M. François Marc. Non, cela n’a rien à faire dans un projet de loi de finances rectificative !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Il sert à promouvoir la capacité de croissance des entreprises françaises, notamment à l’export, ce qui est ma tâche au quotidien. Pour exporter, il faut se rassembler, donc pouvoir échanger des titres, faire de la croissance externe.
Ce dispositif est par conséquent extrêmement utile pour la dynamique de notre économie. Il respecte les critères de transparence et d’égalité des actionnaires. Il est dans l’intérêt des entreprises. C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de le considérer favorablement.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur Adnot, je vais tout vous dire. Voici le projet de texte soumis à la consultation au mois d’août 2010 : « Lorsque la société a décidé de procéder à l’achat de ses propres actions […], elle fait cette offre d’achat à tous les actionnaires, selon des modalités précisées par décret en Conseil d’État. Si les actions présentées à l’achat excèdent le nombre d’actions à acheter, il est procédé, pour chaque actionnaire vendeur, à une réduction proportionnelle au nombre d’actions dont il justifie être propriétaire ou titulaire. »
Or cette règle stricte est remplacée, dans le présent article, par cette mention au demeurant fort peu normative : « En aucun cas, ces opérations ne peuvent porter atteinte à l’égalité des actionnaires. » En réalité, il s’agit d’un renvoi implicite à l’article L. 823-11 du code de commerce, qui dispose que « les commissaires aux comptes s’assurent que l’égalité a été respectée entre les actionnaires, associés ou membres de l’organe compétent ».
Très concrètement, on passe d’un contrôle a priori à un contrôle a posteriori. En outre, rien n’est dit quant aux réparations apportées par la société aux actionnaires éventuellement lésés.
La rédaction proposée dans cet article est beaucoup moins favorable que ne l’était celle du texte de la consultation réalisée par le Haut Comité de place. On introduit bien une différence entre les actionnaires, et certains d’entre eux pourront être lésés.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Madame la rapporteure générale, en vous écoutant, il me revient en mémoire le livre écrit par Alain Peyrefitte, Le Mal français, dans lequel cet auteur décrivait notre pays comme une société de défiance.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ah !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Vous voulez instaurer un contrôle a priori sur le développement et la vie économique de nos entreprises.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Ce n’est pas moi ! C’était ce gouvernement, mais ce n’était pas le même ministre. On va finir par regretter Mme Lagarde !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Nous souhaitons dynamiser la vie économique et accroître la capacité des entreprises à se développer en autorisant le rachat d’actions, sous contrôle des commissaires aux comptes, dont c’est la mission et qui sont à ce titre responsables devant la loi. Les garanties sont maintenues. Ce texte offre simplement un minimum de flexibilité, ce qui correspond à la réalité de la vie économique.
Ne transformons pas nos entreprises en administrations ! (Mme la rapporteure générale s’exclame.) Nous avons déjà bien du mal à faire vivre l’économie française et à exporter : n’en rajoutons pas.
M. Charles Revet. C’est déjà bien assez difficile !
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Ce que ce texte propose, c’est du bon sens ! Je vous demande de le considérer comme cela. Son dessein n’est nullement de modifier je ne sais quel équilibre ou de cacher quoi que ce soit. Il s’agit d’offrir de la flexibilité pour permettre aux entreprises de se développer, sous le contrôle de la loi et des commissaires aux comptes. Tout cela est transparent.
M. le président. En conséquence, l'article 13 bis est supprimé.
M. Charles Revet. Quel gâchis !
Article 13 ter (nouveau)
Après le 1° du II de l’article 150 U du code général des impôts, il est inséré un 1° ter ainsi rédigé :
« 1° ter Qui ont constitué la résidence principale du cédant et n’ont fait l’objet depuis lors d’aucune occupation, lorsque ce dernier est désormais résident d’un établissement mentionné aux 6° ou 7° de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles si, au titre de l’avant-dernière année précédant celle de la cession, il n’est pas passible de l’impôt de solidarité sur la fortune et n’a pas un revenu fiscal de référence excédant la limite prévue au II de l’article 1417 du présent code et si la cession intervient dans un délai inférieur à deux ans suivant l’entrée dans l’établissement ; ». – (Adopté.)
