M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. J’indique à l’honorable sénateur Albéric de Montgolfier que je suis toujours pour l’ouverture. J’ai formulé des propositions sur le seuil et sur le tunnel.
M. Albéric de Montgolfier. Et sur le nombre ?
M. Manuel Valls, ministre. La question du nombre est plus compliquée. Mais peut-être n’avez-vous pas suivi tous les débats…
Nous travaillions sur les critères, ce qui est le plus important, et sur le tunnel. Je pense qu’il y avait des avancées. Il eût donc été plus logique de laisser passer l’article 2. Mais nous n’allons pas refaire la discussion à cette heure-ci : les différents éléments figurent dans le compte rendu des débats, et vous les avez encore certainement à l’esprit. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion de les retrouver au Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'article 26.
(L'article 26 est adopté.)
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 277 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collombat, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Hue, Mme Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après le mot :
communautaires,
insérer les mots :
des conseillers régionaux,
Cet amendement n'a plus d’objet.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Christian Favier, pour explication de vote.
M. Christian Favier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de la discussion générale, notre groupe avait appelé au débat en séance puisqu’il n’avait pas été possible de le mener en commission, faute de temps.
Nous ne pouvons donc que nous féliciter de la qualité de nos échanges, à l’exception des dérapages inadmissibles qui proviennent des travées de la droite dès qu’on parle de parité.
Cela dit, force est de constater que le Gouvernement est resté sourd aux nombreuses propositions qui ont été formulées,…
M. Christian Favier. … en particulier lorsqu’elles émanaient des groupes de la majorité de gauche du Sénat, y compris, et c’est un fait nouveau notable, d’un groupe de la majorité gouvernementale.
Nous ne pouvons que regretter cet état de fait. Une telle intransigeance, une telle fermeture, et ce malgré la posture qu’a adoptée le ministre en indiquant à de nombreuses reprises qu’il était ouvert à des évolutions, ont mené, notamment, à la suppression des articles sur le mode de scrutin pour les élections départementales, qui formaient le cœur du projet de loi.
Pour notre part, comme nous l’avions déclaré au début de nos travaux, nous étions dans un état d’esprit très ouvert et constructif.
Malgré des désaccords sur des points importants du projet de loi, nous n’avions déposé aucun amendement de suppression. Nous avions élaboré sur chaque point des contre-propositions qui auraient, nous semble-t-il, mérité une plus grande attention.
Cela fut particulièrement évident sur l’article 2, qui concernait le mode de scrutin des futurs conseillers départementaux.
Dès l’ouverture de nos travaux, le Gouvernement s’est, il faut le dire, engagé dans une logique de passage en force, refusant toute solution autre que celle qu’il avait proposée.
Nous avons pu néanmoins noter au cours du débat que l’idée de la proportionnelle, en tant que vecteur d’expression du pluralisme et de solution pour faire avancer la parité, progressait de plus en plus sur les travées de la Haute Assemblée. Nous pensons que des solutions partagées auraient pu apparaître si la réflexion avait pu se poursuivre.
Nous demandons donc au Gouvernement de profiter du temps de la navette parlementaire pour remettre l’ouvrage sur le métier.
En effet, on ne peut pas se contenter d’affirmer que le projet gouvernemental actuel serait l’unique solution susceptible de satisfaire aux exigences démocratiques de parité et d’ancrage local, jusqu’à considérer le respect du pluralisme comme un sujet non prioritaire. Pourtant, voilà quelques années encore, la proportionnelle faisait parti du corpus commun des forces politiques se réclamant de la gauche.
Une telle attitude ne pouvait aboutir qu’à la suppression de l’article 2.
Par ailleurs, nos désaccords sur l’article instaurant le fléchage pour l’élection des conseillers communautaires demeurent à l’issue de nos travaux.
Nous le savons, malheureusement, le fléchage est une étape qui conduira à transformer rapidement les intercommunalités en nouvelles collectivités de plein exercice, et ce au détriment de l’autonomie, voire, à terme, de l’existence des communes !
