M. Alain Richard. Exactement !
M. Jacques Mézard. Il est le résultat d’un compromis avec l’Allemagne, inquiète de devoir payer pour les errements budgétaires de certains de ses partenaires européens. Sa ratification permettra d’affirmer, aux yeux de tous, notre engagement dans un cercle vertueux, en limitant nos déficits et notre dette, et de rassurer nos partenaires, pour pouvoir ensuite aller plus loin dans la solidarité et l’intégration européennes.
En effet, les règles du TSCG sont aussi et surtout le pendant de la solidarité qui commence à se mettre véritablement en place entre les pays européens. Là encore, une évidence s’impose : la solidarité ne peut se concevoir sans responsabilité. L’intégration solidaire, défendue par le Président de la République, n’est envisageable qu’en contrepartie du respect d’une certaine discipline budgétaire.
Cela ne signifie pas, pour autant, que nous ne disposons plus de marges de manœuvre, mais celles-ci dépendent d’abord de notre capacité à retrouver le chemin d’une croissance durable. Or ce n’est certainement pas seuls que nous y parviendrons le mieux, mais avec nos partenaires européens !
La réorientation de l’Europe sera possible si et seulement si nous acceptons ce compromis européen : ratifier le TSCG et respecter des règles de stabilité budgétaire, en échange d’une plus grande solidarité. Aujourd’hui, la ratification du traité est une première étape nécessaire pour être crédibles vis-à-vis de nos partenaires et pour pouvoir peser sur l’avenir de l’Union européenne. Le repositionnement de l’Europe est en cours depuis le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, qui a constitué un vrai tournant. Ce sommet marque la fin de l’ère de la rigueur et de l’austérité que voulait imposer la Chancelière Merkel.
M. Didier Guillaume. C’est exact !
M. Jacques Mézard. Le traité budgétaire ne peut aujourd’hui être considéré sans prendre en compte ces avancées.
Le pacte pour la croissance et pour l’emploi, adopté lors de ce sommet, va permettre d’injecter 120 milliards d’euros dans l’économie. Certes, il en faudrait plus, mais il s’agit d’un premier pas qui doit être salué. Grâce au déblocage des sommes non utilisées des fonds structurels, à l’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement ou encore aux project bonds, lesquels permettront de financer des grands projets d’infrastructures, la relance de l’économie sera facilitée.
Ce sommet a aussi ouvert la voie à une coopération renforcée entre au moins neuf États – nombre aujourd’hui porté à onze – pour mettre en place une taxe sur les transactions financières, taxe que le RDSE appelle de ses vœux depuis plusieurs années et que nous avions soumise au vote de cet hémicycle en juin 2010. Ainsi, ces États, dont fait partie la France, ont fait part de leur intérêt pour la mise en place de cette taxe. L’idéal serait de pouvoir l’instaurer au moins à l’échelle de la zone euro pour éviter la concurrence entre les places financières.
Le gouvernement français, qui a joué et joue toujours un rôle majeur dans ce dossier, devra également être très vigilant en ce qui concerne les modalités de mise en œuvre de la taxe. Une assiette large, un taux faible, ainsi que l’application par un maximum de pays, sont les clefs de la réussite pour lutter contre la spéculation financière.
Lors de ce sommet, il a également été décidé de permettre au MES de prêter directement aux banques, ce qui représente une avancée très importante pour rompre le cercle vicieux des crises bancaires qui alimentent les crises des dettes souveraines.
Parallèlement, l’Union européenne est en train de mettre en place une union bancaire, dont la première étape, à savoir la surveillance intégrée des banques, a été présentée par le commissaire européen Michel Barnier le 12 septembre 2012. C’est aussi un changement majeur et une voie d’avenir.
Enfin, le programme OMT, lancé par la Banque centrale européenne le 6 septembre 2012, rend possible le rachat illimité de dettes pour des États ayant demandé à bénéficier des mécanismes de solidarité. Cette mesure va aussi dans le sens d’une plus grande solidarité et d’un affranchissement de la dépendance à l’égard de la spéculation.
Le sommet des 28 et 29 juin 2012 a donc permis un grand pas en avant. Telle est, en tout cas, notre conviction et notre conception de la construction européenne. Il faut et il faudra plus de coordination économique, plus d’Europe et plus de démocratie. Cependant, il ne s’agit pas de fondre les pays européens dans un même moule ni de les enfermer dans un projet qu’ils n’ont pas choisi et auquel ils n’auraient pas le sentiment d’appartenir.
