M. Gilbert Barbier. Et pourtant, c’est capital !
M. Bernard Cazeau. Disant cela, je pense notamment aux deux amendements adoptés précédemment par le Sénat sur l’initiative de Chantal Jouanno et Gilbert Barbier.
Le premier amendement visait à interdire dans tout dispositif médical destiné aux femmes enceintes ou allaitantes, aux nourrissons et aux enfants jusqu’à trois ans, soit l’une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2, soit un perturbateur endocrinien identifié dans les mêmes dispositions réglementaires.
Plus de 400 molécules étant ainsi visées, l’Assemblée nationale a estimé que, en raison du champ très large des dispositifs médicaux et des substances concernés, il existait un risque sérieux de se priver d’un dispositif médical indispensable au traitement voire à la survie d’un patient. Nous comprenons cette position et il nous paraît souhaitable de revenir, après étude plus approfondie, sur le dossier spécifique des dispositifs médicaux. Nous veillerons d’ailleurs à ce que tel soit le cas, le moment venu.
Prenons l’exemple des outillages nécessaires à la constitution de poches de sang : on autorise les poches de sang contenant des substances potentiellement nocives, car, pour l’instant, et même si quelques initiatives sont prises ici ou là, on ne sait pas les fabriquer autrement et les transfusions deviendraient impossibles sans elles. Ne nous précipitons donc pas sur ce dossier et essayons de travailler à la recherche des solutions les meilleures possible.
Le second amendement, déposé par Gilbert Barbier, tendait à interdire trois catégories de phtalates dans des dispositifs médicaux destinés aux services de maternité, de néonatalogie et de pédiatrie.
Pour l’un des trois phtalates, à la fois le plus utilisé et le plus décrié par les scientifiques, le di (2-ethylhexyl) phtalate ou DEHP, les représentants du secteur paramédical ont confirmé l’existence de substituts, et les députés ont entériné son interdiction. Nous pouvons donc être rassurés sur ce point.
Quant aux deux autres phtalates, l’Assemblée nationale a proposé que le rapport prévu à l’article 4 étudie la recherche de substituts. Cela me semble être une bonne solution.
Bref, en ce domaine, je pense que l’opportunité d’interdire s’examine en fonction d’une comparaison entre les bénéfices de l’usage du dispositif médical et les risques que ce dernier implique. En effet, contrairement aux produits de consommation courante, un médicament ou un dispositif médical peut à la fois présenter des risques, parfois graves, et être tout de même autorisé, le danger encouru devant absolument être mis en rapport avec le profit attendu pour le patient. De même, dans le cas de certains médicaments utilisés à titre expérimental, l’on s’attache davantage à leur action qu’à leur éventuel danger.
Pour toutes ces raisons, j’insiste sur le caractère urgent d’un vote conforme de ce texte, afin de permettre au Gouvernement d’appliquer ce dernier dès à présent. Ce faisant, il s’agit de protéger nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent : leurs interventions témoignent de la volonté de mener un travail parlementaire constructif.
Nous partageons tous les mêmes objectifs, et je me félicite que les avancées notables aient été soulignées à plusieurs reprises.
L’importance que revêtira l’action de Mme la ministre auprès de ses collègues européens a également été soulignée. Je suis bien évidemment convaincue qu’elle saura porter avec beaucoup de détermination les engagements qu’elle a pris devant vous, et que j’ai eu l’occasion de rappeler dans mon propos liminaire.
Enfin, je remercie Mme la rapporteur pour l’ensemble de son travail.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
(Non modifié)
La loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de biberons produits à base de bisphénol A est ainsi modifiée :
1° Après les mots : « commercialisation de », la fin du titre est ainsi rédigée : « tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires » ;
2° L’article 1er est ainsi rédigé :
« Art. 1er. – La fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires pour les nourrissons et enfants en bas âge, au sens des a et b de l’article 2 de la directive 2006/141/CE de la Commission, du 22 décembre 2006, concernant les préparations pour nourrissons et les préparations de suite et modifiant la directive 1999/21/CE, sont suspendues à compter du premier jour du mois suivant la promulgation de la loi n° … du … visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, jusqu’à ce que le Gouvernement, après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, autorise la reprise de ces opérations.
