M. Philippe Kaltenbach. Cette marque de fabrique qui a été celle de Nicolas Sarkozy durant toutes ces années se retrouve aujourd’hui dans la proposition de loi dont nous débattons.
Pas moins de quatre faits divers sont cités dans ce curieux exposé des motifs ! D’autres l’ont été également à la tribune par notre collègue Louis Nègre. Comme s’il était nécessaire d’en faire état ici devant le Sénat pour que nous prenions pleinement conscience de la dangerosité du métier de policier ou de gendarme, d’autant que rien ne démontre, dans cet exposé des motifs, que, si le dispositif proposé existait, les dramatiques faits divers dont il est fait mention auraient pu être évités.
D’ailleurs, cet exposé des motifs ne démontre rien, si ce n’est, peut-être, la mauvaise foi de ses auteurs lorsque ceux-ci écrivent : « Il n’est pas acceptable qu’aujourd’hui, en France, un policier doive être blessé pour être juridiquement en mesure de riposter. » Cela témoigne d’une profonde méconnaissance du dossier, ainsi que l’ont souligné Mme le rapporteur et M. le ministre.
En revanche, il est utile, me semble-t-il, de rappeler à nos collègues de l’opposition tous les méfaits que la RGPP, la révision générale des politiques publiques, a engendrés sur la sécurité des policiers et des gendarmes.
À cet égard, il paraît surprenant de soutenir un emploi facilité des armes à feu tout en assumant le bilan d’une RGPP qui a conduit à une importante réduction des exercices de tir ces dernières années dans les rangs des forces de l’ordre.
Et que dire des 11 000 suppressions de postes intervenues entre 2008 et 2012 ? Assurément, comme l’a rappelé M. le ministre, elles n’ont pas contribué à renforcer la protection des policiers et des gendarmes dans l’exercice de leurs missions quotidiennes.
C’est notamment pour cela que nous nous employons, depuis l’élection de François Hollande, à ce que les policiers et les gendarmes soient plus nombreux, mieux formés et mieux équipés. Je tiens à saluer à ce titre les efforts déployés par M. le ministre de l’intérieur, Manuel Valls.
J’en viens au fond de cette proposition de loi.
Celle-ci fait écho à un autre texte récent, rejeté par nos collègues députés le 6 décembre dernier. Tout comme celui que nous examinons aujourd’hui, il émanait de parlementaires UMP, et avait aussi vocation à aligner le régime juridique des policiers sur celui qui s’applique aux gendarmes.
Je note d’ailleurs qu’un amendement visant à introduire des exceptions de légitime défense au bénéfice des policiers et des gendarmes avait été déposé à l’Assemblée nationale, mais qu’il avait été rejeté, les auteurs de la proposition de loi y étant eux-mêmes défavorables.
Je précise à cet égard que les auteurs de cette proposition d’amendement étaient Mme Maréchal-Le Pen et M. Collard, tous deux membres du Front national.
Ici, il y a des rapprochements révélateurs…
M. René-Paul Savary. Oh !
M. Philippe Kaltenbach. En effet, vous reprenez cet amendement dans le texte de votre proposition de loi. Il est regrettable que vous n’ayez pas eu la sagesse de vos collègues députés !
Cette disposition est purement « d’affichage » ; elle résulte de la volonté politique d’envoyer un signal à un électorat qui se reconnaît aujourd’hui dans les discours musclés de l’extrême-droite, mais elle n’apporte rien en termes d’efficacité. (Mme Colette Giudicelli s’exclame.)
Le souci principal des sénateurs socialistes est de rendre hommage à toutes nos forces de sécurité : la police nationale, la gendarmerie, les polices municipales, qui agissent au quotidien, parfois au péril de leur vie, cela a été dit. Nous souhaitons les aider et les protéger.
Tout cela mérite bien mieux qu’une proposition de loi démagogique. Nous voulons avant tout être efficaces.
Votre proposition de loi, messieurs les sénateurs, souhaite donc de nouveau introduire une exception de légitime défense.
L’instauration de présomptions de légitime défense fondée sur la seule qualité de membres des forces de l’ordre ne saurait être présentée comme une sécurisation de l’action desdites forces.
En effet, comme Virginie Klès l’a rappelé dans son excellent rapport, celle-ci aboutirait au contraire à l’effet inverse en venant bouleverser l’ordonnancement actuel du principe de la légitime défense.
