M. Jean-Louis Carrère. Tant mieux !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, je vais d’ores et déjà vous préciser – je parle sous le contrôle de mes collègues Marylise Lebranchu et Anne-Marie Escoffier, que je salue l’une et l’autre – ce que le Gouvernement n’annoncera pas lors de ce comité. Il ne reprendra pas ce qui figurait dans le programme de l’UMP aux élections législatives : un effort supplémentaire de 10 milliards d’euros demandé aux collectivités territoriales ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – Protestations sur les travées de l'UMP.) Nous avons toujours considéré qu’une telle idée était tout à fait excessive et déraisonnable. (Mme Natacha Bouchart s’exclame.)
Vous protestez, madame la sénatrice ? Je vous comprends. Imaginez que vos amis politiques aient remporté les élections. C’est probablement la mort dans l’âme que vous auriez dû accepter les décisions du gouvernement que vous auriez alors soutenu.
Mme Natacha Bouchart. Cela n’a rien à voir !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les collectivités locales n’auraient pas pu assumer l’effort tout à fait insupportable de 10 milliards d’euros qui leur aurait été demandé sans une hausse de la fiscalité, ce à quoi, j’en suis certain, vous vous seriez refusée.
Mme Natacha Bouchart. C’est du dogmatisme !
M. Jean-Claude Gaudin. Vous ne serez pas invité à Calais, monsieur le ministre !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter, madame la sénatrice.
M. le président. Il faut conclure, monsieur le ministre.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous savez donc maintenant ce que le Gouvernement n’annoncera pas.
Je vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour préciser quelle serait la part des collectivités locales dans l’effort de restauration de la compétitivité des entreprises, une compétitivité bien mise à mal par les politiques publiques qui ont été menées au cours des dix dernières années ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE.–M. Roger Karoutchi proteste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Ma question s'adressait à M. le Premier ministre, mais je vois que c’est M. le ministre du redressement productif qui s’apprête à me répondre.
Au mois de septembre dernier, le Président de la République a déclaré se donner quinze mois pour inverser la courbe du chômage.
M. David Assouline. Et alors ? Il reste encore dix mois !
M. François Zocchetto. Six mois plus tard, un premier bilan s’impose.
Chacun le sait, le chômage frappe désormais toutes les familles en France et concerne plus de trois millions de personnes. Et que fait le Gouvernement face à ce drame ?
Les emplois d’avenir ? Soit ! Les contrats de génération ? Pourquoi pas ? Passe encore pour les commissaires au redressement productif. Mais vous aurez beau énumérer toutes ces mesures et annoncer des chiffres invérifiables (M. David Assouline proteste.), vous ne nous proposerez, dans le meilleur des cas, que la perspective d’une économie administrée, à grand renfort de contrats aidés, tout en jetant – c’est probablement cela le pire – l’opprobre sur les entreprises, qui constituent pourtant le seul moteur de la croissance. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)
Monsieur le ministre, nous n’avons pas les moyens d’une politique des années quatre-vingt. Nous savons tous que les deniers publics manquent cruellement. Et c’est d’ailleurs avec une grande inquiétude que nous avons pris connaissance de l’effort supplémentaire de 5 milliards d’euros auquel les collectivités territoriales seront appelées.
Nous n’avons pas non plus le temps de nous raconter des histoires. L’heure n’est plus à rejeter la faute sur vos prédécesseurs.
M. Jean-Louis Carrère. Non !
M. François Zocchetto. L’heure n’est pas non plus à occuper le Parlement avec des sujets qui ne sont pas la priorité des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Mariage, modes de scrutin, droit de vote des étrangers, statut du chef de l’État, autant de questions qui, permettez-moi de vous le dire, apparaissent comme de plus en plus décalées quand la colère sociale gronde. Et vous le savez bien !
On ne termine pas ses fins de mois avec des promesses de lendemain qui chantent.
Monsieur le ministre, quand on ne sait pas de quoi demain sera fait, quand on ne sait pas si l’on conservera son emploi, quand on ne sait pas si ses propres enfants trouveront un travail, ne pensez-vous pas que l’urgence réside dans le retour des sujets économiques et sociaux ?