« Cette suspension prend effet, dans les mêmes conditions, au 1er janvier 2015 pour tout autre conditionnement, contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires.
« Avant le 1er juillet 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A pour ses applications industrielles au regard de leur éventuelle toxicité. » ;
3° L’article 2 est ainsi rédigé :
« Art. 2. – Tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires doit comporter, dans des conditions fixées par décret, un avertissement sanitaire déconseillant son usage, du fait de la présence de bisphénol A, aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes et aux nourrissons et enfants en bas âge, au sens des a et b de l’article 2 de la directive 2006/141/CE de la Commission, du 22 décembre 2006, précitée. » ;
4° (Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 2 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Patriat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2, 4, 5 et 8
Remplacer les mots :
comportant du
par les mots :
produit à base de
Ces amendements ne sont pas soutenus.
Toujours sur l’article 1er, je suis à nouveau saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 4 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Barbier.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
, l’exportation
L’amendement n° 4 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à assurer une certaine protection aux entreprises de notre pays qui fabriquent des contenants alimentaires contenant du bisphénol A, en autorisant l’exportation, au moins pour quelque temps, de leur production.
Ces emballages resteront en effet autorisés dans nombre de pays, en Europe et dans le monde.
Les PME françaises ont besoin de ces marchés à l’exportation pour survivre. C’est pourquoi je souhaite que l’on puisse retirer de la liste des interdictions l’exportation de ces produits, ne serait-ce que pour un certain temps.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. Cet amendement vise à autoriser la seule exportation des conditionnements alimentaires contenant du bisphénol A.
Or, si nous suspendons la commercialisation de ces conditionnements alimentaires, c’est que ces derniers présentent à notre avis un risque pour la santé humaine.
Comment accepterions-nous, dès lors, d’en exporter ? Pourrions-nous, en toute connaissance de cause, écouler à l’étranger des produits que nous estimons nocifs en France ?
La commission avait déjà émis un avis défavorable sur ce même amendement déposé en première lecture. Son avis reste défavorable en deuxième lecture.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je partage l’analyse de la commission. C’est un problème d’éthique : on ne peut pas interdire ces conditionnements en France, pour des raisons de santé tout à fait légitimes, et encourager leur emploi dans d’autres pays.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Monsieur Barbier, l'amendement n° 9 est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Je comprends l’argument qui vient d’être avancé. Je rappelle toutefois que le principe d’interdiction est pour l’instant très novateur, et que ce sont les petites entreprises qui seront essentiellement pénalisées, les autres pouvant faire le choix de fabriquer ces produits à l’étranger.
J’entends toutefois le problème éthique que soulève cet amendement et, dans ces conditions, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 9 est retiré.
L'amendement n° 5, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :
Alinéas 4 et 5
Remplacer les mots :
conditionnement, contenant ou ustensile
par les mots :
emballage, conditionnement, vaisselle, récipient ou ustensile de cuisine
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6, présenté par Mme Aïchi, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer l'année :
2015
par l'année :
2014
La parole est à Mme Leila Aïchi.
Mme Leila Aïchi. Cet amendement vise à rétablir les délais d’exécution qui figuraient dans le texte initial voté par l’Assemblée nationale le 12 octobre 2011. Ce texte prévoyait en effet une interdiction du bisphénol A dans l’ensemble des contenants et ustensiles alimentaires à partir du 1er janvier 2014, et dans les contenants destinés aux enfants en bas-âge à partir du 1er janvier 2013.
Lors de la première lecture du texte au Sénat, la commission des affaires sociales a voté un amendement repoussant au 1er janvier 2015 la date d’entrée en vigueur de l’interdiction générale. Une entrée en vigueur en juillet 2015 a même été votée en séance, avant que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale ne la ramène à janvier 2015, notamment grâce au travail de mes collègues écologistes. Ces derniers, malgré leurs efforts, n’ont toutefois pas réussi à en revenir à 2014.
Pourtant, ce report contre-productif et dénué de fondement économique prolonge inutilement un très sérieux problème sanitaire.
De quoi s’agit-il exactement ?
En reportant d’une année l’application de cette mesure, nous programmons un désastre sanitaire en surexposant 830 000 femmes enceintes au poison qu’est le bisphénol A. Dès lors, nous acceptons d’y exposer des enfants à naître parmi lesquels nous savons déjà que 400 petits garçons souffriront de troubles de la fertilité.
