M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Michel Sapin, ministre. Outre les accords de maintien de l’emploi, l’activité partielle – ou chômage partiel – sera simplifiée et fondue dans un dispositif unique et lisible. Nous avons besoin d’utiliser davantage ce type de dispositif pour passer les moments difficiles sans sacrifier les compétences accumulées. D’autres pays ont su le faire beaucoup mieux que nous, en particulier l’Allemagne ; à notre tour, nous pouvons évidemment faire mieux qu’aujourd'hui.
Autre grande innovation de ce texte : la capacité d’anticipation renforcée dans les institutions représentatives du personnel et à l’égard des représentants du personnel. Les salariés seront désormais mieux informés et consultés, en disposant d’une base de données qui rassemble et actualise toutes les informations utiles. Ils débattront des orientations stratégiques de l’entreprise. Si chacun joue le jeu et se saisit loyalement de ces nouvelles dispositions, la nature du dialogue social interne à l’entreprise en sera profondément changée.
Enfin, des représentants des salariés feront leur entrée dans les conseils d’administration des grandes entreprises – soit 5000 salariés en France et 10 000 dans le monde – et participeront pleinement comme administrateurs, à égalité de droits et de devoirs, à la gouvernance de l’entreprise. Environ un salarié sur quatre est concerné par cette disposition.
Je sais les craintes que génère cette révolution pour les conseils d’administration ou de surveillance d’entreprises cotées, avec parfois des actionnaires étrangers au conseil, mais je certifie que, dans quelques années, chacun trouvera cette présence naturelle. Je sais aussi l’impatience d’une partie d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qui souhaiteraient aller encore plus loin. Mesurez d’ores et déjà l’avancée majeure que représente cette entrée des salariés dans les conseils d’administration : ce n’est pas un modeste premier pas, c’est une percée décisive !
Après la lutte contre la précarité, les droits nouveaux, la mobilité, les outils de maintien de l’emploi, l’anticipation et la gouvernance, j’en viens à la façon de gérer les restructurations lorsque, hélas, il n’est plus possible d’éviter des suppressions d’emploi.
Le projet de loi refonde radicalement la procédure du licenciement collectif. Demain, pour mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi, ou PSE, deux options – et deux seulement – s’ouvriront : soit un accord majoritaire vaudra PSE, ce qui signifie que l’entreprise aura mis les moyens pour convaincre les organisations représentant plus de 50 % des salariés de s’engager sur le plan négocié ; soit l’État homologuera le PSE proposé par l’entreprise, s’assurant alors que l’entreprise consacre les moyens nécessaires, proportionnés à sa situation, au plan social, et respecte ses obligations.
D’un côté, on privilégie la logique du dialogue social, avec la garantie renforcée de l’accord majoritaire, en échange, bien sûr, d’une plus grande simplicité, rapidité et sécurité du plan. De l’autre, on observe le retour de l’État, près de trente ans après la suppression de l’autorisation administrative de licenciement, mais un État garant, qui va s’assurer que l’entreprise agit pour minimiser les impacts du PSE pour les salariés.
L’État ira vite pour rendre sa décision. Dans ce type de situation, ce qui compte, ce n’est pas de gagner du temps, de retarder le plus possible les décisions, c’est de peser sur celles-ci pour qu’elles prennent mieux en compte le reclassement, l’accompagnement, la réindustrialisation. C’est cela qu’attendent les salariés, non des victoires hypothétiques devant un juge trois ans après, quand l’usine a disparu ; c’est cela qu’attendent les entreprises, qui préfèrent un effort supplémentaire contractualisé à une incertitude totale.
Il est faux de prétendre que les licenciements seront plus faciles. Tout comme l’accord majoritaire, l’homologation administrative est une avancée pour les salariés. L’État ne pouvait jusqu’alors que donner un avis. Demain, sans sa décision d’homologation, rien ne pourra se faire. Pour les entreprises, les procédures seront cadrées juridiquement et dans le temps. C’est la condition pour trouver des terrains d’entente.
