M. Philippe Dallier. Ma question s’adressait à M. Frédéric Cuvillier, ministre chargé des transports, mais je serai très heureux d’entendre la réponse de Mme la ministre des sports.
Madame la ministre, les Franciliens constatent et, surtout, déplorent une dégradation très nette de l’état général du réseau autoroutier régional, en particulier dans le département de la Seine-Saint-Denis, dont je suis l’élu.
Sur un nombre toujours plus important de portions reliant les départements limitrophes à Paris, le délabrement des infrastructures semble même s’accélérer en raison d’un entretien manifestement insuffisant.
La propreté du réseau est certainement le révélateur le plus marquant de cette détérioration assez généralisée. À la saleté des accotements, entre herbes folles et dépôts de détritus, qui transforment certaines sections en quasi-décharges à ciel ouvert, s’ajoutent les nombreux et imposants tags sur les murs anti-bruit ou même sur les panneaux de signalisation, rendant parfois ceux-ci illisibles.
Cette dégradation croissante du réseau autoroutier francilien soulève de nombreuses interrogations quant à la manière dont la sécurité des usagers est garantie, interrogations que justifient également d’autres constats.
L’éclairage public, souvent assuré au moyen de lampadaires surannés, est manifestement déficient sur certaines portions, tandis que, sur d’autres, il n’est même plus allumé la nuit venue ! Du reste, lorsqu’il a été décidé de ne plus éclairer certaines parties du réseau routier, on a expliqué qu’il s’agissait d’améliorer la sécurité, ce qui ne laisse pas d’étonner…
Les glissières de séparation, rouillées, parfois accidentées et souvent dépourvues de réflecteurs, ne semblent pas toujours en mesure de remplir efficacement leur rôle de protection.
Pour ce qui concerne l’évacuation des eaux – un problème particulièrement sensible en ce moment ! –, elle est fréquemment déficiente en raison de l’obstruction des bouches par des détritus ou par des feuilles ; il en résulte, les jours de pluie, la formation de véritables mares, en particulier sur les bretelles d’entrée et de sortie.
La signalisation horizontale est, elle aussi, en mauvais état par endroits. Faute d’avoir été repeintes depuis des années, certaines bandes blanches ne réfléchissent plus rien et n’aident aucunement les conducteurs à régler leur trajectoire et à anticiper leur distance de freinage pour une conduite sécurisée.
Quant aux panneaux lumineux d’information, ils sont parfois défectueux, n’affichant plus les messages de sécurité ou même les indications utiles à la fluidité du trafic.
Enfin, le revêtement des chaussées, malgré des réparations sporadiques au fil des années, se révèle aujourd’hui très endommagé dans plusieurs secteurs, ce qui y multiplie les risques d’accident de la circulation.
En tant qu’utilisateur régulier de ces axes, je puis vous assurer, madame le ministre, que je ne force pas le trait : la situation que je dépeins est malheureusement bien conforme à la réalité !
Dans ces conditions, prendre la route de nuit, sans éclairage public et sous la pluie, relève du pari risqué, d’autant qu’on trouve sur les voies des nids-de-poule parfois très profonds. Pour rouler depuis de nombreuses années en Île-de-France, je peux vous assurer que c’est la première fois que je constate de tels problèmes ! Sans compter que la dangerosité devenue quasiment intrinsèque à ces axes est malheureusement amplifiée par un trafic croissant, tant vers Paris que vers la banlieue.
Madame la ministre, quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre, dans des délais que j’espère brefs, pour rétablir un entretien satisfaisant de ces voies ?
Par ailleurs, des mesures en matière d’organisation pourraient-elles être envisagées ? Ce n’est pas que je souhaite une délégation de compétence nouvelle aux collectivités territoriales, mais il y a manifestement une réflexion à mener dans ce domaine !
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le sénateur Philippe Dallier, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue Frédéric Cuvillier, ministre des transports, de la mer et de la pêche, qui installe ce matin l’Autorité de la qualité de service dans les transports.
Dans un contexte budgétaire contraint – faut-il rappeler que l’endettement public de notre pays a augmenté de 600 milliards d’euros au cours des cinq dernières années ? –, l’État maintient en 2013 un budget de 95 millions d’euros pour la gestion, l’exploitation, l’entretien et la réparation du réseau routier national en Île-de-France.
