M. Roland du Luart. Un perdreau voulez-vous dire, mon cher collègue ?
M. Gérard Roche. J’en conviens, mais j’ai employé le mot « pigeon » car je ne souhaite pas être pigeonné… (Sourires.)
En effet, si le débat a bien lieu, je ne voudrais pas que, une fois le projet de loi adopté par le Sénat, on nous dise que l’article 3 de la Constitution invalide ce vote, au motif que la règle des plus ou moins 20 % est incontournable. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, sur l’article.
M. Philippe Adnot. L’article 2 que nous examinons est important, et j’en veux pour preuve les nombreuses prises de parole qui durent depuis déjà un certain temps. J’espère d’ailleurs que les propos tenus par mes collègues leur serviront d’argumentaire lors de la présentation des amendements, ainsi que d’explication de vote, sinon les discussions risquent de nous occuper encore pendant quelques jours…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas un argument !
M. Philippe Adnot. À mes collègues qui seraient tentés de ne pas voter l’article 2, je voudrais faire remarquer que, dans ce cas de figure, c’est l’Assemblée nationale qui déciderait du mode de scrutin applicable aux conseils généraux. Qu’ils réfléchissent donc bien avant de se dessaisir de cette responsabilité.
À ceux qui soutiennent que nous n’avons rien proposé, je rétorquerai que, pour ma part, j’ai suggéré un système qui retienne la proportionnelle en milieu urbain – je propose plus de 100 000 habitants pour ce qui concerne les communautés d’agglomération – et que l’on conserve le système actuel, même remodelé, dans les zones du territoire où la population est moindre. Certains m’ont d’ailleurs rejoint sur ce point.
Selon moi, les reproches adressés au texte qui nous est soumis sont irréalistes ; ils ne sont pas convenables. D’aucuns soutiennent que l’un des deux élus aurait la priorité sur l’autre. Mais pas du tout ! Qu’ils seraient tenus d’exprimer le même vote. Mais pas du tout ! N’importe quel système d’élection nous laisse libre de nos choix, fort heureusement.
Mme Virginie Klès. Tout à fait. Il n'y a pas de mandat impératif.
M. Philippe Adnot. Et la plupart du temps, dans les conseils généraux – telle est en tout cas la situation dans le mien –, 95 % des décisions sont votées à l’unanimité, quelle que soit l’appartenance politique des différents élus.
Par conséquent, arrêtons de faire croire que le texte qui nous est soumis est « abracadabrantesque », comme je l’ai entendu dire. Le système proposé dans le présent projet de loi est respectable, même si je préfère, bien évidemment, le dispositif que je vous proposerai tout à l’heure. Si l’amendement que je vais soutenir n’est pas adopté, je voterai le présent article, parce qu’il est meilleur que le texte auquel nous risquons d’aboutir si vous laissez à l’Assemblée nationale le soin de décider à notre place. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. C’est le principe de réalité !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. Je suis une nouvelle sénatrice, puisque j’ai été élue à la Haute Assemblée au mois de septembre 2011. Ce matin, j’ai été atterrée par certains propos bien maladroits, voire inacceptables, qui ont été tenus dans l’hémicycle, mais aussi par certaines réponses apportées par des passionarias qui ne servent peut-être pas le genre féminin.
Ma présente intervention vient en fait appuyer celle de ma collègue Isabelle Debré. Comme elle, j’étais opposée à la loi sur la parité, pour un double motif.
D’une part, je considérais que les femmes avaient l’intelligence, les compétences nécessaires pour arriver aux affaires sans que soit adopté un texte législatif à cette fin. Il faut dire que j’avais comme modèle Nelly Rodi, à qui je rends hommage, l’une des premières femmes politiques en Île-de-France dans les années soixante, élue au Sénat en 1986. À l’époque, et je le regrette, j’avais probablement sous-estimé l’habileté masculine. Force m’est d’ailleurs de reconnaître que je ne serais certainement pas parlementaire aujourd’hui si la loi précitée n’avait pas été adoptée.
D’autre part, je n’aime pas la loi des quotas qui me semble sans fin. Mes chers collègues, sommes-nous représentatifs de la diversité de nos origines, de la pyramide des âges, de nos origines professionnelles, etc. ?
