M. Jean-Claude Gaudin. Il y a le TGV ! (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas. Il nous faut saluer la hauteur de vues de Michel Mercier, alors président du conseil général du Rhône, et de Gérard Collomb, maire de Lyon et président du Grand Lyon, qui ont su proposer une vraie clarification et une simplification, avec la création d’une collectivité territoriale nouvelle, aux compétences étendues et clairement définies. Dans le Rhône et à Lyon, de vrais choix ont été faits !
Clarté et efficacité sur les bords du Rhône et de la Saône, mesdames les ministres, nébulosité et inefficacité sur les rives de la Seine : telle est la réalité.
Le projet de métropole en Île-de-France n’est pas inspiré, c’est le moins que l’on puisse dire. Il y a d’abord une erreur de méthode manifeste : Paris Métropole ne pouvait être la pythie espérée. Il y a aussi, sans doute, un problème de leadership : ni le maire de Paris ni le président de la région n’ont pu ou su proposer un schéma novateur qui puisse répondre aux attentes des Franciliens. En effet, il existe, en Île-de-France plus qu’ailleurs, l’envie et le besoin d’une métropole et d’une gouvernance renouvelée.
L’Île-de-France crève de l’inefficacité et de l’empilement des structures. Pourtant, il y avait une source d’inspiration : le Grand Paris. Cette inspiration, on la retrouve d’ailleurs à certains égards, malgré les clivages, dans la version finale du prochain schéma directeur, qui reprend en partie la vision d’un Grand Paris métropole mondiale. Si nous ne partons pas d’une vision, nous ne parviendrons jamais à régler les problèmes institutionnels de l’intercommunalité en Île-de-France.
Curieusement, quand nous parlons de la métropole francilienne, le Gouvernement déconnecte l’organisation institutionnelle du projet d’ensemble du Grand Paris ; du moins en donne-t-il le sentiment. Ce mal est sans doute celui de l’administration qui, dans son ensemble, considère trop souvent que l’intercommunalité en Île-de-France est une chose et que le Grand Paris en est une autre.
La construction du Grand Paris en Île-de-France doit évidemment s’appuyer sur l’intercommunalité, en partant de la vision proposée par les architectes, du tracé du réseau du Grand Paris Express et des contrats de développement territorial qui sont en cours de négociation. Même le schéma directeur de la région d’Île-de-France en prend acte : il est parlant que le projet de loi n’en fasse pas mention.
Cela étant, nous avons pris collectivement, me semble-t-il, le problème par le mauvais bout.
Tout d’abord, on a voulu imposer une toise à 300 000 habitants pour le développement de l’intercommunalité – la commission propose de la ramener à 200 000 habitants –, ce qui est vécu comme une perte de proximité et une régression démocratique.
Ensuite, vous proposez d’ajouter une couche supplémentaire au millefeuille territorial, ce qui n’est pas acceptable. Vincent Delahaye interviendra sur ce sujet.
Enfin, vous n’accordez pas à Paris Métropole, qui serait un syndicat mixte, les compétences de base que vous attribuez aux collectivités et aux métropoles d’équilibre. Je veux dire mon désaccord avec l’idée de centrer Paris Métropole sur le logement : cela peut être une finalité à terme, mais non un point de départ. Les maires le vivent comme un dessaisissement. Je ne vois pas ce qu’apportera cette complexification supplémentaire.
En ce qui concerne la question du périmètre, deux visions existent, entre lesquelles il faut maintenant trancher.
Tout d’abord, si l’on retient l’aire urbaine de Paris comme périmètre de la métropole, on se condamne en réalité à reprendre le périmètre de la région d’Île-de-France, puisque 95 % de la population de cette dernière y vit.
Le second schéma, que Philippe Dallier exposera avec le talent qu’on lui connaît, commence un peu à dater.