MM. Jean-Jacques Mirassou et Jean-Pierre Plancade. Très bien !
M. Jacques Mézard. Il s’agit, au contraire, d’être plus fort ensemble. Il n’est pas question d’effacer les spécificités nationales qui font notre force et suscitent l’admiration dans toutes les autres régions du monde, en Amérique, en Afrique ou en Asie.
Mes chers collègues, rechigner sur le traité, « faire les difficiles » sur la stratégie européenne actuelle en considérant qu’elle ne va pas assez loin, revient à mettre en danger ce projet exceptionnel qu’est l’Union européenne et, partant, à nous fragiliser. Ce n’est pas en commençant par reculer que nous pourrons ensuite aller de l’avant.
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’enjeu est de montrer aux peuples européens que l’Europe est une force responsable, qui prépare l’avenir et soutient la croissance. Je crois pouvoir dire que nous partageons tous, dans cet hémicycle, un même dessein : nous voulons une Europe qui protège les droits des citoyens et contribue à l’émergence d’un monde multipolaire. Cette ambition suppose de lui redonner un projet politique, de la doter de pouvoirs nouveaux et de démocratiser ses institutions. Parce que l’Europe est une construction permanente, la majorité des membres du RDSE affirmera, par son vote positif, le choix de la raison et de l’avenir. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.
M. Jean Bizet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’intitulé de notre débat d’aujourd’hui – « Nouvelles perspectives européennes » – traduit la conviction du Gouvernement d’avoir ouvert de « nouvelles perspectives » pour la construction européenne.
L’élection de François Hollande aurait changé la donne. La France aurait demandé et obtenu, au mois de juin dernier, que l’Europe se dote, enfin, d’un pacte de croissance complétant le pacte budgétaire. Ce nouveau contexte expliquerait qu’il faille aujourd’hui approuver le traité budgétaire, alors qu’hier on estimait qu’il était « inacceptable » et devait être « renégocié ».
Les Normands n’ont peut-être pas l’esprit assez ouvert au merveilleux, monsieur le ministre délégué, à moins que la France, depuis l’élection de François Hollande, ne sombre dans l’ivresse de l’intelligence, mais j’ai peine à vous suivre.
M. Michel Delebarre. Encore un effort !
M. Jean Bizet. La France arrivant en sauveur, au mois de juin, pour faire découvrir, d’un coup d’un seul, à ses vingt-six partenaires, jusque-là aveuglés, que la croissance était importante et devait être soutenue, c’est un rebondissement qui manque de vraisemblance. Rien à faire, on n’adhère pas à cette approche ! Que vingt-six gouvernements démocratiques, responsables, aient oublié simultanément la croissance, première préoccupation de leur population, cela ne passe pas – à moins de les supposer victimes d’un sortilège !
Nous savons tous que la réalité est autre. Les décisions du Conseil européen du mois de juin n’ont pas changé le cours des choses. Elles ont prolongé et complété les précédents travaux du Conseil. La lourdeur des processus fait que nous attendons d’ailleurs toujours qu’elles commencent à se concrétiser, malgré une ampleur, qui, à l’échelle de l’Europe, reste relative.
Nous savons tous que l’annonce d’une « renégociation » du pacte budgétaire était destinée à durer le temps d’une campagne électorale. François Hollande ne voulait pas dire qu’il était favorable au traité budgétaire, il ne voulait pas dire non plus qu’il y était opposé : promettre une « renégociation » permettait de contenter provisoirement tout le monde. L’élection gagnée, il a fallu justifier le ralliement au pacte budgétaire. Pour cela, on a présenté le Conseil européen du mois de juin comme un tournant de la construction européenne. La vie politique est ainsi faite.
Mieux vaut sans doute jeter un voile pudique sur cet épisode assez peu glorieux. L’essentiel est que la France approuve le nouveau traité, car ce texte a deux mérites.
Tout d’abord, il est un instrument pour rétablir la confiance entre pays européens. Pour être honnête, il faut dire que chacun a sa part dans la perte de confiance. On a beaucoup dénoncé les manipulations statistiques de la Grèce lors de son entrée dans l’euro. Mais, lorsque l’Allemagne et la France, en 2004-2005, se sont affranchies du pacte de stabilité, en donnant aux autres le sentiment qu’il y avait en Europe deux poids et deux mesures, elles ont également contribué à ébranler la confiance.
