compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Claude Carle
vice-président
Secrétaires :
Mme Odette Herviaux,
Mme Catherine Procaccia.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Mise au point au sujet d'un vote
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet.
M. François-Noël Buffet. Je souhaiterais faire une mise au point au sujet d’un vote. Lors du scrutin n° 222 sur l’ensemble du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi, notre collègue Jean-François Husson s’est abstenu, alors qu’il souhaitait voter contre.
M. le président. Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
3
Rappels au règlement
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour un rappel au règlement.
M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 29 bis de notre règlement.
Lors de la réunion de la commission des lois ce matin, nous avons constaté que nous rencontrions des difficultés pour examiner au fond le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ces obstacles sont liés à la densité du texte et aux nombreux amendements qui ont été déposés : plus de 550 pour le moment.
En conséquence, je soumets à votre appréciation l’idée selon laquelle la conférence des présidents pourrait acter un report du délai limite pour le dépôt des amendements en séance, prévu initialement au jeudi 23 mai, alors même que le projet de loi ne commencera à être examiné en séance publique que le jeudi 30 mai. Un report au lundi 27 mai pourrait donc constituer un élément de souplesse dans le cadre d’une discussion qui s’annonce assez délicate. Ce texte mérite en effet qu’on y consacre du temps pour en améliorer la cohérence.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Buffet. Votre déclaration sera communiquée au Gouvernement et à la conférence des présidents, dont la prochaine réunion se tiendra le mercredi 22 mai.
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je comprends tout à fait la demande de notre collègue François-Noël Buffet.
Depuis le dépôt de ce texte très important, qui concerne l’ensemble de l’économie de cette nouvelle étape de la décentralisation, les métropoles en général et quelques-unes en particulier, et non des moindres puisqu’il s’agit de Paris, de Lyon et de Marseille, la commission a beaucoup travaillé. Nous avons procédé à cinquante auditions publiques que le rapporteur René Vandierendonck a complétées par de nombreuses autres auditions.
Ce matin, la commission a tenu une séance utile. Une autre réunion se tiendra ce soir, que nous avons d’ailleurs décidé de prolonger pour avancer le plus possible sur le sujet.
Plusieurs de nos collègues ont fait part de leur souhait de voir ce délai reporté. Je voudrais donc faire une suggestion qui pourrait être soumise à la prochaine conférence des présidents. Au préalable, je tiens à signaler que nous avons tenu à respecter scrupuleusement le temps prévu entre le premier examen en commission ce matin et le second qui est prévu dans quinze jours, ce qui n’est pas toujours le cas pour un certain nombre de textes.
Compte tenu du travail de nos collaborateurs et de notre rapporteur, qui devront avoir le temps d’examiner sérieusement tous les amendements, je propose donc de reporter le délai limite au vendredi 24 mai à dix-huit heures, ce qui laisse pratiquement toute la semaine pour déposer des amendements.
M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye, pour un rappel au règlement.
M. Vincent Delahaye. Mon intervention a également trait au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles. Ce texte important, qui fait partie d’un triptyque dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, mérite en effet beaucoup d’attention.
Je souhaite donc m’associer, au nom du groupe UDI-UC, à la demande de report du délai limite pour le dépôt des amendements. Le vendredi 24 mai au soir me paraît être un bon compromis entre le délai initialement fixé au jeudi 23 mai et la suggestion d’un report au lundi 27 mai.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour un rappel au règlement.
Mme Cécile Cukierman. Mon propos va dans le même sens.
Comme l’a rappelé M. le président de la commission, le projet de loi est d’une importance considérable pour l’organisation territoriale de notre pays. Or nous avons constaté ce matin, même si nous n’avons fait qu’entamer l’examen des amendements, qu’une partie du texte est en voie d’être réécrite. Il nous faut donc disposer du temps nécessaire pour nous « réapproprier » cette nouvelle première partie.
