Sommaire
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Jacques Gillot, Mme Odette Herviaux.
2. Publication du rapport d’une commission d’enquête
3. Demande de création d’une commission d’enquête
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
5. Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
6. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
8. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
Mise au point au sujet d’un vote
Mme Catherine Troendle, M. le président.
Discussion des articles (suite)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Serge Dassault, Patrice Gélard, Mmes Catherine Troendle, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Alain Gournac, Dominique de Legge, Charles Revet, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Retailleau, Jackie Pierre, Alain Houpert, Jean-Claude Lenoir, Mme Colette Mélot, MM. Bruno Sido, Jean-Pierre Leleux, Gérard Bailly, Gérard Roche, Christophe Béchu, Hugues Portelli, Philippe Darniche, Mmes Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille ; Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mise au point au sujet d’un vote
MM. Jean-François Husson, le président.
Amendements identiques nos 174 rectifié ter de M. François Zocchetto et 210 rectifié de M. Alain Milon. – Mme Françoise Férat, MM. Alain Milon, Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Marie-Thérèse Bruguière, M. René-Paul Savary, Mme Isabelle Debré, MM. Philippe Bas, Yves Pozzo di Borgo, Bruno Retailleau, Michel Mercier, André Reichardt. – Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
MM. Jean-Claude Lenoir, le président.
Amendement n° 81 rectifié quinquies de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
Amendement n° 208 rectifié bis de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 238 de Mme Esther Benbassa. – M. Esther Benbassa.
Amendement n° 211 rectifié bis de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 120 rectifié bis de M. Bruno Retailleau. – M. Bruno Retailleau.
Amendements identiques nos 121 rectifié bis de M. Bruno Retailleau, 164 rectifié de M. Michel Bécot, 166 rectifié de M. Jean-Pierre Leleux, 202 de M. Charles Revet et 251 de M. Alain Gournac. – MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Leleux, Charles Revet, Alain Gournac.
Amendement n° 231 rectifié de M. Philippe Darniche. – M. Philippe Darniche.
M. le rapporteur, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Patrice Gélard. – Retrait de l’amendement n° 81 rectifié quinquies ; rejet de l’amendement n° 208 rectifié bis ; retrait de l’amendement n° 238 ; rejet des amendements nos 211 rectifié bis et 120 rectifié bis.
MM. Jean-Pierre Leleux, Dominique de Legge, Alain Milon, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Bruno Sido, Bruno Retailleau. – Rejet des amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251 ; rejet de l’amendement n° 231 rectifié.
M. Christian Favier, Mme Esther Sittler.
Adoption de l'article.
Amendement n° 175 rectifié ter de M. François Zocchetto. – MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Patrice Gélard. – Rejet.
Amendement n° 216 rectifié de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 239 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 213 rectifié de M. Alain Milon. – M. Alain Milon.
Amendement n° 90 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
Amendement n° 62 rectifié quinquies de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
Amendement n° 143 rectifié de M. Hervé Marseille. – M. Jean-Léonce Dupont.
Amendement n° 148 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier.
M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Bruno Retailleau, Philippe Bas. – Rejet des amendements nos 216 rectifié, 213 rectifié et 90 rectifié bis.
M. Patrice Gélard. – Retrait de l’amendement n° 62 rectifié quinquies ; rejet de l’amendement n° 143 rectifié ; retrait de l’amendement n° 148 rectifié.
MM. Gérard Longuet, Bruno Retailleau.
Adoption de l'article.
Amendements nos 131 et 130 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. – Retrait des deux amendements.
L’article demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 1er quater (réservés jusqu’après l’article 23)
MM. Jean-Claude Lenoir, le président, Mme Isabelle Debré.
Amendement n° 30 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. – Rejet.
Amendement n° 29 rectifié ter de M. Patrice Gélard.
Amendement n° 183 rectifié quater de M. François Zocchetto. – M. Jean-Léonce Dupont
Amendement n° 277 de la commission. – M. le rapporteur.
Amendement n° 91 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
M. le rapporteur, Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. – Rejet des amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis ; adoption de l’amendement n° 277
Amendement n° 275 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. le rapporteur, Mmes Christiane Taubira, garde des sceaux ; Dominique Bertinotti, ministre déléguée. – Retrait.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
Mme Catherine Troendle, M. le président.
Amendements nos 68 rectifié bis et 92 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – MM. Patrice Gélard, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean-Jacques Hyest, René-Paul Savary, Bruno Sido, Mme Isabelle Debré, M. André Trillard, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Bruno Retailleau, Charles Revet. – Rejet de l’amendement n° 68 rectifié bis, l’amendement n° 92 rectifié bis devenant sans objet.
Adoption de l'article.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée ; MM. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; René Garrec, Bruno Sido.
Amendement n° 171 rectifié ter de M. François Zocchetto. – MM. Jean-Léonce Dupont, le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
9. Modification de l'ordre du jour
10. Nomination à une éventuelle commission mixte paritaire
11. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. – Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 254 de Mme Isabelle Pasquet. – Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Amendement n° 149 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jean-Claude Requier.
Amendement n° 93 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard. – Retrait.
Amendement n° 278 de la commission. – M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.
Amendement n° 132 rectifié bis de Mme Hélène Lipietz. – Mme Esther Benbassa.
Amendement n° 177 rectifié bis de M. François Zocchetto. – M. Gérard Roche.
M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. – Rejet de l’amendement no 254 ; adoption de l’amendement n° 149 rectifié, l’amendement n° 278 devenant sans objet ; rejet des amendements nos 132 rectifié bis et 177 rectifié bis.
Amendements nos 65 rectifié bis à 67 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
Amendement n° 94 rectifié bis de M. Patrice Gélard. – M. Patrice Gélard.
M. le rapporteur, Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Bruno Sido, Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois ; Bruno Retailleau, Jean-Pierre Leleux, Robert del Picchia, Gérard Cornu. – Rejet des amendements nos 65 rectifié bis à 67 rectifié bis et 94 rectifié bis.
Mme Esther Sittler, MM. Dominique de Legge, Gérard Cornu, Mme Catherine Deroche, MM. François-Noël Buffet, Bruno Sido.
MM. François Rebsamen, Gérard Longuet.
MM. Gérard Larcher, André Reichardt, René Beaumont, Patrice Gélard.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
12. Hommage au Secrétaire général du Sénat
M. le président.
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
13. Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
MM. Jean-Pierre Leleux, Philippe Bas, Jean-François Husson, Christophe Béchu.
Demande de vérification du quorum
Mme Catherine Troendle, M. le président.
MM. Michel Bécot, Jean-Claude Lenoir, François Zocchetto.
M. le président.
(Appel nominal)
M. le président.
Renvoi de la suite de la discussion.
14. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Pierre Bel
Secrétaires :
M. Jacques Gillot,
Mme Odette Herviaux.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Publication du rapport d’une commission d’enquête
M. le président. J’informe le Sénat que, ce matin, a expiré le délai de six jours francs pendant lequel pouvait être formulée la demande de constitution du Sénat en comité secret sur la publication du rapport fait au nom de la commission d’enquête sur l’influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, créée le 3 octobre 2012 sur l’initiative du groupe du RDSE, en application de l’article 6 bis du règlement.
En conséquence, ce rapport a été publié ce matin, sous le n° 480.
3
Demande de création d’une commission d’enquête
M. le président. Par lettre en date du 9 avril 2013, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, a fait connaître que le groupe CRC exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une commission d’enquête sur le rôle des banques et acteurs financiers dans l’évasion des ressources financières en ses conséquences fiscales et sur les équilibres économiques ainsi que sur l’efficacité du dispositif législatif, juridique et administratif destiné à la combattre.
La conférence des présidents prendra acte de cette création lors de sa prochaine réunion.
4
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale est parvenue à l’adoption d’un texte commun.
5
Candidatures à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. J’informe le Sénat que la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports.
Cette liste a été affichée conformément à l’article 12, alinéa 4 du règlement et sera ratifiée si aucune opposition n’est faite dans le délai d’une heure.
6
Dépôt d'un rapport du Gouvernement
M. le président. J’ai reçu de M. le Premier ministre, en application de l’article 39 de la loi n° 2005–706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires sociales et est disponible au bureau de la distribution.
7
Renvois pour avis
M. le président. J’informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (n° 441, 2012–2013), dont la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des finances.
J’informe également le Sénat que le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la sécurisation de l’emploi (n° 489, 2012–2013), dont la commission des affaires sociales est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale.
8
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (projet n° 349, texte de la commission n° 438, rapport n° 437, avis n° 435).
Mise au point au sujet d’un vote
Mme Catherine Troendle. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet du scrutin n° 148 sur l’article 1er du projet de loi. Alain Fouché a été déclaré votant contre, alors qu’il s’était abstenu.
M. David Assouline. C’est mieux !
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Discussion des articles (suite)
M. le président. Nous poursuivons la discussion des articles.
Chapitre Ier bis (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FILIATION ADOPTIVE ET AU MAINTIEN DES LIENS AVEC L’ENFANT
Article 1er bis (suite)
M. le président. Nous continuons l’examen de l’article 1er bis, entamé hier et sur lequel deux orateurs se sont déjà exprimés.
Je rappelle les termes de cet article :
Après le 1° de l’article 345-1 du code civil, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :
« 1° bis Lorsque l’enfant a fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ; ».
La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, autant il est légitime, et même urgent, d’améliorer la sécurité juridique des enfants élevés par un couple de personnes de même sexe, autant nous devons prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant et la problématique de la construction de son identité. Je regrette d'ailleurs beaucoup que cette notion juridique précise, qui correspond aux engagements internationaux de la France, ne soit pas prise en compte par le projet de loi ni par son étude d’impact.
Je vous en prie, mes chers collègues, ne faisons pas fi des droits de l’enfant au nom d’un droit absolu à l’adoption. L’adoption doit avoir pour objectif non pas de donner un enfant à une famille, mais de donner une famille à un enfant. Vous faites exactement le contraire de ce qu’il faudrait faire, puisque vous instaurez un droit à l’enfant. Un enfant, ce n’est pas un bien de consommation. Avoir un enfant, c’est une chance qui n’est hélas ! pas donnée à tout le monde, mais c’est surtout une immense responsabilité qui ne doit pas être prise à la légère, a fortiori par les législateurs que nous sommes.
M. David Assouline. Arrêtez avec ça, nous aussi, nous pensons aux enfants !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Beaucoup de couples homosexuels risquent d'ailleurs d’éprouver de grandes déceptions. Les belles promesses électorales s’effaceront devant la réalité des faits. Nombreux sont les pays qui ne peuvent concevoir la cellule familiale sans le critère de l’altérité sexuelle. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Agence française de l’adoption, l’AFA, un organisme indépendant, comme vous le savez.
L’adoption se fait aujourd’hui à 80 % auprès de pays étrangers, dans la mesure où, en France, nous avons la chance de connaître une diminution importante du nombre d’enfants adoptables. Or l’AFA relève que le volume d’adoptions internationales connaît lui aussi une décroissance importante depuis près de dix ans ; seuls 1 589 enfants ont été adoptés à l’étranger l’an dernier. Ce phénomène s’explique notamment par la diminution des abandons pour cause économique et le développement de structures sociales permettant de prendre en charge les enfants privés de famille dans les pays en voie de développement.
Parallèlement, le nombre de demandes émanant des pays d’accueil n’a cessé de croître.
Dans ce contexte, les pays concernés par l’adoption de leurs ressortissants ont dû faire en sorte de rééquilibrer l’offre et la demande, en mettant en place une politique de quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou en renforçant les critères de sélection, qui portent notamment sur la situation financière, le niveau d’éducation, l’état de santé ou encore l’engagement religieux des postulants à l’adoption. L’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels s’inscrit donc dans un contexte particulier, où chaque pays fixe des critères de sélection toujours plus restrictifs en fonction de ses codes sociaux, culturels ou religieux.
La plupart des pays qui autorisent l’adoption de leurs enfants par nos concitoyens ne reconnaissent pas la structure familiale organisée autour de l’homoparentalité. Même si, en France, l’homosexualité relève de la vie privée et ne peut constituer un critère pour la sélection des dossiers, cette position n’est pas partagée par l’ensemble de la communauté internationale. Il faut savoir qu’une soixantaine de pays pénalisent encore l’homosexualité, que beaucoup d’autres pratiquent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle et que la plupart manifestent explicitement, comme vous pourrez le lire dans la fiche relative à la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de personnes de même sexe : c’est le cas par exemple de la Colombie, du Burkina Faso, du Mali et de la Chine.
Certains pays – je pense notamment à la Chine et au Vietnam – demandent même à l’adoptant de rédiger une attestation sur l’honneur indiquant qu’il est hétérosexuel.
Le dernier élément du raisonnement est l’origine des enfants étrangers adoptés par des Français. Plus de 60 % de ces enfants proviennent de pays refusant explicitement l’adoption par les couples homosexuels ; seuls deux enfants étaient originaires du Royaume-Uni, qui autorise ce type d’adoption.
De tous ces éléments, on peut tirer deux conclusions. La première est évidente : sur la base d’une promesse électorale irresponsable, vous faites croire aux couples homosexuels qu’ils auront le droit à un enfant, alors que, en réalité, l’offre d’adoption est extrêmement réduite, voire quasi inexistante, pour eux. La seconde apparaît subrepticement : si les couples homosexuels ne peuvent satisfaire leur besoin d’enfant par le biais de l’adoption, ils se tourneront vers la gestation pour autrui, la GPA, et la procréation médicalement assistée, la PMA, ou encore, comme l’a souligné le Défenseur des droits lors de son audition, vers l’accouchement sous X, c'est-à-dire une forme de GPA qui ne dit pas son nom.
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault, sur l'article. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Serge Dassault. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne m’oppose pas au mariage des couples de personnes de même sexe, mais je suis totalement opposé à l’ouverture de l’adoption à ces couples, car cela conduira à des drames pour les enfants.
Comment pouvez-vous concevoir qu’un enfant, qui a besoin de l’amour de sa mère et de l’autorité de son père, puisse se développer normalement s’il en est privé ? Comment pourra-t-il supporter de ne pas avoir un papa et une maman comme les autres enfants ? Comment supportera-t-il de ne jamais savoir qui est sa vraie mère ou qui est son vrai père ? Il sera un éternel orphelin, il ne sera protégé par personne et grandira dans cette incertitude qui le traumatisera toute sa vie.
S’il est entouré de deux hommes, vers lequel se tournera-t-il s’il a besoin de protection ou d’affection ? (Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste.) S’il a peur, qui le consolera, qui le protégera ? S’il est entouré de deux femmes, laquelle s’occupera de lui ? On ne peut avoir qu’une mère et non pas deux, car alors elles ne seraient ni l’une ni l’autre la vraie mère. L’enfant ne trouvera jamais l’affection d’une mère fière et heureuse de s’occuper de l’enfant qu’elle a conçu, et il en souffrira. Il grandira dans cette incertitude qui le poursuivra toute sa vie.
Pour se développer normalement, les enfants ont besoin d’une ambiance familiale équilibrée où ils trouvent à la fois l’affection de leur mère et l’autorité de leur père. La famille est le noyau principal de la société ; c’est là que se prépare l’avenir, avec les enfants. Si ces enfants sont travailleurs et bien équilibrés, ils deviendront plus tard responsables de l’avenir. Mais s’ils sont malheureux, troublés par l’inconnu qui entoure leur naissance, s’ils n’ont pas d’équilibre familial, s’ils se sentent différents des autres, humiliés, s’ils sont privés de l’amour d’une mère que nul n’oublie, alors ce sera l’aventure et parfois le désastre.
Que deviendront-ils plus tard ? Seront-ils comme leurs parents adoptifs, écartés du circuit de la reproduction normale ? Leur vie sera un enfer.
C’est pourquoi, madame la ministre, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas accepter cette adoption contre nature qui ne produira que des drames pour ces enfants malheureux et compromettra l’avenir de la France. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, sur l'article.
M. Patrice Gélard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je voudrais remercier M. le rapporteur du travail de réflexion qu’il a mené sur l’adoption.
Pourtant, s’il a tenté de régler un certain nombre de problèmes, c’est en vain, car, en voulant trouver des solutions, il a, en fin de compte, mis en avant une série de difficultés concrètes en la matière.
Je m’explique : par les amendements qu’il a fait adopter par la commission des lois, il a, certes, fait sauter le verrou de l’article 360 du code civil, lequel constituait une anomalie constitutionnelle, puisqu’il prévoyait qu’un enfant qui avait été préalablement adopté ne pouvait pas faire l’objet d’une autre adoption, sauf « motifs graves ». Personne ne sachant ce que recouvrait vraiment cette notion, il était aisé de passer outre l’interdiction.
J’avais également déposé un amendement en ce sens, ainsi qu’une proposition de loi, qui n’a jamais été discutée, par laquelle j’avais imaginé créer une nouvelle catégorie d’adoption, à savoir l’adoption plénière partagée, laquelle aurait permis à des familles d’accueillir des enfants, qui gardaient des liens avec leur famille initiale, mais qui, en même temps, avaient une nouvelle famille.
M. Jean-Pierre Leleux. Très bien !
M. Patrice Gélard. Une telle solution permettait de régler de manière satisfaisante le problème d’accession aux sources et le sort d’orphelins qui, de fait, passaient d’une maison à une autre, de foyer en foyer, de famille d’accueil en famille d’accueil.
M. René Garrec. C’est vrai !
M. Patrice Gélard. Je regrette qu’elle n’ait pas fait l’objet d’un examen approfondi.
De même, M. Michel a corrigé une autre anomalie en vertu de laquelle, dans l’adoption simple, l’autorité parentale appartient à l’adoptant.
Or, comme il propose qu’il y ait à la fois un parent naturel ou adoptif et un autre, il fallait bien parvenir à un partage de l’autorité parentale. Mais, ce faisant, il a fait apparaître la multiplicité des cas qui vont se présenter.
Ainsi, certains enfants pourront faire l’objet d’une adoption plénière, mais jamais simultanée, car il n’y a pas d’enfants disponibles et, à moins de mettre en place des quotas au niveau départemental, je ne vois pas comment nous pourrons favoriser, pour une adoption plénière, un couple homosexuel par rapport à un couple hétérosexuel.
De même, il n’y aura pas d’adoption plénière simultanée d’enfants étrangers, car il n’y aura pas d’enfants adoptables par des couples homosexuels.
Cette adoption plénière simultanée n’existera donc pas. En revanche, il sera possible qu’un enfant ayant fait l’objet d’une adoption plénière ou dont la mère biologique est connue soit adopté de façon plénière, mais après coup, par l’autre parent.
Dans certains cas, ce ne sera pas possible, car l’enfant aura déjà deux parents. Dans ces situations, aucune adoption plénière ne sera permise, à moins que l’un des deux parents ne soit déchu de l’autorité parentale ou ne décède.
Il en sera de même pour l’adoption simple. Nous allons arriver à une situation assez étonnante : en effet, nous risquons d’avoir non plus deux parents, mais trois parents, à savoir le père, la mère et l’adoptant.
M. le rapporteur va même un peu plus loin, puisqu’il prévoit une seconde adoption postérieurement. En effet, il faut bien envisager le cas où les parents divorceront. À ce moment-là, le nouveau conjoint voudra à son tour adopter.
Vous le voyez, nous sommes face à une multitude de cas qui ne sont pas prévus dans le texte. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 1er bis, car il faut revoir l’intégralité de notre législation relative à l’adoption et à l’autorité parentale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Agence française de l’adoption est très claire dans les rapports qu’elle émet sur l’adoption : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %.
Ce phénomène s’explique notamment par l’amélioration des conditions de vie dans les pays en voie de développement. Ceux-ci ont désormais les moyens d’assumer progressivement les malheurs de l’orphelinat, soit que l’abandon pour raisons économiques se résorbe, soit que des structures sociales prennent en charge les enfants abandonnés.
En revanche, la diminution du nombre d’enfants adoptables que l’on constate également en France pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers pour adopter des enfants.
De ce fait, les pays qui font l’objet d’une demande toujours plus importante sont obligés d’instaurer des quotas – c’est le cas de la Thaïlande, du Cambodge et du Burkina Faso – ou de durcir les critères ouvrant droit à l’adoption. Ainsi vont être pris en compte non plus seulement des critères financiers, mais aussi des critères sociaux, religieux et culturels.
Or beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant. C’est le cas du Vietnam.
Ainsi, il est certain – dire l’inverse, c’est mentir aux couples homosexuels – que la majeure partie des pays qui accordent une adoption à des couples français écarteront d’office les dossiers se rapportant aux couples homosexuels ou à des individus dont l’orientation sexuelle ne peut pas être établie. Tel sera le cas pour la Colombie, le Mali, le Vietnam et le Burkina Faso. Or, à eux seuls, ces pays représentent plus de 60 % des adoptions réalisées chaque année.
D’ailleurs, le seul pays qui serait susceptible d’accorder les autorisations nécessaires à des couples homosexuels serait le Royaume-Uni, mais, en cinq ans, de 2005 à 2010, ce pays a délivré en tout et pour tout deux autorisations d’adoption.
Aussi, madame la ministre, qu’aurez-vous à répondre non seulement à tous ces couples dont la croyance en d’illusoires promesses va se heurter aux dures réalités des démarches administratives, mais aussi à ces pays, qui sont souverains et qui se verront stigmatisés, je pense, par les lobbies homosexuels les plus radicaux ? Que leur direz-vous ?
Mme Catherine Troendle. Pourtant, faut-il croire un instant que cette réalité vous arrêtera ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, vous avez déjà trouvé le moyen de contourner le problème : puisque le Gouvernement recherche à satisfaire un principe d’égalité, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raisons médicales, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes, afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.
L’ouverture de la PMA aux couples de même sexe est bien la suite logique du texte, à telle enseigne que certains amendements avaient été proposés à ce sujet. Simplement, le Gouvernement a souhaité attendre l’adoption du projet de loi sur le mariage pour les couples de même sexe, avant de proposer la PMA dans un prochain grand texte sur la famille.
Mais un droit à la PMA réservé à la femme, au prétexte qu’elle seule peut porter un enfant, est illusoire. Dès lors que la PMA sera accessible pour des femmes en couple, il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a d’ailleurs déjà été approuvé par le Gouvernement au travers de la circulaire Taubira concernant les enfants nés par GPA à l’étranger.
Vous passez donc votre temps à enfouir les problèmes, à ne rien dire ou, pis, vous mentez aux Français quand vous leur dites que ce texte n’aura aucun impact sur le droit des familles et sur la filiation.
Vous êtes des marchands d’illusions, mais le temps que vous voulez gagner contre les réalités économiques et sociales qui échappent au Gouvernement va jouer en votre défaveur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Oh non, madame Troendle, ce n’est pas vous qui avez écrit cela ! Je vous connais, cela ne vous ressemble pas !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, sur l'article.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je poursuis sur les chiffres relatifs à l’adoption.
Près de 25 000 foyers français bénéficient d’un agrément d’adoption depuis plusieurs années et on compte 2 000 enfants adoptables en France. Mme Troendle l’a dit, le nombre d’adoptions internationales a chuté de 4 000 en 2005 à 1 500 en 2012.
Depuis que la Belgique – je prends l’exemple d’un pays proche – a ouvert l’adoption aux couples homosexuels, voilà six ans, aucune adoption internationale n’a eu lieu.
L’adoption internationale va donc forcément diminuer, puisque de nombreux pays refuseront que leurs enfants soient adoptés par des couples homosexuels.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous vous alertons sur le fait que l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, dans les conditions que vous proposez, risque de porter un réel préjudice aux adoptions internationales.
Mais le plus grave, c’est que ce sont les enfants qui vont subir le plus grand préjudice : donner l’illusion juridique à l’adoptant qu’il va être pleinement le parent de l’enfant biologique de son conjoint de même sexe, c’est instaurer une filiation sociale qui nie la biologie et la filiation symbolique grâce à laquelle l’enfant pouvait, jusqu’à aujourd’hui, se structurer.
Mme Esther Benbassa. Encore !
Mme Françoise Férat. On ne s’en lasse pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Dans ce contexte, il est difficile de prétendre que le mariage entre personnes de même sexe ne change ni les règles du mariage pour les couples hétérosexuels ni l’avenir et la construction de nos futurs enfants, adoptés ou non.
Le droit donnera l’illusion aux enfants de couples homosexuels qu’ils sont issus de ce couple de même sexe. De son côté, l’enfant, lui, aura le sentiment psychique de ne pas avoir de père ou de mère.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Après la blessure de l’abandon, vous proposez donc aux enfants adoptés d’être définitivement privés de mère ou de père, alors même que ce sont eux qui ont le plus besoin d’un père et d’une mère. (Oh là là ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Un père, c’est celui qui engendre ; une mère, c’est celle qui donne la vie. Cela n’a pas de sens d’avoir deux pères ou deux mères. Cela n’existe pas et ne pourra jamais exister ! (Mmes Esther Benbassa et Hélène Lipietz s’exclament.)
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un enfant peut être élevé, en raison des aléas de la vie, par deux hommes ou deux femmes. Le sujet n’est pas là ! Mais il ne peut pas avoir deux pères ou deux mères !
Vous allez placer ces enfants dans des situations terribles alors que, je le répète, ils portent déjà en eux la blessure de l’abandon ou de la perte de leurs parents biologiques. (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Mettez-vous quelques instants à la place de l’enfant qui a été abandonné : que ressent-il ? que pense-t-il ? Il se demande pourquoi il a été abandonné !
Lorsqu’on on lui annoncera qu’il va avoir une famille, qu’il est adopté par deux hommes ou deux femmes, il se demandera probablement pourquoi, lui, il n’a pas le droit d’avoir un père et une mère comme les autres enfants.
C’est en regardant son père et sa mère que l’enfant devrait pouvoir se construire, trouver sa place, s’identifier et panser ses blessures.
Mes chers collègues, n’oubliez pas que ces enfants, comme tous les enfants, sont des adultes en devenir.
L’enfant ne peut pas être considéré comme un remède pour les couples de personnes de même sexe en mal de reconnaissance.
Mme Catherine Troendle. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. L’adoption doit être fondée sur l’intérêt supérieur de l’enfant, non pas sur un droit à l’enfant.
M. Bruno Sido. Absolument !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Le droit ne doit pas suivre le désir des uns et des autres, mais il doit poser les limites. La limite, que vous êtes en train de dépasser, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant !
En matière d’adoption, nous n’aurions jamais dû en arriver à ce stade, qui nous divise. Nous vous avions proposé l’union civile, qui aurait pu nous rassembler.
Mme Esther Benbassa. Elle n’a pas été votée !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous sommes en désaccord avec vous. Vous auriez pu accepter cette union civile, qui était le mariage sans l’adoption ni la PMA, mais vous avez refusé notre main tendue.
Je vous mets en garde : en faisant du mariage une affaire de droits et de sentiments en dehors de toute donnée naturelle, vous prenez une lourde responsabilité.
Je constate, d’ailleurs, votre difficulté à passer du questionnement éthique, qu’il est légitime d’avoir en cette enceinte, au registre de la loi. Mais vous ne réalisez pas l’étendue des difficultés dans lesquelles vous nous entraînez.
Vous créez une fracture de plus dans notre société, une fracture sociétale, ce que je regrette. C’est ridicule ! (M. François Rebsamen manifeste des signes d’impatience.)
Le doyen Gélard a fait un plaidoyer pour une grande loi sur l’adoption et j’adhère à sa proposition. Cessez de diviser les Français et de provoquer des fractures dans notre société ! Rassemblez nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, sur l’article.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avec cet article 1er bis, nous abordons la question cruciale de l’adoption plénière et de la filiation, question cruciale parce que l’intérêt supérieur de l’enfant est l’horizon de notre préoccupation.
Tout individu, quelle que soit son orientation sexuelle, a une égale capacité à procréer. Aussi tout citoyen est-il à égalité de droits dans le mariage, tel que le connaît notre code civil. Or les personnes homosexuelles souhaitant s’unir par le mariage ruinent ce principe d’égalité en portant atteinte à la possibilité de sa mise en œuvre. Elles-mêmes, en effet, s’interdisent et s’empêchent mutuellement d’être des procréateurs.
Avec l’adoption plénière de l’enfant du conjoint, on accorde aux couples d’homosexuels le beurre et l’argent du beurre – je ne reviendrai pas sur le gruyère, parce que cette réflexion ne m’a pas du tout plu ! Elle m’est restée sur l’estomac. (Sourires sur les travées de l'UMP.)
La contradiction, voire l’incohérence, des couples homosexuels tient à ce qu’ils veulent l’enfant à la fois ensemble et séparément : ils veulent s’unir devant le maire pour se séparer dans l’enfant, alors que les couples composés d’un homme et d’une femme, unis devant le maire, donnent corps à cette union dans l’enfant. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Dans un couple composé d’un homme et d’une femme, l’enfant est le signe extérieur de l’intimité de ses parents. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et si cet homme et cette femme, ne pouvant avoir d’enfant, en adoptent un, cet enfant demeure, aux yeux de la société tout entière, le signe plausible de leur intimité.
Dans un couple homosexuel, l’enfant cesse d’exprimer cette intimité. Or le présent projet de loi le prive de cette expression. Lorsque l’enfant de Victor Hugo paraît, mes chers collègues, il n’apparaît pas invraisemblable. Vous pouvez y mettre tout l’amour du monde que vous voulez, jamais cet amour ne pourra dissiper cette invraisemblable généalogie.
Il faut être obsédé jusqu’à l’aveuglement par le droit à l’enfant pour ne pas voir que votre projet de loi, madame la ministre, ruine une représentation fondamentale non seulement chez l’enfant, mais également dans la société tout entière.
Notre institution du mariage, telle que nous la connaissons, par l’encadrement ordonnancé de la part procréative de la vie sexuelle des hommes et des femmes, assure sa solidité et son équilibre à notre société.
Bertrand Delanoë déclarait avec ironie, dans le film de Jean-Luc Romero – que je cite pour la deuxième fois ! –, que le mariage était « classique ». Il ne croyait pas si bien dire, car « classique » vient du latin classis, qui signifie « bateau ». Or, les marins le savent, il est nécessaire, à bord, que tout soit perpétuellement bien ordonné pour assurer une parfaite navigation !
M. Bruno Retailleau. Vive le Vendée Globe ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Le Premier ministre prétend tenir la barre, avoir un cap. Pendant ce temps-là, vous mettez la pagaille à bord, avec ce projet de loi !
Non seulement le mariage homosexuel ruine le principe d’égalité, comme je l’ai rappelé, mais il ruine également la filiation. Le président de la commission des lois va sans doute nous expliquer, comme il sait si bien le faire, que les mots évoluent. Or vous ne faites pas évoluer le mot « mariage », vous vous en servez pour habiller deux réalités différentes. Essayez un peu de faire évoluer le mot « procréation » ! Venez me l’expliquer !
Mariage, filiation biologique, filiation adoptive, vous croyez faire évoluer ces mots, parce que vous mettez sous le boisseau le mot « procréation », qui est le cœur du débat, l’axe de toute cohérence et qui, lui, ne peut évoluer !
L’adoption plénière que vous proposez est une mise à mal de la filiation. Votre article 1er bis s’avère une voiture piégée jetée contre elle, qui ébranle tout l’édifice social. Nous n’en avons pas besoin en ce moment ! Je voterai donc contre cet article. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, sur l’article.
M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, à l’origine, le titre de ce projet de loi évoquait le mariage et l’adoption.
Toutefois, vous avez découvert assez rapidement que, si une majorité de nos concitoyens étaient ouverts à une évolution de notre législation et à l’ouverture de droits civils, sociaux, fiscaux en faveur des couples de même sexe, une majorité de Français n’étaient pas enthousiastes – c’est un euphémisme ! – à l’idée de voir les règles de la filiation chamboulées et avaient compris, en quelque sorte, que l’on ne pouvait pas créer un droit à la filiation.
C’est le même raisonnement qui vous a conduits à supprimer, dans un premier temps, les mots « père » et « mère » du code civil et, découvrant très vite qu’une majorité de nos compatriotes ne l’acceptaient pas, à inventer ce fameux « article balai ». Nous aurons l’occasion d’en parler.
Revenons au fondement de votre engagement, la fameuse mesure n° 31 du candidat François Hollande : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. »
Très clairement, pour nous, le mariage est non pas un droit, mais une institution. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption, sauf à dire que vous voulez créer un droit à l’enfant. Je ne vois pas comment vous pouvez créer un droit à l’adoption – les chiffres viennent d’être rappelés –, sachant que, par définition, l’adoption ne permettra pas aux couples homosexuels d’accéder à ce droit à l’enfant que vous créez à travers ce droit à l’adoption.
C’est précisément parce que ce droit-là ne verra jamais le jour que certains d’entre vous n’osent pas nous dire que, derrière ce texte, se profilent la PMA et la GPA.
C’est parce que nous ne voulons ni de la PMA ni de la GPA que nous refusons ce droit à l’adoption que vous voulez créer à la faveur de ce projet de loi.
Le droit à l’adoption n’existe pas, mes chers collègues, c’est un mensonge ! Et lorsque le Président de la République, chef de l’État, parle d’un droit à l’adoption, cela devient un mensonge d’État ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Un de plus !
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, sur l’article.
M. Charles Revet. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article dont nous abordons l’examen, à l’instar de l’article 1er, est l’un des plus importants du projet de loi qui nous est soumis, puisqu’il traite de l’adoption.
Monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous avez organisé des auditions nombreuses et intéressantes, qui m’ont appris beaucoup de choses importantes et inspiré quelques inquiétudes. Monsieur le rapporteur, lors de ces auditions, il me semble que vous nous avez dit, même si je ne vous cite pas mot pour mot, qu’il serait nécessaire de remettre à plat l’ensemble du dispositif relatif à l’adoption, parce qu’il ne correspondait plus aux situations vécues aujourd’hui. Vous avez même ajouté qu’il eût été préférable de le faire avant l’examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Je pense que je ne déforme pas vos propos, monsieur le rapporteur. (M. le rapporteur acquiesce.) C’est bien la preuve de l’enjeu que représentent cet article et l’ensemble des dispositions de ce projet de loi relatives à l’adoption.
Madame le garde des sceaux, vous nous avez dit que le débat avait eu lieu, mais encore faut-il s’entendre sur le sens du mot « débat » ! Des auditions nombreuses et intéressantes se sont tenues, nous avons pu poser nos questions, mais l’adoption représente un tel enjeu qu’elle exige une réflexion poussée et un véritable échange. Je suggère donc que nous reportions l’examen de ce dispositif, afin que la réflexion dont parlait M. le rapporteur puisse avoir lieu, et que nous le reprenions à l’occasion du débat sur la famille, puisque Mme la ministre chargée de la famille nous a annoncé un débat sur ce sujet dans quelques mois.
Madame le garde des sceaux, vous nous avez montré, en présentant ce texte sans vous référer à aucune note écrite, que vous maîtrisiez parfaitement ce dossier. Je vous ai posé une question à plusieurs reprises, et je ne suis pas le seul. Je vous la soumets une nouvelle fois, en espérant que vous pourrez nous répondre. En effet, si vous n’y répondiez pas, soit pour me contredire, soit pour apporter des éléments d’information, cela signifierait, pour nos collègues et les personnes qui suivent nos travaux, que vous acquiescez.
Si ce projet de loi est adopté et publié au Journal officiel, et si une famille ou une structure, quelle qu’elle soit, forme un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, pouvez-vous affirmer que la France ne risque pas de se voir imposer, au nom de l’égalité, des dispositions concernant, par delà l’adoption simple ou plénière, la PMA et, peut-être, la GPA ? Je vous remercie de la réponse que vous pourrez nous apporter. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela n’a rien à voir !
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, sur l’article.
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, les enfants élevés par des couples de personnes de même sexe ne se trouvent pas en situation d’insécurité juridique. Cet argument témoignerait d’une méconnaissance de la loi, parce que celle-ci a justement une vocation universelle : elle protège tous les enfants. Des possibilités en matière de tutelle, de partage ou de délégation de l’autorité parentale existent déjà.
Si ce projet de loi est adopté, le principe d’unité du mariage disparaîtra. Il y aura un mariage « hétérosexuel », qui continuera de garantir à l’enfant une double filiation par le biais de la présomption de paternité, et un mariage « homosexuel », où la filiation tiendra du virtuel. D’ailleurs, de nombreux homosexuels ne souhaitent pas l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, car elle reviendrait à priver les enfants adoptés d’un père ou d’une mère.
Pour les enfants adoptés, l’adoption maintient une analogie de structure entre le couple qui a conçu l’enfant et celui qui l’adopte. La filiation ne se réduit pas à la vérité biologique. En revanche, même si l’enfant n’est pas issu biologiquement de cette union, il peut se penser comme tel. Dans les cas d’adoption par une personne célibataire, le parent de l’autre sexe est considéré comme manquant. L’adoption par un célibataire ne crée donc pas de filiation incohérente.
Dans le cadre d’une adoption plénière, où toute la filiation initiale est effacée, reconnaître l’adoption par un couple homosexuel revient à s’émanciper totalement du modèle naturel de parenté et de filiation. L’enfant adopté par deux personnes de même sexe ne peut pas se penser comme issu de leur union.
En dépit du fait que le terme « parent » continuera à être utilisé, il changera complètement de sens, puisque donner à un enfant des parents de même sexe reviendra, en fait, à lui donner des éducateurs, mais à le priver de parents au sens propre du terme.
En autorisant l’adoption par des couples homosexuels, vous allez inscrire ces enfants dans une généalogie unisexe. Un enfant rattaché à deux mères est privé de père ; un enfant rattaché à deux pères est privé de mère. Pourquoi priver les enfants adoptés d’une mère ou d’un père ? A-t-on le droit d’enlever à un enfant le fait d’avoir une mère ou un père ? Certes, les orphelins n’ont pas de père ou de mère, mais c’est en raison des aléas de la vie et non parce que l’État l’autorise !
Nous ne doutons pas que les homosexuels soient capables d’élever un enfant, nous ne doutons pas de leur moralité ni de l’affection qu’ils peuvent donner à un enfant, mais ce n’est pas une raison pour légaliser ce mariage, qui entraîne trop de conséquences.
La privation définitive d’une mère ou d’un père, l’impossibilité de se construire au travers d’une filiation homosexuée, complètement fictive, risque, à terme, de conduire à la PMA et à la GPA pour tous.
Vous vous honoreriez donc, madame le garde des sceaux, à choisir l’intérêt supérieur de l’enfant plutôt que de bidouiller le droit de la famille ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Muguette Dini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avec cet article, nous arrivons à un point absolument central. En effet, parce qu’il concerne la filiation, l’adoption, il concerne, d’abord et avant tout, l’enfant.
Vous avez choisi, madame la garde des sceaux, la voie de la radicalité. Vous n’avez pas souhaité vous en tenir au seul mariage entre des personnes de même sexe. Vous allez ouvrir la filiation et l’adoption, mais sans en tirer toutes les conséquences.
Ce qu’il aurait fallu faire, ce sont des réformes globales. À partir du moment où vous vouliez abandonner la conception classique de la filiation, fondée sur la biologie, sur l’imitation de la nature ou de la biologie avec l’adoption, à partir du moment où vous vouliez inventer une filiation nouvelle, fondée sur la volonté, sur le projet de parentalité, alors il y avait une exigence. Cette exigence, c’était de mettre sur la table tous les moyens offerts pour créer cette nouvelle filiation pour les réformer de façon globale et cohérente. Et l’on sait que ces moyens sont au nombre de deux : l’adoption et les techniques de procréation médicale.
Vous ne l’avez pas fait, vous n’avez pas voulu le faire pour des raisons politiques, d’abord, et du coup, vous n’allez pas jusqu’au bout de votre logique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Votre texte, qui souffre de graves défauts de fabrication, encourt deux types de critiques.
Les premières critiques sont d’ordre juridique. Votre texte est critiquable sur le plan constitutionnel, sous l’angle de ce que l’on appelle l’« incompétence négative » du législateur et de l’exigence de clarté et d’intelligibilité de la loi.
Je m’explique.
En faisant figurer l’état des personnes dans le domaine de la loi, l’article 34 de la Constitution nous confie une responsabilité, celle de nous emparer et d’aller au bout du sujet, lequel englobe, justement, la filiation et l’adoption. Or nous ne le faisons pas puisque nous allons, par l’article 4 bis du projet de loi, laisser le soin au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, « les mesures nécessaires pour adapter l’ensemble des dispositions législatives en vigueur ». Nous allons le laisser régler un problème qui relève de nos responsabilités.
Et puis nous allons aussi renvoyer les problèmes au juge, auquel il reviendra de dire le droit. Car, faute d’être allé au bout de votre logique, vous présentez un texte qui comporte tant d’incohérences qu’il faudra demander au juge de se prononcer. Et cela n’est pas acceptable !
Nous sommes donc confrontés à un problème d’incompétence négative au sens où le Conseil constitutionnel l’entend, ainsi qu’à un problème de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, la réforme que vous nous proposez est une réforme à la découpe, enchaînant, aujourd’hui, le texte sur le mariage, la filiation et l’adoption, et, demain, une loi sur la famille qui traitera sans doute d’autre chose, notamment de la PMA. Et cela nuit, bien sûr, à la clarté de la loi !
Faire des choix politiques, pourquoi pas ? Ceux que vous faites ne sont pas les nôtres. Mais, au moins, assumez-les ! Dites-le aux Français ! Tirez-en toutes les conséquences juridiques !
Après ces premières critiques, qui sont d’ordre juridique, il y a d’autres critiques, beaucoup plus fondamentales, qui portent sur la question de l’intérêt supérieur de l’enfant. L’intérêt supérieur de l’enfant, c’est la clé de voûte, c’est l’alpha et l’oméga de notre droit interne, régulièrement constaté et rappelé par notre jurisprudence, comme de toutes les grandes déclarations internationales – je pense à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.
Or, madame le garde des sceaux, comment est-il possible que l’étude d’impact ait oublié rien de moins que les conséquences en matière d’adoption ? Ce n’est pas moi qui le dis, madame la garde des sceaux, c’est le Conseil d’État dans son avis ! Mes chers collègues, cela signifie qu’on a fait une réforme sans vérifier son impact sur les enfants. Cela en dit long sur l’aspect idéologique de la réforme ! Plutôt que l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il faudrait absolument promouvoir, c’est le droit à l’enfant que vous voulez instituer !
Comme vous n’en tirez pas, bien entendu, les conséquences, vous allez, malheureusement, créer un double traumatisme pour ces enfants : le traumatisme de la méconnaissance des origines, le double traumatisme d’être privé d’un père et d’une mère, une première fois parce qu’ils ont été abandonnés, une deuxième fois parce qu’ils auront soit deux pères, soit deux mères.
M. Éric Doligé. Bien sûr !
M. Bruno Retailleau. Tout cela n’est pas acceptable !
On sait très bien qu’il est plus compliqué pour ces enfants adoptés de se construire psychologiquement. Ils ont subi une blessure qu’il faut réparer. Oui, madame la ministre chargée de la famille, vous avez l’air de dire que tout cela n’est pas grave, dans la suite logique de ce que vous déclariez jeudi soir, ici même.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Elle n’a pas dit cela !
M. Bruno Retailleau. Je sais bien quelle est votre conception de la famille, mais ce que je veux vous dire…
M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure !
M. Bruno Retailleau. Je termine !
M. le président. Oui ! Il faut terminer, et vite !
M. Bruno Retailleau. Pour que ces enfants puissent s’identifier à des parents, il faudrait leur proposer une adoption pensable ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Ladislas Poniatowski. On le fait taire parce qu’il est bon !
M. le président. La parole est à M. Jackie Pierre, sur l’article.
M. Jackie Pierre. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’objectif de ce texte est sans ambiguïté : il vise à reconnaître pour les couples homosexuels un droit au mariage, mais aussi un droit d’accès à tous les attributs de la parentalité, notamment la transmission du nom et du patrimoine, et, surtout, la reconnaissance du lien de filiation et l’exercice de l’autorité parentale.
Bien que je ne partage pas du tout l’opinion de Mme le garde des sceaux, je dois bien admettre que cette revendication est logique dès lors que la question du mariage a toujours été intimement liée à la question de la filiation. Rappelons que le mariage ne peut se comprendre, même actuellement, qu’au regard de la présomption de paternité, dont il assure la protection.
En effet, cette filiation artificielle est indispensable puisque, vous en conviendrez, ni un couple d’hommes ni un couple de femmes ne peuvent procréer par eux-mêmes.