M. Alain Richard. Très juste !
M. Jean Bizet. Et que dire des États, qui, bénéficiant de fonds européens venant des autres pays membres, en ont profité pour pratiquer le dumping fiscal en vue d’attirer des entreprises étrangères ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. L’Irlande, le Luxembourg !
M. Jean Bizet. Il faut dire la vérité !
La crise financière a révélé cette perte de confiance entre pays. Certains États membres avaient fait des réformes difficiles pour améliorer leur compétitivité et rétablir leurs finances. Il leur a fallu aller au secours d’autres qui n’avaient pas fait les mêmes efforts.
Personne n’aime payer deux fois. Il importait de garantir que le sérieux budgétaire s’imposerait désormais effectivement à tous. C’est cette garantie qu’apporte la « règle d’or » contenue dans le traité budgétaire. Elle est la contrepartie normale, nécessaire, de la solidarité qu’organise le Mécanisme européen de stabilité. Lorsqu’on aide les autres à régler des difficultés financières qu’ils ont laissé s’accumuler, il est normal de leur demander des garanties pour que l’affaire ne se reproduise pas.
Pour autant, ce traité n’est pas une atteinte insupportable à la souveraineté budgétaire, contrairement à ce qu’ont souligné nos amis communistes, à moins d’avoir une singulière conception de cette souveraineté. Dirait-on qu’interdire les chèques sans provision est une atteinte à la liberté individuelle ? (Marques d’incrédulité sur les travées du groupe CRC.)
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Jean Bizet. La souveraineté budgétaire, c’est avoir non pas le droit de s’affranchir de toute règle, mais la possibilité de définir soi-même ses priorités, ses choix, dans un cadre de possibilités limité. Prôner l’endettement excessif, au fond, c’est renoncer à exercer cette souveraineté, c’est éviter de choisir en reportant la facture à plus tard. Nous ne renonçons pas à notre souveraineté en nous imposant des règles à nous-mêmes.
Le traité budgétaire a un second mérite. Considéré conjointement avec le Mécanisme européen de stabilité, il est un signal fort pour les marchés. Il tend à décourager la spéculation contre la dette européenne. Nous aimons tous, à cette tribune, dénoncer les méfaits de la spéculation…
Mme Éliane Assassi. Vous ne le faites pas suffisamment !
M. Jean Bizet. Le meilleur moyen de lutter contre la spéculation, c’est précisément de ne pas lui donner prise !
On le voit, les deux traités européens qui nous ont été soumis à quelques mois d’intervalle – celui sur le Mécanisme européen de stabilité et celui sur le pacte budgétaire – forment en réalité un tout, et ce n’est pas pour rien que ces deux traités se font mutuellement référence.
Pour pouvoir bénéficier du MES, un État membre doit mettre en œuvre le pacte budgétaire. C’est une démarche d’ensemble, dont le fil conducteur est le rétablissement de la confiance entre Européens et dans l’Europe. On doit être pour les deux traités ou tout simplement contre les deux ! Le groupe UMP, qui avait voté en faveur du MES, sera cohérent avec lui-même en votant aujourd’hui pour le pacte budgétaire.
La ratification de ces deux traités est un préalable, mais ce n’est qu’un préalable. Au-delà, quelles sont les perspectives pour l’Europe ?
Même si nombre de pays européens traversent aujourd’hui une passe difficile, voire très difficile, je crois que nous ne devons pas céder à l’euro-pessimisme, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, nous devons avoir une juste appréciation de la situation des pays qui connaissent aujourd’hui les difficultés les plus graves. Ces derniers subissent les dures conséquences de la cure d’austérité qu’ils s’imposent, mais leur engagement n’est pas vain, car les réformes auxquelles ils sont en train de procéder vont leur redonner de meilleures conditions de compétitivité et de croissance. En réduisant et en réorientant les dépenses publiques, en réformant les marchés du travail, ils préparent l’avenir. Lorsque la conjoncture redeviendra plus favorable, ils recueilleront le fruit de leurs efforts.
Le début de redressement en Irlande, alors que ce pays avait touché le fond lors de la crise bancaire, en est déjà l’illustration : l’obligation de la rigueur, c’est aussi l’occasion du changement, et la plupart des pays membres – pas le nôtre, hélas ! – sont en train de saisir cette occasion.