Les interventions se concentrent sur deux priorités : la sécurité des usagers, qui constitue bien sûr un impératif absolu, et la préservation du patrimoine.
Monsieur le sénateur, je tiens, pour vous répondre précisément, à aborder chacun des problèmes que vous avez soulevés.
S’agissant d’abord de la sécurité des usagers, un très haut niveau de maintenance est particulièrement nécessaire dans les longs tunnels, qui sont nombreux au sein du réseau autoroutier national d’Île-de-France. Dans ces tunnels, la sécurité passe aussi par l’information des usagers en temps réel. En 2013, 20 millions d’euros sont consacrés à ces deux priorités.
Pour ce qui est de la propreté du réseau, il est exact qu’elle se dégrade rapidement – trop rapidement ! – après les opérations de nettoyage. Il faut savoir que les interventions des agents de l’État sont soumises à de strictes contraintes de temps : en raison de l’intensité des trafics, elles ne peuvent avoir lieu que la nuit, en semaine. Au-delà du nettoyage régulier des voies et de leurs abords, le rappel à nos concitoyens des règles de civisme élémentaires est aussi nécessaire. C’est pourquoi l’État va entreprendre une campagne nationale de sensibilisation pour diminuer les incivilités sur la route.
Afin de lutter contre l’obstruction des dispositifs d’évacuation des eaux par des détritus, une campagne de nettoyage a été menée à l’automne 2012, notamment en Seine-Saint-Denis. Ainsi, les problèmes de stagnation d’eau ne devraient plus se présenter, sauf précipitations exceptionnelles ; mais je reconnais que les conditions météorologiques actuelles n’incitent guère à l’optimisme pour ces jours-ci…
S’agissant de l’éclairage public du réseau routier national francilien, le linéaire éclairé est optimisé depuis 2010 – je dis bien : 2010 – pour maîtriser la consommation énergétique et les pollutions lumineuses tout en garantissant la sécurité des usagers. En Seine-Saint-Denis, les autoroutes A1, A3 et A86, ainsi que le barreau de liaison entre l’A1 et l’A86, doivent être éclairés. Toutefois, la continuité de l’éclairage a parfois été altérée par le vol de câbles électriques. En 2013, 2,4 millions d’euros seront consacrés à l’entretien et à la maintenance du réseau d’éclairage.
Quant aux glissières de retenue, elles font l’objet d’un effort constant. C’est ainsi que 14,6 millions d’euros y ont été consacrés en 2012 ; pour 2013, ce sont 37 millions d’euros qui sont alloués à l’entretien et à la réparation des chaussées du réseau routier francilien. Il importe en effet, monsieur le sénateur, de combler les nids-de-poule, tout en sachant que ceux-ci sont aussi liés à des conditions météorologiques particulièrement défavorables cette année.
Concernant l’occupation des dépendances du réseau routier national par des campements sauvages, dans le cadre des décisions de justice et dans le respect des dispositions d’accompagnement des occupants arrêtées par le Gouvernement, des démarches d’évacuation sont mises en œuvre. Le nettoyage et la sécurisation des terrains mobilisent des moyens importants de l’État et des collectivités territoriales : 2 millions d’euros, par exemple, pour la Seine-Saint-Denis.
Pour conclure, je tiens à rappeler que le réseau routier national francilien non concédé est constitué de 800 kilomètres d’autoroutes et de voies rapides urbaines, de 500 kilomètres de bretelles et de 22 tunnels de plus de 300 mètres de long. Chaque année, il est procédé à 30 000 interventions sur incidents et accidents.
Monsieur le sénateur, l’entretien de ce réseau est à nos yeux un enjeu majeur de la politique des transports. Vous pouvez compter sur le maintien de l’effort de l’État et sur l’engagement de ses agents pour assurer de bonnes conditions de circulation sur ce réseau qui est absolument stratégique !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse, mais je ne suis pas complètement rassuré.
Bien entendu, je ne méconnais pas les difficultés budgétaires de notre pays. Je sais aussi que cette situation ne date pas du mois de mai de l’année dernière.