Reporter le délai limite pour le dépôt des amendements au vendredi 24 mai à dix-huit heures permettrait de donner un peu plus d’espace pour faire vivre la démocratie dans notre institution. Les membres de la commission des lois que nous sommes pourraient effectuer un véritable travail avec leurs groupes respectifs et déposer les amendements qui s’imposeraient.
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Compte tenu de l’unanimité qui semble se dégager, le principe du report du délai limite devrait pouvoir être acté.
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Retrait de l'ordre du jour d’une question orale
M. le président. J’informe le Sénat que la question orale n° 417 de M. Jean-Vincent Placé est retirée de l’ordre du jour de la séance du 21 mai 2013, à la demande de son auteur.
Acte est donné de cette communication.
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Régime des sections de commune
Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à moderniser le régime des sections de commune (proposition n° 511, texte de la commission n° 541, rapport n° 540).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, 15 octobre 2012-15 mai 2013 : sept mois jour pour jour pour me retrouver devant vous et saluer à la fois la belle initiative des sénateurs qui ont porté ce texte visant à moderniser le régime des sections de commune et le travail constructif du Parlement, ici et à l’Assemblée nationale. Que sont ces sept mois au regard d’un régime archaïque, survivance du droit de l’ancien régime, au regard de ces contentieux multiples, complexes qui ont empoisonné trop souvent nos communes ?
Je veux ici me rappeler vos interventions de ce 15 octobre dernier, la vôtre, Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi, la vôtre, Pierre-Yves Collombat, rapporteur du texte, les vôtres bien sûr, chacune et chacun d’entre vous qui êtes ici. Vos interventions ont toutes été convergentes pour redire l’intérêt d’un texte de clarification et de simplification : rappel des âpres débats intervenus avec le « décret de partage » des communaux de la Convention ; rappel de la loi de 1884 qui a organisé la commune républicaine d’aujourd’hui ; rappel de la nécessité de retisser les liens pour unir les communautés humaines ; rappel pragmatique du nécessaire équilibre foncier de nos territoires.
J’avais à cette occasion salué le travail qui avait été celui de votre commission des lois pour introduire dans le régime particulier des sections de commune trois objectifs distincts : favoriser la gestion au nom de la section ; faire obstacle à la captation de ressources par la section et ses ayants droit, au détriment de la commune ; encourager la reprise de la propriété des biens de section, dès lors qu’ils sont délaissés, au bénéfice de la commune.
Je veux aussi saluer l’excellence des débats que nous avons eus à l’Assemblée nationale le 14 avril dernier, débats intervenus dans le parfait prolongement de l’esprit des travaux qui avaient été les vôtres. M. Morel-A-L’Huissier, rapporteur du texte, a voulu apporter quelque enrichissement, quelque précision au texte adopté dans un esprit consensuel et constructif par la Haute Assemblée.
J’avais été conduite, comme le rapporteur à l’Assemblée nationale, à redire solennellement que l’objectif de ce texte n’était en rien de vouloir « tuer » les sections de commune lorsque leur fonctionnement est parfaitement cohérent, satisfaisant, harmonieux, mais, à l’inverse, de permettre à la commune d’intervenir pour en améliorer ledit fonctionnement lorsqu’il est source de difficultés et, plus largement encore, quand la recherche des ayants droit est infructueuse.
Je crois que nous avons tous ensemble été entendus et que chacun ne verra dans le texte ici proposé en deuxième lecture que la volonté clairement déterminée d’améliorer un dispositif désuet, de faciliter les modes de gestion entre communes et ayants droit de biens sectionaux, en un mot de simplifier le droit.
À mon tour, je ne veux pas manquer de souligner la clarification apportée au statut juridique de la section de commune, personne publique, seule titulaire du droit de propriété sur les biens sectionaux, au statut d’ayant droit, électeur et éligible à la commission syndicale, à la responsabilité de la commune agissant pour le compte de la section de commune lorsque sa taille n’est pas suffisante pour justifier le recours à la commission syndicale.