C’est pour cette raison, madame le garde des sceaux, que vous ouvrez l’adoption aux couples de même sexe. Néanmoins, il faut que les Français sachent que le pays ne pourra pas, à lui seul, faire face à la demande d’adoption.
D’une part, parce que le nombre d’enfants français adoptables s’est considérablement réduit au cours de ces dernières années ; d’autre part, parce que la plupart des adoptions d’enfants étrangers par des Français se font en accord avec des pays qui ne reconnaissent pas l’union homosexuelle.
L’Agence française de l’adoption est très claire sur ce dernier point : le nombre d’enfants étrangers adoptables est en constante diminution. Ainsi, entre 2005 et 2010, les adoptions internationales réalisées par les cinq premiers pays d’accueil ont diminué de 36 %. Pour autant, la demande, elle, ne faiblit pas puisque la diminution du nombre d’enfants français adoptables pousse nos ressortissants à se tourner toujours plus vers les pays étrangers.
Or, vous le savez, beaucoup de pays qui ouvrent l’adoption aux ressortissants français condamnent l’homosexualité ou pratiquent une discrimination envers les personnes homosexuelles. D’ailleurs, la plupart manifestent explicitement, dans la fiche pays de la convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, leur refus de proposer des enfants à des couples de même sexe – Colombie, Burkina Faso, Mali, Chine. D’autres demandent parfois une attestation sur l’honneur du caractère hétérosexuel de l’adoptant – c’est le cas du Vietnam, par exemple.
Pour remédier à ce problème, et puisque le Gouvernement cherche à satisfaire un principe d’égalité muable et sans contenu stable, la PMA, déjà ouverte aux femmes pour raison médicale – infertilité pathologique ou risque de transmission d’une maladie grave –, devra être étendue sans conditions aux couples de femmes afin de satisfaire un droit à l’enfant consacré par ce texte.
Mme la ministre chargée de la famille est très claire sur ce point puisqu’elle a dit qu’une loi sur la PMA « sera examinée au Parlement avant la fin 2013 ». Madame la ministre, vous avez d’ailleurs ajouté que la PMA sera abordée dans le cadre de ce projet de loi sur la famille et précisé que le texte concernera toutes les familles, hétérosexuelles ou homosexuelles.
Dès lors, la raison invoquée qu’un droit à la PMA soit réservé à la femme, sous prétexte qu’elle seule puisse porter un enfant, est illusoire. Il est évident que, par souci d’égalité, la GPA devra être ouverte pour les couples d’hommes. Ce dispositif a, d’ailleurs, déjà été approuvé par le Gouvernement.
Ainsi, nous l’avons toujours affirmé, en liant la question du mariage à celle de la filiation, ce qui est logique, vous ouvrez la porte à un droit à l’enfant qui bouleverse non seulement le droit de la famille, mais encore les droits bioéthiques.
Mme Esther Benbassa. Ce n’est pas possible d’entendre cela !
M. Jackie Pierre. C’est une réalité !
La médecine et les avancées dans ce domaine n’ont pas vocation à assouvir les besoins de consommation de nos concitoyens ! (Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) Si, aujourd’hui, la PMA est admise, c’est seulement pour des raisons médicales : pallier une stérilité pathologique ! Notre droit en matière de bioéthique se limite à cela puisque, depuis toujours, notre pays ne veut pas faire du corps humain une marchandise.
Cette position s’exprime d’ailleurs dans le domaine tant de la procréation médicalement assistée que de la GPA. Ni l’utérus, ni le ventre, ni aucune autre partie du corps humain de la femme ne peut se comparer aux bras des ouvriers ! (Mêmes mouvements.)
D’ailleurs, s’agissant du constat que je viens de dresser, certaines questions restent en suspens.
Si la PMA est légitimée en dehors des cas de maladie et si la GPA est tout simplement reconnue en France, pourra-t-on toujours, sauf à contrevenir au principe d’égalité, interdire aux femmes en couple avec un homme d’avoir recours aux dons de gamètes pour avoir un enfant avec telles ou telles caractéristiques ou à la GPA pour éviter les contraintes de la maternité ? (Vives marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.)
Madame la ministre, parce qu’un droit à l’adoption…
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. François Rebsamen. C’est trop long ! Il faut faire plus court !
M. Jackie Pierre. … dans lequel l’enfant serait considéré non plus comme un sujet, mais comme un objet, parce qu’un droit à l’adoption, disais-je, appelle un droit à la PMA et à la GPA au nom du principe d’égalité…
M. le président. Merci, mon cher collègue !
M. Jackie Pierre. Tout cela est bien lié et bien ficelé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Houpert, sur l’article.
M. Alain Houpert. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, par l’examen de l’article 1er bis de ce projet de loi, nous entrons dans le cœur du cœur de ce texte, la filiation adoptive. J’évoquerai non pas les aspects juridiques de la question, mais plutôt la dimension affective et émotionnelle du débat, cette dimension qui doit nous guider pour graver cette loi dans le marbre, parce que, après, nous ne pourrons plus l’effacer !
En 1998, lors du débat sur le PACS, Élisabeth Guigou, alors garde des sceaux, s’était engagée à ce que le projet qu’elle défendait n’ouvrît pas la boîte de Pandore de l’adoption et, donc, de la filiation.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Cela a déjà été dit !
M. Alain Houpert. Lors des débats à l’Assemblée nationale sur le PACS, le 3 novembre 1998, la garde des sceaux avait déclaré : « Le choix a été fait de dissocier pacte et famille car lorsqu’on légifère sur la famille, on légifère aussi forcément sur l’enfant. Le PACS ne change rien au droit actuel de la famille car la seule cohabitation de deux individus, pacte ou non, ne fait pas une famille. C’est donc volontairement que le pacte civil de solidarité est sans effet sur les règles de la filiation, de l’autorité parentale et sur les droits de l’enfant. »
Notre collègue Catherine Tasca, alors présidente de la commission des lois de l’Assemblée nationale, s’était empressée d’approuver ces propos. Mais, aujourd’hui, cette parole est reniée !
Mme Éliane Assassi. Elle a évolué !
M. Alain Houpert. Du PACS, vous souhaitez désormais, mes chers collègues, évoluer vers le mariage et l’adoption et, partant, vers la filiation et donc, demain, implicitement, vers la procréation médicalement assistée.
Comment vous croire lorsque vous nous dites que le projet de loi présenté aujourd’hui ne concerne que le mariage et l’adoption ?
Nous sommes tout à fait favorables, sur un plan juridique, au renforcement du PACS, qui apparaît insuffisant en matière d’égalité de droits entre couples homosexuels et hétérosexuels.
Nous sommes donc favorables à une véritable union civile. Toutefois, de notre point de vue, le renforcement de ces droits n’inclut pas le droit à l’enfant, car l’enfant n’est pas un droit.
Par ailleurs, l’égalité des droits ne signifie pas l’égalitarisme. L’égalité juridique, c’est traiter de manière inégale des situations inégales.
Un couple de personnes de même sexe ne peut pas procréer naturellement ; il ne peut donc avoir les mêmes droits en matière de filiation.
L’enfant n’est ni un droit ni une chose. Il ne saurait être une réponse à une frustration liée à l’incapacité naturelle d’un couple de même sexe de procréer.
Je partage tout à fait l’idée selon laquelle un couple homosexuel peut donner de l’amour à un enfant, et bien l’éduquer. Toutefois, je réfute l’argument utilisé par certains, selon lequel il vaut mieux être élevé par un couple homosexuel aimant plutôt que par un couple hétérosexuel en crise, au sein duquel, par exemple, le père serait violent.
On ne peut être que d’accord sur le fond avec une telle argumentation, mais celle-ci est cependant trop facile !
M. Jean-Jacques Mirassou. Elle existe pourtant !
M. Alain Houpert. Un enfant, pour se construire, a besoin d’un modèle masculin et féminin. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Dire le contraire, et je parle en médecin,…
Mme Éliane Assassi. Quel argument ! On ne parle pas de médecine !
M. Alain Houpert. … reviendrait à remettre en cause les travaux de Freud, ainsi que l’importance des complexes d’Œdipe et d’Électre dans la construction de l’enfant. (Mêmes mouvements.)
Mme Éliane Assassi. Scandaleux !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous encouragez les inégalités !
M. Alain Houpert. C’est non pas le besoin d’un second parent qui est en cause, mais la nécessité d’avoir les deux sexes en modèle de référence, afin de se construire de manière équilibrée, de construire sa personnalité au regard d’un modèle à la fois masculin et féminin.
Mme Esther Benbassa. Et les familles monoparentales ?
M. Alain Gournac. Et la parité ?
M. Jean-Pierre Raffarin. Vive la parité pour tous ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Houpert. Respecter l’enfant, c’est respecter le droit de l’enfant de se construire autour de cette différence, de cette dualité, de cette richesse qui a construit notre société.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Alain Houpert. Un enfant est un être en devenir qui a besoin de se construire autour de cette altérité qui s’additionne : le masculin et le féminin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, sur l’article.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, j’entends déjà le Gouvernement dénoncer, comme il ne manquera pas de le faire dans un instant, le caractère itératif de nos prises de parole.
M. René Vandierendonck. Mais non ! (Rires sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. François Rebsamen. C’est un peu le cas…
M. Jean-Claude Lenoir. Sans doute Mmes les ministres préféreraient-elles des interventions semelfactives !
Je ne serai pas original, mais, pour autant, je n’en serai que plus sincère.
J’ai lu avec beaucoup d’attention, comme mes collègues, le texte qui nous est proposé. Son intitulé est le suivant : « Projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ».
Le mot « adoption » a été supprimé, alors qu’il faisait partie des engagements du candidat François Hollande. Après tout, je crois savoir que certaines de ces promesses, que je n’ai pas toutes retenues, attendent toujours d’être satisfaites…
Dans le projet de loi finalement soumis au Parlement, il n’est donc plus question d’adoption. Or voilà de nouveau le sujet à l’ordre du jour, l’Assemblée nationale ayant adopté un certain nombre de dispositions à cet égard, qui constituent le deuxième pilier de ce texte.
Nous avons longuement débattu de l’article 1er, qui concerne l’ouverture du droit au mariage pour les couples homosexuels ; nous aurions pu nous arrêter là, considérant, comme c’est notre cas, que ce texte ne correspond pas à ce que nous souhaitons. Nous avions proposé un contrat d’union civile qui vous aurait donné toute satisfaction.
Nous aurions donc pu faire une pause, puis nous retrouver pour réfléchir au sort qui serait réservé au grand absent de ce débat : l’enfant.
L’enfant ne s’exprime pas. Nous devinons cependant qu’il est évidemment concerné et qu’il pourra, demain, s’interroger sur le sort qui lui a été réservé à l’occasion de ce débat et dans le texte qui sera éventuellement adopté.
Loin de moi l’idée de porter un jugement sur la capacité des uns et des autres, couples hétérosexuels ou homosexuels, à bien élever un enfant et à faire en sorte qu’il se sente bien. La question n’est pas là.
Nous nous sommes demandé, puisque vous vouliez aborder le sujet de l’adoption, si nous allions plutôt retenir l’adoption simple ou l’adoption que l’on qualifie de plénière.
Pour ma part, j’ai été particulièrement convaincu par les arguments exposés par le doyen Gélard. L’aspect « bricolé » du texte qui nous est proposé, son caractère artisanal en quelque sorte, doit nous conduire à prendre conscience ensemble de la nécessité de renvoyer à plus tard, après une large consultation, la discussion d’un dispositif entier relatif à la famille.
Nous sommes d’ailleurs en plein paradoxe : vous nous annoncez un texte consacré à la famille et, déjà, nous anticipons cette discussion puisque nous évoquons déjà ce sujet ! Pourquoi ne pas attendre ?
En réalité, nous voyons bien quel est le but de la manœuvre. Après vous être efforcés de cacher les intentions réelles du Gouvernement, et sans doute de la majorité, le porte-parole dudit gouvernement a déclaré que celui-ci était favorable à la PMA : personne ne l’a contesté, quand bien même ces déclarations dataient du 28 janvier dernier, car c’est ce que vous voulez !
Nous savons bien que les demandes des couples homosexuels en matière d’adoption ne seront pas satisfaites. Sur ce point, votre texte est un mensonge, car le nombre d’enfants en situation d’être adoptés a beaucoup diminué ces dernières années.
Pourquoi faire croire à des couples homosexuels qu’ils pourront adopter, qu’il s’agisse d’ailleurs – ce débat n’a en effet plus aucun sens ! – d’adoption simple ou d’adoption plénière ?
Nous savons, je le répète, qu’il n’y aura pas suffisamment d’enfants adoptables. Pour satisfaire la demande, somme toute assez légitime, de ces couples qui souhaitent avoir des enfants, vous nous expliquerez qu’il n’y a pas d’autres solutions que la GPA et la PMA.
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. François Rebsamen. Ce n’est pas le sujet !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous nous direz dans quelques mois, une fois établi le constat selon lequel il n’est pas possible d’adopter plus d’enfants que ceux qui se présentent à l’adoption, qu’il convient de recourir à d’autres moyens pour satisfaire cette demande.
Mes chers collègues, on se bouscule au bal des hypocrites ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.) J’avais même à l’esprit une autre expression…
Mme Esther Benbassa. C’est plutôt le bal des vampires !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous pourrez alors pratiquer la danse que vous aimez le mieux et dont vous êtes des spécialistes, le tango : deux pas en avant, un pas en arrière ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. C’est incorrect !
M. Jean-Claude Lenoir. Vous voulez abuser les parlementaires et tromper l’opinion française. Nous sommes là pour dénoncer cette manœuvre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Je suis bouleversé… (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot, sur l’article.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, nous l’avons tous compris, cet article sur l’adoption aura de graves conséquences, non pas seulement sur notre droit de la famille, mais aussi sur la philosophie bioéthique qui oriente notre système de santé.
Je ne répéterai pas les propos qui ont été tenus sur la PMA et la GPA. Aujourd’hui, tous les doutes ont été levés : l’adoption entraînera inéluctablement un glissement vers la PMA et la GPA !
Ce texte me donne l’occasion d’aborder un point sur lequel le Gouvernement n’est pas très clair.
Vous nous assurez depuis le début de cette discussion, mesdames les ministres, que le projet de loi ne changerait rien pour les couples hétérosexuels ! Or c’est complètement faux, et l’article sur l’adoption nous en donne un exemple flagrant.
Tout d’abord, il me paraît normal d’aborder dès à présent la question du nom – nous aurons l’occasion d’y revenir, puisque c’est la conséquence directe de cet article –, sans toutefois la développer autant qu’elle le sera par la suite.
Lorsqu’un couple de deux hommes ou de deux femmes adoptera un enfant, il faudra bien trancher la question de la transmission du nom de famille, n’est-ce pas ! Si les deux conjoints se mettent d’accord sur le nom qu’ils souhaitent transmettre, alors, j’en conviens, il n’y aura pas de problème ; mais qu’arrivera-t-il si jamais ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, ou bien si, par erreur, ils ne signalent pas expressément leur choix ?
Aux termes de la nouvelle règle, il conviendra de transmettre à l’enfant le nom de ses deux parents selon un ordre organisé par les textes, à savoir l’ordre alphabétique en l’absence d’accord des parents.
Quoi qu’il en soit, les couples hétérosexuels seront concernés par cette modification. Or la règle en vigueur jusqu’à présent disposait qu’à défaut de précision expresse, le nom transmis à l’enfant devait être celui de son père. Pourquoi, me direz-vous ? Non pas pour des raisons machistes, mais parce que le mariage, nous ne cessons de le dire, englobe la présomption de paternité.
Or qu’est-ce ce qui concrétise la présomption de paternité ? La transmission du nom du père à son enfant !
Les choses sont donc simples. En ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, avec les conséquences pratiques que cela entraîne, vous faites peser ce choix sur l’ensemble des couples hétérosexuels.
Peut-être cela ne signifie-t-il pas grand-chose pour vous, mais pour des millions de Français, cela veut dire beaucoup.
Il faut concevoir le mariage comme un tout : l’altérité sexuelle s’explique par la procréation, et la transmission du nom de famille à l’enfant par la présomption de paternité. Ce sont tous ces éléments que vous fragilisez avec le présent projet de loi !
Par ailleurs, je voudrais comprendre pourquoi Mme le garde des sceaux ne se préoccupe pas d’égalité lorsqu’il s’agit des enfants dont il est question dans ce texte.
Pour ce qui concerne l’égal accès des enfants à une famille, qui devrait être l’une des préoccupations majeure dans ce débat, je rappellerai, comme nombre d’autres collègues avant moi, que beaucoup de pays ouvrant l’adoption à des couples français le font, notamment, sur la base de leur situation matrimoniale. Certes, cette position peut vous déplaire ; elle n’en constitue pas moins une réalité.
Par ailleurs, ce texte entraîne une rupture d’égalité entre les enfants qui auront le droit à un père et une mère, et ceux qui en seront privés. Ces derniers voudront un jour rechercher leurs parents, et les blessures suscitées par ce projet de loi seront alors profondes, causant des traumatismes psychologiques et des carences affectives. C’est un grave problème, auquel vous ne répondez pas ! (Mme Esther Benbassa s’exclame.)
Je crois que ce silence, comme celui qu’oppose le Gouvernement aux questionnements de tous les Français, lui coûtera cher !
Vous ne cessez de nous reprocher de ralentir la procédure, de nous répéter.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Eh oui !
Mme Colette Mélot. C’est pourtant bien normal, puisque vous ne répondez pas à nos questions !
Mme Cécile Cukierman. Nous ne sommes pas d’accord avec vous !
Mme Colette Mélot. De deux choses l’une : soit vous vous moquez complètement des interrogations que nous soulevons, et qui sont pourtant celles, légitimes, des Françaises et des Français, soit vous n’avez pas de réponse à nous donner parce que vous savez que le tableau que nous dressons correspond à la réalité. Dans tous les cas, c’est bien malheureux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, sur l’article.
M. Bruno Sido. Je vous avais dit, madame la ministre chargée de la famille, que nous nous retrouverions après l’article 1er pour débattre de ces questions de fond.
Je tiens à dire une nouvelle fois combien il est regrettable, de mon point de vue, que le contrat d’union civile n’ait pas été adopté. C’était en effet la bonne solution, celle qui aurait permis d’éviter tous les problèmes liés à la PMA et à la GPA.
Je veux saluer, à cet égard, les propos excellents tenus par le doyen Gélard, Jean-Jacques Hyest et tous les orateurs qui sont intervenus pour défendre cette proposition. Pourtant, rien n’y a fait !
Nous avons l’impression d’une « bunkerisation » de la majorité et du Gouvernement, majorité qui, je le précise, libre de voter comme elle l’entend, n’est pas le moins du monde « godillot » et a soutenu et voté avec beaucoup d’enthousiasme l’article 1er.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n’avons pas besoin de vous pour savoir ce qu’il faut faire !
M. Bruno Sido. Cet article ayant été voté, et puisque le mariage emporte l’adoption, ainsi que vous l’avez dit, madame le garde des sceaux, les difficultés commencent.
Avec cet article 1er bis, nous voici au pied du mur, et nous sommes toujours au cœur du sujet.
On aurait pu écouter le Comité consultatif national d’éthique. Il n’en a rien été !
On aurait pu créer une commission ad hoc – après tout, elle n’aurait pas été la première ! –…
M. Alain Gournac. Ils adorent ça !
M. Bruno Sido. ... pour discuter de ces sujets de fond et trouver des solutions adaptées. Je vous signale d’ailleurs que le doyen Gélard vient de nous expliquer à nouveau, et je l’en remercie, qu’il conviendrait de revoir l’ensemble du corpus législatif concernant l’adoption.
La commission des lois elle-même, monsieur le rapporteur, aurait également pu faire des propositions alternatives ou des annonces, bref bouger. Il ne s’est rien passé !
J'en veux d'ailleurs un peu à François Rebsamen d’avoir transformé la majorité du Sénat, au moins le groupe socialiste, en toile cirée. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Quoi que l’on dise, on n’obtient aucune réponse !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. On connaît votre capacité de réaction à vous !
M. Jean-Pierre Godefroy. Et vous ? Rappelez-vous les retraites, le CPE ou d'autres débats !
M. Bruno Sido. Il ne se passe rien ! Le débat n’a pas lieu ou alors il se réduit à un monologue de l'opposition, car nous n’entendons pas nos collègues. C’est fort dommage ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ils n'en ont rien à cirer ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Le Gouvernement, la majorité, la commission des lois font en quelque sorte preuve d’autisme.
J'en viens maintenant aux enfants, puisque c'est le cœur du sujet. Cela a été rappelé, mais je le répète : les enfants ne sont pas des objets, ce sont les premiers concernés. Ils sont sensibles et les enfants adoptables, qui sont blessés, cherchent plus que les autres la normalité vis-à-vis de leurs camarades.
Vous le savez, dans les collèges ou dans les lycées, c'est la dictature de la normalité : tout le monde est habillé de la même manière. (M. David Assouline s’exclame.) Bien sûr ! Et vous qui êtes professeur, monsieur Assouline, vous le savez mieux que quiconque : les enfants ne veulent pas se distinguer les uns des autres.
Avec plusieurs de mes collègues, j’ai essayé de démontrer que l’adoption, nationale ou internationale, deviendrait impossible. Il ne reste que l'adoption de l'enfant du conjoint ou – et l’on revient toujours au même sujet – la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
Margaret Thatcher...
Mme Cécile Cukierman. Elle est morte !
M. Bruno Sido. Feu Margaret Thatcher aurait dit : il n'y a pas d'alternative ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Permettre l'adoption pour les couples de même sexe aujourd'hui, c'est permettre la PMA ou la GPA demain.
Vous n’êtes pas intervenue à ce sujet hier, madame le garde des sceaux. Je dois même dire que vous sembliez gênée. (Mme le garde des sceaux esquisse un geste de surprise.) Vous avez préféré parler du gruyère qui picotait plutôt que de cette question lourde ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) D'ailleurs, je précise, pour la bonne information de M. le rapporteur, que l'emmenthal ou le gruyère sont d'origine helvétique ! (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le rapporteur ne m'écoute pas : il est en train de dormir, comme à son habitude ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Dites des choses sensées !
M. Bruno Sido. Madame le garde des sceaux, c'est maintenant qu'il faut nous dire la vérité.
M. le président. Mon cher collègue, vous avez épuisé le temps de parole qui vous était imparti !
M. Bruno Sido. Monsieur le président, j’interromps donc mon intervention, mais je reprendrai la parole. En tout cas, je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Quel galimatias !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, sur l'article.
M. Jean-Pierre Leleux. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention s'inscrit dans le droit fil de celle de M. Sido.
L'article 1er bis, dont nous commençons l’examen, découle de l'article 1er qui a été voté. C'est parce que nous savions que l'adoption serait consécutive à l’introduction du mot « mariage » que nous nous sommes battus, tous autant que nous sommes, pour tenter de lui substituer l'expression « union civile ».
Par cet article, vous confirmez que vous voulez créer un droit à l'enfant au détriment des droits de l'enfant. Ce faisant, vous apportez une réponse à un désir exprimé par des adultes, désir presque physique des couples homosexuels d'avoir un enfant et de l'élever. Votre démarche est compréhensible, car il est normal que le politique essaie de répondre favorablement à un désir exprimé par des adultes.
Si nous pouvons entendre ce souhait formulé par ces couples, ce désir a-t-il pour autant le droit de dépasser le droit de l'enfant ? À nos yeux, il ne saurait en être question : le désir exprimé par des adultes d'avoir un enfant ne peut primer le droit de l'enfant d'être élevé dans l'altérité sexuelle d'un père et d'une mère.
J'entends déjà vos objections : les familles monoparentales, les enfants orphelins… Bien sûr, ces souffrances existent, elles ne nous échappent pas. Notre rôle à nous, pouvoirs publics, est de les soulager, de les accompagner, non de généraliser un problème. (Mme le rapporteur pour avis s’exclame.)
Mes chers collègues de l’UMP, je tiens à vous saluer, parce que vous intervenez tous, certes dans l'itérativité, mais avec une conviction qui m’époustoufle. Je suis heureux de faire partie de ce groupe (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)…
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Tant mieux !
M. Jean-Pierre Leleux. … dont chacun des membres, avec sa personnalité, s'exprime dans cet hémicycle pour se heurter, me semble-t-il, non pas à une toile cirée, mon cher Bruno Sido, mais à un mur. Dans cette attitude, je discerne…
M. Roger Karoutchi. Du mépris !
M. Jean-Pierre Leleux. … de l'indifférence, parfois de l'ironie, souvent du dédain, voire, je le regrette, du mépris.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. De la consternation aussi !
M. Jean-Pierre Leleux. Que se cache-t-il derrière ce ciment et derrière ce mur ? Je sais pertinemment que, parmi les gens de gauche, beaucoup sont extrêmement réticents devant ce texte.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Évidemment, on en connaît tous !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et chez vous, certains ne sont pas pour ?
Mme Cécile Cukierman. Vous faites les débats et vous parlez pour nous !
M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaite citer une philosophe que vous connaissez bien et qui, aujourd'hui, inspire mon respect par le courage dont elle fait montre. Loin de moi l’idée de l’instrumentaliser, elle m’en voudrait, mais je rappelle qu’elle parle d'« intoxication idéologique » : « En réalité, je pense qu'il y a énormément de gens de gauche qui sont extrêmement sceptiques sur ce projet. Je crois que le Gouvernement s'est fourvoyé en unissant d'entrée de jeu le mariage et l'adoption, ce qui constitue immédiatement les deux époux comme un couple parental. »
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Complètement fourvoyé !
M. Jean-Pierre Leleux. Vous l’aurez deviné, il s’agit de Mme Sylviane Agacinski (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste), courageuse philosophe, qui inspire la pensée de gauche et dont je voudrais un jour qu'elle touche votre conscience pour que le ciment qui vous unit dans une discipline partisane se fissure et que vous ayez le courage de nous accompagner et de voter la suppression de cet article ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. François Zocchetto applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly, sur l'article.
M. Gérard Bailly. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes là au cœur de ce projet de loi et nous abordons un thème qui m'attriste. Comme ma collègue députée Marie-Christine Dalloz, qui est issue du même département que moi, je considère que « la modification profonde de la filiation est bel et bien inscrite dans ce texte, même si le Gouvernement essaie de nous faire croire qu’elle fera l’objet d’un autre texte, d’un autre débat – peut-être aurons-nous d’ailleurs réellement un débat au moment du projet de loi sur la famille. En effet, comme le mariage, la filiation est une notion essentielle du droit de la famille tel que nous le connaissons. Juridiquement, le mariage ouvre droit à l’adoption et demain, au nom de la même égalité qu’aujourd’hui, puisque nous sommes sur ce registre, à la PMA pour les couples de femmes et à la GPA pour les couples d’hommes ».
« Les désirs des individus ne sont pas constitutifs de droits ou de créances sur la société. Toute la partie du code civil relative à la filiation adoptive doit être lue au travers de ce principe d’interprétation et d’application. »
C’est pour cette raison que je ne souhaite pas que soit instauré un droit à l’enfant, comme vous voulez le faire, même si un certain nombre de couples, homosexuels ou hétérosexuels, le souhaitent. Ce n’est d’ailleurs pas ce qui se passe dans les commissions d’agrément : ce n'est pas parce que les gens veulent des enfants qu'on leur délivre un agrément. Ainsi que je l’ai fait remarquer au cours de nos débats, donner des enfants aux couples homosexuels n'est pas la solution.
Il est clair que le droit à l'enfant nie le droit de l'enfant. Un certain nombre d'entre vous, notamment les plus raisonnables, s'accordent pour donner la primauté au droit de l’enfant. Si vous êtes d’accord avec cette idée fondamentale, vous devez accepter d’inscrire dans la loi qu’il n’y a pas de droit à l’enfant et qu’il n’y en aura pas.
Il est parfaitement compréhensible et respectable que les couples de même sexe aient un désir très fort d’enfant, mais il appartient à la société, à nous, législateurs, d’accorder la priorité au droit de l’enfant et de ne pas céder à ce fantasme, à cette attente, à ce désir, même s’ils sont compréhensibles. C'est le droit de l'enfant d'avoir un père et mère ; je pensais, mes chers collègues, que vous partagiez également ce point de vue.
Il est surprenant que ce projet de loi ne parle jamais de l’enfant. C’est à l’opposition, et à elle seule, que l’on doit d’avoir ouvert la question centrale des droits sacrés de l’enfant. Est-ce bien le souci du Gouvernement, du ministre chargée de la famille ? Cela nous étonne.
Vous prétendez que ce texte ne crée pas de situation nouvelle. Bien sûr que si ! Dès lors que le mariage sera autorisé pour deux personnes de même sexe, nous serons dans une situation nouvelle, parce que certains enfants vivront avec deux mères ou deux pères C’est une situation totalement nouvelle qui sera légalisée. Certes, elle existe aujourd’hui, mais elle n’est pas la règle. Or vous voulez en faire la règle de demain, voire permettre à ces couples d’obtenir l’adoption d'un enfant extérieur à eux-mêmes, ce que, en tant que président de conseil général, je n’acceptais pas.
Dans ces conditions, nous devons accorder la priorité absolue au droit de l’enfant de vivre avec un père et une mère.
Cette idée n’est pas d’ailleurs le monopole des hommes politiques et je ne rappellerai pas les propos de Mme Guigou qui ont déjà été cités. Il n’est qu’à lire l’analyse du pédopsychiatre Pierre Lévy-Soussan dans le Figaro Magazine du 5 novembre 2012.
Mme Esther Benbassa. Ah ! Le Figaro Magazine !
M. Gérard Bailly. Réaffirmer qu'il n'existe pas de droit à l'enfant, c'est donc faire usage du principe de précaution au regard de deux dérives : d’une part, les avancées technologiques, qui nous obligent à anticiper un phénomène de marchandisation des êtres humains, d’autre part, la filiation fictive via l’adoption que ce texte veut instaurer au titre du principe d’égalité.
Or ce principe d’égalité qui vous aveugle nous conduira inéluctablement à la procréation médicalement assistée pour convenance – et non plus pour raison médicale – et à la gestation pour autrui, laquelle est contraire à la dignité de la femme.
Mes chers collègues, je ne comprends pas que, de ce côté de l’hémicycle, nous soyons quasi unanimes à penser que l’adoption suppose un père et une mère et que, de l’autre côté, comme si un mur avait été érigé entre nous, personne ne pense que, comme nous, il faut un père et une mère à un enfant. Je n'arrive pas à comprendre un tel clivage politique sur ce sujet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Nous devons le dire haut et fort : chaque enfant a droit à un père et à une mère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Roche, sur l'article.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je n'ai pas rédigé mon intervention à l’avance, parce que, sur un sujet aussi grave, il me semble que l’on peut parler avec son cœur, de façon simple et spontanée.
Vous pensiez que, dans l'opinion publique, les thèmes que nous abordons dans le cadre de ce débat – le mariage, l'adoption, la PMA et la GPA – iraient decrescendo ; or, à mon avis, c'est le contraire qui se produit : les discussions iront crescendo. Hier, nous avons débattu du mariage, aujourd'hui, c’est de l'adoption qu’il s’agit, demain, il sera question de PMA et de GPA.
Gérard Bailly a raison de parler de mur, mais, plus que d’un débat entre la droite et la gauche, je pense qu’il s’agit d'un débat avec notre conscience. Le point de fracture surgira lorsque nous aborderons la question de la PMA et de la GPA.
Le débat ne doit pas se faire dans la rue. Il ne doit pas non plus être dans l'invective, comme on l'a vu à l'Assemblée nationale, où les discussions étaient trop politiques. Nous devons faire preuve de tolérance et parler.
Je n'ai pas l'outrecuidance de décréter ce qu'il faut penser : je me pose des questions.
La première interrogation s’est imposée à moi après l’audition de Pierre Lévy-Soussan, pédopsychiatre de renommée internationale.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il y en a d'autres !
M. Gérard Roche. Alors que je suis moi-même médecin neurologue, son intervention m’a beaucoup frappé. Il nous a expliqué que, quoi que l'on fasse, puisque l'enfant passait neuf mois dans le ventre de sa mère, il y avait dans la vie affective de celui-ci une asymétrie entre le père et la mère, asymétrie contre laquelle on ne pouvait pas lutter.
Il explique qu’un enfant adopté par un couple hétérosexuel peut reporter cette asymétrie affective sur ses parents adoptifs. Mais que se passera-t-il, s’est-il demandé, dans le cas d’un couple adoptif homosexuel ? Qu’adviendra-t-il de cette asymétrie affective, et quelles en seront les conséquences pour l’enfant ?
Je voulais vous faire part de cette interrogation, mes chers collègues, car, depuis que j’ai entendu ses propos et acheté son livre, je me pose vraiment des questions.
Ma deuxième interrogation tient au fait que, en tant que président de conseil général, je signe des agréments d’adoption. De fait, je connais le parcours du combattant auquel les familles candidates doivent se livrer. Certaines doivent attendre cinq ou six ans.
Pour 25 000 demandes courantes et 8 000 demandes supplémentaires chaque année, il n’y a environ que 5 000 enfants adoptés en France chaque année, dont 4 000 sont nés à l’étranger.
Si l’adoption est ouverte aux couples homosexuels, les chiffres des demandes vont croître de manière exponentielle. En conséquence, certains couples hétérosexuels, à qui le destin n’a pas permis d’avoir des enfants, et qui devaient jusqu’à présent attendre cinq ou six ans, se verront peut-être définitivement privés de la possibilité d’adopter, car il n’y aura jamais assez d’enfants pour tout le monde.
Et comme il n’y aura pas suffisamment d’enfants à adopter, ce texte, en ouvrant l’adoption aux couples de même sexe, ouvre en réalité la porte au débat sur la PMA et la GPA.
Or ces pratiques posent un véritable problème de conscience, en raison de notre culture et de nos convictions religieuses et philosophiques.
C’est pourquoi je m’interroge et je vous invite, mes chers collègues, à vous interroger également.
Je comprends parfaitement que l’on puisse être favorable à l’adoption par les couples homosexuels. Je respecte cette position. Mais sachez que l’on ouvre ainsi inévitablement le débat sur la PMA et la GPA, avec à la clé des enjeux philosophiques et humains autrement plus importants. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier, sur l’article.
M. Pierre Bordier. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, le débat que nous avons ouvert aujourd’hui avec le mariage et la filiation pose de nouveau, bien entendu, l’ensemble des questions relatives à la filiation elle-même, même si l’on voudrait nous convaincre que ce projet de loi peut être totalement séparé de ces implications.
La GPA est peut-être un fantasme, mais la circulaire du 25 janvier 2013 de Mme le garde des sceaux visant à régulariser la situation des enfants nés d’une GPA à l’étranger semble contredire cette hypothèse.
Mme Esther Benbassa. Cela n’a rien à voir !
M. Pierre Bordier. Vous vous arc-boutez sur une dénégation, sans donner aucune preuve de la fermeté de votre conviction. Or votre position est loin d’être claire sur le sujet.
Les choses sont assez simples : si, aujourd’hui, l’article 16-7 du code civil interdit la gestation pour autrui, il existe cependant, à l’avenir, un risque de sollicitations nouvelles et de pressions, au nom de l’égalité revendicative.
Madame la ministre, si vous voulez vraiment couper court à ce que vous considérez être une suspicion infondée de notre part, vous avez là une très bonne occasion de le faire.
Malheureusement, je me doute bien que vous n’en ferez rien, tant le lien entre mariage, adoption, PMA et GPA est évident, en raison des motivations mêmes de ce texte.
Sur ce point, je partage donc l’avis d’Aude Mirkovic, qui n’est pas dupe et qui, dans son ouvrage Mariage des personnes de même sexe : la controverse juridique, affirme : « La filiation est l’essence même du mariage, comme en témoigne la présomption de paternité qui désigne le mari comme père. Un mariage sans filiation ne serait jamais qu’un sous-mariage. [...] Les personnes de même sexe ne pouvant procréer ensemble, et les enfants adoptables étant peu nombreux, le mariage, comme l’adoption, aboutira obligatoirement à l’insémination artificielle et à la fécondation in vitro pour des femmes fertiles, comme la gestation pour autrui pour des hommes eux aussi fertiles, les uns comme les autres refusant la relation sexuelle procréatrice. Le lien entre mariage et filiation est si évident que le projet gouvernemental comporte déjà, comme découlant ipso facto du mariage, la possibilité de l’adoption. Le lien avec la PMA est tout aussi évident.
« En témoigne le fait que, avant même le début du débat parlementaire, des amendements visant à inclure l’assistance médicale à la procréation pour des femmes fertiles sont annoncés.
« En outre, une fois admise la PMA pour les femmes, on voit mal comment pourrait être évitée la gestation pour autrui pour les hommes, c’est-à-dire “l’esclavage des mères porteuses”, selon l’expression de Sylviane Agacinski. La GPA est déjà réclamée ouvertement, car, sans elle, le projet de loi restera lettre morte en ce qui concerne les couples d’hommes. »
Cette évolution a d’ailleurs déjà été anticipée par le garde des sceaux dans la circulaire de janvier 2013, qui régularise les naissances issues de GPA à l’étranger. Pour transcrire un acte de naissance étranger à l’état civil français, on cherche à connaître la manière dont la filiation a été établie ; dès lors que l’on autorise la transcription pour les enfants nés à l’étranger de gestation pour autrui, on reconnaît implicitement celle-ci.
Ainsi, non seulement cette circulaire permet l’octroi de certificats de nationalité, mais le juge admet aussi, de plus en plus, que les actes d’état civil puissent confirmer une GPA.
Ainsi, c’est en bloc que nous nous opposons à ce projet, parce que mariage et filiation sont liés, mais aussi parce que PMA et GPA sont les conséquences inévitables de ces dispositions.
Mes chers collègues, la discipline de vote dans un groupe politique comme le vôtre ne devrait avoir pour limite, comme dans le nôtre, que celle de votre conscience individuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, sur l’article.
M. Christophe Béchu. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, pour reprendre les mots de quelqu’un qui m’est cher : « Les enfants ont des droits, mais n’en sont pas. »
Mme Hélène Lipietz. Ils ont aussi quelques devoirs !
M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, j’aimerais à présent vous lire un texte,…
M. Jean-Pierre Caffet. La Bible ?
M. Christophe Béchu. … écrit par un juge des enfants, Jean-Pierre Rosenczveig.
Ces mots ont été écrits non pas voilà dix ou quinze ans, au moment des débats sur le PACS, mais il y a quelques mois, et je crois utile de les porter à votre connaissance.
« Il faut le dire clairement : on ne peut qu’être déçu et choqué de ce que la Gauche au pouvoir ne nous offre rien d’autre aujourd’hui que le texte avancé sur le mariage homosexuel et l’adoption par les couples homosexuels.
« Promesse électorale certes – et encore certains contestent que tout l’engagement pris soit tenu –, mais c’est bien par le petit bout de la lorgnette que ce gouvernement aborde la question majeure pour tous les Français de la condition parentale et de la parentalité. Alors que la problématique est bien aujourd’hui, et depuis deux décennies, de clarifier les responsabilités au sein de la famille avec 2 à 2,5 millions d’enfants élevés par un adulte qui n’est pas leur parent biologique, on affiche comme priorité les revendications de quelques milliers de couples homosexuels ! Ce n’est pas être homophobe que de dire que le sujet n’est pas prioritaire et est maltraité. Bref, on doit y voir une illustration du danger des promesses électorales trop rapides et de la réponse aux intérêts d’un groupe de pression.
« Plus grave, il y a bien longtemps que je n’avais pas eu le sentiment qu’on allait purement et simplement légiférer pour des adultes. Les enfants n’intéressent pas ceux qui nous gouvernent. D’ailleurs, il n’y a pas eu de ministère de l’enfance dans les gouvernements Ayrault – donc l’enfance n’est pas un objet de politiques publiques – et la jeunesse est reliée aux sports, ce à quoi nous avions échappé depuis quelques gouvernements ! »
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il n’y en avait pas avant non plus !
M. Christophe Béchu. « J’entends que les homosexuels veuillent faire consacrer leur union comme les hétérosexuels : après tout le mariage est un contrat et une institution. Pourquoi leur en refuserait-on l’accès ? Reste à terme une difficulté à régler – et gouverner c’est prévoir ! – : comment, demain, refusera-t-on à un frère et une sœur qui s’aiment la possibilité de se marier quand on aura déjà fait tomber le tabou du mariage homosexuel ? Passons. »
Mme Cécile Cukierman. C’est limite !
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est nul !
M. Christophe Béchu. « En revanche, l’adoption est plus problématique et ne s’impose absolument pas aujourd’hui. Déjà, on sait que les homosexuels seront payés en monnaie de singe. Et ils le savent. Pragmatiquement, peu d’enfants de France délaissés sont adoptables et on s’en réjouira, car c’est la preuve que l’immensité des enfants sont ici désirés, que le statut de la femme célibataire et les aides apportées aux jeunes parents permettent d’élever un enfant. »
J’escamote le passage sur l’adoption internationale et je poursuis la citation : « En vérité, dans le projet de loi, c’est bien l’adoption de l’enfant du “conjoint” qui est visée et en arrière fond une question “politique” majeure sur la filiation s’esquisse. Car en détachant la filiation de la maternité et de la paternité, on touche au système de filiation et d’organisation sociale. […]
« Le nœud gordien implicite du débat actuel est bien celui de la reconnaissance d’un droit à l’enfant […] à travers les procréations médicalement assistées. C’est tellement vrai que le Gouvernement qui se veut responsable refuse de mettre le doigt dans un engrenage non maîtrisé.
« Reste que dans ce débat, tel qu’il est ou tel qu’il est annoncé, on s’inscrit plus que jamais dans un débat d’adultes, nullement dans la prise en compte des besoins de l’enfant né ou à naître. On peut même en arriver à présenter implicitement l’enfant comme un objet de désir, voire comme un produit qu’on fabriquerait à la demande pour satisfaire des besoins identitaires. Quelle régression !
« […] Les enfants d’aujourd’hui ont droit à un exercice clair de leurs responsabilités par les adultes qui les environnent. Si le couple devient très stable, on peut imaginer une délégation d’autorité parentale partielle du parent ayant à charge l’enfant à son compagnon ou compagne [avec la création d’un statut du tiers], solution qui offrirait [au Gouvernement] une sortie honorable et positive aux yeux de tous les Français, jeunes et moins jeunes. »
Mes chers collègues, ces mots émanent non pas d’un sénateur de l’UMP, ni d’un catholique intégriste, ni de ceux que vous voudriez dépeindre comme les seuls adversaires du texte que vous nous présentez, mais d’un homme de gauche, qui considère que les droits de l’enfant doivent primer les droits des adultes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, sur l’article.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, je voudrais m’adresser à nos collègues de gauche pour leur dire que je prends leur texte extrêmement au sérieux. Il s’agit en effet, pour eux, d’un texte fondateur, et cet article l’est également.
Je comprends pourquoi les chefs de file de la gauche sénatoriale, après ceux de l’Assemblée nationale, ont voulu soumettre leurs troupes à une discipline de fer. (Protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Cécile Cukierman. Il n’y a pas de « discipline de fer » !
M. Hugues Portelli. Ce texte vise en effet à vous donner une nouvelle base idéologique, à vous enraciner dans une conception individualiste et post-familiale de la société.
Mme Cécile Cukierman. Il faut changer de logiciel !
M. Hugues Portelli. Force est de reconnaître que vous le faites de façon extrêmement efficace.
Bien sûr, sur le plan juridique, c’est un peu bricolé : quand on compare, article par article, le code civil et les greffes que vous tentez d’y faire prendre, on s’aperçoit que votre projet ne tient pas parfaitement la route. Vous aurez assurément droit, au minimum, à de substantielles réserves interprétatives du Conseil constitutionnel sur la plupart des articles de ce texte.
Mais vous en ferez votre affaire, puisque votre but principal est de poser les fondements d’une nouvelle structure culturelle et idéologique.
Vous avez agi de la même manière sur le plan social : vous savez très bien que la classe ouvrière, c’est fini,…
M. Marc Daunis. Et les maîtres de forges ?
M. Hugues Portelli. … que le socialisme à l’ancienne, c’est fini, et qu’il vous faut fabriquer quelque chose d’autre, en vous enracinant auprès des nouvelles classes moyennes des villes.
Mme Cécile Cukierman. C’est M. Wauquiez qui n’arrête pas de parler des classes moyennes !