À plusieurs reprises, monsieur le ministre délégué, je me suis permis de vous interpeller sur les réformes structurelles que devait engager notre pays. Vous ne m’avez pas spécialement répondu, manifestant même un certain énervement à mon égard. Je le regrette, parce que je ne souhaite pas du tout tenir de propos discourtois à votre endroit. Pour autant, je me dois de le faire remarquer, la France n’engage pas les réformes structurelles nécessaires.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est bien vrai !
M. Jean Bizet. Une autre raison d’espérer est que nous sommes en train de vivre un renforcement historique de l’Union économique et monétaire. Autrement dit, face aux difficultés, les États membres, du moins la plupart d’entre eux, cherchent la solution dans un approfondissement de la construction européenne.
Les difficultés que l’Europe doit affronter aujourd’hui sont très lourdes. Mais, au plus fort de la crise financière, en 2008-2009, elle a su réagir. Nous vivons aujourd’hui, en quelque sorte, la réplique du séisme, puisque la crise de la dette est en grande partie une conséquence de la crise financière. Jusqu’à présent, l’Europe est parvenue, tant bien que mal, à contenir cette crise de l’endettement.
Il ne faut donc pas sous-estimer la capacité de l’Europe à répondre aux difficultés. Depuis 2008, nous avons déjà parcouru un chemin important. Nous pouvons espérer que, finalement, l’Europe sortira renforcée de la crise qu’elle traverse aujourd’hui.
S’agissant de la mise en place d’une véritable union bancaire, le processus est déjà engagé, avec la création d’un cadre commun de surveillance, la définition en cours d’une législation prudentielle uniforme et les dispositions figurant dans le texte en discussion sur la résolution des crises bancaires. L’Union va se doter d’une supervision unique, qui est la condition pour que soient prises, le cas échéant, des mesures de recapitalisation des banques par le truchement du Mécanisme européen de stabilité.
Sur la plupart de ces sujets, des divergences et des difficultés subsistent, mais le processus est lancé et nous voyons la direction qui a été prise, vers un renforcement majeur des pouvoirs de contrôle de l’Union.
Sur le plan économique, les avancées sont beaucoup moins importantes. Certes, il existe maintenant sur le papier, depuis l’adoption du « six-pack », une surveillance des déséquilibres macroéconomiques. En outre, le « pacte pour l’euro plus » ainsi que le TSCG prévoient de renforcer la coordination des politiques économiques dans le sens d’une meilleure compétitivité européenne. Néanmoins, en pratique, l’encadrement des politiques nationales reste encore trop peu contraignant à mon goût. J’en veux pour preuve les mesures prises par la France au début de l’été : nous avons abaissé l’âge de la retraite, augmenté les dépenses publiques, revalorisé le salaire minimum et supprimé la « TVA sociale », censée déplacer une partie du prélèvement fiscal du travail vers la consommation. Or les recommandations de la politique économique qui nous étaient adressées étaient exactement contraires.
M. François Rebsamen. C’étaient celles des libéraux !
M. Jean Bizet. Si la coordination des politiques économiques n’avait pas existé, quelle aurait été la différence ?
Il serait donc souhaitable d’aller plus loin. Nous en avons fait l’expérience, une monnaie unique et des politiques économiques nationales divergentes aboutissent à l’inefficacité. Nous avons besoin d’une coordination plus contraignante.
Pour cela, je le souligne encore une fois à titre personnel, la Commission européenne devrait recevoir des pouvoirs accrus. Une fois des normes et des objectifs de politique économique arrêtés en commun, elle devrait pouvoir suspendre les mesures nationales allant manifestement à l’encontre de ces objectifs et de ces normes ; ensuite, le Conseil se prononcerait.
En quoi s’agirait-il d’une atteinte insupportable aux souverainetés nationales, puisque l’objectif serait tout simplement de faire respecter des orientations arrêtées en commun ? Notre collègue François Zocchetto n’a pas dit autre chose voilà quelques instants. Tant qu’il n’existera pas de mesure de ce type, je crains que la coordination des politiques économiques ne demeure un vœu pieux.
Sur le plan budgétaire, nous avons davantage avancé. Malgré tout, l’union budgétaire, sous sa forme actuelle, reste de nature négative. Elle est là pour empêcher les déficits excessifs et obliger à rendre soutenable la dette publique. Cette discipline commune est nécessaire et même absolument indispensable, mais ne faudrait-il pas la compléter par des mesures plus positives ? Il n’est pas souhaitable que la discipline commune soit uniquement synonyme de rigueur budgétaire : elle doit aussi ouvrir des perspectives positives, traduisant l’intérêt d’agir en commun.
