compte rendu intégral
Présidence de M. Didier Guillaume
vice-président
Secrétaire :
Mme Michelle Demessine.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Remplacement d'un sénateur décédé
M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur a fait connaître que, en application de l’article L.O. 320 du code électoral, Mme Hélène Masson-Maret est appelée à remplacer, en qualité de sénateur des Alpes-Maritimes, M. René Vestri, décédé le mercredi 6 février 2013.
Son mandat a débuté le jeudi 7 février 2013, à zéro heure.
Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.
3
Code forestier
Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2012-92 du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières (projet n° 503 [2011-2012], texte de la commission n° 320, rapport n° 319).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vient de l’indiquer M. le président de séance, les travaux du Sénat porteront ce matin sur un projet de loi ratifiant une ordonnance relative à la partie législative du code forestier.
La forêt française est un enjeu à la fois économique et écologique. Avec plus de 15 millions d’hectares, la France a le troisième massif forestier d’Europe. C’est un potentiel.
C’est pourquoi, depuis ma prise de fonction, j’ai fait de la forêt un sujet de discussion. Au fur et à mesure, j’essaierai d’offrir des perspectives à l’ensemble de la filière.
Vous le savez, des assises de la forêt sont en préparation, qui auront lieu avant le printemps. Nous intégrerons les conclusions de toutes ces discussions dans une loi d’avenir, qui portera bien évidemment sur l’agriculture, mais aussi, et j’y tiens, sur la forêt.
L’histoire forestière de notre pays ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte à l’édit de Brunoy de 1346 : la guerre de Cent Ans n’est pas encore terminée que l’on a déjà pensé à la forêt ! Je citerai également l’ordonnance de Colbert dont toutes les règles de gestion visaient des objectifs extrêmement précis : la forêt servait la flotte du roi ! En Bretagne, par exemple, territoire que je connais bien, certaines landes – on l’oublie parfois – sont issues du défrichement de la forêt lié aux choix de Colbert.
Il y a donc une histoire forestière que nous devons perpétuer, et nous devons veiller à intégrer la politique forestière dans une stratégie à la fois économique et écologique.
L’objet de ce projet de loi est de modifier le code forestier, qui constitue le cadre juridique de la politique forestière. Pour marquer mon intérêt et mon attachement à cette question, j’ai souhaité que le texte que nous examinons aujourd’hui soit inscrit rapidement à l’ordre du jour du Parlement.
Cette recodification permettra de simplifier l’architecture du code forestier, et surtout de l’adapter aux enjeux que nous évoquerons et sur lesquels je reviendrai. Le travail de réécriture, par voie d’ordonnance, a été rendu nécessaire par les différentes modifications apportées au code forestier au fil du temps. Le texte que nous examinons aujourd’hui vise à ratifier l’ordonnance du 26 janvier 2012.
Je salue le travail qui a été conduit ici, au Sénat, par le rapporteur, M. Leroy, pour adapter le code forestier à des enjeux multifonctionnels, mais surtout économiques, dans la perspective d’une gestion durable.
Les travaux de la commission ont porté sur différents sujets plus ou moins techniques. J’en retiendrai essentiellement deux, qui me paraissent importants.
Premièrement, il était nécessaire de prendre en compte les particularités des ventes en bloc et sur pied des bois dans le calcul des fameux délais de paiement, prévus dans la LME, la loi de modernisation de l’économie. L’adaptation des délais de paiement est un axe important. Dans la forêt, le cycle n’est pas du tout celui de l’économie « normale ». Nous avons affaire là non à des cycles courts, mais à des cycles très longs. Les délais de paiement doivent pouvoir être adaptés pour tenir compte du temps qui s’écoule entre la vente, la coupe et la réalisation de la vente. C’est pourquoi les modifications du code forestier proposées aujourd’hui sont importantes. Elles permettront d’adapter les règles de la LME au secteur forestier, qui se distingue des autres domaines économiques et commerciaux.
Deuxièmement, il fallait tenir compte de la censure du Conseil constitutionnel, qui avait considéré le caractère de cavalier budgétaire d’une disposition de transfert à la collectivité territoriale de Corse d’une compétence en matière de production de plants forestiers.