M. Hugues Portelli. Vous faites aujourd’hui la même chose sur le plan culturel.
Je ne vous cacherai pas que, pour nous, c’est un vrai défi, car nous ne pouvons plus nous contenter de vous opposer la défense de la famille, de la culture et de la religion traditionnelles. Nous devons être beaucoup plus efficaces que cela !
Nous avons commencé à le faire. Vous avez d’ailleurs pu constater que nous n’étions ni complètement ignares ni complètement débiles : nous vous avons proposé des alternatives, que vous avez rejetées, à juste titre, puisque votre but est d’envoyer un message idéologique clair à votre nouvelle base électorale potentielle.
Mme Cécile Cukierman. Qu’avez-vous contre les idéologies ?
M. Hugues Portelli. Nous avons donc commencé à travailler, mais il est vrai que nous ne sommes pas tout à fait au point, car, sur ce sujet, nous sommes meilleurs dans la bataille défensive que dans la bataille offensive.
Je vous rassure toutefois, chers collègues de la majorité, nous avons deux atouts.
Premièrement, votre fameuse base est animée d’une contradiction interne. Ce texte vous permet certes d’afficher, d’une certaine manière, une cohérence culturelle nouvelle. Toutefois, les classes populaires nouvelles des villes, que vous chérissez, et à qui vous voulez accorder le droit de vote pour celles d’entre elles qui ne l’ont pas encore, ne vous soutiendront jamais dans ce domaine. Croyez-moi, nous sommes quelques-uns sur ces travées, maires de banlieue, à bien les connaître.
Elles sont venues nous voir et nous ont demandé de résister, coûte que coûte, car ce texte ne correspond pas à leur conception de la famille ni de la société. Pour elles, il s’agit d’un signe de décadence ! (Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Ces classes moyennes-là, elles ne seront jamais à vos côtés !
Mme Cécile Cukierman. C’est vraiment de la sociologie de comptoir ! Une caricature !
M. Hugues Portelli. Vous pouvez très bien vous fabriquer un nouveau socle idéologique, vous disposez de la majorité politique pour ce faire, à défaut d’avoir la majorité morale. Toutefois, ce n’est pas avec ce genre de texte ou de dispositif que vous conserverez une majorité durable dans le pays !
Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, nous savons très bien, d’autres l’ont dit avant moi, que le dispositif que vous mettez en place, qui repose sur trois articles bâclés, ne marchera jamais !
M. Marc Daunis. Nous verrons bien !
M. Hugues Portelli. Il est fait pour ça : ne jamais marcher ! Son seul but est de permettre de passer à ce que vous voulez vraiment, mais que vous avez été obligés de mettre de côté pour le moment, à savoir la procréation médicalement assistée et la gestation pour autrui. C’est cela que vous voulez ! Et pour cela, il vous faut d’abord démontrer que le système de l’adoption ne marche pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, sur l’article.
M. Philippe Darniche. Mes chers collègues de la majorité, je sais que vous souhaitiez voir le débat s’accélérer après l’adoption de l’article 1er, qui constitue véritablement le squelette de ce projet de loi. Je l’ai d’ailleurs entendu dire hier, sur l’antenne de Public Sénat, par le rapporteur, Jean-Pierre Michel. Je considère pour autant que le débat n’est pas clos !
Vous n’intervenez à aucun moment pour répondre à nos observations ; nous continuerons néanmoins à dénoncer le mensonge d’État qui caractérise ce projet de loi.
Égalité, égalité, égalité…Vous n’avez que ce mot à la bouche !
M. Marc Daunis. C’est un beau mot !
M. Jean-Pierre Caffet. Vous ne l’aimez pas, ce mot !
M. Philippe Darniche. Qui plus est, vous en avez une interprétation biaisée.
Toujours est-il que, si, au nom d’une sacro-sainte égalité érigée en modèle par le Gouvernement et sa majorité, vous autorisez le mariage homosexuel et l’adoption, alors, d’une part, les couples lesbiens vont demander la PMA au nom de la non-discrimination entre couples hétérosexuels et couples de même sexe – des amendements ont déjà été déposés en ce sens –, et, d’autre part, les couples homosexuels vont demander la GPA au nom de la non-discrimination entre couples lesbiens et homosexuels !
À ce jour, la loi interdit la gestation pour autrui et circonscrit l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation aux seuls couples dont l’infertilité est d’origine médicale.
Une entorse à ces principes entraînerait des conséquences en cascade, contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine : organisation par la loi de la conception d’enfants privés de père ou de mère, violation des lois fondamentales de bioéthique qui ne peuvent être modifiées sans un large débat préalable et, en cas de GPA, atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d’indisponibilité du corps humain.
Aujourd’hui, un couple d’hommes peut recourir à la GPA, autorisée dans certains pays. On peut choisir sur catalogue les gamètes d’une femme et trouver une mère porteuse. Il existe déjà, dans certains pays en développement – en particulier en Inde – un véritable trafic dans l’exploitation des mères porteuses. Vous le savez !
Lors des auditions, Claire Neirinck, professeur à l’université de Toulouse, nous disait ceci : « Si vous autorisez la GPA, il devient inutile de réformer l’adoption, car plus personne n’adoptera. Pourquoi s’embêter à demander un agrément et à attendre cinq ans pour avoir un enfant […], alors qu’avec la GPA, vous avez l’enfant qui vous convient ? Et s’il a une anomalie, il suffira de faire avorter la mère porteuse… »
Mme Hélène Lipietz. N’importe quoi !
M. Philippe Darniche. Il en ira de même si les parents sociaux abandonnent leur projet parental, leur désir d’enfant, s’ils se rétractent au cours de la grossesse.
Ces réalités, qui existent à l’étranger, sont à nos portes ! Est-ce le monde que nous voulons ? En tout cas, ce n’est pas celui que mon cœur souhaite.
Autoriser l’adoption d’enfants conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait, in fine, à légitimer et à légaliser ces pratiques.
Or, madame le garde des sceaux, que vous le vouliez ou non, faciliter l’accès à la nationalité française des enfants conçus par GPA à l’étranger, comme vous l’avez fait par circulaire, revient à entretenir le raisonnement selon lequel ce qui est interdit en France ne l’est pas à l’étranger et qu’il est donc possible de contourner la loi.
À l’heure de la dénonciation des niches fiscales partout dans le monde, l’encouragement de l’exploitation des femmes hors de nos frontières sonne comme une violence faite à l’honnêteté intellectuelle.
Mme Cécile Cukierman. Que d’amalgames !
M. Philippe Darniche. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même, surpris de ne pas vraiment percevoir les consciences individuelles s’exprimer au travers de vos avis, continuerons à nous battre. Cet article n’est pas acceptable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais faire trois remarques à partir des grandes thématiques que vous avez développées au cours de vos interventions.
Premièrement, nous pouvons nous réjouir de la tenue de ce débat – et remercier les homosexuels – grâce auquel nous revisitons l’ensemble du droit de la famille : statut du beau-parent, nouvelles filiations, réforme de… (Un brouhaha persistant sur les travées de l'UMP couvre la voix de Mme la ministre déléguée.)
Manifestement, cela ne vous intéresse pas ! Vous souhaitez que l’on vous réponde, que l’on tienne un débat « constructif » et, quand on aborde le fond, cela ne vous intéresse pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Charles Revet. Nous vous écoutons !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. M. Gélard a évoqué, avec beaucoup de justesse, la question de l’adoption. Au regard des évolutions sur lesquelles je reviendrai dans un instant, il est légitime de s’interroger sur une véritable réforme de celle-ci : réduction de l’adoption internationale, existence d’un droit spécifique français se partageant entre adoption simple et adoption plénière, situation des enfants ayant quitté leur famille biologique – M. Gélard l’a rappelé –, dans laquelle ils ne retourneront pas, mais qui ne sont pas adoptables. Ces derniers vont souffrir d’une forme d’errance affective, de famille d’accueil en famille d’accueil, de foyer en foyer. Vous qui êtes tant attachés à l’intérêt supérieur de l’enfant, comment pouvez-vous supporter une telle situation ?
Ces questions devraient faire l’objet d’une loi sur la famille, mais, je l’ai dit et je le redis, tant que des familles, tant qu’une partie de nos concitoyens n’ont pas les mêmes droits ni les mêmes devoirs, comment pourrions-nous parler de réforme ? Nous devons d’abord donner à tous les mêmes droits et les mêmes devoirs !
Il s’agit du principe même de l’égalité. Que cela vous déplaise et que vous préfériez parler d’équité, c’est votre affaire ! Nous, nous préférons parler d’égalité !
Le temps viendra d’une grande loi sur la famille qui s’adressera indifféremment aux familles hétérosexuelles et homosexuelles et qui permettra d’aborder ces questions de nouvelles filiations dans leur grande diversité, qu’il s’agisse de l’accès aux origines ou du droit de l’enfant à connaître son histoire originelle. Cette question fait partie des réflexions en cours.
Je suis pour un ministère de l’enfance. J’irais presque jusqu’à dire que je rejoins, au moins sur ce point, Jean-Pierre Rosenczveig. Depuis des décennies et des décennies, l’enfant est perçu à travers des catégories différentes : écolier, collégien, délinquant ou, malheureusement, malade. Il a été scindé en différents tronçons sans aucune réflexion globale. Pourquoi ne pas me soutenir dans ma demande de création d’un ministère de l’enfance ? Il s’agirait d’une petite révolution !
M. Jean-Pierre Raffarin. Chiche ! Pourquoi ne pas le faire à l’occasion du prochain remaniement ? D’ailleurs, cela ne saurait tarder… (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Absolument ! Je vous prends au mot, monsieur Raffarin. Chiche ! Faisons en sorte qu’il y ait un véritable ministère de l’enfance dont nous définirions ensemble les contours.
Deuxièmement, vous nous accusez d’être dans l’hypocrisie, le mensonge, sur la question de l’adoption. N’est-ce pas plutôt vous qui ne connaissez pas la réalité des familles homoparentales ? Vous me voyez désolée de vous le rappeler, mais, aujourd’hui, entre 30 000 et 300 000 enfants vivent déjà dans des familles homoparentales ! Pour ces derniers, l’adoption par le deuxième parent, qui ne dispose aujourd’hui d’aucune reconnaissance juridique, apportera une véritable sécurisation juridique ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
J’entends dire que la loi permet déjà de répondre à ces situations. Mais si tel était le cas, pourquoi, au sein des familles recomposées, les beaux-parents s’acharneraient-ils à obtenir un véritable statut qu’ils ne possèdent pas ? Et pourquoi, dans le même temps, réclamez-vous l’instauration d’un statut du beau-parent ? Il y a là une contradiction ! Cela revient à dire que la situation est satisfaisante pour les familles homoparentales et qu’il faudrait, pour les familles recomposées, créer un statut du beau-parent ou du tiers !
Nous sommes face à un vide juridique. Les familles homoparentales attendent, grâce à l’adoption par le deuxième parent – ou parent social, si vous le souhaitez –, la mise en place d’une véritable reconnaissance juridique, c’est-à-dire une sécurisation, une protection juridique des enfants présents dans ces familles.
Arrêtez de prendre les homosexuels pour des sots ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
M. Philippe Bas. Nous n’avons jamais dit cela !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Quand vous dites que l’on va laisser croire à ces enfants qu’ils sont nés de deux pères ou de deux mères, c’est une insulte !
Lorsque vous laissez croire que les homosexuels attendent tout de l’adoption internationale, pensez-vous qu’ils ne sachent pas lire les chiffres comme vous ? Ceux qui demanderont un agrément pour adopter à l’international seront placés exactement dans les mêmes conditions juridiques et sociales que les autres couples hétérosexuels !
J’ai entendu des choses, à propos de l’adoption, qui n’étaient pas tout à fait justes. En revanche, il est vrai que les chiffres, en matière d’adoption internationale, ont été divisés par deux entre 2006 et 2011 : nous sommes passés de 4 000 adoptions à un peu moins de 2 000.
Toutefois, le nombre d’enfants adoptables au niveau national est quasi stable, voire progresse légèrement : 698 enfants en 2006 et 761 en 2011.
La réflexion peut porter sur l’adoption internationale. À ce titre, laisser croire que les pays qui se sont déjà engagés dans l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe ont vu les adoptions se raréfier est une idée fausse, que ce soit en Belgique, aux Pays-Bas et, plus encore, en Espagne.
Dans ce dernier pays, depuis 2006 ont eu lieu près de 160 adoptions par des couples homosexuels. Aujourd'hui, l’Espagne est le troisième pays d’accueil d’enfants adoptés, passant devant la France. Ce fait doit nous amener à nous livrer à une véritable réflexion sur ce qu’est devenue l’adoption internationale, afin de mieux informer les parents qui veulent adopter, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.
Les services de l’adoption du ministère des affaires étrangères n’ont pas trouvé un seul État qui ait pris des mesures de rétorsion à l’égard de couples hétérosexuels souhaitant adopter et qui leur ait refusé l’accès à des enfants adoptables au motif que leur pays a voté une loi relative au mariage de couples de même sexe.
Cessez donc de faire croire, d'une part, à tout un chacun, que les homosexuels pensent pouvoir adopter très facilement à l’international, et, d'autre part, aux familles hétérosexuelles adoptantes, qu’elles ne pourront plus adopter ou que l’adoption se raréfiera en raison de la voie que nous suivons.
Troisièmement, j’en viens à l’intérieur supérieur de l’enfant. Il se résume, tel que vous le concevez et si j’ai bien compris, à avoir un père et une mère.
M. Charles Revet. Personne ne peut dire le contraire !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Toutefois, en raisonnant ainsi, vous mettez de côté les célibataires qui peuvent adopter aujourd'hui. Si vous êtes cohérents, il faut supprimer cette faculté ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Esther Benbassa. Bravo !
M. Jean-Pierre Raffarin. Non, car il y a une règle générale et des variantes !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les familles monoparentales et leurs enfants apprécieront…
M. Henri de Raincourt. Vous êtes méchante !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je le répète, vous partez du principe qu’il suffit d’être un géniteur ou une génitrice pour devenir d’emblée un père ou une mère.
M. Henri de Raincourt. Non, on le sait !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Eh bien, c’est beaucoup plus compliqué que cela, monsieur le sénateur ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
L’intérêt supérieur de l’enfant ne se résume pas à la conception. Il faut ensuite prendre en compte l’aspect éducatif, affectif, environnemental, qui n’a rien à voir avec la sexualité des parents qui élèvent des enfants. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Charles Revet. Nous vivons dans deux mondes différents !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Et prenez garde ! Des femmes ont suffisamment réclamé que le père s’occupe des enfants, y compris dans leur plus jeune âge. Certains pères sont d’ores et déjà en train de materner. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. On le sait !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous mélangez tout !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. De même, certaines mères sont peut-être en train de « paterner ».
M. Jean-Pierre Raffarin. Quelle confusion idéologique !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’évolution est telle que la sexualité des parents n’a pas grand-chose à voir avec l’intérêt supérieur de l’enfant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Si !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous nous parlez sans cesse d’« altérité », depuis je ne sais combien de journées…
M. Bruno Sido. Depuis quelques jours seulement !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Cependant, l’altérité d’un enfant se conçoit-elle seulement en fonction de l’image masculine et féminine qu’il aurait chez lui ?
Mme Françoise Férat. Cela aide !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. J’en conviens, cela va peut-être l’aider. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Peut-être !...
M. Bruno Retailleau. Et c’est la ministre chargée de la famille qui parle ainsi !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Monsieur Retailleau, je suis la ministre de toutes les familles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne le dirait pas !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je tiens à le dire, ces enfants qui vivent dans des familles homoparentales ont des grands-parents, des cousins, des cousines. Par conséquent, ils savent très bien ce qu’est l’altérité.
M. Henri de Raincourt. Ce n’est pas pareil !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous ne pouvez pas réduire l’altérité à la seule question d’avoir un père et une mère – ou alors, je le répète, les familles recomposées, monoparentales, sont aussi pour vous des victimes.
J’ai bien compris que la PMA et la GPA étaient votre leitmotiv. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Eh bien, je vais vous parler de la GPA. Je ne vous fais pas l’insulte de ne pas avoir compris les propos tenus par le Président de la République, qui étaient d’une clarté absolue,…
M. Jean-François Husson. Cela dépend des jours !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … lors de son intervention télévisée. Il a affirmé que le débat sur le GPA ne serait pas ouvert pendant son quinquennat.
M. Charles Revet. Il a dit qu’il n’en serait pas question pendant son quinquennat !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je souhaite vous rendre attentifs à un élément. Vous parlez de GPA à l’égard des homosexuels.
M. Jean-Pierre Raffarin. Et alors ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Or ce sont des couples hétérosexuels, et non des couples homosexuels, qui, en premier, ont eu recours à la GPA. Ne mettez pas sur le dos des homosexuels toutes les réelles interrogations de notre société. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. C’est votre texte qui a cet effet !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous voulez un débat serein. Nous aussi !
Je souhaite citer certains de vos propos relatifs au Gouvernement. « Vous bidouillez », avez-vous dit.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je confirme !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et vous avancez masqués !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. « Vous êtes des marchands d’illusions. » (Oui ! sur les travées de l’UMP.) « Vous êtes irresponsables. » (Oui ! sur les mêmes travées.) « Vous êtes hypocrites. » (Oui ! sur les mêmes travées.) Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous vous ridiculisez ! (Non ! sur les mêmes travées.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous aussi !
M. David Assouline. On n’est pas au cirque !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. « Vous êtes décadents. »
Certes, vous êtes dans votre rôle de membres de l’opposition et, nous, nous avons le cuir tanné. Toutefois, pensez aux homosexuels et aux enfants qui vivent dans des familles homoparentales et qui entendent les propos suivants : « Ces enfants troublés par l’inconnu de leur naissance » ! Mettez-vous à leur place !
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. C’est vrai !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Pensez-vous un seul instant qu’ils ignorent d’où ils viennent ?
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Justement !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les deux remarques que je vais formuler maintenant s’adressent indifféremment aux hétérosexuels et aux homosexuels. L’enfant n’est pas un remède pour les couples.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. Jean-Pierre Raffarin. Précisément !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’enfant n’est pas un bien de consommation. Il n’est pas un objet. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
Or vous pointez du doigt les familles homoparentales et vous leur dites : « Vous, familles homoparentales, vous considérez l’enfant comme un objet ou comme un bien de consommation. » C’est très choquant ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous n’avez rien compris au débat !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Vous invoquez le double traumatisme de ces enfants, leurs carences affectives. Mais qu’en savez-vous ? Avez-vous su les entendre lorsqu’ils ont été auditionnés ? (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Quant à la « normalité », ils apprécieront…
Je vous le dis franchement, vous faites preuve au pire d’un manque de respect, au mieux d’une méconnaissance des projets parentaux des familles homoparentales.
M. René-Paul Savary. Vous mélangez tout !
M. Alain Gournac. La République !
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. … la force des projets parentaux qui animent souvent les familles homoparentales. Si vous voulez un vrai débat, avec de réels échanges, je vous invite à faire preuve d’un peu plus d’humilité et de modestie vis-à-vis des familles homoparentales et de leurs enfants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Huées sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Maintenant, on va aller de citation en citation !
M. David Assouline. Un peu de respect !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Mesdames, messieurs les sénateurs, je dirai que cette ambiance me rajeunit. Elle est en effet assez potache ! Elle nous renverrait presque aux premières années du collège, si le sujet n’était pas extrêmement grave.
M. Charles Revet. Nous sommes d’accord !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, permettez-moi de vous le dire, il arrive à certains d’entre vous de tenir des propos regrettables et tristes, qui ne contribuent à renforcer ni le lien social ni le pacte républicain.
Ne cherchez pas à diviser le Gouvernement sur ce dossier.
M. Alain Gournac. Il y arrive tout seul !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. D’autres ministres s’en chargent !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En chahutant la ministre chargée de la famille et en faisant croire que vous m’accueillez avec plus de cordialité qu’elle, ne croyez pas que vous allez introduire la moindre division au sein du Gouvernement, qui est profondément soudé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Le texte que nous étudions correspond à un engagement du Président de la République, avec lequel nous faisons corps, et nous essayons de le soutenir avec la plus grande dignité possible.
Mme la ministre chargée de la famille a répondu à certaines des questions posées, notamment à celle qui concerne l’altérité sexuelle.
L’altérité ne s’enferme pas, en quelque sorte, dans le couple. Quel qu’il soit, l’autre est l’autre. L’altérité sexuelle n’est donc qu’une forme de l’altérité. C’est le nom que vous donnez, abusivement d'ailleurs, à la simple complémentarité sexuelle pour l’engendrement.
L’altérité authentique, c’est autre chose : c’est l’autre tel qu’il est, dans son individualité, sa singularité, son intégrité humaine. C’est cette altérité-là qui nous préoccupe. Nous pensons qu’elle n’est pas fragilisée par l’ouverture de l’institution du mariage aux couples de même sexe. Au contraire, nous en élargissons l’univers.
Monsieur Revet, je ne me fais aucune illusion : quelles que soient les réponses que nous vous apportons, vous posez en boucle les mêmes questions. Nous ne sommes pas dépaysés. Nous avons affronté cet exercice pendant une quinzaine de jours à l’Assemblée nationale : après la vingt et unième réponse à la même interrogation, les députés, relisant les mêmes fiches, nous reposaient exactement la même !
M. Charles Revet. Moi aussi, je vous reposerai la même question si vous ne me répondez pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il fut question de PMA, de GPA, voire de clonage, même si ce dernier thème n’a pas prospéré. Peu importaient les réponses : pour les députés, l’essentiel était de faire durer les débats.
M. Roland Courteau. C’est exactement ça !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pour cela, vos collègues de l’opposition à l’Assemblée nationale ont déposé des milliers d’amendements tendant à la suppression de toute une série d’articles du code civil.
M. Henri de Raincourt. Pas nous !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous en donne acte, monsieur le sénateur. Si ces amendements avaient été adoptés, le code civil aurait fondu. Toutefois, nous avons veillé à son intégrité.
Vous avez posé des questions sur la PMA et sur la GPA. Nous vous avons répondu. Le périmètre du présent texte est clair, précis : il concerne l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe.
« Tout aurait été tellement plus simple si vous vous étiez arrêtés au mariage », a fait remarquer M. Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. À l’union civile !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Lenoir, il faut faire votre deuil de l’union civile ! Que ce soit douloureux, je peux en convenir, voire compatir, mais le Sénat a adopté l’article 1er du présent projet de loi !
M. François Rebsamen. Avec vingt-deux voix d’écart !
M. Bruno Sido. Il y aura une deuxième lecture.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Or, monsieur Lenoir, de la rédaction du code civil, il résulte que le mariage emporte l’adoption. Le fait d’être marié ouvre le droit à l’adoption pour les couples hétérosexuels et homosexuels.
Si nous n’étions pas allés au-delà du mariage, la préoccupation que vous exprimez avec insistance, monsieur Revet, aurait eu une réalité.
M. Charles Revet. Mais en cas de recours devant la Cour européenne des droits de l’homme, que va-t-il advenir ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai entendu la question, puisqu’elle a été sans cesse posée, malgré les réponses apportées.
M. Charles Revet. Non, vous ne répondez pas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vais vous répondre, si vous me le permettez. Cela ne vous empêchera probablement pas de reposer cette même question, et je vous répondrai d'ailleurs de nouveau !
La Cour européenne des droits de l’homme pourrait être fondée à prendre une décision à l’encontre de la France, lui reprochant, alors qu’elle ouvre l’institution du mariage, de l’amputer d’une conséquence du mariage inscrite dans le droit français.
M. François Rebsamen. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. La Cour pourrait invoquer une discrimination entre les couples hétérosexuels et les couples homosexuels. Par conséquent, c’est votre proposition à vous qui pourrait tomber sous le coup de la censure de la Cour européenne des droits de l’homme. (Bien sûr ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. C’est certain !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous nous interrogez sur la PMA et la GPA. (Brouhaha sur les travées de l'UMP.) Mesdames, messieurs les sénateurs, je n’ai pas terminé !
M. Jean-Claude Lenoir. Et l’union civile ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai déjà évoqué le risque que nous courrions si nous obtempérions à vos suggestions présentées avec itération.
M. Charles Revet. Il y a donc bien un risque !
M. Bruno Sido. Pas un risque, une certitude !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai répondu partiellement à votre question, car celle-ci mérite que nous allions plus loin.
Vous voudriez savoir, notamment, quelles seraient les conséquences de la saisine de la Cour européenne des droits de l’homme. Ne nous contraindrait-elle pas à ouvrir la PMA et la GPA ?
Je vous ferai une première réponse presque factuelle : la France n’est pas le premier pays européen à ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe. Que je sache, l’Espagne, les Pays-Bas et le Portugal sont dans ce cas !
À partir du moment où ces couples sont autorisés à se marier, la Cour européenne des droits de l’homme peut-elle imposer la PMA et la GPA ? Telle est la question, madame Des Esgaulx, quelle que soit la différence de législation entre les pays !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Oui, c’est cela !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous le répète, ce serait déjà arrivé dans les pays que je viens de citer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Charles Revet. Cela peut encore arriver !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Peut-être, mais il se trouve que ce n’est pas arrivé ! Et la raison en est simple. Pour la connaître, il suffit de se référer aux propos de M. Gélard sur les engagements de la France au travers des conventions bilatérales et multilatérales, ainsi que sur les risques éventuels en découlant. Comme je l’ai rappelé, la Cour européenne des droits de l’homme a affirmé sans équivoque en 2010 que ces questions relevaient des législations et des autorités nationales.
Souvenez-vous des contestations qui se sont exprimées fortement dans un certain nombre de pays, y compris en Espagne, qui est l’avant-dernier pays à avoir protesté dans la rue. La Cour suprême espagnole a été saisie en 2005 et a rendu sa décision récemment, à la fin de l’année 2012, après mûre réflexion. Or elle a considéré que cette disposition était tout à fait conforme à la Constitution du pays.
Évidemment, ceux qui ont saisi la Cour suprême de l'Espagne auraient aussi porté un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme s’ils pensaient que cette saisine avait des chances de prospérer.
M. Roland Courteau. Évidemment !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Sept ans plus tard, ils ne l’ont toujours pas fait ! Pour quelle raison ? Parce que le droit comme la jurisprudence montrent très clairement que la Cour européenne des droits de l’homme n’a aucun fondement juridique pour imposer l’ouverture de la PMA. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) Il incombe aux pays de le faire s’ils le souhaitent.
Le texte qui nous est soumis concerne, je le rappelle, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.
Sur la PMA, Mme la ministre déléguée chargée de la famille vous a répondu – comme à des enfants au collège, oserais-je dire, car on retrouve parfois cette ambiance dans l’hémicycle –, je ne sais combien de fois, qu’elle est chargée d’un projet de loi sur la famille et sur la filiation et que cette question sera traitée.
L’un d’entre vous nous a demandé pourquoi nous n’avons pas tenu compte de l’avis du Conseil consultatif national d’éthique, le CCNE. Je crois que c’est M. Revet…
M. Roland Courteau. C’est lui !
M. Charles Revet. Ce n’est pas moi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Effectivement, cela ne vous ressemble pas, monsieur Revet.
M. Charles Revet. Je partage néanmoins ces idées ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne vois pas ce que le Conseil consultatif national d’éthique vient faire ici, alors que nous discutons de l’état des personnes figurant dans le code civil !
Par conséquent, le Gouvernement n’avait aucune raison de se préoccuper ni de saisir le Conseil. D’ailleurs, ce dernier ne s’est pas autosaisi de cette question, alors qu’il l’a fait pour la PMA – plus exactement l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, dans notre droit en vigueur –, qui figure dans le code de la santé publique et qui vise à apporter une assistance aux couples hétérosexuels, mariés ou non.
La PMA n’étant pas liée au mariage, pourquoi faudrait-il absolument débattre de la PMA, une pratique que l’Union européenne, en l’occurrence la Cour européenne des droits de l’homme, serait censée nous imposer ? Pourquoi ce sujet serait-il inévitable ? La meilleure preuve qu’il ne l’est pas, comme je l’ai indiqué lors de ma première intervention à la tribune, c’est que les pays peuvent s’en saisir.
En outre, ceux qui ont ouvert le droit au mariage et à l’adoption…
M. Bruno Retailleau. Ce n’est pas partout la même chose !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’en conviens, monsieur le sénateur, mais écoutez au moins la fin de ma phrase, au lieu de répéter sans cesse la même chose.
Je disais donc que les pays qui ont ouvert le mariage aux couples de personnes de même sexe n’ont pas tous autorisé la PMA. Ceux qui l’ont fait ont eu recours à deux textes de lois distincts, dans la plupart des cas un texte de bioéthique et, pour les Pays-Bas par exemple, un projet sur l’égalité de traitement.
D’autres pays ont même permis la PMA aux couples de femmes homosexuelles ou célibataires sans ouvrir le mariage aux couples de personnes de même sexe. C’est bien l’illustration que le mariage et la PMA peuvent être traités séparément. Consentez enfin que nous avancions dans le débat en procédant de la sorte !
M. Bruno Retailleau. Nous n’avons pas la même lecture des décisions européennes !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Premier ministre, quant à lui, a clairement indiqué que la PMA ferait l’objet d’un texte relatif à la famille et aux modes de filiation et que le Gouvernement, avant d’aviser, attendrait le rapport du Conseil consultatif national d’éthique, qui s’est autosaisi. Or ce document serait disponible, selon le CCNE, au dernier trimestre 2013, probablement au mois d’octobre prochain.
Monsieur Bordier, vous évoquez la circulaire qui, selon vous, vise à attribuer la nationalité française à des enfants nés de la GPA et à transcrire leur identité à l’état civil.
Je me dois, à ce stade, de vous apporter une information qui a pu vous échapper, encore que j’ai eu à l’expliquer onze fois exactement à l’Assemblée nationale ; c’est ainsi que se déroule ce débat : plus nous répondons et plus la question revient !
M. André Reichardt. Vous ne vous êtes pas expliquée ici !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai bien l’intention de le faire, monsieur Reichardt ; je pense d'ailleurs que le Sénat compte parmi ses membres ce que l’on appelle un peu trivialement des leaders d’opinion, qui veilleront à ce que vous ne vous livriez pas au même type d’exercice que les députés.
À qui s’adresse ladite circulaire ? Aux parquets généraux pour attribution, aux parquets pour information et aux greffiers pour exécution, car, en ma qualité de garde des sceaux, c’est à eux que je peux m’adresser.
Cette circulaire demande aux greffiers de ne pas faire opposition à la délivrance du certificat de nationalité à des enfants pour lesquels ils auraient un doute quant à la naissance par suite d’une GPA.
La situation réelle est la suivante. Les enfants obtiennent la nationalité par filiation, en vertu de notre code civil. Des enfants français naissent à l’étranger de couples français et s’adressent au consulat, qui enregistre leur état civil et le transmet, afin qu’il soit transcrit sur le registre national d’état civil. Des dizaines de milliers d’enregistrements de naissances d’enfants français à l’étranger sont ainsi effectués chaque année.
Or il arrive qu’un doute surgisse et que, au moment de l’enregistrement, le consulat se demande si l’enfant concerné ne serait pas né à la suite d’une GPA. Consciencieusement, il alerte – vous le savez, monsieur Mercier, vous qui êtes mon prédécesseur et qui avez publié à ce titre le nombre d’enfants concernés en 2011 – sur les signes, les suspicions qui permettent de penser que cet enfant est né à la suite d’une GPA.
Toutefois, qu’en est-il de la nationalité de cet enfant ? Si ses parents sont français et s’il est établi que c’est bien leur enfant, celui-ci obtient la nationalité française conformément aux dispositions du code civil. Néanmoins, cela n’évacue pas le doute du consulat, qui transmet au service de l’état civil de Nantes. Et ce dernier saisit le parquet pour l’examen de ce cas.
M. Daniel Raoul. Voilà !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Entre 2008 et 2011, quarante-quatre dossiers ont été examinés, et on en recense onze pour 2012, soit une moyenne stable d’année en année.
Comment les choses se passent-elles ? Tout d’abord, le procureur de la République se prononce sur chaque cas, et dans la plupart d’entre eux, il a confirmé le doute sur la GPA. Pour 2012, par exemple, cela s’est produit huit fois sur onze.
Ensuite, puisque l’enfant, dont la filiation est bien établie, a la nationalité française, il n’est pas question de la lui attribuer. Il se retrouve alors devant les tribunaux, qui lui délivrent son certificat de nationalité française. Et il arrive qu’un greffe de tribunal refuse de lui donner le certificat de nationalité en raison du doute qui subsiste sur la GPA.
Or la nationalité est déjà établie ! C’est un peu comme si, au moment de la délivrance du diplôme du baccalauréat – j’avais déjà pris cet exemple à l’Assemblée nationale –, le fonctionnaire émettait un doute sur une éventuelle tricherie de la part d’un candidat, alors que la preuve de la réussite à cet examen est présentée.
En cas de tricherie, c’est une autre action en justice qui peut éventuellement être intentée. Néanmoins, la reconnaissance officielle du succès au baccalauréat doit emporter la délivrance du diplôme.
De la même façon, le droit de disposer du certificat de nationalité ne peut être contesté. (Bravo ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L’objet de cette circulaire du mois de janvier dernier est donc, tout simplement, d’interpeller les greffiers sur le fait que, la nationalité française étant établie pour ces enfants, aucun fondement juridique ne les autorise à refuser de délivrer ce certificat de nationalité française.
Au cours des dernières années, les Gouvernements que vous avez soutenus ont fait la même chose : ils n’ont pas osé publier de circulaire, et ils ont eu tort d'ailleurs, car cela aurait été porté à leur crédit.
M. Jean-Pierre Caffet. Évidemment !
M. Michel Mercier. L’indépendance de la justice était en cause ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Pardon, monsieur Mercier, ce n’est pas à vous que j’apprendrai que l’indépendance de la justice n’interdit pas les circulaires, bien au contraire !
Plus la justice sera indépendante, plus l’exécutif sera responsable de la politique pénale et des politiques publiques de la justice sur le territoire, plus se fera sentir la nécessité de circulaires impersonnelles et générales. (Vifs applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Pendant cinq ans, le gouvernement que vous souteniez a adopté la même attitude : il a admis que, la nationalité étant établie, les certificats de nationalité devaient être délivrés.
J’en viens à la transcription sur le registre de l’état civil, qui suscite également des discussions.
En effet, un doute étant apparu sur ces quarante-quatre enfants nés entre 2008 et 2011, auxquels s’ajoutent les onze enfants nés en 2012, la transcription de leur nationalité sur les registres de l’état civil pose un problème.
Ces enfants ayant la nationalité française, ils ont le droit d’obtenir leur certificat de nationalité. Mais quid de la transcription ? Puisque la justice énonce un doute sur la GPA, la circulaire ne donne pas consigne de transcrire sur le registre de l’état civil, d’autant qu’elle s’adresse aux greffiers et non aux personnes qui sont chargées de la transcription.
Cependant, nous ne pouvons pas nous en contenter. Vous parlez sans arrêt de l’intérêt supérieur de l’enfant, du souci qui vous anime de ces enfants bien réels, des êtres physiques, de chair,…
M. Bruno Sido. Eh oui, ils sont nés !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … avec toutes leurs qualités et tous leurs défauts. Nous nous soucions de l’avenir de ces enfants-là.
M. Bruno Sido. C’est normal.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils auront donc leur certificat de nationalité. La circulaire affirme bien qu’il faut le leur donner, car ils y ont droit. En revanche, leurs actes de naissance ne sont pas transcrits sur le registre d’état civil.
Je le rappelle, la reconnaissance de leur nationalité française ouvre tous les effets de droits liés à la nationalité et à la filiation. Ces enfants ne rencontreront donc aucune difficulté pour être inscrits à l’école ; leurs parents percevront normalement les allocations familiales ; l’autorité parentale et les droits successoraux seront préservés. Tout cela est déduit de la filiation.
Cependant, n’étant pas inscrits sur le registre d’état civil, ils feront face à une difficulté chaque fois qu’ils auront besoin d’une pièce d’état civil, car il leur faudra s’adresser au consulat où ils ont été enregistrés. Face à cette complication, nous nous interrogeons. J’ai chargé un groupe de réflexion d’élaborer des solutions afin que ces enfants entrent dans l’état civil français à leur majorité, puisqu'ils sont Français. Il s’agit, convenez-en, d’un acte de justice.
Cette circulaire n’a que cet objet. J’aimerais donc mettre un terme au procès qui m’est intenté sur l’attribution de la nationalité aux enfants nés de la GPA ou sur une prétendue transcription indue sur les registres de l’état civil. Mais je ne suis pas persuadée d’y parvenir !
M. Roland Courteau. Nos collègues auront-ils compris la leçon ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’entendrai certainement de nouvelles interventions à ce sujet… Et, de nouveau, j’y répondrai de bonne grâce ! (Mmes et MM. les sénateurs du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC se lèvent et applaudissent. ― Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Joël Guerriau. Ce n’est que du spectacle !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous remercie de cet hommage chaleureux, même si je n’ai pas terminé mon propos.
Je reçois votre geste avec beaucoup de gratitude. Je sais qu’il vient de sénateurs très attachés au travail mené par la Haute Assemblée sur les questions sociales.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Et les sénatrices ? Il n’y a pas que des hommes sur ces travées !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela ne saute pas aux yeux en regardant vos travées, madame Des Esgaulx ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous êtes mal placée pour dire cela ! Cela suffit, la théorie du genre !
M. Jean-Pierre Caffet. Arrêtez sur ce thème, vous qui tenez à dire : « Mme le sénateur » !
M. le président. Mes chers collègues, laissez s’exprimer Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Madame Des Esgaulx, vous me cherchez inutilement querelle, car j’utilise systématiquement la formule « mesdames, messieurs les sénateurs ».
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais cette fois, vous ne l’avez pas utilisée ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. François Rebsamen. Elle n’est pas agréable !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je voulais donc vous dire toute ma gratitude pour votre hommage. Je sais le sérieux avec lequel vous avez travaillé à la préparation de ce texte de loi. Je sais le temps et l’énergie que vous y avez consacrés.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je sais également combien, depuis le début de nos débats, vous brûlez d’intervenir !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous aussi ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous souhaiteriez répondre et argumenter, et je sais que vous le feriez brillamment ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je sais le sacrifice que vous consentez en gardant le silence !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Caffet. Nous nous en privons pour vous aider, madame la garde des sceaux !
M. Jean-Claude Lenoir. On les empêche de parler, en réalité !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je tiens donc à vous exprimer toute ma gratitude, à vous qui cédez ainsi votre temps de parole à l’opposition afin de nous permettre d’avancer, afin que la Haute Assemblée et le Gouvernement puissent se consacrer rapidement à d’autres tâches. Vous avez toute ma reconnaissance personnelle.
Monsieur Retailleau, je voudrais terminer mon intervention en répondant à vos observations relatives à l’incompétence négative.
Je ne sais plus si vous avez indiqué précisément que le texte ne modifiait pas les articles 57 et 354 du code civil, mais c’est un fait. Vous avez évoqué l’incompétence négative en reprochant au législateur de ne pas épuiser le champ de sa responsabilité, en l’occurrence de ne pas aller jusqu’à l’élaboration de l’état civil. Mon résumé est-il clair ? (M. Bruno Sido rit.) Si j’ai mal compris, je vous fais confiance pour me le faire savoir en posant de nouveau la question. D’ailleurs, ce sera sans doute le cas même si j’ai bien compris !
Ces articles 57 et 364 précisent les éléments contenus dans les déclarations d’état civil. C’est à dessein que ni l’Assemblée nationale ni la commission des lois du Sénat ne les ont modifiés.
Le législateur est en effet chargé des règles qui relèvent du code civil – et celles-ci sont bien élaborées au Parlement –, non de leur format ou de leur présentation. Ces éléments de détail sont d’ailleurs régis par la dernière circulaire générale relative à l’état civil, qui date d’octobre 2011 et qui a été élaborée sous la responsabilité de la précédente majorité. Il n’y a donc aucune incompétence négative de la part du législateur en la matière. Ce dernier porte son action aussi loin qu’il le doit et n’empiète pas inutilement sur la responsabilité, plutôt que sur le pouvoir, du règlement. Il a bien raison, d'ailleurs !
Il est certes déjà arrivé que le législateur piétine le pouvoir réglementaire. En qualité de parlementaires, nous avons tous été conduits à le grignoter un peu. Je l’ai moi-même fait… (Oh ! sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.) Toutefois, ce fut toujours en argumentant et en expliquant quelle nécessité m’y poussait. En effet, l’exécutif met parfois de la mauvaise volonté à avancer et laisse s’installer une certaine inertie, qui contraint le législateur soucieux de l’aboutissement de son travail à outrepasser quelque peu les limites de son périmètre.
Par ailleurs, vous évoquez les ordonnances pour expliquer pourquoi et comment le législateur se placerait en situation d’incompétence négative. Or, monsieur Retailleau, les ordonnances, telles qu’elles sont prévues dans le texte qui vous est soumis, ne concernent aucunement ces règles-là !
Je vous rappelle qu’elles relèvent du choix fait par la commission des lois de remplacer la disposition interprétative qui avait été introduite par l’Assemblée nationale, trivialement appelée « article balai », par une disposition générale qui prévoit que les effets et les obligations de droits sont identiques, que les époux ou parents soient de sexe différent ou de même sexe. La commission des lois a souhaité habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance dans les six mois des dispositions qui concernent non pas les règles, mais la coordination nécessaire des textes.
Souvenez-vous, la première rédaction choisie par le Gouvernement pour ce texte consistait à procéder de façon exhaustive à toutes les coordinations nécessaires dans le code civil et dans les autres codes, lois et ordonnances.
L’Assemblée nationale a fait un autre choix, puis votre commission des lois en a fait un troisième, en privilégiant une disposition générale adossée à une habilitation gouvernementale. Nous ne sommes donc pas dans une situation d’incompétence négative !
Pour finir, je regrette vivement de ne pas avoir de citation à proposer à Mme Des Esgaulx. (Sourires sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.) Je suis vraiment navrée qu’elles vous déplaisent tant, madame la sénatrice.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Mais pas du tout !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est peut-être un peu égoïste, mais elles me font plaisir, comme en général à ceux qui les entendent. Je n’ai d’ailleurs aucun mérite, car elles ont été écrites par de très grands auteurs dont je suis heureuse de partager les mots avec vous.
M. Vincent Eblé. Nous, nous les adorons !
M. Jean-Pierre Raffarin. Mais vous êtes très bien quand vous êtes vous-même, madame la garde des sceaux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je vous en ferai cadeau lors d’une prochaine intervention ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC. ― Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)
Mise au point au sujet d’un vote
M. Jean-François Husson. Monsieur le président, hier soir, lors du scrutin public n° 148 sur l’article 1er du projet de loi, et alors même que j’étais présent en séance, j’ai été comptabilisé par erreur comme votant pour.
Or, conformément à mon opposition ancienne à ce projet de loi, je souhaitais voter contre l’article 1er. Je reste donc bien solidaire de mes collègues non inscrits et j’espère que nos collègues de la majorité n’en seront pas trop affectés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Article 1er bis (suite)
M. le président. Sur ‘article 1er bis, je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 174 rectifié ter est présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat, MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet et Guerriau, Mme Létard et M. de Montesquiou.
L'amendement n° 210 rectifié est présenté par MM. Milon et Pinton.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Françoise Férat pour présenter l'amendement n° 174 rectifié ter.
Mme Françoise Férat. Voici venu le moment de confirmer nos positions.
En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale, enfin, lorsque l’autre parent que le conjoint est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.
L’article 1er bis du texte vise à permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque l’enfant a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint.
Les dispositions de l’article 1er bis sont liées à l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe. Cet article nous est présenté comme une simple précision pour éviter des interprétations divergentes de la loi. Or, s’il peut également s’appliquer aux couples composés d’un homme et d’une femme, il anticipe en réalité l’ouverture de l’adoption aux couples de personnes de même sexe.
Il vise à permettre l’adoption non simultanée par un couple homosexuel marié, donc à faire de l’adoption intrafamiliale le moyen privilégié pour établir un lien de filiation entre un enfant et deux adultes du même sexe.
Comme nous sommes opposés à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels, nous proposons la suppression de cet article 1er bis. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour présenter l'amendement n° 210 rectifié.
M. Alain Milon. Si nous proposons également de supprimer cet article, M. Louis Pinton et moi-même ne partageons pas les motivations exprimées par Mme Férat.