Pourtant nous savons ! Depuis octobre 2011, de nouvelles études montrent que le bisphénol A induit des maladies métaboliques et cardio-vasculaires, des cancers hormono-dépendants, des troubles du comportement et de la reproduction.
La récente étude scientifique de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS, mise en ligne le 5 décembre 2012 met en évidence une altération du système de reproduction et précise que le cancer de la prostate a quintuplé entre 1978 et 2008 avec un déplacement du pic d’incidence vers des catégories plus jeunes de la population. Au cours de la même période, les incidences sur le cancer du sein et des testicules ont également doublé. En outre, les conséquences financières sur le déficit de la sécurité sociale sont lourdes.
Face à l’urgence sanitaire, l’argument économique ne fait pas le poids. De nombreux industriels ont déjà développé des substituts au bisphénol A, pour ses différents usages, et je ne comprends pas que l’on n’interdise pas cette substance dès le 1er janvier 2014.
Si la date du 1er janvier 2013 est conservée pour les contenants destinés aux enfants en bas âge, cela signifie bien que certaines entreprises peuvent se conformer à la nouvelle législation en trois mois à peine. Il semble dès lors envisageable que le reste du marché puisse s’adapter pour l’ensemble des contenants avec un délai supplémentaire de douze mois. Les industriels sont avertis depuis un an du projet d’interdiction, et ils ont pu déployer les moyens de recherche nécessaires.
Il existe, par exemple, des modèles de conserverie en carton supportant l’autoclave, qui constituent un emballage alternatif sans bisphénol A, pouvant s’adapter aux légumes cuisinés, légumes secs, soupes, sauces, etc. Quelque 3,2 millions d’emballages pourraient être fabriqués en carton. Rappelons également que la production de ces nouveaux emballages émettrait une quantité notablement moindre de gaz à effet de serre et permettrait la création de nouveaux emplois. Cent dix grandes marques à travers quarante pays, dont l’Italie et la Suède, utilisent déjà ces emballages alternatifs. Compte tenu de l’urgence sanitaire, je ne comprends pas pourquoi nous ne faisons pas de même en France !
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 1 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 8 est présenté par MM. Barbier, Mézard, Baylet, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 5
Remplacer la date :
1er janvier 2015
par la date :
1er juillet 2015
L’amendement n° 1 n'est pas soutenu.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 8.
M. Gilbert Barbier. Cet amendement vise à rétablir la date d’entrée en vigueur adoptée initialement par la Haute Assemblée, soit le 1er juillet 2015.
Aux considérations éthiques que l’on m’opposera sans doute, j’avancerai deux arguments.
Tout d’abord, je rappelle que l’on a toujours refusé de définir les produits à base de bisphénol A.
L’amendement déposé à cet égard n’a pas été soutenu tout à l’heure. Il était important, car, si le terme « comportant du bisphénol A » est maintenu dans le texte, des entreprises pourront continuer à utiliser le BPA en production, mais la présence de cette substance sur les produits ne sera pas détectée lorsqu’on la recherchera. C’est un problème technique qu’il est regrettable que nos assemblées n’aient pas résolu. L’adoption de la mention « produit à base de bisphénol A » aurait permis d’interdire l’utilisation de cette substance dès le début de la production, plutôt que d’interdire seulement sa présence sur le produit lui-même. Certains produits pour la fabrication desquels on aura pu utiliser du bisphénol A n’en contiendront plus ensuite ou en posséderont à des doses infinitésimales et indétectables.
Par ailleurs, M. Cazeau a évoqué tout à l’heure la question des perfusions et des poches en plastique pour les transfusions sanguines. Sur cette question, l’Assemblée nationale s’est rangée, un peu rapidement à mon sens, à la demande des industriels. En réalité, nous avons utilisé le verre durant de nombreuses années pour les transfusions sanguines et même pour les perfusions, et il était tout à fait possible de revenir à ce conditionnement, comme cela a été le cas pour les biberons. Je sais bien que l’utilisation de poches plastiques est beaucoup plus pratique, mais que l’on ne me dise pas qu’il s’agit là d’un problème technique insolvable !