Cela étant, lorsque vous me dites que les moyens consacrés à l’entretien des autoroutes franciliennes sont maintenus au même niveau que par le passé, je crains que ce ne soit pas suffisant, car la situation se dégrade d’année en année. En interrogeant tout récemment le préfet de la Seine-Saint-Denis, j’ai même cru comprendre que, sur certains postes de dépense, les crédits de l’année avaient déjà été entièrement consommés, alors que nous ne sommes qu’au mois de mai ! Madame le ministre, cela suffit à démontrer que les 93 millions d’euros prévus ne sont pas suffisants.
Mon département est celui qui relie la capitale à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, qui est la porte d’entrée en France pour des millions de touristes. Songez à l’image que ceux-ci doivent se forger de notre pays lorsqu’ils empruntent l’autoroute A1 ou l’autoroute A3 ; à mon avis, elle n’est pas très bonne ! Il est vrai que la situation n’est pas plus flatteuse dans les transports en commun, mais, franchement, pour les touristes qui prennent un taxi, la première vision qu’ils ont de la France et de sa capitale doit être assez déplorable !
C’est pourquoi, madame le ministre, j’attire de nouveau l’attention du Gouvernement sur ce problème, en insistant plus particulièrement sur la sécurité des usagers. Je n’ai vraiment jamais vu des nids-de-poule aussi profonds sur des autoroutes aussi fréquentées ! Quand on pense que, de surcroît, ces axes ne sont pas éclairés en pleine nuit, on s’étonne que les accidents graves ne soient pas plus nombreux, ce dont je me félicite évidemment. J’ajoute que ces nids-de-poule sont particulièrement dangereux pour ceux qui circulent en deux-roues car, même en voiture, on est passablement secoué !
J’espère que les efforts budgétaires de l’État pourront être plus importants et je répète qu’il conviendrait peut-être de trouver un accord avec les collectivités territoriales ; par exemple, celles-ci pourraient s’occuper de l’entretien des accès, tandis que l’État centrerait son action sur les voies de circulation elles-mêmes.
coopération européenne en matière de litiges familiaux transfrontaliers
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la question n° 243, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la garde des sceaux, je suis heureuse d’avoir enfin l’occasion de vous interroger sur les litiges familiaux transfrontaliers, un sujet sur lequel j’ai déposé une question écrite il y a près d’un an. J’avais également déposé une question écrite sur l’exécution par la France d’un mandat d’arrêt allemand émis pour recouvrer une créance alimentaire d’environ 5 000 euros ; cette question est restée également sans réponse. Je perçois dans ces retards la marque d’une certaine gêne, qui me semble injustifiée.
En pointant les drames humains engendrés par les divorces transfrontaliers, je ne cherche en aucune façon à stigmatiser tel ou tel État. Je me réjouis d’ailleurs qu’une grande partie des divorces binationaux se résolvent sans drame. Restent des cas, minoritaires mais terriblement douloureux, dans lesquels des enfants sont coupés de tout lien avec l’un de leurs parents. Éluder les problèmes est une attitude qui ne me semble pas responsable ; elle mène inévitablement à un pourrissement auquel, profondément pro-européenne, je ne peux me résoudre.
Madame la garde des sceaux, vous m’avez écrit que « la coopération entre les autorités centrales françaises et allemandes est excellente ». Cette excellence ne viendrait-elle pas d’une tendance de l’autorité centrale française à se déclarer non compétente sur certains dossiers difficiles et à considérer comme forcément légitime toute requête allemande ?
Je ne peux que m’interroger devant les multiples cas qui me sont rapportés. Le temps qui m’est imparti ne me permet pas d’énumérer les problèmes récurrents, mais je voudrais souligner que ces problèmes ont été soulevés par des parents de toutes nationalités au sein d’instances internationales comme le Parlement européen et le Comité des droits de l’homme de l’ONU. La France serait-elle donc seule à juger qu’il n’y a pas de problème ? Combien faudra-t-il encore de vies brisées et de procédures kafkaïennes avant que notre pays ne réagisse ?
L’Allemagne n’est pas le seul État concerné. Du reste, il ne s’agit nullement de dénigrer les pratiques de nos partenaires, mais d’œuvrer en faveur d’une harmonisation minimale des législations familiales.