M. Philippe Dallier. Ce n’est pas ma faute ! (Sourires.)
M. Vincent Capo-Canellas. Il consiste à inclure dans le périmètre Paris et la petite couronne, la métropole remplaçant les départements.
En conclusion, la proposition de la commission des lois nous paraît plus réaliste que celle du Gouvernement. En ce qui concerne l’Île-de-France, le texte fait fausse route : il faut repartir de zéro. En revanche, les métropoles d’équilibre représentent une avancée que l’on peut saluer. En résumé, nous devons modifier ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, je commencerai par le commencement, c’est-à-dire par le projet du Gouvernement, produit d’une gestation difficile : il n’en existe pas moins de trois versions connues, la dernière tronçonnée en trois parties, ce qui ne facilite pas vraiment l’acquisition d’une vue d’ensemble, si tant est que celle-ci soit possible.
En outre, le nombre d’articles du projet de loi est passé de 79 à 145 et il n’est plus question de décentralisation. À la place, on nous propose un projet managérial de réorganisation de l’usine administrative, dans l’air du temps libéral mais à mille lieues de l’esprit des lois de 1982 et de 1983, un projet politique celui-là, donnant le pouvoir aux élus pour dynamiser le pays : c’est ce qui s’est passé, les collectivités territoriales assurant progressivement entre 70 % et 75 % de l’investissement public, en maintenant leur endettement au-dessous de 10 % du PIB ; qui dit mieux ? Aujourd’hui, c’est en les empêchant d’agir qu’on entend les rendre plus performantes ! La France d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, nous a-t-on dit : on s’en aperçoit tous les jours…
Tout avait pourtant commencé dans l’enthousiasme des états généraux de la démocratie territoriale, précédés de réunions départementales et conclus dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Pour le millier d’élus locaux présents, la première attente était d’être reconnus, autrement dit de voir remplacer le catalogue disparate des dispositions supposées faciliter l’exercice des mandats locaux par un authentique statut de l’élu territorial. Si j’ai bien compris, c’est pour bientôt !
Les élus locaux attendent également toujours des réponses à leurs deux principales préoccupations : pouvoir boucler leurs budgets quand ressources et charges évoluent en sens inverse, d’une part, se dépêtrer des contraintes bureaucratiques qui, loi après loi, décret après décret, arrêté après arrêté, circulaire après circulaire, les ligotent. Le pacte de gouvernance territoriale, qui en remet une couche, va certainement les combler ! Mais, là aussi, le choc de simplification, c’est pour bientôt…
Ce qu’attendent vraiment les élus locaux, c’est toujours pour bientôt ! (M. Roger Karoutchi rit.) L’urgence est ailleurs : communiquer et répondre aux préoccupations des oligarques de Bruxelles, du FMI, des fondations politiques, des lobbies, que sais-je encore… Ah oui, j’oubliais l’OCDE, dont le dernier rapport annuel sur la France vaut le détour. Je vous en cite un passage : « Simplifier la structure des administrations infranationales, notamment en fusionnant les plus petites des 36 700 communes et en supprimant les départements, engendrerait des économies d’échelle substantielles. » Supprimer l’OCDE permettrait également de faire des économies ! (Rires.)
Selon l’exposé des motifs du projet de loi, l’objet de celui-ci est de faire « participer [les collectivités] à l’effort de redressement des finances publiques pour assurer notre souveraineté budgétaire ». Assurer notre souveraineté budgétaire aujourd’hui, sauver notre triple A hier : il n’y a pas vraiment de changement !
Comment concentrer la richesse et du pouvoir dans une quinzaine de zones urbaines et paralyser le reste du territoire, le tout étant placé sous surveillance des chambres des comptes, permettra-t-il d’améliorer la compétitivité du pays, sa balance commerciale, de doper son taux de croissance, de faire diminuer le chômage ? Personnellement, je ne vois pas.
En attendant, le message est clair : l’État étant endetté, ses caisses vidées, les collectivités territoriales doivent moins dépenser pour être à même de se passer de son aide et se désendetter pour sauver la face à Bruxelles et à Berlin.