On pouvait donc très bien interdire le bisphénol A dans ces poches. Avouez qu’il est un peu curieux de l’interdire dans les tubulures et pas dans les contenants ! L’argument éthique n’est donc pas très pertinent contre ma proposition.
Pourquoi repousser la date d’interdiction au 1er juillet 2015 ? Parce qu’il faut que nos entreprises s’adaptent, et que ce n’est pas si simple. Leur donner six mois de plus pour résoudre un problème qui existe depuis quarante ans ne me paraît quand même pas un drame !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. Les amendements nos 6 et 8 visent à modifier la date du 1er janvier 2015. M. Barbier et plusieurs membres du groupe du RDSE entendent la repousser au 1er juillet 2015 ; Mme Aïchi souhaite l’avancer au 1er janvier 2014.
Nous avons eu longuement ce débat lors de la première lecture.
La commission estime que le compromis adopté par l’Assemblée nationale permet à la fois de prendre une décision ambitieuse ― je le répète, la France sera le premier pays au monde à programmer la fin de l’utilisation du bisphénol A dans les conditionnements alimentaires ― et réaliste pour les industriels, puisque ces derniers disposeront de deux ans, alors même qu’ils ont entamé les travaux de recherche de substituts depuis plusieurs années déjà.
Je trouverais vraiment regrettable de reporter l’adoption définitive de la proposition de loi au moins jusqu’au mois de février, en fonction des contraintes du calendrier parlementaire, à cause d’une divergence portant sur six mois !
Le Gouvernement remettra le 1er juillet 2014 un rapport évaluant les substituts possibles au bisphénol A et leur éventuelle toxicité. En cas de difficulté, nous pourrons alors légiférer à nouveau.
En outre, le Gouvernement pourra toujours, d’après le texte même de la proposition de loi, autoriser certaines opérations si nous nous rendons compte qu’il n’y a réellement pas de solution alternative. C’est pourquoi il nous faut maintenir la date du 1er janvier 2015.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Je pense que, face à l’un et l’autre des amendements proposés, nous devons apprécier le travail de compromis mené au sein de l’Assemblée nationale et considérer que cette future loi doit maintenant entrer en application le plus rapidement possible. À cette fin, j’invite tant Mme Aïchi que M. Barbier à retirer leur amendement pour que ce texte puisse être adopté conforme et entrer en application le plus vite possible. Il importe à la fois d’aller vite et de donner à certains industriels le temps nécessaire pour se mettre en adéquation avec les dispositions du texte et pour vérifier que les substituts au bisphénol A envisagés sont de qualité. Si ces amendements n’étaient pas retirés, le Gouvernement émettrait alors un avis défavorable.
M. le président. Madame Aïchi, l’amendement n° 6 est-il maintenu ?
Mme Leila Aïchi. Oui, monsieur le président, je le maintiens.
Je vous rappelle une fois encore que l’étude scientifique dont je viens de vous parler met en évidence une altération du système de reproduction.
Madame la ministre, vous avez relevé à juste titre que, lors du développement fœtal, l’exposition au bisphénol A entraînait des conséquences sur la formation des organes génitaux. Vous avez également affirmé, à juste titre, que nous ne pouvions plus attendre. Je ne comprends donc pas pourquoi nous ne tirons pas les conséquences de ces analyses en interdisant le bisphénol A au 1er janvier 2014.
M. le président. Monsieur Barbier, l’amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Gilbert Barbier. Je comprends bien qu’il faut savoir faire des compromis, et je vais donc retirer cet amendement. J’espère que les promesses faites par Mme la ministre pour le 1er juillet 2014 seront bien tenues et que les industriels pourront ainsi s’adapter en six mois aux nouveaux conditionnements. C’est une période très courte, mais je compte sur votre diligence, madame la ministre, pour que ce processus se mette en place dans les faits.
M. le président. L’amendement n° 8 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 2
(Non modifié)
I. – La section 1 du chapitre V du titre Ier du livre II du code de la consommation est complétée par un article L. 215-2-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 215-2-4. – Les agents mentionnés à l’article L. 215-1 sont habilités à rechercher et à constater, dans les conditions prévues au présent livre, les infractions à la loi n° 2010-729 du 30 juin 2010 tendant à suspendre la commercialisation de tout conditionnement comportant du bisphénol A et destiné à recevoir des produits alimentaires. »
II. – Après le 1° de l’article L. 5231-2 du code de la santé publique, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Des collerettes de tétines et de sucettes et des anneaux de dentition comportant du bisphénol A ; ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Lecerf.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Patriat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 et 4
Remplacer les mots :
comportant du
par les mots :
produit à base de
Ces deux amendements ne sont pas soutenus.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Je constate que cet article a été adopté à l’unanimité des présents.