On peut bien sûr rêver d’un budget européen bien plus important. Je ne rappellerai pas les ratios évoqués précédemment par M. Placé, ils traduisent à mon avis un idéal inaccessible. Or, nous le savons, le contexte n’est pas favorable et, de toute manière, l’essentiel des moyens figure dans les budgets nationaux. C’est pourquoi une union budgétaire plus positive devrait, me semble-t-il, prendre la forme d’une coordination plus étroite et plus contraignante des politiques budgétaires.
Alain Lamassoure donnait en ce sens l’exemple du soutien à la recherche. À défaut d’avoir un budget européen suffisant, nous pourrions rendre plus efficaces les soutiens à la recherche, en réalisant une véritable synergie entre le budget européen, d’une part, et les budgets nationaux, d’autre part, de manière à pouvoir véritablement « mettre le paquet » sur certains domaines constituant des priorités européennes. Pour arriver à ce résultat, il faudrait sans doute une intervention plus marquée de la Commission dans les procédures budgétaires nationales. Pour ma part, je n’y verrais pas une hérésie, loin s’en faut.
La réflexion engagée par le président Van Rompuy, à la demande du Conseil européen, sur l’« achèvement de l’Union économique et monétaire » me paraît donc une occasion à saisir pour concrétiser enfin ce « gouvernement économique européen » que nous réclamons depuis si longtemps.
Nous avons fait le choix d’une monnaie unique : comme tout choix, il a ses avantages, mais aussi ses contraintes. Ce choix étant fait, mieux vaut en tirer toutes les conséquences ; sinon, nous perdrons les avantages sans nous affranchir des contraintes. Les pays de la zone euro ne peuvent plus définir isolément leurs politiques économiques et budgétaires. Cela veut dire qu’entre notre engagement européen et nos orientations actuelles, il faudra choisir. Nous ne pourrons pas indéfiniment prôner la coordination et en refuser les conséquences lorsqu’elles nous dérangent. Nous ne pourrons pas rester les seuls à privilégier l’augmentation des impôts sur la réduction des dépenses. Nous ne pourrons pas rester les seuls à refuser les réformes structurelles et à revenir sur celles qui ont été réalisées, quand nos partenaires font exactement le contraire !
En conclusion, je regrette sincèrement, monsieur le ministre délégué, que cette déclaration sur les nouvelles perspectives de la construction européenne ne soit pas suivie d’un vote. Ce vote aurait précisément marqué un temps fort de la politique européenne de votre Gouvernement et de votre majorité, à moins que vous ne craigniez de montrer au grand jour l’ambiguïté et l’incohérence qui vous unissent ! L’Europe méritait décidément beaucoup mieux que cela ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, parce que les débats consistent souvent à répéter, à répéter inlassablement, j’avais envie de faire un peu de politique-fiction. J’avais envie d’imaginer que l’élection présidentielle n’ait pas eu lieu et que Nicolas Sarkozy soit encore au pouvoir.
M. Michel Delebarre. Aïe !
Mme Bariza Khiari. Quel cauchemar !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On voterait le même traité !
M. François Rebsamen. Je sais que sur ces travées de la gauche ici rassemblée, cela serait terrible pour nous. Pour vous, sur les travées de droite, en revanche, ce serait sûrement une très bonne chose !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Quel rêve !
M. Didier Guillaume. Le sourire revient en face !
M. François Rebsamen. Mais si on y regarde bien, si le Président de la République était toujours Nicolas Sarkozy, après s’être affranchi, dès son élection en 2007, de la règle des 3 % de déficit – ce qui, à l’époque, ne posait pas problème à notre collègue Zocchetto ! –, après avoir laissé filer la dette de plus de 630 milliards d’euros – ce qui ne posait pas de problème à notre collègue Marini –,…
M. Philippe Bas. Vous préférez l’austérité !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est une interprétation libre !
M. François Rebsamen. … Nicolas Sarkozy aurait fait adopter un traité européen sec, purement comptable, qui aurait consacré l’austérité, ajouté l’austérité à l’austérité et imposé à l’ensemble des peuples d’Europe des diktats désespérément coercitifs, d’une rigueur rigide qu’il aurait voulu inscrire dans la Constitution.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un peu ennuyeux de faire parler les absents !