Je récuse par ailleurs le terme que j’entends parfois de « déjudiciarisation » employé à propos de ce texte, car il est trompeur s’il est assimilé à la suppression de la possibilité de faire appel au juge pour faire valoir ses droits. Évidemment, c’est non pas de cela qu’il s’agit ici, mais d’un encouragement à trouver, par le dialogue social, une autre voie, plus sûre et plus équilibrée, qui rende aussi inutile que possible le recours au juge.
Bien entendu, le recours au juge restera un droit pour chaque personne qui voudra contester l’accord, l’homologation ou le refus d’homologation, comme pour chaque salarié, à l’issue d’un licenciement, s’il veut en contester le motif. Dans notre société démocratique chacun a, à l’évidence, droit à un juge.
Voilà pourquoi les nouveaux pouvoirs de négocier ont du sens, à la condition ultime que l’État, d’une part, et notre système judiciaire, d’autre part, restent au final les garants du respect de l’ordre public social et de la faculté de chacun de faire valoir ses droits devant un juge.
J’entends parfois mettre en doute la capacité de mon administration, les DIRECCTE – ou directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi –, à remplir cette nouvelle mission.
Je veux, si certains d’entre vous sont sincèrement inquiets, vous rassurer sur ce point et rendre justice au professionnalisme des hommes et des femmes de ces services. Ils suivront la nouvelle procédure dès son démarrage, et non à la fin ; ils seront prêts, formés et organisés ; ils seront exigeants à l’égard des projets de PSE qui leur seront soumis. Il n’y aura pas d’homologation tacite pour non-réponse au bout de vingt et un jours. Chaque demande sera instruite et fera l’objet d’une décision motivée et explicite, en référence à des orientations que je donnerai par voie de circulaire aux DIRECCTE.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprenez maintenant ma détermination à vous demander d’adopter un texte qui porte la sève nouvelle de la démocratie sociale en entreprise, un grand texte de progrès social, qui apporte des réponses concrètes et équilibrées à l’urgence de l’heure : sécuriser l’emploi, pour éviter les licenciements, pour anticiper le drame des mutations, pour être prêts à saisir demain la croissance qui repartira.
M. Francis Delattre. Ce n’est pas fait !
M. Michel Sapin, ministre. Je m’autorise un dernier mot.
Je crois que notre société est fatiguée de la défiance et que cette loi ouvre un cycle de confiance. Je crois que les acteurs ne sont pas des enfants, mais au contraire des gens remarquables et capables d’être responsables, pour peu qu’ils aient des responsabilités. Pourquoi faudrait-il toujours se situer dans l’univers de la suspicion, de la dérive, du vice, du travers ou de la régression, pour craindre et craindre encore ?
Je préfère, mesdames, messieurs les sénateurs, vous proposer de trouver des solutions, les voies de la liberté, qui permettent à chacun de surmonter les difficultés et de tracer les chemins d’un monde meilleur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Claude Jeannerot, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constituera sans nul doute l’un des textes importants du quinquennat et, pour le moins, marquera en profondeur le dialogue social dans notre pays, tant par l’ampleur des sujets abordés que par la méthode de travail retenue.
Ce texte repose sur une conviction forte. Ce n’est qu’en mobilisant toutes les forces vives, les salariés comme les employeurs, que l’on pourra faire reculer le chômage et gagner la bataille pour l’emploi. Ce faisant, je suis sûr d’exprimer une conviction largement partagée dans cet hémicycle.
Ce texte transcrit fidèlement, comme s’y était engagé le Gouvernement, l’essentiel des stipulations de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, l’ANI, signé par trois des cinq organisations syndicales représentatives de salariés – la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC – et par l’ensemble des organisations représentatives des employeurs – le MEDEF, la CGPME et l’UPA.
Certains ont voulu intenter à cet accord un double procès en légitimité : légitimité des signataires envers les non-signataires ; légitimité des partenaires sociaux envers les responsables politiques.