Tout dans le texte qui vous est soumis tend à favoriser la notion d’intérêt général, une notion à laquelle chacun d’entre nous est particulièrement attaché : un intérêt général qui conditionne dans tous les cas la possibilité nouvelle de transfert de biens sectionaux vers la commune.
Comment ne pas insister, à cet égard, sur l’absolue nécessité qui est la nôtre ? Il s’agit d’une nécessité et d’une responsabilité partagées de veiller à l’équilibre de notre foncier et au maintien indispensable de nos terres agricoles. Faute de quoi, nous risquons de voir ces dernières se réduire comme peau de chagrin et, avec elles, nos ressources alimentaires.
Les départements, essentiellement ruraux, concernés par les dispositions de la proposition de loi mesurent chaque jour les enjeux auxquels ils sont soumis. Ils aspirent à cette maîtrise de leurs territoires ainsi qu’à une gestion équilibrée et harmonieuse de leurs terres.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour ces départements, ce texte est une chance : vous la leur avez donnée. Soyez-en remerciés ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, que le Sénat a adoptée à l’unanimité en première lecture – j’ai plaisir à le rappeler –, nous revient de l’Assemblée nationale dans une rédaction améliorée.
Améliorée, elle l’a été dans la forme et par l’adjonction de dispositions relatives à des questions que nous n’avions pu qu’effleurer – je pense à la sortie de l’indivision en cas de biens affectés à plusieurs communes, aux cas spécifiques de l’Alsace-Moselle et de l’outre-mer –, tout en conservant l’esprit général ainsi que la cohérence du texte issu de notre commission des lois et en retenant les innovations que celle-ci avait apportées.
Cet esprit, je vous le rappelle en citant l’objectif que nous avions défini : « Perpétuer cette longue tradition des sections de commune, qui se perd dans le fond de notre histoire, avec tout ce qu’elle peut avoir de vivant et d’un peu étonnant pour des juristes d’aujourd’hui : de fait, il n’y a aucune raison d’empêcher ces structures de vivre, dès lors qu’elles fonctionnent bien et qu’elles donnent satisfaction ».
Contrairement à ce qui a pu être dit et à ce qui le sera encore, le but n’est pas de supprimer les sections mais tout au contraire de permettre à celles qui sont vivantes et gèrent avec soin et efficacité la propriété collective mise à leur disposition, non seulement de continuer à vivre mais de mieux vivre, avant tout en limitant les occasions de conflit avec leur commune de rattachement. À ce titre, je rappelle que le seul tribunal administratif de Clermont-Ferrand traite annuellement entre quarante et cinquante affaires relatives aux sections de commune. Il ne s’agit donc pas de supprimer un archaïsme, mais de faire revivre ce que cette tradition a de plus intéressant, ce qu’elle a de meilleur. Comment y parvenir ?
Nous avons tenté d’y aboutir en élaguant le maquis des dispositions parfois contradictoires régissant le fonctionnement des sections et leurs relations avec les communes, en clarifiant des notions faussement synonymes et parfois simplement en rappelant quelques principes de droit enfouis sous des usages illégaux, comme l’usufruit sous forme pécuniaire des biens sectionaux.
Ainsi avons-nous rappelé à la suite du Conseil constitutionnel qu’une section de commune est une « personne morale de droit public ». Les biens dont elle dispose ne sont donc pas la propriété privée indivise de ses membres, mais un bien public, transférable à une autre personne de droit public, en l’occurrence la commune, sans autre indemnisation que celle de l’usufruit perdu, lequel est obligatoirement perçu en nature, comme je viens de l’indiquer. Ainsi avons-nous précisé qui étaient les membres de la section, à savoir les habitants ayant leur domicile réel et fixe dans la commune, notion se substituant à celle d’électeur et d’ayant droit quand c’était possible.