Certes, le droit de la famille constitue une prérogative souveraine des États, mais le principe juridique de l’intérêt supérieur de l’enfant est inscrit dans le droit international. Maintenir des contacts personnels avec les deux parents, la fratrie et les grands-parents constitue un droit fondamental des enfants, de même que le droit d’être élevé dans le respect des deux langues.
Les accords européens Bruxelles II bis et Rome III ont constitué une avancée appréciable en limitant les possibilités de recours au tribunal le plus avantageux. Toutefois, ils ont aussi des effets pervers dans la mesure où ils permettent l’application automatique des décisions d’un autre État de l’Union européenne. N’aurait-il pas fallu construire un socle minimal commun en matière de justice familiale avant de supprimer les exequatur ? Quelle est la volonté de la France de pousser à des efforts d’harmonisation des justices familiales en Europe ? Concrètement, dans quelles instances ces négociations pourront-elles se dérouler ?
Compte tenu des tensions observées au Parlement européen lorsque ce thème a été abordé, ne serait-il pas opportun de créer une plateforme favorisant un travail serein mais franc, en bilatéral ou en multilatéral ? Je pense, par exemple, à une commission rassemblant des responsables des administrations concernées, des professionnels de la justice familiale et des parlementaires, ainsi que les Défenseurs des droits et des enfants des États concernés ; elle pourrait travailler à la convergence des législations et des pratiques, mais aussi favoriser un déblocage des dossiers les plus sensibles, par exemple quand des autorités étrangères refusent de reconnaître des décisions de justice françaises.
Organiser des coopérations entre professionnels de la justice familiale des différents États membres pourrait également favoriser une harmonisation par le bas.
Par ailleurs, des efforts pourraient être menés à l’échelle franco-française. En particulier, un contrôle de proportionnalité pourrait être instauré avant l’exécution d’un mandat d’arrêt européen. Certes, un tel contrôle n’est pas explicitement prévu par la réglementation européenne, mais plusieurs pays l’appliquent, répondant en cela aux inquiétudes de la Commission européenne devant la multiplication des mandats d’arrêt européens pour des infractions mineures.
De même, un interlocuteur pourrait être désigné pour accompagner les parents dans les méandres de la coopération judiciaire internationale et les orienter vers des organismes adaptés lorsque l’autorité centrale s’estime non compétente. Dans de nombreux cas, en effet, les parents ne trouvent pas auprès de cette autorité le soutien et l’orientation dont ils ont besoin.
Aujourd’hui, 13 % des couples européens sont binationaux et cette proportion ne cesse d’augmenter ; l’enjeu est donc considérable. Nous ne pouvons plus fermer les yeux : les enfants d’aujourd’hui feront les adultes de demain, en Europe !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, je suis profondément désolée que nous ne puissions nous rencontrer qu’aujourd’hui pour traiter de la question que vous soulevez. Cependant, vous le savez, je n’ai aucune influence sur le calendrier des travaux du Sénat.
C’est avec plaisir que je m’apprête à vous répondre, encore que j’aie noté que votre question avait substantiellement changé de contenu. En effet, dans le texte de la question orale tel qu’il a été enregistré, vous évoquiez essentiellement les pétitions présentées devant le Parlement européen et mettant en cause l’Office allemand pour la protection de la jeunesse, dont les décisions se révèlent insatisfaisantes.
Vous êtes aujourd’hui dans une autre « dynamique » puisque vous proposez la mise en place d’une commission et d’un certain nombre de dispositifs permettant de traiter plus efficacement, de façon bilatérale ou multilatérale, les situations en cause. Vous l’avez dit vous-même, et je le confirme, la question concerne non pas uniquement l’Allemagne, mais, d’une manière générale, tous les pays.
Nous avons évidemment le souci de l’harmonisation du droit, sachant que l’absence d’une telle harmonisation peut peser sur les familles concernées.
Nous avons des principes juridiques communs, en l’occurrence ceux de la convention internationale des droits de l’enfant, que la France a signée et ratifiée. Aux termes de l’article 9 de cette convention, il est explicitement précisé que, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, des liens directs et réguliers sont maintenus avec le parent absent.