Selon moi, la parité ne peut pas et ne doit pas servir d’alibi à l’adoption d’un projet de loi qui pose moult problèmes en matière tant de représentation des territoires et des populations urbaines et rurales – je souscris bien volontiers aux propositions et remarques très intéressantes formulées par Philippe Dallier et Christophe Béchu – que de proximité. Se pose également la question de l’ordre dans lequel nous adoptons les lois. Quand examinerons-nous l’acte III de la décentralisation ?
Doit-on réformer ? Oui, probablement, puisque le territoire évolue. Néanmoins, comme M. Longuet, je pense qu’il faut avoir une vision globale de l’aménagement du territoire.
Au terme de mon intervention, je le répète avec une grande fermeté : je ne veux pas que les femmes et la parité soient un alibi de surface pour permettre une adhésion presque populiste à un projet de loi qui, en l’état, me semble déstructurant pour la représentativité de nos territoires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault, sur l’article.
Mme Jacqueline Gourault. Je ne suis absolument pas « fan » du mode de scrutin proposé par le Gouvernement. J’aurais préféré que soit retenu un scrutin de liste par circonscription législative, qui aurait eu l’avantage de l’ancrage local, de la parité et du pluralisme. Cela étant, je dois reconnaître qu’il n’était pas facile de trouver un mode de scrutin offrant des garanties sur ces trois points.
Il reste que le système prévoyant la désignation de deux conseillers pour un même territoire n’a pas de quoi m’enthousiasmer, pas plus que ne m’enthousiasmait la solution consistant à élire un conseiller pour deux collectivités, car, rappelons-nous, mes chers collègues, tel était bien le cas du conseiller territorial.
MM. Béchu et Longuet ont expliqué que le dispositif du conseiller territorial aurait été très constructif si n’avait plus existé qu’une seule collectivité : on aurait conservé le découpage administratif des régions et des départements, mais en ne formant qu’une seule collectivité. Pour ma part, j’aurais voté sans hésitation un tel dispositif, car il aurait permis de réaliser des économies de gestion et de simplifier réellement notre organisation territoriale. Or on est resté au milieu du gué en prévoyant un élu pour deux collectivités.
Je précise au passage, à l’adresse de ceux qui ont effectué des comparaisons, que ce n’est pas la même chose au niveau de la commune et de l’intercommunalité, celle-ci étant non pas une collectivité territoriale, mais un établissement public de coopération intercommunale.
Je dois signaler, tout en le regrettant et au risque de me faire des ennemis, que, dans cette enceinte même, l’évolution vers une collectivité unique – l’Alsace s’apprête à le faire, comme on l’a rappelé tout à l’heure – s’est heurtée à l’hostilité de présidents de conseils généraux, siégeant d’ailleurs sur différentes travées.
Cela étant, face au tableau merveilleux du monde des conseillers territoriaux, je voudrais me livrer à trois rappels.
Tout d’abord, il faut avoir l’honnêteté de le reconnaître, la diminution du nombre de cantons alors envisagée était à peu près égale à ce que prévoit le présent projet de loi.
Par ailleurs, ainsi que Mme Goulet m’a demandé de le rappeler, on ne connaissait pas plus qu’aujourd’hui les frontières des futurs cantons.
Enfin, je veux rappeler que, si nous examinons aujourd'hui un mode de scrutin, sous l’ancienne majorité, alors que la discussion du texte en cause, qui portait sur l’organisation territoriale, avait commencé au Sénat, comme le prévoit la Constitution, c’est subrepticement que le mode de scrutin avait ensuite été soumis à l’Assemblée nationale : autrement dit, nous avions été mis devant le fait accompli. Si je me souviens bien, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le dispositif avait été annulé par le Conseil constitutionnel.
Aussi, lorsque j’entends certains propos tenus par des collègues de l’UMP, je me dis qu’ils n’ont pas beaucoup de mémoire !
C’est pourquoi, tout comme mon collègue Gérard Roche, je préfère que le mode de scrutin soit étudié en premier par le Sénat, c'est-à-dire avant que l’Assemblée nationale ne s’empare du sujet. On sait en effet que, à l’Assemblée nationale, quelle que soit la majorité, la décision est en quelque sorte monolithique.
J’espère d’ailleurs que le Président de la République va tenir son engagement d’introduire une dose de proportionnelle pour les élections législatives.