Article 3
(Non modifié)
Le titre Ier du livre II de la cinquième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre IV ainsi rédigé :
« Chapitre IV
« Interdiction de certains matériaux dans les dispositifs médicaux
« Art. L. 5214-1. – À compter du 1er juillet 2015, l’utilisation de tubulures comportant du di (2-éthylhexyl) phtalate est interdite dans les services de pédiatrie, de néonatologie et de maternité.
« Art. L. 5214-2. – Est interdite l’utilisation des biberons comportant du bisphénol A et répondant à la définition des dispositifs médicaux mentionnée à l’article L. 5211-1. »
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Jouanno, MM. Capo-Canellas et Guerriau, Mme Goy-Chavent, M. Pozzo di Borgo, Mme Létard, MM. Namy, Tandonnet, Jarlier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 5214-1. - Sont suspendues à compter du 1er juillet 2015 la fabrication, l’importation, l’exportation et la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux de tout dispositif médical destiné aux femmes enceintes, aux femmes allaitantes, aux nourrissons ou aux enfants jusqu’à trois ans comportant :
« 1° soit une des substances définies comme cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques de catégorie 2 au sens de la partie 3 de l’annexe VI du règlement CE n°1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n°1970/2006 ;
« 2° soit un perturbateur endocrinien présentant de probables effets sérieux pour la santé humaine, identifié dans les conditions fixées à l’article 59 du règlement (CE) n°1907/2006 du Parlement européen et du Conseil du 18 décembre 2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n°793/93 du Conseil et le règlement (CE) n°1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Cet amendement vise à en revenir à la disposition adoptée à l’unanimité par le Sénat en première lecture, sur l’initiative de notre collègue Chantal Jouanno, avant d’être supprimée en deuxième lecture par l’Assemblée nationale. Il est la traduction législative de la proposition n° 10 de la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, que Chantal Jouanno présidait. Il vise à interdire l’ensemble des substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques de catégorie 2 ainsi que les perturbateurs endocriniens dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes.
Comme l’affirmaient les conclusions du rapport sénatorial adopté à l’unanimité, il n’est pas acceptable de considérer qu’un dispositif médical est moins dangereux qu’un jouet quand il est question de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques et qu’il est destiné aux prématurés et aux jeunes enfants.
En rédigeant cet amendement, nous avons pris soin d’en limiter le champ d’application aux dispositifs médicaux à destination des nourrissons et des femmes enceintes. En outre, la date d’application a été fixée au 1er janvier 2015 pour se donner le temps de revenir sur le dispositif.
Retenir l’objectif d’une interdiction de la présence de perturbateurs endocriniens dans les produits spécifiquement destinés aux jeunes enfants et femmes enceintes, qui sont des publics cibles prioritaires, était également l’une des préconisations de notre collègue Gilbert Barbier, dans son rapport remis en juillet 2011 au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Je le cite : « par précaution, il ne paraît pas disproportionné de proposer d’éliminer tout perturbateur endocrinien des produits destinés aux bébés et femmes enceintes ».
Après deux rapports parlementaires étayés par des analyses scientifiques, le temps de la précaution n’est-il pas enfin arrivé ? Nous pourrons nous féliciter de l’adoption de ces rapports et de la mise en lumière des problèmes des perturbateurs endocriniens qu’ils ont soulevés, mais pourrons-nous pour autant nous satisfaire de n’avoir pas agi raisonnablement rapidement ?
Il est difficilement compréhensible d’interdire en 2015 des perturbateurs endocriniens dans les contenants alimentaires mais de permettre leur maintien dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons et aux femmes enceintes. Le principe de précaution serait donc invocable pour l’ensemble du grand public mais inopérant pour des publics cibles, à savoir les nourrissons et les femmes enceintes, pourtant clairement identifiés par l’ensemble des études.
