M. Hervé Maurey, rapporteur. Eh oui !
M. Henri Tandonnet. Cela permettrait aux médecins ruraux d’être moins seuls, puisqu’ils auraient la possibilité d’échanger et de s’appuyer, en cas de besoin, sur l’expertise de confrères ou de médecins spécialistes.
Pour conclure, j’indique que je partage pleinement les propositions de notre collègue Hervé Maurey. Madame la ministre, il est essentiel d’ouvrir le chantier de la formation des médecins généralistes dans les conditions réelles de leur exercice futur pour remédier à la gravité de la situation. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Dantec.
M. Ronan Dantec. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer à mon tour la qualité et l’importance du travail accompli par la mission d’information sur la présence médicale sur l’ensemble du territoire.
Il s’agit de garantir l’accès de tous aux soins médicaux, qui est un droit fondamental et un enjeu majeur d’aménagement du territoire. Le rapport d’information met au jour un paradoxe français : notre pays consacre des sommes très importantes aux dépenses de santé, le nombre de médecins y est élevé et, pourtant, nous avons vu apparaître des fractures territoriales, des « déserts médicaux », remettant en cause l’accès de tous aux soins, y compris dans des départements dont le nombre d’habitants croît, comme la Loire-Atlantique, où le phénomène se manifeste déjà à cinquante kilomètres de Nantes.
Après avoir dressé un constat et établi des prévisions qui ont de quoi inquiéter, les auteurs du rapport d’information formulent des propositions fortes pour alimenter le débat. Si elles ne sont pas en contradiction avec le pacte territoire-santé que vous avez présenté à la fin de l’année 2012, madame la ministre, elles posent sans tabou la question de la liberté d’installation des médecins, ce qui n’était pas si évident.
Nous avons noté les paroles fortes du président Jean-Luc Fichet, qui n’écarte pas l’option de mesures coercitives, ou encore celles du rapporteur Hervé Maurey sur la régulation.
Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une répartition inégale des professionnels de santé sur le territoire. Or le rapport d’information rappelle à juste titre que les dispositifs actuels, fondés sur l’incitation, ne fonctionnent pas.
Hervé Maurey a également insisté sur la faiblesse de l'évaluation des mesures prises – une faiblesse évidente dans la conduite de l'action publique. Elle ne se résume pas à ce sujet, mais ne perdons pas une occasion de le souligner.
Cela étant, nous nous retrouvons dans les propositions du rapport, dont la diversité permet de répondre à différents aspects du problème. Il y aurait évidemment beaucoup à dire, mais je centrerai mon propos sur quelques points.
Pour assurer la couverture du territoire, nous, écologistes, proposons de définir une véritable mission de service public de la médecine générale et soutenons la logique du conventionnement sélectif. Nous saluons donc le ton volontariste du rapport, qui énonce des propositions en vue « du seul intérêt général », alors que « le souci de ne pas heurter les médecins et les futurs médecins a jusqu'à présent paralysé nos gouvernants ».
Le rapport nous apprend que 60 % des jeunes médecins n’envisagent pas de s’installer en zone rurale. Le choix pour un médecin de s’installer dans un certain lieu implique non seulement la proximité d’un plateau technique, mais aussi, potentiellement, un emploi pour son conjoint, une école pour ses enfants et, plus globalement, la présence de services publics.
C’est là que le problème des déserts médicaux rejoint la problématique plus transversale de l’aménagement du territoire. Pour les écologistes, cette question englobe aussi le problème de l’accessibilité territoriale et celui de l’accessibilité financière. En réalité, les déserts médicaux ne se trouvent pas que dans des zones rurales délaissées, mais également dans certains quartiers populaires ou certaines banlieues. Je tiens à signaler que, à l’intérieur même de Paris, l'agence régionale de santé identifie trois zones fragiles ou déficitaires en termes d’accès aux soins.
Les déserts médicaux ne souffrent pas que du manque de médecins. Un désert médical peut aussi, évidemment, être le signe d'une souffrance économique.