Nous avions fait ce choix, je vous le rappelle, en partant du principe que ce qui, aujourd’hui, se rapprochait le plus de la collectivité paysanne originelle, à la survie de laquelle les biens sectionaux étaient indispensables, c’était l’ensemble des habitants de la section. J’insiste un peu lourdement sur ce point particulièrement illustratif de l’esprit du texte tel qu’il a évolué : il s’agit de retrouver, par-delà les bouleversements du monde rural, l’esprit ayant présidé, il y a bien longtemps, à la création des sections de commune et non pas de faire disparaître celles-ci.
Nous avons ainsi précisé à quelles conditions une commission syndicale peut être constituée, les relations entre la commune, le maire et la commission syndicale, notamment en matière financière, ainsi que les conditions de transfert de la propriété sectionnaire à la commune selon qu’il existe ou non une commission syndicale.
Mes chers collègues, en tout état de cause, je le rappelle, car c’est là une question très importante, il s’agit de la décision du préfet, dans un objectif d’intérêt général. Il n’est donc pas question d’attribuer un pouvoir souverain au maire pour régler ses comptes.
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur. Je le souligne, car on a parfois l’impression que ces dispositions sont ainsi interprétées.
Comme je l’ai dit en préambule, l’Assemblée nationale a amélioré le texte sans en modifier la logique. Le rapport donne le détail de ces modifications et cette deuxième lecture permettra d’y revenir si vous le souhaitez.
Ce résultat est le fruit d’un travail de concertation suivi avec le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale, Pierre Morel-A-L’Huissier, que je tiens à remercier tout spécialement et à qui je rends hommage. Il résulte également d’un travail de concertation avec le Gouvernement, et je remercie à cet égard Mme la ministre.
S’agissant de textes intéressant nos collectivités – nous sommes en plein dans le sujet ! –, on souhaiterait qu’il en soit plus souvent ainsi. J’espère à cet égard que nous aboutirons bientôt à un résultat similaire au sein de la Haute Assemblée.
Quoi qu’il en soit, la commission des lois vous propose à l’unanimité de voter conforme le présent texte qui nous revient de la chambre des députés, ce qui mettra un point final à notre travail. Je vous en remercie par avance. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Richard.
M. Alain Richard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souligne à mon tour la progression satisfaisante qu’a suivie la proposition de loi. Je constate que ce texte répond pour l’essentiel aux objectifs que visait M. Mézard en le déposant : simplifier le régime applicable aux biens des sections ayant une existence réelle et permettre une nouvelle affectation et une meilleure gestion des biens relevant de sections tombées en déshérence, ou connaissant à tout le moins des carences ou des difficultés de fonctionnement.
Globalement, ce texte permet de résoudre les problèmes particuliers résultant de ces situations d’abandon ou de dépérissement. À cet égard, il faut saluer les précisions apportées par l’Assemblée nationale pour résoudre les questions d’indivision, sujet qui constitue un point de contact entre le droit privé et le droit de la domanialité publique. Ces problèmes sont évidemment un facteur de complexité dont il faut se libérer.
De même, les règles régissant les droits éventuels à indemnisation ont été clarifiées. Ces indemnisations doivent être l’exception. À ce titre, la nouvelle rédaction issue de la navette est préférable.
Par ailleurs, et c’est là l’un des principaux éléments du travail accompli, le droit de propriété de la commune est consolidé dans le cas où il a été procédé à la dévolution des biens d’une ancienne section de commune. Cependant – nos collègues qui connaissent en pratique, dans leur département, la vie de ces sections, le savent bien mieux que moi –, ce droit de propriété est certes porteur d’un patrimoine et partant d’un minimum d’avantages financiers, mais il induit principalement des obligations et des charges. Dans la plupart des cas, il s’agit donc non pas d’une opération avantageuse pour les communes qui reprendront la gestion de ces propriétés collectives, mais d’une responsabilité supplémentaire au service de l’équilibre du territoire.