Nous considérons que l’adoption plénière ne peut être prononcée au bénéfice d’un couple homosexuel dans la mesure où cela entraînerait une rupture nette dans la filiation. L’adoption plénière entraîne en effet la suppression complète des origines et de la filiation naturelle, issue d’un père et d’une mère.
Nous préférons mettre en place une adoption simple, qui n’entraîne pas de rupture de la filiation biologique et qui permettrait ainsi à l’enfant de ne pas subir la suppression complète de ses origines. Je présenterai des amendements dans ce sens par la suite.
Cela dit, je voudrais revenir rapidement sur certains des propos émis par mes collègues pour leur rappeler que, si la GPA n’existe pas en France, la PMA, elle, est pratiquée tous les jours au profit de couples stériles ou non fertiles. Mes chers collègues, je souhaite que vous ne vous disiez plus opposés à la PMA, mais, à la rigueur, et bien que ce ne soit pas mon opinion, opposés à la PMA de convenance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. ― Mme Brigitte Gonthier-Maurin et M. Michel Le Scouarnec applaudissent également.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. La commission est opposée à ces amendements de suppression. Dans ce projet de loi, aucun article n’évoque l’adoption plénière, car le mariage en accorde ipso facto la possibilité aux couples mariés.
Mme Françoise Férat. C’est toute l’astuce !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Que contient cet article ? Il apporte une précision, ce dont François Zocchetto était d’ailleurs convenu en commission des lois. Il vise à protéger la règle qui interdit la double adoption tout en ouvrant la possibilité d’adopter l’enfant précédemment adopté par son conjoint. Un enfant ne peut donc avoir que deux parents adoptifs, un point c’est tout ! Étant hostiles à l’adoption plénière, vous vous opposez à cette précision. Toutefois, il ne s’agit ici que de cela.
Bien sûr, nous sommes également défavorables au second amendement de suppression, même si ses motivations sont différentes, puisque M. Milon est hostile à l’adoption plénière, mais semble favorable à l’adoption simple. Nous évoquerons cette dernière à l’article suivant.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mesdames, messieurs les sénateurs, sans doute n’est-il pas utile de rappeler de nouveau la différence entre l’adoption simple et l’adoption plénière : après avoir été auditionnée moi-même, j’ai lu les comptes rendus des auditions menées par la commission, lesquelles accordent une large place à cette question. Chacun connaît ces deux dispositifs et, surtout, en mesure les conséquences respectives.
L’Assemblée nationale a introduit des modifications que la commission des lois a corrigées en vue d’éviter une pluri-parentalité. Nous considérons que le travail réalisé par la commission des lois élimine ce risque.
L’adoption plénière soulève cette question, dont je peine à exprimer les termes, car les mots qui me viennent à l’esprit me semblent tous quelque peu agressifs : en effet, elle supprime, élimine, gomme ou efface la filiation qui précédait. En revanche, l’adoption simple s’inscrit dans la filiation qui existait au préalable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements de suppression.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ça recommence !
M. Jean-Pierre Caffet. Et c’est reparti ! PMA, GPA, etc. !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. En ce qui concerne l’adoption, ce projet de loi va créer des inégalités entre les enfants : certains ne seront pas adoptables, d’autres le seront par adoption simple, d’autres encore le seront par adoption plénière.
En l’état actuel du droit, le code civil permet l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans trois cas : premièrement, lorsque l’enfant n’a de filiation légalement établie qu’à l’égard de ce conjoint ; deuxièmement, lorsque l’autre parent que le conjoint s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ; troisièmement, et enfin, lorsque le conjoint du parent est décédé sans laisser d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant.
L’article 1er bis a pour objet de permettre l’adoption plénière de l’enfant du conjoint dans un quatrième cas : lorsque celui-ci a déjà fait l’objet d’une adoption plénière par ce seul conjoint.
Si cet article nous est présenté comme une simple précision destinée à éviter des interprétations divergentes de la loi, ses auteurs souhaitent en réalité rendre possibles des adoptions intrafamiliales au sein de familles homoparentales dans lesquelles la filiation des enfants n’est établie, par la voie de l’adoption, qu’à égard de l’un des deux parents.
Aussi, cette disposition anticipe l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe. Nous y sommes donc opposés, en l’état actuel du droit. Mieux vaut traiter de ces situations via une loi future sur la famille, et plus particulièrement sur l’adoption. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Tout en répondant à Mme la ministre chargée de la famille, je souhaite livrer, en tant que président du conseil général de la Marne, un témoignage sur une situation que nombre de nos collègues connaissent bien.
Vous le savez, les départements ont à gérer les difficultés des enfants. Les compétences de l’enfance et de la famille sont véritablement dévolues aux conseils généraux.
M. René-Paul Savary. Vous savez combien nous nous efforçons de mener ces missions, avec le soutien des travailleurs sociaux, naturellement, et en insistant sur la dimension humaine tout à fait nécessaire au traitement de ces difficultés.
À cet égard, on voit bien l’ensemble des difficultés qu’éprouvent les familles déstructurées que nous rencontrons et que les travailleurs sociaux dirigent vers nous.
Vous le savez, les conseils généraux ont également la responsabilité du tutorat pour les enfants qui sont retirés à leur famille. Pour ce qui concerne le département de la Marne, ce sont plus de 1 300 enfants qui sont placés sous ma responsabilité. C’est la raison pour laquelle les leçons de Mme Bertinotti sont, à mon sens, difficiles à entendre. (M. Vincent Eblé s’exclame.)
M. Jean-Jacques Mirassou. La vérité est parfois cruelle !
M. René-Paul Savary. Quoi qu’il en soit, j’en reviens au problème de l’adoption. Celle-ci fait l’objet de règles de droit et, dans ce cadre, comme tous les départements, la Marne dispose d’une commission qui accomplit un travail particulièrement important.
Je le rappelle, à ce jour l’article 346 du code civil précise que nul ne peut être adopté par plusieurs personnes, si ce n’est par deux époux.
Mme Dominique Gillot. Certes !
M. René-Paul Savary. De plus, en France, la législation sur l’adoption est stricte concernant les conditions d’accueil. Elle réserve prioritairement l’adoption à des couples mariés et engagés dans la durée. Ce processus exige une solidité particulière pour celles et ceux qui ont à accueillir ces enfants, dont la souffrance est parfois inévitable.
Madame la ministre chargée de la famille, la force des projets parentaux est, bien sûr, tout à fait décisive dans les décisions qui sont prises.
L’ouverture à l’adoption pour les couples de même sexe fait croire à un droit à l’enfant et occulte parallèlement les droits de l’enfant.
Comme beaucoup et sans doute même comme l’ensemble de mes collègues ici présents, je considère l’enfant comme un don, et non comme un dû ! (M. le rapporteur manifeste sa lassitude.) L’adoption doit donc rester un droit de l’enfant, et non un droit des adultes.
Vous avez mentionné les chiffres de l’adoption à l'échelle nationale. Si vous me le permettez, je déclinerai, sur le plan local, le nombre d’agréments et le nombre d’enfants adoptés.
Pour ce qui concerne le département de la Marne, de taille médiane, 48,6 demandes d’agrément ont été formulées chaque année en moyenne entre 2008 et 2012, dont 37,2 exprimées par des couples, 4 adressées par des personnes seules vivant en couple et 7,4 émises par une personne célibataire.
Parallèlement, pour ce qui concerne la réalisation de ces projets d’adoption, à savoir le nombre d’enfants adoptés, la moyenne s’élève à 17,8 par an, dont 7 enfants pupilles de l’État, avec un minimum de 11 par an et un maximum de 24, tous enfants confondus, le nombre de pupilles se limitant parfois à 4.
Bref, en moyenne, il y a trois fois plus de demandes d’agrément que d’adoptions. De surcroît, rappelons que la procédure d’agrément nécessite un délai de cinq ans et qu’elle laisse beaucoup de parents déçus !
Dans cette affaire, il faut donc prendre en compte l’ensemble de ces préoccupations, d’autant que certains pays ont déjà prévu de réduire le nombre des adoptions conclues avec la France, parfois même de rompre les autorisations existant dans ce domaine, si ce projet de loi est voté.
On le voit bien, le problème se pose ; il faut l’appréhender à sa juste mesure. C’est la raison pour laquelle, si je puis concevoir l’adoption simple de l’enfant d’un conjoint, il me semble personnellement impossible d’aller plus loin, compte tenu de la manière dont ce projet de loi est tourné.
De fait, l’adoption plénière gomme la filiation, comme Mme la garde des sceaux l’a souligné. À mon sens, si la législation allait plus loin dans ce sens, elle conduirait à une véritable destruction de la filiation.
Voilà pourquoi je ne pourrai voter cet article.
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Cet article est très différent du précédent. En effet, l’article 1er traitait de la vie en couple, c'est-à-dire d’une existence choisie par des adultes. Ici, nous parlons d’adoption, c'est-à-dire d’une vie imposée par des adultes à des enfants. Il s'agit là d’une différence fondamentale.
Madame la ministre, vous l’avez indiqué il y a quelques instants, dans notre pays, il est possible qu’un célibataire adopte un enfant. Dont acte. Effectivement, lorsque ce célibataire se met en couple avec une personne de sexe opposé, l’adoption est possible. Aujourd’hui, lorsque ce célibataire se met en couple avec une personne de même sexe, l’adoption plénière ou simple n’est pas possible.
Vous le savez, je défends l’enfance depuis de nombreuses années. À cet égard, il me semble impensable qu’un enfant puisse dire : « J’ai deux papas » ou : « J’ai deux mamans ». (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Marc Daunis. C’est reparti !
Mme Françoise Laurent-Perrigot. Pitié !
Mme Isabelle Debré. Chers collègues de la majorité, je fais toujours preuve de beaucoup de respect lorsque vous vous exprimez. Laissez-moi, s’il vous plaît, m’expliquer à mon tour et poursuivre mon propos !
A contrario, il est tout à fait possible à mes yeux qu’un enfant dise : « J’ai un papa et le compagnon de mon papa » ou « J’ai une maman et la compagne de ma maman. » Je n’ai jamais mis en doute la capacité, pour un couple homosexuel, d’élever un enfant. Ces couples peuvent effectivement apporter de la sécurité, de l’affection et de l’éducation. Là n’est pas le problème.
Mme la ministre l’a souligné avec raison, il est ici question des droits de l’enfant. Dans ce cadre, il me semble également nécessaire d’évoquer les devoirs des adultes.
Aujourd’hui, lorsqu’un enfant fait l’objet d’une adoption plénière de la part d’un célibataire, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, et que celui-ci se met en couple avec une personne de même sexe, l’enfant devient de facto orphelin s’il arrive par malheur un accident à l’adoptant. Ce n’est pas acceptable ! Il faut non seulement donner des droits à de tels enfants, mais aussi des devoirs aux personnes qui les ont élevés des années durant.
Il est impensable que le conjoint ou la conjointe du parent adoptant ne puisse continuer d’exercer ses devoirs vis-à-vis de l’enfant, et que l’enfant ne puisse pas avoir des droits à l’affection et à la poursuite de son éducation.
L’adoption simple répond parfaitement à ce problème. Il est donc d’autant moins concevable de légiférer ainsi, immédiatement !
Nous pouvons parfaitement attendre, comme le propose le doyen Gélard, l’examen de la prochaine loi sur la famille ; nous pouvons supprimer le présent article ; nous pouvons privilégier l’adoption simple. Quoi qu’il en soit, l’adoption plénière n’est pas possible.
Par ailleurs, je tiens à soulever un autre problème.
Depuis le début de nos débats, Mmes les ministres et nos collègues de la majorité nous parlent d’égalité. Mais où est l’égalité ? Prenons le cas de deux enfants confiés à une famille d’accueil, le premier à une famille homosexuelle, le second à une famille hétérosexuelle.
Je le répète, je ne remets jamais en doute la possibilité que ces enfants reçoivent une excellente éducation des deux côtés. Là n’est pas la question ! Le problème, c’est celui des repères.
Aujourd’hui, on connaît des enfants parfaitement bien élevés par des couples homosexuels. Toutefois, leurs repères ne sont pas les mêmes : les enfants ont besoin de savoir qu’ils ont été conçus – jusqu’à nouvel ordre ! – par un homme et par une femme.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qu’est-ce qui empêche de le leur dire ?
Mme Isabelle Debré. À mes yeux, il est donc inconcevable que deux personnes puissent se dire pères ou mères d’un même enfant. Voilà pourquoi je m’oppose à l’adoption plénière par les deux conjoints. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Avant tout, je souligne que je souscris pleinement à l’interprétation juridique, tout à fait cohérente, avancée par Mme la garde des sceaux il y a un instant.
De fait, si l’on entre dans le régime du mariage, il convient d’en dérouler la logique jusqu’au bout : il n’est pas possible d’instituer le mariage sans l’assortir de l’adoption. L’adoption par le conjoint est en effet l’un des éléments constitutifs de ce régime. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, étant en désaccord avec l’adoption par les couples de même sexe, je suis également en désaccord avec le mariage pour ces derniers.
Chacun d’entre nous a ses cohérences propres. Du moins pouvons-nous partager une même interprétation du droit en la matière. Celle-ci me semble, au surplus, tout à fait exacte.
Cela étant, je me distingue de Mme la garde des sceaux quant à l’appréciation qu’elle fait des chances, ou des risques – le terme varie selon l’approche que l’on adopte au sujet de cette probabilité ! – que la CEDH nous contraigne à aller plus loin en matière d’assistance médicale à la procréation si nous entrons dans le régime du mariage, et cela pour une raison très simple : avec ce système, nous inscrirons dans la loi le principe d’une équivalence absolue de la parenté au sein des couples de même sexe et des couples composés de personnes de sexe différent.
La notion même de parenté évolue. On ne limite plus le mariage au lien du sang, pour employer une expression qui figure dans le code civil. On affirme que la parenté va au-delà de ce lien. Voilà pourquoi, dans le code civil tel qu’il résulterait de l’adoption du présent texte, la définition de la parenté serait la même pour les couples homosexuels et hétérosexuels.
Néanmoins, si ces deux réalités ne sont pas différentes, pourquoi, lorsqu’il s’agit d’adopter l’enfant de son conjoint, la reconnaissance de la parenté supposerait-elle, dans un cas, un acte juridique et, dans l’autre, via l’application de la présomption de paternité, un strict automatisme ?
Il y aura des revendications, qui auront leur cohérence. La Cour européenne des droits de l’homme, prenant acte de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe dans notre pays, nous obligera à aller au bout de notre logique. Dans la mesure où, par essence, la parenté est la même dans les deux types de couples, elle nous imposera d’instituer une reconnaissance identique de cette parenté.
Sans qu’il soit besoin de se poser la question de savoir si l’on peut, ou non, recourir à l’insémination artificielle en France, de très nombreux enfants naissent au sein de couples de femmes d’une insémination pratiquée à l’étranger. Ce moyen est déjà largement utilisé. L’adoption automatique par le conjoint, avalisée par un jugement d’adoption, permettra d’établir la parenté de l’épouse de la mère à l’égard de l’enfant. C’est une évidence !
Cette disposition est portée dans le texte ; on ne peut pas la nier. On peut simplement dire si l’on est pour ou contre. Le texte, dans sa rédaction actuelle, traite juridiquement, même si c’est de manière implicite, de la question de l’assistance médicale à la procréation.
De ce point de vue, madame la garde des sceaux, dans l’intérêt même de l’interprétation qui sera donnée à votre texte, s’il est adopté, il serait tout à fait judicieux que vous proclamiez et assumiez votre position : l’assistance médicale à la procréation aura des effets de droit, dans la mesure où elle permettra un jugement d’adoption pour l’épouse de la mère. C’est simple, c’est clair et c’est inscrit dans la logique juridique de votre texte.
M. Philippe Bas. Nous discutons de la suppression d’un article introduit par l’Assemblée nationale et dont la rédaction, je dois le dire, a été nettement améliorée par la commission. Je veux en rendre hommage à notre rapporteur. Si la filiation était établie à l’égard d’un tiers, permettre une deuxième adoption deviendrait véritablement insupportable. Cela engagerait les droits d’un tiers, et nous ne pourrions y souscrire.
Pour autant, nous ne pouvons pas soutenir la disposition que vous avez introduite, parce que, comme l’indiquait Mme Bertinotti voilà un instant, et comme le demande la commission des lois, nous serons saisis d’un projet de loi sur l’adoption.
Or, je viens de le rappeler, les dispositions prévues dans le code civil s’appliquent déjà aux couples de même sexe qui seront formés en application de la future loi. Vous introduisez là une sorte de cavalier qui relève du projet de loi sur l’adoption que vous préparez.
D’une part, je me refuse à tout élargissement des possibilités d’adoption par les couples de même sexe. D’autre part, le support d’une telle disposition, qui n’est pas rendu nécessaire par votre texte, devrait être le projet que Mme Bertinotti est en train de préparer. Dans ces conditions, il me paraît nécessaire, voire indispensable, que le Sénat ne retienne pas cette disposition.
Le présent article, et c’est heureux, n’est pas applicable aux seuls couples de même sexe. Légiférer aujourd’hui sur l’adoption en général alors qu’un projet de loi sur ce sujet devrait être déposé dans quelques semaines ou dans quelques mois, cela n’a tout simplement pas de sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour explication de vote.
M. Yves Pozzo di Borgo. Je suis peu intervenu dans cette discussion, aussi me permettrai-je deux observations préliminaires avant de m’exprimer sur les amendements de suppression de l’article 1er bis.
Tout d’abord, en qualité de sénateur de Paris, président d’un groupe au Conseil de Paris, je tiens à rappeler les termes de la déclaration du maire de cette ville, Bertrand Delanoë, après l’agression brutale dont ont été victimes deux Parisiens dans la nuit de samedi à dimanche, au motif qu’ils se tenaient par la main.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Yves Pozzo di Borgo. Bertrand Delanoë a déclaré : « J’apprends avec colère et tristesse [cette] brutale agression […]. Le déchaînement de violence qu’a subi ce couple […] est profondément inquiétant et parfaitement inqualifiable ».
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Yves Pozzo di Borgo. Ensuite, madame la garde des sceaux, vous êtes, comme moi et beaucoup de nos collègues, l’émanation de la génération de 1968, même si vous ne le paraissez pas et faites beaucoup plus jeune. (Sourires.)
Cette génération – c’est l’une de ses caractéristiques –, a été très influencée par une pensée marxiste souvent très mal digérée, à droite comme à gauche d'ailleurs, elle-même marquée par le concept de dialectique historique empruntée à Hegel, selon laquelle l’histoire va dans le sens du progrès.
Or les trente dernières années ont montré que la régression existait aussi en histoire. Et l’histoire du communisme a mis en évidence que la régression existe dans la dialectique historique.
Si je prends cette comparaison, madame la garde des sceaux, c’est parce que nous avons l’impression que la réflexion qui vous a conduit à présenter un projet de loi instituant le mariage pour tous est influencée par cette pensée : l’histoire irait dans le sens du progrès.
Je prétends pour ma part que la régression existe aussi en histoire : lorsque l’on bouscule trop le naturel, celui-ci se venge. Nous verrons dans quelques années qui a raison.
J’en viens aux amendements de suppression de l’article 1er bis. Madame la garde des sceaux, c’est peut-être le sens de l’histoire, mais votre obstination à vouloir coûte que coûte faire adopter un texte préparé trop hâtivement fait que l’article 1er bis est l’un des meilleurs exemples des paradoxes de votre position.
Cet article étend le champ de l’adoption plénière en permettant de fait au conjoint d’une personne ayant adopté ou ayant eu un enfant naturel, de l’adopter de manière plénière. C’est la conséquence logique de l’article 1er. Le mariage permettant l’adoption, il s’agit, dans cet article, de régler les situations intermédiaires nées des insuffisances antérieures.
Cette modification introduite à l’Assemblée nationale, sur l’initiative du rapporteur Erwann Binet, semble cohérente dans la logique générale de votre texte. Le fait est que vous vous apprêtez purement et simplement à fabriquer une machine à frustration.
La convention de La Haye de 1993 stipule que l’adoption internationale n’est possible que lorsque les voies nationales ont été épuisées. Or, on le sait bien, en France, il y a plus de demandes d’adoption que d’enfants à adopter ; cela a été dit plusieurs fois. Tous les projets parentaux ne peuvent être satisfaits et votre texte va rendre cette situation, déjà douloureuse, encore plus tendue.
Certes, pour l’image et la communication politique on fera passer quelques dossiers en haut de la pile. Mais les autres couples qui feront cette demande, vous les lancerez contre un mur des lamentations administratives.
La seule échappatoire à cette aporie du texte – problème insoluble et inévitable –, c’est l’adoption internationale. S’il n’est pas possible de réaliser son projet dans son propre pays, autant aller voir à l’étranger.
La seule petite nuance en la matière, madame la garde des sceaux, c’est que, parmi les pays qui sont les premiers partenaires des ressortissants français en matière d’adoption internationale, nombreux sont ceux qui ne partagent pas votre politique de civilisation et les transformations que vous souhaitez faire subir à l’institution familiale.
La Russie en est un bon exemple. C’est l’une des cinq nations les plus sollicitées par les ressortissants français en matière d’adoption internationale. Les classements sont aléatoires selon les années, mais l’on voit la Russie osciller entre la troisième et la cinquième place de ce classement, avec une moyenne de 400 enfants russes adoptés par des couples français ou des célibataires français tous les ans.
Or la Russie ne souscrit pas du tout à votre politique. On n’ignore pas quel triste sort est encore réservé à ceux qui aiment des personnes de leur propre genre en Russie. On sait également les progrès que fait la société russe depuis vingt ans, mais le fait est que, en l’état actuel des choses, la Russie conservatrice et orthodoxe refusera très certainement de laisser des enfants être adoptés par des couples mariés homosexuels.
Cette situation n’est pas propre à la Russie, malgré ce que dit Mme Bertinotti, et concerne aussi de très nombreux pays du Sud, qui sont particulièrement attachés au prétendu conservatisme suranné que vous entendez dénoncer.
D’un trait, vous promettez des adoptions qui n’auront pas lieu, parce que là où vous vous bercez d’illusions, là où vous bercez des centaines de milliers de Français dans le mythe de la fondation d’une famille grâce au mariage des couples de même sexe, vous ne ferez que semer la frustration, la colère et l’incompréhension.
Au surplus, cela a été indiqué à plusieurs reprises, nous connaissons l’issue de ce paradoxe. C’est mécanique : c’est la PMA et la GPA ! Dans six mois ou dans six ans – j’espère que vous ne serez plus au pouvoir dans six ans – vous reviendrez devant nous pour nous parler d’égalité et de grands principes après nous avoir promis aujourd'hui du bout des lèvres en séance que ces questions-là n’avaient rien à voir avec votre projet de loi. Et nous serons alors dans le domaine décrit par Aldous Huxley dans Le Meilleur des Mondes, dont le titre reprend cette phrase ironique de Voltaire : « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. »
M. le président. Je vous remercie, mon cher collègue, mais vous êtes arrivé au terme de votre intervention.
M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, c’est très gentil de me couper la parole…
M. le président. Je suis désolé, mais il faut respecter son temps de parole !
La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote. (Marques de lassitude sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bruno Retailleau. Permettez-moi de préciser ma pensée, mon raisonnement eu égard aux réponses qui m’ont été apportées sur la compétence négative. Je ne visais pas les articles auxquels vous avez pensé, madame la garde des sceaux. En fait, je visais plutôt l’article 310 du code civil et d’autres articles relatifs à la possession d’état et à la reconnaissance de paternité.
Je ne prendrai qu’un seul exemple, car nous pourrions discuter très longtemps de ce que j’ai voulu caractériser.
Jusqu’à présent, deux obstacles fondaient l’interdiction faite aux couples de même sexe d’avoir accès à l’adoption : le premier était l’impossibilité de se marier ; le second est le principe d’ordre public qui s’oppose à la double filiation, qu’elle soit maternelle ou paternelle. Dès lors que ce principe d’ordre public tombe, c’est tout le droit de la filiation qu’il faut revoir. Telle est la première observation que je souhaitais faire.
Par ailleurs, je ne fais pas la même lecture que vous des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. Deux décisions sont ici concernées : la première, de juin 2012, concerne la France, et la seconde, du 19 février 2013, concerne l’Autriche. Or, chose plutôt exceptionnelle, c’est la grande chambre de la CEDH qui pointe l’affaire française. Dès lors qu’il y a des situations juridiques identiques, qu’il s’agisse de la PMA ou de l’adoption, les cas doivent être traités de la même façon. La CEDH s’appuie sur le principe de non-discrimination, clef de voûte qu’elle tiendra envers et contre tout. Et je pense que ce principe prévaudra.
Toutefois, nous avons la conviction – je vous rassure, il ne s’agit pas là d’une question de génération, comme le disait mon excellent collègue Yves Pozzo di Borgo – que vous autoriserez la PMA avant même que la CEDH ait le temps d’être saisie et de statuer sur un cas français. C’est la deuxième observation que je souhaitais formuler.
Enfin, madame Bertinotti, et ce sera ma troisième observation, je comprends mieux aujourd’hui qu’avec la vision relativiste que vous avez des familles – pour ma part, je les respecte toutes – le Gouvernement ne cesse d’introduire des coins dans notre politique familiale, par exemple en remettant en cause l’universalité des allocations familiales, le quotient familial ou les déductions fiscales pour le service à domicile de gardes d’enfants.
Lorsque l’on vous écoute, madame la ministre, on comprend les visées du Gouvernement qui tendent à ébranler les éléments constitutifs du socle de notre politique familiale depuis la Seconde Guerre mondiale. Cette politique donnait lieu à consensus. Vous avez finalement exprimé en peu de mots votre conception.
M. Bruno Retailleau. Elle explique parfaitement les prises de position du Gouvernement en matière de politique familiale en France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Madame la garde des sceaux, vous êtes, comme d’habitude, d’une grande habileté. Toutefois, je tiens à vous remercier d’avoir répondu avec respect à chacun des orateurs. Vos réponses sont ce qu’elles sont : nous pouvons vous rejoindre sur certaines d’entre elles, mais pas sur d’autres. En tout cas, elles ont le mérite d’exister.
Vous êtes d’ailleurs passée assez facilement d’un argument général plaidant pour le texte à un autre qui fait valoir l’intérêt supérieur de l’enfant.
Pour ma part, je partage vos propos concernant les enfants nés de la GPA. Ces derniers ne sont pas responsables de la façon dont ils ont été conçus et ils ne doivent pas en supporter les conséquences. Même si la GPA est interdite, il est tout à fait normal d’agir, car l’État français n’a pas su faire appliquer sa loi. Pour ma part, j’accepte tout à fait l’idée que le législateur ou le Gouvernement, suivant les cas, doive se préoccuper de leur situation.
Toutefois, l’intérêt supérieur de l’enfant nous inspire aussi les positions qui sont les nôtres en matière d’adoption plénière. Vous avez en quelque sorte diaboliquement,…
M. Michel Mercier. Oui, de manière diaboliquement habile !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. D’habitude, on me dit plutôt que je ressemble à un ange ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Ce serait beaucoup dire, mais je n’en ai jamais vu ! J’ai l’impression que vous les connaissez mieux que moi. (Nouveaux sourires.)
Je pense donc que vous avez été diaboliquement habile en faisant voter l’article 1er du projet de loi. Juridiquement, vous avez raison de dire qu’on ne touche pas aux effets du mariage, dès lors qu’il est simplement mentionné que « le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ». Toutefois, votre argumentation n’est-elle pas un peu brève, eu égard à l’intérêt supérieur de l’enfant ? Quid du débat et du texte sur l’adoption plénière ?
M. Michel Mercier. Le débat a lieu, certes, mais sans texte ! Vous le savez bien, seul cet article concerne cette question. Un texte nous sera proposé un autre jour, nous dit-on. Néanmoins, nous parlons aujourd'hui de droit civil, l’adoption étant régie par ce dernier.
C’est pourquoi il convenait de rappeler très clairement les effets juridiques de l’adoption plénière. Celle-ci rompt la filiation existante au profit d’une nouvelle filiation, qui, elle, est complètement artificielle, puisque l’enfant est déjà né, avec une filiation.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Il a été abandonné !
M. Michel Mercier. L’adoption plénière gomme cette filiation pour lui en substituer une autre. Cependant, s’ensuivent un certain nombre de conséquences, que je ne rappellerai pas toutes. Que deviendront, par exemple, les grands-parents initiaux de l’enfant, qui sont des créanciers alimentaires de ce dernier ? Le texte n’en parle pas. On ne sait donc pas ce qui se passera demain.
On se contente de nous dire que l’ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe leur donne le droit d’adopter. C’est évident. Mais qu’en est-il du régime de la filiation, de l’adoption ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est à droit constant ! Les conséquences sont les mêmes !
M. Michel Mercier. Mais cet enfant est né de parents biologiques.
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis. Ils l’ont abandonné !
M. Michel Mercier. Il fait l’objet d’une adoption, alors que cette question n’est pas réglée. Il faudra bien en parler un jour. L’intérêt supérieur de l’enfant aurait dû nous conduire à avoir un débat plus approfondi en la matière.
Par ailleurs, je partage aussi, au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant, les propos tenus par M. Milon lors de la présentation de l’amendement n° 210 rectifié : l’intérêt supérieur de l’enfant prime les intérêts des adultes en présence et impose de ne pas donner à l’enfant une « homofiliation ». Cela fait aussi partie de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui-là même que vous avez invoqué pour justifier, à juste titre, l’action que vous avez menée pour les enfants nés de la GPA.
L’article 1er ayant été voté hier, ces deux amendements identiques sont notre dernier recours pour nous opposer à l’adoption plénière par des couples de même sexe.
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Est-il réellement indifférent que l’enfant soit élevé ou non par l’homme, son père, et la femme, sa mère, qui lui ont donné la vie ? A-t-on le droit de priver délibérément un enfant de son père ou de sa mère, sauf en cas de défaillances graves ? D’ailleurs, même dans ces cas, les services sociaux semblent s’accorder à essayer de ne pas couper complètement les liens de l’enfant avec ses parents.
M. André Reichardt. Or n’est-ce pas ce qui risque de se produire avec l’instauration de l’adoption plénière par deux parents de même sexe et, surtout, à une échelle beaucoup plus grande, avec ce qui suivra immanquablement et dont on reparlera sitôt cette première loi votée, à savoir le recours à l’insémination artificielle, puis aux mères porteuses ?
Madame la garde des sceaux, vous avez indiqué tout à l'heure que nos craintes à l’égard de la PMA et de la GPA n’avaient pas lieu d’être. Pour reprendre peu ou prou vos propos, si la Cour européenne des droits de l’homme avait dû prendre une décision à cet égard, elle aurait déjà pu le faire compte tenu des cas d’ouverture du mariage homosexuel intervenus antérieurement dans d’autres pays d’Europe, notamment en Espagne.
Or, ainsi que l’a souligné notre collègue Bruno Retailleau, vous semblez oublier que ce n’est que très récemment, le 19 février dernier exactement, que la Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Autriche, au nom de l’égalité, pour avoir refusé d’envisager l’adoption d’un enfant par la compagne de sa mère, alors que le père, qui versait une pension alimentaire et voyait régulièrement son enfant, s’y opposait. Nous sommes donc bien là dans ce cas de figure.
M. Alain Gournac. Voilà !
M. André Reichardt. Poser ces questions revient déjà à y répondre. La Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par l’ensemble des sociétés formant notre humanité, abonde d’ailleurs clairement en ce sens, dans son article 7 : l’enfant a « le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux. »
Je me suis permis d’insister sur ce point, car c’est la dernière fois que nous pourrons – peut-être ! – influer sur le vote de nos collègues. Aussi, je voterai les amendements identiques nos 174 rectifié ter et 210 rectifié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 rectifié ter et 210 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Godillots ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Vous avez la mémoire courte !
M. le président. Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 152 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 164 |
Contre | 176 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir.
M. Jean-Claude Lenoir. Nos travaux sont très suivis sur les canaux spécialisés et sur internet, je le sais. Aussi aimerais-je expliquer aux personnes qui suivent la séance publique les raisons pour lesquelles un scrutin public vient d’être organisé. En fait, la gauche était minoritaire dans l’hémicycle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Eh oui !
M. Jean-Claude Lenoir. Alors qu’ils étaient appelés à se prononcer sur une disposition importante, deux amendements identiques tendant à supprimer le dispositif relatif à l’adoption plénière, les sénateurs de la majorité ont demandé un scrutin public parce que les sénateurs des groupes de l’UMP et de l’UDI-UC étaient beaucoup plus nombreux en séance. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Cela n’a rien à voir !
M. Jean-Claude Lenoir. Cette procédure permet en effet de faire voter les sénateurs qui ne sont pas présents dans l’hémicycle. Tel est le commentaire que je souhaitais faire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 1er bis (suite)
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 81 rectifié quinquies, présenté par MM. Gélard, G. Bailly, Beaumont, Bécot et Billard, Mmes Bruguière et Cayeux, MM. César, Chauveau, Cléach, Couderc et de Legge, Mme Debré, MM. del Picchia et Delattre, Mmes Deroche et Des Esgaulx, MM. Doligé et du Luart, Mme Duchêne, MM. Dulait, Duvernois, Ferrand, J.P. Fournier, Gilles, Grosdidier et Houpert, Mme Hummel, M. Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, Lecerf, Lefèvre, Legendre, Leleux, Lenoir, P. Leroy et Magras, Mme Mélot, MM. Milon, Paul, Pillet, Pintat, Pinton, Poniatowski, de Raincourt, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin et Mmes Sittler et Troendle, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le titre VIII du livre Ier du code civil est abrogé.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement est un peu une arme atomique ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)
J’ai rendu hommage tout à l'heure au rapporteur pour ses efforts visant à harmoniser ou, à tout le moins, à faciliter les règles relatives à l’adoption. Toutefois, ceux-ci me paraissent insuffisants, car se posent d’autres problèmes, tout aussi importants et graves.
Ainsi, pour ce qui concerne l’adoption d’un enfant par le membre d’un couple homosexuel, il existe non pas une solution, mais cinq ou six solutions différentes. Certains enfants ne seront pas adoptables parce qu’ils ont un père et une mère, tandis que d’autres ne le seront pas pour d’autres raisons. Certains seront adoptables par adoption plénière, d’autres par adoption simple et d’autres ne le seront pas du tout. C’est une atteinte au principe d’égalité. Or les conséquences de ces différentes situations n’ont pas été examinées dans l’étude d’impact du projet de loi.
Face à cette situation, je ne vois qu’une seule solution : mettre en stand by notre législation relative à l’adoption, qui est devenue totalement inadaptée. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
Je rappelle que l’adoption plénière est irrévocable. Elle ne peut donc pas tenir compte des risques éventuels, tels que le divorce.
C'est la raison pour laquelle je vous propose, mes chers collègues, d’abroger le titre VIII du livre Ier du code civil relatif à l’adoption, en attendant que soit adoptée cette grande loi sur la famille dont on parle depuis le début de nos débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 208 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 345-1 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 345-1. – L’adoption plénière de l’enfant de l’un des conjoints ou de l’un des partenaires peut être demandée par son conjoint ou son partenaire s’il est de sexe différent. Elle est permise :
« 1° Lorsque l’enfant n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce conjoint ou de ce partenaire, ou lorsqu’il a été adopté plénièrement par ce seul conjoint ou partenaire et n’a de filiation établie qu’à l’égard de ce dernier ;
« 2° Lorsque l’autre parent que le conjoint ou partenaire s’est vu retirer totalement l’autorité parentale ;
« 3° Lorsque l’autre parent que le conjoint ou partenaire est décédé et n’a pas laissé d’ascendants au premier degré ou lorsque ceux-ci se sont manifestement désintéressés de l’enfant. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Dans la mesure où il tend à réécrire l’article 1er bis du projet de loi, cet amendement aurait eu tout son sens si les amendements de suppression nos 174 rectifié ter et 210 rectifié avaient été adoptés. Je le maintiens malgré tout, car cette proposition me permet de m’exprimer sur la question de l’adoption plénière.
Nous estimons que l’intérêt supérieur de l’enfant, qui prime les intérêts des adultes en présence, impose de ne pas donner à celui-ci une « homofiliation » qui le ferait apparaître sur l’état civil comme issu de deux hommes ou de deux femmes.
À la suite de Bruno Retailleau, je rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme, qui considère qu’on ne doit pas discriminer une famille homoparentale, peut nous condamner pour discrimination, non pas sur la filiation mais sur la parentalité ; à cet égard, le Gouvernement est peut-être en train de commettre une confusion.
L’adoption simple permet de reconnaître la famille homoparentale tout en préservant l’intérêt de l’enfant, qui réside dans sa filiation. En revanche, l’adoption plénière pour deux personnes de même sexe priverait l’enfant d’une filiation conforme à la réalité biologique.
Il y a évidemment plusieurs formes de parentalité, par exemple les familles monoparentales ou recomposées, mais chacun d’entre nous a une seule filiation. C’est pourquoi l’adoption plénière est irrévocable. L’enfant peut avoir des beaux-parents, au gré des unions et des désunions des adultes, mais il a droit à la pérennité de son statut sur le plan de la filiation.
En voulant l’adoption plénière pour les couples homosexuels, vous faites preuve d’une certaine hypocrisie – excusez-moi du terme, je n’en ai pas trouvé d’autre. Au bout du compte, en effet, vous avez l’intention de la détruire, parce que l’adoption par un couple homosexuel n’entre pas dans la filiation classique du titre VIII du livre Ier du code civil. Il sera donc nécessaire de déclasser cette adoption plénière.
D’ailleurs, Mme Bertinotti et M. Sueur veulent revoir l’état civil des adoptés pléniers, qui est actuellement le même que celui des enfants classiques, ce qui serait une régression par rapport à la loi du 5 juillet 1996 relative à l’adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, M. Desessard, Mme Aïchi, M. Labbé et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
L’article 345-1 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « quel que soit le mode de conception de l’enfant » ;
2° Après le 1°, il est inséré un 1°bis ainsi rédigé :
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Je défendrai en même temps cet amendement et l'amendement n° 239 à l’article 1er ter, car ils ont le même objet ; le premier vise l’adoption plénière, le second l’adoption simple.
En l’état actuel de notre droit, une personne peut adopter l’enfant de son conjoint de manière plénière ou simple, dans les conditions prévues par la loi. À cet égard, le droit n’opère aucune distinction entre les enfants, ce qui est heureux. Faut-il rappeler que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ?
Toutefois, depuis deux arrêts de la Cour de cassation de 1991 et 2003, on observe une véritable rupture d’égalité entre les enfants en fonction de leur mode de conception. En effet, la Cour de cassation a refusé l’adoption par le conjoint du parent d’un enfant né par gestation pour autrui à l’étranger, au motif que cette pratique contrevenait à l’ordre public français.
J’insiste une nouvelle fois : il ne s’agit pas ici de légaliser la GPA en France. Il s’agit de faire primer l’intérêt supérieur de l’enfant et le principe d’égalité, sans autre considération morale. Pour cela, nous souhaitons prévoir aux articles 345-1 et 360 du code civil que l’adoption de l’enfant du conjoint peut et même doit être prononcée en tenant compte uniquement de l’intérêt supérieur de l’enfant – cet intérêt que, chers collègues de l’opposition, vous invoquez inlassablement depuis plusieurs jours ! –, et non de son mode de conception.
Ces deux amendements visent simplement à assurer le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que j’ai citée il y a quelques instants, ainsi que celui de la Convention internationale des droits de l’enfant. Celle-ci, dans son article 3-1, stipule que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
Mes chers collègues, la véritable manière de prendre en compte l’intérêt d’un enfant est de préparer à ce dernier un avenir digne de ce nom ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. L'amendement n° 211 rectifié bis, présenté par MM. Milon et Pinton et Mme Létard, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après le mot :
conjoint
insérer les mots :
de sexe différent
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Mes collègues et moi-même proposons de préciser que le droit de la filiation interdit une double filiation maternelle ou paternelle.
M. le président. L'amendement n° 120 rectifié bis, présenté par MM. Retailleau, G. Bailly, Leleux, Béchu, du Luart, Sido et del Picchia, Mme Giudicelli, MM. Darniche, Duvernois, Revet, Cambon, Savary, B. Fournier, Paul, P. Leroy, César, J.P. Fournier et Cardoux, Mme Duchêne, MM. Bordier, Couderc, Fleming et Lenoir, Mme Hummel, MM. Grignon et Huré, Mme Sittler, MM. Magras, Houel, de Legge, Cléach et Gournac, Mme Mélot, M. Pierre et Mme Deroche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – Le dernier alinéa de l’article 345 du code civil est ainsi rédigé :
« S'il a plus de treize ans, l'adopté doit consentir personnellement à son adoption plénière, après avoir bénéficié d’un entretien avec un psychologue. Le consentement ne peut être recueilli selon les formes prévues au premier alinéa de l'article 348-3 moins de quinze jours après cet entretien. Le consentement peut être rétracté à tout moment jusqu'au prononcé de l'adoption. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, je défendrai en même temps l’amendement n° 121 rectifié bis.
Je tiens à rendre justice à M. le rapporteur, car, comme l’a dit très justement Philippe Bas, il a tenté de contenir un certain nombre de dommages que le projet de loi, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, causait en matière d’adoption et même de pluriadoption. Nous sommes assez peu d’accord avec lui sur nombre de questions, mais, quand la vérité l’exige, nous rendons à César ce qui lui appartient !
Mesdames les ministres, je ne vois pas pour quelle raison vous pourriez être défavorables à l’amendement n° 120 rectifié bis. Il vise à permettre aux enfants de plus de treize ans, dans une période difficile, l’adolescence, où ils ont parfois du mal à formuler une volonté, de recevoir l’aide d’un psychologue avant de consentir à leur adoption. Nous pensons que, ainsi éclairés, ils pourront donner un consentement venant du cœur, qui soit véritablement réfléchi.
Je pense qu’on ne peut pas s’opposer à cette proposition. Mesdames les ministres, vous le pouvez d’autant moins que, pour vous qui voulez créer une filiation sociale, la volonté est extrêmement importante. Faire en sorte que celle des enfants de plus de treize ans soit éclairée est donc un objectif qui ne peut que vous agréer.
Quant à l’amendement n° 121 rectifié bis, il tend à proscrire les pratiques qui pourraient nous entraîner vers la PMA et vers la GPA ; il va de soi que, à cet égard, je ne suis pas du tout d’accord avec Mme Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il n’est pas question de GPA dans le projet de loi !
M. Bruno Retailleau. J’ai bien compris, madame Benbassa, que vous souhaitiez régulariser la GPA pratiquée à l’étranger. Ce faisant, vous affaibliriez la cohérence de notre droit !
Mme Esther Benbassa. C’est faux ! Nous ne demandons par la GPA !
M. Bruno Retailleau. Du reste, même si je ne les partage pas, je respecte vos convictions, qui sont fermes et que vous assumez ; les convictions que j’estime le moins sont les convictions tièdes.
Ce projet de loi ouvre le droit à l’adoption. Néanmoins, pour que celle-ci se concrétise, il n’y a pas une infinité de solutions. L’adoption internationale n’en est pas une, puisque les enfants adoptables sont de moins en moins nombreux, pour de multiples raisons, parmi lesquelles la convention de La Haye, qui stipule qu’il faut d’abord épuiser toutes les solutions pour l’adoption dans le pays d’origine, et l’amélioration de la condition des femmes. Cette source devant être extrêmement faible, la voie de l’adoption sera celle du conjoint, soit qu’il y ait eu antérieurement un enfant, soit qu’on « fabrique », en quelque sorte, un enfant ad hoc.
C’est ici qu’un problème se pose, dans la mesure où le projet de loi peut conduire au contournement de certaines dispositions d’ordre public pour ouvrir la voie à la GPA et à la PMA de convenance, dont Alain Milon a eu raison de rappeler qu’elle pouvait aussi concerner des couples hétérosexuels. Je pense, notamment, à l’article 16 du code civil, qui prévoit l’indisponibilité du corps humain, et aux articles L. 2141-1 et L. 2141-2 du code de la santé publique. Pour notre part, nous affirmons de façon très claire que, pas plus pour aujourd’hui que pour demain, nous n’acceptons ces évolutions !
Chers collègues de la majorité, vous ne cessez de soutenir que la PMA et la GPA ne sont pas l’horizon à l’arrière-plan de ce projet de loi. En adoptant les amendements nos 120 rectifié bis et 121 rectifié bis, vous lèveriez toute ambiguïté et vous régleriez définitivement cette question ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Les cinq amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 121 rectifié bis est présenté par MM. Retailleau, Savary et Mayet.