Article 13 quater (nouveau)
Après l’article 238 octies B du code général des impôts, il est inséré un article 238 octies C ainsi rédigé :
« Art. 238 octies C. – I. – Les plus-values dégagées par une entreprise lors de l’échange d’un bien immobilier avec l’État, une collectivité territoriale, un établissement public de coopération intercommunale compétent ou un établissement public ou une association mentionnés aux chapitres Ier, II et IV du titre II du livre III du code de l’urbanisme peuvent, sur option, ne pas être imposées lors de l’échange, sous réserve que :
« a) Le ou les biens remis lors de l’échange et le ou les biens reçus lors de cet échange ont la nature de biens immobiliers, bâtis ou non bâtis, ou de droits portant sur un immeuble ;
« b) Le ou les biens remis lors de l’échange sont affectés par l’État, la collectivité territoriale ou l’établissement public ou l’association mentionnés au premier alinéa à la réalisation d’ouvrages d’intérêt collectif ;
« c) En cas de versement d’une soulte par l’une ou l’autre partie, celle-la ne dépasse ni 10 % de la valeur vénale des biens ou droits remis à l’échange, ni le montant de la plus-value réalisée lors de l’échange.
« II. – Les plus-values mentionnées au I sont affectées aux biens ou droits reçus en échange au prorata de la valeur vénale de ceux-ci à la date de l’échange.
« La plus-value affectée à un bien ou droit non amortissable est imposée lors de la cession de ce bien ou droit ou, le cas échéant, lorsque le droit prend fin.
« Les plus-values affectées à des biens ou droits amortissables sont réintégrées au résultat imposable au fur et à mesure de l’amortissement des biens ou droits auxquels les plus-values sont affectées. En cas de cession du bien ou droit ou lorsque le droit prend fin, la fraction de la plus-value affectée à ce bien ou droit et non encore réintégrée est immédiatement imposée.
« III. – L’entreprise joint à sa déclaration de résultat au titre de chacune des années d’application du présent régime un état conforme au modèle fourni par l’administration qui fait apparaître, pour chaque bien ou droit reçu à l’occasion de l’échange, les renseignements nécessaires au calcul des réintégrations mentionnées au II et au calcul du résultat imposable lors de la cession ultérieure du bien ou droit considéré.
« La production de l’état mentionné au premier alinéa du présent III au titre de l’exercice au cours duquel l’échange a été réalisé vaut option pour le régime d’imposition défini au présent article. Pour les exercices suivants, le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet de cet état entraîne l’application de l’amende définie au I de l’article 1763. »
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. L’article 13 quater crée un mécanisme d’échange de biens immobiliers entre une entreprise et une collectivité ou un établissement public assorti d’un dispositif de report ou d’étalement des plus-values.
Les arguments échangés lors des débats de l’Assemblée nationale ne montrent pas l’urgence d’instituer un tel dispositif. De plus, les conditions de l’examen dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative pour 2011 ne permettent pas de réaliser une expertise approfondie qui écarterait de façon certaine tout effet d’aubaine ou d’évitement de l’impôt. Or, dans le domaine de la gestion de l’immobilier de l’État et des collectivités publiques, toutes les précautions doivent être prises pour garantir les intérêts publics.
À ce stade, nous ne pouvons assurer que cet article apporte les garanties suffisantes. C'est la raison pour laquelle la commission des finances a déposé cet amendement de suppression.
M. Charles Revet. Encore !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le Gouvernement formule le même avis, pour les mêmes raisons d’ordre philosophique que pour l'amendement n° 8.
Madame la rapporteure générale, vous proposez de supprimer l’article 13 quater qui a été adopté par l’Assemblée nationale et qui prévoit la possibilité pour une entreprise de réaliser en neutralité fiscale un échange de biens immobiliers avec une collectivité publique pour la réalisation d’un ouvrage d’intérêt collectif. Pourtant, cet article paraît équilibré et, comme l’a souligné Gilles Carrez, « on ne peut plus logique ».
Il est prévu une neutralité fiscale au moment de l’opération. Pour autant, il ne s’agit en aucun cas d’une exonération ; l’imposition est seulement reportée. En effet, le cédant ne reçoit aucune liquidité, ou très peu. Or, et c’est du bon sens, pour payer l’impôt, il a besoin de liquidités.
Or un échange, par hypothèse, ne génère pas de liquidités.
Dans la mesure où France Domaine intervient dans la plupart des opérations immobilières des collectivités publiques, les précautions nécessaires à la réalisation de ce type d’opérations sont observées.
Il s’agit donc d’un simple report de l’imposition, lié à l’absence de transfert de liquidités. Cette pratique permet d’insuffler un peu de dynamisme dans notre économie.
Le Gouvernement est défavorable à la suppression de l’article 13 quater.
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, pour explication de vote.