Ce texte s’inscrit en porte-à-faux avec les jurisprudences successives en matière d’encadrement de l’usage des armes à feu entre policiers et gendarmes.
Ces jurisprudences concluent à des exigences de nécessité absolue et de proportionnalité équivalente, voire identique, pour l’ensemble des forces de sécurité.
L’alignement que vous envisagez fait donc fi de cette importante jurisprudence, tant nationale qu’européenne, puisque, vous le savez, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu des décisions qui s’imposent à nous.
Aussi, il ne semble pas concevable d’envisager une réflexion sur la base légale encadrant l’usage des armes à feu pour les gendarmes en dehors de son cadre jurisprudentiel.
Ma conviction est que nous serons sûrement amenés un jour à débattre d’un tel alignement, mais je ne suis pas certain qu’il se fasse dans le sens que vous souhaitez. Il serait peut-être plus intéressant de réfléchir à un alignement dans l’autre sens, même si j’ai entendu M. le ministre rappeler que, pour le moment, il n’y était pas favorable.
Enfin, le présent texte se trouve en complet décalage avec les conclusions de la mission de réflexion sur la « protection fonctionnelle des policiers et des gendarmes » présidée par le conseiller d’État M. Guyomar. Vous l’avez abondamment citée, mais à vous entendre, j’avais l’impression de ne pas avoir lu le même rapport.
En effet, cette mission préconise dans son rapport rendu au mois de juillet dernier le statu quo en matière d’usage des armes. Elle écarte clairement l’option consistant à créer un nouveau cas de présomption de légitime défense.
En revanche, la mission propose d’engager une réflexion sur l’usage des moyens de forces intermédiaires – les armes « non létales » –, le cadre légal de l’usage des armes actuelles n’étant pas nécessairement adapté à l’hétérogénéité des armes appartenant à cette catégorie et à la diversité des finalités auxquelles elles répondent.
Elle écarte aussi l’idée d’une modification du cadre légal d’usage des armes à feu.
Mais elle propose de codifier, par une disposition réglementaire, les conditions jurisprudentielles d’un usage légal des armes à feu, à savoir les exigences d’actualité de la menace, d’absolue nécessité et de proportionnalité.
La mission Guyomar a clairement conclu que l’alignement d’un régime civil sur un régime militaire n’était pas la bonne méthode.
Les préconisations de la mission Guyomar ont notamment porté sur le renforcement de la protection fonctionnelle et, M. le ministre l’a rappelé, le Gouvernement s’y emploie activement.
Ce sujet essentiel de la protection fonctionnelle accordée aux représentants de la force publique, et porté avec exigence par les organisations professionnelles, a été pris en compte, qu’il s’agisse de la notion d’ayant droit pour les concubins et les partenaires du PACS ou de l’extension du bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents victimes d’infractions volontaires donnant lieu à des poursuites pénales.
On le voit sur ce sujet, le Gouvernement a pris le dossier en main, et cela répond à une demande forte des policiers et des gendarmes.
En conclusion, je souhaite relever que notre collègue Pierre Charon, coauteur de cette proposition de loi n’a pas toujours tenu un discours aussi bienveillant qu’aujourd’hui en direction des forces de police.
M. Pierre Charon. Si, toujours !
M. Philippe Kaltenbach. J’ai presque eu l’impression que votre position avait complètement changé…
M. Pierre Charon. Non !
M. Philippe Kaltenbach. … en une semaine à peine. En effet, ici même, dans le cadre des questions d’actualité au Gouvernement, vous avez mis violemment en cause leur professionnalisme et la légitimité de leurs interventions.
M. Pierre Charon. Tout à fait !
M. Philippe Kaltenbach. Permettez-moi de citer certains des propos que vous avez alors tenus, qui figurent au procès-verbal : « Images et vidéos accablantes pour vos services. » – vous parliez du ministre ; « Demande d’ouverture de commission d’enquête » ; « Quand le pouvoir s’en prend aux enfants, c’est la République qui saigne. »
M. Pierre Charon. C’est vrai !
M. Philippe Kaltenbach. Les mêmes policiers, si difficilement exposés à la violence des délinquants et des criminels, seraient-ils tout d’un coup devenus des mangeurs d’enfants à la solde d’un État exagérément répressif ?