L'amendement n° 164 rectifié est présenté par MM. Bécot, César, Cornu, Bordier, Houel, P. Leroy et Pointereau.
L'amendement n° 166 rectifié est présenté par M. Leleux, Mme Giudicelli, MM. Sido et Cambon, Mmes Sittler et Bruguière et MM. de Legge et Cléach.
L'amendement n° 202 est présenté par MM. Revet et Darniche.
L'amendement n° 251 est présenté par M. Gournac.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article 345-1 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée interdite par la législation française. »
L’amendement n° 121 rectifié bis a été défendu.
La parole est à M. Michel Bécot, pour présenter l’amendement n° 164 rectifié.
M. Michel Bécot. Il s’agit en réalité d’un amendement d’appel. Cette proposition soulève d'ailleurs un problème, sans nécessairement lui apporter de solution, du moins dans l’immédiat.
Mes chers collègues, je vous rappelle que la PMA est autorisée en droit français, pour les couples de personnes de sexe différent, mais seulement pour raisons médicales. Quant à la GPA, notre législation l’interdit. Certains n’hésitent pas à contourner la loi en ayant recours à l’étranger à une PMA de convenance, selon la formule d’Alain Milon, ou à une GPA.
Ce contournement de la loi française peut être le fait de couples de personnes de sexe différent qui, ne remplissant pas les critères prévus par notre droit, se rendent à l’étranger pour bénéficier d’une PMA de convenance. Il est également le fait de couples de personnes de même sexe, qui ont recours à une PMA de convenance hors de France, par exemple en Belgique ou en Espagne.
Ceux qui recourent à ces méthodes de procréation interdites en France le font en connaissance de cause et sont informés des conséquences juridiques de leur démarche. Ils mettent le législateur devant un fait accompli en lui demandant d’y remédier. Est-ce bien notre rôle ? Faire appel à des méthodes de procréation interdites en France constitue un détournement de notre loi ; cette attitude est inadmissible, car les enfants ainsi conçus sont délibérément privés d’une filiation paternelle ou maternelle, afin d’être adoptés par le compagnon ou la compagne de la mère ou du père biologique.
En autorisant l’adoption par le compagnon ou la compagne du parent biologique d’un enfant issu d’une PMA ou d’une GPA pratiquée à l’étranger, nous ouvririons la porte à la légalisation de la PMA de convenance et de la GPA.
En effet, dans la mesure où, selon leurs moyens financiers, certains couples pourront se rendre à l’étranger et d’autres pas, il est inévitable qu’on nous demande dans peu de temps, au nom du principe d’égalité, d’autoriser la PMA de convenance et – pourquoi pas ? – la GPA en droit français.
Ainsi, l’adoption aura été un moyen de donner aux couples de personnes de même sexe la possibilité d’accéder à la PMA de convenance et à la GPA. Une fois ces méthodes procréatives autorisées, l’adoption n’aura plus d’objet : il n’y aura plus aucune raison d’attendre un agrément pendant des années, alors que, avec la PMA de convenance ou la GPA, on aura accès à l’enfant de son choix.
Assouplissons les conditions d’application, mais ne bouleversons pas tout le droit de la famille pour répondre au désir de quelques-uns ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 166 rectifié.
M. Jean-Pierre Leleux. L’amendement que j’ai l’honneur de présenter, après que MM. Bruno Retailleau et Michel Bécot ont présenté les leurs, est un amendement de mesure. Non pas au sens d’un amendement d’équilibre, mais au sens où son adoption permettra, mesdames les ministres, de mesurer votre sincérité.
Vous avez souligné que la PMA ne faisait pas du tout partie du périmètre de ce projet de loi, et la GPA encore moins. Nous voulons bien vous croire, de même que nous voulons bien croire le Premier ministre et le Président de la République, lequel a assuré que, tant qu’il serait en fonction, la GPA ne serait pas autorisée dans notre pays.
Le Président de la République ayant affirmé que la GPA ne sera jamais en vigueur en France, vous devez évidemment, madame la garde des sceaux, accompagner cette volonté présidentielle, qui honore M. Hollande, en bloquant le périmètre de la « glissade ». Or vous avez l’occasion, avec cet amendement que j’ai qualifié de « mesure », de prouver votre sincérité, en interdisant l’adoption dans le cadre d’une GPA.
Dans l’attente de votre réponse, je puis vous dire que nous serions très heureux si vous émettiez un avis favorable sur cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 202.
M. Charles Revet. Cet amendement, que j’ai déposé avec mon collègue Philippe Darniche, tend à s’inscrire dans la même démarche que les précédents.
En raison des multiples interrogations soulevées par le texte, nous souhaitons introduire certaines sécurités, comme vient de le dire mon collègue Jean-Pierre Leleux, pour nous garantir contre des excès ou des effets qui pourraient se produire à la suite de l’adoption de ce texte.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui est identique à celui de nos collègues : cela témoigne de l’importance que nous accordons à cette question, qui suscite chez nous de vives inquiétudes.
M. le président. La parole est à M. Gournac, pour présenter l’amendement n° 251.
M. Alain Gournac. Madame la garde des sceaux, je vous ai écoutée tout à l’heure avec une attention soutenue. J’ai été en partie convaincu par tout ce que vous avez dit : comme nous, vous avez le souci de l’intérêt de l’enfant, ce dont je ne doutais d’ailleurs pas.
Vous l’avez affirmé clairement, le texte est borné et se limite au mariage entre personnes du même sexe et à l’adoption. Pour moi, les choses sont donc claires. Votre position correspond d’ailleurs à celle du Président de la République, cela vient d’être rappelé. Certains de vos collègues n’ont pas dit la même chose, mais nous avons l’habitude d’une telle situation.
Pour soutenir votre positionnement, j’ai souhaité inscrire dans le texte, afin de prévenir tout risque éventuel, l’interdiction de l’adoption pour les enfants conçus par PMA ou GPA, disposition qui se révélera utile lors de l’examen du projet de loi à venir sur la famille.
Le fait d’inscrire noir sur blanc une telle mesure sécurise chacun d’entre nous et protège les enfants. (M. Jean-Patrick Courtois applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Darniche, Revet, Leleux, Pierre, Delattre, Bizet et Couderc, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – L’article 345-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, l’adoption n’est pas permise lorsque l’enfant a été conçu dans le cadre d’une gestation pour le compte d’autrui ou d’une technique de procréation médicale assistée ne respectant pas les conditions posées par la législation française. »
La parole est à M. Philippe Darniche.
M. Philippe Darniche. J’ai déjà défendu cet amendement dans le cadre de mon intervention précédente.
Comme l’a souligné à l’instant mon collègue Alain Gournac, la réponse est simple, et nous l’attendons.
Dans la mesure où la loi interdit aujourd’hui la gestation pour autrui et circonscrit l’accès aux techniques d’assistance médicale à la procréation aux seules couples dont l’infertilité est d’origine médicale, une entorse à ces principes aurait des conséquences en cascade contraires à l’intérêt supérieur de l’enfant et à la dignité humaine : organisation par la loi de la conception d’enfants privés de père ou de mère, violation des lois fondamentales de la bioéthique, qui ne peuvent être modifiées sans recourir à un large débat préalable, et, surtout, en cas de GPA, atteinte à la dignité des femmes et au principe fondamental d’indisponibilité du corps humain.
Autoriser l’adoption d’enfants conçus à l’étranger dans le cadre de pratiques interdites en France reviendrait in fine à légitimer et légaliser ces pratiques. C’est la raison pour laquelle je souhaite que cet amendement soit adopté par le Sénat.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. S’agissant de l’amendement n° 81 rectifié quinquies, on ne peut, sur le fond, qu’être d’accord avec M. Gélard. Je l’ai dit plusieurs fois, la législation actuelle de l’adoption plénière n’est pas adaptée aux réalités de l’adoption, notamment concernant la possibilité pour les enfants de connaître leurs origines. Une telle situation nécessite une réforme, tout le monde l’a dit ici.
Dans un tel cadre, M. Gélard choisit d’avoir recours au bazooka, et même à l’arme atomique : il propose ainsi de supprimer totalement l’ensemble de la législation sur l’adoption. Si son amendement était adopté, plus personne ne pourrait adopter, y compris les couples hétérosexuels, et les procédures en cours s’arrêteraient immédiatement.
On voit bien que M. Gélard veut, par ce biais, insister lourdement auprès du Gouvernement pour que celui-ci revoie rapidement la législation sur l’adoption, comme je le souhaite moi-même d'ailleurs. Toutefois, il sait très bien que cet amendement ne peut pas être adopté en l’état. La commission des lois y est donc défavorable.
Monsieur Milon, l’amendement n° 208 rectifié bis a un double objet. Vous souhaitez, dans la ligne de ce que vous avez déjà dit, interdire l’adoption pour les couples de même sexe, et cela en dépit de votre adhésion au texte. Or, vous le savez très bien, la CEDH n’aurait pas été d’accord avec un mariage qui n’implique pas l’adoption pour tous les couples.
En revanche, vous proposez également, ce qui est assez curieux, d’autoriser l’adoption par le « partenaire » du parent. Or ce terme n’existe pas en droit. Si le couple vit en concubinage, le partenaire du parent sera, aux yeux de la loi, un célibataire. Il pourra adopter ou pas, cela dépendra de l’agrément et du jugement d’adoption. S’il s’agit d’un pacsé – il aurait fallu le dire ! –, l’adoption est aujourd’hui interdite. Au demeurant, un amendement visant à autoriser l’adoption plénière par les couples pacsés a été déposé sur ce texte.
Par conséquent, bien que cet amendement vise deux sujets tout à fait distincts, la commission a émis un avis défavorable.
L’amendement n° 238 de Mme Esther Benbassa est tout à fait différent et contraire, dans un certain sens, aux amendements identiques qui suivent. Il s’agit de prendre en compte des situations qui existent aujourd’hui. En effet, certains enfants, nés par PMA ou GPA au sein d’un couple, n’ont pas le même statut que les autres. La circulaire de Mme la garde des sceaux a réglé uniquement le problème, dans certains cas, de leur nationalité. S’agissant de leur état civil, la difficulté demeure.
Vous proposez, madame Benbassa, de rendre ces enfants adoptables, quel que soit le mode de conception du conjoint.
Même si je comprends tout à fait le sens de votre amendement, même si, comme vous, en tant que rapporteur du texte, j’ai reçu un certain nombre d’associations ou de familles qui sont dans ce cas, je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. Je vous invite donc, à titre personnel, à le retirer. Sinon, il sera repoussé, même si, à la suite d’un vote quelque peu compliqué, la commission s’y était déclarée favorable. Je serais en effet surpris que la majorité de nos collègues soutienne aujourd’hui un tel amendement. En commission, on peut entrer et sortir… (Sourires.)
M. Gérard Larcher. En séance aussi !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Certes. Mais en séance, il y a des délégations de vote !
L’amendement n° 211 rectifié bis de M. Milon est très proche de l’amendement n° 208 rectifié bis, puisqu’il tend à interdire l’adoption plénière pour les couples de même sexe, la réservant aux couples de sexes différents. La commission y est défavorable.
L’amendement n° 120 rectifié bis est intéressant, bien qu’il soit curieux. Tout d’abord, monsieur Retailleau, je vous remercie des paroles obligeantes que vous avez prononcées à mon égard.
M. Bruno Retailleau. Ce n’est que justice !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je ne manquerai pas de vous retourner la pareille. (Sourires.)
Il s’agit de prévoir que, dans le cadre d’une adoption nationale – et non pas internationale, pour laquelle le jugement a lieu à l’étranger –, le mineur de plus de 13 ans est appelé à consentir à son adoption. Le conseil de famille, vous le savez mieux que moi puisque vous êtes président d’un conseil général, comme nombre de nos collègues ici, propose l’adoption. Si l’enfant de moins de 13 ans ne veut pas être adopté, je serais très surpris – je me réfère sur ce point à nos collègues directement concernés – que le conseil général l’y oblige.
Sans doute n’avez-vous pas, monsieur le sénateur, une confiance extrême dans les enquêtes d’aide sociale qui seront diligentées ou dans le juge. Selon vous, un entretien avec un psychologue doit forcément avoir lieu.
Pourtant, quand le dossier arrive devant le tribunal, il est déjà assez fourni. Dans une existence antérieure, en tant que substitut près la première chambre du tribunal de Créteil, je traitais de nombreuses affaires d’adoption. Je me souviens que les dossiers du conseil général comportaient une enquête très complète de l’aide sociale, ainsi qu’une enquête médico-psychologique ou psychologique.
Si le juge estime que ces documents sont insuffisants, si l’enfant, qu’il peut entendre, soulève des difficultés, il peut alors ordonner de procéder à des examens complémentaires avant de rendre son jugement. Selon moi, le juge fera ce qu’il faut pour être suffisamment éclairé avant de prononcer l’adoption, laquelle, vous l’avez tous dit, implique que l’enfant appartient totalement à la famille de ses parents. Sauf si la législation est éventuellement modifiée, il perd alors tout lien avec sa famille d’origine, qui peut toujours se réveiller un jour, même s’il n’en a plus officiellement.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement, estimant qu’il n’était pas totalement nécessaire et que son adoption aurait pour conséquence de surcharger le texte. En effet, les conditions qu’il vise à prévoir peuvent d’ores et déjà être mises en œuvre par le juge.
Quant aux amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251, leur esprit est totalement contraire à celui qui a été défendu par Mme Benbassa. Ils visent en effet à interdire totalement l’adoption si les enfants sont nés par PMA ou GPA.
Pour ce qui concerne la GPA, le problème a été réglé, mes chers collègues, par un arrêt du 6 avril 2011 rendu par la première chambre de la Cour de cassation, laquelle a considéré que l’adoption n’était pas possible si la conception de l’enfant s’inscrivait dans une démarche contraire à notre droit et au principe d’ordre public.
Par ailleurs, je considère qu’il est prématuré de traiter aujourd’hui de la PMA. Cela revient à anticiper ce qui sera peut-être fait plus tard et dont nous ne savons rien. Je pense donc que ces amendements doivent être rejetés.
Enfin, j’ajoute que rapporteur de ce texte est celui de la commission des lois, donc de l’ensemble du Sénat. Il donne l’avis de la commission. Il peut arriver, comme tout à l’heure, qu’il s’agisse d’un avis personnel, mais on voit très bien que, finalement, cet avis personnel aurait correspondu dans d’autres circonstances à celui de la commission. Le rapporteur est donc, mes chers collègues, à votre entière disposition.
Je demande simplement à ceux qui ont été les plus assidus à nos réunions préalables de faciliter, au stade où nous en sommes parvenus, l’avancée de nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le doyen Gélard a lui-même qualifié l’amendement n° 81 rectifié quinquies d’« arme atomique ». C’est bien mon avis : cet amendement vise en effet à abroger la totalité du titre VIII du livre Ier du code civil, qui comprend les articles 343 à 370-5, c'est-à-dire à supprimer toute possibilité d’adoption en éliminant les dispositions juridiques qui encadrent cette possibilité, et ce alors même que, nous le savons tous, des procédures d’adoption sont en cours.
M. le rapporteur a eu raison d’assimiler cet amendement à une interpellation forte ; c’est même le moins qu’on puisse en dire, parce que l’arme atomique est totalement destructrice : aucun de nous ne survivrait à son utilisation ! Il nous reste pourtant de si belles choses à faire !
Le Gouvernement entend parfaitement votre interpellation, monsieur Gélard. Je réitère l’engagement qui a été pris : dans le cadre du projet de loi sur la famille, nous travaillerons en profondeur sur l’ensemble de notre régime d’adoption, parce qu’il existe effectivement des interrogations de fond à son sujet.
Comme il me coûte toujours de vous être désagréable, monsieur le doyen Gélard, je n’émettrai pas d’avis défavorable sur votre amendement. Cependant, le Gouvernement, la commission et l’ensemble des parlementaires ayant entendu votre interpellation, peut-être déciderez-vous de le retirer.
L’amendement n° 120 rectifié bis de Bruno Retailleau vise à inscrire dans la loi l’obligation pour les adoptés de plus de treize ans, qui, aux termes du code civil, doivent déjà consentir à leur adoption, de s’entretenir préalablement avec un psychologue. La décision d’accorder à l’adopté l’assistance d’un psychologue, d’une assistance sociale, d’un médecin ou d’un psychiatre, est une décision d’ordre pratique, dont il appartient au magistrat en charge de l’affaire d’apprécier l’opportunité. En l’état actuel du droit, le juge peut déjà décider, si l’enfant en fait la demande ou si son attitude donne à penser que cela serait nécessaire, d’organiser pour l’adopté un entretien avec un psychologue, un médecin, un aide médico-psychologue ou tout autre spécialiste. Le droit actuel va donc plus loin que ce que vous demandez, monsieur le sénateur, puisque vous ne réclamez qu’un entretien avec un psychologue.
Dans la mesure où les dispositions en vigueur répondent déjà à votre inquiétude, et parce que votre amendement tend à transformer en règle juridique une disposition d’ordre pratique, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Plusieurs amendements concernent l’adoption d’enfants conçus par GPA. Il existe deux cas de figure : soit le recours à la GPA est présumé, soit il est certain. Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur votre amendement n° 238, madame Benbassa.
Les cas où le recours à la GPA est certain sont rarissimes, convenons-en, puisque le recours à la GPA est contraire à l’ordre public français. Le Président de la République et le Premier ministre ont d'ailleurs tous deux réaffirmé qu’il n’était pas question de revenir sur le principe d’indisponibilité du corps humain, ni même d’ouvrir ne serait-ce qu’un débat sur la GPA, pendant toute la durée du quinquennat. Le Premier ministre a indiqué que, sous réserve de l’appréciation qu’il portera sur le rapport du Comité consultatif national d’éthique, l’ouverture de la PMA aux couples de personnes de même sexe figurera dans le projet de loi sur la famille, mais il n’y a pas la moindre ambiguïté au sujet de la GPA : le Président de la République a été formel.
Je le répète, les cas où le recours à la GPA est certain sont extrêmement rares. Un jugement de 2003 a affirmé que, lorsque le recours à la GPA était établi, l’adoption de l’enfant n’était pas autorisée. Cette jurisprudence constitue notre référence. Introduire dans notre droit la possibilité d’adopter un enfant conçu par GPA contreviendrait aux dispositions du code civil, et notamment à son article 16-7, qui interdit très clairement le recours à la GPA. Il s’agit d’un principe d’ordre public, c'est-à-dire d’un principe absolu, auquel il est impossible de déroger. Bien entendu, si le recours à la GPA n’est pas certain mais seulement présumé, et si le juge estime qu’il est dans l’intérêt de l’enfant d’autoriser son adoption, je ne doute pas qu’il prononcera cette autorisation.
Pour l’ensemble de ces raisons, madame Benbassa, je vous invite à retirer votre amendement. Le débat que vous avez provoqué était nécessaire, car des éclaircissements devaient être apportés. Maintenant qu’ils l’ont été, je pense que vous pouvez retirer votre amendement, car je suis certaine que vous ne souhaitez pas aller contre l’ordre public français en la matière.
M. Bruno Sido. Ni en toute autre matière !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela va de soi ! J’ai parlé de cette matière parce que c’est de celle-là que nous débattons. Nous aurons l’occasion de confirmer notre attachement à l’ordre public en d’autres circonstances, monsieur Sido.
S'agissant des amendements qui visent à interdire la GPA, je n’en vois pas l’utilité, puisque la GPA est déjà interdite par notre droit. Le Gouvernement est donc défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote sur l’amendement n° 81 rectifié quinquies. (Vives manifestations d’impatience sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. C’est tout de même malheureux : dès que je veux prendre la parole, la fièvre s’empare de certaines travées ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Madame la garde des sceaux, je souhaite vous poser une question qui fait écho à celle que se posent actuellement tous les maires. Je pense donc que vous aurez à cœur d’y répondre à un moment ou à un autre.
Vous avez déclaré hier que le nouveau livret de famille – je sais bien qu’il relève du domaine réglementaire, mais il n’en concerne pas moins tous les maires – serait un document unique. Un certain nombre d’entre nous avaient pourtant compris, au vu notamment de vos propos à l’Assemblée nationale, que les termes « père » et « mère » ne disparaîtraient pas et qu’il y aurait à l’avenir trois livrets de famille. Je souhaiterais donc, madame la garde des sceaux, que vous nous donniez des précisions à ce sujet. Je pense que tous les maires de notre pays apprécieraient que vous le fassiez. (Très bien ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Je ferai deux remarques sur ce qui a été dit tout à l'heure.
Tout d'abord, la Russie interdit les adoptions monoparentales.
Ensuite, la plupart des enfants – je n’ai pas les chiffres, mais ils ont été cités lors des auditions – qui vivraient dans des familles homoparentales auraient un père et une mère.
Cette parenthèse étant fermée, j’en viens à la demande de retrait formulée tant par notre rapporteur que par Mme la garde des sceaux. Dans l’intérêt des familles qui sont actuellement en cours d’adoption, et compte tenu de l’effet destructeur qu’aurait la prise en compte de mon amendement, je le retire. (Applaudissements.)
M. le président. L'amendement n° 81 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 208 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 238 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 238 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 211 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 120 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251.
M. Jean-Pierre Leleux. Madame la garde des sceaux, je n’ai pas bien compris votre réponse. Vous avez déclaré que vous émettiez un avis défavorable parce que ces amendements visaient à interdire la GPA. Or nous n’avons jamais demandé l’interdiction de la GPA dans le cadre de ce projet de loi, car nous savons bien que tel n’est pas son objet. Ce que nous demandons, c’est qu’il ne soit pas possible d’adopter un enfant conçu par GPA.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Jean-Pierre Leleux. Je souhaiterais donc que vous nous répondiez plus précisément sur cette question. Puisque personne ne veut de la GPA, démontrez-nous dès aujourd'hui qu’il n’est pas possible d’adopter un enfant conçu par GPA.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Mon intervention s’inscrit dans le prolongement des propos de Jean-Pierre Leleux. J’avoue que j’ai du mal à comprendre la logique qui nous a été présentée par M. le rapporteur.
En gros, il nous a dit que la jurisprudence de la Cour de cassation réglait le problème et que, par conséquent, il n’y avait pas lieu d’introduire de nouvelles dispositions dans le projet de loi. Mais alors, si vous êtes tellement satisfaits de la jurisprudence de la Cour de cassation, n’auriez-vous pas intérêt à la transcrire dans la loi afin de vous mettre à l’abri de toute évolution de cette jurisprudence ?
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Dominique de Legge. J’ajoute que, lors de notre débat d’hier sur la définition du mariage, vous nous avez expliqué que le mariage était une cérémonie républicaine. Nous ne pouvions qu’en convenir puisque, la loi étant nécessairement celle de la République, tout ce qu’elle établit est, par définition, « républicain ». Votre remarque était donc redondante.
Si vous estimez qu’il faut respecter les engagements du Président de la République, vous auriez tout intérêt à faire en sorte que ce projet de loi garantisse au Président de la République la possibilité de respecter son engagement à cet égard. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour explication de vote.
M. Alain Milon. Je voudrais revenir un instant sur le problème de la PMA de convenance et de la GPA.
Je rappelle que le juge qui autorise l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu. S’il y a eu PMA à l’étranger et que l’enfant naît en France, la femme qui accouche est considérée comme la mère de l’enfant. Par conséquent, l’argumentation de notre collègue Michel Bécot ne tient pas vraiment.
Je rappelle également que, en cas de recours à la GPA, l’adoption par la mère d’intention est interdite sur notre territoire. Cependant, si le père biologique recourt à la GPA à l’étranger, rien ne s’oppose à ce que le mari du père adopte l’enfant ainsi conçu, sauf si le recours à la GPA est prouvé. Si le père biologique déclare qu’il a eu cet enfant avec une femme qui a refusé d’en être la mère, l’adoption peut se faire sans problème, car il est difficile de prouver la fraude.
Enfin, il me semble que M. le rapporteur a dit quelque chose que je crois faux. L’adoption plénière n’interdit pas la connaissance des origines.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Sur la question du mariage des couples de personnes de même sexe, il existe des dissensions qui dépassent les clivages classiques entre la droite et la gauche ; c’est un fait, et vous le savez bien. Les uns diront que l’alliance d’un homme et d’une femme est une chose naturelle, et les autres diront que ce qui est naturel, c’est ce que l’on observe dans notre société, c’est-à-dire l’union de couples de personnes de même sexe.
Je respecte ces arguments, mais je vais me situer dans une autre perspective.
À mon sens, nous sommes là pour faire un choix de société important. Étant légitime pour défendre mon opinion dans cette assemblée, je ne m’exprime pas au nom de certains lobbies, de certains psychanalystes ou de certains philosophes. Je défends ici une conviction profonde quant à la finalité du mariage.
Pour plus d’un million de Français, ce dernier n’a pas pour vocation de reconnaître un lien affectif entre deux personnes : il s’agit d’une institution.
Force est de constater que l’altérité sexuelle n’a jamais été remise en cause dans la succession des textes ayant réformé le mariage, ce qui en fait, au passage, comme l’a expliqué le doyen Gélard, un principe fondamental reconnu par les lois de la République, et ce parce que tous les responsables politiques ont, depuis plus de deux cents ans, admis qu’un enfant a besoin, pour se construire, d’avoir auprès de lui un père et une mère.
M. François Rebsamen. Ça recommence !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Bien sûr, un enfant peut être malheureux auprès de deux parents de sexes différents, mais cela ne remet nullement en cause ce que je viens d’expliquer.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous l’avez répété vingt fois !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Je sais, c’est du raisiné après souper !
Je crois qu’un enfant qui vit avec son père et sa mère a plus de chances d’avoir une structure psychique équilibrée, tout simplement parce qu’il pourra vraisemblablement accéder plus facilement à la réponse à son questionnement quant à son origine.
Nous connaissons tous, autour de nous, des adultes qui, ayant été adoptés, recherchent indéfiniment leurs origines et souffrent de ne pas les retrouver. Pour ma part, j’en connais qui rechercheront leur père jusqu’à leur mort.
Il s’agit non pas d’une thèse quelconque, mais d’une opinion forgée à partir d’un fait incontestable.
Nous le savons tous, un enfant a besoin, autant que possible, d’avoir un papa et une maman ! (Exclamations et signes d’exaspération sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Hélas, la vie en décide quelquefois autrement, et c’est quelque chose que j’ai vécu personnellement.
Christian Flavigny, psychanalyste et pédopsychiatre, directeur du département de psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière s’exprimait ainsi dans Le Monde daté du 9 novembre 2012 : « S’il est adopté, ce projet gouvernemental ouvrira le mariage et l’adoption à tous ; cela validerait qu’un enfant pourrait de droit n’avoir jamais son père et sa mère. [...] Il en ressent une mésestime de lui-même [...] l’épreuve de l’enfant qui n’a jamais eu de père et mère est d’une intensité bien plus vive, à la limite de l’inexprimable. [Que le conjoint homosexuel] soit convoqué comme un deuxième parent brouille la réflexion de l’enfant et plaque une figure factice sur celle manquante du père, dans un artifice de solution au défaut du père. […] Le placage comporterait une confusion nuisible à l’équilibre de toutes les familles. […] Cette indifférenciation dissipe le principe fondateur de la vie familiale : l’interdit de l’inceste. » (Brouhaha sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. François Rebsamen. Elle radote !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Vous trouverez peut-être que cet homme raconte n’importe quoi. En tout cas, il a une réputation de compétence qui est loin d’être remise en cause. (Le tumulte s’amplifie sur les mêmes travées.)
M. François Rebsamen. Zéro !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Vous ne m’empêcherez pas de dire ce que j’ai à dire !
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je voudrais remercier Mme la garde des sceaux d’avoir bien expliqué sa circulaire, car cela m’a permis de considérer qu’il s’agit d’un bon texte dans la mesure où il tient compte du fait que l’enfant est là, qu’il existe. Évidemment, ce n’est pas du tout la même situation que lorsqu’il est question d’organiser une GPA à partir de rien, sinon d’une éprouvette !
Il est vrai que j’ai cosigné deux de ces cinq amendements identiques, mais, au fond, après l’explication de Mme la garde des sceaux, je le regrette, parce que ces amendements concernent des enfants qui sont là.
Mme Jacqueline Gourault. Eh oui !
M. Bruno Sido. En fait, ces amendements sont inopérants, car, si l’enfant n’est pas adoptable, où va-t-il aller ? Il sera pris en charge par l’aide sociale à l’enfance du conseil général et, de ce fait, il deviendra adoptable. Par conséquent, ces amendements induisent une certaine contradiction. Le mieux serait donc de les retirer. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Alain Milon nous a apporté une précision importante. De surcroît, il a eu la gentillesse de me dire qu’elle lui avait été communiquée par un magistrat.
Madame la garde des sceaux, je me retourne donc vers vous, peut-être aussi vers M. le rapporteur, lui-même ancien magistrat, pour savoir si l’assertion de notre collègue Alain Milon est exacte. C’est très important pour nos débats.
En effet, il a indiqué : « Le juge qui autorise l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu. »
Désormais, le mariage étant ouvert indifféremment aux couples de sexes différents et aux couples de même sexe, que ce soit deux hommes ou deux femmes, si le juge qui doit prononcer l’adoption d’un enfant du conjoint ne vérifie pas les conditions de la conception, il est clair que le mécanisme dans lequel vous nous faites entrer aboutit à une forme de régularisation de ce que l’on a appelé les « bébés Thalys ».
Je souhaite donc que Mme la garde des sceaux nous éclaire sur ce point de droit.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 121 rectifié bis, 164 rectifié, 166 rectifié, 202 et 251.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole à M. Christian Favier, pour explication de vote sur l’article 1er bis.
M. Alain Gournac. Oh là là !
M. Christian Favier. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous l’avons entendu, des craintes se sont exprimées concernant l’ouverture de l’adoption plénière à un couple de même sexe, qui remettrait en question un modèle bâti sur les lois de la nature, ainsi que sa retranscription sur les actes de naissance de ces enfants puisque l’adoption plénière entraîne une nouvelle filiation effaçant la filiation d’origine. Il y aurait là, selon certains, un risque d’inconstitutionnalité.
Je voudrais simplement rappeler que, depuis 1966, l’adoption plénière est ouverte aux personnes seules et que, dans ce cas aussi, l’acte d’état civil ne fait pas mention d’une altérité sexuelle.
Par ailleurs, comme l’a précisé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, nous devons faire la part entre le principe de l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe et la nécessité de résoudre des questions concernant la filiation en général que pose le modèle français de l’adoption plénière.
Celle-ci est en effet parfois qualifiée de « mensonge institutionnalisé » Un tel « mensonge » n’est pourtant pas propre aux couples de personnes de même sexe. Je dirai même que la critique vaut essentiellement pour l’adoption par des couples de sexes opposés et met en débat la question de l’adoption plénière elle-même, laquelle coupe les liens avec la filiation d’origine et permet une substitution totale dans les actes d’état civil. Le vrai débat, cela a été dit, est donc bien celui de l’accès aux origines.
Sur cette question, comme sur toutes les problématiques soulevées par l’adoption, à propos desquelles Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales est intervenue, une volonté politique forte sera nécessaire pour mener à bien une réforme. Nous faisons confiance aux ministères concernés pour qu’il en soit ainsi.
Aussi, mes chers collègues, nous voterons cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. Claude Dilain applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote.
Mme Esther Sittler. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, le plus grave, dans cette affaire, c’est que les défenseurs de ce texte ne semblent nullement mesurer les bouleversements qu’il va entraîner sur l’institution du mariage.
Prenons un exemple : la présomption de paternité, qui fait partie intégrante du mariage.
Deux solutions s’offrent à nous.
Si l’on applique cette disposition aux couples de même sexe, la conjointe de la mère est désignée comme seconde mère. Que devient alors le père biologique ? Comment départager la conjointe et le père biologique lorsqu’ils souhaiteront tous les deux établir leur paternité ?
A contrario, si l’on décide de supprimer cette présomption de paternité pour tout le monde, au nom de l’égalité que le Gouvernement et sa majorité entendent promouvoir, le conjoint devra reconnaître l’enfant ou l’adopter et, à défaut, il faudra intenter contre lui une action en recherche de paternité. Pour imposer la parenté à un parent prétendu, il faudra prouver qu’il s’était engagé dans le projet parental. À défaut d’une telle preuve, nul ne pourra être désigné parent contre son gré, y compris le père biologique. N’est-ce pas là une remise en cause implicite des fondements du mariage, qui repose, je vous le rappelle, sur la reconnaissance par la femme de son époux comme étant le père de ses enfants ?
Il est une conséquence implicite de ce projet qui n’est nullement évoquée : la question de la filiation par PMA ou GPA. Non seulement le présent texte se contente d’aborder le cas de l’adoption sans véritable remise à plat de la législation en la matière, alors qu’elle en aurait bien besoin, mais il fait l’impasse sur la PMA et la GPA, ce qui est de nature à inciter les couples de même sexe à y recourir.
Au-delà des problèmes bioéthiques posés, c’est l’atteinte à l’intérêt de l’enfant qui me préoccupe.
On décide délibérément de priver des enfants à naître d’un de leurs deux parents et, par ricochet, de la moitié de leurs origines, et l’on trouve cela normal !
On introduit une discrimination entre les enfants et cette rupture d’égalité ne choque personne.
Or l’ensemble des liens de famille risquent d’être ainsi bouleversés !
Quelles seront, en outre, les conséquences sur la PMA avec donneur ? À ce jour, la PMA est exclusivement réservée à des couples ayant des problèmes médicaux et les donneurs sont des militants qui le font au nom de la solidarité entre hommes. Qu’en sera-t-il si l’on ouvre la PMA pour des raisons de confort ? Le risque sera alors de voir le nombre de donneurs chuter.
Quelles conséquences cette réforme aura-t-elle enfin en cas de séparation ? En permettant l’adoption de l’enfant du conjoint issu de GPA ou de PMA, on créera une double filiation, biologique et « sociale », comme disent certains. Au-delà du risque de multiparentalité, de nombreux juges aux affaires familiales craignent d’être confrontés à une forme de déni des droits de l’autre sur l’enfant au motif, justement, qu’il n’est pas le géniteur.
La notion d’irrévocabilité du projet parental sera-t-elle à dimension variable ?
Ces questions complexes ne sont pas abordées dans ce texte.
C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 1er bis, non plus, du reste, que l’ensemble du projet de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er bis.
(L'article 1er bis est adopté.)
Article 1er ter
Après le deuxième alinéa de l’article 360 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’enfant précédemment adopté par une seule personne, en la forme simple ou plénière, peut l’être une seconde fois, par le conjoint de cette dernière, en la forme simple. »
M. le président. L'amendement n° 175 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel et Dubois, Mme Férat et MM. J.L. Dupont, Maurey, Merceron, Tandonnet, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Cet amendement de suppression est motivé par les raisons qui nous ont amenés à défendre un statut d’union civile. Il est donc en cohérence avec ce que nous avions alors soutenu.
Avec l’union civile, nous souhaitions dissocier le sujet de l’union de celui de l’adoption parce qu’il nous paraît que les conditions ne sont pas réunies pour qu’un débat de qualité puisse avoir lieu sur le second.
Mais, au fond, nous pourrions être d’accord : l’adoption simple est une approche juridique assez pertinente pour régler bien des situations. La difficulté tient en partie à sa dénomination : l’adoption plénière emporte, en droit, des effets très puissants, tandis que les effets de l’adoption simple sont d’une autre nature, en particulier parce que celle-ci ne rompt pas la filiation existante.
L’adoption simple est en réalité mal désignée dans notre droit, car le public tend à penser qu’adoption plénière et adoption simple sont au fond la même chose parce que le mot adoption est utilisé dans les deux cas. Or ce sont deux réalités juridiques totalement différentes.
Lorsque nous proposons l’amélioration du droit des tiers, notamment pour des enfants vivant dans des foyers de personnes homosexuelles, nous plaidons pour un dispositif qui n’est pas extrêmement éloigné de ce qu’est aujourd’hui l’adoption simple.
Mais si vous aviez inventé quelque chose de neuf pour des enfants vivant dans tous types de foyers, et donc aussi dans des foyers composés de personnes de même sexe, ce concept nouveau aurait permis, dans un consensus, d’apporter une réponse juridique adaptée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable puisque cet amendement de suppression, comme celui qui a été déposé par les mêmes auteurs à l’article précédent, supprime une disposition qui profite aux époux de même sexe comme à ceux de sexes différents. Il s’agit, en outre, d’un encadrement des doubles adoptions, la commission des lois étant intervenue pour interdire les pluri-parentalités.
Cet article 1er ter est tout à fait opportun, et je m’étonne que ce soient M. Zocchetto et ses amis qui proposent de le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Même avis défavorable : cet article représente un vrai progrès, y compris pour les familles hétéroparentales.
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.
M. Patrice Gélard. Nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression de l’article 1er ter, mais, partageant le point de vue des auteurs de l’amendement n° 175 rectifié ter, nous voterons ce dernier.
En effet, nous estimons que l’adoption simple mérite un autre sort que celui que lui réserve, à l’heure actuelle, notre code civil, non pas du fait du législateur, mais par la faute de Bercy. Si l’adoption simple a été petit à petit délaissée, c’est parce que les adoptants et les adoptés n’ont pas été traités comme ils auraient dû l’être : on n’a vu en eux que des « vaches à lait » fiscales. Avec une telle conception, il est bien évident que l’adoption simple ne présente qu’un intérêt limité !
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons très vivement que Mme le garde des sceaux fasse pression sur son collègue ministre de l’économie et des finances pour faire en sorte que l’adoption simple puisse remplir toutes les missions qui devraient être les siennes, notamment en ce qui concerne les couples homosexuels.
Je connais un certain nombre de cas où l’adoption simple fonctionne déjà, par exemple quand une mère fait adopter son enfant par sa conjointe en la forme simple. C’est donc jouable, mais les conséquences financières ne sont guère satisfaisantes.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 175 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le premier alinéa de l’article 360 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’adoption simple peut être demandée par le conjoint de même sexe que le père ou la mère de l’adopté. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Contrairement à l’adoption plénière, l’adoption simple autorise une filiation additionnelle. Dans ce cadre, il est donc possible que le conjoint de même sexe adopte, en la forme simple, l’enfant de son époux ou de son épouse, quel que soit l’âge de l’adopté.
M. le président. L’amendement n° 239, présenté par Mmes Benbassa, Ango Ela et Bouchoux, M. Desessard, Mme Aïchi, M. Labbé et Mme Lipietz, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
L’article 360 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par les mots : « et quel que soit le mode de conception de l’enfant » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
Mme Esther Benbassa. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 239 est retiré.
L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
« L’adoption simple de l’enfant précédemment adopté en la forme simple ou plénière par une personne seule peut être demandée par le conjoint ou le partenaire de l’adoptant. »
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Il s’agit d’un amendement de coordination, qui vise à prévoir expressément l’adoption simple de l’enfant, précédemment adopté par une personne seule, par le conjoint ou le partenaire de celle-ci. Cet amendement correspond partiellement à l’article 1er ter du texte de la commission des lois, en le coordonnant aux dispositions qui précèdent et en simplifiant la règle.
M. le président. L’amendement n° 90 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
une seconde fois,
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Il s’agit simplement de supprimer une précision inutile.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié quinquies, présenté par M. Gélard et Mme Duchêne, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
le conjoint de cette dernière
insérer les mots :
ou la personne ayant conclu un pacte civil de solidarité ou vivant en concubinage
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à étendre la possibilité de recourir à l’adoption simple aux partenaires des personnes ayant conclu un pacte civil de solidarité ou qui vivent en concubinage.
M. le président. L’amendement n° 143 rectifié, présenté par MM. Marseille, Pozzo di Borgo, J.L. Dupont et Roche, Mme Morin-Desailly et MM. Guerriau, Bockel, Dubois et Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
après avis de l’enfant doué de discernement, et dont cette caractéristique a été validée après une analyse pédopsychiatrique et sous contrôle du juge aux affaires familiales
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Madame la garde des sceaux, monsieur le rapporteur, si le projet de loi s’était borné à n’accorder qu’une égalité de protection aux couples de même sexe, qui peut d’ailleurs facilement se réaliser par un contrat d’union civile, je suis persuadé qu’il aurait été voté dans un contexte social beaucoup plus apaisé. Mais le bruit de la rue ne vous atteint pas, non plus que les récents sondages qui montrent que 53 % des Français sont opposés à l’adoption par des couples de même sexe.
Aussi convient-il, sur cette question de l’adoption, de ne pas oublier l’intérêt supérieur de l’enfant et de considérer son opinion, renforçant ses droits dès lors qu’il est doué de discernement. L’intérêt supérieur de l’enfant constitue une notion juridique précise, qui doit être une considération primordiale dans toute décision qui concerne les enfants. C’est aussi une obligation juridique qui s’impose au législateur puisqu’elle résulte, notamment, de nos engagements internationaux régulièrement approuvés et ratifiés.
Ainsi, cet amendement vise à créer une exception à la règle du veto de l’enfant, qui peut être formulé après treize ans, en permettant à l’enfant de moins de treize ans, doué de discernement – après validation de ce caractère par une analyse pédopsychiatrique –, le tout encadré par le juge aux affaires familiales, d’opposer son veto à l’adoption simple, automatique, sur simple demande du conjoint du premier adoptant.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, la révocation de la première adoption en la forme simple entraîne de plein droit la révocation de la seconde, sauf si le mineur de plus de treize ans s’y oppose ou si le juge estime qu’il est de l’intérêt de l’enfant de ne pas prononcer cette révocation.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement traite de la question de l’adoption simple, par le conjoint d’une personne, de l’enfant adopté antérieurement par cette personne, telle qu’elle est prévue à l’article 1er ter.
Le code civil autorise la révocation de l’adoption simple, pour des motifs graves, et à la demande de l’adoptant, de l’adopté de plus de quinze ans ou, si celui-ci a moins de quinze ans, du ministère public. Cette révocation ne vaut que pour le futur. La révocation de la première adoption simple ouvre donc la possibilité que le conjoint ayant adopté en second demeure l’unique parent, alors même qu’il n’avait originellement pas de lien avec l’enfant.
Afin d’éviter une forme de glissement de la parenté en cas de révocation, le présent amendement prévoit la révocation de plein droit de l’adoption simple à l’égard du second conjoint, si la première adoption en la forme simple est révoquée. Deux tempéraments sont prévus : l’opposition expresse du mineur de plus de treize ans ou une décision motivée du juge, si celui-ci estime qu’il est dans l’intérêt de l’enfant de maintenir cette filiation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les six amendements restant en discussion ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’observe que l’amendement n° 216 rectifié est d’ores et déjà satisfait. En effet, l’adoption étant ouverte aux couples de même sexe, comme aux couples de sexes différents, en vertu de l’article 365 du code civil, l’adoption simple de l’enfant du conjoint sera possible.
Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, je serai contraint d’émettre un avis défavorable.
À mon sens, l’amendement n° 213 rectifié n’a plus d’objet, puisque l’amendement n° 208 rectifié bis, avec lequel il établit une coordination, n’a pas été adopté.
L’amendement n° 90 rectifié bis vise à supprimer l’expression « une seconde fois ». Devant la commission, j’ai soutenu que cette précision n’était pas inutile, car, en son absence, l’enfant pourrait être adopté plusieurs fois, pourvu qu’il l’ait été, successivement, par une seule personne. L’article 360 du code civil fait en effet exception à la règle de l’article 346 et n’est pas tenu par la limitation à deux du nombre d’adoptants.
C’est la raison pour laquelle la précision que cet amendement tend à supprimer me paraît devoir être maintenue, pour éviter les pluri-adoptions et les pluri-paternités. La commission a toutefois émis un avis favorable sur cet amendement.
À titre personnel, je ne peux qu’être très favorable à l’amendement n° 62 rectifié quinquies puisque j’avais déposé une proposition de loi, dont Mme Des Esgaulx avait été le rapporteur, qui ouvrait l’adoption aux couples pacsés. Ce texte avait été rejeté à l’époque. Aujourd’hui, M. Gélard nous propose d’introduire une disposition en ce sens dans le projet de loi. Mon cher Patrice, vous le voyez, nous nous rejoignons très souvent. En général, d’ailleurs, c’est plutôt vous qui marchez dans mes pas ! (Sourires.)