M. Philippe Adnot. J’apprécie le souci de Mme la rapporteure générale de faire en sorte que les collectivités publiques ne puissent être mises en cause.
Cela étant, c’est souvent à leur demande que s’opère l’échange de biens immobiliers, en vue par exemple d’agrandir une école ou de réorganiser une université. Il s’agira donc d’une facilité accordée aux collectivités publiques, et non d’une disposition susceptible de leur porter préjudice. Il faut faire confiance à ceux qui sont à l’initiative de l’échange.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer que France Domaine interviendra dans toutes les transactions ?
En effet, j’ai le souvenir d’une opération d’un montant de 60,5 millions d’euros portant sur la salle Pleyel, à Paris, qui s’était déroulée dans des conditions assez « folkloriques », sans évaluation de France Domaine. Cette opération liée au plan de relance avait d’ailleurs été approuvée dans l’indifférence générale, sauf la mienne.
Je m’abstiendrai de voter cet amendement si vous garantissez que France Domaine interviendra dans toutes les opérations.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Je ne suis pas omniscient, mais, pour tout bien appartenant à une collectivité locale, France Domaine est naturellement compétent.
Vous évoquez la salle Pleyel, située à Paris, dans ma propre circonscription ? Interrogez le maire de Paris, qui dirige la collectivité territoriale concernée par cette opération ! (Mme la rapporteure générale de la commission des finances s’exclame.) Je ne suis pas expert en toute matière, mais, en droit, tout bien appartenant à une collectivité publique doit être évalué par France Domaine avant de faire l’objet d’une transaction.
Par ailleurs, M. Adnot a tout à fait raison : dans les cas visés par l’article 13 quater, où il est procédé à un échange de biens immobiliers en vue de la réalisation d’ouvrages d’intérêt collectif, c’est en général la collectivité publique qui est à l’initiative de l’opération. L’article tend simplement à décaler l’imposition, il ne la supprime pas : il n’y a donc pas de cadeau fiscal, et la transparence est assurée par l’intervention de France Domaine.
Si la majorité sénatoriale souhaite tirer une balle dans le pied des collectivités territoriales, que le Sénat a pourtant vocation à représenter, qu’elle supprime l’article 13 quater !
M. le président. En conséquence, l'article 13 quater est supprimé.
Article additionnel après l'article 13 quater
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 44 rectifié bis est présenté par M. Détraigne, Mme Férat et MM. Savary, Guerriau, Roche, Amoudry et Deneux.
L'amendement n° 60 est présenté par M. Daudigny.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 13 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le a de l’article 1010 du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les véhicules spécialement équipés pour fonctionner au moyen du superéthanol E85 mentionné au tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes bénéficient d'un abattement de 40 % sur les taux d'émissions de dioxyde de carbone, au sens de la directive 2007/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 septembre 2007 précitée, figurant dans le tableau mentionné au présent a. Cet abattement ne s'applique pas aux véhicules dont les émissions de dioxyde de carbone sont supérieures à 250 grammes par kilomètre.
« Cet abattement s'applique pendant une période de huit trimestres, décomptée à partir du premier jour du trimestre en cours à la date de première mise en circulation du véhicule. »
II. - La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour présenter l’amendement n° 44 rectifié bis.
M. Yves Détraigne. Cet amendement tend à appliquer aux voitures flexfuel, c’est-à-dire fonctionnant avec un mélange d’essence et d’éthanol, le même système d'abattement du taux d'émissions de dioxyde de carbone que celui qui est prévu pour le calcul du malus. Cette réglementation a précisément été mise en place afin de prendre en compte la part du CO2 émis liée à l’utilisation d’énergie d’origine renouvelable lorsque l’on roule au superéthanol.
Les voitures flexfuel sont aujourd’hui les seuls véhicules pouvant fonctionner grâce à une énergie majoritairement tirée d’une source renouvelable. Je précise que le superéthanol E85 tire son nom du fait qu’il peut comprendre jusqu’à 85 % d’éthanol, pour 15 % seulement d’essence.
Il importe donc que la réglementation sur les émissions de dioxyde de carbone de ces voitures prenne en considération l'origine biogénique du CO2 émis et que la fiscalité concernant ces véhicules soit harmonisée.
L’utilisation du superéthanol E85 contribuera significativement à la réalisation de l'objectif que 10 % de l’énergie consommée dans le secteur des transports soit d’origine renouvelable en 2020. On sait que 30 % des émissions de CO2 sont dues aux transports, et ce n’est évidemment pas la voiture électrique qui va permettre de réduire sensiblement ce taux. Le recours aux biocarburants, particulièrement au superéthanol E85, le plus efficace de ce point de vue, s’impose donc.