En parlant de proportionnelle, j’ai presque l’impression de prononcer un gros mot, mais j’irai jusqu’au bout de ma pensée : je suis pour une proportionnelle corrective, c'est-à-dire un système qui permet à la fois de dégager une majorité et d’assurer la représentation de tous les courants politiques présents en France. Je crois que ce serait une manière d’apaiser la vie politique. J’en conviens, ce n’est pas le sujet qui nous occupe en cet instant, mais je tenais à affirmer cette conviction, même si je me doute que mes propos vont susciter des commentaires…
Initialement, je ne voulais pas intervenir sur la parité. Je n’ai jamais appartenu à des associations féministes ni même à la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Mais il se trouve que des propos vraiment choquants ont été tenus ici, ce matin, sur les femmes. Du reste, plusieurs collaboratrices parlementaires, qui sont actuellement dans leur bureau en train de suivre la séance sur le canal interne de télévision, m’ont envoyé des SMS pour me dire que je ne pouvais pas ne pas intervenir. Je pense qu’elles ont raison.
Madame Bourzai, vous avez parlé tout à l'heure des sénatrices socialistes. Je crois qu’il ne faut pas s’exprimer ainsi : il faut parler de l’ensemble des sénatrices, parce que, sur toutes les travées, nous avons toutes été choquées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. René Vandierendonck. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Nous vivons en quelque sorte une nouvelle discussion générale, mais ce n’est pas un mal, car la démocratie demande du temps.
Par-delà les caricatures et les excès, au moins trois enjeux fondamentaux ressortent de nos débats depuis ce matin.
Le premier est celui de la pérennité de l’action publique départementale. Je voudrais rappeler que M. Copé a annoncé, dans une déclaration programmatique, qu’il souhaitait supprimer les départements et que M. Fillon a exprimé, dans des termes différents, un objectif qui n’est guère éloigné de leur suppression. Le mode de scrutin proposé par la majorité traduit au contraire une volonté de pérenniser l’échelon départemental comme échelon d’action publique pour garantir les solidarités territoriales, les solidarités humaines et l’innovation. Il fallait le rappeler, car c’est l’enjeu essentiel du débat.
Le deuxième enjeu est celui de la ruralité. Personne, sur aucune travée, n’a l’exclusivité de la défense de la ruralité. Je suis socialiste et j’en suis fier (M. Alain Gournac s’exclame.) ; je suis élu d’un département rural et j’en suis non moins fier. Mon action au quotidien est inspirée par le souci de faire des territoires ruraux des territoires d’avenir dans notre pays.
L’article 23 est souvent évoqué, mais des ouvertures ont été proposées tant par le rapporteur que par le ministre ; il faudra y travailler au cours du débat.
Je voudrais faire remarquer que, dans le département de l’Aisne, département rural s’il en est, les territoires ruraux seront mieux représentés si le projet de loi est adopté puisque les 21 nouveaux cantons éliront deux conseillers généraux chacun, alors que, si nous avions maintenu le système adopté par la précédente majorité, 35 cantons auraient élu un seul conseiller territorial chacun. Il n’y a pas de vérité plus évidente ! Il faut bien regarder quel sera le découpage ; nous avons tous le souci de faire en sorte que, même si un rééquilibrage entre le rural et l’urbain est à l’évidence nécessaire, le rural doit conserver une forte représentation.
J’en viens au troisième enjeu. J’ai discuté il y a quelques instants avec Claudy Lebreton, président de l’ADF, l’Assemblée des départements de France. Sa position est claire, nette et précise : il soutient le scrutin binominal proposé par le Gouvernement.
Pour répondre aux propos de M. Longuet, je lui dirai que nous avons en commun une vision de notre organisation institutionnelle telle que celle-ci comporte deux éléments : un élément de proximité, qui irait de la commune jusqu’au département, et un élément de stratégie, qui irait de la région jusqu’à l’Europe. On voit que, dans ce système, la coupure se situe entre le département et la région. C'est la raison pour laquelle nous étions fortement opposés à la création du conseiller territorial.
En conclusion, puisque je viens de l’Aisne, qui fut le berceau de nombreux révolutionnaires, en particulier Saint-Just, je vous dirai ceci, mes chers collègues : osons ! Osons la modernité, osons la parité parfaite pour les départements, osons inscrire le département dans l’avenir en soutenant le projet du Gouvernement ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.