Malheureusement, une telle disposition n’entre pas dans le périmètre de ce projet de loi, qui ne porte pas sur le PACS. M. Cointat avait d’ailleurs déposé un amendement visant à instaurer un PACS amélioré et cet amendement a été rejeté. Nous y reviendrons peut-être ultérieurement, lors de l’examen d’un autre texte.
J’ai donc demandé à la commission, malgré mon approbation totale sur le fond, d’émettre un avis défavorable sur cet amendement, ce qu’elle a fait.
Les auteurs de l’amendement n° 143 rectifié proposent, dans le seul cas de l’adoption simple d’un enfant déjà adopté, que l’avis de l’enfant doué de discernement soit recueilli, après analyse par un pédopsychiatre. Une telle disposition me paraît encore plus superflue que celle que tendait à introduire un amendement de M. Retailleau et que nous avons rejetée. En effet, nous parlons ici de la situation d’un enfant déjà adopté, qui fait ensuite l’objet d’une adoption simple : est-il nécessaire qu’un pédopsychiatre soit invité à se pencher sur une telle demande ?
J’ajoute que l’intérêt de l’enfant est d’ores et déjà protégé par le code civil : non seulement, pour les matières qui le concernent, l’enfant est entendu s’il le souhaite, quel que soit son âge, mais encore le juge ne prononce l’adoption qu’en considération de l’intérêt de l’enfant.
L’avis de la commission sera donc défavorable si l’amendement n’est pas retiré.
Enfin, je demande aux auteurs de l’amendement n° 148 rectifié de bien vouloir le retirer, car le risque qu’ils dénoncent n’est pas avéré. En effet, la révocation d’adoptions successives ne produit d’effets que pour l’avenir, en vertu de l’article 370-2 du code civil.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’émets un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements, mais je souhaite formuler trois observations.
Je comprends ce qui gêne les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié bis. La mention « une seconde fois » est une précaution, compte tenu de l’adoption de l’article précédent. En effet, comme vous le savez, les adjectifs « second » et « deuxième » n’ont pas le même sens : après un « second », il n’y a pas de « troisième ». L’ajout de cette mention peut donner à penser que l’on permet une adoption « une fois de plus », alors qu’il s’agit de fermer toute possibilité d’une troisième adoption. Cette formulation n’est peut-être pas idéale, mais il me semble qu’elle introduit une précaution nécessaire.
L’amendement n° 216 rectifié, qui tend à ouvrir l’adoption simple au conjoint ou au partenaire de même sexe, introduit en fait une discrimination en limitant la possibilité d’adoption plénière aux seuls couples de sexes différents. Il est donc contraire à l’esprit même du texte du Gouvernement.
L’amendement n° 148 rectifié présente incontestablement un intérêt. Le Gouvernement demande cependant à ses auteurs de le retirer, parce que l’inquiétude qu’ils expriment n’est pas fondée, le droit en vigueur leur apportant entièrement satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote sur l’amendement n° 216 rectifié.
M. Bruno Retailleau. Mon intervention aura une portée plus générale.
Madame la ministre, je vous ai interrogée à la suite de l’assertion faite tout à l'heure par Alain Milon, qui reprenait les propos d’un magistrat, assertion selon laquelle « le juge qui prononce l’adoption de l’enfant du conjoint n’a pas à vérifier comment l’enfant a été conçu ». Cela est-il, oui ou non, exact ?
Je vous remercie de bien vouloir m’apporter une réponse, quel qu’en soit le sens.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je souhaite aider Mme le garde des sceaux en contribuant à formuler une réponse à la question de notre collègue Bruno Retailleau.
Il me semble que le juge n’a pas, en effet, par principe, à vérifier systématiquement, lorsque le lien de filiation est établi à l’égard de l’un des deux adultes, comment ce lien de filiation s’est constitué, même si, dans la plupart des cas, cela ne l’empêchera pas de le savoir.
Il est cependant un cas où le juge est tenu d’empêcher l’adoption de la manière la plus stricte : lorsqu’il existe un soupçon que l’enfant a été conçu à l’étranger par une mère porteuse, ce qui contrevient totalement à l’ordre public international français. Je rappelle d’ailleurs que le délit de recours à une mère porteuse s’applique directement aux deux adultes qui ont en quelque sorte « passé commande » de cet enfant à l’étranger.
La situation me paraît un peu différente s’agissant du recours à l’assistance médicale à la procréation. Je ne sais pas, mon cher collègue, ce que vous en pensez vous-même, mais, pour moi, le délit est alors constitué non par l’initiative des parents, mais par l’initiative du médecin qui aurait prêté son concours à l’assistance médicale à la procréation en France.
À supposer que l’enfant qui arrive dans le foyer de deux épouses soit le fils ou la fille de l’une d’elles et que cet enfant soit issu d’une assistance médicale à la procréation, quel que soit le lieu où elle est pratiquée – je précise ici la question de mon collègue Retailleau, madame la garde des sceaux –, il ne me semble pas que le juge soit tenu de vérifier l’origine de sa conception, en l’occurrence l’assistance médicale à la procréation, non plus que de s’opposer à l’adoption du seul fait que l’assistance médicale à la procréation pour deux femmes n’est pas reconnue en France. Je crois au contraire – et c’est la logique du texte – que la filiation de cet enfant à l’égard de sa mère sera pleinement reconnue.
Mais j’attends la réponse de Mme la garde des sceaux, en espérant qu’elle me dira que je me trompe.
M. Jean-Louis Carrère. Elle n’est pas obligée de vous répondre !
M. Philippe Bas. Cela renforce, de mon point de vue, considérablement l’obstacle qui existe à la reconnaissance de cette voie d’adoption. En effet, sans qu’il soit besoin de prévoir la moindre disposition supplémentaire, et même si j’écarte à ce stade la gestation pour autrui, je crois que le texte a nécessairement pour effet, alors que l’assistance médicale à la procréation est illégale pour une femme seule et pour un couple de femmes, de permettre l’établissement d’une filiation de l’enfant à l’égard de l’épouse de la mère qui l’aura mis au monde.
Cela me paraît, du point de vue du respect de la loi française, extrêmement choquant mais, je le crains, inévitable.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Retailleau, je vous réponds très volontiers, tout en vous faisant observer qu’il n’est pas nécessairement opportun d’ouvrir un débat à l’intérieur de la discussion d’un amendement. De la même manière, je répondrai le moment venu à la question que m’a posée Mme Des Esgaulx. Il reste que, lorsqu’une question m’est soumise qui n’a pas de lien direct avec le ou les amendements en discussion, je ne me sens pas obligée d’y répondre immédiatement. En tout cas, nous ne gagnerons pas de temps si des sénateurs reviennent plusieurs fois à la charge pour dire : « La ministre n’a pas répondu ! »
Cela étant précisé, je vais me donner la peine de vous répondre.
Oui, M. Milon a parfaitement raison, le juge n’a pas à aller enquêter sur les conditions de conception de l’enfant. Vous imaginez, d’ailleurs, la charge de travail que représenteraient, pour chaque enfant adopté, ces enquêtes dans les hôpitaux, pour savoir à quelle heure l’accouchement a eu lieu, qui l’a pratiqué, en présence de qui, etc.
Le droit est fait ainsi !
Ce qu’il importe surtout de rappeler, c’est que le juge intervient au terme du processus. Car la demande d’adoption est d’abord adressée aux conseils généraux. Je n’oublie pas que je m’exprime devant la Haute Assemblée, qui représente les collectivités territoriales et qui compte parmi ses membres un certain nombre de présidents de conseil général. Vous êtes donc bien placés pour savoir que c’est au conseil général qu’est adressée la demande d’adoption ! C’est à lui qu’il revient, après qu’il a été procédé à une instruction, de donner ou non un agrément. Pour ma part, je n’ai jamais entendu personne dire que l’agrément était obtenu facilement ou rapidement. J’ai entendu, au contraire, que le processus était long, rigoureux,…
M. Charles Revet. C’est vrai !
M. Bruno Sido. Tout à fait !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … intrusif, voire excessif.
Les présidents de conseil général s’entourent donc de toutes les sécurités possibles avant d’accorder l’agrément.
M. Henri de Raincourt. C’est très sérieux !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le juge intervient après, sur la base de cette enquête sérieuse et rigoureuse qui a été effectuée avant l’attribution de l’agrément. Son dossier comporte les enquêtes sociales, l’état civil de l’enfant, sa filiation. Le juge dispose donc d’éléments qui lui permettent de prononcer, le cas échéant, l’adoption sur la base de l’intérêt de l’enfant énoncé à l’article 353 du code civil.
Si le magistrat a un doute sur les conditions de conception de l’enfant, il décide de ne pas autoriser l’adoption. L’un des parents peut alors choisir d’aller plus loin. C’est bien ce qui s’est passé avec l’arrêt de la Cour de cassation de 2003 que j’ai évoqué très rapidement tout à l’heure. Il y avait, en l’espèce, non pas doute, mais certitude.
Ainsi, le juge se prononce dans l’intérêt de l’enfant, sur la base d’un dossier rigoureusement constitué, après l’attribution d’un agrément. Si jamais il a un doute, il sait que, en vertu d’un principe d’ordre public, la GPA exclut toute exception et que le code civil lui-même frappe de nullité tout acte consécutif à une GPA. Donc, s’il estime qu’il a pu y avoir GPA, il ne prononcera pas l’adoption, et nous pouvons faire confiance à nos magistrats pour agir ainsi. En tout cas, si des magistrats avaient dérogé à ce principe d’ordre public, nous le saurions !
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote sur l’amendement n° 62 rectifié quinquies.
M. Patrice Gélard. Je me suis rendu compte que cet amendement n’était pas utile pour la simple raison que l’adoption simple peut être prononcée dans n’importe quelles conditions. Par conséquent, je retire cet amendement.
M. le président. L’amendement n° 62 rectifié quinquies est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 143 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Requier, l’amendement n° 148 rectifié est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l’article 1er ter.
M. Gérard Longuet. Madame le garde des sceaux, je vais être obligé de voter contre cet article. (Marques de surprise feinte sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Il vient d’arriver !
M. Gérard Longuet. En effet, la réponse que vous avez apportée à mon collègue Philippe Bas ne m’a pas paru parfaitement claire.
M. Gérard Longuet. L’enquête du conseil général à laquelle vous faites allusion – qui est, en effet, une enquête approfondie – a pour objet de permettre à un couple ou à une femme de faire acte de candidature à l’adoption. Ce qui est alors en cause, c’est non l’autorisation d’adopter un enfant, mais l’agrément pour poser sa candidature à l’adoption Il faut, ensuite, une décision judiciaire. Si la personne est agréée pour adopter, elle présente sa demande d’adoption, qui est examinée par le juge.
Pour se prononcer sur cette demande, le juge ne dispose pas des éléments approfondis qu’a recueillis le conseil général Il constate simplement que cette personne est agréée et est apte à élever un enfant, puis prend sa décision.
La question implicitement posée par Philippe Bas concerne la surveillance de l’adoption d’enfants issus de ce que nous récusons, et que vous récusez en cet instant, à savoir la PMA à l’étranger, qui n’est absolument pas placée sous le contrôle du conseil général.
Je voulais faire ce rappel pour expliquer nos positions. Les juges vont, faute d’informations sur l’origine de l’enfant adopté, légitimer l’adoption d’un enfant qui sera le produit d’une procédure, à ce jour, délictuelle. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je voudrais, dans le droit fil du propos de Gérard Longuet, m’adresser à Mme la ministre.
Président de conseil général, je sais que, dans le cas qui nous intéresse, les conseils généraux de France n’accorderont pas l’agrément pour l’adoption lorsque la demande aura été présentée par un couple composé de deux femmes ou de deux hommes.
Nous ne nous interposerons pas, comme vous avez semblé le dire, dans le processus d’instruction du dossier. Si j’ai soulevé cette question, c’est parce qu’on se retrouvera devant un juge qui n’aura pas à vérifier, d’autant que la présomption de maternité n’existe pas en dehors de l’accouchement – j’en discutais avec Jean-Jacques Hyest à l’instant. On aura ainsi un moyen très simple de détourner l’ordre public français, notamment pour la PMA réalisée à l’étranger.
Mais les conseils généraux n’interviendront pas dans l’instruction de ce dossier et ne donneront pas d’agrément pour l’adoption de l’enfant du conjoint. C’est une évidence, et le rapporteur pourrait le dire tout aussi bien que moi !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er ter.
(L'article 1er ter est adopté.)
Article 1er quater
(Supprimé)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 131, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l’article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint ou le partenaire d’un pacte civil de solidarité du père ou de la mère de l’adopté.
« Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint ou partenaire d’un pacte civil de solidarité, lesquels l’exercent en commun. »
L'amendement n° 130, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le premier alinéa de l’article 365 du code civil est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« L’adoptant est seul investi à l’égard de l’adopté de tous les droits d’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint, le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, du père ou de la mère de l’adopté.
« Dans ce cas, l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin depuis cinq ans au moins, lesquels l’exercent en commun. »
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter ces deux amendements.
Mme Esther Benbassa. L’amendement n° 131 est un amendement de repli, qui ne vise, outre les couples mariés, bien sûr, que les couples pacsés, alors que l’amendement n° 130 vise également les couples vivant en concubinage.
En l’état actuel de notre droit, seul le mariage permet au conjoint d’un parent d’adopter l’enfant sans que le parent perde l’autorité parentale.
Le texte issu de l’Assemblée nationale précisait que, lorsque l’adoptant est le conjoint du parent, « l’autorité parentale appartient concurremment à l’adoptant et à son conjoint, lesquels l’exercent en commun ».
Cette précision nous paraît nécessaire. C’est la raison pour laquelle nous rétablissons l’article 1er quater, supprimé par la commission.
Il n’en reste pas moins que les partenaires d’un PACS et les concubins ne pouvant partager l’autorité parentale, leurs enfants ne peuvent voir leur filiation reconnue à l’égard de l’un d’entre eux. De nombreuses familles sont, par conséquent, privées de la reconnaissance des liens qui les unissent.
Il convient donc qu’un juge puisse prononcer, lorsque l’intérêt supérieur de l’enfant le commande, une adoption simple au profit du concubin ou du partenaire de PACS du parent biologique, sans que ce parent biologique soit privé de ses droits d’autorité parentale.
M. Jean Desessard. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 209 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au premier alinéa de l’article 365 du code civil, les mots : « L'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté » sont remplacés par les mots : « L’adoptant est seul investi de tous les droits de l’autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l’adopté, à moins qu’il ne soit le conjoint ou le ou la partenaire du père ou de la mère de l’adopté ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 131 et 130 ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission demande à Mme Esther Benbassa de bien vouloir retirer ses amendements. Sinon, l’avis sera défavorable pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure : dans le périmètre de ce texte, on ne parlera pas du PACS, même si l’on peut souhaiter qu’il y ait des évolutions positives sur ce point.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. L’avis du Gouvernement est défavorable exactement pour les mêmes raisons que celles qui ont été formulées par M. le rapporteur. La question que vous soulevez, madame Benbassa, est tout à fait pertinente et méritera que l’on s’y intéresse, mais cela ne fait pas partie du périmètre du présent projet de loi.
Le Gouvernement vous prie donc de bien vouloir retirer ces amendements.
Mme Esther Benbassa. Je les retire, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 131 et 130 sont retirés, et l’article 1er quater demeure supprimé.
Articles additionnels après l’article 1er quater (réservés jusqu’après l’article 23)
M. le président. Je rappelle que les amendements portant article additionnel ont été réservés jusqu’après l’article 23.
Organisation des travaux
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président je souhaite vous poser une question qui me paraît susceptible d’intéresser l’ensemble des membres de la Haute Assemblée : comment comptez-vous organiser la suite de nos travaux ?
La séance doit en effet être levée à zéro heure trente puisqu’il est prévu que nous reprenions nos travaux, demain matin, à neuf heures trente.
Dans ces conditions, à quelle heure envisagez-vous de suspendre la séance pour le dîner ?
M. le président. Mon cher collègue, elle sera suspendue au plus tard à vingt heures trente.
La parole est à Mme Isabelle Debré.
Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, le texte que nous examinons actuellement est très important. Il se trouve que la commission des affaires sociales, à laquelle j’appartiens et qui est saisie pour avis du présent projet de loi, doit aussi se réunir demain matin pour examiner le projet de loi sur la sécurisation de l’emploi. Or, pas plus que mes collègues de l’UMP également membres de la commission des affaires sociales, je n’ai la faculté de me dédoubler ! (Manifestations ironiques sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Vous ferez comme hier après-midi !
Mme Éliane Assassi. Nous avons connu cela aussi...
Mme Isabelle Debré. Cela vous amuse peut-être, mes chers collègues, mais, moi, je ne vois aucunement là matière à rire ! Nous avons l’impression que l’on veut nous écarter de l’hémicycle ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Comment faire pour être présent, en même temps, ici et en commission ?
Pour la bonne organisation de nos travaux, je vous demande, monsieur le président, de faire en sorte que tous les membres de la commission des affaires sociales, ceux de l’UMP et les autres, puissent participer à ce débat.
M. le président. Madame Debré, la question que vous soulevez relève de la commission des affaires sociales. La séance publique, quant à elle, s’ouvrira à neuf heures trente, comme prévu.
Article 1er quinquies
I. – Après le mot : « non », la fin du deuxième alinéa de l’article 371-4 du code civil est ainsi rédigée :
« , en particulier lorsqu’il a résidé de manière stable avec lui et l’un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables. »
II. – L’article 353-2 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Constitue un dol au sens de l’alinéa précédent, la dissimulation au tribunal du maintien des liens entre l’enfant adopté et un tiers, décidé par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l’article 371-4. »
M. le président. L’amendement n° 30 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Si vous le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 29 rectifié ter.
Je comprends parfaitement les intentions de notre rapporteur, qui a tenté, avec cet article 1er quinquies, de régler un vrai problème, que j’avais soulevé il y a quinze ans lors de l’adoption du PACS : celui des droits des conjoints, des anciens conjoints, des beaux-parents, des ascendants, des oncles et des tantes, en un mot des tiers, à l’égard des enfants, et de ceux des enfants à l’égard de ces personnes.
Cet article est donc important, mais sa rédaction ne me satisfait pas. C’est la raison pour laquelle je propose, dans un premier temps, de le supprimer, puis, dans un second temps, de le réécrire sous une autre forme, qui me paraît plus convaincante, par le biais de l’amendement n° 29 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission considère que la rédaction de l’article 1er quinquies, qui reprend d’ailleurs en partie celle qu’a adoptée l’Assemblée nationale en votant un amendement de M. Erwann Binet, rapporteur de ce texte, répond bien à la question posée.
Bien entendu, je le précise pour que cela figure au Journal officiel, le tiers dont il s’agit peut aussi être le parent social. Mais l’article a une portée beaucoup plus large puisqu’il concerne également des grands-parents ou des parents que l’on empêcherait de voir ou de recevoir l’enfant.
Je m’oppose à la suppression de l’article 1er quinquies tel qu’il a été adopté par la commission, car je considère que c’est un bon texte. J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement n° 30 rectifié bis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les questions relatives au statut du tiers ou du beau-parent sont intéressantes et, comme je l’ai dit précédemment, elles seront incluses dans le futur projet de loi sur la famille.
Sur le présent amendement, le Gouvernement se range à l’avis de la commission.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 29 rectifié ter, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - L’article 371-4 est ainsi rédigé :
« Art. 371-4. – L’enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants, le tiers, parent ou non, qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. Si tel est l’intérêt de l’enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l’enfant et un tiers, parent ou non.»
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 183 rectifié quater, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, M. Mercier, Mme Morin-Desailly, MM. Pozzo di Borgo, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Dubois, Amoudry et J.L. Dupont, Mme Férat, M. Guerriau, Mme Létard et MM. Maurey, Merceron, Namy, Roche, Tandonnet, Capo-Canellas et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Alinéas 1 et 2
Rédiger ainsi ces alinéas :
I. - Après l’article 371-4 du code civil, il est inséré un article 371-4-... ainsi rédigé :
« Art. 371-4-... – L’enfant peut entretenir des relations personnelles avec le tiers, parent ou non qui a partagé sa vie quotidienne et avec lequel il a noué des liens affectifs étroits. Seul l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à ce droit. »
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Cet amendement est le premier d’une série visant globalement à l’élaboration d’un statut du beau-parent.
Ces propositions font suite aux réflexions qui avaient été présentées en 2009 dans le cadre de la préparation d’un avant-projet de loi sur l’autorité parentale et le droit des tiers, ainsi qu’aux pistes émises dans le cadre du rapport de 2006 du Défenseur des enfants, intitulé « L’enfant au cœur des nouvelles parentalités : pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui ».
Malheureusement, du fait de la réserve demandée hier par le président de la commission des lois, le présent amendement se retrouve quelque peu isolé, la discussion des autres amendements de cette série ayant été renvoyée après l’article 23, le dernier du texte.
Cet amendement tend à prévoir le maintien de relations personnelles entre l’enfant et le tiers, parent ou non, qui a partagé la vie de l’enfant et noué avec lui des liens affectifs étroits.
M. le président. L’amendement n° 277, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
lorsqu'il
par les mots :
lorsque ce tiers
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 91 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer les mots :
, à son entretien ou à son installation,
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Nous estimons que, dans cet article, les mots « à son entretien ou à son installation » sont superfétatoires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, auxquels j’étais, à titre personnel, défavorable.
Je pense en effet que ces amendements ne changent rien et qu’il faut conserver le texte tel que nous le proposons, au demeurant très proche de celui qui nous vient de l’Assemblée nationale.
Les auteurs de ces amendements souhaitent en fait « tripatouiller » le statut du beau-parent, qui pose en lui-même une vraie question. Mais celle-ci ne peut être réglée, selon moi, par des amendements successifs visant à modifier le dispositif introduit par l’Assemblée nationale.
Ce dispositif, peut-être imparfait, se fonde sur la jurisprudence de la Cour de cassation pour donner la possibilité à un juge saisi par un tiers, qu’il s’agisse d’un beau-parent, d’un grand-parent ou d’un parent, de maintenir un droit de visite ou de garde lorsqu’il est prouvé que des liens affectifs ont été maintenus entre l’enfant et le tiers, ou que celui-ci a pourvu à l’éducation de l’enfant.
Je propose que l’on s’en tienne là et que l’on n’aille pas plus avant dans la définition du statut du beau-parent, car celui-ci pose d’autres problèmes qui seront sans doute abordés dans le futur texte sur la famille, comme nous le dira certainement Mme Bertinotti.
Je rappelle que la commission s’est néanmoins prononcée pour ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. En effet, le statut du beau-parent, ou du tiers, sera traité dans toute sa diversité dans le cadre du projet de loi sur la famille.
L’amendement n° 91 rectifié bis tend à supprimer, à l’article 371-4 du code civil, la référence proposée par la commission des lois à l’entretien ou à l’installation de l’enfant. Je fais observer que ces critères existent déjà en droit, notamment dans la définition de la possession d’état, à l’article 311-1 du code civil.
J’émets un avis défavorable sur les amendements nos 29 rectifié ter, 183 rectifié quater et 91 rectifié bis, et favorable sur l’amendement n° 277.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 183 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
Alinéas 3 et 4
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 275, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – Le deuxième alinéa de l’article 353 du même code est ainsi rédigé :
« Le tribunal vérifie en outre si l’adoption n’est pas de nature à compromettre la vie familiale, notamment dans le cas où l’adoptant a des descendants, ou encore, lorsque, en application de l’article 371-4, le juge aux affaires familiales a prévu le maintien des liens de l’enfant avec un tiers. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. La raison de cet amendement est, une nouvelle fois, la protection de l’intérêt de l’enfant.
Certains enfants, issus du désir d’un couple et d’un projet parental commun, n’ont de filiation établie qu’à l’égard d’un parent, ce qui donne à ce dernier, en cas de séparation, les pleins pouvoirs sur les relations de son enfant avec celui que l’on a coutume d’appeler « l’autre parent ».
Ce parent social doit être pris en compte par tous ceux qui sont amenés à considérer et à décider de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est la raison pour laquelle nous proposons de convier les tribunaux à prendre en compte, dans le cadre de la procédure d’adoption, les liens existants entre un enfant et son parent social.
Il est temps de reconnaître au parent social le rôle qui lui revient, étant donné son importance dans le projet d’engendrement et d’éducation, ainsi que dans le projet d’avenir de l’enfant.
Cette disposition est destinée à s’appliquer dans le cadre tant d’une procédure d’adoption plénière que d’une procédure d’adoption simple. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cet amendement vise à imposer au juge aux affaires familiales, ou JAF, d’examiner si l’adoption de l’enfant n’est pas susceptible de porter atteinte aux liens qu’il a noués avec un tiers.
L’intention de l’auteur de l’amendement est louable et s’inspire du dispositif particulier qui a été adopté sur l’initiative de la commission s’agissant de la tierce opposition au jugement d’adoption : outre la saisine du juge en vue de maintenir le lien de l’enfant avec un tiers, il est possible, dans le cas où ce lien a été maintenu par une décision du JAF, lorsqu’il y a une adoption postérieure par le nouveau conjoint, et à condition que le juge de l’adoption n’ait pas été informé de la décision du JAF, de s’opposer à l’adoption et de la faire annuler pour dol. Avec le présent amendement, l’idée est à peu près la même : il est donc d’ores et déjà satisfait.
En outre, la rédaction proposée risque de porter préjudice à l’intérêt de l’enfant. En effet, le droit en vigueur, en l’espèce le deuxième alinéa de l’article 353 du code civil, protège les droits des descendants éventuels de l’adoptant contre l’atteinte que l’adoption pourrait porter à leur propre vie familiale. Il s’agit, par exemple, d’éviter que l’adoption ne lèse les enfants de l’adoptant. Ce dispositif oppose donc, par définition, les droits des descendants et l’intérêt de l’adopté.
Concevoir sur le même modèle l’intervention d’un tiers titulaire d’une décision du JAF, c’est obliger le juge à examiner si, bien que l’adoption de l’enfant soit dans son intérêt, elle ne compromet pas la vie familiale du tiers. C’est ainsi lier l’appréciation du juge, en l’obligeant à concilier ou à opposer l’intérêt de l’enfant et l’intérêt du tiers. Or, en la matière, l’intérêt de l’enfant doit toujours prévaloir.
Si l’on oblige le juge à agir ainsi, celui-ci pourrait être conduit à faire prévaloir l’intérêt du tiers sur celui de l’enfant dans le jugement d’adoption qu’il aura à rendre. Dès lors, il semble qu’il y ait une contradiction entre l’intention de l’auteur, que je partage, et l’effet juridique possible de cette disposition.
Pour ces raisons, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable, dans l’intérêt des enfants.
Je reconnais que tout cela est un peu compliqué…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur le rapporteur, j’approuve entièrement votre dernière phrase ! (Sourires.)
La description technique que vous nous avez livrée est tout à fait fondée, mais l'amendement a néanmoins sa justification. C’est pourquoi je ne souhaite pas écarter définitivement une solution allant dans ce sens. Il reste que j'ai tout de même un doute.
Madame Benbassa, je vous propose donc de retirer cet amendement et, dans la mesure où la ministre chargée de la famille va mener une réflexion approfondie sur la question de l'adoption, d’y travailler avec elle. Il n'est pas dit que la précaution supplémentaire que vous demandez soit superflue ; en même temps, il ne me semble pas tout à fait raisonnable de l'inscrire en l'état dans le droit civil.
M. le président. Madame Benbassa, l'amendement n° 275 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Si le Gouvernement s’engage à créer, après avoir engagé une réflexion à ce sujet, un véritable statut du parent social dans le cadre du futur texte sur la famille je suis prête à retirer cet amendement. Il va de soi que je ne cherche pas à présenter des amendements pour le plaisir !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Madame Benbassa, je tiens à vous apporter les assurances que vous demandez : dans le futur projet de loi sur la famille, le statut du tiers ou du beau-parent sera évoqué et toutes les questions relatives à ce sujet seront abordées.
Mme Esther Benbassa. Je retire l'amendement, monsieur le président !
M. le président. L'amendement n° 275 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er quinquies, modifié.
(L'article 1er quinquies est adopté.)
Articles additionnels après l'article 1er quinquies (réservés jusqu’après l’article 23)
M. le président. Je rappelle que les amendements portant article additionnel ont été réservés jusqu’après l’article 23.
Organisation des travaux
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, nous allons commencer l’examen du chapitre II, qui concerne les dispositions relatives au nom de famille. Je ne pense pas que nous puissions l’achever avant vingt heures trente, heure à laquelle vous avez dit vouloir suspendre la séance. (Vives exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Nos travaux se déroulent dans un cadre normal : nous pourrions donc suspendre nos travaux à dix-neuf heures trente, pour les reprendre deux heures plus tard et lever la séance à minuit trente, puisque nous poursuivrons l’examen de ce texte demain, à partir de neuf heures trente.
Dans ces conditions, pourquoi appeler maintenant l’article 2 A, au risque de devoir saucissonner ensuite l’examen du chapitre II ?
Mme Jacqueline Gourault. Là, on perd du temps !
M. le président. Ma chère collègue, dans la mesure où ce chapitre ne comporte que trois articles, nous pouvons les examiner rapidement et respecter parfaitement l’organisation de nos travaux telle qu’elle a été prévue.
Chapitre II
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Article 2 A (nouveau)
Après l’article 225 du code civil, il est inséré un article 225-1 ainsi rédigé :
« Art. 225-1. – Chacun des époux peut porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit. »
M. le président. L'amendement n° 68 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Je constate une fois de plus que l’on est en train de violer toutes les règles du droit du travail en nous imposant des rythmes de travail difficilement supportables (Exclamations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.),…
Mme Éliane Assassi. C'est la meilleure ! On en reparlera la semaine prochaine !
M. Patrice Gélard. … et ce, vraisemblablement, pour que certains puissent suivre le match de football retransmis ce soir à la télévision ! (Ah ! sur les travées de l’UMP. – Nouvelles exclamations sur les travées sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n'est pas très glorieux !
M. Patrice Gélard. Cet amendement vise à supprimer l'article 2 A, qui introduit dans le code civil une disposition à nos yeux inutile. En effet, le code civil contient déjà des règles fondées sur le même principe, comme le précisait l'amendement adopté en commission qui est à l’origine de cet article.
M. le président. L'amendement n° 92 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un mouvement populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
Chacun des époux
par les mots :
Le mari ou la femme
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Dans la logique de ce que nous avons défendu jusqu'à présent, cet amendement vise à remplacer les mots « chacun des époux » par les mots « le mari ou la femme ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Contrairement à ce qu'estiment les signataires de l'amendement n° 68 rectifié bis, la précision qui est introduite dans le code civil est tout à fait opportune. L'article 2 A a été inséré dans le projet de loi en commission des lois grâce à l’adoption d’un amendement de l'un de ses membres. Il avait été présenté à l'Assemblée nationale, mais n'avait pas pu être voté en raison du temps programmé. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 68 rectifié bis.
Dans la mesure où nous avons adopté l’article 1er qui ouvre le mariage aux personnes de même sexe, il me semble que l’amendement n° 92 rectifié bis n'a plus lieu d'être. Il ne devrait plus avoir d'objet d'un point de vue politique, même si, sur le plan juridique, il garde sa légitimité. La commission y est donc tout à fait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur ces deux amendements.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement de suppression pour les raisons qu'a indiquées la commission, même si la question du nom doit être encore l’occasion de débats aussi bien dans la société qu'au Parlement. Il ne s’agit pas seulement de faire référence à des habitudes et à des traditions qui sont devenues du droit ; nous devons aussi aborder ces questions en fonction de l'évolution de la société, des enjeux de l'égalité entre les hommes et les femmes, des engagements internationaux de la France, auxquels je vous sais très attachés. J’ai déjà rappelé, par exemple, les interpellations des Nations unies sur la préséance donnée au nom patronymique masculin, au détriment de l'attribution du nom de la mère.
Nous ne pourrons éluder ce débat, mais nous ne pouvons pas le tenir dans le cadre du présent texte.
Quant à l'amendement n° 92 rectifié bis, je le considère comme une sorte clin d'œil.
En premier lieu, l'article 1er ayant été adopté, le texte que nous examinons, en tout cas à ce moment de la navette parlementaire, a déjà consolidé l'ouverture du mariage aux couples de même sexe.
En second lieu, monsieur Gélard – et c’est un clin d'œil que je vous adresse à mon tour –, je vous rappelle l'étymologie de chacun des mots en cause, puisque vous indiquez préférer « mari » et « femme » à « époux ». « Mari » vient du latin mas, maris, c'est-à-dire le mâle, et le mot « femme » a la même étymologie que « femelle », alors que « époux » vient de sposare, qui signifie : « promettre solennellement ». Le mot « époux » a tout de même plus de dignité, plus d'allure, plus de solennité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l'amendement n° 68 rectifié bis.
M. Jean-Jacques Hyest. Il convient tout de même de le savoir, une fois mariée, la femme garde son nom : l’ajout du nom de son époux est un simple usage, certes très répandu.
Cet aspect est assez secondaire, mais il en sera question lorsque nous allons évoquer le nom de famille des enfants.
Je vous rappelle que nous avons adopté en 2003 une proposition de loi relative à la dévolution du nom de famille, dont notre ancien collègue Henri de Richemont était le rapporteur au nom de la commission des lois. Je ne suis pas sûr qu’il se soit agi d’une bonne réforme, mais l'Assemblée nationale a en tout cas aggravé les choses et l’on aboutit désormais des situations tout à fait ridicules.
Ce débat est sérieux. Dans toutes les grandes civilisations, le nom, c'est ce qui détermine l’être ; nommer quelqu'un est tout à fait fondamental, c'est lui donner existence. Ce caractère symbolique est extrêmement important, et nos concitoyens en ont bien conscience.
Nous devrons d'ailleurs aborder d'autres aspects du problème, par exemple la disparition des noms. Notre excellent collègue François Zocchetto est en droit de craindre, compte tenu de l’ordre alphabétique retenu pour accoler les noms, que les noms commençant par la lettre Z ne disparaissent progressivement. (Sourires.) C’est une réalité ! Ces questions sont tout à fait sérieuses ! Il faut essayer, autant que faire se peut, de ne pas bricoler davantage ce qui, de mon point de vue, est déjà assez compliqué. Je pense, par exemple, à la possibilité de choisir pour son enfant le nom du père ou de la mère – ou demain, peut-être, des parents qui ne seront pas un homme et une femme. On nous répond que, dans la plupart des cas, par manque d’information, on choisit le nom du père.
Madame le garde des sceaux, vous en êtes consciente, ce sont là des affaires qu'il ne faut pas traiter à la légère, en appelant simplement au rejet de ces amendements pour pouvoir passer à autre chose. C'est pourquoi je regrette que l'on n’ait pas pu examiner en bloc l'ensemble des dispositions relatives au nom de famille.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Mon propos s’inscrira dans le droit fil de ce qu’a dit Jean-Jacques Hyest.
Cet article bouleverse les règles de transmission du nom de famille.
Traditionnellement, l’enfant porte le nom de famille du père. Depuis quelques années, il est également possible d’accoler le nom de la mère.
La filiation va de pair avec l’intérêt de l’enfant, donc son état civil. Elle détermine son attachement à son père et à sa mère et repose sur le principe de protection familiale, mais aussi civile.
Avec cet article, en l’absence de démarche particulière, l’enfant prendra les noms de chacun des deux « parents », qu'ils soient de sexes différents ou de même sexe, accolés dans l’ordre alphabétique, sauf déclaration conjointe et formelle des deux parents.
Les complications engendrées par ces dispositions ne sont pas suffisamment mesurées. Les répercussions ne sont pas entièrement appréhendables à ce jour.
Nous pouvons d’ailleurs avoir une pensée pour nos généalogistes, qui auront du fil à retordre pour retrouver les héritiers dans le cadre des successions.
En outre, n’oublions pas que le mot « parents » connaît diverses définitions. Ainsi, aux termes de l’article 734 du code civil relatif aux ordres des héritiers, les « parents » appelés à succéder, sont tout à la fois les enfants et leurs descendants, les père et mère, les frères et sœurs, les collatéraux. Le mot « parents » désigne donc aussi les membres d’une même famille.
En ce qui concerne les extraits d’acte de naissance, y compris la compilation de ces actes dans le livret de famille, avec indication de la filiation, ils comportent l’indication du nom du père ou de la mère, sans précision quant au mode d’établissement, par effet de la loi, par jugement, y compris adoptif, ou par acte notarié.
Les extraits d’actes d’état civil demandés par les intéressés ou les personnes autorisées comportent également l’indication des noms du père ou de la mère.
En l’état actuel du droit, la filiation est fondée sur l’identification d’un lien maternel et d’un lien paternel. La distinction des sexes structure juridiquement le lien de filiation, par le sang ou non.
Elle se retrouve dans l’autorité parentale, laquelle est détenue, en vertu de la loi, conjointement par le père et par la mère. L’état civil reflète l’identité de la personne ; il est censé être le plus proche de la réalité et résulte des déclarations de naissance ou de reconnaissance, et plus généralement d’éléments connus. Traduction administrative du lien de filiation, fondé sur l’altérité sexuelle, l’état civil est aujourd’hui sexué.
En conséquence, les enfants adoptés par des couples de même sexe n’auront même plus de filiation symbolique à laquelle se rattacher, et l’état civil deviendra asexué. Biologiquement, c’est incompréhensible et invraisemblable puisque l’état civil est, par définition, la traduction administrative du lien de filiation, et donc du fait d’être né d’un père et d’une mère.
Les dispositions relatives au nom de famille sont, par conséquent, contraires au principe d’intelligibilité de la loi. (Mme Esther Sittler et M. Gérard Bailly applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je souhaite poser une question à Mme la ministre ou à M. le professeur de droit Gélard.
Aux termes de l’article 225 du code civil, « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels ». Or je ne vois pas quel est le rapport entre cet article et l’article 225-1 nouveau, que l’article 2 A du projet de loi tend à insérer dans le code civil.
Quelqu’un pourrait-il me l’expliquer ?
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.
Mme Isabelle Debré. Je souhaite poser une question à Mme la ministre chargée de la famille.
Dans cet article, il est effectivement question de mari, de femme et de parents.
Vous nous avez expliqué que nous ne pouvions pas demander de référendum puisqu’il s’agissait d’un texte sociétal, et non social. Or, depuis une demi-heure, j’entends parler de « parent social ».
Il me semble qu’il y a là, à tout le moins, un petit problème sémantique. Si ce texte n’est pas un texte « social », pourquoi parle-t-on de « parent social ».
Je vous remercie par avance de votre réponse.
M. le président. La parole est à M. André Trillard, pour explication de vote.
M. André Trillard. Mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, la transmission des patronymes, dans votre texte, pose un vrai problème. Elle repose sur une tromperie : la négation de l’altérité sexuelle, l’interchangeabilité entre un homme et une femme.
Nous avons vu, lors de l’examen de l’article 1er, qui forme le socle de ce projet, les lourdes incertitudes que ce bouleversement sociétal fait peser sur l’avenir des enfants concernés. Nous aurons l’occasion d’y revenir.
Toutefois, l’article 2, tel qu’il est ressorti des travaux de l’Assemblée nationale, apporte lui aussi son lot de leurres et de tromperies !
De quoi s’agit-il ?
Alors que ce projet de loi ne devait en rien modifier le mariage pour les couples hétérosexuels, cet article 2, au terme de son examen par l’Assemblée nationale, remettait tout simplement en cause le mode de transmission du nom de famille à l’enfant. C’était, ni plus ni moins, la fin de la « présomption de nom paternel » pour l’enfant.
Aujourd’hui, en effet, aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 311-21 du code civil, « en l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de celui de ses parents à l’égard duquel sa filiation est établie en premier lieu et le nom de son père si sa filiation est établie simultanément à l’égard de l’un et de l’autre ».
Les modifications apportées par l’article 2 signifiaient que, désormais, un acte volontaire et écrit serait nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis. En l’absence d’indication spécifique, cette transmission n’était plus de droit.
Ainsi, sur un plan pratique, si le père déclarait la naissance à la mairie, il devait se munir d’un document écrit de la mère autorisant explicitement l’enfant à porter le nom du père. Dans le cas contraire, c’était l’accolement des deux noms de famille dans l’ordre alphabétique qui prévalait, et non plus le seul nom du père.
Je tiens à rappeler ici l’historique de cet article parce qu’il s’agit là d’un point extrêmement important du projet, notamment en ce qu’il contredit totalement l’assertion selon laquelle ce dernier ne change en rien la situation des couples hétérosexuels.
Si la commission des lois du Sénat, à laquelle je tiens à rendre hommage, ne s’était pas attaquée à ce problème, dont vous concédiez tout juste, du bout de lèvres, madame la ministre, qu’il était « sensible », les Français, qui ont quand même transmis le patronyme paternel à 83 % des enfants nés en 2011, se seraient réveillés un beau matin sans avoir aucunement connaissance de la déclaration qu’ils devaient faire expressément pour conserver cet usage, auquel ils sont manifestement attachés !
Avec cette conséquence totalement absurde : l’extinction inéluctable et programmée de la diversité des patronymes français.
Madame la ministre, nos patronymes respectifs commençant par un T, nous risquons d’avoir un problème avec cette affaire d’ordre alphabétique !
Lorsqu’on touche aux patronymes, à leur diversité, à leur mode de transmission, on touche très profondément à l’intime. Et cela, vous le faites au nom d’un égalitarisme aveugle.
Je passe sur les conséquences pratiques d’une déclaration spécifique, des difficultés administratives d’une démarche conjointe, des cafouillages, des oublis, sans parler des contentieux…
Vous avez dit à maintes reprises que ce texte ne changerait rien à la situation des couples hétérosexuels. C’est faux : il la bouleverse ! Cela démontre que, avec ce projet de loi purement dogmatique, vous êtes concentrés sur votre but et que, obnubilés par l’égalitarisme, vous ne remarquez même plus les dommages collatéraux que vous créez dans la vie de la grande majorité des gens, qui n’ont rien demandé à personne, mais qui se trouvent entraînés dans le grand maelström de votre « réforme de civilisation ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, ce qui est en jeu, à travers l’article 2, c’est la modification d’une pratique pluriséculaire de transmission du nom de famille à l’enfant.
Nous avons bien vu et décrit le préjudice à la fois symbolique et pratique qu’il cause puisque les alinéas 1 à 5 sonnent le glas de la présomption de nom paternel pour l’enfant.
Pour l’anecdote, et pour démontrer l’absurdité de ce système, dans la mesure où l’on prendra systématiquement, lors de l’association des noms, celui qui, dans l’ordre alphabétique, commence par la lettre la plus proche du A, il y aura beaucoup de A et de B – je n’ai pas de souci à me faire, pas plus que M. Bel ! (Sourires.) –, mais il y aura de moins en moins de noms commençant par les lettres M, N, et suivantes !
Autre difficulté : les cousins ne porteront plus le même nom, c’est-à-dire que les grandes familles verront leur solidarité niée !
Mme Laurence Rossignol. C’est déjà le cas des cousins par la mère !
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Or nos concitoyens n’ont guère conscience que nous touchons ici à la transmission des noms de famille. C’est la raison pour laquelle nous demandons, depuis le début, un débat national sur cette question.
Je redoute aussi la multiplication des difficultés administratives, puisqu’il faudra que nos concitoyens effectuent une démarche alors qu’ils n’y ont pas été habitués. Il y aura sans doute beaucoup d’erreurs, beaucoup d’oublis, donc vraisemblablement beaucoup de contentieux.
Certains le découvriront d’ailleurs dans des conditions qui ne faciliteront pas les choses. Cette formalité sera donc beaucoup plus difficile à mettre en œuvre qu’on peut le penser.
Vous n’avez cessé de répéter que vous ne compreniez pas notre opposition à un texte qui n’ôtait rien aux couples hétérosexuels, mais étendait les droits de ces derniers aux couples homosexuels. En réalité, avec les dispositions de cet article, ce n’est plus le cas. (M. Jean-Claude Lenoir applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Pour apporter de l’eau au moulin de Patrice Gélard et de Jean-Jacques Hyest, je rappellerai que les toutes premières lois de décentralisation ont conféré aux départements une responsabilité en matière culturelle, notamment en ce qui concerne la gestion des archives départementales.
M. Jean-Louis Carrère. Des lois que vous avez combattues !
M. Bruno Retailleau. Monsieur Carrère, essayez de m’écouter comme vous écoutez Mme Des Esgaulx : en silence ! (Sourires.)