Ce désaccord sur un article très important du projet de loi aurait pu nous conduire à voter contre l’ensemble du texte, tant il nous paraît dangereux pour l’avenir de nos communes. Mais telle ne sera pas notre attitude.
D’une part, nous rappellerons les points d’accord. Nous avons voté, y compris ce soir, en faveur d’un certain nombre d’articles, et nous sommes intervenus pour soutenir la volonté affichée du Gouvernement d’œuvrer en faveur de la parité.
D’autre part, nous souhaitons laisser la porte ouverte à des évolutions positives sur le mode de scrutin, permettant d’avancer dans la voie du pluralisme dans nos assemblées départementales à partir des propositions que nous avons pu porter.
Certes, l’intransigeance dont le Gouvernement a fait preuve sur le mode de scrutin aurait pu nous renforcer dans notre position initiale contre le texte. Néanmoins, nous espérons que des avancées peuvent encore se faire jour. Afin de leur ouvrir la voie et de montrer notre totale disponibilité pour œuvrer en ce sens, nous ne voterons pas contre ce texte.
Cependant, compte tenu des interrogations et des points de désaccord, nous ne pourrons pas voter en sa faveur. C’est pourquoi nous nous abstiendrons.
Il s’agit d’un vote d’attente et d’appel. J’espère, monsieur le ministre, que vous saurez l’entendre et entendre vos partenaires de gauche dans la perspective de la deuxième lecture.
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Le débat avait bien commencé, notamment en raison du rejet, après de nombreuses prises de parole, du scrutin binominal pour le moins original qui nous était proposé.
Ce mode de scrutin présentait en effet le gros inconvénient d’éloigner le conseiller départemental de l’électeur, du maire, des associations, bref du tissu qui fait que le conseiller général, aujourd’hui, est un élu qui compte et qui a du poids dans nos départements.
Le débat s’était ensuite bien poursuivi avec la suppression de l’article 23 et l’adoption à l’unanimité de l’amendement très intéressant présenté par M. le rapporteur et visant à encadrer le redécoupage de la carte cantonale. Nous avions apprécié les avancées enregistrées.
Mais voilà que subitement, depuis une demi-heure, les amendements que nous proposons semblent agacer et sont systématiquement rejetés. Il y a derrière cela une raison de fond. Pourquoi vouloir reporter les élections s’il n’est plus nécessaire de modifier les cantons et de mettre en route un nouveau système, dont la bonne compréhension nécessiterait du temps afin d’éviter une éventuelle censure du Conseil constitutionnel ?
La seule raison qui puisse expliquer la modification du calendrier électoral qui a été décidée il y a quelques minutes n’a rien d’objectif, elle est de pure opportunité politique : tenant compte de l’évolution de l’état d’esprit de l’électorat, la majorité a jugé préférable de reculer certaines échéances électorales. Nous ne pouvons approuver un tel choix.
Eu égard au report sans motif objectif des élections, la majorité du groupe UDI-UC votera contre le texte. Je le regrette, car, jusqu’à ce soir, nous avions bien avancé et nous avions voté de nombreuses améliorations. Certaines décisions constituaient même un réel progrès.
Fort heureusement, la procédure accélérée n’a pas été engagée. J’espère donc que la navette permettra de faire évoluer les choses et d’aboutir à un texte satisfaisant pour tous. Les semaines à venir nous diront si cet espoir est fondé…
M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.
Mme Hélène Lipietz. Les écologistes sont parfaitement conscients que leur abstention est l’une des raisons pour lesquelles le texte a finalement été vidé d’une partie de sa substance.
Si nous nous sommes abstenus sur le scrutin binominal, ce n’est pas parce que nous y étions défavorables, mais tout simplement parce que vous avez oublié le scrutin proportionnel, qui se trouve au cœur même de la philosophie des écologistes, car il permet la représentation de tous les courants de pensée, y compris, s’il le faut, des plus extrêmes d’entre eux.