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Très bien !
M. André Gattolin. Bravo !
M. Philippe Kaltenbach. Peut-être notre collègue a-t-il une conception du maintien de l’ordre public à géométrie variable... Mais cette dernière semble être l’apanage de l’UMP sur d’autres sujets : je pense notamment à l’indépendance de la justice. Nous aurons certainement l’occasion de le vérifier, puisque cet après-midi nous commencerons l’examen d’un texte important concernant le mariage pour tous.
M. François Trucy. Essentiel ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Philippe Kaltenbach. Mes chers collègues, après la présentation et une large discussion de tous les éléments techniques de ce texte, nous constatons que celui-ci va à l’encontre de toute la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Cour de cassation, des préconisations du rapport Guyomar et, cela a été dit et nombreux sont les orateurs qui y ont insisté, serait de nature à créer une plus grande insécurité juridique.
C’est pourquoi le groupe socialiste s’opposera à cette proposition de loi. Parce qu’elle ne répond pas aux attentes des policiers, comme l’ont exprimé plusieurs de leurs syndicats lors des auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs. Parce que, en définitive, il ne s’agit que d’une loi d’affichage dont les visées électoralistes ne trompent personne. (M. Pierre Charon s’exclame.) Parce qu’il s’agit aussi d’une proposition de loi « proclamatoire ». Certes, de tels textes permettent à l’opposition de s’opposer,…
M. Pierre Charon. C’est la moindre des choses !
M. Philippe Kaltenbach. … mais ils n’ont pas vocation à être adoptés puisqu’ils ne règlent pas les problèmes de fond.
Montesquieu écrivait en 1748 : « Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires ». En l’occurrence, cette proposition de loi n’est pas seulement inutile, elle est même néfaste. Aussi, le groupe socialiste votera des deux mains contre ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – MM. André Gattolin et François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur. En ma qualité de rapporteur de la commission des lois, permettez-moi d’apporter quelques précisions.
J’ai écouté attentivement l’ensemble des intervenants, et je voudrais dire à M. Charon que le fait d’être coauteur d’une proposition de loi qui a reçu un avis négatif de la commission ne l’autorise pas à dénaturer les propos que celle-ci a tenus.
Monsieur le sénateur, d’où tenez-vous cette information dont vous avez voulu faire part à notre assemblée et qui figurera au Journal officiel, selon laquelle certains membres de la commission auraient exprimé un sentiment de méfiance à l’égard de la police nationale ?
Personnellement, je le redis, j’ai écouté avec beaucoup d’attention tous les intervenants qui se sont exprimés tant en commission, notamment lors des auditions, qu’en séance plénière à l’instant, car en tant que rapporteur, je me sens responsable de l’examen de ce texte. Or, à aucun moment, je n’ai entendu, de la part d’un membre de la commission, un sentiment de méfiance à l’encontre de la police nationale ou de la gendarmerie nationale.
En revanche, le sentiment de méfiance qui a été exprimé concerne, et vous m’en voyez désolé pour vous, votre texte et l’absence de protection, voire la mise en difficulté qu’il pourrait engendrer pour nos policiers nationaux. Je tenais à le préciser très clairement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Cécile Cukierman ainsi que MM. André Gattolin et François Fortassin applaudissent également.)
M. Jacky Le Menn. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Manuel Valls, ministre. Au cours de ce débat, les uns et les autres ont pu exprimer avec conviction les raisons pour lesquelles ils soutenaient ou s’opposaient à cette proposition de loi, après les interventions de ses coauteurs. J’ai déjà eu l’occasion de répondre tout à l’heure à M. Charon.
Pendant que M. Kaltenbach s’exprimait, l’un d’entre vous a dit : « Vous verrez au prochain enterrement ! » Il se trouve que, comme tous mes prédécesseurs, et c’est l’une des tâches les plus difficiles pour un ministre ou un maire, j’ai assisté à des obsèques.
J’ai en mémoire ce qui s’est passé à Chambéry, ce policier de la BAC tué dans des circonstances tragiques. J’imagine ce qu’a éprouvé le ministre Claude Guéant, lorsqu’il a été interpellé par la veuve du brigadier-chef.