M. François Rebsamen. Le tout, mes chers collègues, sans aucune contrepartie en termes de croissance, de relance et de solidarité. Bref, un traité qui aurait été sans aucun gage d’espoir, imposé par un bloc uni de conservateurs européens face auxquels la voix de la France aurait été affaiblie, voire muette.
M. Charles Revet. Elle était bien plus forte qu’aujourd’hui !
M. François Rebsamen. Heureusement pour nous, tel n’est pas le cas !
M. Michel Delebarre. Ah !
M. François Rebsamen. J’essaie de vous réveiller, mes chers collègues !
Qu’en est-il aujourd’hui, en réalité ?
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C’est un moratoire !
M. François Rebsamen. François Hollande avait pris, durant la campagne présidentielle, un certain nombre d’engagements.
M. Charles Revet. Qu’il n’a pas tenus !
M. François Rebsamen. Ils ont été tenus, et de manière très concrète. Pourtant, la situation était très difficile, vous le savez !
M. Francis Delattre. La voilà, la politique-fiction !
M. François Rebsamen. Les rapports avec l’Allemagne étaient tendus et déséquilibrés. Le dialogue était bloqué avec les autres pays européens, y compris les pays conservateurs ou dirigés par des conservateurs – que ce soit l’Italie ou l’Espagne. Quant à la solidarité entre pays, indispensable face à la crise, elle était inexistante !
Dès son élection, le souci immédiat du nouveau Président de la République, François Hollande, a été d’engager une inflexion majeure – je dis bien majeure – de la politique européenne et de renouer le dialogue pour convaincre ses partenaires européens d’y adhérer.
Fort, c’est vrai, du soutien du peuple français qui l’avait porté à la Présidence de la République, François Hollande a, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin dernier, changé la donne du traité européen…
M. Charles Revet. Cela n’a rien changé !
M. François Rebsamen. … en lui faisant adjoindre ce qui n’existait pas, un pacte pour la croissance et l’emploi. Personne ne peut dire le contraire !
M. Francis Delattre. Si ! Vous savez bien que ce n’est pas exact !
M. François Rebsamen. C’est gênant pour vous, certes !
Ce pacte – vous devriez vous en réjouir – marque, en effet, une nouvelle orientation européenne qui place, et qui va placer, la croissance et la solidarité au cœur des exigences. Il dote l’Europe d’outils de lutte contre la spéculation financière, ces outils qui lui ont tant fait défaut depuis le déclenchement de la crise en 2008.
L’UMP nous avait dit pendant la campagne que c’était impossible. François Hollande l’a fait ! Aujourd’hui, le résultat est là : une véritable réorientation de la construction européenne, chère madame Keller !
Mme Fabienne Keller. Je n’ai rien dit !
M. François Rebsamen. L’austérité n’est plus considérée comme le seul moyen de régler les problèmes des Européens pour réduire leur endettement.
La logique punitive érigée en principe de gouvernance européenne a vécu. La cohérence est là. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) La stratégie est claire : la solidarité et la croissance vont redevenir une priorité de l’Union européenne, au même titre – je le dis – que la stabilité budgétaire nécessaire.
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Amen !
M. Francis Delattre. Avec un budget de décroissance !
M. François Rebsamen. Par « stabilité budgétaire nécessaire », j’entends tous les efforts que nous avons à faire, nous, aujourd’hui, en France, avec l’état dans lequel vous avez laissé les finances publiques ! En effet, il est quand même un peu fort d’entendre aujourd’hui nos collègues nous faire la leçon, alors même, je le rappelle, qu’ils s’étaient affranchis de la règle des 3 % de déficit, qu’ils allaient chercher la croissance « avec les dents », qu’ils avaient trouvé le moyen de voter, certaines années, plus de 120 milliards d’euros de déficit – ce n’est pas grand-chose, nous disait M. Zocchetto – et de nous laisser, en plus, 635 milliards d’euros supplémentaires d’endettement !
Alors, il faut faire face ! Avec la volonté politique ainsi affichée par François Hollande, soutenue par les citoyens, nous avons fait bouger les lignes, nous avons fait évoluer des situations qui étaient considérées comme inéluctables, qui étaient figées.
Pour cela, il a fallu trouver des alliés,…