Nous avons eu la semaine dernière un intense débat autour de la question métropolitaine. Nous considérons que si l’opposition entre urbain et rural n’a plus cours dans notre pays – c’est une profonde mutation dont il nous reste encore à cerner toutes les implications –, des solidarités nouvelles doivent se faire jour via une organisation des territoires en réseau. Cela recoupe la question qui est posée aujourd'hui.
À cet égard, les écologistes continueront de se battre pour le maintien, dans les villes petites et moyennes, de services publics de qualité, aux premiers rangs desquels se trouvent des hôpitaux, qui permettent justement de renforcer l'attractivité de certains territoires. Ainsi, dans le débat sur le maintien des petits hôpitaux – le Finistérien Fichet connaît bien la mobilisation à Carhaix, qui a même inspiré un film de fiction –, il ne faut plus se limiter à une approche comptable ou technique : il convient d’intégrer le rôle de l'hôpital local dans le maintien alentour d'un tissu de médecins généralistes ou spécialistes.
Plus largement, le rapport est en phase avec la vision des écologistes selon laquelle il conviendrait d’établir avec la profession de nouvelles missions pour la médecine générale : suivi du dossier médical ainsi que des avis spécialisés, coordination avec les intervenants sanitaires et sociaux, participation à des actions de prévention et d’éducation. En clair, une culture générale plus large sur ces questions s’impose. En amont, comme le dit très justement le rapport, cela implique une évolution de la formation des médecins. Hervé Maurey a parfaitement défini l’enjeu d'une formation plus large, qui ne peut se résumer à une formation technique, aussi pointue soit-elle.
Nous souscrivons également aux propositions du rapport visant à favoriser le regroupement des activités, mesure qui est demandée par les professionnels.
La création de maisons de santé et de l’autonomie prioritairement dans les zones déficitaires doit, selon nous, être soutenue par les pouvoirs publics, mais à certaines conditions : les médecins doivent être conventionnés en secteur 1, le projet de santé proposé doit être solide et ces maisons de santé doivent comprendre d’autres professionnels de santé – car les déserts paramédicaux existent aussi ! – ainsi qu’un poste spécialisé en éducation pour la santé et la santé environnementale. Sur ce dernier point, vous connaissez notre sensibilité, et il est essentiel – dans un débat qui, justement, cherche une approche sanitaire plus globale – que nous intégrions tout de suite, en amont, ces questions cruciales de la prévention qui sont le parent pauvre du système de santé français.
Pour améliorer l'accessibilité financière, nous appelons à mener un bilan approfondi de la tarification à l’acte et à faire cesser les dépassements d’honoraires des spécialistes, qui entraînent un report de consultations non urgentes vers les urgences des hôpitaux, aboutissant à un engorgement des hôpitaux publics extrêmement coûteux et préjudiciable à leur bon fonctionnement.
Bref, les problèmes sont nombreux, et je voulais insister, au cours de ces quelques minutes, sur le fait que nous ne pouvons pas dissocier cette accessibilité géographique de l'accessibilité financière.
Je souhaiterais conclure en soulignant que nos déserts médicaux peuvent aussi s’exporter. Ainsi, nous savons tous que beaucoup de médecins étrangers, notamment roumains, s’installent en France. Ces derniers sont des milliers, dont l'arrivée est souvent ardemment souhaitée dans des territoires confrontés au départ à la retraite de leurs médecins généralistes. Il se trouve même aujourd'hui, en France, des « chasseurs de têtes spécialisés » qui prospectent pour des communes qui ne trouvent pas de solution.
Se pose-t-on vraiment la question de l'impact de cette situation sur la santé en Roumanie ? On parle aujourd'hui d'un déficit de 40 000 médecins dans un pays où le système de santé est très dégradé. Certes, la France n’est pas la seule responsable de cette situation, l'Allemagne l’est aussi. En Roumanie, une partie de la réponse passe d'ailleurs par le renforcement des services d'urgence, et je crois que cela fait écho à notre propre débat.