Mais je pose la question, mesdames, messieurs les sénateurs : dans de telles circonstances, et devant de tels événements, nous, membres de la représentation nationale et du Gouvernement, ne pourrions-nous pas convenir que ces faits, à l’occasion desquels s’exprime la douleur la plus vive, méritent une autre attitude et une certaine hauteur de vues ?
En la matière, les statistiques sont terribles, et de tels drames ne manqueront pas, hélas, de se reproduire. De nombreux exemples ont été cités au cours du débat. J’ai moi-même assisté à d’autres hommages rendus depuis un an. Or les situations étaient toutes très différentes.
Ce que demandent les familles, les collègues et les camarades des policiers et des gendarmes décédés, c’est la réponse judiciaire la plus efficace et la plus rapide possible. (Mme Catherine Troendle acquiesce.)
M. Louis Nègre. C’est justement ce que j’ai dit !
M. Manuel Valls, ministre. Et songez-y : les deux femmes gendarmes tuées à Collobrières, au reste dans des circonstances abominables, étaient armées. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné.
Certains ont suggéré que l’issue de cet événement aurait pu être différente si un troisième gendarme les avait accompagnées. Cela revient à soulever le problème des effectifs. Toutefois, nous le savons, pour gagner en mobilité, les forces de l’ordre doivent être organisées en équipages de deux personnes, et armées.
D’autres se sont même demandé ce qu’il serait arrivé si ces gendarmes avaient été des hommes. Les deux gendarmes, ce jour-là, étaient des femmes, et c’est l’honneur de la gendarmerie et de la police nationales de compter dans leurs rangs des femmes si aguerries, qui assument de plus en plus de responsabilités.
Je le répète, ces femmes gendarmes étaient armées et elles pouvaient faire usage de leur arme. La véritable question est donc la suivante : que faire face à la violence de tels individus ?
Ce que demandent les familles de ces deux femmes, à qui nous rendrons un nouvel hommage en juin prochain, c’est que la justice fasse son travail et se montre impitoyable à l’égard des coupables, ces meurtriers qui portent atteinte à l’autorité de l’État.
Je le dis à l’intention de la majorité comme de l’opposition : je serai toujours disposé à rechercher les meilleures solutions techniques, juridiques et financières pour protéger gendarmes et policiers dans l’exercice de leurs missions.
Vous le savez, ce débat a de nouveau surgi lors de la campagne présidentielle, entre mars et avril 2012, au lendemain de l’affaire de Noisy-le-Sec. Or jamais un ministre de l’intérieur n’a abondé dans le sens que vous indiquez. Jamais ! Et ce, pour toutes les raisons qui ont été rappelées.
Ceux qui se sont exprimés à l’instant contre le présent texte reconnaissent tout à fait qu’il existe des difficultés, des attentes et des craintes, et tous s’interrogent : que faire face à des individus qui emploient des armes de guerre ? Faut-il donc que nos policiers utilisent également des armes de guerre ?
Prenons garde : répondre par l’affirmative reviendrait précisément à se placer sur le plan que M. Charon dénonçait il y a quelques instants.
M. Capo-Canellas a posé une véritable question, celle de l’unification du régime de l’usage des armes par les deux forces réunies au sein du ministère de l’intérieur. Toutefois, je l’ai déjà indiqué, à mes yeux, la spécificité de certains terrains d’intervention de la gendarmerie nationale justifie encore cette différence. J’ai cité l’exemple de la Guyane, où je me suis rendu il y a trois semaines : nos gendarmes y mènent de véritables opérations de guerre. Deux d’entre eux ont d’ailleurs été gravement blessés il y a quelques mois, intervenant aux côtés de deux de leurs camarades des forces armées qui, eux, ont été tués.
Monsieur Fortassin, vous avez invoqué d’autres arguments pour justifier cette différence de régime entre la police et la gendarmerie, et je souscris à vos propos. Je tiens à vous remercier du soutien que vous m’avez apporté, d’autant que vous connaissez bien ces sujets.
Vous posez deux vraies questions : celle des moyens humains indispensables pour lutter efficacement contre la délinquance et celle de la dangerosité des armes issues des nombreux trafics contre lesquels ont à lutter policiers et gendarmes.
S’agissant tout d’abord des moyens, je me suis employé à préserver les effectifs, malgré les contraintes budgétaires.
