M. Alain Gournac. Il n’y a personne !
Mme Isabelle Debré. Seulement deux sénateurs socialistes et six sénateurs communistes sont présents. Je tiens toutefois à rendre hommage à mes collègues femmes du groupe CRC, puisque ces six sénateurs communistes sont des sénatrices ! Chapeau bas, mesdames ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean-Pierre Plancade applaudit également.)
Cette faible représentation contraint nos collègues de la majorité sénatoriale à multiplier les scrutins publics.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est vous qui nous faites perdre du temps !
Mme Isabelle Debré. Madame, je ne vous interromps jamais ; j’aimerais que vous observiez la même attitude !
Il est regrettable que vous soyez si peu nombreux pour défendre cette proposition de loi, ce qui, soit dit au passage, n’est pas une situation très agréable pour Mme le rapporteur. Lorsque nous avons examiné la proposition de loi de M. Mallié, l’hémicycle était plein, comme il convient pour un véritable débat de société qui concerne tous les Français. Je trouve donc votre absentéisme de ce jour déplorable, pour dire le moins ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Annie David, rapporteure. Je voudrais faire remarquer à nos collègues du groupe UMP que, à cet instant, nous sommes plus nombreux qu’eux…
Mme Isabelle Debré. C’est normal, puisque nous ne voulons pas de votre proposition de loi !
M. Alain Gournac. Ce n’est pas nous qui avons fait ce texte !
Mme Annie David, rapporteure. Je croyais que vous n’interrompiez jamais les orateurs, madame Debré ! Vous vous plaisez à nous donner des leçons, alors laissez-moi achever mon propos !
Rassurez-vous : puisque nous sommes plus nombreux que vous, il n’y aura pas de scrutin public sur cet amendement. (Mme Catherine Procaccia rit.)
Je vous rappelle en outre, chers collègues de l’opposition sénatoriale, que, lors de la précédente séance consacrée à l’examen de cette proposition de loi, vous avez utilisé des moyens de procédure tout à fait détestables pour retarder le débat,…
Mmes Marie-Thérèse Bruguière et Christiane Hummel. Non !
Mme Annie David, rapporteure. … ce qui était sans précédent. Pour notre part, jamais nous n’avons défendu de motions de procédure s’agissant de textes examinés dans le cadre d’une niche parlementaire. La seule fois où nous avons voulu en déposer une sur l’une de vos propositions de loi, nous l’avons finalement retirée sur votre observation consistant à dire que ce n’était pas dans les usages de la Haute Assemblée.
Vous n’avez pas eu la même élégance, puisque vous avez présenté deux motions de procédure et multiplié les rappels au règlement pour nous empêcher d’achever l’examen de la présente proposition de loi dans les délais qui nous étaient impartis au titre de la niche parlementaire, ce qui a entraîné le renvoi de la suite de la discussion à un vendredi matin. Cela explique que nous soyons peu nombreux en séance, beaucoup d’entre nous ayant dû rejoindre leur département, où d’autres tâches les attendaient. Je vous accorde que cette situation est regrettable, madame Debré, mais je tenais à en rappeler les raisons. Quoi qu’il en soit, la gauche est majoritaire dans l’hémicycle…
M. Alain Gournac. Elle ne l’était pas tout à l’heure !
Mme Annie David, rapporteure. … pour débattre d’une proposition de loi qui lui tient à cœur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Il faut tout de même reconnaître que les membres du groupe CRC, qui sont à l’origine de cette proposition de loi, sont très nombreux ici. Ils montrent ainsi leur attachement à ce texte. Par ailleurs, tous les groupes composant la majorité sénatoriale sont représentés.