Le travail qui a été conduit est un travail de qualité. Monsieur Leroy, comme vous l’avez souligné il n’y a pas si longtemps dans le cadre du Conseil national de la forêt, le code forestier devra sans doute être modifié de nouveau après la future loi d’avenir de l’agriculture. Mais c’est la marque que nous adaptons ce code aux évolutions de la forêt afin de répondre aux grands enjeux et défis qui nous sont posés.
Il me semblait important de traiter rapidement le problème des délais de paiement et la question du transfert de compétence à la collectivité territoriale de Corse.
Dans le même temps, l’examen de ce texte par le Sénat nous donne l’occasion d’ouvrir un débat plus large sur l’avenir de la forêt française. Je crois, mesdames, messieurs les sénateurs, que, comme moi, vous avez pour cette dernière une grande et belle ambition, et je vous en remercie ! (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis que l’ordre du jour du Sénat nous permette d’aborder aujourd’hui la question de la forêt. Ce n’est pas si fréquent. Mais les travaux des assises de la forêt que vous organiserez bientôt, monsieur le ministre, nous donneront certainement l’occasion de revenir sur ce sujet dans les prochains mois.
Avant d’évoquer les attentes techniques liées à la ratification de l’ordonnance du 26 janvier 2012, je parlerai de la forêt pour exprimer les attentes du Sénat sur la future loi d’avenir de l’agriculture, qui concernera également la forêt.
Avec 25 millions d’hectares de bois et forêt, dont 9 millions d’hectares dans les outre-mer, principalement en Guyane, la France est un grand pays forestier, et nous pouvons en être fiers.
Qu’il me soit permis une parenthèse. La France possède en Guyane, puisqu’il s’agit de forêts domaniales, des forêts tropicales et équatoriales dans un état relativement satisfaisant par rapport à bien d’autres pays du monde : notre pays est presque vertueux… Nous avons donc un rôle mondial à jouer pour la connaissance des forêts des pays chauds.
Quoi qu’il en soit, et pour reprendre le fil de mon discours, la forêt rend d’énormes services.
Elle rend tout d’abord des services économiques, car la forêt est un espace de production de bois. Elle rend ensuite des services environnementaux : la forêt participe au cycle du carbone, aide à lutter contre le réchauffement climatique et abrite une grande biodiversité. Elle joue enfin un rôle social important : je pense aux promenades, aux cueillettes, qui se pratiquent encore, et surtout à la chasse, qui suscite des débats passionnés entre les forestiers et les chasseurs ; la chasse constitue à la fois un loisir et une source non négligeable de revenus.
La forêt française, qui représente un tiers du territoire en métropole, est le legs d’une histoire pluriséculaire et mouvementée. Au Moyen Âge, l’auteur d’un délit forestier pouvait être condamné à mort, preuve que la protection de la forêt nécessite un engagement politique très fort. M. le ministre a évoqué l’édit de Brunoy, qui constitue le premier texte national en matière de protection forestière. Colbert a apporté évidemment sa contribution à cette histoire, avec la fameuse ordonnance royale sur les eaux et forêts. Le premier code forestier moderne date de 1827. C’est encore un monument. L’objectif est resté le même : il s’agit de protéger la forêt, d’éviter la surexploitation et d’assurer un rendement soutenu. Nous nous sommes souciés, nous, les forestiers – je suis très solidaire de cette profession pour l’avoir exercée moi-même –, de la protection des forêts bien avant les écologistes, cher collègue Joël Labbé, qui interviendrez tout à l’heure.
L’administration des eaux et forêts a joué un rôle majeur dans cette politique. C’est une grande administration forestière séculaire. Je lui rends hommage, ainsi qu’aux fonctionnaires brillants qui ont recodifié le code forestier pour parvenir à sa version actuelle. Monsieur le ministre, vous allez bientôt vous charger de faire évoluer la codification. J’espère que la future loi d’avenir de l’agriculture, qui est en préparation, permettra des avancées législatives intéressantes en la matière.
Les forêts publiques sont soumises au régime forestier, sous l’autorité unique de l’Office national des forêts, ou ONF, dont je salue également l’action.
Parler de la forêt, c’est parler aussi de la forêt privée : les deux tiers ou les trois quarts de la forêt française appartiennent à 3,5 millions de propriétaires privés, ce qui est un chiffre assez effrayant.