M. David Assouline. On ne vous a pas attendu pour cela !
M. François Zocchetto. L’urgence n’est-elle pas dans la restauration de notre compétitivité et dans le soutien de notre industrie, plutôt que dans la division des Français sur des sujets sociétaux ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Et qui a déposé plus de 5 000 amendements à l’Assemblée nationale ?...
M. François Zocchetto. Et puisque vous voulez parler de sujets sociétaux, ne croyez-vous pas que le véritable sujet de société aujourd'hui, c’est le chômage ? (Approbations sur les mêmes travées.)
Quand allez-vous enfin réaliser ce vrai choc de compétitivité que le pays attend ? Quand allez-vous enfin adopter la seule solution réaliste ? Je sais qu’il existe des divergences de vues au sein de votre gouvernement, mais la seule solution réaliste, c’est bien la baisse directe des charges des entreprises compensée par une TVA sur les produits importés. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre du redressement productif.
M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur le sénateur, le Gouvernement considère en effet que le chômage – vous le soulignez à juste titre – est le principal problème de notre pays, avec tous les risques économiques qu’il fait peser sur notre pays.
Je voudrais d’ailleurs vous en apporter la démonstration. Nonobstant les 5 000 amendements que vos amis ont déposés et l’agitation parlementaire que vous vous plaisez à entretenir sur des questions qui vous paraissent pourtant mineures, nous avons pris un certain nombre de décisions importantes.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Arnaud Montebourg, ministre. D’abord, nous avons stabilisé l’environnement fiscal des entreprises. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) C’est le sens de l’arbitrage du Premier ministre dans le pacte de compétitivité. Cinq mesures fiscales ont été stabilisées, et pour cinq ans, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Philippe Dallier. Nous attendons de voir !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Cela n’avait jamais fait l’objet d’un quelconque engagement de la part de nos prédécesseurs.
Nous avons, et c’est un fait historique (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.), mis 20 milliards d’euros sur la table à la disposition des entreprises, au terme d’un effort national sans précédent.
D’ailleurs, aujourd'hui, avec OSEO, nous rendons praticable et utilisable ce crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dont je suis certain qu’il va faire beaucoup de bien dans les TPE, les PME et même les grandes entreprises françaises, des entreprises qui souffrent aujourd'hui du fait de la réduction de leurs marges. (Très bien ! sur certaines travées du groupe socialiste.)
En outre, nous avons adopté une mesure d’unité nationale, qui devrait vous réjouir. Je fais ici référence au crédit d’impôt recherche, qui a été inventé par Jean-Pierre Chevènement, amplifié par Nicolas Sarkozy et sanctuarisé par François Hollande. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) Il est à la disposition des petites et moyennes entreprises.
Comme je n’en suis pas à accuser mes prédécesseurs, j’aimerais vous faire part des chiffres qu’un institut public de recherches vient de publier sur la désindustrialisation de notre économie. Au cours des trois dernières années, 1 087 usines ont fermé et des centaines de milliers d’emplois industriels ont été détruits, mesdames, messieurs les sénateurs.
M. Jean-Claude Gaudin. Avec vous, ce sera encore pire !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Certes, chacun a sa part de responsabilité. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Surtout la droite !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Mais, à présent, il nous faut prendre le taureau par les cornes.
Alors, oui, nous menons une politique d’endiguement, en faveur d’un grand nombre d’outils industriels et de savoir-faire technologiques, pour aider des entreprises qui risquent, sinon, de disparaître dans la tornade !
Vous semblez négliger le rôle des commissaires au redressement productif. Pour ma part, je veux leur rendre hommage. Tous ceux qui siègent dans cet hémicycle, quelle que soit leur sensibilité politique, font appel aux commissaires au redressement productif en cas de sinistre dans leur département. Et ils ont raison de le faire ; je ne peux que les y encourager. En tout cas, ce dispositif permet de sauver des emplois. Permettez-moi à cet égard de citer le sénateur Jean Arthuis, dont la sensibilité est, me semble-t-il, proche de la vôtre, monsieur Zocchetto.