M. Jacques Mézard. Vous en faites partie…
Mme Hélène Lipietz. Comment aurions-nous pu accepter un scrutin qui, au nom de la parité, sacrifiait la représentation des diverses pensées politiques présentes aujourd’hui en France ? Voilà pourquoi nous nous sommes abstenus. Et si le Gouvernement n’a pas trouvé une majorité suffisante pour faire adopter son dispositif, nous n’y sommes pour rien !
M. Gérard Longuet. La majorité, vous en faites partie, quand même ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Lipietz. Nous avons déposé plusieurs amendements et aucun n’a été retenu. Pis, l’un d’entre eux, qui avait recueilli l’avis favorable de la commission des lois, a été rejeté simplement au motif qu’il s’agissait d’un amendement écologiste ! Il tendait pourtant à éliminer, dans le code général des collectivités territoriales, les scories de l’ancienne loi relative à l’élection triennale.
C’est extrêmement désagréable ! Finalement, nous avons l’impression que, sans que cela change quoi que ce soit, nous pourrions être dans nos familles ou sous notre couette !
M. Albéric de Montgolfier. L’hémicycle est bien chauffé !
Mme Hélène Lipietz. C’est à se demander à quoi nous servons si toutes nos tentatives pour apporter des améliorations à la loi sont repoussées !
Nous sommes également extrêmement déçus de n’être pas passés, enfin, à un scrutin de liste autonome pour les intercommunalités. Je regrette, notamment, que le scrutin que nous avons proposé pour les communautés d’agglomération n’ait pas été retenu. Un jour, peut-être…
Je note tout de même une avancée : désormais, les électeurs sauront enfin, lorsqu’ils voteront pour le conseil municipal, qui ira siéger dans les intercommunalités.
En raison de cet énorme progrès et malgré tous les défauts du texte, nous voterons en sa faveur.
M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.
M. Philippe Kaltenbach. Avec ce texte, le Gouvernement entendait proposer une petite révolution pour nos départements : l’adoption du scrutin binominal majoritaire. Nous le soutenons dans sa démarche.
Nous regrettons profondément que ce mode de scrutin inédit, qui permettrait d’assurer la parité tout en maintenant la proximité, n’ait pas remporté, ici, la majorité des suffrages.
Vous noterez, chers collègues, que Claudy Lebreton, président de l’Association des départements de France, a demandé officiellement, aujourd'hui même, à l’Assemblée nationale de rétablir le scrutin binominal majoritaire.
M. Albéric de Montgolfier. Apparemment, il n’avait pas le choix !
M. Philippe Kaltenbach. L’article 2 a été victime, au Sénat, d’une double opposition : celle des partisans du scrutin proportionnel et celle des partisans du maintien du canton tel qu’il existe depuis 1801. Cependant, cette double opposition ne s’est pas traduite par une alternative majoritaire.
Il est bien dommage que le Sénat, la chambre qui, aux termes de la Constitution, représente les collectivités territoriales, soit placé dans une posture aussi difficile.
Bien sûr, il n’est pas question de contester à nos collègues de l’opposition le droit d’avoir une opinion différente de la nôtre, et ils l’ont revendiqué à juste titre. Mais la Haute Assemblée, souvent louée pour la sagesse de ses décisions et la qualité de son travail, se trouve mise à l’écart dans l’élaboration d’un texte essentiel pour l’avenir de notre démocratie locale et de nos départements.
Le Sénat représente tous les territoires. Je regrette que beaucoup de nos collègues n’aient eu de cesse d’opposer depuis quatre jours rural et urbain.
L’avenir de nos départements ne sera donc pas d’abord tracé au Sénat, et celui-ci aura incontestablement à souffrir de cet état de fait.