À l’occasion de nos débats, ceux d’entre nous qui étaient un peu novices en cette matière ont pu constater que ces dispositions régissant la situation domaniale des collectivités publiques sont en étroit contact avec des questions touchant à la politique agricole. Il s’agit notamment des usages et, le cas échéant, des obligations applicables aux zones de bois, de pâturages et d’exploitations à faible intensité.
Je le souligne sous le contrôle d’un certain nombre de spécialistes présents dans cet hémicycle : dans ce domaine, les conséquences des modifications que nous sommes en train d’apporter au régime des biens sectionaux n’ont pas nécessairement toutes été explorées. Il n’est donc pas impossible que nous ayons à y revenir à l’occasion de tel ou tel débat relevant de la politique agricole. Il n’empêche que le travail accompli a permis de résoudre un problème resté pendant depuis trop longtemps. Voilà pourquoi beaucoup de nos collègues, auxquels je me joins, préfèrent que nous procédions à un vote conforme, le but premier du présent texte étant de mettre un terme à des situations en suspens.
Mes chers collègues, il ne faut pas, au nom du perfectionnisme ou du souci d’exhaustivité, reporter encore la mise en application de règles nouvelles, qui vont largement permettre une simplification et une clarification. C’est la raison pour laquelle j’adhère à cette volonté partagée d’aboutir à un vote conforme, même si, je le répète, de menues retombées risquent d’être observées.
En conclusion, nous pouvons nous réjouir d’avoir mené un travail d’approfondissement sur ce sujet particulier en matière de gestion territoriale, qui touche souvent des collectivités et des secteurs défavorisés. À mon sens, nous avons fait œuvre utile sur le plan tant territorial que social. Qui plus est, nous y sommes parvenus dans le dialogue.
Ce texte qui, dans quelques instants, sera sans doute adopté à une très large majorité, restera emblématique d’un travail typiquement sénatorial, dont nous pourrons, les uns et les autres, être satisfaits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UMP et de l’UDI-UC.)
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons à débattre aujourd’hui en deuxième lecture d’une proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune.
Nous l’avons observé au fil des discussions qui ont eu lieu dans cet hémicycle en première lecture, pour les uns, les sections de commune sont un objet totalement inconnu. Pour les autres, au contraire, elles sont une réalité positive ou négative et, de fait, elles font parfois l’objet de débats passionnels.
Mme la ministre l’a rappelé, en octobre dernier le Sénat a fait sienne la proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard et des membres du groupe du RDSE visant à moderniser et à faire évoluer le régime des sections de commune.
La France compte aujourd’hui un peu moins de 27 000 sections de commune, dont 200 seulement sont dotées d’un comité syndical. Rappeler ces chiffres, c’est poser l’enjeu de ce texte. En effet, comme M. le rapporteur l’a souligné, il n’est nullement question de supprimer les sections de commune qui vivent. D’ailleurs, si tel était le cas, nous nous y opposerions.
Certes, via cette proposition de loi, nous avons beaucoup évoqué les sections de commune qui n’ont pas d’existence, celles qui posent soucis ou questions non seulement aux élus locaux mais aussi parfois aux foyers qui habitent en leur sein. Ces sections ne fonctionnent pas pour diverses raisons que je n’énumérerai pas ici. Chacune et chacun d’entre nous a des cas très précis en tête : je ne les évoquerai pas par respect.
À l’opposé, là où les comités syndicaux vivent, là où tous les foyers sont pleinement associés aux décisions du comité syndical et sont tous bénéficiaires, il n’y a aucune raison de supprimer ces structures. D’ailleurs, je le répète, tel n’est pas l’objet de la proposition de loi. En effet, lorsque les sections de commune fonctionnent, le territoire est entretenu. De plus, ces structures permettent le maintien dans les territoires ruraux – montagneux dans la plupart des cas – de femmes et d’hommes indispensables à la survie et au développement de ces espaces.