Pour atteindre ces objectifs, il existe une méthode éprouvée.
Premièrement, il faut réduire l’autonomie fiscale des collectivités et le dynamisme de leurs ressources. Tel fut l’objet de la réforme du précédent quinquennat, sur laquelle il ne semble pas que l’on veuille revenir.
Deuxièmement, il faut réduire l’autonomie des plus petites collectivités en leur retirant leurs compétences essentielles – notamment en matière d’urbanisation – au profit d’intercommunalités vastes et le plus intégrées possible. C’est l’objet du projet de loi de développement des solidarités territoriales que nous examinerons bientôt et, à un moindre degré, de celui que nous discutons aujourd’hui.
Troisièmement, il faut pousser à la concentration de la richesse dans les territoires les plus riches, évidemment les plus densément peuplés, pour doper leur « compétitivité », en espérant, selon le crédo libéral, voir « ruisseler » la richesse ainsi produite à leur périphérie. Tel est l’objectif visé par la multiplication des métropoles, lesquelles concentreront l’essentiel des ressources de leur département et réduiront d’autant ses potentialités péréquatrices – ce qui aura également des effets sur les régions –, sans parler de la ponction de 32 millions d’euros ainsi opérée sur la dotation d’intercommunalité. Mais ne soyons pas mesquins !
Quatrièmement, il faut enserrer les acteurs publics dans une série de contraintes qu’ils auront eux-mêmes négociées et acceptées : l’organisation de la servitude volontaire, en quelque sorte. C’est le rôle du pacte de gouvernance territoriale décliné en couches de schémas, toile d’araignée dont les moucherons communaux ne pourront s’échapper, sauf à renoncer à tout soutien financier extérieur. Le mandat régional suffira à peine à l’élaboration d’un pacte qui, à peine bouclé, devra être révisé !
Cinquièmement, il faut mettre ces acteurs sous contrôle de juridictions financières, prétendument indépendantes, c’est-à-dire non élues et responsables devant personne. Je vous renvoie aux articles 5 et 8 du présent projet de loi, ainsi qu’à l’article 18 du projet de loi relatif au développement des solidarités territoriales.
Lors de votre audition au Sénat, madame la ministre, vous nous avez dit que le premier objectif de la réforme était de « rétablir la confiance entre les élus et l’État », le deuxième de « clarifier l’organisation territoriale et les tâches de chacun », le troisième de « renforcer la démocratie locale ».
Drôle de façon de rétablir la confiance que de placer les élus sous surveillance, étrange manière de clarifier en organisant l’auto-paralysie des élus ! Quant au renforcement de la démocratie locale, nous y reviendrons le moment venu.
Je me félicite donc que notre commission des lois ait suivi son rapporteur, René Vandierendonck, qui a pris l’initiative courageuse de revisiter le texte. Il n’est pas si fréquent de voir le Parlement se souvenir que, même sous la Ve République, il n’est pas obligé d’avaliser tout ce qu’on lui transmet.
Directement inspiré des travaux de la mission Belot et des conclusions du rapport d’information Krattinger-Gourault qui en est issu, le texte de notre commission, en supprimant les dispositions du projet de loi les plus attentatoires à l’esprit de la décentralisation, crée les conditions d’un accord du Sénat sur l’essentiel, comme cela avait été le cas de la mission Belot. L’esprit de la décentralisation, c’est la liberté.
La servitude volontaire, sous la pression de la pénurie et sous surveillance de hauts fonctionnaires spécialisés, n’est pas la liberté. Que ceux qui en doutent considèrent seulement comment l’Europe s’est auto-paralysée par sa camisole de traités dont, depuis plus de vingt ans, on attend en vain un miracle économique.