Je crois que le débat sur la légitimité des organisations signataires, vous l’avez entendu, n’a plus lieu d’être. Il est derrière nous. L’ANI du 11 janvier 2013 est un accord légitime, aussi bien dans le cadre des règles de représentativité actuelles qu’à la lumière des nouveaux chiffres d’audience, donnés le 29 mars dernier par le ministère du travail. Cela ne veut pas dire, bien évidemment, que les observations des syndicats non-signataires ne doivent pas être entendues. Nous les avons d’ailleurs reçus et auditionnés à plusieurs reprises. Nous aurons l’occasion, au cours des débats, de revenir sur cette question et de dissiper certaines de leurs inquiétudes.
Le second procès en légitimité me semble plus fondamental, car il touche à l’articulation entre démocratie sociale et démocratie parlementaire. Il semble d’ailleurs nous atteindre ici dans notre légitimité. Permettez-moi de m’attarder un peu sur cette question.
Je voudrais, en particulier, faire écho aux réflexions de nos collègues communistes : j’ai entendu craindre, tout à l'heure, que le renforcement du dialogue social ne se fasse au détriment des prérogatives du Gouvernement et du législateur. Ce débat est ancien et mérite quelques explications. En effet, il faut parfois convoquer l’histoire pour éclairer le présent. La Révolution française s’est initialement construite par opposition aux corps intermédiaires : la loi Le Chapelier du 14 juin 1791 a interdit les corporations pour n’autoriser qu’un face-à-face entre l’intérêt particulier et l’intérêt général.
Cette conception abstraite de la vie politique a vite montré ses limites, et les corps intermédiaires ont peu à peu été réhabilités. Ici même, il me plaît de le rappeler, Henri Tolain, rapporteur du Sénat sur la loi Waldeck-Rousseau du 21 mars 1884 autorisant les syndicats, déclarait : « Nous avons la conviction profonde que c’est dans les syndicats professionnels que se trouveront bientôt les plus puissants éléments [...] de progrès industriel et d’ordre social. » Cette conviction, mes chers collègues, je la fais mienne et je l’élargis bien évidemment à tous les partenaires sociaux.
Un demi-siècle plus tard, Léon Blum, méditant sur l’expérience du Front populaire, allait plus loin encore en constatant : « La démocratie politique ne sera pas viable si elle ne s’épanouit pas en démocratie sociale ; la démocratie sociale ne serait ni réelle, ni stable, si elle ne se fondait pas sur une démocratie politique. »
Mes chers collègues, plus que jamais, me semble-t-il, nous devons poursuivre cette évolution historique : démocratie parlementaire et démocratie sociale non seulement peuvent coexister, mais ont vocation à se renforcer mutuellement. Apprenons donc à les conjuguer sans crainte ! Notre pays souffre-t-il d’un excès ou d’un manque de dialogue social ? N’est-il pas nécessaire de rassembler toutes les énergies pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés ? Cette ambition de redresser notre pays, cette volonté de ne plus opposer nos concitoyens et de les rassembler pour défendre l’emploi, je sais que tous, ici, nous les partageons, quelles que soient nos sensibilités politiques.
Si l’on regarde maintenant la généalogie de l’ANI du 11 janvier dernier, on constatera que les institutions politiques ont conservé l’intégralité de leurs missions.
Qui, mes chers collègues, a donné l’impulsion nécessaire au dialogue social, sinon le Président de la République, quand il a réuni, dès juillet dernier, les partenaires sociaux lors d’une grande conférence sociale, point de départ de cet accord ? Qui a fixé le cap à la négociation et sa feuille de route, sinon le Gouvernement à travers son document d’orientation de septembre ? Qui a ensuite transcrit le texte en projet de loi et rendu les arbitrages nécessaires, sinon vous, monsieur le ministre ? Qui, enfin, examinera, amendera et votera cette loi, sinon le législateur que nous sommes ? La loi est et restera la norme suprême : elle seule peut déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, conformément à l’article 34 de la Constitution.