Cela étant, on constate que les choses bougent. Auparavant, c’était sur les travées de gauche que l’on expliquait sa position parfois un peu longuement… (Exclamations amusées et applaudissements sur les travées de l’UMP.) Aujourd'hui, ce sont nos collègues de l’UMP qui multiplient les prises de parole sur les articles ! En outre, il leur est aussi arrivé, en d’autres temps, de recourir largement à des scrutins publics pour pallier de trop nombreuses absences dans leurs rangs…
Par conséquent, les choses bougent, sous l’effet notamment de l’alternance.
Je souligne par ailleurs que le scrutin public, tel qu’il est pratiqué au Sénat, n’est pas constitutionnel. En effet, la Constitution dispose qu’un parlementaire ne peut recevoir délégation de plus d’un mandat. Dès lors, le nombre des votants devrait être au plus le double de celui des présents… Peut-être faudra-t-il procéder à une réforme de notre règlement intérieur en ce sens. (Applaudissements sur quelques travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Plancade. J’ai applaudi Mme Debré quand elle a rendu hommage aux sénatrices du groupe CRC.
Mme Catherine Procaccia. Il ne faut pas en avoir honte !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais je n’en ai pas honte, bien au contraire ! Je tiens à saluer le fait que les femmes sont aujourd'hui majoritaires dans notre hémicycle.
Pour le reste, Jean Desessard a souligné avec élégance et beaucoup d’humour que les rôles s’étaient inversés…
M. le président. L'amendement n° 13 rectifié, présenté par Mme Escoffier, MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collombat et Fortassin, Mme Laborde et M. Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 2 bis.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article 3
I. – L’article L. 3132-23 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-23. – Le principe du repos dominical ne peut pas être considéré comme une distorsion de concurrence. »
II (nouveau). – À l’article L. 3132-24 du code du travail, les mots : « aux articles L. 3132-20 et L. 3132-23 » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 3132-20 ».
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l'article.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. La majorité présidentielle prend toutes les mesures nécessaires pour relancer la croissance et réduire les déficits. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Le projet de loi de finances pour 2012 a ainsi été conçu pour soutenir la croissance et maintenir au mieux notre économie, mais comment cela pourrait-il être possible si la loi interdit aux salariés de travailler lorsqu’ils le souhaitent ? Travailler le dimanche devrait être un droit pour tous ceux qui en ont la volonté.
Cessez de déformer nos intentions s’agissant du travail dominical ! En aucun cas, à aucun moment, il n’a été question de le rendre obligatoire. Travailler le dimanche doit reposer sur le volontariat, et les quelques dérives dont vous faites des généralités sont bien entendu sanctionnées par la loi, qui est très claire à cet égard : dans les PUCE, seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche, sur le fondement d’une autorisation donnée en application de l’article L. 3132-20 du code du travail. Dès lors, contrairement à ce qui a été écrit, le refus de travailler le dimanche ne peut être un critère de discrimination à l’embauche ni donner lieu à des mesures discriminatoires dans le cadre de l’exécution du contrat de travail, non plus que constituer un motif de licenciement.
Dans les communes et zones touristiques, les salariés savent qu’ils peuvent être amenés à travailler le dimanche du fait même de la nature de l’activité.
La possibilité du travail dominical ne peut donc être assimilée à une forme d’esclavagisme moderne ; il s'agit d’une occasion offerte aux salariés d’améliorer leurs revenus. En outre, il serait inadmissible de réserver l’autorisation d’ouvrir le dimanche à certains magasins seulement, car cela reviendrait à favoriser ces derniers. C’est donc par souci d’égalité entre travailleurs, mais aussi entre concurrents, qu’il faut laisser à chacun le choix de travailler ou non le dimanche.
Léon Salto a souligné, dans le rapport qu’il a rédigé en 2007 au nom du Conseil économique, social et environnemental, que « les consommateurs seraient plutôt favorables à une extension de l’ouverture du dimanche », pour des raisons que nous avons déjà exposées.