En revanche, nous n’avons pas un droit de la famille commun avec nos partenaires de l’Union européenne, tout simplement parce que ce droit ne relève pas de la compétence de celle-ci. Cela signifie que l’Union européenne ne peut pas concevoir un instrument juridique qui s’imposerait à tous les États.
Nous avons avec l’Allemagne quelques accords bilatéraux ; je pense notamment à celui qui concerne le régime matrimonial optionnel de la participation aux acquêts. Toutefois, en matière d’autorité parentale, rien de tel n’existe, compte tenu de la réelle difficulté à prendre en compte dans ce cadre les éléments liés à l’histoire, à la culture et à la sociologie des différents pays. Vous connaissez suffisamment le sujet, madame la sénatrice, pour avoir sur ce point la même appréciation que moi !
Pour autant, nous ne sommes pas démunis, même si j’ai bien entendu le jugement en demi-teinte que vous portez sur nos instruments européens et internationaux. Nous pouvons évidemment nous appuyer sur la convention de La Haye relative à l’enlèvement d’enfants, qui permet à la juridiction du pays où l’enfant a été déplacé de décider de son retour immédiat ou de prendre des mesures destinées à assurer la protection du droit de visite.
Cette convention internationale de 1980 a été complétée par un règlement européen adopté en 2003, dit Bruxelles II bis, que vous avez évoqué. Ce texte prévoit la compétence de la juridiction en question, ainsi que la reconnaissance et l’exécution de ses décisions, aussi bien en matière matrimoniale qu’en matière d’autorité parentale. Il s’agit malgré tout, d’une certaine manière, d’une norme juridique commune, dans la mesure où ce règlement s’impose à tous les pays européens. Il permet notamment de prévenir certains risques de décision contradictoire et de garantir la « circulation » des décisions entre les États.
Enfin, nous disposons de la convention de La Haye de 1993, selon laquelle l’autorité parentale définie dans un pays est maintenue en cas de déménagement dans un autre pays.
Mais j’ai bien conscience, madame la sénatrice, que vous connaissez tous ces dispositifs aussi bien que moi.
Sur le plan pratique, je peux simplement vous confirmer nos efforts d’harmonisation. Ils ne peuvent toutefois se déployer, à l’heure actuelle, que dans le cadre de Bruxelles II bis.
Il existe tout de même une certaine contradiction entre le nombre de pétitions présentées au Parlement européen, les alertes que vous recevez manifestement en votre qualité de sénatrice – je sais à quel point vous êtes mobilisée, depuis plusieurs années, sur ces sujets – et les chiffres présentés par le bureau d’entraide civile et commerciale internationale, qui relève de la Chancellerie.
Dans vos propos, vous avez pointé la tendance de ce bureau à se déclarer incompétent. Ce n’est pas ce que révèlent les chiffres, notamment pour l’Allemagne, pays pour lequel je suis en mesure de vous indiquer le nombre d’affaires traitées. Je ne manquerai pas, au demeurant, de vous communiquer le document retraçant ces éléments chiffrés.
Le nombre de dossiers et celui des décisions de retour sont à peu près équilibrés entre les deux pays.
Pour ce qui concerne les dossiers où l’Allemagne est le requérant, huit dossiers ont été clôturés en 2011 et deux en 2012. À ce jour, six dossiers sont en cours, datant de 2012 et 2013, ce qui donne une indication quant aux délais de traitement. Cela signifie en tout cas que notre bureau s’empare bien des dossiers qui lui sont confiés et procède à leur règlement.
Concernant les dossiers où la France est le requérant, cinq dossiers ont été clôturés en 2011 et douze en 2012, dont deux par décision de retour. Les autres clôtures ont été motivées par le désistement ou la carence du requérant, le caractère manifestement mal fondé de la demande ou, heureusement, un accord trouvé entre les parents. Je dis « heureusement » parce que, on le sait, ces contentieux familiaux sont extrêmement douloureux, que ce soit à l’intérieur de l’espace judiciaire européen ou qu’ils impliquent d’autres pays, dans le cadre de conventions bilatérales.