Il est impressionnant de voir combien de Français s’intéressent à la généalogie : c’est fantastique ! Je vous assure, monsieur le président, que les Mormons ne sont pas les seuls à se consacrer à la généalogie ! Tous âges et catégories sociales confondus, nos concitoyens sont nombreux à venir consulter en ligne ou physiquement les archives, comme si cette quête de leurs racines faisait contrepoids à la mondialisation et l’accélération du temps.
Le sujet qu’abordait Jean-Jacques Hyest tout à l’heure est donc tout sauf anecdotique.
Si, demain, nous assistons à une dilution des noms, non seulement certains d’entre eux tomberont en désuétude, mais surtout le recoupement généalogique deviendra de plus en plus complexe.
Sur cette question, il eût fallu, à tout le moins, consulter les Archives de France. Le Gouvernement l’a-t-il fait ? Je pose la question…
M. le président. La parole est à M. Charles Revet, pour explication de vote.
M. Charles Revet. Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, je ne peux m’empêcher d’avoir une inquiétude…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Une de plus !
M. Charles Revet. Vous avez affirmé que, avec ce texte, nous changions de civilisation.
On voit en effet, à travers les différents articles, que vous voulez chambouler les pratiques, y compris, maintenant, celles qui ont trait au nom de famille…
Ma question est simple : s’il y a encore quelques oiseaux rares…
M. Jean-Louis Carrère. Des ortolans ? (Sourires.)
M. Charles Revet. … qui veulent continuer à vivre de manière classique, comme on le fait depuis des siècles, pourront-ils simplement garder leur nom et leurs habitudes, ou seront-ils obligés de se plier aux exigences de cette loi ?
Pour être simple, cette interrogation me semble néanmoins essentielle. Peut-être M. le président de la commission des lois pourra-t-il m’apporter une première réponse.
M. le président. Monsieur Gélard, je pense pouvoir considérer que l’amendement n° 92 rectifié bis n’a plus d’objet. (M. Patrice Gélard en convient.)
Je mets aux voix l'article 2 A.
(L'article 2 A est adopté.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Je voudrais essayer de répondre à la question qui m’a été posée sur le « parent social ».
Nous n’avons pas inventé cette expression : dans les travaux sociologiques ou juridiques, chaque fois qu’on a voulu qualifier le parent dépourvu de lien biologique avec son enfant, l’adjectif « social » a été employé.
Madame Debré, j’entends votre interrogation sur ce qui relèverait, au sein du projet de loi, du « sociétal ». Mais avouez qu’il semble difficile, en l’occurrence, de parler de « parent sociétal ».
On pourrait certes appeler autrement ce parent « social », mais c’est simplement une façon de signifier la différence entre la filiation biologique et une filiation d’une autre nature, qui n’empêche pas le parent concerné de se reconnaître dans sa fonction de parentalité, au même titre que le parent biologique.
Je ne pense pas que l’on puisse mettre sur le même plan un projet de société et la définition d’une fonction parentale exercée par un parent autre que le parent biologique.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je ne voudrais surtout pas rallonger ces débats intéressants…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. On ne vous entend pas assez, monsieur Sueur ! Nous aimons quand vous parlez ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Cela cache quelque chose ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission lois. Il faut aussi savoir écouter, mes chers collègues… Le sage tourne sa langue plusieurs fois dans sa bouche avant de parler !
Monsieur Revet, comme les êtres vivants, les mots changent au fil de l’histoire : ils changent de forme, de prononciation et de sens.
Cela vaut en particulier pour les noms propres. Pendant longtemps, il n’existait pas de noms de famille, puis ces derniers se sont répandus peu à peu, issus de noms communs, en particulier de noms de métiers, de noms de lieux, etc.
Tout change, voyez-vous ! Nous sommes dans une société où tout change, y compris les patronymes, l’appellation, la manière de nommer et de dénommer.
Mme Isabelle Debré. Le changement, c’est maintenant !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission lois. Vous voyez là, mes chers collègues, une nouvelle étape de mon combat contre le fixisme et l’immobilisme !
Nous devons accepter de changer et, si possible, d’aller de l’avant ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. René Garrec.
M. René Garrec. Monsieur le président de la commission des lois, c’est une manie chez vous de vouloir changer les mots et les noms !
Mon nom n’est pas français, il est breton ! (M. Ronan Kerdraon applaudit) Nous ne sommes rattachés à la France que depuis 1532 ! Mes copains bretons présents ce soir savent que nos noms ont souvent une origine lointaine. Le mien est d’origine galloise. Et savez-vous ce qui sépare le duché de Cornouailles, cher au fils aîné de la reine Elizabeth II, du reste de l’Angleterre ? Ce sont les Carrick Roads, un estuaire dont le nom n’a pas été modifié depuis 2 000 ans ; à l’orthographe près, c’est l’origine cornique du nom que je porte.
Je finis par me dire que, lorsque la Bretagne se sera reconstituée sur des bases historiques complètes, j’irai prendre ma retraite là-bas. Au moins, on ne touchera pas à mon nom ! (Sourires.)
M. Bruno Sido. Il ne fallait pas voter l’article 2 A avant que l’on m’ait répondu ! Après tout, s’il y avait une erreur… Il y a ici de nombreux spécialistes : qu’attendent-ils pour répondre à la question toute simple que j’ai posée ?
M. Gérard Bailly. Très bien !
Article 2
I. – L’article 311-21 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« En cas de désaccord entre les parents, signalé, le cas échéant avant la naissance, par l’un d’eux à l’officier d’état civil, l’enfant prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » ;
2° Au troisième alinéa, la référence : « ou du deuxième alinéa de l’article 311-23 » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 ».
II. – (Non modifié) Au troisième alinéa de l’article 311-23 du même code, la référence : « ou du deuxième alinéa du présent article » est remplacée par les références : « , du deuxième alinéa du présent article ou de l’article 357 ».
III. – (Non modifié) L’article 357 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 357. – L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant.
« En cas d’adoption de l’enfant du conjoint ou d’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants choisissent, par déclaration conjointe, le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’un d’eux, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par eux, dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux.
« Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une seule fois.
« En l’absence de déclaration conjointe mentionnant le choix de nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de l’adoptant et de son conjoint ou de chacun des deux adoptants, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique.
« Lorsqu’il a été fait application de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou du présent article à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour l’adopté.
« Lorsque les adoptants ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à l’adopté.
« Sur la demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant. »
IV. – (Non modifié) Au début du premier alinéa de l’article 357-1 du même code, les mots : « Les dispositions de l’article 311-21 sont applicables » sont remplacés par les mots : « À l’exception de son dernier alinéa, l’article 357 est applicable ».
M. le président. L'amendement n° 171 rectifié ter, présenté par MM. Zocchetto et Détraigne, Mme Gourault, MM. Mercier et Pozzo di Borgo, Mme Morin-Desailly, MM. Amoudry, Arthuis, J. Boyer, Delahaye, Marseille, Bockel, Dubois et J.L. Dupont, Mme Férat et MM. Roche, Merceron, Namy, Tandonnet, Maurey, Guerriau et de Montesquiou, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Léonce Dupont.
M. Jean-Léonce Dupont. Le droit d’adoption des couples étant, en l’état actuel du droit, strictement réservé aux couples mariés, la possibilité d’adopter pour les couples de personnes de même sexe découle automatiquement de l’ouverture du mariage à ces couples, sans qu’il soit besoin de procéder à une modification du code civil.
Sous couvert de dispositions relatives au nom de famille, cet article consacre en réalité l’établissement d’une filiation adoptive issue de deux hommes ou de deux femmes.
Comme une large majorité des membres du groupe UDI-UC, je suis opposé à l’ouverture de l’adoption aux couples homosexuels. Une telle adoption consiste à admettre dans notre droit le principe d’une filiation sociale, fondée sur une impossibilité biologique. En outre, il convient de veiller à l’intérêt de l’enfant qui se verrait ainsi privé d’un père ou d’une mère.
Le fait que certains enfants aient pu s’épanouir sans le repère de l’un ou l’autre ne justifie pas que la loi étende la possibilité d’adopter aux couples de personnes de même sexe.
Avec cet amendement de suppression, nous nous inscrivons dans la logique de notre opposition à ce projet de loi, et en particulier à toutes les dispositions relatives à l’adoption.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Je voudrais d’abord apporter quelques précisions à M. Sido.
Si l’on regarde le code civil, et plus précisément le chapitre intitulé « Des devoirs et des droits respectifs des époux », on constate que l’article 225 est le dernier des articles consacré à ces devoirs et à ces droits. Pour cette raison, nous créons un article 225-1.
Je voudrais maintenant répondre un peu longuement sur l’amendement qu’a présenté M. Jean-Léonce Dupont… (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Oui, mes chers collègues, car nous ne sommes pas ici pour parler football. (Sourires.) Du reste, moi, je suis supporteur de Sochaux et de Rennes ! Alors… (Nouveaux sourires.)
Le texte qui nous venait de l’Assemblée nationale était, j’en conviens, un texte proprement révolutionnaire : dans tous les cas, filiation biologique incluse, les deux noms étaient accolés suivant l’ordre alphabétique.
La commission des lois a considéré que l’on ne pouvait conserver ces dispositions en l’état et a donc réécrit l’article 2 pour en revenir à la règle traditionnelle, qui place le nom du père en tête.
M. Charles Revet. Voilà enfin la réponse à ma question !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cher monsieur Revet, fiez-vous à votre rapporteur et non à des considérations philosophiques ou philologiques ! (Sourires.)
Toutefois, en cas de désaccord exprimé entre les deux parents – cela peut arriver, par exemple, lorsqu’ils sont séparés au moment de la naissance – et afin d’éviter que l’un des deux – le père, en l’occurrence – n’impose son nom, nous revenons à la règle des deux noms accolés dans l’ordre alphabétique.
Il se trouve que j’ai quelques accointances avec des maternités à Paris, notamment dans de très grands hôpitaux du nord de la capitale, et je les ai consultées. J’ai appris à cette occasion que les parents – ceux qui sont ensemble au moment de la naissance, mariés ou non – se disputent jusqu’au dernier moment devant le cadre de santé ou l’officier d’état civil sur le prénom : la maman dit qu’elle s’appellera Noémie ; le papa penche, lui, pour Amélie ; et finalement, leur fille s’appelle Clémence ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. La clémence d’Auguste ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Ensuite, perturbée par cette dispute, la personne qui est chargée d’enregistrer le nom de l’enfant oublie de demander aux parents quel nom de famille ils retiennent et, de manière quasi-automatique, elle inscrit le nom du père.
Nous en revenons donc à cette règle tacite qui consiste à donner le nom du père si les parents n’ont rien indiqué.
Il peut aussi arriver, même si c’est aujourd’hui devenu plus rare, que des jeunes gens mettent des jeunes filles enceintes. (Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Jadis, cela arrivait notamment dans les villes de garnison. (Rires.)
M. Gérard Longuet. Ah, les artilleurs de Metz !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Très fiers, ces jeunes hommes déclaraient l’enfant en mairie avant la naissance et s’enorgueillissaient auprès de leurs amis du fait que leur enfant porterait leur nom.
M. Henri de Raincourt. C’est du vécu ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Las, l’enfant à peine reconnu, ils disparaissaient ! Bien entendu, dans une telle situation, il faut protéger la mère et lui permettre de donner son nom à l’enfant qu’elle élève seule.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 171 rectifié ter.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le rapporteur a expliqué le choix fait par la commission des lois.
Je rappelle que les députés avaient souhaité généraliser le dispositif présenté par le Gouvernement pour les seuls couples de même sexe, à savoir les noms des deux parents, à raison d’un seul par parent, accolés dans l’ordre alphabétique.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, j’ai dit que j’entendais les protestations, que je les considérais comme partiellement fondées. Il faut constater que l’égalité progresse et que, en matière de nom, les femmes sont tout à fait en droit de réclamer la même préséance. Les Nations unies ont d’ailleurs fait une observation à la France sur la préséance systématique accordée au nom du père… (Sourires.)
Un sénateur du groupe UMP. Du fils et du Saint-Esprit…
Plusieurs sénateurs et sénatrices du groupe UMP. Chassez le naturel…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En l’occurrence, il ne s’agit pas de naturel, mais d’acquis ! De l’acquis qui n’est du reste pas contesté !
M. Jean-Pierre Raffarin. Vous n’en savez rien ! C’est peut-être la grâce !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous me comblez, monsieur le Premier ministre ! Je n’en espérais pas tant ! (Nouveaux sourires.)
Votre commission des lois a choisi de distinguer entre le silence des parents et leur désaccord. En cas de silence, la préséance traditionnelle du nom du père l’emporte. En cas de désaccord, les deux noms, à raison d’un seul nom par parent, sont accolés suivant l’ordre alphabétique.
Il s’agit, à mon avis, d’une amélioration du dispositif adopté par l’Assemblée nationale, qui allait trop loin dans la généralisation.
Je voudrais rappeler au président Hyest, qui s’est exprimé lors de l’examen de l’article précédent, que le mariage ne modifie pas le nom des époux, ce que la plupart de nos concitoyens ignorent absolument. On tient pour acquis que, à l’occasion du mariage, la femme prend automatiquement le nom de l’époux. Néanmoins, de plus en plus de femmes choisissent de conserver leur nom. Ce sont de tels actes qui font progresser la cause des femmes et qui nous ont d’ailleurs conduits à découvrir qu’elles n’avaient nullement l’obligation de prendre le nom de leur époux.
À côté de cette réalité juridique, force est de constater que le code civil ne traite du nom des époux qu’en cas de divorce et de séparation de corps. Aucun article ne vient préciser quel nom choisir au moment du mariage, s’il faut l’accoler, le mettre avant ou après… C’est seulement au sujet de la dissolution du mariage ou de la séparation de corps que le code civil prend la précaution de dire que l’un des conjoints peut conserver son nom marital, soit avec l’accord de l’autre soit par décision du juge.
Autrement dit, si l’épouse peut prendre le nom de son mari, l’époux peut également prendre le nom de son épouse ! Ne faudrait-il pas commencer à s’y mettre ? (Sourires.) Il est sans doute trop tard pour nous autres ici, mais il faudra bien commencer un jour !
M. Charles Revet. On ne sait jamais ! (Nouveaux sourires.)
M. Alain Gournac. Il n’est jamais trop tard !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet article vient donc préciser un peu les choses alors que le code civil était jusque-là resté silencieux : l’un des époux peut prendre le nom de l’autre, tout simplement.
M. Sido a demandé pourquoi nous avions placé cette disposition à cet endroit du code civil ? Toute la difficulté résidait dans ce que je viens de rappeler : le silence du code civil sur cette question. Nous avons donc placé la nouvelle disposition, l’article 225-1, à la fin du chapitre concerné. Certes, l’article 225, qui dispose que « chacun des époux administre, oblige et aliène seul ses biens personnels » n’a pas un rapport immédiat et flagrant avec le nom, mais c’est le seul endroit où nous pouvions insérer cette nouvelle disposition.
Je termine en indiquant que le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 171 rectifié ter.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 171 rectifié ter.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Modification de l'ordre du jour
M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour de demain soir, jeudi 11 avril, des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant réforme de la biologie médicale.
Acte est donné de cette communication.
10
Nomination à une éventuelle commission mixte paritaire
M. le président. Pour le cas où le Gouvernement déciderait de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports, il va être procédé à la nomination des membres de cette commission mixte paritaire.
La liste des candidats a été affichée ; je n’ai reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 12 du règlement.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Raymond Vall, Roland Ries, Jean-Jacques Filleul, Michel Teston, Gérard Cornu, Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Vincent Capo-Canellas ;
Suppléants : MM. Pierre Camani, Jean-Luc Fichet, Mme Évelyne Didier, MM. Ronan Dantec, Jean Bizet, Rémy Pointereau et Henri Tandonnet.
Cette nomination prendra effet si M. le Premier ministre décide de provoquer la réunion de cette commission mixte paritaire et dès que M. le président du Sénat en aura été informé.
11
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Chapitre II (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Article 2 (suite)
M. le président. Au sein de l’article 2, nous en sommes parvenus à l’examen de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements nos 218 rectifié et 254 sont identiques.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par MM. Milon et Pinton.
L'amendement n° 254 est présenté par Mme Pasquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 2 et 3
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° La dernière phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend le nom de chacun de ses deux parents, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés selon l’ordre alphabétique. » ;
L’amendement n° 218 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 254.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’Assemblée nationale a adopté un amendement ayant pour objet d’aligner les règles subsidiaires de dévolution du nom de famille entre les filiations par le sang et adoptive. En cas de désaccord ou d’absence de choix des parents, les premiers noms de chacun d’eux, accolés dans l’ordre alphabétique, seront dévolus à l’enfant.
La commission des lois a supprimé cette avancée. Pourtant, la motivation des députés était légitime : l’égalité entre les enfants. En effet, à défaut de choix des parents, le maintien d’une règle d’attribution patronymique du nom de famille pour les seuls cas de filiation par le sang est susceptible d’introduire une rupture d’égalité entre les couples, selon qu’il s’agisse d’une filiation par le sang ou adoptive.
Ainsi, dans le premier cas de figure, le nom de famille du père prévaudra, alors que dans le second le nom sera choisi dans l’ordre alphabétique.
À l’encontre de cette harmonisation des règles de dévolution des noms de famille est avancé un souci de simplification et, surtout, de préservation de l’histoire familiale à travers la généalogie. Mais l’histoire n’est pas que masculine. Les recherches généalogiques ne se réduisent évidemment pas à la branche paternelle ; la branche maternelle participe aussi de l’histoire familiale.
Le fait qu’il y ait plusieurs noms accolés ne devrait pas nuire aux recherches. L’argument invoqué n’est donc pas convainquant. C’est pourquoi nous proposons de revenir à la règle adoptée par nos collègues députés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – M. André Gattolin applaudit également.)
M. le président. L'amendement n° 149 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
, le cas échéant avant la naissance, par l’un d’eux à l’officier d’état civil,
par les mots :
par l’un d’eux à l’officier de l’état civil, au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou après la naissance, lors de l’établissement simultané de la filiation,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 2, en cas de désaccord des parents sur le nom de l’enfant, l’un des parents peut le « signaler » à l’officier de l’état civil, le cas échéant avant la naissance de l’enfant.
Or la rédaction actuelle de cet article ne permet pas de savoir dans quel délai cette contestation peut être effectuée ; elle laisse même entendre que cette faculté pourrait courir sans limitation dans le temps après la naissance.
L’immutabilité du nom et la nécessaire stabilité de l’état civil requièrent de limiter dans le temps la manifestation de ce désaccord.
La modification que je propose permet de limiter la manifestation de ce désaccord au plus tard au jour de la déclaration de naissance ou, par la suite, en cas d’établissement simultané de la filiation.
Il s’agit donc d’un amendement de sécurisation juridique.
M. le président. L'amendement n° 93 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
par l'un deux
par les mots :
conjointement par les parents
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. La proposition relative au choix du nom en cas de désaccord des parents formulée par M. le rapporteur ne m’a pas du tout convaincu.
En effet, notre collègue n’a pas prévu certaines situations, qui, malheureusement, ne sont pas que des hypothèses, dans lesquelles l’un des parents veut se venger de l’autre.
Cependant, mes chers collègues, la solution que je vous soumets ne me satisfait pas non plus, car la situation à laquelle nous sommes confrontés est très compliquée. Toute mesure qui concerne le nom est loin d’être parfaite.
À cet égard d’ailleurs, la loi que nous avons adoptée, voilà maintenant plus d’une dizaine d’années, est elle-même imparfaite. Elle ne permet pas de résoudre correctement les problèmes, dans cette continuité historique qu’aime tant M. Sueur…
L’usage du nom nous réserve de grandes difficultés. N’étant pas plus satisfait de mon amendement que de celui de la commission, je le retire. (Dommage ! sur les travées de l'UMP.)
Je tenais néanmoins à m’exprimer et je souhaite que nous étudiions de nouveau le problème du nom lors de la réforme du droit de la famille que nous aurons à examiner.
M. le président. L’amendement n° 93 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 278, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
d'état
par les mots :
de l'état
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui n’aura plus l’objet si l’amendement n° 149 rectifié est adopté.
M. le président. L'amendement n° 132 rectifié bis, présenté par Mmes Lipietz, Benbassa, Aïchi, Archimbaud et Bouchoux et MM. Desessard, Gattolin et Placé, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
l'ordre alphabétique
par les mots :
l'ordre apparu après tirage au sort devant l'officier d'état civil
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 177 rectifié bis, présenté par M. Zocchetto, Mme Morin-Desailly et MM. Merceron, Roche et Guerriau, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Remplacer les mots :
l'ordre alphabétique
par les mots :
un ordre déterminé aléatoirement
La parole est à M. Gérard Roche.
M. Gérard Roche. Monsieur le président, cette intervention vaudra pour l’amendement n° 177 rectifié bis et pour l’amendement n° 276, puisque les dispositifs proposés sont similaires.
En l’espèce, nous souhaitons réaffirmer notre opposition formelle à toute disposition qui contribuerait à la concentration des noms sur les treize premières lettres de l’alphabet. Nous proposons que l’ordre des noms soit déterminé par tirage au sort, et non par référence à l’ordre alphabétique comme le prévoit le texte actuel.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 254, qui tend à revenir au système retenu par l’Assemblée nationale. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, nous avons élaboré un dispositif plus logique, qui reprend le nom du père dans la très grande majorité des cas.
La commission est favorable à l’amendement n° 149 rectifié. S’il était adopté, les différents cas de figure et la façon dont les époux pourront faire connaître leur absence d’accord seront alors bien précisés.
L’amendement n° 132 rectifié bis prévoit, pour le choix du nom, de procéder par tirage au sort.
Si le système proposé peut prêter à certaines interrogations, dont celles que formule M. Gélard, cette solution paraît encore pire et la commission y est défavorable.
Pour ce qui est de l’amendement n° 177 rectifié bis, je regrette que M. Zocchetto ne l’ait pas présenté, car il est lui-même directement concerné ! (Sourires.) Il est compréhensible en effet qu’il veuille assurer la continuité des noms commençant par les dernières lettres de l’alphabet, notamment par l’initiale du sien.
M. Bruno Sido. L’ordre alphabétique est injuste !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission est néanmoins défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Je n’ai que quelques rares souvenirs des enseignements de latin et de grec que j’ai suivis au lycée, mais je me souviens avoir vu il y a bien longtemps, alors que j’étais étudiante, un magnifique film de Costa-Gavras, Z, ce qui signifie « il est vivant » en grec.
M. Bruno Sido. C’est un film à revoir !
Mme Nathalie Goulet. Absolument !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Concernant l’amendement n° 254, qui vise à rétablir la formulation adoptée par l’Assemblée nationale, le Gouvernement entend, bien sûr, les arguments de Mme Gonthier-Maurin.
L’histoire des noms n’est effectivement pas que masculine. Installons donc le débat dans la société afin que nous parvenions à changer d’époque. Pardon à ceux que cela pourrait blesser, mais il est injuste et quelque peu archaïque de s’accrocher au mode actuel de détermination du nom patronymique.
Cependant, plutôt que de revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale, qui avait d’incontestables défauts, le Gouvernement préfère la rédaction proposée par la commission des lois, tout en insistant sur le fait que le problème n’est pas définitivement réglé.
Pour cette unique raison, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 149 rectifié, qui introduit des éléments de précision utiles.
Il convient en effet de décharger l’officier de l’état civil de la responsabilité de conserver l’information sur le désaccord des parents ; prévoir un délai améliore réellement le texte.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements suivants.
M. le président. En conséquence, l’amendement n° 278 n’a plus d’objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 132 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 177 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Si vous me le permettez, monsieur le président, je présenterai en même temps les amendements nos 66 rectifié bis et 67 rectifié bis.
Ces trois amendements, qui concernent naturellement le nom, sont la conséquence logique de notre position antérieure, à savoir notre refus de la modification des règles applicables en matière d’adoption plénière.
Comme nous sommes hostiles à cette modification, nous le sommes tout autant à la modification des règles applicables en matière de transmission du nom, d’où la suppression des alinéas 6 à 13 proposée à l’amendement n° 65 rectifié bis
L’amendement n° 66 rectifié bis complète le précédent : nous proposons le remplacement des alinéas dont nous demandons la suppression à l’amendement précédent par cinq alinéas qui précisent comment nous entendons que le nom de l’adoptant soit dévolu à l’enfant.
Enfin, l’amendement n° 67 rectifié bis a pour objet de sauver certains noms en faisant en sorte que le juge puisse intervenir dans l’intérêt de l’enfant et inverser, le cas échéant, l’ordre des noms choisi à l’origine.
M. Alain Bertrand. Excellente idée !
M. le président. L'amendement n° 66 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 13
Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :
III. - Les premier à troisième alinéas de l’article 357 du même code sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L’adoption confère à l’enfant le nom de l’adoptant.
« En cas d’adoption de l’enfant du conjoint marié, ou d’adoption d’un enfant par deux époux, l’adoptant et son conjoint ou les adoptants déterminent le nom de famille dévolu à l’enfant en application des règles énoncées aux articles 311-21 et 311-23.
« Cette faculté de choix ne peut être exercée qu’une fois.
« Sur demande du ou des adoptants, le tribunal peut modifier les prénoms de l’enfant. »
L'amendement n° 67 rectifié bis, présenté par M. Gélard et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Compléter cet alinéa par les mots :
, sauf à ce que cet ordre soit inversé par le juge dans l’intérêt de l’enfant
Ces amendements ont déjà été défendus.
L'amendement n° 276, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer les mots :
l'ordre alphabétique
par les mots :
un ordre déterminé aléatoirement
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 94 rectifié bis, présenté par MM. Gélard, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire et MM. Darniche et Husson, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
des adoptants,
insérer les mots :
lorsqu'ils sont mariés ou qu'ils ont adopté conjointement un enfant,
La parole est à M. Patrice Gélard.
M. Patrice Gélard. Cet amendement tend à éviter qu'un adoptant seul, dans le cas où il aurait adopté conjointement un enfant, puisse demander seul au tribunal de modifier les prénoms de l'enfant adopté, car nous souhaitons que les deux parents puissent intervenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements nos 65 rectifié bis et 66 rectifié bis, qui sont la conséquence logique de l’opposition de leurs auteurs à l’adoption par les couples mariés de personnes de même sexe.
Sur l’amendement n° 67 rectifié bis, qui tend à permettre au juge d’inverser l’ordre du nom dans l’intérêt de l’enfant, la commission a émis un avis favorable.
Néanmoins, à titre personnel, je suis défavorable à ce dispositif, qui ne me paraît pas nécessaire. En effet, en cas d’adoption conjointe, l’absence de déclaration conjointe des parents est l’exception, puisqu’ils sont tous les deux parties au jugement d’adoption. On peut donc supposer qu’ils ne seront pas en désaccord à ce moment-là sur la façon dont le nom sera donné à l’enfant.
L’amendement n° 94 rectifié bis me paraît superfétatoire, car la précision proposée va de soi, les adoptants étant par définition mariés. Il me paraît donc inutile d’apporter une telle précision, mais, puisque M. Gélard le souhaite… Avis favorable de la commission et défavorable du rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. Gélard a le mérite de maintenir sa position initiale sur l’ouverture du mariage et de l’adoption ; nous avons nous celui de tirer toutes les conséquences de l’adoption de l’article 1er. C’est pourquoi nous émettons un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote.
M. Bruno Sido. Je formulerai deux observations.
D’abord, M. le rapporteur exprime souvent son désaccord sans donner d’argumentation, ce que je trouve déplorable.
M. Alain Gournac. Moi aussi !
M. Bruno Sido. J’ai été souvent rapporteur et je me suis toujours échiné à expliquer la position de la commission.
Ensuite, monsieur le rapporteur, j’ai remarqué que vous mélangiez trop souvent votre position personnelle et celle de la commission.
M. Jean-Pierre Caffet. C’est arrivé une seule fois !
M. Bruno Sido. Cela ne date pas de cet instant ! Mes collègues et moi-même l’avions déjà constaté cet après-midi.
Monsieur le président, c’est inadmissible !
Le rapporteur doit exprimer la position de la commission. S’il parle en son nom, qu’il change de place ! Il ne faut pas mélanger les genres.
M. Pierre Bordier. C’est bien vrai !
M. Bruno Sido. J’irai plus loin : il passe plus de temps à expliquer sa position personnelle que celle de la commission. Nous ne pouvons l’admettre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Caffet. Il ne l’a fait qu’une fois !
M. David Assouline. M. Marini le fait pendant des heures !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur Sido, je tiens à répondre à votre intervention.
En premier lieu, M. Michel a rendu scrupuleusement compte, pour tous les amendements, de la position de la commission. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Je ne dis pas le contraire !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. En second lieu, monsieur Sido, il est de tradition constante, ici comme à l’Assemblée nationale, que, lorsque le rapporteur n’est pas d’accord avec la position majoritaire de la commission, il puisse exprimer sa position personnelle.
Cela se pratique depuis toujours, et M. Michel a exercé ce droit avec beaucoup de modération. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Ah non !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Il faut être très vigilants, monsieur Sido, car il arrive aussi parfois que certains présidents de commission tiennent à la tribune un discours qui, de la première à la dernière phrase, pourrait être celui du porte-parole de leur groupe…
M. Alain Gournac. Des noms !
M. Jean-Pierre Caffet. M. Marini !
M. David Assouline. Il le fait dans tous les débats !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et nous n’avons jamais formulé de remarques jusqu’à ce jour.
Certes, en tant que président de commission, il peut arriver que l’on s’exprime avec sa propre personnalité, mais je tiens à dire, et chacun peut le constater, qu’il y a une grande honnêteté, une grande intégrité et beaucoup de rigueur dans la manière dont M. Michel accomplit sa mission. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bruno Sido. C’est merveilleux !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Un président de commission vient de mettre en cause le président d’une autre commission,…
M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas du tout le cas !
M. Michel Berson. C’était opportun !
M. Bruno Retailleau. … mystérieusement d’ailleurs.
Tous les présidents de commission ne sont pas là. Par conséquent, si vous voulez mettre en cause nommément des personnes, faites-le au moins en leur présence.
M. Jean-Pierre Caffet. Dès que M. Marini sera là, je n’hésiterai pas à le faire !
M. Bruno Retailleau. Cela permettra, d’une part, à nous de savoir qui vous visez et, d’autre part, à ces personnes de répondre à vos attaques, monsieur le président de la commission des lois ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Leleux. Je voterai bien entendu contre l’article 2, et cela pour deux raisons.
La première est une raison de fond.
Le projet de loi est porté par une volonté politique : la conquête d’une nouvelle liberté pour les couples de personnes de même sexe sans que rien ne soit enlevé aux autres.
Or, au travers de cet article, on change complètement les règles de transmission du nom non pas seulement pour les couples de personnes de même sexe mais pour tout le monde, ce qui peut ne pas satisfaire des couples de personnes de sexe différent.
M. David Assouline. Cela ne leur enlève rien !
M. Jean-Pierre Leleux. Peut-être, mais c’est l’une des raisons de notre opposition à cet article. Pour ma part, je n’ai pas forcément envie que notre façon de faire depuis des millénaires soit modifiée.
M. Marc Daunis. Frileux conservateur ?
M. Jean-Pierre Leleux. La seconde raison tient au fait que les choses seront désormais inversées. Le nom paternel ne sera plus transmis comme avant, sauf volonté des deux parents.
Demain, à moins d’une inversion, l’enfant portera automatiquement les noms des deux parents, cela dans l’ordre alphabétique s’il n’y a pas accord entre eux.
En conséquence, je m’interroge : au bout de combien de générations n’aurons-nous plus que des noms de famille commençant par A et par B ? La question est posée !
M. André Reichardt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.
M. Robert del Picchia. Je ne suis jusqu’à présent pas beaucoup intervenu, mais cet article m’inquiète un peu inquiet, moi qui réside à l’étranger depuis quarante ans.
Que va-t-il se passer pour les Franco-Espagnols ou les Franco-Brésiliens, qui ont des noms très compliqués et très longs, les noms de famille s’ajoutant les uns aux autres jusqu’à ceux des grands-parents.
Lorsqu’il s’agit de Franco-brésiliens, par exemple, un nom français s’ajoute déjà au nom brésilien. Avez-vous réfléchi au résultat lorsqu’un le nom français cumulera les noms du père et de la mère, que ce soit dans l’ordre alphabétique ou non ?
M. Bruno Sido. Non, ils n’ont pas réfléchi du tout !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Pour ma part, j’abonde dans le sens des observations de Bruno Sido. Il est vrai qu’il n’est pas courant que la commission et le rapporteur émettent deux avis différents !
Certes, j’ai entendu M. le président de la commission des lois, mais, naïvement, je pensais jusqu’à présent que la commission ne pouvait pas ne pas suivre le rapporteur puisque celui-ci représentait la position majoritaire. Je ne comprends donc pas comment le rapporteur peut être en contradiction avec la commission !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ça arrive !
M. Gérard Cornu. Je le répète, j’ai bien écouté les explications de M. Sueur. Toutefois, comme cette situation n’est pas banale, je souhaite l’entendre encore, et entendre aussi M. le rapporteur.
M. David Assouline. Ça suffit !
M. Gérard Cornu. Un rapporteur qui est en contradiction avec sa commission, laquelle est censée avoir une majorité et le suivre majoritairement, ce n’est pas courant dans cette enceinte ! C’est même un événement et c’est pourquoi je souhaite obtenir des informations complémentaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Caffet. Vous en êtes donc là !
M. David Assouline. Il n’y a plus rien à dire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Chers collègues, si vous pensez que j’ai trop largement exprimé mon avis personnel, j’en ferai moins état en débattant des quelques amendements qui restent à examiner sur cet article.
M. Bruno Sido. Merci !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Cela étant, les exemples de désaccord entre le rapporteur et la commission sont fréquents. Rappelez-vous – et je parle sous le contrôle de Mme Dini, qui a présidé la commission des affaires sociales – le psychodrame qui a eu lieu à propos du projet de loi bioéthique !
Mme Muguette Dini. Ce n’était pas pareil !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. J’en garde quelques souvenirs ! Non seulement nous avons dû changer de rapporteur en cours de discussion, mais M. Lorrain a à plusieurs reprises dit que la commission était favorable à tel ou tel amendement mais qu’à titre personnel il était contre. Voilà comment tout le débat s’est déroulé, et personne n’a rien dit ! (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Plusieurs sénateurs du groupe UDI-UC. Il ne s’agissait pas de ce texte !
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. Pardonnez-moi, mes chers collègues, il s’agissait en effet du projet de loi sur la psychiatrie ! (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Bruno Sido. Ça change tout !
M. Marc Daunis. De la psychiatrie à la schizophrénie…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. En l’espèce, les désaccords sont très résiduels. (Brouhaha sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Monsieur Cornu, je m’étonne de la conception que vous vous faites du travail parlementaire : il est déjà arrivé, et il arrive presque chaque semaine, notamment au sein de la commission des lois, que, sur tel ou tel amendement, la majorité ne suive pas le rapporteur. Heureusement d’ailleurs !
M. Michel Le Scouarnec. C’est la démocratie !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous ne sommes pas des mécaniques !
M. Bruno Sido. Il ne s’agit pas de cela !
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous sommes en commission pour travailler. Il y a souvent des votes, des partages différents, et c’est ce qui donne tout son intérêt au travail parlementaire !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 65 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Milon et Pinton, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 14
Supprimer les mots :
À l'exception de son dernier alinéa
II. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le même article 357-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans ces deux cas, la demande du ou des adoptants de modification des prénoms de l’enfant est jointe à leur déclaration d’option relative au nom de famille. »
Cet amendement n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Esther Sittler, pour explication de vote sur l'article 2. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Esther Sittler. Le présent article, qui traite du nom de l’enfant, est intéressant, car il illustre l’impréparation qui a présidé à la rédaction de ce projet de loi dans son ensemble…
M. Charles Revet. Eh oui !
Mme Esther Sittler. … et les risques non mesurés que celui-ci fait peser sur le mariage et la famille.
On nous dit que le mariage pour tous n’entraînera pas de transformations de l’institution du mariage telle qu’elle existe aujourd’hui. Or, force est de le constater, nos collègues députés ont remarqué que la règle actuelle consistant à donner à l’enfant le nom du père ne sera nullement applicable aux couples de même sexe. Ils ont donc proposé de changer cette règle pour tous, portant ainsi atteinte au mariage.
Consciente de cette difficulté, la commission des lois nous propose à présent un double système,…
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. C’est faux !
Mme Esther Sittler. … à savoir : on maintient la règle en vigueur pour les couples hétérosexuels et on établit un autre dispositif pour les couples homosexuels.
Même si la majorité gouvernementale tente de s’en défendre, c’est bien un mariage à deux têtes que l’on nous propose ici.
Cela prouve que l’institution du mariage n’est nullement adaptée à la distinction entre couples hétérosexuels et couples homosexuels, car leurs situations ne sont pas équivalentes.
C’est pourquoi il m’est impossible de voter une telle disposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Chers collègues de la majorité, vous conviendrez sans doute avec moi que l’enfant participe, en principe, d’un projet parental et familial. Par conséquent, on peut déjà former le vœu que toutes les dispositions dont nous venons de débattre ne se traduisent pas trop souvent dans les faits, mais restent au contraire exceptionnelles.
J’avoue que j’ai du mal à comprendre que la transmission du nom puisse susciter des conflits au moment même où l’enfant entre dans la famille.
En outre, j’avoue que ce débat fait écho en moi à l’annonce du Président de la République appelant, il y a quelques jours, à un « choc de simplification ».
M. Alain Gournac. Ah !
M. Dominique de Legge. Je ne vois pas en quoi le présent texte répond à ce souhait de simplification. J’ai plutôt le sentiment que nous allons dans le sens inverse.
Par ailleurs, nos débats montrent que, contrairement à ce qui a été affirmé, ce texte n’est pas neutre pour les familles hétérosexuelles, loin s’en faut !
Au terme de cette discussion, après tout ce que j’ai entendu et avant ce que vous vous apprêtez sans doute à voter, je tiens à souligner que, si accepter le nom revient à reconnaître l’autre, le mode de transmission du nom de famille que vous prônez montre pour le moins que votre conception de la famille n’est pas tout à fait la même que la nôtre.
M. Bruno Sido. Elle en est même très éloignée !
M. Dominique de Legge. Madame la ministre chargée de la famille, on voit bien que vous avez du mal à « nommer » clairement la famille et à dire ce qu’elle est pour vous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Amen !
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. David Assouline. La droite freine !
M. François Rebsamen. Il n’y a pas d’accord possible avec vous, chers collègues de l’opposition ! Je m’en souviendrai !
M. David Assouline. Vous n’êtes pas fiables !
M. Gérard Cornu. Cela ne surprendra sans doute personne, comme beaucoup de mes collègues, je considère que cette disposition, qui consiste à rendre expresse la déclaration d’attribution du nom du père, faute de quoi, les noms des deux parents seront transmis à leurs enfants, porte atteinte à la lisibilité généalogique qui permet à chacun de s’inscrire dans une histoire familiale cohérente. Mon collègue Dominique de Legge l’a très justement souligné, comme simplification, on ne fait pas mieux !
Cette modification fragilisera la présomption de paternité puisqu’elle entraînera une importante généralisation des noms doubles.
Avec un tel dispositif, nous obligeons les parents à procéder, de génération en génération, à un choix permanent alors que les familles sont, pour la plupart, déjà dépassées par les nombreuses démarches administratives qui font suite à la naissance de leurs enfants.
À mes yeux, il s’agit d’une atteinte non négligeable au droit de chacun d’accéder à ses origines. C’est tout simplement scandaleux !
Les Français ont manifesté massivement à ce sujet. Ils restent particulièrement attachés au nom de famille, et c’est probablement la raison pour laquelle ils n’ont eu que très rarement recours au dispositif permettant, depuis 2002, de transmettre un nom double à son enfant.
Nous ne comprenons pas pourquoi cette disposition qui ne concerne que les couples de personnes de même sexe serait applicable à tous les couples mariés.
Je conçois qu’il soit impossible de sortir de l’impasse du défaut de choix lorsqu’il s’agit de couples de personnes de même sexe, mais est-ce une raison pour imposer un dispositif qui ne concerne que ces couples à toutes les familles françaises ?
Mme la ministre chargée de la famille nous dit qu’il s’agit de mettre tout le monde sur un pied d’égalité. L’égalité, encore et toujours… Néanmoins, je lui rappelle qu’il ne s’agit pas d’égalité puisque les parents ont bel et bien le choix. Si les couples homosexuels veulent transmettre un nom en particulier, ils le peuvent.
Certes, on ne doit pas laisser les textes créer des zones d’ombre. Toutefois, dans ce cas, peut-être pourrions-nous profiter de la navette pour améliorer le dispositif en prévoyant une règle particulière pour les couples de personnes de même sexe ?
Très honnêtement, nous ne pouvons pas maintenir cet article en l’état, car nous allons assister à la disparition progressive – par erreur ou par dépit – de la transmission du patronyme qui constitue aujourd’hui la réalisation concrète de la présomption de paternité.
Ainsi, nous aurions préféré que le dispositif actuellement en vigueur reste applicable, non pas par convenance par rapport à un sexe en particulier ou par rapport à un type d’union, mais parce que la transmission du nom paternel permet aujourd’hui – et depuis plusieurs siècles ! – d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de famille, la présomption de paternité. À ce titre, je rappelle que le lien paternel est beaucoup plus difficile à établir que celui qui noue la mère à l’enfant.
La naissance d’un enfant étant un moment fort dans la vie de chaque parent, je demande au Gouvernement de ne pas « assommer » les familles en alourdissant encore les procédures administratives.
La suppression de cette disposition évitera par ailleurs des coûts administratifs importants. Vous imaginez bien que l’ensemble des documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif ! Avec cette mesure, il va donc falloir les modifier un à un. Est-ce là la simplification que M. le Président de la République appelle de ses vœux ?...
M. Alain Gournac. Le « choc »…
M. Gérard Cornu. Quel serait le coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise ? En somme, on veut tout et son contraire !
Ainsi, parce que cette réforme porte atteinte à la famille et parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous ne pouvons pas l’adopter en l’état. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Alain Gournac. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. L’article 2 du projet de loi tend à réécrire l’article 311-21 du code civil, lequel précise les règles de dévolution du nom de famille. Je dois dire que je ne comprends pas l’obsession du progrès et de la modernité en matière d’attribution du nom de famille dont semble souffrir la majorité !
L’article 311-21 du code civil prévoit que les couples qui ne font pas de déclaration conjointe, ce qui constitue la majorité des cas, verront leur enfant prendre le nom du père. Cela n’empêche pas les parents de donner à leur enfant le nom de la mère ou les deux noms.
Dans l’état actuel de sa rédaction, cet article n’impose rien à personne ! Il est parfaitement en adéquation avec la réalité de notre pays et les pratiques majoritaires qui y ont cours. Donner par défaut le nom du père, ce n’est pas passer en force, ce n’est pas méconnaître la société, ce n’est pas contraindre les Français à adopter un comportement qu’ils réprouvent, puisqu’ils y adhèrent massivement !
Vous vous en rendrez compte en mettant en application ces mauvaises dispositions ! Les Français ne comprendront pas immédiatement le changement, et il est très possible qu’il y ait de nombreuses demandes de correction après leur adoption.
Vous constaterez ainsi que les Français sont attachés à la transmission à l’enfant du nom du père, non pour montrer la supériorité du père sur la mère, ou sa plus grande autorité, mais simplement pour marquer la filiation. Cessez donc de voir de la domination masculine là où il n’y en a pas, et c’est une femme qui vous le dit !
Par ailleurs, cette pratique est culturelle et elle peut donc varier d’un pays à l’autre.
En tant que femme, je pense qu’il est un peu ridicule, au regard de nos coutumes, de lier le système de dévolution du nom de famille au statut des femmes. C’est en effet sans rapport avec l’objectif, légitime, d’amélioration de la condition féminine. C’est pourquoi je ne voterai pas l’article 2 du projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour explication de vote.
M. François-Noël Buffet. En 2005, nous avons connu une évolution, peut-être même une révolution, puisque c’est cette année-là que les pères ont perdu le « privilège » de transmettre automatiquement leur nom à leurs enfants.
Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? C’est un vaste débat, dans lequel je me garderai bien de porter un jugement de valeur en chaussant les lunettes de la modernité. Nous sommes bien souvent trop durs avec nos ancêtres !