Rassurons-nous, la plupart de ces propriétaires possèdent de très petites surfaces ; cela représente trois millions d’hectares très morcelés, le reste étant plus facile à gérer.
Nous pouvons être fiers de notre forêt, mais nous savons aussi qu’elle peut trouver un nouveau dynamisme – il y a accord unanime sur ce point –, comme l’a d'ailleurs souligné le Conseil économique et social et environnemental dans un récent rapport.
La forêt française, en dehors de ces progrès à venir, est néanmoins riche d’emplois. La filière bois est pourvoyeuse d’environ 400 000 à 500 000 emplois, selon les branches que l’on intègre, et ce chiffre est stable. La forêt n’a pas détruit d’emplois. Les emplois ont évolué, mais la forêt française reste un employeur très important, qui pourrait encore embaucher.
Des emplois pourraient être créés à partir des 20 millions de mètres cubes supplémentaires qu’on pourrait produire au cours des années qui viennent, sachant que cette exploitation supplémentaire ne nuirait en rien à la qualité des forêts, au contraire ; cela permettrait de les moderniser ces dernières en les adaptant aux changements climatiques.
Ces récoltes supplémentaires pourraient aussi contribuer au redressement de la balance commerciale bois – c’est une question que vous connaissez bien, monsieur le ministre, et dont il faudra débattre –, dont le déficit est de plus de 6 milliards d'euros par an.
Pour ce faire, il faudra mieux valoriser nos bois feuillus, qui représentent une part très importante de la récolte française, afin qu’ils puissent se substituer aux bois résineux, que nous devons importer. Nous sommes en effet déficitaires en bois résineux dans la mesure où la forêt française produit essentiellement du bois feuillu.
Des progrès sont possibles, et le projet de loi d’avenir de l’agriculture que vous nous présenterez prochainement, monsieur le ministre, devrait nous permettre d’engager une nouvelle stratégie de relance de la filière bois.
Je souligne au passage que la forêt française coûte peu aux finances publiques. C’est un point sur lequel j’insiste toujours pour convaincre non seulement l’ensemble de mes collègues – je crois cependant qu’ils en sont maintenant persuadés (Sourires.) –, mais aussi et surtout les financiers de Bercy.
La forêt française, c’est un tiers du territoire national, ce sont la Guyane et les îles, et cela représente au total pour l’État de 300 à 350 millions d'euros de crédits budgétaires chaque année – c'est-à-dire peanuts ! – dont les deux tiers servent à financer l’Office national des forêts. Le reste des crédits, complétés par quelques dispositifs fiscaux, vient soutenir l’investissement en forêt. Les quelques pics budgétaires que nous avons connus ces dernières années, qui se sont traduits par l’ajout de quelques dizaines de millions d’euros, visaient simplement à réparer les dégâts de la tempête Klaus, qui a détruit de larges parcelles de forêt dans le Sud-Ouest.
De la Seconde Guerre mondiale à 1999, la filière bois disposait du Fonds forestier national, qui a été supprimé en l’an 2000 à la suite d’une erreur, d’une faute, d’une idiotie collective. Même les professionnels de la filière qui déplorent aujourd'hui cet état de fait étaient d’accord pour le voir disparaître. Au moment où a été supprimée la taxe qui alimentait ce fonds, tout le monde a bondi de joie en se disant que le budget de l’État allait la compenser. En fait, le budget de l’État ne l’a nullement compensée, et nous nous trouvons dépourvus de moyens financiers pour assurer l’animation et le renouvellement de la forêt française et de la filière bois. C’est un point qu’il importe de souligner.
Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2013, j’avais présenté un amendement avec plusieurs de mes collègues afin de tenter d’arracher quelques dizaines de millions d’euros sur le produit de la vente des quotas de carbone. Le Sénat a adopté ce texte, mais les aléas de la vie parlementaire ont empêché que la loi de finances soit votée par notre assemblée, et cet amendement, intéressant pour la forêt, est tombé aux oubliettes. C’est dommage, et même si ce sont les vicissitudes de la politique, je me sens fautif…
M. Claude Bérit-Débat. Il y a de quoi ! (Sourires.)
M. Philippe Leroy, rapporteur. Monsieur le ministre, il n’en reste pas moins que le problème est posé.
M. Philippe Leroy, rapporteur. Nous sommes nombreux ici, et peut-être même unanimes, à souhaiter la mise en place d’un dispositif pérenne de soutien financier à l’investissement dans la filière bois, en créant des dessertes, en aidant les industries de transformation à évoluer, notamment dans les usages du bois feuillu, en développant la recherche en matière de chimie verte.