Faut-il vraiment que, comme l’a dit l’éminent président de notre commission des lois, nous n’apportions, lors de la réunion de la future commission mixte paritaire, qu’une colonne blanche face à celle de l’Assemblée nationale. Est-ce cela que nous voulons pour le Sénat ?
Et tout cela pourquoi ? Parce qu’il serait inconcevable d’envisager, pour le scrutin cantonal, un autre découpage que celui qui remonte à 1801… Parce que, pour une grande partie de l’opposition, la parité semble toujours, hélas, poser question… J’ai d’ailleurs constaté que, derrière la défense de la ruralité, se cachait malheureusement la défense d’intérêts politiciens, en l’occurrence la réélection des conseillers généraux sortants, qui sont à 87 % des hommes.
M. Gérard Longuet. Ils sont tout de même élus !
M. Philippe Kaltenbach. Le débat a donné lieu à un dérapage et à l’expression d’une inacceptable misogynie. Je le dis ici, au nom du groupe socialiste : nos élues ne sont pas des potiches, elles ne sont pas des primes que l’on accorde à l’élection d’un homme !
Mme Nathalie Goulet. Mais elles ne sont pas là ce soir ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Philippe Kaltenbach. La parité, n’est pas un gadget, et encore moins une obsession sexuelle.
Le Sénat a choisi, dans ce débat, de donner une prime à la jeunesse en adoptant plusieurs amendements visant à attribuer, en cas d’égalité de suffrages, l’avantage au candidat le plus jeune. Au moins, il s’agit là d’un signe fort en faveur du renouvellement politique !
En faisant passer de 13 % à 50 % la part des femmes dans les hémicycles départementaux, nous aurions insufflé un nouvel élan à nos territoires et à notre démocratie.
Cela dit, le texte issu de nos débats comporte quelques avancées importantes, que je souhaite souligner.
Il y a tout d’abord la suppression du conseiller territorial, et ce n’est pas négligeable. Nous l’attendions depuis longtemps : c’est fait.
Le changement de nom du conseil général est, lui aussi, décidé : enfin ! L’appellation « conseil général » ne correspondait à rien. Il s’agira désormais d’un conseil départemental.
M. Albéric de Montgolfier. Était-ce urgent ?
M. Philippe Kaltenbach. Le fléchage pour les intercommunalités conférera une légitimité démocratique à nos conseillers communautaires, car il permet de ne pas « condenser » l’ensemble des candidats sur le début de la liste. Je remercie Alain Richard, qui a fait preuve de beaucoup de créativité pour amender le texte du Gouvernement en ce sens.
L’abaissement du seuil pour la proportionnelle dans les petites communes à 1 000 habitants est aussi un progrès important au regard de la parité et de la présence de l’opposition dans les conseils municipaux. Il permettra également un vrai débat avant l’élection des conseils municipaux dans les communes de 1 000 à 3 500 habitants.
Autre avancée : l’obligation du dépôt de candidature pour les communes dont la population est inférieure à 1 000 habitants.
Pa ailleurs, l’excellent amendement portant article additionnel après l’article 22 présenté par notre éminent rapporteur, Michel Delebarre, permet de prendre en compte la ruralité, avec des éléments concrets sur le nombre de communes, la démographie, la géographie et l’équilibre de l’aménagement du territoire.
Enfin, n’oublions pas la modification du calendrier électoral, qui évitera un embouteillage de scrutins en 2014.
Ce texte comporte donc de nombreuses avancées, même si nous regrettons la suppression de l’article 2. C’est pourquoi je trouve dommageable que l’on s’achemine vers son rejet, ici, en première lecture.
M. le président. Je vous demande de bien vouloir conclure, cher collègue.
M. Philippe Kaltenbach. Qu’il me soit enfin permis de saluer l’assiduité du ministre de l’intérieur lors de nos débats, en dépit d’un agenda et d’une actualité particulièrement chargés. Son écoute et sa volonté de dialogue, ainsi que celles du ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, ont été remarquables.