S’agissant maintenant des armes et des trafics, plutôt que de mettre en cause nos forces de l’ordre ou d’attaquer le Gouvernement sur la base de données statistiques, saluons le travail tout à fait remarquable qu’accomplissent la police et la gendarmerie ! En effet, le démantèlement d’un trafic de drogue va presque toujours de pair avec le démantèlement d’un trafic d’armes.
Mme Michèle André. Et d’armes très dangereuses !
M. Manuel Valls, ministre. Tout à fait, madame la sénatrice.
Cette question très grave constitue l’une de mes priorités. Nous nous sommes engagés dans une stratégie déterminée de démantèlement de ces trafics, et nous devons renforcer les moyens de lutter contre un phénomène dont l’ampleur s’est considérablement accrue avec la chute du mur de Berlin et la guerre en ex-Yougoslavie : depuis lors, l’Europe de l’Ouest a été inondée par les armes de ce type. Je vous remercie d’avoir évoqué ce sujet tout à fait capital, monsieur Fortassin.
Monsieur Gattolin, nous partageons votre exigence. Nous éprouvons un trop grand respect pour nos policiers et nos gendarmes pour nous satisfaire d’une telle proposition de loi. En effet, l’adoption de ce texte entretiendrait l’illusion d’une sécurité accrue par un usage facilité des armes. Je le répète, c’est un piège dans lequel je ne veux pas entraîner nos forces de sécurité.
Pour ma part, j’ai fait un autre choix, celui de la sécurisation des interventions par la formation et par l’encadrement, pour les policiers comme pour les gendarmes - à cet égard, le rôle de la hiérarchie est tout à fait essentiel. (Mme le rapporteur acquiesce.) – ainsi que par la définition d’objectifs clairs et la restauration de la confiance que nous devons, à chaque instant, accorder à nos policiers et nos gendarmes.
Je ne me contente pas de demander des chiffres à nos forces de l’ordre, même si j’exige bien sûr des résultats. Je leur demande avant tout d’agir dans la durée, pour obtenir des avancées pérennes fondées sur des pratiques professionnelles sécurisées, consolidées, valorisées, dans des zones de sécurité prioritaire et en lien très étroit avec les parquets. C’est là le plus sûr moyen de garantir les meilleures procédures et, partant, d’atteindre les buts visés !
Monsieur Kaltenbach, je vous remercie de rappeler les conclusions de la commission Guyomar. Au terme d’une phase de consultation très large et unanimement saluée, celle-ci a proposé une forme de statu quo sans pour autant fermer la voie à une réflexion et à une évolution auxquelles nombreux d’entre vous nous ont invités.
Enfin, regardons de près les évolutions en cours à l’échelle européenne, concernant les rapports entre les forces de l’ordre et les citoyens. Sur ce point également, je suis tout à fait ouvert au débat. Mme Assassi a évoqué cette question. J’en conviens tout à fait, il faut déterminer comment nos forces de l’ordre peuvent devenir plus performantes : face à une délinquance de plus en plus dangereuse et dont les formes sont en constante évolution, les moyens mis à la disposition des policiers et des gendarmes doivent, eux aussi, évoluer.
Je le répète, je ferai toujours preuve de la plus grande ouverture d’esprit sur ce terrain. A contrario, je m’opposerai toujours aux propositions qui, relevant à mon sens de la démagogie, ne rendraient pas service aux forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste – Mme Cécile Cukierman et M. François Fortassin applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
Mes chers collègues, je vous rappelle que ce débat s’inscrit dans le cadre d’un espace réservé et que des questions cribles thématiques, retransmises en direct par France 3, sont prévues cette après-midi, à quinze heures. En conséquence, je devrai impérativement suspendre la séance à treize heures, même si nous n’avons pas terminé l’examen des articles du présent texte.
Article 1er
La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est complétée par un article 143 ainsi rédigé :
« Art. 143. – Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale peuvent, en l’absence de l’autorité judiciaire ou administrative, déployer l’usage des armes dans les cas suivants :
« 1° Lorsque des violences, des voies de fait ou tentatives d’agressions sont exercées délibérément contre eux ou lorsqu’ils sont menacés par des individus armés dès lors qu’il y a eu sommation ;
« 2° Lorsqu’ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu’ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu’elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
« 3° En cas de crimes ou de délits graves, lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de « halte police » faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s’arrêter que par l’usage des armes ;
« 4° Lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n’obtempèrent pas à l’ordre d’arrêt.
« Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s’arrêtent pas à leurs sommations. »
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre V du titre Ier du livre III du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Port, transport et usage » ;
2° Il est complété par un article L. 315-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 315-3 - Les fonctionnaires des services actifs de la police nationale ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée, en cas d'absolue nécessité, que dans les cas suivants :
« 1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
« 2° Lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiées ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
« 3° Lorsque les personnes armées refusent de déposer leur arme après deux injonctions à haute et intelligible voix :
« - Première injonction : "Police, déposez votre arme" ;
« - Deuxième injonction : "Police, déposez votre arme ou je fais feu" ;
« 4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt.
« Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations. »
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Le présent amendement tend à réécrire l’article 1er sur deux plans.
Premièrement, il tend à assurer une rédaction juridiquement plus précise concernant l’application du régime du déploiement de la force armée propre aux gendarmes. Il tend à transposer ce dispositif dans un nouvel article du code de la sécurité intérieure.
À cet égard, il vise à apporter des précisions propres à la situation des forces de police nationale, notamment en indiquant que cet usage de la force armée ne s’applique que dans des cas où les forces de l’ordre sont confrontées à des personnes armées. Précisions que cette disposition ne figure pas dans le code de la défense.
Par ailleurs, cet amendement tend à préciser que les agents de la police nationale ne peuvent déployer les forces armées que lorsque les personnes concernées refusent de déposer leur arme après deux injonctions.
Deuxièmement, il s’agit d’intégrer dans le présent texte l’apport de la jurisprudence de la Cour de cassation, en reprenant explicitement les mots d’« absolue nécessité ». Cette question a déjà été évoquée lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission est sensible à l’effort accompli par M. Capo-Canellas pour préciser quelque peu l’article 1er du présent texte.
Il n’en reste pas moins que, même ainsi précisé, le texte prévoit toujours d’aligner l’usage des armes au sein de la gendarmerie nationale et de la police nationale. Or, pour l’ensemble des raisons invoquées au cours de la discussion générale, cette réforme ne nous semble pas opportune aujourd’hui. De surcroît, en consacrant dans la loi l’apport jurisprudentiel de l’« absolue nécessité », une telle disposition pourrait à mon sens rigidifier un peu plus encore l’examen par les magistrats des cas qui pourraient leur être soumis, avec l’éventualité de suites judiciaires encore plus risquées.
En conséquence, compte tenu de l’évidente difficulté à modifier l’équilibre actuel, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er n'est pas adopté.)
Article 2
Il est ajouté deux alinéas à l’article 122-6 du code pénal ainsi rédigés :
« 3° Dans le cadre des autorisations accordées aux officiers et sous-officiers de gendarmerie à l’article L. 2338-3 du code de la défense.
« 4° Dans le cadre des autorisations accordées aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale à l’article 143 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure. »
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Capo-Canellas, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.
M. Vincent Capo-Canellas. Le présent amendement tend à supprimer l’article 2 de cette proposition de loi, qui ajoute deux nouvelles présomptions de légitime défense spécifiques pour les forces de l’ordre.
En effet, cette disposition est problématique, comme l’a souligné M. Guillaume Larrivé, auteur d’une proposition de loi de même inspiration et rapporteur à l’Assemblée nationale puis, il y a quelques instants, par Mme le rapporteur elle-même.
Loin de garantir la sécurisation des forces de l’ordre, la création d’une présomption de légitime défense risque fort de produire l’effet contraire en engendrant une forme « d’illusion d’irresponsabilité pénale », pour reprendre les termes de M. Larrivé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission s’étant prononcée pour le rejet de l’ensemble de ce texte, donc avant même sa transmission à l’Assemblée nationale, nous ne pouvons que suivre M. Capo-Canellas : la moitié du chemin vient d’être accomplie avec la suppression de l’article 1er. En toute logique, la suppression de l’article 2 doit suivre. Elle peut être opérée via cet amendement. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, avant de mettre aux voix l’amendement n° 2, je me permets d’appeler votre attention sur un point : si cet amendement est adopté, il n’y aura plus lieu de voter sur l’ensemble de la présente proposition de loi, dans la mesure où les deux articles qui la composent auront été supprimés. Il n’y aura donc pas d’explication de vote sur l’ensemble du texte.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)