Je peux vous dire qu’il s’agit du contentieux le plus difficile à traiter, à telle enseigne que j’ai mis en place des commissions bilatérales, qui se réunissent parfois à Paris. Avec certains pays, les relations étaient rompues depuis cinq, six, voire dix ans. Face à la douleur des parents et des enfants, qui sont parfois très affligés, j’ai réenclenché tout cela. Ces contentieux doivent être appréhendés avec non seulement la rigueur du droit, mais aussi la délicatesse que suppose la nature du sujet.
Je propose que nous nous revoyions, madame la sénatrice, pour étudier comment nous pourrions mettre en place les propositions que vous formulez aujourd’hui et qui vont au-delà de celles que vous m’aviez initialement adressées.
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Madame la ministre, je vous remercie beaucoup de votre réponse et des avancées qu’elle permet d’envisager.
Il s’agit effectivement, vous l’avez souligné vous-même, de cas douloureux. Certaines situations sont absolument tragiques puisque des enfants se voient privés de l’un de leur parent. Nous avons parfois tendance à nous réfugier derrière les chiffres, mais ceux-ci, pour modestes qu’ils soient, cachent autant de situations extrêmement pénibles. Une vie est une vie !
Selon moi, nous devons essayer d’avancer avec le plus de pragmatisme possible. Vous avez évoqué les commissions bilatérales que vous avez mises en place, ce dont je vous félicite très sincèrement.
Une commission bilatérale parlementaire existait avec l’Allemagne. Elle a été supprimée en 2005 au prétexte que l’accord de Bruxelles II bis supprimait les problèmes. Or tel n’est pas le cas.
Je tiens également à rappeler que de nombreux parents, connaissant les difficultés de l’entreprise, n’osent pas alerter les autorités françaises. Ils savent qu’ils n’auront peut-être pas les moyens d’assurer leur défense, en payant un avocat. Ainsi, ils renoncent très souvent à faire valoir leurs droits et en arrivent parfois à adopter des comportements désespérés, comme nous pouvons le voir avec les enlèvements d’enfants.
Je vous remercie de votre proposition, madame la garde des sceaux, et serai très heureuse de travailler avec vous. Nous avons déjà œuvré ensemble sur d’autres sujets totalement différents, et je connais votre détermination.
hauteur du gué du mont-saint-michel
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 173, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.
M. Philippe Bas. Ma question concerne le Mont-Saint-Michel, où un projet très important est envisagé depuis maintenant de nombreuses années, qui consiste à rétablir le caractère maritime du site.
Pour ce faire, la digue-route qui a été construite au xixe siècle sera supprimée et remplacée par une passerelle qui ne fera pas obstacle au passage des flots. Ainsi, le Mont-Saint-Michel retrouvera effectivement son caractère insulaire.
Ce beau projet, qui concerne un élément du patrimoine universel que notre pays a en dépôt, est malheureusement quelque peu terni par la construction d’un gué à la sortie du Mont-Saint-Michel, qui atteindra une hauteur de 7,30 mètres. Naturellement, quand on arrivera sur le site, on ne verra que le Mont-Saint-Michel. Mais quand on en ressortira, on aura face à soi une sorte de barrière de béton constituée par ce gué, qui défigurera donc les abords de l’abbaye.
Pourquoi le construire ? On invoque des impératifs majeurs de sécurité et d’évacuation des visiteurs si, à marée haute, l’un d’entre eux a besoin de secours urgents. Cette raison justifierait, du point de vue de l’administration, dont je reconnais qu’il a été constant jusqu’à présent, de pouvoir évacuer des visiteurs à sec, par ce gué, sur lequel pourront se poser des hélicoptères.
Les associations de défense du site, de nombreux architectes et la population familière du Mont, héritière de celle qui a accompagné la vie de l’abbaye au long des siècles, considèrent que ces arguments de sécurité méritent aujourd’hui d’être réexaminés.