Les sections de commune constituent un exemple original et presque unique de propriété collective dont chacun est bénéficiaire. Elles doivent perdurer tant qu’elles fonctionnent et n’entravent pas le principe d’intérêt général. Cependant, ces sections-là ne sont pas les plus nombreuses. Il convenait donc d’adopter un texte relatif à l’ensemble des cas problématiques, quitte à concentrer le débat sur les sections qui ne fonctionnent pas en laissant les autres de côté.
Je crois qu’il est important de rappeler les limites de la proposition de loi, tout en soulignant son importance pour les zones qu’elle concerne.
Certains des biens situés sur les sections de commune ont été progressivement dévoyés. Avec le temps, en effet, de nombreux ayants droit ont modifié leur vocation initiale, vous y êtes revenue, madame la ministre. Beaucoup de ces biens ont ainsi quitté le patrimoine collectif pour intégrer des patrimoines privés, dont les ayants droit peuvent se partager les revenus.
Une partie de ces biens, sans doute la plus grande, a par ailleurs été laissée à l’abandon. Leur vocation première, à savoir contribuer à l’entretien des paysages et au maintien des populations agricoles, a été perdue. Dans les faits, les espaces agricoles et forestiers ne sont plus entretenus et ne permettent plus de maintenir la population sur place. Ils deviennent parfois un enjeu de pouvoir à l’origine de conflits entre foyers ou entre un ou plusieurs foyers et la commune sur laquelle ils sont situés. Ils finissent donc par constituer un handicap pour les maires désireux de maîtriser pleinement leur territoire communal et son aménagement.
Concernant ce dernier point, j’avais regretté en première lecture que, contrairement à la proposition de loi initiale, le texte de la commission ne contienne plus la disposition faisant de l’inventaire, la connaissance de l’état des lieux un service rendu au maire par le représentant de l’État dans le département. Je déplore que celle-ci n’ait pu être réintroduite à l’Assemblée nationale.
Les arguments présentés ici en première lecture et que j’ai lus dans les comptes rendus des débats de l’Assemblée nationale ne peuvent nous satisfaire en tant que législateurs. Ils font valoir que les préfectures seraient dans l’incapacité de répondre à la demande, ce que je peux entendre, car un tel travail provoquerait leur engorgement. Et pour cause, pourrions-nous dire ! Les nombreuses années de RGPP, de réduction drastique des moyens, notamment en termes de présence humaine, se traduisent de façon plus dure encore dans les préfectures et les sous-préfectures, à commencer par celles de nos départements de montagne et, plus largement, des départements faiblement peuplés. Par l’effet du nombre, la force de travail des fonctionnaires de l’État dans ces départements se trouve fortement réduite.
J’en conçois plus qu’un regret, et je tiens à le souligner durant cette deuxième lecture. En effet, dans les discussions avec les élus locaux concernés, maires et membres de conseils municipaux, cette question est la première à émerger dans les communes rencontrant des difficultés avec des sections qui ne fonctionnent pas. Une fois encore, soit le dispositif ne présente pas ou peu de difficultés, soit il ne fonctionne pas et le maire a alors besoin d’aide pour appréhender la question et maîtriser son territoire communal. Une fois de plus, les élus retrousseront leurs manches et réaliseront ce travail d’appréhension de leur territoire !
Même si cette branche, importante à nos yeux, a été coupée, nous voterons ce texte. Il doit offrir la simplification qu’attendent nombre d’élus locaux confrontés à des territoires ayant une ou plusieurs sections.
Je souhaite enfin rappeler, afin de répondre à diverses craintes dont j’ai eu connaissance, que le conseil municipal ne pourra pas décider du transfert d’une partie ou de toute la section au territoire communal. C’est le préfet qui prendra, à la demande du conseil municipal, la décision de satisfaire ou non l’intérêt général.