Je forme le vœu que, lors de la deuxième lecture, la Haute Assemblée remplisse pleinement son rôle et démontre que l’avenir de nos collectivités et de nos territoires ne saurait s’envisager sans elle.
Le groupe socialiste prendra ses responsabilités. J’aimerais qu’à l’avenir l’ensemble de nos collègues en fassent autant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous faut bien constater que ces quatre journées de discussions ont débouché sur un échec.
Preuve est faite, une nouvelle fois, que les collectivités territoriales et leur mode électoral sont un sujet difficile, qui nécessite beaucoup de temps, de dialogue et un grand esprit de consensus.
La création, il y a deux ans, du conseiller territorial avait été obtenue ici à l’arraché et de très peu. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle avait suscité beaucoup de scepticisme, y compris parmi ceux qui l’avaient votée. (M. Gérard Longuet s’exclame.) On a d’ailleurs pu constater, monsieur Longuet, les dégâts électoraux que vous a occasionnés ce vote, et l’on peut s’attendre à ce que le nouveau système en cause d’autres…
Lors de la discussion générale, j’ai, au nom de mon groupe, exprimé notre scepticisme sur le principe du binôme cantonal, sur la diminution drastique du nombre de cantons, sur l’application de la règle du plus ou moins 20 % pour la construction des nouveaux cantons, règle qui ne manquera pas d’avoir de graves conséquences pour nombre de départements ruraux.
Sensibles à la question de la parité et souhaitant que l’examen du texte se poursuive jusqu’à son terme – souhait qui m’a semblé s’exprimer dans divers rangs de l’opposition, notamment par la voix de Jean-Jacques Hyest –, nous avions néanmoins voté l’article 2.
D’autres groupes ont fait échouer la poursuite du débat ; je respecte leur choix, c’est le jeu démocratique, même quand on est dans la majorité ou qu’on pense l’être. Mais, en l’absence de vrai débat et, de ce fait, de véritable possibilité d’ouverture, le texte auquel nous aboutissons est largement vidé de son sens. Imaginez la loi de réforme des collectivités territoriales sans le volet sur le conseiller territorial. Eh bien, ici, c’est un peu la même chose !
Vidé de tout ce qui concerne l’élection des conseillers départementaux, à laquelle, comme son intitulé même l’indique, il est pourtant relatif, le présent projet de loi est devenu un véhicule sans moteur.
L’Assemblée nationale va se pencher sur ce texte qui, nous l’espérons encore, évoluera sur de nouvelles pistes, dans la direction en partie tracée par l’amendement présenté par M. le ministre. Je souhaite voir se poursuivre ce début d’ouverture.
Ce qui se passera en deuxième lecture pourrait constituer un nouveau départ, pour nous en tout cas, s’il est tenu compte des observations que nous avons été amenés à formuler sur le remodelage des cantons.
C’est lors de ce nouveau débat que nous adopterons une position définitive puisque le texte qui reviendra devant notre assemblée sera nécessairement différent de ce qu’il est maintenant. Dans cette attente, nous ne prendrons, très majoritairement, pas part au vote ce soir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Ce projet de loi est multiple.
Je commencerai par ses dispositions qui nous ont à peu près rassemblés, à savoir celles qui concernent l’élection des conseillers municipaux et leur désignation comme délégués communautaires.
À l’occasion d’un projet de loi que nous avait présenté Jean-Pierre Chevènement et qui prévoyait à la fois le fléchage et l’abaissement du seuil à partir duquel les conseils municipaux devaient constituer des listes, nous avions déjà eu un tel débat.
Je me réjouis que l’on ait trouvé un accord sur le seuil de 1 000 habitants, qui est d’ailleurs proche de celui qui avait été retenu lors des états généraux de la démocratie territoriale. Cet accord me paraît essentiel, car il va fortement faire progresser la parité dans les conseils municipaux. Plusieurs milliers de femmes vont ainsi être engagées dans la vie publique.