Cela confirme que l’ouverture des magasins le dimanche constitue un véritable enjeu économique. Il revient donc au législateur d’être le garant de l’égalité entre les commerces, dans le respect du principe essentiel du repos hebdomadaire et du code du travail. En effet, si de nombreuses enseignes ont fait le choix d’ouvrir leurs magasins le dimanche en toute illégalité, malgré les astreintes à payer, c’est qu’il existe bien une demande !
La loi doit non pas créer des obstacles au travail, mais au contraire soutenir les efforts de nos entreprises pour surmonter la crise actuelle. Le rétablissement du marché du travail et la relance de la consommation passent par l’implication des entreprises.
J’en appelle donc à votre intelligence économique, mes chers collègues : nous devons libérer le marché non seulement en permettant le travail le dimanche, mais également en étendant cette autorisation aux établissements qui risqueraient sinon de subir une distorsion de concurrence.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l'article.
M. Alain Gournac. L’article 3 nie lui aussi les réalités économiques.
Si son objet direct est juridique, la présente proposition de loi a également une portée économique.
Avant la loi du 10 août 2009, les entreprises, compte tenu des incertitudes affectant leur situation juridique, étaient soumises à un contentieux, parfois important, qui les fragilisait, ainsi que leurs salariés.
Tout d’abord, mes chers collègues, je tiens à rappeler combien les effets du régime du repos dominical sont importants pour les entreprises. En effet, ce régime est perçu par les acteurs économiques comme un obstacle au développement.
Comment ne pas reconnaître que le débat macroéconomique sur les effets des dérogations à la règle du repos dominical est difficile à trancher ? Dans le rapport intitulé « Consommation, commerce et mutations de la société » qu’il a présenté en 2007 au nom du Conseil économique, social et environnemental, M. Léon Salto souligne expressément « la difficulté d’un exercice qui fait intervenir des paramètres multiples ».
De son côté, le Conseil d’analyse économique s’interrogeait, en 2007 également, sur les avantages et les inconvénients d’une extension des autorisations de travailler le dimanche. Dans son rapport intitulé « Réglementation du temps de travail, revenu et emploi », le passage consacré à cette question porte d’ailleurs le titre suivant : « Des pistes pour favoriser l’ouverture des commerces le dimanche ».
Ce rapport évoque, notamment, les avantages suivants de l’ouverture des magasins le dimanche : un accroissement de l’amplitude des horaires d’ouverture qui profite aux consommateurs, une plus grande équité dans la concurrence avec les magasins automatiques et le commerce électronique, ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En outre, il souligne que « les études empiriques disponibles montrent que les expériences passées dans ce domaine ont induit des créations d’emplois, comprises entre 3 % et 10 % de l’emploi du secteur », et relève que les emplois créés profitent surtout aux jeunes, dont les difficultés d’insertion sur le marché du travail sont particulièrement importantes en France. Un autre facteur ne doit pas être négligé, à savoir la demande étrangère : n’oublions pas que 77 millions de touristes ont visité la France en 2010 !
Pour l’ensemble de ces raisons, l’absence d’adaptation du régime du repos dominical ne pouvait que constituer, dans certains cas, un obstacle au développement économique. Je dis bien : « dans certains cas »…
De plus, je le répète, les entreprises étaient fragilisées par les contentieux.
Au total, on dénombre, en compilant l’ensemble des règles applicables, près de 180 dérogations à la règle du repos dominical, situation dont M. Richard Mallié a décrit les conséquences :
« Le caractère discrétionnaire et/ou interprétatif de nombre d’entre elles donne lieu à des recours contentieux en grand nombre avec une importance plus accentuée dans certaines régions et professions.
« Il en résulte une multiplication de décisions contradictoires dans le temps et dans l’espace, introduisant de nouvelles distorsions de concurrence et créant de véritables imbroglios qui font régner l’incertitude pour les opérateurs et leurs salariés. »
Dans son rapport, M. Léon Salto faisait entrevoir le lien existant entre incertitude juridique et fragilité économique.