J’ajoute que l’argument du délai de convocation d’une commission mixte paritaire, si le texte adopté par le Sénat n’était pas strictement conforme à celui de l’Assemblée nationale, paraît de faible portée. Le délai n’a après tout rien d’insurmontable, et l’argument de l’urgence est malheureusement souvent utilisé pour éviter le débat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Patricia Schillinger, rapporteur. En première lecture, le 9 octobre dernier, le Sénat avait adopté cet amendement, après un débat animé. Je souhaite prendre ici le temps d’expliquer en quoi la question soulevée est essentielle et pourquoi la réponse apportée est, à ce stade, prématurée.
Tout d’abord, la mission commune d’information portant sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique, présidée par Chantal Jouanno et dont Bernard Cazeau était le rapporteur, a clairement montré, dans son rapport, combien l’encadrement du secteur des dispositifs médicaux était inadapté et qu’il était nécessaire, pour reprendre les termes du rapport, de « créer les conditions d’une véritable sécurité ».
Renforcer le contrôle des dispositifs médicaux à toutes les étapes et instituer une véritable surveillance, telles sont les propositions du rapport, que j’approuve.
D’ailleurs, sur l’initiative du groupe écologiste, l’article 4 de la proposition de loi prévoit que le Gouvernement présentera au Parlement, dans un délai d’un an, un rapport relatif aux perturbateurs endocriniens qui précisera, notamment, les conséquences sanitaires et environnementales de leur présence dans les dispositifs médicaux. Ce n’est qu’à partir de cet état des lieux que nous pourrons légiférer en toute connaissance de cause.
Pourquoi la réponse proposée dans l’amendement est-elle aujourd’hui inadaptée ?
Tout d’abord, le champ de cet amendement est beaucoup trop large, et ce sous deux aspects.
Ensuite, la logique ne peut pas être la même s’agissant d’un dispositif susceptible de sauver la vie d’une personne ou d’un simple conditionnement alimentaire.
L’amendement n° 7 vise tous les dispositifs médicaux destinés aux femmes enceintes ou allaitantes ainsi qu’aux nourrissons ou aux enfants de moins de trois ans et comportant une substance CMR ou un perturbateur endocrinien.
D’abord, nul n’est capable de dire – c’est d’ailleurs un problème ! – combien de dispositifs sont concernés, et lesquels.
En outre, il serait très difficile pour un hôpital de distinguer, dans ses achats, les dispositifs destinés aux services de pédiatrie ou de néonatologie. Donc, en pratique, tous les dispositifs médicaux seraient concernés.
Ensuite, les substances visées sont, elles aussi, très nombreuses : le rapport de l’Assemblée nationale fait état de quatre cents, mais le nombre réel est largement plus élevé. J’ai voulu consulter hier la liste des substances CMR visées, mais j’y ai renoncé : ce sont au moins 6 000 substances qui sont répertoriées dans plus de mille pages du Journal officiel de l’Union européenne ! Sans compter les perturbateurs endocriniens, également visés par l’amendement…
Qui plus est, par la formulation retenue dans l’amendement, pourraient être concernés les dispositifs électroniques, par exemple, dont l’un des composants internes contient l’une de ces substances, même si ce composant ne peut en aucun cas entrer en contact avec le patient. C’est le cas, par exemple, du lithium. Les dispositifs médicaux ne pourraient donc plus utiliser de batteries comportant du lithium. En outre, le lithium est employé dans de nombreuses applications médicales, y compris dans des médicaments. Devons-nous également les interdire ?
Enfin, comme je l’ai souligné en première lecture, ainsi que, mardi dernier, en commission, l’autorisation d’un médicament ou d’un dispositif médical doit obligatoirement répondre à la question du rapport entre le bénéfice qu’il apporte au patient et le risque qu’il lui fait encourir.
S’il est toujours possible de se passer d’un jouet ou d’un conditionnement alimentaire, il n’en est pas de même d’un traitement médical, qui par définition présente toujours des risques : il est nécessaire de les évaluer pour estimer s’ils sont inférieurs aux bénéfices attendus pour le patient.
C’est pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement, dont l’adoption serait source des risques importants en termes de santé publique, alors même que ses auteurs entendent précisément appliquer le principe de précaution.