particulier au recul de l’heure du déjeuner le dimanche. Le consommateur ne comprendrait pas pourquoi il devrait changer soudainement ses habitudes.
De plus, elle provoquerait une perte économique brutale pour les commerces de détail alimentaire de plus de 500 mètres carrés, ce qui ne me semble pas bienvenu en cette période de crise économique ! Ces magasins devraient revoir leur organisation et les contrats de travail de leurs salariés, diminuer leurs horaires d’ouverture. Or, quels sont les salariés qui travaillent jusqu’à treize heures le dimanche ? Ce sont ceux qui en ont réellement la possibilité ou qui en ressentent financièrement le besoin. Ils n’apprécieront certainement pas le retour à la situation antérieure.
Je souhaite rappeler que la loi Mallié avait pris en compte les intérêts des petits commerces. Elle a en effet prévu l’extension du travail le dimanche jusqu’à treize heures pour les commerces des communes touristiques ou des PUCE. Les auteurs de la loi étaient bien conscients que le fait d’autoriser les grandes surfaces alimentaires qui y sont implantées à ouvrir toute la journée du dimanche aurait sans doute eu des conséquences négatives sur le petit commerce alimentaire de centre-ville. On ne peut donc pas dire que la loi Mallié ait négligé les petits commerçants.
Sur le plan tant économique que social, les membres de mon groupe ne peuvent admettre la modification importante de la loi du 10 août 2009 introduite par l’article 2 bis. Aussi demandons-nous la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie David, rapporteure. La commission est défavorable à cet amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement ne peut être que favorable à cet amendement visant à supprimer une mesure qui restreint le champ de la dérogation actuelle accordée à l’ensemble des commerces de détail alimentaire par le biais de l’instauration d’un seuil de surface.
Vouloir préserver les petits commerces de centre-ville est louable, mais les auteurs de la proposition de loi se trompent de débat. En effet, nous traitons ici du travail dominical, et non de la concurrence entre petits commerces et grandes surfaces.
La loi de 2009 est un texte d’équilibre. Elle dispose que les grandes surfaces ne peuvent ouvrir que jusqu’à treize heures, et prévoit tous les instruments nécessaires pour empêcher les abus : 108 procès-verbaux ont été dressés à Paris intra muros en 2010 à l’encontre d’établissements de détail alimentaire ne respectant pas la loi.
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour explication de vote.
M. Ronan Kerdraon. Il n’y a jamais de mauvais moment pour bien faire. L’article 2 bis, qui a été introduit en commission sur mon initiative, vise à remédier aux lacunes de la législation existante.
Actuellement, dans certaines zones non touristiques, des supermarchés vendant majoritairement de l’alimentation et considérés à ce titre comme des commerces alimentaires sont autorisés à ouvrir le dimanche matin. Dans mon département des Côtes-d’Armor, c’est notamment le cas dans la région de Loudéac ; cet article a d'ailleurs été rédigé en concertation avec l’union des commerçants de Loudéac.
Ces supermarchés ne vendent pourtant pas exclusivement, tant s’en faut, des denrées alimentaires. En ouvrant le dimanche matin, ils font donc une concurrence déloyale aux petits commerces non alimentaires. L’article 2 bis vise à mettre un terme à cette pratique hors des zones touristiques, où les personnes qui viennent passer le week-end doivent bien entendu pouvoir s’approvisionner le dimanche matin.
Les grandes surfaces installées dans les zones touristiques jouent un rôle économique non négligeable et répondent à un besoin avéré. En revanche, dans les zones non touristiques, ce n’est nullement le cas, et l’ouverture des grandes surfaces le dimanche matin a des conséquences négatives sur le maintien des petits commerces et des emplois non délocalisables qui leur sont liés.
Il convient donc de recadrer les choses : tel est l’objet de l’article 2 bis. J’ajoute que le seuil prévu de 500 mètres carrés est suffisamment élevé pour permettre l’ouverture, partout en France, de supérettes et de moyennes surfaces à vocation réellement alimentaire. Les commerçants et artisans, qui constituent la plus grande entreprise de France, ne pourront qu’être satisfaits que nous votions cet article !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Nous voterons évidemment cet amendement de suppression.
Cela étant précisé, je voudrais exprimer mon regret de voir les travées de gauche de notre hémicycle si peu garnies alors que nous débattons d’une proposition de loi déposée par la majorité sénatoriale…