M. Jean-François Husson. J’aimerais soulever quelques interrogations et apporter quelques éclairages, avant de terminer par une petite note d’humour.
Je partage la volonté, qui a été exprimée aussi bien sous la majorité précédente que sous la majorité actuelle, de réduire les inégalités de représentation entre les territoires et entre les populations.
Tout d’abord, monsieur le ministre, j’aimerais que vous nous livriez une information qui nous manque encore.
Aujourd'hui, le nombre de conseillers généraux diffère selon les départements, et le nombre d’habitants par canton varie à peu près, à l’échelle nationale, de 1 à 50. Le projet de loi prévoyant de figer le nombre de conseillers généraux, nous allons obtenir de nouvelles moyennes. J’attends toujours que vous nous indiquiez quel sera, toujours à l’échelle nationale, le nombre minimal et le nombre maximal d’habitants pour un canton. Mais j’ai bien compris que, de toute façon, il allait y avoir une réduction de l’écart.
Par ailleurs, je fais partie de celles et ceux qui ne veulent pas opposer les territoires entre eux ni les habitants entre eux. En effet, il me semble que cette approche est complètement dépassée, d’autant que nos concitoyens, nos chefs d’entreprise et l’ensemble des acteurs de la vie publique font souvent fi des frontières administratives, qu’elles soient cantonales, communales ou intercommunales.
Nous avons d'ailleurs mis en place de beaux outils pour répondre à cette situation : les schémas de cohérence territoriale, les SCOT. J’ai la chance de présider à la mise en œuvre d’un SCOT qui réunit quelques centaines de communes : nous devons dépasser certaines querelles afin d’éviter que les villes, tels des prédateurs, ne dévorent les territoires ruraux et pour que les territoires ruraux ne souffrent pas d’un développement ou d’un niveau de services insuffisants.
Pas plus que je ne veux opposer les territoires et les habitants entre eux, je ne veux opposer les femmes et les hommes. Il y a beaucoup d’efforts à faire à cet égard et, quelle que soit la solution retenue, nous ne sommes jamais arrivés jusqu’à présent à obtenir des résultats satisfaisants. Ce n’est pas en imposant des règles plus contraignantes et plus sévères aux partis politiques que nous résoudrons le problème puisque de nombreux conseillers généraux – il en ira de même des conseillers départementaux – ne sont pas « encartés », et c’est du reste une bonne chose.
Je m’interroge aussi sur le rôle que joueront demain les départements. Leur rôle, aujourd'hui, n’a déjà plus rien à voir avec ce qu’il était voilà quelques décennies ou même quelques années. Pour ma part, je persiste à considérer – sans doute ne sommes-nous plus guère nombreux à penser ainsi – que le transfert de la gestion des allocations de solidarité aux départements est une erreur majeure et que nous devrions avoir le courage de la réparer. C’est le rôle de l’État d’assurer la redistribution par le biais des grandes allocations de solidarité. Nous n’obtiendrons jamais d'accord dans le système actuel. Je vous souhaite bonne chance si vous comptez essayer, car vous n’arriverez jamais à compenser le décalage sociétal et financier qui existe aujourd'hui.
Nous sommes actuellement dans la dernière année de discussion et de négociation des schémas départementaux de coopération intercommunale, les SDCI. Si je les évoque, c’est parce que la préparation des SDCI vient percuter les réflexions sur la réforme territoriale et sur l’acte III de la décentralisation, et donc aussi sur la représentation des territoires. J’ai bien compris que la représentation prévue, qui tient largement compte – et c’est tant mieux – du nombre d’habitants, ne fixe aucune contrainte.
Tiendra-t-on compte de la nature du territoire, ce qui impliquerait de faire la distinction entre les agglomérations et les territoires ruraux ?
Je rejoins les propos de Philippe Adnot et de quelques autres de nos collègues : je pense que le mieux serait d’instaurer un système mixte prévoyant, à côté du scrutin majoritaire pour les territoires ruraux, une représentation proportionnelle pour les territoires urbains. En effet, je peux dire, ayant été conseiller général d’un gros canton urbain, que nous ne sommes pas identifiés par la population, nous n’existons en tant qu’individus qu’une fois tous les six ans, lors des élections. La situation est différente dans les territoires ruraux. Je ne pense pas qu’un tel système mixte soit inconstitutionnel. En tout cas, il aurait l’avantage de permettre une meilleure prise en compte des uns et des autres.