Sans aller aussi loin, on peut évoquer l’inconscience avec laquelle le Sénat lui-même a soumis notre droit d’amendement et le pouvoir d’examen de ses commissions à l’arbitraire du président de la commission des finances, désigné pontife infaillible de l’article 40 de la Constitution ! Jacques Mézard l’a rappelé ce matin.
Des suppressions ont été opérées par la commission, qui concernent le pacte de gouvernance territoriale, la tutelle des préfets, des chambres régionales des comptes et, d’une certaine façon, de la région sur l’action des autres collectivités, le transfert automatique des compétences des départements aux métropoles en cas de désaccord prolongé.
Restent évidemment nombre de points encore loin de faire consensus et aussi importants que le choix de certains chefs de file, la définition des compétences des métropoles, l’organisation et le nombre de celles-ci.
Manquent enfin des outils permettant aux territoires, qu’ils soient très urbanisés ou ruraux, de s’organiser en réseau d’acteurs sur un vaste territoire, éventuellement discontinu. Ce sera l’objet de cette première lecture.
Madame la ministre, j’ai lu quelque part que vous vous prépariez à un « bras de fer avec le Sénat ».
M. Pierre-Yves Collombat. Si c’est vrai, c’est dommage : obtenir un accord avec l’assemblée qui représente les collectivités territoriales serait certainement la meilleure marque de confiance envoyée aux territoires.
M. Pierre-Yves Collombat. Rendez-vous compte : une réforme qui ne compliquerait pas la vie des élus locaux, dont dépend tout de même la dynamique de nos collectivités, mais qui au contraire la simplifierait ! Ce serait une nouveauté absolue, un rêve ! Alors rêvons, puisque nous en avons encore le temps… (Applaudissements sur la plupart des travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, quelle occasion manquée ! En effet, à l’heure de débuter l’examen d’un ensemble de projets de loi qui devait décliner un nouvel élan décentralisateur dans notre pays, force est de constater la faiblesse du projet qui nous est soumis. Croyez-moi, pour avoir suivi l’élaboration de ce ou ces textes depuis des mois, je suis évidemment très déçu de devoir introduire ainsi mon propos.
Le constat est sévère, mais il découle d’abord de l’importance que nous accordons à l’enjeu. Dans un pays qui doute de lui-même, cette grande loi, ce possible acte III de la décentralisation que nous appelions de nos vœux devait affirmer notre capacité à libérer les énergies, à renforcer l’efficacité d’une action publique et collective qui est le socle de la réponse que nous devons apporter aux crises actuelles et, surtout, à conforter la solidarité territoriale, exigence majeure du temps.
Cet élan ne s’exprime guère dans cette première mouture d’un projet de loi qui illustre surtout la difficulté de moderniser notre pays, la force des patriotismes d’organisation et un conservatisme frileux devant toute offre de réforme.
Ce réquisitoire, mesdames les ministres, ne vous est pas personnellement adressé, et nous savons l’énergie que vous avez déployée pour tenter de trouver un accord et une majorité au-delà des très petits dénominateurs communs. Non, il s’adresse à tous, à des réseaux d’élus qui n’ont eu de cesse de défendre leur pré carré, et plus globalement à une société française qui ne s’est pas assez saisie de l’enjeu et qui a d’abord exprimé des craintes, par ailleurs légitimes, comme celle de voir les territoires les moins forts être encore plus fragilisés. C’est notamment ainsi que nous pouvons analyser le résultat négatif du référendum alsacien, que nous déplorons.
Face à ces craintes, pouvant se traduire par un repli nostalgique sur les organisations territoriales les plus anciennes et les plus rassurantes, car les plus connues et pratiquées, il nous fallait, il nous faut toujours promouvoir une vision d’avenir lisible quant aux compétences et ambitieuse quant aux objectifs. Nous avons encore quelques jours devant nous pour accomplir cette tâche !