Il faut dire que, à Château-Gontier, dans la Mayenne, avec le commissaire au redressement productif, nous avons sauvé l’entreprise Arféo, spécialisée dans la réalisation de panneaux pour la fabrication de meubles de bureau, qui s’est désormais transformée en société coopérative ouvrière de production.
M. Jean-Claude Gaudin. C’est le conseil général qui a payé !
M. Arnaud Montebourg, ministre. Et que déclare M. Arthuis à la presse locale ? S’il était au départ dubitatif, il admet à présent que le redressement productif, cela fonctionne, monsieur Zocchetto ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Ma question s’adresse à Mme la ministre du commerce extérieur.
Madame la ministre, selon les chiffres du commerce extérieur pour 2012, qui sont tombés ce matin, le déficit de notre balance commerciale a fortement reculé, pour s’établir à 67 milliards d’euros, contre 74 milliards d’euros l’an dernier.
Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’il est porté par la réduction presque de moitié de notre déficit hors énergie, qui passe de 29 milliards d’euros à 15 milliards d’euros.
Alors que la croissance européenne reste atone et que la facture énergétique s’est alourdie, de tels chiffres soulignent l’amélioration de notre compétitivité.
En effet, nos exportations ont progressé de 3,2 % et, surtout, le nombre d’entreprises françaises qui exportent a fortement augmenté. Et si certains secteurs, comme l’automobile, sont dans une situation difficile, beaucoup d’autres se sont montrés très performants. Je pense, par exemple, à l’aéronautique, qui a réalisé 20 milliards d’euros d’excédents.
Cette embellie est donc un signal très positif pour la France. On le voit, le Gouvernement agit de manière cohérente, au service de notre économie, conformément aux engagements du Président de la République.
Madame la ministre, vous avez vous-même inscrit votre action dans une stratégie de renforcement de notre présence à l’international reposant sur une réforme des financements à l’export et sur l’identification des secteurs porteurs pour nos entreprises.
Cette stratégie s’appuiera sur la Banque publique d’investissement, la BPI, et mobilisera tous les acteurs locaux, à travers la mise en place des plans régionaux d’internationalisation des entreprises.
Nos entreprises savent donc maintenant qu’elles peuvent enfin compter sur un gouvernement qui agit de manière claire et efficace pour renforcer leur compétitivité. (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.)
Madame la ministre, les chiffres du commerce extérieur de 2012 montrent donc que nous sommes sur la bonne voie. Dans ces conditions, ma question est simple : quelles actions le Gouvernement entend-il mener pour renforcer cette tendance positive, alors que 2013 s’annonce comme une année difficile ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.
Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, le déficit commercial de la France s’est réduit. Toutefois, il s’établit tout de même à 67 milliards d’euros !
M. François Rebsamen. Il y a encore du travail !
Mme Nicole Bricq, ministre. Si donc le signal est plutôt bon, il reste beaucoup à faire.
Je rappelle en effet que M. le Premier ministre m’a fixé pour objectif de parvenir à un équilibre de la balance commerciale hors énergie d’ici à la fin du quinquennat. En d’autres termes, il nous faut gagner environ 26 milliards d’euros.
Nous n’allons donc pas nous arrêter en chemin.
Comme vous l’avez souligné, nous avons obtenu des résultats très satisfaisants dans ce que l’on appelle les « grands contrats », à commencer par l’aéronautique. Nous avons livré 1 200 aéronefs, ce qui est, je crois, un record historique pour l’aéronautique française.
Nous n’aurons sans doute pas les mêmes résultats chaque année, même si nous pourrions le souhaiter, dans la mesure où cela a tout de même permis 10 000 créations d’emploi dans la filière aéronautique. C’est donc un enjeu important.