Je ne reviendrai pas dans ce propos sur l’ensemble des contentieux liés au repos dominical, chacun ayant en mémoire les nombreuses difficultés que ce sujet suscitait de manière récurrente, notamment à Paris et en région parisienne, ou encore dans les Bouches-du-Rhône.
Ces contentieux fragilisaient d’autant plus les entreprises concernées qu’ils étaient de nature multiple.
Ils pouvaient être judiciaires, puisque l’article L. 3132-31 du code du travail donne compétence à l’inspecteur du travail pour « saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l’emploi illicite de salariés ».
Ils pouvaient être administratifs, puisque, comme tout acte administratif, une décision préfectorale d’autorisation ou de refus de dérogation au repos dominical peut faire l’objet d’un recours gracieux, hiérarchique ou contentieux devant la juridiction administrative.
Non seulement ces contentieux étaient source d’incertitude, mais ils pouvaient aussi être directement à l’origine d’une fragilité financière des entreprises concernées.
En conséquence de ces observations sur les aspects économiques du dispositif de la loi Mallié, notre groupe ne peut souscrire à l’article 3 de la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mmes Cayeux, Debré, Bouchart et Bruguière, MM. Cardoux et Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli, Hummel et Jouanno, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. Les préfets ont actuellement la possibilité d’étendre à plusieurs établissements de la même localité l’autorisation d’ouverture le dimanche accordée à un établissement, à condition qu’ils exercent la même activité et s’adressent à la même clientèle.
Nous considérons que l’adoption de cet article 3, qui vise à remettre en cause cette possibilité, serait un non-sens économique. Refuser d’étendre une autorisation à des établissements de même nature, situés dans une même localité, serait en effet nier les réalités économiques du terrain. Cela engendrerait de nombreuses situations de rupture d’égalité entre les différents commerces, et donc une multiplication des contentieux.
En matière économique et de règles de concurrence, il serait inacceptable d’attribuer des autorisations individuelles sans prendre en compte la globalité d’une offre commerciale dans un secteur donné. Nous considérons que pour préserver une concurrence équitable et juste, la possibilité d’extension d’une autorisation d’ouverture le dimanche doit être maintenue. Il y va de la cohérence des politiques économiques sur nos territoires.
Contrairement à ce qui est affirmé, le repos dominical obligatoire, dans ce cas précis, entraînerait une distorsion de concurrence, puisqu’il interdirait à certains établissements ce qui est possible à d’autres. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie David, rapporteure. Les commerçants qui cherchent à obtenir une dérogation au principe du repos dominical mettent souvent en avant les dérogations accordées à des commerces situés aux alentours pour obtenir gain de cause.
L’administration n’est pas toujours insensible à leurs arguments, comme le montre une décision de juillet dernier du préfet d’Ille-et-Vilaine, qui a refusé de prendre un arrêté interdisant l’ouverture dominicale des grandes surfaces situées dans l’agglomération rennaise, en raison de la distorsion de concurrence avec les commerces des communes voisines que cela entraînerait.
Il nous paraît donc important que le législateur indique clairement à l’administration que le respect du repos dominical n’est pas en lui-même constitutif d’une distorsion de concurrence. C’est là tout l’objet de l’article 3, et la commission ne peut donc qu’être défavorable à sa suppression.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
L’article L. 3132-25 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, il peut être dérogé au principe du repos dominical, après autorisation administrative, pendant la ou les périodes d’activité touristique, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.
« La liste des communes d’intérêt touristique ou thermales est établie par le préfet, sur demande des conseils municipaux, selon des critères et des modalités définis par voie réglementaire. Pour les autres communes, le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente est délimité par décision du préfet prise sur proposition du conseil municipal.
« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mmes Giudicelli, Debré, Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Hummel, Jouanno et Kammermann, MM. Laménie, Léonard, Lorrain, Milon et Pinton, Mme Procaccia, MM. Savary, Villiers et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. Dans un contexte de crise économique et financière majeure, il est impératif de préserver la stabilité de l’activité des entreprises dans les communes et zones touristiques.