Le « saucissonnage » de l’élaboration de la loi en trois périodes très éloignées dans le temps n’aide évidemment pas, c’est peu de le dire. Commencer par un chapitre consacré aux métropoles est très dangereux : nous estimons toujours que le couple région-métropole aurait, à tout le moins, dû être étudié comme un ensemble. Madame la ministre, pour reprendre votre belle phrase de ce matin, il fallait éviter de laisser croire que nous étions dans la métropolisation de la stratégie de Lisbonne.
M. Ronan Dantec. Si nous soutenons la reconnaissance du fait urbain à travers l’attribution de compétences nouvelles, ce qui inclut la prise en compte des nouveaux enjeux environnementaux – nous y reviendrons –, cette absence de renforcement conjoint des capacités de planification et d’aménagement du territoire régional, d’une part, et des dynamiques urbaines, de l’autre, amoindrit la force politique du texte et affaiblit encore la confiance de nos concitoyens.
Ne nourrissons pas les votes de repli ! La loi doit expliquer comment nous renforçons un aménagement équilibré du territoire. À ce propos, un de nos amendements, relatif aux pôles métropolitains, tend à affirmer que les métropoles doivent s’engager dans un nouveau dialogue avec les territoires environnants, qu’elles doivent notamment, en coordination avec des régions qui, demain, assumeront des compétences économiques encore plus fortes, jouer la carte du développement des villes moyennes. Ces dernières détiennent pour partie les clefs de leur propre avenir, en tant qu’alternative à un modèle de concentration dont les limites se mesurent à l’aune de l’extension de l’étalement urbain.
Concernant les enjeux environnementaux, que vous avez évoqués dans votre propos liminaire, madame la ministre, parmi les responsabilités fortes qui incombent aujourd’hui aux collectivités territoriales, nous insistons sur le nécessaire renforcement de leurs compétences en la matière, ce qui doit aboutir à la désignation claire dans ce texte de chefs de filat. Plusieurs de nos amendements vont dans ce sens.
Dans mon introduction, j’ai été assez sévère quant à la difficulté éprouvée par les réseaux de collectivités territoriales pour dépasser leurs patriotismes d’organisation. Néanmoins, leur attitude ne se résume pas à ces blocages : nos collectivités sont également capables de se coordonner dans un intérêt général partagé. Je serais assez mal placé pour affirmer l’inverse !
Ainsi, dans le cadre du débat sur la transition énergétique, les collectivités ont pris l’habitude de travailler ensemble et de défendre des propositions discutées en commun. Ce travail a abouti à des mentions consensuelles dans le rapport final du groupe de travail sur la gouvernance réuni dans le cadre du grand débat sur la transition énergétique.
Il appartiendra évidemment au projet de loi relatif à la transition énergétique, porté par Delphine Batho, de tracer un cadre cohérent et complet en la matière. (Mme la ministre acquiesce.) Cependant, il serait tout de même illogique et incompréhensible que le texte discuté aujourd’hui, qui affirme le fait urbain, ne comporte pas de dispositions permettant aux grandes villes de prendre toute leur part dans la transition énergétique.
M. Ronan Dantec. Mes chers collègues, en six minutes, il m’est impossible d’évoquer la totalité des enjeux ; il est temps de conclure.
Nous avons insisté sur les extrêmes faiblesses du texte dont nous débattons, qui, sur certains points, nous semble même potentiellement en retrait après sa réécriture par la commission. Ce constat ne nous empêche pas de rendre hommage à l’important travail accompli par les rapporteurs et par M. Sueur.
L’idée initiale de mettre en place un pacte régional animé par le président de région, même si elle ne fait pas consensus dans cet hémicycle, nous semblait constituer une piste intéressante pour dépasser certains blocages. J’espère que nos débats nous permettront de revenir sur ce point.