Mais nous devons également œuvrer pour le développement du commerce courant, qui représente le « gros » de la balance commerciale. Je pense aux PME, aux PMI et aux entreprises intermédiaires. Hier, au Salon des entrepreneurs, j’ai indiqué que 150 millions d’euros seraient mobilisés en faveur des entreprises exportatrices et durablement exportatrices. Ces fonds seront pris sur le programme FSI France investissement et mis à disposition de CDC Entreprises.
Nous devons également avoir, me semble-t-il, des financements compétitifs. Nous avons commencé à travailler en ce sens l’année dernière. Il faut continuer. Avoir des fonds propres, cela signifie avoir des capacités d’investir et d’innover. Et qui dit « innover » dit aussi « exporter ».
Au demeurant, et c’est une nouveauté intéressante, dans une Europe en difficulté, le commerce s’oriente vers les pays qui sont des relais de croissance. On constate ainsi une progression de 13 % du commerce avec l’Asie. Nous nous occupons donc beaucoup de ces terres plus lointaines géographiquement et plus éloignées de nos références traditionnelles, mais où les entreprises françaises sont présentes, réussissent et veulent réussir.
M. le Premier ministre et moi-même nous déplaçons beaucoup dans des pays qui ne font pas partie de notre « jardin naturel ». J’étais en Chine voilà quinze jours, et le Président de la République s’y rendra au mois d’avril ou au mois de mai. Le chef du Gouvernement s’est rendu à Singapour et aux Philippines. Cette semaine, j’étais avec lui en en Thaïlande. Je me rendrai prochainement en Indonésie et au Vietnam. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Ce sont des terres de conquête pour nous, mais nos entreprises y sont déjà très présentes.
La leçon à en retenir, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est que le déficit n’est pas une fatalité ! Nous devons retrousser nos manches et poursuivre l’action entreprise.
Je vois aussi ce qui se passe sur le terrain. Pour m’être rendue dans onze régions - j’étais encore à Marseille la semaine dernière (Mêmes mouvements.) – je sais que les entreprises sont mobilisées et que les entrepreneurs sont entreprenants et conquérants. Il faut les aider du mieux possible. C’est le rôle de l’État, qui doit fixer un cap, une stratégie et des priorités d’action.
J’observe également, et c’est très positif, que notre offre commerciale est parfaitement en phase avec les besoins de certains pays en croissance. Alors, allons-y, et allons-y tous ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
mutilations sexuelles des femmes
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes.
Madame la ministre, hier, 6 février, c’était la Journée internationale contre les mutilations génitales féminines.
La lutte contre ces crimes que constituent l’excision, l’infibulation ou toute autre mutilation génitale dont sont victimes les femmes, jeunes filles et petites filles, nous concerne toutes et tous. Pour mener efficacement ce combat, il est avant tout nécessaire qu’il soit visible, notamment dans cet hémicycle.
Ces pratiques inacceptables concernent plus de 135 millions de femmes dans le monde. Cette situation dramatique concerne directement la France, où le nombre de femmes excisées est estimé à 50 000.
Il me semble indispensable de rappeler que ces combats se mènent depuis des années dans plusieurs pays en Afrique, en Indonésie et ailleurs, grâce au courage de femmes exceptionnelles qui se mobilisent en vue de l’éducation des filles et qui luttent aussi contre « l’économie de l’excision ».
Nous devons comprendre que les ressortissants des États concernés sont, plus que jamais, mobilisés contre ces tortures. Les discours de Thomas Sankara contre l’excision sont bien connus. Plus récemment, le musicien et interprète ivoirien Tiken Jah Fakoly chantait « Non à l’excision ! Ne les touchez plus, elles ont assez souffert ! »
Femmes, hommes, chefs d’État, tous s’impliquent donc dans cette lutte nécessaire.
Je citerai, par exemple, le Protocole de Maputo, signé le 11 juillet 2003 par cinquante-trois chefs d’État de l’Union africaine et dont l’article 3 dispose que les mutilations génitales féminines doivent être interdites et sanctionnées.
Je tiens à saluer ici l’immense travail qu’accomplit en France depuis trois décennies le GAMS, le Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants, notamment en matière de prévention et d’information. Il mène aussi et surtout un combat judiciaire, ayant permis de faire progresser à la fois les esprits et notre droit.