Au total, nous avons à répondre à l’enjeu de la désertification médicale, non seulement pour nos territoires, mais aussi pour ne pas exporter nos propres problèmes vers des territoires plus lointains et plus fragiles. Nous avons donc une responsabilité très importante. Il appartient au Gouvernement, au Parlement, aux professionnels de santé de l’affronter ensemble, sans demi-mesure. (Mme Évelyne Didier et M. le rapporteur applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d’emblée à souligner l’excellence du travail de nos collègues, en particulier celui du rapporteur, Hervé Maurey.
Lors de l’examen de la loi HPST, notre groupe avait porté nombre des seize propositions du groupe de travail. Cependant, nous n’avions obtenu le soutien ni du gouvernement de l’époque ni de la majorité actuelle.
Quatre ans plus tard, nous faisons le même constat et les mêmes propositions. Alors permettez-moi d’insister, une nouvelle fois, sur quatre propositions qui sont, pour le groupe UDI-UC, essentielles.
La première a trait à la promotion de la formation au métier de médecin généraliste.
Il est indispensable de promouvoir la médecine générale auprès de tous les étudiants engagés dans le cursus des études médicales. Il convient surtout de revaloriser le métier de médecin généraliste de premier recours, en portant à quatre ans la spécialité de médecine générale, soit la durée des autres spécialisations.
La deuxième proposition vise à faire évoluer les modalités d’exercice des professionnels de santé en médecine de ville.
Les maisons de santé pluridisciplinaires doivent devenir une réalité, en priorité dans les zones médicalement sous-dotées. Ce regroupement de professionnels médicaux et paramédicaux sur un même lieu permettra – chacun le sait ! – la prise en charge d’une demande de soins primaires en augmentation ainsi que la permanence de l’offre de soins.
La troisième proposition porte sur la rénovation du cadre de la coopération entre professionnels de santé.
Il est nécessaire d’envisager une nouvelle répartition des activités ou des actes existants entre les différents professionnels de santé actuels et surtout la répartition d’actes émergents entre de nouveaux métiers de soins. Il s’agit concrètement de transférer de nouvelles compétences médicales vers d’autres professionnels de santé.
Nos collègues Catherine Génisson et Alain Milon travaillent sur le sujet au sein de notre commission des affaires sociales. Pour sa part, le professeur Yvon Berland, président de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé, insiste sur la nécessité de « recentrer les médecins sur le cœur de leur métier » ou encore de « libérer du temps médical ».
Cela me conduit à la question du numerus clausus, qui doit impérativement être repensée en fonction de ce temps médical. C’est là ma quatrième observation.
Bien sûr, le temps est fini où les médecins étaient corvéables à merci, jour et nuit, dimanches et fêtes… La dernière étude de l'IRDES, l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé, parle d'une durée moyenne de travail de 52 heures par semaine, dont 61 % seulement de ce temps est consacré aux activités de soins. En effet, beaucoup de jeunes médecins n’envisagent pas de sacrifier vie de famille et vie personnelle à l’exercice de leur profession, particulièrement les jeunes mères de famille, qui, du moins en début de carrière, souhaitent exercer leurs missions à temps partiel. Je rappelle que, en 2013, 58 % des médecins sont des femmes.
Il conviendrait donc de décider du nombre de médecins à former, non pas en appliquant un ratio idéal par rapport au nombre d'habitants, mais plutôt en fonction du temps moyen consacré par chaque médecin au temps médical.
Je terminerai mon propos en évoquant une réalité pointée du doigt dans le dernier atlas de la démographie médicale publié par le Conseil national de l’Ordre des médecins : les praticiens à diplômes étrangers sont de plus en plus nombreux. On compte ainsi 21 111 médecins à diplôme étranger inscrits au tableau de l’Ordre au 1er janvier 2013, soit 7,8 % de l’ensemble des médecins. Sur ces médecins à diplôme étranger inscrits au tableau, 46,8 % ont obtenu leur diplôme en Europe.
On sait que certains de ces médecins parlent à peine français et sont parfois aidés à s’installer par les collectivités, sans aucune contrepartie.
Par ailleurs, je m’interroge sur ces jeunes étudiants français, qui, après le bac, partent faire leurs études de médecine dans d’autres pays européens. C’est ainsi que, en Roumanie, des médecins français donnent des cours, en français, à nos jeunes compatriotes. Si l'on peut faire confiance à la qualité de l’enseignement et au sérieux des critères d’équivalence, qu’en est-il du numerus clausus auquel ces jeunes Français et les autres Européens échappent ?
Madame la ministre, améliorer la répartition géographique des médecins, encourager le travail en équipe, favoriser la coopération entre les différents professionnels de santé, optimiser le temps médical, revoir les études médicales et le numerus clausus sont autant d’enjeux de taille, de chantiers à mener, sur lesquels le groupe UDI-UC vous demande de vous engager. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission du développement durable, mes chers collègues, il fut un temps où notre système de santé était cité en exemple dans de nombreux pays. Il faut admettre que ce temps est malheureusement révolu.
La crise que nous traversons a créé de fortes inégalités entre nos concitoyens. Ainsi, on a assisté à une forte augmentation des inégalités, non seulement sociales, mais également territoriales en matière de santé, engendrant une fracture sanitaire importante. Depuis cinq ans, 2 millions de Français supplémentaires ont été touchés par la désertification médicale. Les inégalités entre les territoires ne cessent d’augmenter : les délais pour obtenir un rendez-vous avec un médecin spécialiste sont de plus en plus longs.
Il était donc urgent de prendre des mesures pour donner à tous les Français un accès aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire national. Aussi, je salue l’initiative du Gouvernement, prise en décembre 2012, de mettre en place un plan global de lutte contre les déserts médicaux.
En Languedoc-Roussillon, l’agence régionale de santé vient de mettre en place un projet régional de santé qui fixe pour cinq ans les orientations et les actions visant à améliorer la santé sur ce territoire. Le diagnostic préalablement réalisé a révélé les faiblesses et les menaces que j’ai relevées à plusieurs reprises, notamment dans le département de l’Hérault. J’entends par là une désertification médicale dans les territoires ruraux et des faiblesses en matière de politique de prévention dans le Haut-Languedoc et dans le pays Cœur d’Hérault.
Gardons à l’esprit que le Languedoc-Roussillon se caractérise par un niveau de précarité significatif dans l’ensemble des départements de cette région, qui est la première en termes de nombre de bénéficiaires de la CMU complémentaire. Aussi, permettre à tous d’accéder au système de santé, d’un point de vue non seulement financier, mais aussi géographique est un objectif que nous devons atteindre.
Le paradoxe de l’Hérault est de présenter une démographie médicale importante, mais inégalement répartie sur son territoire. Par ailleurs 60 % des médecins de ce département ont plus de soixante ans. Le renouvellement des générations de praticiens doit également être pris en compte dans les projets mis en place.
Dans l’arrière-pays, les difficultés d’accès aux soins de médecine générale – je ne parle même pas d’accès aux spécialistes – sont une réalité à laquelle les Héraultais sont confrontés quotidiennement. Le regroupement de médecins et autres professionnels médicaux ou paramédicaux en un même lieu, par exemple dans les maisons de santé, nécessaires en milieu rural, peut permettre un progrès, mais à la condition incontournable que les territoires concernés présentent des attraits, c’est-à-dire qu’ils offrent des services publics de qualité. Aussi, je souhaite que le pacte territoire-santé décliné par les agences régionales de santé permette de lutter de manière efficace contre les déserts médicaux.
Des démarches ont été engagées concernant la formation des étudiants ou la transformation des conditions d’exercice des professionnels de santé par la généralisation du travail en équipe.
La création d’un nouveau statut de praticien territorial de médecine générale doit voir le jour. Ce projet a remplacé l’ancien, beaucoup plus coercitif, qui prévoyait d’imposer aux jeunes médecins généralistes sortant de l’internat de s’installer pendant une certaine période dans le ressort de celui-ci. Ce principe venait à remettre en cause le principe de la liberté d’installation des praticiens, codifié à l’article L. 162-2 du code de la sécurité sociale.