L’article 4 de la proposition de loi vise à revenir à la logique qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi du 10 août 2009.
La possibilité d’obtenir des dérogations au principe du repos dominical serait ainsi de nouveau réservée aux seuls commerces et services proposant des biens liés à des activités récréatives, sportives ou culturelles.
L’appréciation de ces critères serait, comme par le passé, source de contentieux, le renvoi des modalités d’application du dispositif à un décret en Conseil d’État ne réglant en rien les difficultés.
La mise en œuvre du dispositif de cet article recréerait de l’incertitude juridique, avec le réexamen obligatoire de la situation de chaque entreprise installée dans les communes ou zones touristiques, et le contentieux lié aux problèmes de droit de la concurrence entre commerces réapparaîtrait.
Par ailleurs, dans une conjoncture marquée par les fermetures de commerces et les licenciements, aucune mesure néfaste à l’emploi ne saurait être prise. Or vous voulez supprimer des dérogations, mes chers collègues, et donc des milliers d’heures de travail.
J’ajoute que les emplois créés profitent aussi aux jeunes. En particulier, beaucoup d’étudiants financent leurs études en travaillant le dimanche.
Certes, le nombre de salariés travaillant le dimanche n’est pas connu avec précision, mais le travail dominical pourrait concerner 50 000 commerces et 250 000 salariés, selon le rapport de notre collègue député Pierre Méhaignerie.
On peut penser que ces chiffres sont surestimés ou qu’ils sont en tout état de cause modestes à l’échelle de la France, mais, dans la mesure où un nombre limité de communes et de zones touristiques sont concernées, l’incidence de la remise en cause de l’ouverture des magasins le dimanche pourrait être très forte dans celles-ci.
Comme vous le savez, le Gouvernement a demandé la réalisation d’études statistiques précises afin d’évaluer, en termes d’emploi, la portée économique de la loi de 2009. Tant que nous ne disposons pas de ces données, il ne serait pas sérieux d’adopter un texte dont la mise en œuvre entraînerait mécaniquement une destruction nette d’emplois, surtout dans le contexte économique que connaît le secteur du tourisme en France. La concurrence touristique est en effet mondiale. Vouloir fermer le dimanche certains commerces en zone touristique à Cannes ou à Nice, par exemple, n’est pas une bonne idée ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Annie David, rapporteure. La commission ne peut qu’être défavorable à la suppression de l’article 4.
Si nous voulons effectivement revenir sur la loi du 10 août 2009, c’est parce qu’elle a élargi bien au-delà des limites du raisonnable les dérogations au principe du repos dominical dans les zones et communes touristiques. Les dérogations doivent redevenir proportionnées à l’objectif visé, à savoir permettre l’accueil dans de bonnes conditions de la clientèle touristique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, ministre. Le Gouvernement est, évidemment, favorable à l’amendement.
L’adoption de l’article 4 aurait pour effet de réinstaurer les difficultés pratiques qui existaient, avant la loi Mallié, pour distinguer les établissements selon la nature de leur activité. Serait-il compréhensible, dans une zone touristique, d’autoriser un vendeur de lunettes de soleil à ouvrir le dimanche mais de l’interdire à un vendeur de lunettes de vue ? (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.)
Si cet article était adopté, la forte insécurité juridique pour les entreprises, pour les salariés et pour les consommateurs qui prévalait avant l’entrée en vigueur de la loi de 2009 réapparaîtrait.
Je me demande d’ailleurs si les élus de la majorité sénatoriale pensent aux 250 000 salariés qui travaillent le dimanche, notamment dans ces zones touristiques !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On pense à eux, justement !
Mme Nadine Morano, ministre. Vous leur expliquerez que vous voulez les empêcher de travailler : je ne suis pas sûre que cela vous rende très populaires !