À l'échelon international, diverses résolutions ont été prises par l’ONU sur ce « problème de santé publique prioritaire », comme ce fut également le cas, à l'échelon communautaire, par le Parlement européen.
Enfin, le Conseil de l’Europe appelle à une attention particulière pour les demandes d’asile liées au genre. Sa Convention dite « d’Istanbul », du 5 mai 2011, consacre son article 38 à la lutte contre les mutilations génitales féminines.
Madame la ministre, j’apprécie et j’encourage évidemment votre engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et plus particulièrement sur ces questions. Pour autant, quelles nouvelles initiatives le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accompagner ce mouvement en faveur de la lutte contre les mutilations génitales féminines ? Quand la France ratifiera-t-elle la Convention d’Istanbul et procédera-t-elle aux adaptations préalables nécessaires en droit pénal français ? (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des droits des femmes.
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, plus de 100 millions de femmes à travers le monde sont victimes de cette pratique barbare, intolérable, violente, dangereuse, pour laquelle aucune justification culturelle ou religieuse ne peut être avancée.
Nous devons d'abord nous réjouir du fait que, le 20 décembre dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution pour en finir une fois pour toutes avec cette pratique et s'en donner enfin les moyens. Sachez que la France a compté pour beaucoup dans ce combat qui est mené depuis des années et qu’elle reste mobilisée aux côtés du Secrétaire général des Nations unies.
Regardons aussi ce qui se passe sur notre sol. La France est l'un des premiers pays à avoir saisi ce sujet à bras-le-corps, dès 1983, notamment grâce à l'action du GAMS, que vous avez eu raison de citer et auquel il faut rendre hommage, madame la sénatrice. Oui, notre pays est l’un des premiers à avoir jugé et condamné les familles responsables des mutilations sexuelles féminines. Je rappelle que, dans notre code pénal, l'excision, qu'elle ait été commise en France ou à l'étranger, est un crime, jugé donc en cour d'assises.
Nous comptons renforcer encore la sanction prévue pour ces faits.
Le Gouvernement vient d’élaborer un projet de loi visant à adapter notre droit pénal aux dispositions de la convention d'Istanbul. Ce texte a été très récemment adressé au Conseil d'État et sera présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de ce mois. Il sera ensuite sans délai présenté au Parlement et déposé sur le bureau de votre assemblée. Il prévoit en particulier de faire de l'incitation à subir une mutilation sexuelle féminine une infraction autonome. Ce sera un progrès supplémentaire.
Mais, au-delà du droit et de la vertu dissuasive des grands procès, c'est la qualité de la prévention qui fera reculer ces pratiques. C'est pourquoi nous devons toujours plus informer les populations les plus exposées, en particulier lorsqu'elles s'apprêtent à se rendre à l'étranger. Le Gouvernement y travaille.
Il faut également veiller à ce que ces cas d'excision soient détectés le plus précocement possible, afin de pouvoir intervenir à temps, notamment pour protéger les filles qui sont dans l'entourage des victimes signalées.
Le Parlement a déjà amélioré la loi pour que le secret médical ne s'oppose plus à ce que les médecins signalent les infractions de ce type.
Les professionnels de la protection maternelle et infantile jouent un rôle absolument majeur dans cette action de prévention. Les pays étrangers suivent de très près leur travail et nous envient ces structures. Cette participation doit se poursuivre. Il faut en particulier veiller à ce que, dans le cadre de la formation qui sera conduite par l'Observatoire national des violences faites aux femmes qui vient d'être mis en place, l'excision et les mutilations sexuelles féminines soient considérées comme des violences à part entière. Ce sera le cas.
Je veux enfin insister sur l’importance de l'après. La France compte des professionnels qui, comme Pierre Foldes, sont spécialisés dans la réparation des dommages causés par l’excision. Cela permet de dire aux victimes que leur souffrance n'est pas définitive.