Faire apparaître clairement quels élus siégeront dans les organes délibérants des intercommunalités était nécessaire, car les électeurs doivent savoir qui vote l’impôt. Il était temps compte tenu des responsabilités de plus en plus importantes dévolues aux intercommunalités, qui maillent maintenant presque totalement notre pays. Une disposition similaire nous avait d’ailleurs été proposée par Jean-Pierre Chevènement, mais elle avait par la suite été abandonnée au motif que sa mise en œuvre aurait été trop compliquée.
Les nouvelles dispositions répondent à une autre nécessité, puisqu’elles permettront d’éviter que ce soient nécessairement les têtes de liste, c'est-à-dire en général le maire, et les premier et deuxième adjoints, qui siègent au conseil communautaire. Un meilleur équilibre entre deux nécessités me semble avoir été ainsi trouvé.
Le cœur du débat était le futur conseil départemental. Je regrette toujours de ne pouvoir aller au terme d’une discussion et je le regrette particulièrement en la matière.
Sur la dénomination, comme sur le renouvellement intégral tous les six ans, nous sommes d’accord et nous avons voté pour. Il est vrai que le conseil général était la seule assemblée d’une grande collectivité à être renouvelée par moitié tous les trois ans. Compte tenu des délais nécessaires pour mener à bien leurs projets, les collectivités ont besoin de temps, et la durée de six ans, qui est aussi celle des mandats municipaux, nous a paru cohérente.
Les dispositions relatives à ce conseil départemental posent cependant plusieurs problèmes.
Monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre scepticisme à l’égard du binôme. Vous nous avez démontré que, pour assurer la parité, il fallait choisir entre votre système et la proportionnelle.
M. Albéric de Montgolfier. La parité était un objectif !
M. Jean-Jacques Hyest. J’ai bien dit que le projet de loi avait pour objet d’« assurer » la parité. Certains, comme Jacques Mézard, ont souligné que l’objectif était non pas d’imposer la parité, mais de la faire progresser. La question est de savoir comment et, à ce stade, nous n’avons pas trouvé d’accord sur le moyen d’y parvenir.
Monsieur le ministre, vous vous êtes dit prêt à répondre à plusieurs préoccupations légitimes. L’une d’elles, qui n’a été que peu évoquée, est celle du nombre de cantons et de conseillers départementaux. Dans les départements ruraux à faible densité de population, les cantons seront de vastes déserts ! Sans polémique aucune – binôme ou pas –, le problème est bien celui de la trop grande taille des circonscriptions, ce qui est d’ailleurs un reproche qui avait aussi été formulé lors de la création du conseiller territorial. Moi-même, je m’étais dit que, peut-être, le nombre des conseillers territoriaux était insuffisant.
Donc, pour l’instant, nous ne sommes pas d’accord sur le découpage des cantons. J’ai toutefois noté que vous aviez donné un avis favorable, monsieur le ministre, à l’amendement n° 384 que la commission des lois a déposé après l’article 22.
C’est un début. Nous attendons bien entendu la suite, mais nous avons tout de même le sentiment, dont nous vous avons déjà fait part, monsieur le ministre, par exemple pour le seuil de 10 % ou encore pour le report, que ce n’est souvent plus du fond mais d’opportunités politiques que l’on discute.
Nous vous avions dit que nous n’étions pas d’accord, et nous avions des propositions.
Comme nous avions été tentés de le faire pour l’article 2 afin de permettre une discussion globale, nous pourrions être tentés, cette fois pour fournir un texte – quoiqu’il ne reste pas grand-chose… – à l’Assemblée nationale, de voter l’ensemble du projet de loi,…
M. le président. Monsieur Hyest, je vous prie de conclure.
M. Jean-Jacques Hyest. … mais vous ne pouvez attendre de l’opposition, monsieur le ministre, qu’elle vienne au secours d’une majorité aussi en miettes que le texte lui-même… C’est pourquoi, à notre grand regret, nous allons voter contre ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. D’abord, positivons un peu : sur l’intercommunalité, le débat a permis de rapprocher les points de vue et, comme le soulignait Jean-Jacques Hyest, nous avons réussi, monsieur le ministre, à la fois à aller dans votre sens sans renforcer l’intercommunalité et à clarifier la désignation de ses administrateurs sans pour autant faire disparaître les communes. C’était un vœu qui s’était dégagé du texte précédent de décembre 2010 et qui est confirmé à cet instant.