Il y a beaucoup à faire et cela ne requiert pas trop d’argent, mais il faut trouver cet argent.
Telles sont, monsieur le ministre, les remarques qu’en toute sincérité je voulais formuler et qui reflètent, me semble-t-il, la pensée de l’ensemble de mes collègues.
J’en viens maintenant au projet de loi proprement dit, dans le détail duquel je n’entrerai pas. Ce texte très technique, de recodification, qui a pour objet de ratifier une ordonnance, permet une meilleure organisation des textes.
La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, ou LMAP, de 2010 a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance. Les parlementaires n’aiment guère les ordonnances, qui leur donnent évidemment l’impression d’être court-circuités. Mais, en matière de recodification, le recours aux ordonnances est une nécessité.
En l’espèce, l’exercice était tellement technique qu’il était difficile de procéder autrement que par ordonnance. En outre, s’il est parfois arrivé que l’on ratifie des ordonnances au hasard d’une loi quelconque, le Parlement, en l’occurrence, est solennellement appelé à se prononcer. Ce texte me semble donc l’aboutissement d’un beau parcours, et nous vous remercions, monsieur le ministre, de l’avoir inscrit à l’ordre du jour du Parlement.
La loi d’habilitation a permis d’aller un peu au-delà du droit constant dans plusieurs domaines, de réaliser quelques percées et simplifications.
Cette ordonnance est donc satisfaisante et ne suscite aucune critique de notre part. La procédure suivie constitue une bonne pratique législative, et la commission des affaires économiques a approuvé ce projet de loi dans son ensemble.
J’ai présenté, en lien d’ailleurs avec les services de l’administration et ceux de votre ministère, monsieur le ministre, un certain nombre d’amendements à l’article 2 en vue de quelques percées. Vous avez bien voulu aider l’administration et la commission des affaires économiques à satisfaire les attentes de la profession, notamment en ce qui concerne les différents systèmes de vente de bois. C’est une avancée importante.
Nous allons clarifier les problèmes de pépinières en Corse, vous l’avez signalé. C’est un détail ici, mais c’est loin d’être un détail en Corse, qui possède des pépinières de pins laricio,…
M. Philippe Leroy, rapporteur. … qui sont des arbres magnifiques et les plus beaux pins du monde.
Le travail est donc très bien fait et nous pourrons avec vous, monsieur le ministre, préparer sur cette base la loi d’avenir de la forêt. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Mme Bernadette Bourzai. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui, bien que très technique, a le mérite de nous permettre d’aborder un sujet de grande importance, celui de la forêt. Le ministre comme le rapporteur ont déjà largement évoqué ce sujet.
Ce projet de loi ratifiant l’ordonnance du 26 janvier 2012 relative à la partie législative du code forestier et harmonisant les dispositions de procédure pénale applicables aux infractions forestières a pour objet de mettre ledit code en conformité avec les nombreuses modifications apportées par près d’une dizaine de lois successives depuis 1979, en particulier par la loi d’orientation forestière de 2001 qui en avait profondément modifié l’architecture.
Cette recodification vise à rendre plus lisible le code forestier, sans l’altérer sur le fond, et doit constituer une amélioration du droit forestier pour ses praticiens. S’y ajoute, en effet, l’harmonisation avec le code forestier des dispositions du code de procédure pénale relatives aux fonctionnaires et agents habilités à contrôler et à rechercher les infractions forestières et aux règles qui leur sont applicables.
Cet effort de clarification n’a visiblement pas fait l’objet de critique – au contraire – de la part des parties prenantes.
Les recodifications qui sont proposées, notamment le classement des dispositions par droit de propriété, clarifient la lecture et pérennisent bien le régime forestier et ses spécificités applicables aux forêts publiques.
Les parlementaires que nous sommes apprécient habituellement assez peu les habilitations – vous le savez, monsieur le ministre, et M. Leroy l’a rappelé – qui permettent au Gouvernement de procéder par voie d’ordonnance dans des domaines qui relèvent de la loi ; mais nous convenons que cette procédure se justifiait ici pleinement par la grande technicité de l’exercice, qui se prête moins bien à la discussion parlementaire.