Je ferai une dernière remarque, car je ne veux pas qu’il y ait de mauvaise interprétation. La place des femmes dans notre société et dans chacune de nos communes est extrêmement importante, éminente. En témoigne le symbole même de la République, qui est une femme, cette Marianne qui se trouve dans toutes les communes de France.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. Jean-François Husson. Je concède qu’il faut aujourd'hui aller plus loin, car les Marianne sont figées. Mesdames, comme beaucoup d’autres, ici ou ailleurs, je souhaite que nous profitions de vos talents et de vos compétences, je souhaite que vous preniez toute votre part dans la vie publique comme vous le faites si bien dans la vie quotidienne.
Plusieurs sénatrices. Merci !
Mme Laurence Rossignol. Si nous faisons dans la vie publique comme dans la vie privée, nous ferons tout !
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier, sur l’article.
M. Pierre Jarlier. Beaucoup de nos collègues s’interrogent sur les conditions d’élection du binôme de conseillers départementaux. On peut être pour ou contre. Personnellement, je ne suis pas opposé à la parité.
Je voudrais rappeler à ceux qui ont fait l’éloge du conseiller territorial que, lorsque le Sénat a adopté en première lecture le projet de loi le créant – pour ma part, je ne l’ai pas voté –, nous n’en connaissions ni les compétences, ni le mode d’élection, ni la circonscription électorale. Cela avait suscité de nombreux débats, et le texte n’avait été adopté qu’à une très courte majorité.
Nous avons aujourd'hui l’occasion de débattre des conditions d’élection des conseillers départementaux. Nous avons aussi l’occasion de débattre des moyens de mieux représenter nos territoires. Monsieur le ministre, nous attendons d'ailleurs des réponses claires sur ce point, qui conditionnera le vote de beaucoup d’entre nous.
Ne faisons pas ce que nous avons fait pour le dernier projet de loi de finances : ne laissons pas à l’Assemblée nationale le soin de débattre pour nous. C’est aussi l’image du Sénat qui est en jeu. Il faut veiller à ce que nous puissions accomplir notre travail. Je conserve un souvenir assez cuisant de ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale en matière de péréquation, avec l’adoption de dispositions défavorables à tous les territoires ruraux. Ne faisons pas la même erreur et débattons ! Je souhaite donc que tous les amendements qui ont été déposés sur l’article 2 puissent être discutés.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le ministre, trois questions se posent.
Tout d'abord, on l’a dit, on l’a répété, c’est la survie même des départements qui se joue aujourd'hui. Vous êtes le ministre des collectivités : pouvez-vous nous donner une perspective, y compris financière, sur l’avenir des départements ?
Je n’avais pas voté la réforme territoriale ; je parle donc en toute liberté. Les débats du mois de décembre nous ont énormément inquiétés. Ils ont aussi inquiété le président de l’ADF, je vous l’ai dit hier. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner des indications sur cette question de la survie des départements ? C’est en effet l’enjeu le plus important.
La deuxième question concerne le mode de scrutin. Celui que vous proposez nous paraît bancal. Si votre système est mis en œuvre, des problèmes très concrets, des problèmes territoriaux, se poseront. Je pense, par exemple, aux spécificités des territoires insulaires. La Bretagne, la Vendée ou encore la Charente-Maritime sont concernées. Certaines îles vont-elles constituer à elles seules une circonscription territoriale ? Y aura-t-il deux conseillers départementaux pour représenter une même île ? Nous aimerions vous entendre sur cette question.
Par ailleurs, un bon mode de scrutin doit concilier un certain nombre d’objectifs : la parité en est un ; c’est même un objectif à valeur constitutionnelle. La représentation des territoires est un autre objectif puisque, je le rappelle, il s’agit d’élire des assemblées territoriales. On ne peut pas comparer les scrutins nationaux et les scrutins territoriaux. Outre ces deux objectifs de parité et de représentation territoriale – et notamment de prise en compte de la ruralité –, il y a l’objectif de pluralité. Or la pluralité sera moindre si votre système est retenu : alors que deux cantons peuvent avoir, l’un, un conseiller général de droite, l’autre, un conseiller général de gauche, deux conseillers ayant la même étiquette seront élus dans la circonscription qui réunira ces deux cantons.