Surtout, comme Hélène Lipietz l’a déjà fortement affirmé, sans élection directe ni processus démocratique, l’action des métropoles n’aura pas de légitimité. Le traitement de cette question déterminera le jugement que le groupe écologiste portera in fine sur le travail sénatorial sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Gaudin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Claude Gaudin. Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles est évidemment très important pour l’évolution du fonctionnement des collectivités territoriales dans leur ensemble. Mais, pour Marseille, il est plus important encore.
J’ai l’honneur d’être le maire de la deuxième ville de France depuis dix-huit ans. Je connais donc non seulement les difficultés, mais aussi les potentialités extraordinaires de cette cité. Le statut de métropole peut et doit être une clef de son avenir et un levier essentiel pour son développement, en liaison étroite avec toutes les communes de son territoire.
Je voudrais énoncer aujourd’hui devant le Sénat trois affirmations simples.
Premièrement, s’agissant de la création de la métropole Aix-Marseille-Provence, le texte du Gouvernement, encore sensiblement amélioré par la commission des lois, s’inscrit dans une évolution naturelle.
Deuxièmement, il s’agit d’une démarche nécessaire, aussi bien pour Marseille que pour tout le territoire de l’agglomération. Ce processus n’enlèvera rien à personne et apportera beaucoup à tout le monde !
Troisièmement, même si ce projet de loi concernant l’évolution institutionnelle est très important, l’essentiel est au-delà : il est dans le projet métropolitain que ce texte permettra d’établir, d’affirmer et de développer dans les prochaines années et décennies.
M. Jean-Claude Gaudin. Cela étant, mesdames les ministres, il y a des conditions à respecter et, quant au présent texte, des modifications à discuter, des précisions à apporter.
Depuis vingt ans, les ferments de la cohérence métropolitaine se sont renforcés à partir du développement économique, de l’aménagement du cadre de vie, des dynamiques globales en matière de lutte contre le chômage, la pauvreté et l’exclusion.
Toutefois, Marseille et le territoire de son agglomération sont encore au milieu du gué et, on peut le dire, en retard par rapport aux dynamiques territoriales d’autres grandes villes françaises ou européennes. Il nous faut considérer à la fois l’exemple de Lyon et celui de Barcelone.
En effet, un retard initial n’a toujours pas été rattrapé. Il date de 1966, lorsque Marseille, sur la décision de son maire, n’est pas montée dans le premier train des communautés urbaines de France,…
M. René Vandierendonck, rapporteur. C’est vrai !
M. Jean-Claude Gaudin. … avec Lyon, Strasbourg, Lille et Bordeaux.
De ce fait, même si elle a développé d’importants projets à l’extérieur de ses frontières communales, notamment celui du port de Fos, Marseille est restée trop seule pour affronter les problèmes de ces cinquante dernières années : décolonisation, désindustrialisation, mondialisation.
Aussi, lorsque la loi de 1999, dite « loi Chevènement », a ouvert une nouvelle fenêtre – étroite mais opportune – pour monter dans le train des communautés urbaines, la majorité du conseil municipal et le maire de Marseille n’ont pas hésité à créer l’échelon intercommunal qui manquait. Toutefois, pour des raisons politiques et techniques, le territoire de cette intercommunalité n’a pas été aussi étendu qu’il aurait dû l’être.
Sur ce schéma territorial, la communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole s’est mise en place et s’est affirmée depuis treize ans, dans ses compétences et dans ses projets. Son bilan lui vaut d’être aujourd’hui devenue un échelon essentiel et à part entière de l’organisation territoriale. Elle a même résisté aux soubresauts d’une alternance démocratique qui avait été décidée non par le suffrage universel, mais par le conseil de communauté lui-même !
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Jean-Claude Gaudin. En même temps, il était devenu évident, aux yeux de beaucoup, que la communauté urbaine, sous cette forme, n’était qu’une étape. J’en étais conscient, de même que le conseil municipal de Marseille, dans sa très grande majorité. C’est la raison pour laquelle, sur le fondement de la loi de 2010, celui-ci a voté, en juin 2011, la demande de principe de transformation de la communauté urbaine en métropole.