Par conséquent, il serait injustifié, voire contradictoire, de taxer les véhicules qui utilisent le superéthanol E85 sur une base supérieure à celle qui s’applique aux véhicules fonctionnant grâce à des carburants d’origine fossile.
La charte pour le développement de la filière superéthanol E85 en France, qui a été signée par l'État en novembre 2006, prévoit une forte réduction de la taxe sur les véhicules de société, qui s’est traduite par une mesure d’exonération totale pendant huit trimestres, inscrite à l'article 1010 A du code général des impôts.
Cette disposition ayant été supprimée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, nous proposons de prévoir, au lieu d’une exonération totale, un simple abattement, ce qui assurera des recettes supplémentaires à l'État par rapport à la situation antérieure.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Yves Daudigny. Cette disposition a déjà été débattue dans cet hémicycle lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Nous l’avions d’ailleurs adoptée, mais elle avait été ensuite supprimée par l’Assemblée nationale. J’espère donc que le Sénat confirmera son vote de novembre !
Le présent amendement tend à prévoir un abattement sur les taux d’émissions de dioxyde de carbone au bénéfice des véhicules de société flexfuel, pour une durée de huit trimestres.
Il s’agit non pas de créer une charge nouvelle, mais de rétablir un dispositif qui avait été inscrit à l’article 1010 A du code général des impôts, avant d’être abrogé, et sur lequel l’État s’était engagé d’une part en signant la charte pour le développement de la filière superéthanol E85 de novembre 2006, d’autre part lors du Grenelle de l’environnement. À cette occasion, l’État avait décidé de promouvoir le développement des énergies renouvelables, dont la part dans la consommation énergétique du secteur des transports doit atteindre 10 % d’ici à 2020. Par ailleurs, le plan d’action national sur les énergies renouvelables notifié par la France à Bruxelles en 2010 fixait, quant à lui, le volume d’éthanol devant être incorporé dans les essences pour les dix prochaines années.
Par conséquent, de deux choses l’une : soit l’État a perdu la mémoire, soit il renie sa parole ! Monsieur le secrétaire d’État, si ce n’est qu’une question de mémoire, notre rôle est de rappeler au Gouvernement les engagements pris ; s’il s’agit d’un reniement, la chose est plus grave, car cela mettrait en péril une filière économique structurée autour de ce dispositif et comprenant notamment des exploitants agricoles ou des industries de transformation.
Le superéthanol E85 est élaboré, pour l’essentiel, à partir de matières premières renouvelables produites en France, ce qui contribue à l’indépendance énergétique de notre pays.
Or, aujourd’hui, la suppression pure et simple de la mesure fiscale visant à favoriser l’utilisation de superéthanol E85 fragiliserait les exploitations agricoles concernées, qui se trouveraient privées d’un débouché non négligeable pour leur production. Si le Gouvernement entend revenir sur ce dispositif, il doit le faire de façon moins brutale et prévoir une phase transitoire afin de permettre à chacun des acteurs de cette filière de se réorganiser. À cet égard, notre proposition constitue, à mon sens, un bon compromis.
Nous n’avons de cesse, sur toutes les travées de cet hémicycle, de déplorer l’insécurité fiscale engendrée par le changement des règles du jeu de projet de loi de finances en projet de loi de finances. Une reconversion des terres et des productions agricoles ne s’improvisant pas, vous ne pouvez pas sacrifier des exploitations agricoles sur l’autel des restrictions budgétaires, même si celles-ci sont, par ailleurs, nécessaires.
Toutes ces raisons justifient pleinement, je pense, la mise en place d’un abattement de 40 % sur les taux d’émissions de CO2 des véhicules flexfuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, la commission des finances du Sénat avait rejeté un amendement de même nature, présenté notamment par M. Deneux et visant à revenir sur la suppression des exonérations de taxe sur les véhicules de société introduite par l’article 21 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
En effet, ces niches fiscales n’apparaissent pas justifiées du point de vue environnemental et contribuent au mitage des recettes des organismes de sécurité sociale.
Les amendements identiques ne rétablissent pas l’exonération, mais prévoient un abattement. Or ces véhicules flexfuel bénéficient déjà d’un abattement analogue au titre du malus dû lors de l’immatriculation. Ils sont également exonérés du malus annuel applicable aux véhicules les plus polluants. En outre, la pertinence de la mesure proposée est très contestable du point de vue environnemental, puisque les véhicules flexfuel seraient éligibles jusqu’à un plafond d’émissions de CO2 très élevé, de 250 grammes par kilomètre.