Vous voyez bien qu’avec ce mode de scrutin on ne parvient pas à concilier ces trois objectifs que sont la parité, la territorialité et la pluralité.
S’agissant de la parité, je dirai que nous sommes tous d’accord sur le constat : 13,5 % de femmes dans les assemblées départementales, c’est notoirement insuffisant. Simplement, je tiens à préciser que notre modèle républicain – j’y suis attaché, même si certains, hier soir, me contestaient la possibilité de parler de la République ! –, ne reconnaît que des citoyens.
Par ses décisions de 1982 et de 1999, le Conseil constitutionnel nous a dit que notre République s’opposait à la catégorisation des individus, électeurs comme éligibles. Or ce que vous nous proposez ressemble terriblement à une mesure de discrimination positive, car vous introduisez une obligation de résultat extrêmement contraignante, alors que d’autres modes de scrutin auraient plus facilement permis d’atteindre l’objectif.
Pour ma part, j’étais favorable à un scrutin mixte, proportionnel en milieu urbain et majoritaire uninominal en zone rurale. À mes yeux, il est possible, sans condamner tel ou tel sexe, de dire que la discrimination positive – curieux oxymore, d’ailleurs, révélateur d’ambiguïtés – ne convient pas à notre modèle républicain, lequel reconnaît non pas des citoyennes et des citoyens, mais seulement des citoyens, au-delà de toute considération de sexe, de religion, etc. Je pense qu’il est nécessaire de le réaffirmer.
Enfin, l’argument, entendu ici ou là, consistant à dire qu’il ne faut surtout pas laisser l’Assemblée nationale décider à notre place ne tient pas puisque ce texte n’est pas présenté en procédure accélérée et qu’il reviendra donc devant notre assemblée. Mes chers collègues, saisissons-nous de nos pleins pouvoirs et exerçons-les en pleine liberté ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Je serai bref, car nous nous approchons de l’heure de suspension du déjeuner et nous nous retrouverons pour ce débat à seize heures : nous aurons donc le temps d’aborder toutes les questions qui ont été soulevées.
D’abord, puisqu’il a été fait allusion à l’attachement du président Mitterrand au département, je tiens à rappeler que François Hollande a lui-même été président du conseil général de la Corrèze, qui n’est pas connu pour être un département urbain, et qu’il est, lui aussi, profondément attaché au département.
Cet attachement trouve sa traduction dans le mode de scrutin que nous proposons. Nous étions nombreux à considérer, sans que cela relève d’une quelconque obsession politicienne, que le conseiller territorial, en ce qu’il était appelé à siéger dans des assemblées représentant deux types de collectivités, mettait au contraire en cause l’avenir du département.
C’est le mode même de scrutin que nous avons retenu pour la désignation des conseillers départementaux qui me permet de réaffirmer notre attachement au département et à ses compétences.
Pour ce qui est de la parité, celle-ci peut être imposée soit par le scrutin de liste, soit par la sanction financière, comme c’est le cas pour les élections législatives.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. Manuel Valls, ministre. Laurence Rossignol a justement rappelé le coût qu’un tel système peut représenter pour une formation politique qui ne respecte pas le principe posé. Il est clair que la sanction financière n’est pas envisageable pour les élections cantonales.
Il nous faut néanmoins être conscients de l’effort qu’il nous reste à accomplir s’agissant de la présence des femmes dans les assemblées départementales. N’oublions pas que, aujourd'hui, deux conseils généraux ne comptent aucune femme…
M. Bruno Sido. Deux départements de gauche !
M. Manuel Valls, ministre. … et qu’on ne dénombre que 13,5 % de conseillères générales.
Cela montre bien qu’il y a un effort à faire, et cela, effectivement, quelles que soient les formations politiques.
Au demeurant, ainsi que Laurence Rossignol l’a également rappelé, ce constat vaut plus pour les assemblées départementales que pour l’Assemblée nationale. Cela signifie que, si nous n’imposons pas la parité au niveau du département, nous n’y arriverons pas ! Cela ne revient pas à imposer un quota, et je réfute l’idée selon laquelle il s’agirait de discrimination positive.