M. Robert Hue. Nous leur expliquerons votre position !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.
Mme Catherine Procaccia. Vous avez fort bien expliqué, madame la ministre, que l’adoption de cet article conduirait à revenir à la situation antérieure, celle-là même qui posait problème. Vous avez repris l’exemple des vendeurs de lunettes de soleil, cher à Xavier Bertrand ! (Sourires sur les travées de l’UMP. – Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.) Il y en a bien d’autres !
Mme Catherine Procaccia. C’est aussi valable pour les commerces de vêtements : avant la loi, seules les boutiques de « créateur » pouvaient ouvrir, ce qui a donné lieu à bien des contournements.
Je l’ai déjà dit, les habitudes de consommation ont changé ; les touristes aussi : ils ne viennent plus seulement l’été ou l’hiver. À quoi servirait-il de proposer des tarifs et d’essayer de rendre attractives des zones hors saison si tous les commerces restent fermés ? Comment voulez-vous que les zones situées en bord de mer attirent des touristes, qu’ils soient français ou étrangers, le week-end ? Ce que vous proposez, mes chers collègues, serait dommageable, tout autant pour les communes que pour les entreprises et les salariés.
L'article 4 revient sur la sécurité juridique établie par la loi Mallié : les dérogations ne pourraient plus être accordées qu’aux seuls entreprises et établissements ayant une vocation touristique. Or les critères retenus sont trop stricts. C’est à cette complexité que nous avions voulu remédier.
Si je peux comprendre un certain nombre de vos positions,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez pourtant voté contre toutes nos dispositions !
Mme Catherine Procaccia. ... j’ai un peu du mal à vous suivre sur la mesure prévue à cet article, car vous nous faites retomber dans les travers du droit antérieur.
Au regard de toutes les propositions de loi que nous examinons actuellement, qui toutes remettent en cause une législation récente, je prends conscience que vous avez la nostalgie du passé : vous n’avez de cesse de revenir à une situation qui n’est plus. Vous faites du surplace ! (Mme la rapporteure s’exclame.)
Je ne m’attarderai pas sur l’aberration de l'article initial concernant les zones touristiques. Grâce au travail en commission, vous l’avez modifié, mais il est regrettable que nos réflexions ne vous aient pas conduits à revenir sur d’autres de vos propositions.
J’en viens aux salariés et aux partenaires sociaux.
Là encore, la position de la gauche me surprend. En effet, la loi en vigueur prévoit que l’élaboration des garanties pour les salariés incombe aux partenaires sociaux ; en outre, elle contient une obligation de négocier. Cette conception du dialogue social et de la négociation de la part de mouvements qui se disent proches des salariés et des syndicats me laisse plutôt pantoise.
Le rapport du comité de suivi nous apprend que la plupart des accords d’entreprise conclus en matière de travail le dimanche ont « uniformisé » le régime des contreparties financières applicables aux salariés de l’entreprise, quels que soient le lieu d’implantation du magasin et le régime de dérogation : commune ou zone touristique, PUCE, dérogations préfectorales. Ainsi, dans la pratique, ce sont les solutions les plus favorables aux salariés qui ont été mises en place. Manifestement, les accords conclus sont satisfaisants.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous sommes fermement opposés à la proposition de loi, notamment à l’article 4.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Hummel, pour explication de vote.
Mme Christiane Hummel. Je souhaite intervenir en tant que sénateur du Var, premier département touristique de France.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, c’est Paris !
Mme Christiane Hummel. Le tourisme s’y fait tout au long de l’année : l’hiver, l’été, le printemps, l’automne.
Comment vais-je expliquer aux salariés qui vivent du tourisme, qui est la ressource principale du département, que vous avez décidé de ne plus leur permettre de gagner leur vie et d’empêcher ce territoire d’être compétitif face à l’Italie et à l’Espagne ?