Il me semble important de le souligner en ce moment : les élus locaux sont responsables, mais ne peuvent pas tout. La présence de l’État, seule à même d’assurer l’équité dans l’ensemble de nos territoires, demeure indispensable afin de garantir le droit. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. ― M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est très satisfaisant de voir cette proposition de loi relative aux biens de section revenir au Sénat pour une seconde lecture sept mois seulement après la première lecture. Je tiens d’ailleurs à remercier le groupe du RDSE et son président de leur excellente initiative.
Je crois que je peux légitimement me faire le porte-parole des nombreux élus, en Auvergne et plus largement dans les territoires de montagne, qui m’ont sollicité, interrogé, fait part de leurs inquiétudes sur cette question particulièrement complexe des biens de section. Il faut dire que la mobilisation des élus a été forte, notamment au sein de l’association des maires du Cantal, pour faire évoluer ce régime ancestral issu du droit féodal. Ce droit d’un autre temps peut non seulement provoquer des blocages importants sur le terrain en constituant, parfois, un frein au développement de la commune, mais aussi susciter de lourds contentieux dans lesquels les maires sont en première ligne et sont parfois injustement inquiétés.
Depuis des décennies, nos élus sont confrontés à cette situation litigieuse. Le législateur est intervenu à maintes reprises, notamment par la loi Montagne, puis par la loi relative aux libertés et responsabilités locales, afin de tenter de répondre aux difficultés concrètes soulevées par la gestion des biens de section. Cependant, faute de précisions et, à certains égards, de cohérence, ces évolutions ont parfois favorisé l’émergence de lourds contentieux.
Malgré la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, la gestion des biens sectionaux constitue toujours, il faut le dire, un vrai casse-tête pour les maires comme pour les juristes. Aussi est-il important d’aller plus loin et de faciliter cette gestion quotidienne par un dispositif législatif clair, qui offrira plus de marge de manœuvre aux communes et facilitera leur intervention, tout en respectant, bien entendu, les intérêts de la section et de ses ayants droit. C’est le sens de la proposition de loi visant à moderniser le régime des sections de commune, déposée par le groupe du RDSE et son président Jacques Mézard.
Le texte initial proposait le relèvement des seuils de création des commissions syndicales, l’assouplissement du recours à la procédure simplifiée de transfert ou encore la mise en place d’un transfert à l’initiative de la commune.
Dans le cadre de la première lecture, notre commission des lois a largement étoffé la proposition de loi en élargissant son champ d’application. Ces compléments ont permis de densifier et d’améliorer le texte qui comprend désormais trois volets principaux : la possibilité de transfert à la commune de biens de section de façon très encadrée, notamment pour ceux qui sont en déshérence ; la clarification et la rationalisation du régime juridique des biens de section ; l’amélioration des conditions de leur gestion, notamment en ce qui concerne les modalités d’attribution des terres à vocation agricole et pastorale. Ces deux derniers volets sont d’ailleurs la traduction des amendements que j’avais déposés à l’issu d’un travail de rédaction mené en lien étroit avec la chambre d’agriculture et les maires du Cantal.
Le rapporteur de l’Assemblée nationale a conservé l’esprit du texte issu des travaux du Sénat tout en apportant des compléments utiles, s’agissant notamment de la nouvelle possibilité de transfert des biens sectionaux à la commune pour un motif d’intérêt général, avec le renforcement de l’information des membres de la section, la consultation de la chambre d’agriculture en cas de transfert de biens agricoles ou pastoraux et une procédure d’indemnisation des ayants droit pour la perte de jouissance.
Au terme de cette première lecture, notre commission a jugé « la présente proposition de loi équilibrée entre la défense de l’intérêt général et le maintien ou la création de garanties pour les membres de la section » et n’a donc procédé à aucune modification du texte adopté par nos collègues députés. Autrement dit, la commission nous propose un vote conforme.
Madame la ministre, mes chers collègues, les membres de l’UDI-UC adhérent pleinement à cette proposition. Nous voterons le texte tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale et de la commission des lois du Sénat. Pour quelles raisons ?