Cette niche ne correspond donc pas aux préconisations du Grenelle de l’environnement. Les arguments que nous avions fait valoir pour rejeter l’amendement de M. Deneux sont toujours valables. La commission est défavorable à ces deux amendements identiques, même si ses membres comprennent bien les intérêts économiques qui les sous-tendent. Pour ma part, je les comprends d’autant mieux que mon département, la Seine-et-Marne, est, comme l’Aisne et la Marne, une terre de grandes cultures céréalières.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État. Le Gouvernement est exactement du même avis que la commission.
J’ajoute que l’article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 n’a pas seulement supprimé la plupart des exonérations de taxe sur les véhicules de société, mais a également renforcé les conditions d’attribution de celles qui subsistent, de sorte que ces dernières sont désormais réservées aux véhicules les moins polluants : le taux d’émissions de CO2 doit en effet désormais être inférieur à 120 grammes par kilomètre, c’est-à-dire deux fois plus faible que ce que prévoient les amendements.
Par ailleurs, je tiens à rappeler qu’un cas d’exonération a été introduit au cours de la discussion du PLFSS, en faveur des véhicules électriques émettant moins de 110 grammes de CO2 par kilomètre, ce qui correspond là aussi à un resserrement des critères.
Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de ces amendements.
M. le président. Monsieur Détraigne, l’amendement n° 44 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Yves Détraigne. Je ne souhaite pas retirer cet amendement.
Je comprends que l’on fasse la chasse aux niches fiscales, mais le superéthanol E85 est le type de biocarburant le plus performant sur le plan environnemental. Son utilisation va tout à fait dans le sens des préconisations du Grenelle de l’environnement.
Dans l’Aisne, dans la Marne, en Seine-et-Marne et dans d’autres départements encore, on a développé des installations de production qui ne cessent de se perfectionner.
Le pôle de compétitivité « industries et agro-ressources » de Bazancourt-Pomacle, dans la Marne, qui est l’un des neuf pôles de compétitivité labellisés « à vocation mondiale », abrite une installation de production de bioéthanol à partir de deux matières premières différentes, les betteraves et les céréales.
J’ai l’impression que les membres du Gouvernement ne sont pas tous sur la même longueur d’onde. En effet, alors que de nombreux ministres viennent admirer ce site, qui est la figure de proue de la production française de bioéthanol, un carburant dont les performances dépassent toutes les espérances, vous nous dites aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, que développer son utilisation n’irait pas dans le sens des préconisations du Grenelle de l’environnement ! Il me semble que vous ne disposez pas des bonnes informations…
M. le président. Monsieur Daudigny, l’amendement n° 60 est-il maintenu ?
M. Yves Daudigny. Oui, monsieur le président.
Nous parlions tout à l’heure de développement économique, de la nécessité de sauvegarder et de développer nos entreprises. Or il s’agit ici d’une filière économique qui s’est créée en France à partir d’une matière première cultivée sur notre sol.
Nous demandons aujourd’hui qu’une phase transitoire soit ménagée avant la suppression complète des aides. Nous proposons de fixer sa durée à deux ans, pour permettre l’émergence d’une nouvelle génération de bioéthanol, issue par exemple de la transformation de la biomasse. Ne tuons pas une filière qui se développe bien dans un certain nombre de départements de notre pays !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Je soutiens les amendements présentés par nos collègues Détraigne et Daudigny. Je ne comprends pas que l’on puisse affirmer que le bioéthanol serait plus polluant que d’autres carburants et que sa production est très énergivore : c’est totalement faux !
M. Charles Revet. Des campagnes tendent à accréditer cette idée erronée. J’ignore ce qui motive cette vague d’opposition, car, comme vient de le dire notre collègue Détraigne, des progrès extraordinaires sont accomplis pour améliorer la performance du bioéthanol.
Il faut donc que l’État apporte son soutien au développement de cette filière, y compris en vue de l’utilisation de matières premières végétales non alimentaires.
Franchement, madame le rapporteur général, je ne comprends pas que vous puissiez être aussi catégorique dans vos affirmations. Vous reprenez des arguments complètement fallacieux, avancés par des personnes de mauvaise foi. La France, dépourvue en matière d’énergie en dehors du nucléaire, devrait s’intéresser à ce type de production.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 44 rectifié bis et 60.
(Les amendements sont adoptés.)