Madame la sénatrice, le meilleur service à rendre aux victimes est de les faire parler et de parler de ces pratiques. Alors, comme le Gouvernement s'apprête à le faire, soutenons l’initiative du collectif « Excision, parlons-en ! » qui va se dérouler tout au long de l’année 2013. (Applaudissements.)
situation des hôpitaux
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Ma question s'adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Respect des tarifs opposables, non-discrimination pour les soins, qualité des personnels médicaux et paramédicaux : nos hôpitaux sont les fleurons de notre système de santé.
Pourtant, madame la ministre, mis à mal par la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite « loi HPST », imposée par Nicolas Sarkozy, que nous avions combattue ensemble, fragilisés par la convergence tarifaire et victimes d’un mode de financement similaire à celui qui est pratiqué dans les cliniques commerciales, nos hôpitaux subissent aujourd’hui une situation économique et financière insupportable.
L’insuffisance de l’évolution de leurs crédits et la baisse des tarifs prévue cette année leur imposeront une contrainte financière telle que, selon la Fédération hospitalière de France, cela aboutira à la suppression de 35 000 emplois ! Ce sont autant de femmes et d’hommes en moins, pourtant indispensables pour accueillir, orienter, soigner les patients ou leur apporter toute la sécurité dont ils ont besoin. Ce seront également autant de fermetures d’établissements, d’hôpitaux, de maternités de proximité, telles celles de Marie-Galante ou de Vire, accroissant de fait les inégalités territoriales en matière de santé.
Madame la ministre, à l’occasion de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, nous vous avions fait part de nos craintes, considérant que les moyens mobilisés pour les hôpitaux publics étaient insuffisants. Aujourd’hui, les élus locaux, qui rejettent en nombre les schémas régionaux d’organisation des soins ou émettent pour le moins d’importantes réserves, mais aussi les personnels, les représentants des hôpitaux publics et les collectifs qui défendent les hôpitaux de proximité partagent notre analyse.
Dans l’intérêt du service public de la santé, dans l’intérêt de nos concitoyennes et concitoyens, il est temps de rompre avec les logiques libérales imposées par le précédent gouvernement. Pourquoi ne pas instaurer, par exemple, un moratoire sur la fermeture des hôpitaux et cliniques de proximité et sur les restructurations qui découlent de la loi HPST ? Pourquoi ne pas stopper la tarification à l’activité ?
Madame la ministre, vous nous avez annoncé un pacte de confiance pour l'hôpital. Aujourd'hui, les actrices et acteurs du secteur attendent des actes. Quelles mesures urgentes et pérennes entendez-vous prendre pour assurer un financement de l’hôpital public à la hauteur des besoins ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame David, vous qui êtes présidente de la commission des affaires sociales, vous savez combien la France peut être fière de ses hôpitaux publics. Oui, les Français peuvent s’honorer de l'engagement de celles et ceux qui, au quotidien, se dévouent pour permettre à la santé d'atteindre ce très haut niveau de qualité que nous envient nos voisins.
D'ailleurs, les Français ne s'y trompent pas, puisqu'une étude récente montre qu'ils sont plus de 75 % à accorder leur confiance à l'hôpital public quand il s’agit de les accueillir, les soigner, les soutenir.
De ce point de vue, il est absolument nécessaire de rompre avec la logique qui a prévalu au cours des années précédentes, assimilant l'hôpital public aux établissements privés dans son fonctionnement, ses modes de construction et de financement.
Madame la sénatrice, nous n'avons pas attendu. Ainsi, lors de l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, des mesures importantes ont été prises. L'importance du service public hospitalier a d'ores et déjà été réaffirmée.
Mme Annie David. C'est vrai !
Mme Marisol Touraine, ministre. Il a été mis fin à la convergence tarifaire entre le service public et les établissements privés.
Nous avons pris des engagements, votés par ceux qui ont apporté leurs suffrages à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, pour que 1,6 milliard d'euros supplémentaires soient accordés en 2013 à l'hôpital public. Il s’agit d’un effort important dans un contexte de restrictions et de nécessaire responsabilité au regard des finances publiques.
Mais vous avez raison, nous devons aller au-delà.