Pour nous, le texte tel qu’il est maintenant rédigé répond à l’attente des maires tout en préservant le droit des membres de la section, nouvelle appellation simplificatrice ― ce n’est pas si fréquent ! ― qui fusionne désormais les notions d’ayant droit, d’électeur et d’éligible à la commission syndicale.
Ce texte répond aussi à la démarche que j’ai engagée il y a plus d’un an avec le groupe UDI-UC en déposant une proposition de loi relative à la clarification et à l’assouplissement de la gestion des biens sectionaux, dans laquelle figurent la plupart des dispositions intégrées aujourd’hui dans cette proposition de loi. Notre texte était le fruit d’un travail collectif réalisé avec les maires du Cantal, des représentants des communes forestières et la chambre d’agriculture. Cette concertation nous avait d’ailleurs permis de dégager, de façon consensuelle, des propositions concrètes d’évolution de la loi afin de faciliter la gestion quotidienne des sections. Je tiens d’ailleurs à remercier nos collègues radicaux d’avoir rendu hommage au travail accompli en s’en inspirant fortement.
À la suite de mon audition par le rapporteur Pierre-Yves Collombat, nos propositions ont été en grande partie reprises. Nous avons donc finalement réalisé un vrai travail de coproduction efficace avec la commission des lois. À cet égard, je tiens à remercier Pierre-Yves Collombat d’avoir prêté une oreille attentive à nos travaux, et je veux saluer le travail de qualité qu’il a mené ainsi que son ouverture à l’élargissement du champ de la proposition de loi, qui nous satisfait pleinement.
J’en profite pour saluer en outre l’implication de notre collègue député Pierre Morel-A-L’Huissier, qui, comme rapporteur du texte, l’a complété avec le souci d’assurer l’équilibre entre intérêt général et intérêts particuliers, exercice plus compliqué sans doute à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Le Gouvernement a également ajouté sa pierre à l’édifice lors des débats en première lecture, notamment à l’Assemblée nationale. Il est vrai, madame la ministre, que vous êtes sensibilisée à ce sujet, car vous aviez, à l’époque, cosigné la proposition de loi du groupe du RDSE.
Le texte, tel qu’il est rédigé au terme de la première lecture, répond maintenant globalement aux difficultés concrètes qui se posent aujourd’hui à nos élus, tout en préservant les intérêts des membres de la section. Il va également dans le sens de la préservation et de la facilitation des activités agricoles par les exploitants, par deux aspects.
Tout d’abord, s’agissant de la communalisation des terres à vocation agricole et pastorale, il veille à prendre en compte l’intérêt des agriculteurs en offrant à la chambre d’agriculture la possibilité d’émettre un avis sur l’utilisation prévue des biens transférés.
Ensuite, les modalités d’attribution de ces terres ont, elles, été simplifiées et optimisées, afin de mieux prendre en compte la réalité des exploitations agricoles, notamment sur la section.
Les nombreux élus qui m’ont sollicité sur cette question m’ont tous exprimé leur satisfaction, voire leur soulagement de voir enfin inscrites dans la loi des dispositions visant à moderniser le régime des sections de commune et à faciliter la gestion des biens sectionaux. Tous m’ont assuré de l’intérêt de ce texte.
Notre volonté de voter cette proposition de loi est donc aussi confortée par la position des maires et des élus de quelque 3 000 communes concernées au quotidien par la gestion des biens de section. Le droit des biens de section fait l’objet de très peu de rendez-vous législatifs. Nous avons là une occasion précieuse de le faire évoluer, ne la manquons pas !
Il est temps, désormais, de passer à la mise en pratique. Plus tôt la proposition de loi sera adoptée par le Parlement, plus tôt les problèmes soulevés par la gestion des biens de section trouveront une solution efficace et pérenne. Aussi, mes collègues de l’UDI-UC et moi-même n’avons déposé aucun amendement afin de faciliter un vote conforme de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, de l’UMP, du groupe socialiste et du RDSE.)