Je veux dire cependant que cette réforme n’enlève rien à la possibilité pour chacun de faire perdurer son nom patronymique, mais, avec un choix de seize noms dès la deuxième génération et un choix exponentiel pour les suivantes, les arbres généalogiques pourront rapidement ressembler à des usines à gaz !
Sans être un spécialiste de la question, il m’apparaît que l’objectif pourrait être de placer sur un pied d’égalité les couples mariés et les concubins. Comme on ne parle plus que d’égalité, je ne dois pas être loin du compte !
Pourtant, il faut constater le peu de succès de la réforme de 1985 qui a permis de donner comme nom d’usage non transmissible celui des deux parents accolés.
Près de vingt ans après, l’INSEE nous révélait que seulement 7 % des couples avaient choisi cette possibilité. Et aujourd’hui encore la très grande majorité des femmes, soit près de 90 %, abandonnent leur nom de jeune fille pour celui de leur époux. Elles ne semblent pourtant pas sur le point de protester dans la rue, ou alors sur des sujets qui déplairaient sans doute à notre rapporteur !
Chacun trouvera ses raisons pour justifier la protection du nom patronymique.
Pour les psychanalystes, dans la lignée du très célèbre Totem et Tabou, le nom du père est présumé être un garant contre l’inceste. Les filles portent le nom de celui qui n’a pas le droit de les toucher : leur père ou leur frère.
Pour Lacan, le nom du père est le symbole de l’altérité. La mère donne la vie, le père donne le nom et, ce faisant, il reconnaît cet enfant comme le sien. Voilà d’ailleurs encore un exemple de la complémentarité entre l’homme et la femme !
La psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval dira quant à elle ceci : « Lors du vote de la loi, en 2002, j’étais plutôt pour que la mère puisse donner son nom à l’enfant. Je pensais qu’il y avait un intérêt à sortir de cette éternelle dichotomie : le symbolique pour le père et le charnel pour la mère. Aujourd’hui, je serais plus nuancée. Non, les sexes ne sont pas égaux en matière de procréation. La tradition patrilinéaire est peut-être ringarde mais, quoi que l’on y fasse, les femmes portent les enfants et pas les hommes. En attendant le jour où l’on mettra au monde des enfants sans l’utérus de leur mère, il est important que l’enfant garde le nom de son père, justement à cause de cette inégalité fondamentale. Alors que tous les repères familiaux explosent, le nom reste l’un des éléments forts de paternité. Celle-ci étant de plus en plus fragile, il faut conserver ce repère-là parce que nous vivons dans une société qui en a énormément besoin. »
L’importance du symbole est si grande qu’aujourd’hui encore moins de 5 % des femmes non mariées n’attribuent pas à leur enfant le nom du père ; dans le cas contraire, neuf fois sur dix elles ne le font pas parce que le père ne reconnaît pas l’enfant.
Nous ne sommes pas psychanalystes – en tout cas pas moi ! –, mais nous pouvons adhérer à cette analyse.
Plus largement, la généralisation des noms doubles telle qu’elle est organisée par le présent dispositif va affaiblir la présomption de paternité.
Plus encore, elle va complexifier l’établissement de la généalogie de chacun et faire de la recherche de nos origines une véritable course d’obstacles.
Pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, j’aurais préféré que le dispositif en vigueur reste applicable. En disant cela, je ne crois pas me ranger du côté d’une société patriarcale ! Nous savons tous que plus personne ne raisonne ainsi, sauf quelques fanatiques.
M. Bertrand Auban. Ce sont vous, les fanatiques !
M. François-Noël Buffet. Si je souhaite que les règles de la transmission du nom privilégient le nom du père, c’est pour que l’on ait encore les moyens d’établir une généalogie claire et lisible, en consacrant concrètement, pour tous les pères de familles, la présomption de paternité. Le lien paternel est en effet beaucoup plus difficile à établir, évidemment, que celui de la mère avec son enfant !
Madame la garde des sceaux, madame la ministre, entendez ces propos, qui ne sont pas polémiques… (Au banc du Gouvernement, Mme la garde des sceaux s’entretient avec M. Jean-Pierre Caffet.)
M. Jean-Marc Todeschini. Oh non !
M. Marc Daunis. Non, non, ils sont éclairés, intelligents et mesurés ! (Sourires.)
M. François-Noël Buffet. Mais je vois que vous êtes occupée à autre chose, madame la garde des sceaux…
M. Jean-Marc Todeschini. Temps de parole épuisé !
M. François Rebsamen. Monsieur le président, le temps est écoulé !
M. François-Noël Buffet. Merci, madame la garde des sceaux, pour l’attention que vous portez aux parlementaires !
M. François Rebsamen. C’est fini le blabla !
M. Jean-Marc Todeschini. Terminé !
M. François-Noël Buffet. J’aurai d’ailleurs l’occasion d’attirer votre attention, dans d’autres circonstances, sur un sujet qui viendra en discussion dans quelques semaines et à propos duquel ni vous ni votre cabinet n’avez pas davantage daigné répondre !
M. François Rebsamen. Le temps est dépassé, monsieur le président !
M. François-Noël Buffet. Je vous remercie, madame la garde des sceaux, de ne pas m’avoir écouté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
M. Bruno Sido. Madame la garde des sceaux, vous ne m’écoutez pas, mais je tiens néanmoins à dire que nous nous trouvons dans une situation absolument caricaturale.
L’état d’impréparation du texte qui nous est proposé apparaît à tous. J’en veux pour seule preuve que la loi devient bavarde,…
M. Marc Daunis. Vous aussi !
M. Bruno Sido. … ce qui est toujours très mauvais signe.
M. le rapporteur n’était lui-même pas très satisfait de son amendement, pas plus que ne l’était du sien M. Gélard, qui, lui, a retiré le sien et qui n’y est de surcroît pour rien. Ce n’est pas son texte : il a juste essayé de sauver les meubles, avant de s’apercevoir qu’il ne pouvait rien !
Il est inconcevable, sur un sujet aussi important que la transmission du nom et les lignées familiales, de présenter un texte rédigé sur un coin de table, et décidé avant d’avoir été réfléchi !
Le gouvernement actuel ne sait que tout compliquer et tout emmêler, gratuitement de surcroît ; c’est flagrant sur de nombreux sujets, mais je veux en rester à celui qui nous occupe. Dans ces conditions, on ne doit pas s’étonner que nos concitoyens soient désorientés, protestent et se trouvent finalement poussés vers les extrêmes.
Rédigé dans la précipitation, ce texte est idéologique. Il ébranle ce temple de la loi qu’est le code civil, qui ne ressemblera plus à rien. Ce n’est pas faire une déclaration politique que d’affirmer qu’il est impossible de le voter cet article 2 qui met la pagaille partout ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen, pour un rappel au règlement.
M. François Rebsamen. Chers collègues de l’opposition, nous vous écoutons avec calme, tranquillité, quiétude…
M. Jean-Claude Lenoir. Et la garde des sceaux avec indifférence !
M. François Rebsamen. … lire les fiches que l’on vous distribue (Oh ! sur les travées de l'UMP.) et qui, au gré de ce que l’on vous a écrit, vous font varier dans vos interventions, sur un mode tantôt tranquille, tantôt agressif.
M. Bruno Sido. Personne ne nous écrit de fiches !
M. François Rebsamen. Sentez-vous parfois le poids du ridicule de vos interventions ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C’est vous qui êtes ridicules !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quel mépris !
M. François Rebsamen. Je souhaite simplement en appeler à votre conscience de parlementaire, pour laquelle j’ai un profond respect. Vous pourrez reprendre la parole pour me répondre, et gagner ainsi encore quelques minutes, mais cela ne changera rien à notre détermination.
Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx et Catherine Troendle. Ni à la nôtre !
M. François Rebsamen. Nous allons vous écouter sereinement débiter les propos que l’on vous écrit et vous regarder, les uns et les autres, vous distribuer des papiers !
Mon intervention, dans ces circonstances, avait pour but de dire aux membres de mon groupe combien je suis fier de leur patience,…
M. Charles Revet. Et de leur conviction ?...
M. François Rebsamen. … de leur détermination,…
M. Jean-Pierre Caffet. Et de leur présence !
M. Gérard Longuet. Les muets du sérail !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ça ne grandit pas le Sénat !
M. François Rebsamen. J’ai pour habitude, chers collègues de l’opposition, de ne pas interrompre quelqu’un qui s’exprime, ce qui vous est manifestement difficile ! Vous n’êtes même pas capables d’écouter un seul orateur de notre groupe. Son président vous parle : vous pourriez au moins avoir la politesse de l’écouter ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Laissez parler l’opposition !
M. Bertrand Auban. Vous avez été battus !
M. François Rebsamen. Voilà ce que je voulais vous dire, mais je n’en ai pas fini ! Je vais moi aussi prendre encore un peu de temps, car cela me fait du bien de m’adresser à vous, pour mes collègues et pour moi-même.
Vous répétez inlassablement les mêmes arguments,…
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous aussi !
M. François Rebsamen. … arguments auxquels Mmes les ministres vous ont déjà répondu, mais, je l’ai dit, nous sommes sereins et déterminés, et nous allons continuer à vous entendre.
Chers collègues de la majorité, je le sais, cette intervention va nous faire perdre quelques minutes, et je m’en excuse,…
M. Jean-Marc Todeschini. Ce n’est pas grave !
M. François Rebsamen. … mais je la fais en votre nom, parce que, si je connais votre détermination, je sais aussi la lassitude qui parfois peut vous prendre à entendre les mêmes arguments encore et encore.
M. Alain Gournac. Mais vous ne les écoutez pas !
M. François Rebsamen. Si vous souhaitiez vraiment faire avancer le débat parlementaire, nous irions au fond des choses, mais c’est impossible, car vous répétez des arguments en boucle jusqu’à vous contredire !
M. Gérard Longuet. Si nos orateurs se répètent, c’est qu’ils ne se contredisent pas !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Vous, vous ne défendez rien !
M. Alain Gournac. Vous avez bâillonné les membres de votre groupe !
M. François Rebsamen. Parfois, nous vous entendons buter – ne m’en voulez pas – sur les mots lorsque vous lisez les feuillets qui vous sont distribués. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. –Protestations sur les travées de l'UMP.) Continuez donc, nous vous écoutons, et, en répondant à cette intervention, vous pourrez d’ailleurs gagner encore quelques instants ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Longuet. Je répondrai au président Rebsamen en tant qu’ancien président du groupe UMP.
Son intervention est l’expression d’une mauvaise foi insigne qui n’honore pas sa naturelle et légendaire courtoisie. Elle nous surprend.
Je comprends, chers collègues de la majorité, que vous soyez exaspérés d’entendre inlassablement cette vérité qui vient de notre histoire et de notre peuple ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Éliane Assassi. On a connu ça avant vous !
M. Gérard Longuet. Chacun des sénateurs ici présents aura à cœur de l’exprimer, et il sait qu’il aura la fierté d’en rendre compte devant ses mandataires.
M. Bertrand Auban. Vous êtes nuls !
M. Gérard Longuet. Votre silence, en revanche, est éloquent, car vous n’avez pas l’intention de défendre un texte dont vous savez qu’il est contraire aux convictions profondes de notre peuple. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme Nicole Bonnefoy. Non seulement nous le défendons, mais nous allons le voter !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 2 (suite)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher, pour explication de vote.
M. Gérard Larcher. Il a été dit que nous étions « abreuvés » de papiers ! Si nous sommes si diserts, c’est parce que la question du nom n’est pas légère. Sans remonter aux textes les plus anciens – M. le président de la commission des lois s’est référé à un dictionnaire datant de la fin du XVIIe siècle ! –, vous me permettrez de revenir sur l’étymologie du mot.
Le nomen, c’est celui que je reconnais, qui a une identité et qui est un être unique. C’est donc bien au niveau de l’enfant, être unique par excellence, que le nom doit être reconnu !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est le cognomen !
M. Gérard Larcher. Cet être unique est inscrit dans notre société depuis le Xe siècle, avec le retour du droit romain et de la présomption de paternité. Il est clair, à nos yeux, que le nom induit la filiation au travers de la paternité, mais, paradoxalement, il protège aussi la mère et le régime matrimonial qui s’est constitué autour du nom transmis. Il protège donc la mère et le père.
Nous ne sommes pas ringards…
Mme Dominique Gillot. Ah si !
M. Gérard Larcher. … parce que nous pensons que l’enfant est sans doute aujourd'hui plus qu’hier exposé à des risques. Voilà pourquoi ce débat n’est pas futile.
Mme Nathalie Goulet. Exactement !
Mme Éliane Assassi. Selon vous !
M. Gérard Larcher. Il est même essentiel dans la mesure où ces valeurs de la société font sans doute la différence entre certains d’entre vous et nous-mêmes. Pardonnez-moi, mais cette question mérite véritablement que nous nous y attardions.
M. Alain Gournac. Bravo !
Mme Catherine Morin-Desailly. Exactement !
M. Gérard Larcher. Je rappelle que l’unicité, y compris dans le livre de la Genèse, fonde la reconnaissance d’une identité, et donc du respect dû à chaque individu, par-delà sa situation, son âge ou son handicap. C’est ce principe que je veux défendre ce soir ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Éliane Assassi. C’est surréaliste !
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il a parlé sans papier !
M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. Bertrand Auban. Encore avec une fiche !
M. André Reichardt. J’invite le président Rebsamen et les membres de son groupe à venir constater que le document que je tiens à la main est manuscrit et qu’il ne m’a pas été remis par qui que ce soit !
Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Eh oui !
M. Jean-Pierre Caffet. C’est une exception !
M. André Reichardt. Je tiens à dire que la problématique du nom est bien symptomatique, comme l’a dit notre collègue Gérard Larcher, de l’imbroglio créé par ce projet de loi sur le mariage homosexuel.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. André Reichardt. Mmes les ministres nous ont expliqué tout au long du débat que l’extension du mariage aux couples homosexuels conduisait en fait à un approfondissement, à une confortation de la famille. Drôle de famille dont les différents membres pourront porter, dès la deuxième génération, jusqu’à seize noms, selon la volonté des uns et des autres !
M. Gérard Cornu. Oh ! là ! là !
M. André Reichardt. Dans ces conditions, où est la famille ?
La transmission du patronyme était récemment encore un élément fondamental de la cellule familiale,…
Mme Éliane Assassi. Réactionnaire !
M. André Reichardt. … elle-même fondatrice de notre société. Même si la situation a évolué, fallait-il aller aussi loin dans l’innovation, dans la révolution, dans le changement de civilisation que vous avez évoqué, madame la garde des sceaux ?
La vérité, c’est que votre projet de loi est mauvais. S’il eût fallu un simple exemple de la destruction de la société que ce texte porte en germes, l’article 2 l’illustrerait à souhait. Nous allons donc voter contre cet article ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mme Cécile Cukierman. Comme c’est surprenant !
M. Bertrand Auban. C’est nul !
M. le président. La parole est à M. René Beaumont, pour explication de vote.
M. Bertrand Auban. Il vient d’arriver !
M. René Beaumont. Monsieur le président du groupe socialiste, en vous écoutant, je me demandais de quel côté se situait le ridicule. Après avoir entendu les interventions de MM. Longuet et Larcher, je le sais : il est du vôtre ! Mais, rassurez-vous, le ridicule ne tue pas !
M. David Assouline. Ça vole haut !
Mme Cécile Cukierman. Ça, c’est politique !
M. René Beaumont. J’en viens maintenant au sujet qui nous occupe.
Au début de la discussion, je n’avais pas conscience des bouleversements qu’allait entraîner ce texte.
M. Bruno Sido. Eux non plus !
M. René Beaumont. Je dois dire que je découvre chaque jour un peu plus à quel point vous avez la volonté de fragiliser, voire de détruire, le socle fondateur de notre société : la famille. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Michelle Meunier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !
M. René Beaumont. Après avoir joué aux apprentis sorciers biologistes en décrétant que les couples de personnes de même sexe pourraient désormais avoir des enfants, il vous faut bien, maintenant, régler le problème de la transmission du nom de famille.
Qui peut voir dans l’importance qu’occupe le nom paternel dans le processus de filiation le seul vestige d’une société patriarcale et la marque encore vivante d’une domination absolue d’un sexe sur l’autre ?
Mme Éliane Assassi. Eh oui, c’est encore un peu le cas !
M. René Beaumont. Croyez-vous vraiment que la femme française se sente ainsi rabaissée au simple rang d’objet et que l’homme marque autour elle et de son enfant un territoire où son autorité absolue pourrait s’exercer ?
Mme Éliane Assassi. Malheureusement, cela existe encore !
M. René Beaumont. Permettez-moi de penser que vous êtes bien loin des priorités des Français…
M. Jean-Pierre Caffet. C’est délirant !
M. René Beaumont. … et des réalités de l’histoire de nos familles ! Vous surestimez la malveillance des hommes d’aujourd’hui et la volonté des femmes d’hier !
Il n’est pas ici question d’égalité ; il s’agit tout simplement, pour vous, de régler vos problèmes d’intendance. Au fond, c’est bien cela le grand problème de votre réforme : elle n’a de stratégique que la manœuvre politicienne ! Elle ne suit qu’une vision à court terme et sa seule cohérence se trouve dans l’idéologie. Vous ajustez en permanence le texte, en contournant les obstacles que vous rencontrez.
Quoi qu’il en soit, sur le fond, j’estime que, sauf en cas de déclaration expresse, le nom transmis à l’enfant doit être celui du père.
Un tel dispositif est clair et simple en ce qu’il permet au père d’établir concrètement la présomption de paternité, qui est aujourd’hui, en ce qui concerne la filiation, la conséquence réelle et substantielle du mariage.
Ce dispositif est beaucoup plus légitime que celui que vous instaurez. Dans la plupart des cas, les jeunes filles renoncent à leur nom quand elles se marient, et je ne crois pas qu’elles le fassent sous le joug de leur époux !
Mme Esther Benbassa. N’importe quoi !
M. René Beaumont. Depuis 2002, celles qui le souhaitent peuvent faire accoler leur nom à celui de leur mari et à celui de leurs enfants. Pourquoi généraliser un dispositif dont l’exception se justifie par son caractère occasionnel et minoritaire ?
Vous essayez ici d’inverser une tendance.
Mme Éliane Assassi. Nous souhaitons que les Français soient libres !
M. René Beaumont. Non, vous trompez les Français, qui, pour la plupart, n’indiquent rien sur la transmission du nom, car ils savent que leur enfant héritera du nom du père.
Ceux qui seront vigilants sauront que le père devra se munir, pour déclarer la naissance de l’enfant à la mairie, d’un document écrit de la mère stipulant qu’elle accepte explicitement que le nom de famille de l’enfant sera celui de son mari. On imagine déjà l’imbroglio que vous allez créer ! Voilà ce que j’appellerai, pour reprendre vos termes, un véritable choc… de complication !
Par votre faute, nous assisterons à une généralisation des noms doubles, ce qui va inévitablement brouiller la lisibilité généalogique. Avec le méli-mélo des noms des uns accolés à celui des autres dans la limitation de deux, ce qui impliquera un choix permanent entre l’un et l’autre, les cousins, par exemple, auront une faible probabilité de porter le même nom et deux frères nés avant et après l’entrée en vigueur du texte pourront très bien ne pas avoir le même patronyme ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) C’est vraiment n’importe quoi.
Il est inopportun de fragiliser le socle anthropologique sur lequel se construisent les sociétés humaines en étendant à la majorité des Français une mesure qui n’a été revendiquée que par une stricte minorité d’entre eux.
M. Charles Revet. Eh oui !
M. René Beaumont. Enfin,…
M. Marc Daunis. Fini !
M. Jean-Marc Todeschini. Votre temps de parole est épuisé !
M. René Beaumont. … vous imaginez bien que les documents administratifs ne sont pas adaptés à un tel dispositif !
Mme Éliane Assassi. Votre temps de parole est écoulé !
M. René Beaumont. Il va donc falloir les modifier un à un.
M. Jean-Marc Todeschini. C’est fini !
M. René Beaumont. Quel coût pour l’administration, qui a déjà bien du mal à faire face à la rigueur de la crise !
M. Jean-Marc Todeschini. Vous dépassez votre temps de parole de vingt-deux,…vingt-trois,… vingt-quatre,… vingt-cinq secondes…
M. René Beaumont. Ainsi, parce que cette réforme est loin de concerner tous les Français, parce qu’elle porte atteinte à la famille,…
M. François Rebsamen. Arrêtez-vous !
M. René Beaumont. … mais aussi parce qu’elle est illisible et coûteuse, nous refuserons de la voter ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Un sénateur du groupe socialiste. Où est votre papier ?
M. Jean-Claude Lenoir. Il n’en a pas !
M. Patrice Gélard. Monsieur le président Rebsamen, mes chers collègues, je n’ai jamais de papier ! (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) J’étudie depuis plus de quatre mois le texte dont nous discutons aujourd'hui et j’ai travaillé en profondeur sur les dispositions qu’il contient.
Je voudrais tout d’abord revenir sur un point. M. le rapporteur et M. le président de la commission des lois ont souligné que certains amendements ou passages du texte n’avaient pas été adoptés de la même façon que le reste.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont : certains de nos collègues ont eu des impératifs urgents qui les ont obligés à quitter la salle de la commission, et la majorité s’est alors inversée pendant un, deux ou trois votes.
M. Bruno Sido. Le cumul des mandats !
M. Patrice Gélard. Personnellement, je regrette que mon amendement, qui avait recueilli un avis favorable de la commission, n’ait pas été adopté, mais cela me fournit un argument supplémentaire pour soutenir l’une des thèses que je défends depuis le début, à savoir la profonde inconstitutionnalité du texte.
M. Jean-Marc Todeschini. Ah bon ?
M. Patrice Gélard. Avec la question du nom, cette inconstitutionnalité continue de se développer avec une harmonie étonnante.
MM. Bruno Sido et François Zocchetto. Absolument !
M. Patrice Gélard. Le nom devient inintelligible.
MM. Jean-Jacques Hyest et Robert del Picchia. Tout à fait !
M. Patrice Gélard. Une loi doit viser l’intelligibilité. Or le dispositif que celle-ci prévoit sera complètement illisible.
M. Alain Néri. C’est ce que disait Fillon !
M. Patrice Gélard. En réalité, nous sommes en train de faire une mauvaise loi et, heure après heure, nous accumulons les motifs d’inconstitutionnalité. Merci pour ce travail ; nous nous en servirons lorsque nous saisirons le Conseil constitutionnel ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
(M. Jean-Pierre Bel remplace M. Jean-Léonce Dupont au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
12
Hommage au Secrétaire général du Sénat
M. le président. Madame la garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, je veux, au nom du Sénat, rendre un hommage particulier à son Secrétaire général, Alain Delcamp, qui, après être resté quarante-deux ans au service de notre institution, quittera ses fonctions dans quelques instants.
Je tiens à saluer les qualités exceptionnelles de ce grand spécialiste de la Constitution, de ce haut fonctionnaire dont j’ai pu mesurer la force de l’engagement au service de la République.
Au moment où il s’apprête à partir à la retraite, je tiens à le remercier en votre nom à tous, mes chers collègues, des grands services qu’il a rendus à la Haute Assemblée et de l’image qu’il a su en donner.
Monsieur le Secrétaire général, nous vous exprimons toute notre reconnaissance et vous souhaitons bonne chance dans cette nouvelle vie. (Mme la garde des sceaux, Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent longuement.)
(M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
13
Ouverture du mariage aux couples de personnes de même sexe
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Mes chers collègues, nous poursuivons la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.
Chapitre II (suite)
DISPOSITIONS RELATIVES AU NOM DE FAMILLE
Article 2 (suite)
M. le président. Nous en sommes parvenus aux explications de vote sur l’article 2.
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.
M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, je conjure le Sénat de ne pas voter l’article 2 du projet de loi, car on ne mesure pas à quel point il va perturber les générations à venir !
M. Jean-Marc Todeschini. Il va nous faire pleurer !
M. Jean-Pierre Leleux. La transmission du nom patronymique n’est pas un jeu ; c’est un principe important qui participe de l’équilibre même de l’individu.
Mes chers collègues, peut-être avez-vous remarqué que, depuis quelques années, les adeptes de la généalogie sont de plus en plus nombreux. Pourquoi ?
M. Bruno Sido. C’est la retraite !
M. Jean-Pierre Leleux. Certes, mon cher collègue, mais c’est surtout parce que, dans une période où on a du mal à trouver sa place dans un espace humain et dans la succession des générations, on a besoin de se situer dans une filière. S’inscrire dans une histoire est un souci quasi viscéral !
Avec mon collègue Philippe Bas, je me suis livré à une petite simulation que je vais vous exposer. Que les personnalités que je vais citer n’en prennent pas ombrage ! Il n’y a dans mon propos aucune allusion liée au sujet de fond dont nous débattons.
Donc, mes chers collègues, imaginons que M. Chaban-Delmas se marie avec M. Dupont-Aignan. (Exclamations et rires sur de nombreuses travées). Qu’ils ne m’en veuillent pas, je n’ai pas trouvé d’autres exemples !
M. Charles Revet. Ils ne sont pas là !
M. Jean-Pierre Leleux. Ils adoptent un enfant et essaient de s’accorder sur le nom à lui donner.
M. Gérard Larcher. Bordeaux ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Leleux. Comme ils n’y parviennent pas, c’est au juge de trancher. Celui-ci prend un des deux noms dans chaque nom de famille et les juxtapose par ordre alphabétique : nous avons un petit Chaban-Dupont. (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.) Si, à la génération suivante, cet enfant a la chance de rencontrer M. Aignan-Delmas, on aura de nouveau un Chaban-Delmas. (Nouveaux rires sur les mêmes travées). Si, au lieu de cela, il rencontre M. Giscard d’Estaing, on se retrouvera, par un curieux hasard, avec un petit Chaban-Giscard ! (Nouveaux rires.)
Mme Annie David. C’est ridicule !
M. Marc Daunis. Et Gnafron, il arrive quand ?
M. Jean-Pierre Leleux. Mes chers collègues, j’ai pris volontairement ce sujet sur le ton de l’humour, mais, si je l’ai fait, c’est pour montrer quel genre de situation risque de se produire après seulement trois générations. On se retrouvera avec des contentieux à perte de vue !
Comme vous tous, j’adore jongler avec les mots, mais je ne veux pas tricher avec les noms patronymiques, qui ont un sens, qui sont un fil conducteur et s’inscrivent dans l’histoire. Ces noms participent de l’équilibre même de l’individu, particulièrement des enfants. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous conjure de ne pas voter l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UDI-UC.)
M. Bruno Sido. Bravo !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. S’il m’est permis de m’élever un instant au-dessus de ma condition, j’aimerais répondre au président Rebsamen.
M. Jean-Claude Lenoir. Remarquez, monsieur Rebsamen, que M. Bas s’exprime sans notes !
M. Charles Revet. M. Bas n’a jamais de papier !
M. Philippe Bas. Monsieur Rebsamen, eussé-je été particulièrement sensible, je me serais senti humilié par les propos que vous avez tenus. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Je vois, mes chers collègues de l’opposition, le travail que chacune et chacun d’entre vous a accompli pour préparer ce débat, avec tant de détermination mais aussi de générosité pour trouver des solutions.
M. André Reichardt. L’union civile !
M. Philippe Bas. Je suis témoin aussi du silence imperturbable qui est opposé aux millions de Français qui, pour des raisons qu’on peut juger bonnes ou mauvaises mais qui sont sincères, s’opposent à ce projet de loi.
Je me dis donc, chers collègues de la majorité, que, si vous considériez que tout était joué d’avance et que, de toute façon, puisque vous avez la majorité, nous n’avions rien à dire, c’est que vous avez une conception du débat parlementaire qui ne correspond pas du tout à ce que j’imaginais et attendais en entrant, avec tant de joie, il y a un peu plus d’un an, dans votre maison.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Philippe Bas. En effet, si tous nos amendements sont systématiquement rejetés, si toutes nos prises de position se heurtent à un mur de silence pour aller plus vite – car il ne s’agit que de cela : vous êtes pressés ! –, si enfin vous opposez le mutisme, parfois les vociférations, dans certains cas l’arrogance, à des propos qui ne sont que constructifs, c’est que le Parlement, après beaucoup d’autres institutions de notre pays, vit une période bien difficile.
Mme Éliane Assassi. On va pleurer !
M. Bruno Sido. C’est du mépris !
M. Philippe Bas. Je me dis que tant de détermination à imposer des rapports de force au lieu de dialoguer et de délibérer de bonne foi cache certainement un malaise face au projet de loi qui nous est soumis. De fait, chers collègues de la majorité, j’ai bien compris que la discipline de vote qui vous est imposée pesait à certains d’entre vous, et je comprends pourquoi.
En ce qui concerne le nom patronymique, mes collègues ont déjà présenté d’excellents arguments contre l’article 2 du projet de loi. On peut jouer avec les mots, mais pas avec le nom patronymique, qui touche profondément à l’identité de chaque personne, à l’héritage qu’elle reçoit d’une lignée et qui lui permet de s’identifier à ceux qui l’ont précédée. Le patronyme n’est pas, comme le prénom, le fruit d’un libre choix des époux.
M. André Reichardt. Absolument !
M. Philippe Bas. Même si ce n’est pas l’intention de ses partisans, il est inévitable que le dispositif proposé conduise à une multiplication des contentieux sur une question qui n’est pas secondaire pour l’enfant, ni d’ailleurs pour ses parents, celle de l’identité. C’est une question grave, et la légèreté avec laquelle vous la traitez ne correspond par à l’idée que je me fais du code civil ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour explication de vote.
M. Jean-François Husson. Nouvel élu dans cette assemblée, je m’exprime en général avec modération et pas trop souvent, mais j’avoue avoir été assez surpris par les propos du président du groupe socialiste. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Je le dis sur le ton de la provocation démocratique, je crois que, plutôt que d’avoir à appeler ses collègues au mutisme pour éviter un débat dont la démocratie sortirait pourtant grandie, M. Rebsamen préférerait se trouver trois sièges plus bas, à la place de Mme Taubira (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.), dont je respecte les convictions comme la capacité à accepter le débat et à répondre point par point à nos arguments.
Chers collègues de la majorité, pourquoi ne pas accepter que, ce soir et jusqu’à la fin de ce débat, nous puissions exprimer des opinions différentes ? Je respecte les vôtres, écoutez-nous un peu !
Mme Éliane Assassi. Nous ne faisons que cela !
Mme Cécile Cukierman. Depuis jeudi dernier !
Mme Esther Benbassa. Vous vous répétez sans cesse !
M. Jean-François Husson. Qu’on ne dise pas que je me répète quand je parle à peine depuis cinq minutes !
M. Marc Daunis. Depuis quatre jours !
M. Jean-François Husson. Chers collègues de la majorité, je vous prie de me laisser poursuivre : vous portez un sparadrap sur la bouche et, de temps en temps, vous l’enlevez pour respirer ; moi, j’exprime les convictions d’une partie de la population, celles de ces Français, confrontés à de graves difficultés, au chômage et à la précarité,…
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Qui défend le libéralisme ?
M. Jean-François Husson. … qui en ont assez, alors que l’on pourrait appeler à une forme d’union nationale, d’assister aux dérives actuelles, non pas seulement sur le plan économique, mais aussi, je le dis, sur celui des valeurs. Or, je crois, comme d’autres, que les valeurs de la famille ne sont pas rien !
Madame la ministre de la famille, vous avez prétendu, après avoir parlé de désir d’enfant, ce qui, je ne vous le cache pas, m’a choqué, que vous étiez ministre « des familles ». Surpris, j’ai vérifié : vous êtes ministre de la famille !
J’entends que les familles soient différentes ; elles ne sont plus aujourd’hui ce qu’elles étaient hier. De votre côté, pourriez-vous accepter que nous exprimions posément nos points de vue et que nous débattions ? Vous adopterez le projet de loi, puisque vous avez la majorité.
M. Bruno Sido. Tout juste !
M. Jean-François Husson. Pour notre part, nous avons le droit de faire entendre notre différence et vous devez la respecter. Si en plus vous nous écoutiez, la démocratie en sortira grandie ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu, pour explication de vote.
M. Christophe Béchu. J’ai beaucoup de respect pour M. Rebsamen. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Chers collègues de la majorité, je ne crois pas que ces propos aient déjà été tenus ce soir ; je vous prie donc de me laisser poursuivre dans cette voie originale… (Sourires sur les travées de l'UMP.) En disant cela, je n’exprime pas seulement le respect dû à sa fonction ou à son ancienneté ; je parle aussi sur le fondement de mon expérience au Sénat au cours des quinze derniers mois.
Sincèrement, je ne comprends pas les propos qu’il a tenus.
M. Marc Daunis. C’est dommage !
M. Christophe Béchu. Le mot « ridicule » a été employé pour qualifier les interventions de mes collègues – et, accessoirement, les miennes.
M. David Assouline. Oui !
M. Christophe Béchu. Je comprends encore moins que l’on puisse considérer qu’il y a une sorte d’illégitimité dans le temps que nous prenons pour nous exprimer.
M. David Assouline. C’est cela !
M. Christophe Béchu. Mes chers collègues, ce projet de loi ne traite pas de la transposition d’une directive européenne sur la prime à l’herbage…
M. Marc Daunis. Merci pour les agriculteurs !
M. Christophe Béchu. … ou de la mise en place d’une éventuelle convention fiscale entre la France et Singapour.
Mme Éliane Assassi. Vous n’êtes pas dans une cour de récréation !
M. Christophe Béchu. Nous débattons d’un sujet dont personne dans cet hémicycle ne peut considérer qu’il est mineur. Personne ! Même vous, madame Assassi, car je ne peux croire que vos propos soient une manière de minorer l’importance que vous accordez à ce projet de loi.
Si nous sommes d’accord sur le fait que ce projet de loi est important, comment dénier aux uns et aux autres le droit de s’exprimer ?
Mmes Éliane Assassi et Esther Benbassa. Nous ne vous dénions rien du tout !
M. Christophe Béchu. Nous utilisons notre temps de parole pour dire à haute voix ce que nous pensons, mais aussi ce que pensent de nombreux hommes et de nombreuses femmes qui ont le droit d’être représentés.
M. André Reichardt. Très bien !
M. Christophe Béchu. Je vais aller plus loin : que vous ayez été intransigeants sur l’article 1er, que vous n’ayez pas voulu dévier d’un iota d’une règle que vous considérez comme immuable et absolue au nom de l’égalité, c’est une chose, mais que, sur la question des noms de famille, vous n’acceptiez pas un débat qui ne modifie pas les dispositions déjà votées est à mes yeux incompréhensible.
En effet, cette question ne correspond pas à une ligne de fracture idéologique ! Il s’agit simplement d’examiner les aménagements législatifs des dispositifs que vous proposez, mais, même sur cela, il n’y a ni dialogue ni débat possible ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
Mes chers collègues, cessons de nous accuser les uns les autres de ridicule, au motif que certains arguments seraient fondés et d’autres pas, et parce que l’on exprime ce que l’on croit juste avec sa propre sensibilité.
M. David Assouline. C’est grotesque !
M. Christophe Béchu. Le débat parlementaire, sur un sujet comme celui-là, exige non seulement respect, mais aussi patience et écoute. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Demande de vérification du quorum
Mme Catherine Troendle. Monsieur le président, conformément à l’article 51 de notre règlement, les sénateurs signataires du document en votre possession demandent la vérification du quorum. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. Voilà qui va faire avancer le débat !
M. le président. J'ai en effet été saisi d’une demande écrite de vérification du quorum. Mais nous en sommes encore aux explications de vote, et nous étudierons donc cette demande au moment du vote.
Article 2 (suite)
M. le président. Dans la suite des explications de vote sur l’article 2, la parole est à M. Michel Bécot.
M. Michel Bécot. Je suis un peu gêné de prendre la parole ce soir. Je dois avouer en effet, monsieur Rebsamen, que je ne suis pas un universitaire. Je suis un électronicien, un chef d’entreprise qui a créé son entreprise et donc de la richesse (Applaudissements sur les travées de l'UMP.), mais, ne possédant pas le vocabulaire de bien des personnes présentes dans l’hémicycle, je suis obligé de m’appuyer sur un papier pour exprimer mes convictions. Je m’en excuse, monsieur Rebsamen, mais je suis comme cela !
M. Gérard Cornu. Ne vous en excusez pas !
M. Michel Bécot. Au regard de la révolution anthropologique que nous proposent les articles 1er et 1er bis, l’article 2 fait figure de simple aménagement relatif au nom de famille. Cependant, il aura des conséquences très concrètes dans la vie de nos concitoyens, ce qui montre bien à quel point ce texte gouvernemental est intrusif.
Il tend à contraindre les Français, sans le dire explicitement, puisque la mesure n’est pas obligatoire, à changer leur méthode de dévolution des noms de famille. Or quoi de plus intime qu’un nom de famille ?
En changeant les règles de dévolution du nom de famille, l’adoption de cet article viendra mécaniquement altérer la transmission de celui-ci aux enfants. Cela se fera au profit de l’injonction progressiste consistant à transmettre deux noms de famille aux enfants, celui du père et celui de la mère.
Or, même si cette méthode de dévolution n’est pas acceptée par les Français, son automaticité risque de la transformer en règle générale.
Il aurait donc été plus honnête de la rendre obligatoire, pour que les Français puissent se rendre compte du caractère quelque peu envahissant de ces dispositions. (Un brouhaha tend à couvrir la voix de l’orateur.)
Mme Cécile Cukierman. Même ses collègues de l’UMP ne l’écoutent pas !
M. Michel Bécot. Au lieu de cela, vous rendez une pratique effective et, une fois que celle-ci sera entrée dans les mœurs, nous aurons sans doute droit au deuxième étage de la fusée, à savoir l’interdiction pure et simple de la seule transmission du nom du père.
Pour conclure, je dirai les choses simplement : il est évident que ce type de disposition se nourrit de deux tendances lourdes que nous combattons.
Il s’agit d’abord, et c’est sans doute la moins grave de ces deux tendances, du recours systématique au novlangue.
En effet, partant du constat élémentaire, mais vrai, que les mots ont un sens et qu’ils influencent les activités humaines, vous tentez d’imposer un vocabulaire nouveau qui permette un conditionnement des esprits tendant à favoriser l’acceptation des idées que vous défendez. Or, par cet article 2, même nos enfants seront atteints par le syndrome du novlangue.
Seconde tendance lourde que je veux dénoncer, le fait que nos enfants puissent porter quasi systématiquement le nom de leur père constitue une très grande violence pour ceux qui y voient la marque de la domination masculine.
Cette disposition sur la dévolution du nom de famille témoigne d’une véritable phobie des attributs extérieurs de la masculinité. En effet, plutôt que de lutter contre ce qui peut apparaître comme de véritables atteintes à la condition féminine, par exemple les différences de salaire ou la précarité de nombreuses mères de famille, qui doivent cumuler éducation des enfants, tâches ménagères et travail salarié, le Gouvernement s’attaque à des symboles, pensant que leur destruction entraînera une prise de conscience qui permettra, à terme, de lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.
Or c’est une grave erreur de penser que notre système de dévolution n’est qu’un héritage d’une société patriarcale agonisante. Il s’agit d’un dispositif pratique qui donne aux hommes la place qui leur revient dans la famille, tout en les obligeant à s’investir. Que vous le vouliez ou non, le système de dévolution que vous voulez casser protège les femmes.
Pour cette unique raison, nous devrions tous rejeter cet article 2. Les familles françaises sont attachées à leur nom et à leur histoire et souhaitent conserver à travers le temps le lien que constitue leur nom. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Lenoir, pour explication de vote.
M. Jean-Claude Lenoir. Monsieur le président, afin de ne pas compromettre le bon déroulement de nos travaux et d’accélérer le cours de la discussion, j’ai l’honneur de vous faire savoir que je renonce à mon temps de parole ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. C’est déjà trop long !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. M’autorisez-vous, monsieur le président, à vous poser une question ? S’agit-il de la dernière explication de vote sur l’article ?
M. le président. Pour l’instant, vous êtes le dernier.
M. François Zocchetto. Il n’aura échappé à personne que le Gouvernement entend imposer un ordre nouveau,…
M. François Rebsamen. L’Ordre nouveau, ce n’est pas nous !
M. François Zocchetto. … celui de l’alphabet, par cet article 2 du projet de loi. Je m’exprime donc en dernier, puisque désormais ce sera la règle qui s’appliquera pour moi, madame la garde des sceaux.
Je me suis abstenu d’intervenir dans le débat, car je ne voulais pas être soupçonné de conflit d’intérêt en demandant que le choix du nom se fasse de façon aléatoire et non en fonction de l’ordre alphabétique. Je remercie donc ceux qui ont défendu mes intérêts… pardon, mes amendements (Sourires.), et encore plus ceux qui les ont votés.
Plus sérieusement, je pense qu’il n’est pas possible de retenir la solution proposée par le Gouvernement, qui est une solution de facilité. Bien qu’elle paraisse, de prime abord, satisfaisante, elle crée en réalité un véritable déterminisme du nom. En votant cet article, après avoir repoussé les amendements que j’avais déposés, vous allez renforcer un déterminisme favorable aux noms commençant par les premières lettres de l’alphabet.
Cela avait été dit dans cette enceinte voilà quelques années, et cela a été répété tout à l’heure par ceux qui ont eu la gentillesse de s’exprimer sur ce sujet. Bien évidemment, je ne peux qu’être soupçonné de partialité sur ce sujet. Je vous demande toutefois de m’écouter. Retenir l’ordre alphabétique dans le cadre de la dévolution du nom en cas de désaccord ne constitue pas une bonne solution.
Pourquoi ne pas s’en remettre à une sélection aléatoire ? Cela vous permettrait de rétablir une certaine égalité, principe sous lequel vous avez choisi de placer ce texte. Puisque vous ne l’avez pas voulu, votez donc contre l’article 2 ! (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
Vérification du quorum
M. le président. Mes chers collègues, j’ai été saisi d’une demande écrite de vérification du quorum, présentée par Mme Catherine Troendle et plusieurs de ses collègues.
En application de l’article 51, alinéa 2 bis, du règlement du Sénat, la constatation du nombre des présents est effectuée sur la demande écrite de trente sénateurs dont la présence doit être constatée par appel nominal.
Il va donc être procédé à l’appel nominal des signataires.
Huissiers, veuillez effectuer cet appel.
(L’appel nominal a lieu. – Ont signé cette demande et répondu à l’appel de leur nom : MM. Christophe Béchu, Dominique de Legge, Bruno Retailleau, Gérard Bailly, Mme Esther Sittler, MM. Michel Bécot, René Beaumont, Patrice Gélard, Bruno Sido, Gérard Larcher, Charles Revet, René Garrec, Mme Catherine Troendle, MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Vial, Pierre Bordier, Jackie Pierre, André Reichardt, Mme Élisabeth Lamure, MM. Philippe Bas, Jean-Pierre Leleux, Mme Catherine Deroche, M. Ambroise Dupont, Mme Sophie Joissains, MM. René-Paul Savary, Alain Gournac, Jean-Jacques Hyest, Gérard Cornu, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, M. Gérard Longuet, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Claude Lenoir, François Zocchetto, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Hervé Marseille, Gérard Roche, Mmes Catherine Morin-Desailly et Muguette Dini.)
M. le président. Mes chers collègues, la présence d’au moins trente signataires ayant été constatée, il peut être procédé à la vérification du quorum.
La vérification du quorum relève normalement de la compétence du bureau. Mais l’Instruction générale du bureau, telle qu’elle a été modifiée par le bureau le 7 octobre 2009, me donne la possibilité de procéder moi-même à cette vérification pour peu que je sois assisté de deux secrétaires du Sénat.
Je vais procéder à la vérification du quorum et j’invite donc Mme Odette Herviaux et M. Marc Daunis, secrétaires de séance, à venir m’assister.
(La vérification du quorum a lieu.)
M. le président. Mes chers collègues, je constate, avec les deux secrétaires de séance, que la majorité absolue des sénateurs n’est pas présente.
En application du XIII bis de l’Instruction générale du bureau, cette constatation étant faite, le Sénat n’est pas en nombre pour procéder au vote.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
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Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 11 avril 2013 :
À neuf heures trente :
1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n° 349, 2012-2013) ;
Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois (n° 437, tomes I et II, 2012-2013) ;
Texte de la commission (n° 438, 2012-2013) ;
Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 435, 2012-2013).
À quinze heures :
2. Questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir :
3. Suite de l’ordre du jour du matin.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le jeudi 11 avril 2013, à zéro heure quinze.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART