M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour défendre l'amendement n° 527.
Mme Isabelle Pasquet. L’article 30 de ce projet de loi, qui porte création de la « métropole d’Aix-Marseille-Provence » – nous verrons si elle garde cette dénomination –, constitue la démonstration de ce que nous ne cessons de dire depuis le début de nos travaux concernant le déficit démocratique qui caractérise la définition des métropoles.
Dans les Bouches-du-Rhône, ce ne sont pas moins de 109 maires sur 119, de toutes sensibilités politiques, qui vous ont fait part, madame la ministre, de leur opposition au projet métropolitain pour Marseille.
Et pourtant, malgré cette opposition massive des élus locaux, le Gouvernement, qui refuse légiférer sur l’encadrement des salaires des patrons – alors que cela pourrait avoir des conséquences pour des millions de salariés – souhaite imposer sa vision de la décentralisation, même si les populations la refusent.
Cela ne signifie pas, il s’en faut, que celles et ceux qui s’opposent à ce projet refusent d’élaborer des outils de coopération, tels ceux que Mlle Joissains a décrits à l’instant.
Vous le savez bien, madame la ministre, puisque, au moment même où les 109 maires du département vous manifestaient leur refus de voir se constituer cette métropole, ils vous remettaient un projet alternatif qui, bien que sans doute imparfait, aurait pu constituer la base d’un travail mené par l’État et les élus locaux dans un esprit de concertation, de dialogue et de respect.
Beaucoup de réunions ont eu lieu, c'est vrai, au cours desquelles vous vous êtes livrée à de longues explications. Il reste que les élus ont le sentiment de ne pas avoir été suffisamment entendus. Ils estiment même qu’ils ont parfois été méprisés et stigmatisés…
Mme Isabelle Pasquet. … comme c'est d’ailleurs, hélas, souvent le cas pour ce qui concerne les Bouches-du-Rhône. Du reste, c’est là un sentiment que la population éprouve également.
Il convient de respecter ces élus et cette population, laquelle refuse aussi la construction d’une telle métropole et préfère – on la comprend – en appeler à la responsabilité de l’État pour qu’il assume enfin ses missions essentielles dans un département frappé de plein fouet par la crise, le chômage et la désindustrialisation.
En lieu et place de cela, cet article nous propose de transposer dans les Bouches-du-Rhône la même politique d’austérité et de rigueur qu’on entend imposer à d’autres populations sur le territoire national.
Or les populations ont besoin de solidarité nationale et d’un renforcement des moyens d’action des pouvoirs publics en matière de santé et de transports. Elles nourrissent des projets ambitieux, dont certains ont déjà vu le jour – je pense par exemple à la gratuité des transports à Aubagne.
Comment la population concernée pourrait-elle accepter la mise en place d’une fiscalité unique qui aura pour effet de priver les élus locaux des capacités d’intervention dont ils disposent aujourd’hui pour répondre aux besoins de cette population, des besoins que ces élus connaissent parfaitement puisqu’ils côtoient celle-ci au quotidien ?
Compte tenu de l’opposition massive des élus locaux, et par respect pour le projet alternatif qu’ils ont proposé, qui repose sur des principes fondamentaux comme la coopération des territoires dans le respect de leurs différences, je vous invite à supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je voulais dire à Roland Povinelli, à Sophie Joissains et à Isabelle Pasquet que la commission des lois a reçu, à trois reprises au moins, les représentants des 129 maires des Bouches-du-Rhône, et qu’elle les a écoutés avec respect. Et il continuera d’en être ainsi puisque nous n’en sommes qu’à la première lecture de ce projet de loi.
René Vandierendonck a remarquablement exprimé, ce dont je le remercie, une conviction que je partage profondément avec lui : le statu quo est impossible. Il faut avancer vers une construction qui soit solide.
À ce jour, nous notons trois évolutions.
La première concerne la date de la mise en place de la métropole, qui a été reculée du 1er janvier 2015 au 1er janvier 2016. Cela laisse du temps, conformément aux souhaits des maires que nous avons reçus.
La deuxième évolution touche un point qui vous importe beaucoup, ainsi qu’à tous les maires : l’urbanisme et le droit des sols. Que fait-on sur le sol de la commune ? Je sais que M. Povinelli y est viscéralement attaché. À cet égard, nous avons trouvé une solution en instaurant des conseils de territoire qui permettront d’assurer la pluralité, la diversité et le rapprochement avec le terrain.
À mes yeux, l'amendement n° 260 rectifié bis, qui a été voté voilà quelques minutes, et à une large majorité, constitue une troisième avancée.
J’ai vu des communautés d’agglomération ou de communes où le représentant de la ville-centre, généralement son maire, considérait que, représentant X % du territoire, il était normal que celle-ci dispose de X % des voix. Eh bien, non ! Ce n’est pas ainsi que l’on joue la carte de l’intercommunalité !
Le fait que, par cet amendement, le poids des communes autres que Marseille soit augmenté va dans le bon sens.
J’ai grand scrupule à parler de l’intercommunalité devant des spécialistes comme Gérard Collomb, Edmond Hervé, Roland Ries, Jean-Claude Gaudin, et bien d’autres encore. J’ai moi-même présidé une intercommunalité et j’ai bien compris que celle-ci ne fonctionne que si les élus de la plus petite commune ont la certitude qu’elle profite à leurs habitants.
À ce stade, il y a donc eu trois avancées. Le débat va se poursuivre, avec la navette parlementaire. Mais j’exclus deux issues, mes chers collègues : d’une part, que nous cessions de nous écouter et de dialoguer avec les élus des Bouches-du-Rhône ; d’autre part, le statu quo et le fait de trouver de fausses raisons pour ne pas avancer. Vous avez d'ailleurs tous dit que vous vouliez avancer.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. René Vandierendonck, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Monsieur le président, je vais avant tout m’efforcer de répondre à un certain nombre de questions que se posent les maires de l’aire métropolitaine concernée.
Je voudrais d’abord dire à Mme Pasquet qu’il n’y a jamais eu de mépris pour les élus.
Mme Isabelle Pasquet. Je dis ce qu’ils ont ressenti !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai participé au moins à une quinzaine de réunions, soit avec des élus qui demandaient à discuter par petits groupes, soit avec des présidents d’intercommunalité, seuls ou à plusieurs. Nous y avons consacré de nombreuses heures de travail.
Nous nous sommes tous mis d’accord sur le constat, que reprennent à la fois ceux qui sont favorables à la création de cette aire métropolitaine, dont Jean-Claude Gaudin, et ceux qui sont plus réticents, comme Mlle Joissains, M. Povinelli ou Mme Pasquet. Avant d’entamer la discussion au Sénat, je me disais même que, si nous perdions sur ce dossier, nous aurions au moins gagné, sur le fond, quelque chose d’important : cet accord sur le constat.
En fait, la différence entre nous est extrêmement mince. Faut-il créer une strate supplémentaire – établissement public, pôle métropolitain, syndicat mixte, peu importe – aux côtés des intercommunalités en place ? Les essais qui ont été tentés n’ont pas été concluants. Mais on me dit que ce ne serait plus le cas aujourd’hui… Il reste qu’on ajouterait encore une strate, et avec les difficultés que cela implique : les membres de cet établissement public supplémentaire doivent établir des règles, en particulier en matière de financement, ce qui est nécessairement compliqué. En dehors du versement transports, dont tout le monde reconnaît qu’il doit être versé à la nouvelle structure, nous n’avons pas trouvé de consensus sur les ressources de ce nouvel établissement.
Mademoiselle Joissains, vous faites référence au document de la Commission européenne indiquant que nous avons trop de strates administratives, mais vous nous proposez d’en créer une autre !
Nous pensons au contraire que, avec la même force que celle qui émane de tous les maires de cette aire métropolitaine, nous pouvons créer non pas un établissement chapeautant les établissements existants, mais un établissement intercommunal unique, avec des conseils de territoire sur chaque périmètre des anciennes intercommunalités, afin d’assurer la proximité.
Je confirme d’ailleurs que tous les maires siégeront au conseil de territoire qui les concerne. Nous y avons réfléchi, avec Gérard Collomb, qui, dans sa grande aire métropolitaine, avait rencontré des difficultés concernant la gestion de proximité. À partir de l’expérience des conférences des maires du Grand Lyon, que nous avons trouvée intéressante, nous avons proposé d’instituer ces conseils de territoire épousant le périmètre géographique des anciennes intercommunalités, de manière que les maires qui ont l’habitude de travailler ensemble puissent continuer à le faire.
Cette proposition de simplification de la gestion de la grande aire métropolitaine a soulevé de nombreuses questions sur tout ce qui concerne les compétences. Malheureusement, lorsqu’on crée une structure intercommunale de cette nature, le droit nous oblige à lister toutes les compétences qui sont issues des communes avant de pouvoir les attribuer aux conseils de territoire.
Au-delà du fait que les communes gardent la clause de compétence générale, elles conservent l’urbanisme, l’eau, l’assainissement, l’éducation, la santé, l’action sociale légale et facultative, l’enfance, l’emploi et l’insertion professionnelle, la culture, le sport, le service public des opérations funéraires. Je remettrai d'ailleurs un document détaillant l’ensemble des compétences dévolues aux communes, et elles sont nombreuses, à tous les maires de cette future aire métropolitaine que nous sommes un certain nombre à défendre.
Nous nous sommes par ailleurs accordés sur le fait que les six intercommunalités, qui n’en feraient plus qu’une, gèrent très peu de compétences, mais des compétences qui nous ont paru essentielles.
L’État est beaucoup intervenu sur cette grande aire métropolitaine : il est intervenu à Marseille pour créer le port ; il est également intervenu à Fos-sur-Mer, et je pense que l’engagement de l’État a été déterminant pour le devenir de tout l’ouest de l’agglomération, même si quelques difficultés apparaissent aujourd'hui ; il est intervenu à Gardanne ; l’État est à l’origine d’ITER ; il a beaucoup soutenu la zone de Rousset, dans la communauté de communes du pays d’Aix ; il est très présent à Salon-de-Provence et soutient le développement aéronautique en gérant une grande zone d’activité autour de l’aéroport.
L’État, qui a investi dans tous ces outils, financés par l’ensemble des citoyens de France, répondant en cela à la demande des populations, comme vous l’avez souhaité, se dit que ceux-ci doivent servir le développement économique. D’où la mise en commun des idées de chacune des intercommunalités et l’attribution de la compétence du développement économique à la métropole, avec son corollaire indispensable qu’est la compétence transports.
Mme Pasquet l’a rappelé, les transports sont gratuits à Aubagne. Mais même la gratuité des transports pourrait faire l’objet d’une discussion : j’ai arpenté cette grande aire métropolitaine au moins à dix reprises depuis un an et il me semble que le fait de me demander, à moi qui dispose d’un revenu plutôt confortable, de payer mon transport n’est pas forcément une mauvaise chose…
Quoi qu’il en soit, la dévolution de la compétence transports à la métropole semble indispensable parce que cette grande aire métropolitaine connaît une embolie le matin et le soir, ainsi que des difficultés de circulation ; les étudiants d’Aix-Marseille peuvent en témoigner, tout autant que les salariés.
Ainsi, le développement économique, les transports, le logement, l’environnement – l’examen des amendements nous permettra de mesurer les enjeux en la matière –, l’enseignement supérieur et la recherche sont les grandes compétences stratégiques accordées à la métropole, qui bénéficiera en outre, bien sûr, de la vivacité d’esprit et de la grande faculté d’innovation qui caractérisent son territoire.
Les conseils de territoire, pour leur part, géreront des compétences de proximité. Nous avons également beaucoup arpenté le Grand Lyon. Mais nous avons aussi apprécié de pouvoir visualiser sur une grande maquette comment tout cela s’articulait ! Il est vrai que cette gestion de proximité est efficace. Comme tous les maires seront présents, il faudra déterminer, en fonction des compétences des anciennes intercommunalités, si certains conseils de territoire veulent plus de compétences que d’autres. Cela dit, les échanges que j’ai eus me donnent à penser qu’ils opteront tous à peu près pour le même périmètre de compétences.
Les communes, enfin, exerceront toutes les compétences que j’ai citées tout à l’heure, ainsi que celles qui sont les leurs aujourd’hui, puisque, je le confirme une nouvelle fois, elles jouissent aussi de la clause de compétence générale.
J’ai en outre constaté, comme partout en France, que naissait une opposition concernant le plan local d’urbanisme. Il existe une vraie réticence, de la part de l’ensemble des élus de France, devant l’intercommunalisation de cette question.
J’ai beaucoup apprécié le travail de la commission des lois consistant à alléger les schémas à l’échelle de la région. À terme, en effet, notre objectif doit être l’élaboration d’un grand schéma régional d’aménagement du territoire, duquel dépendront les SCOT et les PLU. (M. Ronan Dantec acquiesce.)
Nous avons toutefois entendu le message des présidents d’intercommunalité. De la même manière que les responsables de la communauté urbaine de Marseille ont décidé – M. Gaudin et M. Caselli ont joué là un rôle essentiel – que chaque commune pourrait travailler sur le document d’urbanisme, la cohérence et la synthèse étant ensuite assurées au niveau de l’aire métropolitaine, chaque conseil de territoire y travaillera et l’on établira ensuite un document de cohérence qui s’appellera le PLU intercommunal.
M. Jean-Claude Gaudin. Bien sûr !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ces façons de travailler, que vous avez expérimentées, peuvent très bien s’appliquer à l’aire métropolitaine. L’angoisse des maires de voir leur territoire leur échapper n’est donc pas fondée.
M. Povinelli a parfaitement raison de souligner que, dans une région comme la sienne, rares sont les maires qui n’ont pas succombé à la tentation d’une urbanisation forcée, extrêmement rentable pour la collectivité locale. À cet égard, nous devons vous dire notre admiration, monsieur le sénateur, parce que la commune d’Allauch, qui a su préserver les espaces, est devenue aujourd'hui d’un grand intérêt pour l’ensemble de l’intercommunalité. Pour ce faire, vous l’avez souligné, il a fallu résister aux pressions. D’autres que vous – j’en parlais récemment avec Gaby Charroux – résistent aussi à de nombreuses propositions d’investisseurs dans leur commune. Il convient donc de respecter cette formidable envie des élus municipaux de pouvoir rester maîtres de leur territoire.
Nous sommes d’accord sur les compétences. En fait, ce que nous demandons, c’est de faire simple. Nous demandons aussi qu’on fasse preuve d’un certain courage. Mais il n’est pas question pour moi d’opposer le courage de ceux qui vont voter la création de cette métropole à une prétendue absence courage de ceux qui ne l’approuveront pas ! Gardons-nous de telles comparaisons ! Moi, j’entends bien les réticences de certains élus, je n’ignore nullement les difficultés qu’ils mettent en avant. Du reste, nous avons beaucoup d’estime pour tous les élus de cette région, comme pour tous les élus de France.
Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui sont favorables à la métropole, qui seraient « modernes », qui vont de l’avant et qui réussissent, et ceux qui y sont hostiles, qui seraient « conservateurs » ou je ne sais quoi. Non ! Il y a ceux qui pensent que la métropole d’Aix-Marseille-Provence est une grande chance pour les populations et il y a ceux qui n’en sont pas convaincus.
Moi, j’ai cette conviction, mais il est vrai que j’habite loin de cette grande zone. Cela étant, je le répète, je m’y suis tout de même rendue à dix reprises depuis un an…
M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Vous allez vous y installer ?... (Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin. Je le lui ai déjà proposé ! (Rires.)
Mme Marylise Lebranchu, ministre. … et j’ai pu mesurer combien cette région, dont Mlle Joissains décrivait très bien les différentes facettes la semaine dernière, est attachante. Elle n’en connaît pas moins d’importants problèmes en matière de transports, de logement et de développement économique. Elle a ici un instrument lui permettant de les régler, pour le plus grand bien de sa population, j’en suis certaine, ne serait-ce qu’en termes d’emploi, domaine dans lequel la concurrence nous commande de rester très vigilants.
Nos concitoyens ont besoin d’emplois, de logements, de transports. Si nous réussissons cet engagement, je pense que cette belle aire métropolitaine d’Aix-Marseille-Provence sera, pour la France et pour l’Europe, une grande porte sur la Méditerranée.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne peut être que défavorable à ces amendements de suppression de l’article 30. Ma conviction étant en train de se transformer en passion, ce qui n’est jamais bon pour un représentant du Gouvernement, je ne reprendrai plus la parole à ce sujet.
En tout cas, après une année de travail acharné, je pense que nous ne rendrions pas service aux populations de cette grande aire métropolitaine si nous ne leur offrions pas la simplicité d’une organisation qui respectera les maires et, via les conseils de territoire, les anciennes intercommunalités. Dans quelques années, j’en suis persuadée, on applaudira la réussite d’Aix-Marseille-Provence. (Applaudissements sur le banc des commissions.)
M. Jean-Claude Gaudin. Je l’espère bien !
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Pasquet, pour explication de vote.
Mme Isabelle Pasquet. Ce sont surtout les propos du rapporteur qui m’incitent à intervenir en cet instant.
Pour les élus des Bouches-du-Rhône, cette proposition du Gouvernement ressemble terriblement à la loi de 2010, à laquelle ils s’étaient farouchement opposés – tous les élus de gauche qui ont participé au débat d’alors peuvent en témoigner.
Voyant donc venir ce projet de loi du nouveau gouvernement, ces élus, conscients qu’on ne peut pas s’en tenir au statu quo, ont néanmoins voulu faire évoluer les collectivités. C’est la raison pour laquelle, s’inscrivant dans le cadre de la loi de 2010, ils se sont demandé s’il ne convenait pas d’instituer un pôle métropolitain, après avoir, quelques années plus tôt, envisagé la constitution de syndicats mixtes, notamment pour les transports.
Il s’agit donc bien de faire évoluer la situation et de travailler ensemble pour apporter des réponses aux besoins des populations.
Nous travaillons ainsi depuis des mois sur ce projet, y compris avec vous, madame la ministre. Je ne peux donc que bondir lorsque j’entends le rapporteur déclarer qu’il faut en finir avec les laboratoires de réflexion : c’est bien une forme de mépris et de stigmatisation ! On semble sous-entendre que les élus des Bouches-du-Rhône ne sont pas capables de s’occuper de leurs affaires et qu’il faudrait s’en charger pour eux ! (Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Je suis désolée, madame la ministre, mais c’est bien comme cela que c’est vécu dans le département !
Je ne me lasserai pas de le répéter, la proposition de l’union des maires des Bouches-du-Rhône n’est sans doute pas parfaite, mais elle peut constituer une base de discussion. Les élus ont participé à toutes les rencontres et ont cherché à formuler des solutions ; on ne peut pas toujours rejeter leurs propositions et les renvoyer au projet du Gouvernement ! (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
M. Ronan Dantec. Vous vous en doutez, le groupe écologiste ne soutiendra pas ces amendements.
Depuis près d’une semaine, je mesure ma chance puisque, sur l’ensemble des questions abordées au cours de cette discussion, je peux m’appuyer sur une position unanime des écologistes. Cela a été le cas pour le cadre général de la loi, avec la position de la fédération des élu(e)s Verts et écologiste, mais aussi pour Lyon, et c’est le cas maintenant pour la métropole marseillaise.
Il ne faut pas croire que tous les élus locaux sont contre la création de cette métropole ! Dans une déclaration de l’ensemble des élus écologistes de la métropole, qui rassemble des élus d’Aix, d’Aubagne, de Marseille, de Cuges-les-Pins, d’Auriol, etc., tous se montrent favorables à sa création. Et leur position se nourrit de leur expérience quotidienne d’élus locaux ; tous disent, par exemple, les difficultés rencontrées dans le domaine des transports publics.
Bien sûr, chaque maire est porteur de l’identité spécifique de son territoire, mais, au cours de ce débat, personne n’a dit que l’organisation actuelle des transports publics était vue comme une réussite par les habitants de cette aire métropolitaine dans leur vie quotidienne ! Les élus écologistes, quant à eux, voient plutôt des difficultés. Et il en va de même dans d’autres domaines, notamment celui du logement. Pour en avoir discuté avec Laurent Théry, qui a longtemps été animateur de grands projets urbains dans l’agglomération nantaise, ainsi qu’avec des aménageurs de la région marseillaise, je connais les difficultés de ce grand territoire.
Par conséquent, il faut absolument bouger ! La réponse viendra nécessairement d’une intégration des politiques publiques à l’échelle du véritable bassin de vie.
Cela ne nous empêche évidemment pas d’être attentifs aux demandes des élus locaux. Le sénateur-maire de Marseille l’a fait tout à l’heure en insistant sur l’importance de la présence des maires et le respect des anciennes intercommunalités. Mais il ne faudrait pas non plus être dogmatique quant au respect des intercommunalités existantes ! Disons simplement que cela se discute…
Je suis donc heureux de pouvoir m’appuyer sur une position commune des élus écologistes pour dire qu’il faut construire la métropole marseillaise.
M. le président. La parole est à M. Roland Povinelli, pour explication de vote.
M. Roland Povinelli. Le grand Boileau a écrit que l’art oratoire consiste à dire beaucoup de choses en peu de temps. Comme l’heure tourne, j’appliquerai cet axiome.
M. le président. Personne ne vous en voudra ! (Sourires.)
M. Roland Povinelli. Je ne reprendrai pas ce qu’a dit excellemment Mme Pasquet et je n’anticiperai pas sur les propos de Mlle Joissains. Je vous fais donc grâce de l’intervention que j’avais préparée. Boileau avait raison ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains, pour explication de vote.
Mlle Sophie Joissains. Je suis totalement d’accord avec les propos de ma collègue Isabelle Pasquet.
Cela étant, j’ai écouté avec intérêt l’intervention de M. Dantec : oui, mon cher collègue, il existe des problèmes de transports dans les Bouches-du-Rhône, personne ne le nie ! Mais comment pouvez-vous affirmer que la création de la métropole réglerait d’un claquement de doigts tous les problèmes de transports ?
C’est l’État qui ne les a pas réglés ! Et, dans les Bouches-du-Rhône, cela dure depuis trente ans !
Ce n’est pas parce qu’il existera une seule autorité organisatrice de transports que, d’un seul coup, les problèmes seront réglés !
M. Ronan Dantec. Ça peut aider, tout de même…
Mlle Sophie Joissains. Nous venons justement de mettre en place un système de syndicat mixte s’occupant des transports : nous demandons simplement qu’il soit expérimenté ! Si, au bout de deux ans, il s’avère que ce système ne fonctionne pas, nous sommes tous d’accord – 109 communes sur 118 – pour que, après une approbation par le Parlement, l’article 30 s’applique.
Donc, métropole ou pas, il y aura une seule autorité organisatrice de transports. Mais qu’on arrête de nous rebattre les oreilles en disant que ça ne marche et que c’est la faute des communes ! C’est l’État qui n’a pas fait son travail ! (Mme Isabelle Pasquet applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. Je représente un département très proche des Bouches-du-Rhône puisque nous sommes pratiquement limitrophes.
Nous sommes très attentifs, depuis toujours, à ce qui se passe dans les Bouches-du-Rhône. Chaque fois que des difficultés économiques ont touché ce département, Marseille en particulier, nous en avons supporté indirectement les conséquences.
C’est pourquoi, en tant qu’élu du département des Alpes-de-Haute-Provence, je suis très embarrassé. Mais j’ai finalement choisi.
Je suis très embarrassé parce que je sens bien que tous ceux qui sont intervenus ont exprimé un besoin d’évoluer et de construire quelque chose autour de Marseille. Ni Roland Povinelli, ni Isabelle Pasquet, ni Sophie Joissains ne me contrediront : une envie d’aller plus loin est perceptible.
Je rends hommage à Mme la ministre pour toutes les négociations qu’elle a menées et qui ont fait progresser la discussion, mais je constate que la majorité des maires concernés ne sont pas « chauds » du tout et l’ont fait savoir.
Cela signifie que les négociations ne sont pas allées jusqu’au bout. C’est la raison pour laquelle j’ai, pour ma part, décidé de voter les amendements de suppression.
Je vous demande de considérer mon vote non pas comme la manifestation d’une volonté d’abandonner toute idée de nouvelle structure pour Marseille et ses alentours, qu’on l’appelle métropole ou autrement, mais comme un appel à continuer les négociations, au moins jusqu’à l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale, pour trouver une solution qui donnera satisfaction à tous, y compris au Gouvernement.
Je partage l’avis du Gouvernement et je rejoins les propos tenus par le Président de la République et le sénateur-maire de la ville, Jean-Claude Gaudin, hier, à Marseille : on ne peut plus continuer ainsi. Toutefois, les décisions doivent être prises en accord avec une grande majorité de maires. (Mlle Sophie Joissains applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote.
M. Gérard Collomb. Je comprends que les maires s’interrogent face à la création de la métropole. Je le comprends d’autant mieux que je connais l’histoire de la communauté urbaine de Lyon.
Je l’ai déjà dit, lorsqu’elle fut fondée, en 1966, hormis le maire de Lyon et de celui de Villeurbanne, tous les maires de ce qui allait devenir la communauté urbaine de Lyon y étaient défavorables. Puis, ils y sont entrés et, petit à petit, ils ont compris quelle force donnait la construction d’un ensemble plus grand. Au début, seules des compétences basiques étaient concernées, à une époque où, dans le Grand Lyon, dix-huit communes n’avaient encore aucun système d’assainissement collectif.
Progressivement, de nouvelles compétences sont venues s’ajouter. L’intégration économique et urbaine s’est développée et de grandes stratégies ont été définies.
Cher Roland Povinelli, le Grand Lyon dispose d’un PLU intercommunal, ce PLU que redoutent tant d’agglomérations ! Le nouveau PLU est en cours d’élaboration et a déjà donné lieu à une vingtaine de réunions. Je peux vous assurer qu’il existe un dialogue entre le Grand Lyon et les communes, et que rien ne se fait contre la volonté de ces dernières.
Quant aux PLH – sujet toujours un peu délicat –, ils sont toujours adoptés à l’unanimité, car nous essayons de tenir compte des avis des uns et des autres.
J’aime beaucoup l’agglomération marseillaise. À une époque de ma vie où je faisais du bateau, je me rendais pratiquement chaque week-end à Marseille. J’ai donc une tendresse particulière pour cette ville.