Vous le voyez, il s’agit d’une méthode moderne de légiférer, qui donne toute sa place au dialogue social en l’intégrant dans la logique de nos institutions politiques.
Notre collègue, le président Gérard Larcher, avait œuvré en 2007 pour inscrire dans le code du travail l’obligation de concertation préalable avec les partenaires sociaux avant tout projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail. Il s’agissait évidemment d’une juste intuition.
Nous la prolongeons aujourd’hui en lui donnant une véritable ampleur concrète. Le Gouvernement, fort du succès de la négociation de l’ANI du 11 janvier 2013, a donc déposé, le 13 mars dernier, un projet de loi constitutionnelle afin d’inscrire le dialogue social préalable dans le corps même de la Constitution. Les partenaires sociaux devront être en mesure de négocier, s’ils le souhaitent, sur tout projet de réforme relatif aux relations de travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
Mes chers collègues, arrêtons-nous un instant, si vous le voulez bien, sur l’intitulé de l’accord. Cet intitulé est intéressant, parce qu’il témoigne de l’ambition des signataires. Il s’agit désormais de poser les fondements d’un « nouveau modèle économique et social », qui n’oppose plus compétitivité des entreprises et sécurisation des parcours professionnels. La nouveauté consiste justement à placer l’emploi au-dessus de tout, car cet objectif transcende les intérêts des employeurs et des salariés.
J’en viens au contenu du projet de loi initial, qui est organisé autour de trois axes principaux : créer des droits individuels et collectifs pour les salariés ; lutter contre la précarité au travail ; anticiper et accompagner les mutations économiques.
Le premier axe consiste à créer de nouveaux droits pour les salariés, aussi bien individuels que collectifs.
Il en va ainsi de la généralisation dans toutes les entreprises, à compter du 1er janvier 2016 au plus tard, de la couverture complémentaire santé collective obligatoire. D’autres droits individuels sont autant de mesures structurelles pour lutter contre le chômage.
Je pense également à la création, attendue depuis des années, du compte personnel de formation, ou encore de l’instauration du conseil en évolution professionnelle.
L’employabilité des salariés pourra également être renforcée grâce à la mobilité externe sécurisée dans les entreprises de plus de 300 salariés.
De nouveaux droits sont accordés aux demandeurs d’emploi : leurs droits à l’assurance chômage seront rechargeables, tandis que leurs contrats complémentaires santé et prévoyance pourront être maintenus pendant un an maximum.
Les droits collectifs des salariés n’ont pas été oubliés, puisque, je le rappelle, deux nouvelles consultations annuelles obligatoires du comité d’entreprise sont créées.
La première porte sur les orientations stratégiques de l’entreprise et s’inscrira dans le cadre d’un dialogue avec le conseil d’administration ou de surveillance. Passée relativement inaperçue, cette consultation sur les orientations stratégiques est, à mes yeux, une mesure fondamentale. Elle renforce l’implication des salariés dans la vie de l’entreprise et constitue probablement le prélude à un nouveau mode de relation entre partenaires sociaux.
La seconde concerne l’utilisation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui pourra faire l’objet d’un droit d’alerte du comité d’entreprise.
Par ailleurs, il est prévu de créer, dans chaque entreprise, à partir de 2014 ou 2015 selon la taille de cette dernière, une base de données économiques et sociales, pour mieux informer les institutions représentatives du personnel.
Enfin, la participation de représentants de salariés aux conseils d’administration ou de surveillance devient obligatoire dans les entreprises dont les effectifs dépassent 5 000 salariés en France ou 10 000 dans le monde.
Le deuxième axe concerne la lutte contre la précarité des salariés.
Cela a été dit, seules deux embauches sur dix se font aujourd’hui dans le cadre d’un CDI ; 90 % des jeunes de moins de 26 ans sont embauchés en entreprise sur la base d’un CDD. Cette situation n’est pas acceptable. Le CDI doit redevenir la norme lors des embauches. Derrière les chiffres et les statistiques, il y a l’instabilité ainsi créée chez les plus faibles et les plus exposés des salariés, des femmes le plus souvent.