Je tiens à rappeler l’esprit de consensus qui règne de ce fait sur ce projet de loi, présenté par Bruno Le Maire et inscrit à l’ordre du jour par vous-même, monsieur le ministre, et la nouvelle majorité présidentielle.
Par ailleurs, les commentaires du nouveau gouvernement ont été pris en compte par M. le rapporteur et ont abouti à des amendements adoptés à l’unanimité en commission des affaires économiques.
Je citerai en particulier une clarification sur le caractère inaliénable du domaine forestier de l’État, un principe qu’il est toujours bon de rappeler, ainsi que quelques innovations que je souhaite mettre en évidence car elles visent à régler des problèmes pratiques immédiats qui se posent au secteur de la forêt et du bois.
La première innovation tient au transfert à la collectivité territoriale de Corse de l’intégralité de la compétence de reproduction de plants forestiers, les pins laricio, transfert qui n’avait pas été effectué lors de la loi de 2002 sur la Corse. La conséquence concrète sera de confier la gestion de la pépinière d’Ajaccio-Castellucio, qui emploie cinq agents, non plus à l’État mais à la Corse. Voilà un transfert de plus ! Cette disposition avait été votée lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 mais censurée par le Conseil constitutionnel, pour une question de procédure et non de fond.
La seconde innovation est plus substantielle car elle concerne les délais de paiement dans la filière bois pour les ventes de bois en bloc et sur pied, point sur lequel nous étions très sollicités.
Nous avons ajouté en commission un nouvel article qui représente une réelle avancée pour la profession : ledit article a pour objet de mettre en place un régime spécifique permettant d’adapter les délais de paiement de marchandises au cas très particulier des ventes de bois en bloc et sur pied. Pour celles-ci, je le rappelle, le produit de la vente est extrait progressivement des parcelles, ce qui justifie un échelonnement des paiements que ne permet pas le droit actuel.
La LME prévoyait une possibilité de dérogation temporaire au plafond de délai de paiement via des accords interprofessionnels pour des raisons objectives et spécifiques au secteur. Cette dérogation s’est appliquée à la suite d’un accord interprofessionnel, mais elle a pris fin en janvier 2012, d’où la nécessité et l’urgence de prévoir cet amendement au code forestier.
Cette initiative du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt permet de faire émerger une solution consensuelle tant pour les professionnels que pour l’administration, sans remettre en cause les principes généraux régissant les relations entre acteurs économiques. Le rapporteur a pu l’évaluer au cours de ses différentes auditions et vérifier qu’un large consensus s’était établi sur le sujet.
La commission des affaires économiques a adopté le texte à l’unanimité.
De nouvelles précisions sont apportées dans l’amendement qui sera proposé lors de la discussion des articles sur la notion de vente en bloc, ainsi que sur les conditions d’exploitation qui sont définies par contrat. Cette nouvelle rédaction nous convient.
Nous soutenons le texte ainsi rédigé et nous le voterons.
Ce projet de loi a également été l’occasion pour les membres de la commission des affaires économiques d’avoir un débat animé et de rappeler unanimement l’importance de la forêt ainsi que la nécessité de développer une politique « forêt-bois » ambitieuse répondant aux attentes fortes des professionnels de la forêt et de la filière bois. Je souhaiterais évoquer rapidement ce point.
Un rapport du Conseil économique, social et environnemental, publié en octobre 2012 et intitulé La valorisation de la forêt française, a rappelé la place de la forêt dans l’espace français, mais aussi son poids économique, avec près de 430 000 emplois, essentiellement en zones rurales, et 60 milliards d’euros de chiffre d’affaires, ce qui est loin d’être négligeable.
Le bois-énergie représente 65 % des 6,6 % d’énergies renouvelables produits en France ; il provient essentiellement de la valorisation des sous-produits de la filière bois et est en plein essor, notamment dans ma région.
Dans le même temps, le rapport a fait le constat, que nous connaissons bien, de l’insuffisante organisation de la filière bois, qui repose sur des petites entreprises souvent fragiles, et des difficultés de mobilisation de la ressource bois dans notre pays.