Pour le département, vous avez fait un choix différent du nôtre. Nous souhaitions engager une coopération institutionnelle entre les départements et la région. Vous n’avez pas retenu cette orientation ; je le regrette. Vous souhaitez créer un département nouveau en créant un élu nouveau, le conseiller départemental, appellation plus cohérente.
Vous vous êtes attaqué à deux sujets extrêmement difficiles, et, pour cette raison, on ne peut jeter la pierre à personne, ni à vous-même qui êtes l’auteur de ce projet ni à la commission. La représentation territoriale et la parité sont en effet des obstacles majeurs.
Si nos compatriotes, depuis 1801, ont changé, ils restent néanmoins attachés à la proximité et à une identification de leurs élus, qui est effectivement plus forte dans les territoires à faible densité de population, où le conseiller général est en réalité le médiateur du quotidien pour les élus locaux, en particulier pour les maires.
Le second objectif, tout aussi légitime, est la parité.
Parité d’un côté, rénovation des structures cantonales de l’autre : votre système est imaginatif, créatif, mais il est brutal.
La parité est un objectif constitutionnel. En la mettant en œuvre par votre dispositif, vous aboutiriez de fait à licencier 42 % des conseillers généraux. Sans avoir démérité, sans avoir été battus aux élections, sans avoir abandonné leur mandat, ils seraient condamnés à ne plus pouvoir se présenter et à ne plus pouvoir raisonnablement exercer leur mandat.
En même temps, organiser d’une façon progressive la parité aurait été à peu près impossible ; il aurait fallu tirer des cantons au sort afin de désigner ceux dont la représentation aurait été exclusivement féminine, ce qui aurait été absurde !
Vous avez donc opté pour une solution originale.
Des propositions vous ont été présentées, dont certaines s’inspiraient d’ailleurs de thèses que le parti socialiste a défendues par le passé, comme l’institution d’un système mixte par département. M. Mézard nous a ainsi présenté une variante de ce système, la proportionnelle d’arrondissement, qui permettrait à la fois d’introduire la parité et de garder une proximité entre élus et territoires.
Mais vous n’avez pas retenu ces propositions. Vous avez choisi un système brutal, qui, en imposant une parité intégrale, aboutit à licencier des élus qui n’ont pas démérité. Par ailleurs, ce système instaure mécaniquement des cantons d’une taille qui méconnaît tant la réalité de la répartition démographique que l’intérêt des populations pour l’action territoriale.
C’est la raison pour laquelle, alors que nous avons pu vous suivre sur l’intercommunalité et sur la désignation des administrateurs de l’intercommunalité, nous avons regardé avec beaucoup de scepticisme – pour ne pas dire plus – le système binominal et l’égalité absolue qu’il impose.
Le tunnel de plus ou moins 20 % serait, paraît-il, une exigence. Nous reconnaissons tous que les écarts – dont on s’est tout de même accommodé pendant deux siècles – sont absurdes, mais le passage immédiat d’écarts de 1 à 10, de 1 à 20, de 1 à 30 à l’alignement crée à l’évidence un choc trop violent.
Violence d’une parité imposée ! Violence de la norme de taille imposée ! Il est évident que ce projet de loi ne pouvait pas recueillir l’assentiment de ceux qui ont la passion des territoires, qui les vivent tels qu’ils sont : ils acceptent des évolutions, mais certainement pas l’éradication d’un système qui a fait ses preuves.