Pour cette raison, le texte prévoit de majorer les taux de cotisation à la charge des employeurs auprès de l’UNEDIC pour les CDD de moins de trois mois. Cette mesure a fait débat, nous l’avons vu en commission, et a bien failli faire capoter l’ensemble des négociations sur la sécurisation de l’emploi.
Certains estiment qu’elle ne permettra pas de freiner de manière suffisamment efficace l’explosion des CDD courts. Je considère pour ma part qu’elle n’est pas qu’un simple signal envoyé aux employeurs : symétriquement, et n’oublions pas cet aspect des choses, ces derniers seront exonérés de toute cotisation d’assurance chômage pendant trois à quatre mois s’ils recrutent en CDI un jeune de moins de vingt-six ans et le maintiennent en emploi au-delà de sa période d’essai.
Lutter contre la précarité, c’est également modifier en profondeur les règles du travail à temps partiel.
Au niveau de la branche, une négociation sera obligatoire lorsque plus du tiers des effectifs travaille à temps partiel.
Dans l’entreprise, la durée minimale hebdomadaire sera portée à vingt-quatre heures, tandis que le régime de rémunération des heures complémentaires sera modifié et que des compléments d’heures pourront être réalisés par avenant au contrat de travail.
Le troisième axe du projet de loi a pour but d’améliorer l’anticipation et l’accompagnement des mutations économiques, afin – il s’agit toujours la même finalité – de préserver l’emploi.
Le texte précise l’articulation entre la négociation portant sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC, obligatoire et triennale dans les entreprises de plus de 300 salariés, et les autres négociations dans l’entreprise.
Alors que les clauses de mobilité s’appliquent aujourd’hui principalement de gré à gré entre l’employeur et le salarié, le projet de loi pose un cadre juridique protecteur pour la négociation relative à la mobilité interne dans l’entreprise.
Cela a été dit par le ministre, l’accord portera notamment sur les mesures d’accompagnement des salariés, les limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d’emploi du salarié, qui sera elle-même définie dans l’accord, et les mesures visant à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Il devra être conclu par des syndicats représentant 30 % des suffrages exprimés, selon la procédure de droit commun, et être porté à la connaissance de chacun des salariés concernés.
Le niveau de rémunération et la classification personnelle ne pourront évidemment pas être revus à la baisse. Si un salarié refuse l’application de l’accord de mobilité, il pourra être licencié, mais son licenciement prendra la forme d’un licenciement individuel pour motif économique, ouvrant droit, dès lors, à des mesures d’accompagnement.
Afin de mettre un terme à ce qui a été appelé la « préférence française pour le licenciement » et de favoriser les ajustements internes sur les ajustements externes, le projet de loi imagine deux dispositifs de maintien de l’emploi : la réforme du chômage partiel et les accords de maintien de l’emploi.
La création d’une allocation d’activité partielle unique, financée par l’État et l’UNEDIC, est actée, afin de rendre le dispositif plus attractif et efficace. Une convention financière entre l’État et l’UNEDIC sera prochainement conclue pour mettre en œuvre ce nouveau dispositif. Il est d’ores et déjà prévu de majorer le taux de l’allocation. Pour rendre cette période productive, les salariés seront incités à suivre des actions de formation.
Le projet de loi encadre également le contenu des accords de maintien de l’emploi. La situation actuelle, vous le savez, mes chers collègues, est loin d’être satisfaisante. En effet, en l’absence de cadre juridique homogène et protecteur, les salariés craignent de ne pas pouvoir défendre leurs intérêts. Avec les nouveaux accords, en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles, le temps de travail et la rémunération des salariés pourront être modifiés, en contrepartie de l’engagement de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord.
Des garanties sont apportées aux salariés.
Des garanties formelles, tout d’abord, comme l’obligation pour les syndicats signataires d’avoir réuni au moins 50 % des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles.