Nous vivons en effet un paradoxe : alors que notre pays est l’un des mieux pourvus d’Europe en matière de ressources forestières, notre balance commerciale souffre d’un déficit record dans ce secteur. Nous exportons des bois bruts, de faible valeur, et importons des bois travaillés, transformés, incorporant une grande valeur ajoutée.
Les précédents gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n’ont pas pris la juste mesure de l’avenir de la filière bois et de ce potentiel économique. Vous proposez, monsieur le ministre, d’y remédier dans la future loi d’avenir, en cohérence avec la communication sur les nouvelles orientations forestières que la Commission européenne doit présenter au Conseil en mai prochain. Une loi consacrée entièrement à la forêt – il y aurait de quoi faire ! – permettrait d’adresser un signal très positif aux professionnels du bois et de la forêt. Mais l’agenda est peut-être déjà très chargé…
On a trop coutume de résumer la forêt aux 30 % de superficie du territoire qu’elle occupe ; il faut aussi la considérer en hauteur, en volume et dans ses différentes valeurs d’exploitations, qui imposent certains choix de court et de long terme.
Outre son potentiel économique, elle contribue activement à la préservation des équilibres écologiques, des écosystèmes et de la biodiversité puisqu’elle stocke le carbone, purifie l’eau, enrichit les sols et offre des habitats propices à la flore et à la faune, et même aux loups !
Par ailleurs, elle génère une grande diversité d’activités notamment touristiques, cynégétiques, sportives et scientifiques ; elle produit également, outre du bois et des champignons, des baies et des lichens utilisés en pharmacologie.
La diversité de ses fonctions fait de la forêt un atout considérable pour notre pays.
Je reprendrai ici un exemple que j’ai déjà cité devant la commission des affaires économiques : certaines villes comme Munich investissent désormais dans des systèmes d’épuration de leurs eaux usées par la forêt. Peut-être serions-nous bien inspirés de suivre leur exemple, au lieu de construire d’énormes stations d’épuration, qui sont souvent extrêmement coûteuses et dont le fonctionnement peut être aléatoire.
Les aménités offertes par la forêt méritent que nous luttions pour mettre en place une politique forestière volontariste, dotée de moyens financiers suffisants. Une fraction du produit de la mise aux enchères des crédits carbone pourrait par exemple, comme nous l’avions déjà voté à l’unanimité au Sénat, être affectée à la replantation de la forêt, puisque cette dernière est précisément un réservoir de stockage du carbone et que le reboisement notoirement insuffisant depuis une dizaine d’années est la condition sine qua non du développement durable. Les membres du groupe d’études forêt et filière bois du Sénat se rendront en Haute-Corrèze, où subsistent des parcelles dévastées par la tempête de 1999, restées en friche, ou en vrac selon l’expression consacrée, qui ne seront pas replantées.
Le financement est un réel problème : la France consacre peu d’argent public – M. le rapporteur a estimé ce chiffre à 350 millions d’euros – à sa forêt et à sa filière bois, alors qu’un nouveau fonds forestier national et des investissements massifs dans les industries d’aval actuellement fragilisées seraient nécessaires.
Ma région, le Limousin, et mon département, la Corrèze, disposent d’un fort potentiel forestier qui s’est beaucoup développé depuis l’entre-deux-guerres et qui est aujourd'hui parvenu à maturité.
Le plan pluriannuel régional de développement forestier du Limousin a été mis en place pour la mobilisation des bois ; il doit également permettre de répondre aux conflits d’usage entre le bois-énergie et le bois-construction.
Je sais, monsieur le ministre, votre intérêt pour la forêt ; vous avez d’ailleurs lancé différentes initiatives dont nous nous félicitons : je pense notamment aux rencontres régionales pour l’avenir de l’agroalimentaire et du bois.
Le Premier Ministre a aussi confié en décembre dernier une mission de six mois sur la forêt française et la filière bois au député Jean-Yves Caullet, qui devrait être un élément important de la future loi d’avenir. Vous avez installé une mission pour la création d’un fonds bois carbone et d’un comité national filière qui devrait achever ses travaux en prévision de cette future loi.
Nous apprécions votre engagement, et c’est avec détermination et énergie que nous soutiendrons ce projet de loi et la future loi d’avenir de l’agriculture, l’agroalimentaire et la forêt ! (Applaudissements.)