Toujours à la recherche du consensus, j’ai indiqué que le Gouvernement allait trop vite, trop fort, trop loin ! Notre communauté urbaine compte dix-huit communes, et on nous parle de passer à quatre-vingt-douze !
Cependant, je connais trop les conséquences et le prix de la lenteur administrative française pour craindre aujourd’hui les risques de l’accélération, même si la vitesse ne doit pas être la précipitation.
À ce sujet, le report de 2015 à 2016 de la mise en place de la métropole Aix-Marseille-Provence semble acquis : je m’en félicite. Le regroupement des six intercommunalités, soit quatre-vingt-douze communes et plus de 1,8 million d’habitants, est la réponse du Gouvernement concernant l’échelle de la métropole que nous devons construire, à condition que ce ne soit pas une structure supplémentaire venant s’ajouter au millefeuille administratif français.
En tout état de cause, un préalable doit être réaffirmé absolument : la prééminence des maires.
La métropole est un EPCI. Qui dit EPCI dit coopération intercommunale. Cela signifie que les maires sont la source de la légitimité démocratique,…
M. Jean-Claude Gaudin. … qu’ils sont à la base et au cœur des processus décisionnels.
C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à garantir une véritable place aux maires au sein de la conférence métropolitaine, qui pourrait se voir doter de compétences déléguées par le conseil de métropole.
Par ailleurs, les maires devront garder un rôle pour tout ce qui touche au droit des sols et à l’aménagement, notamment au travers du plan local d’urbanisme, le PLU, et du programme local de l’habitat, le PLH. Mes chers collègues, nous avions réussi à dix-huit communes ; évidemment, à quatre-vingt-douze, c’est plus difficile, mais pourquoi n’espérerions-nous pas ?
Dans certaines présentations politiques et polémiques du projet, il est parfois prétendu que Marseille voudrait imposer sa domination et exporter ses problèmes, voire ses handicaps, sur l’ensemble du territoire. Rien n’est plus faux ! Marseille n’a aucune tentation hégémonique, de même qu’elle n’a aucune volonté de faire payer par les communes alentour ses projets et ses dépenses de fonctionnement.
D’ailleurs, il faudra m’expliquer pourquoi une ville qui a inversé la spirale du déclin, accueilli 80 000 nouveaux habitants, créé 40 000 nouveaux emplois et vu naître 20 000 entreprises supplémentaires depuis dix-huit ans ne serait pas digne et capable de s’asseoir à la même table que les autres villes de son agglomération ! Sa gestion, rigoureuse et honnête, est reconnue par les agences de notation. Marseille a stabilisé sa dette par habitant et l’effort fiscal a été consacré à l’investissement. Elle n’a pas de leçon à recevoir, pas plus qu’elle n’en donne à quiconque.
Le résultat est là : depuis vingt ans, Marseille est dans une dynamique de renouveau et assume elle-même son ambition et les projets qui en découlent.
Dans son histoire passée, présente et future, Marseille a compté, compte et comptera d’abord sur elle-même, sur ses propres forces, ses moyens, sa volonté, son énergie. Mais il est également évident que Marseille profite à l’ensemble de la population et des communes de l’agglomération. Tous les habitants de l’agglomération utilisent les services de Marseille, beaucoup viennent travailler à Marseille, se font soigner à Marseille, se rendent au stade, à l’opéra et au théâtre à Marseille. Par conséquent, un échelon d’intercommunalité doit être assumé et organisé en tant que tel sur un territoire élargi, organisé et solidaire.
On ne peut pas continuer à dire qu’il y a trop d’embouteillages chaque jour aux entrées de Marseille et pas assez de transports collectifs intra muros ou intercommunaux sans prendre les mesures qui s’imposent pour développer les infrastructures de transport à l’échelle de l’agglomération. Puisque l’on nous laisse du temps, c’est par là qu’il faudra commencer,…