Des garanties de fond, ensuite, comme l’interdiction de baisser la rémunération des salariés touchant moins de 1,2 SMIC par mois.
Des garanties d’équité et de justice, aussi, puisque l’accord doit comprendre une « clause pénale », qui sanctionnera le non-respect des engagements de l’employeur devant le tribunal de grande instance.
Enfin, le projet de loi réforme en profondeur les règles de la procédure applicable aux plans de sauvegarde de l’emploi sur quatre points, que je me contenterai d’évoquer.
Tout d’abord, il introduit la possibilité de conclure un accord d’entreprise « majoritaire » pour définir le contenu du plan, qui doit être signé par des organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés.
Il simplifie, ensuite, les règles en matière de consultation du comité d’entreprise et de délais d’expertise. Le délai de consultation s’ouvrira avec la première réunion du comité et prendra fin deux, trois ou quatre mois plus tard, selon l’ampleur du licenciement envisagé.
En outre, le projet de loi renforce très considérablement les pouvoirs de l’administration du travail. Mes chers collègues, je veux insister sur ce point : c’est le retour de l’État garant du dialogue social. Aucun licenciement collectif comportant un plan de sauvegarde de l’emploi ne pourra se faire sans la validation ou l’homologation de l’administration.
Il reviendra au juge administratif, d’ailleurs, de contrôler les décisions de l’administration. Ce choix découle directement du renforcement des pouvoirs de l’administration. Toutes les décisions de cette dernière seront susceptibles d’être contrôlées par le juge administratif, sur le fond comme en référé, tandis que, évidemment, la compétence du juge prud’homal est maintenue à l’identique.
Enfin, le projet de loi oblige un employeur qui envisage un projet de licenciement collectif entraînant la fermeture d’un établissement à rechercher un repreneur et à en informer le comité d’entreprise.
Au-delà de ces trois axes, le dernier chapitre du projet de loi reprend diverses mesures de l’ANI, comme la création d’un barème indicatif en phase de conciliation prud’homale, l’aménagement des règles de prescription, ou encore l’expérimentation du CDI intermittent dans certains secteurs d’activité.
Compte tenu du temps qui m’est imparti et de la durée des débats qui sont devant nous, je ne pourrai pas présenter l’ensemble des modifications apportées au texte par l’Assemblée nationale. J’aurai largement l’occasion d’y revenir pendant l’examen des amendements.
Je dirai simplement que nos collègues députés, et plus particulièrement le rapporteur Jean-Marc Germain, auquel je tiens ici à rendre hommage, ont tenu à améliorer et préciser de nombreuses dispositions du projet de loi, sans en dénaturer, j’insiste sur ce point, l’équilibre général.
M. Jean-François Husson. Eh si ! C’est bien le problème.
M. Claude Jeannerot, rapporteur. C’est dans ce même état d’esprit que la commission des affaires sociales du Sénat a examiné le texte, jeudi dernier. C’est avec la même exigence que j’ai orienté ses travaux, dans l’examen des différents amendements qui lui sont parvenus.
À cet égard, je souhaiterais saluer le travail de nos collègues Catherine Génisson, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, et Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois, qui a considérablement amélioré les dispositions relatives à la représentation des salariés dans les organes de gouvernance des grandes entreprises.
J’en arrive à ma conclusion. Mes chers collègues, l’économie générale de l’accord national a été préservée, aussi bien dans le projet de loi initial que dans le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.
Il nous appartient, désormais, de poursuivre sur cette voie. Nous avons, me semble-t-il, une belle responsabilité, celle d’inscrire dans la loi une volonté de mouvement impulsée par les partenaires sociaux, au service de l’emploi.
Chaque fois que notre assemblée s’attache à renforcer les conditions nécessaires au développement de l’emploi, nous pouvons avoir la certitude, que je sais partagée sur toutes les travées de cet hémicycle, qu’elle répond à l’attente prioritaire de nos concitoyens. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean-Pierre Raffarin remplace M. Jean-Claude Carle au fauteuil de la présidence.)