Ma question n’a pas pour objet de demander que l’on renonce immédiatement à la construction de ce gué, quand bien même il défigurerait pendant des décennies les abords du site. Il s’agit de faire part au Gouvernement de notre souhait qu’une étude soit conduite pour essayer de mettre en place des solutions de remplacement qui répondraient autant que ce gué aux exigences de sécurité des visiteurs, mais qui n’auraient pas l’inconvénient de défigurer le site.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de ma collègue Aurélie Filippetti, qui regrette profondément de ne pas pouvoir répondre personnellement à cette question essentielle, sur laquelle elle a tenu à se pencher dans les plus brefs délais. En effet, elle a répondu le 25 octobre dernier à votre courrier du 18 octobre 2012. Elle a donc fait diligence et pris des dispositions pour que l’objet de votre question soit étudié avec la plus grande rigueur. Elle m’a chargée de vous transmettre les éléments suivants.
Depuis plus de dix ans, l’État met avec constance en avant un objectif de sécurité des visiteurs et des personnes qui travaillent ou habitent sur le Mont.
Comme vous l’avez indiqué, témoignant ainsi de la connaissance précise que vous avez du site, le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel prévoit la suppression des parkings situés au pied du rocher et de la digue-route reliant celui-ci au continent de manière permanente, ouvrage qui serait remplacé par un pont-passerelle prolongé par une jetée. Il est prévu un terre-plein d’accès qui accueillera les visiteurs arrivant du continent par des navettes ou à pied.
Le ministère de la culture et de la communication vous indiquait dans son courrier qu’il envisageait de solliciter un nouvel arbitrage quant à la hauteur du gué, afin de déterminer s’il était possible de limiter l’impact visuel du terre-plein.
Le 5 décembre 2012, s’est tenue une réunion interministérielle à l’issue de laquelle la cote de 7,30 mètres a été confirmée par le Premier ministre. Cette hauteur constitue en effet un compromis entre les considérations de sécurité et la dimension esthétique.
Selon les expertises effectuées en matière de sécurité, tout nouvel abaissement de la cote aurait pour effet d’augmenter la durée d’insularité du Mont, insularité qui serait également plus fréquente et, de surcroît, se produirait lors de périodes de grande fréquentation touristique.
Les moyens de secours que vous évoquez sont performants en période normale, mais il faut tenir compte des situations dégradées. Ainsi, ni les véhicules amphibies ni un hélicoptère ne pourraient, toujours selon ces expertises, procéder à une évacuation de masse en période d’insularité. La prise en compte de ce risque a donc justifié le maintien de la cote de 7,30 mètres.
Mme la ministre de la culture me prie de vous faire savoir qu’elle n’est nullement insensible à l’aspect esthétique des abords du Mont. Personnellement, j’y suis aussi particulièrement attachée, tout comme l’est, je n’en doute pas, M. le ministre de l’éducation nationale. (M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale, acquiesce.)
Nous aurions aimé pouvoir vous satisfaire en abaissant la hauteur de la digue. Vous la souhaiteriez, me semble-t-il, à 6,70 mètres.
M. Philippe Bas. Plus bas encore ! (Sourires.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quoi qu’il en soit, je suis sûre que vous partagez nos préoccupations en matière de sécurité.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.
M. Philippe Bas. Votre réponse, madame la ministre, ne me surprend pas. En vérité, nous aurions souhaité, comme nous l’avons demandé à de nombreuses reprises, que les expertises ne soient pas toujours conduites par les mêmes, c'est-à-dire par l’administration, qui n’a aucune raison de se déjuger depuis maintenant plus de dix ans qu’un arbitrage dans le sens que vous avez indiqué a été rendu.
En posant de nouveau cette question, j’étais animé par le souci de convaincre le Gouvernement de donner un caractère plus objectif à sa réponse, que nous percevons un peu comme une réponse d’autorité, en voulant bien confier à une commission indépendante le soin de réexaminer la question en cause.
Bien entendu, aucun d’entre nous ne souhaite prendre le moindre risque en matière de sécurité. Pour autant, les conséquences d’ordre esthétique de l’édification du terre-plein prévu sont tellement graves que la construction de ce gué nous paraît mériter, à tout le moins, un examen complémentaire avant le lancement des travaux, qui est maintenant imminent.
Madame la garde des sceaux, je suis sûr que vous relaierez ma préoccupation auprès de Mme la ministre de la culture, dont c’est la mission de préserver ce joyau du patrimoine universel.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’y veillerai, monsieur le sénateur.
conséquences des erreurs de calcul du prélèvement pour les fonds nationaux de garantie individuelle des ressources
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 385, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.