Enfin, je souhaiterais intervenir au sujet de l’hôpital d’Agde. En effet, cet hôpital, qui fait partie des hôpitaux du bassin de Thau, a fonctionné depuis 2006 avec des activités limitées et sans accueil d’urgence en raison de la proximité des urgences de Sète, de Béziers et de Montpellier. Or, durant la saison estivale, la population de la ville est multipliée par dix et la durée du trajet pour se rendre aux urgences excède trente minutes. Il serait donc tout à fait légitime d’installer un service d’urgence à Agde, ce qui, semble-t-il, vient d’être réalisé. En effet, l’organisation territoriale de la santé doit aussi tenir compte des mouvements migratoires liés à la saisonnalité.
L’objectif des dispositions réunies dans le pacte territoire-santé est de lutter contre la désertification médicale et d’inciter les jeunes médecins à s’installer dans les zones déficitaires en offre de soins. Aussi, madame la ministre, il me paraît important qu’un suivi précis de ce dispositif soit engagé afin d’y apporter, si besoin est, les corrections ou les ajustements nécessaires. (M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
M. Jean-Noël Cardoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais à mon tour m’associer aux félicitations adressées au rapporteur et au président du groupe de travail pour avoir réalisé, au nom de la commission du développement durable, un rapport à la fois complet et objectif, comprenant une description exacte de la situation.
La question des déserts médicaux se pose depuis maintenant quinze ans – je suis bien placé pour le savoir puisque le département du Loiret, dans la région Centre, est l’un des moins bien dotés en matière de médecins – et a donné lieu à de multiples initiatives disparates, voire désordonnées, de la part des collectivités qui n’ont pas toujours eu les résultats escomptés.
Certains ont fait référence, à cet égard, à des incitations financières trop élevées. Je souligne au passage que personne n’a abordé, si je ne me trompe, l’échec du démarchage de médecins d’origine étrangère organisé sur l’initiative de collectivités, lesquels, pour la plupart, sont repartis dans l’année, voire dans les six mois qui ont suivi leur venue en France. Les mesures incitatives étaient insuffisantes et quelque peu désordonnées, vous l’avez souligné, madame la ministre ; elles doivent donc être canalisées. J’ajoute que les ARS sont actuellement incapables de dresser un état des aides et des initiatives prises en la matière, comme le souligne le rapport.
Face à une telle situation, l’intitulé du rapport du groupe de travail, agir vraiment, est tout à fait approprié. Sans entrer dans le détail, je retiendrai deux axes qui me paraissent fondamentaux dans ce rapport.
Le premier, tout le monde l’a dit, c’est le fait que les gouvernements successifs ont hésité à prendre des mesures coercitives d’obligation d’installation en fonction des besoins de chaque région, et je soutiens la défense de l’exercice libéral de la profession. En revanche, il ne faut pas oublier, comme l’a fait remarquer ma collègue du groupe CRC dont je retiens l’affirmation, une fois n’est pas coutume, que l’employeur des médecins, la sécurité sociale, c’est la collectivité nationale. Il est donc légitime que cette dernière veuille réguler les installations par des moyens financiers.
Il convient donc de trouver des solutions de conventionnement à plusieurs vitesses, de suppression des dépassements d’honoraires dans les zones surdotées. Avec ces éléments d’incitation financière et de renégociation des conventions en fonction des objectifs de la sécurité sociale, je pense que nous pourrions, à terme, obtenir des résultats.
Le deuxième axe, également évoqué par tous les intervenants, c’est la réforme des études médicales.
Chacun peut souscrire, je pense, à la plupart des orientations qui ont été présentées ou formulées dans le rapport. Sans aller jusqu’à l’obligation d’exercer en zone sous-dotée pendant trois ans en début de carrière, ne faudrait-il pas réfléchir à l’instauration d’un numerus clausus à l’entrée de l’université en fonction des besoins de la région dans laquelle celle-ci est située ? La plupart des jeunes médecins formés dans une université cherchent en effet à s’installer dans un périmètre relativement rapproché. C’est en tout cas le constat que nous faisons en région Centre : la majeure partie des médecins généralistes s’installent près de Tours alors qu’Orléans, qui n’abrite pas de faculté de médecine, continue d’être sous-dotée.
J’en ai parlé à quelques confrères libéraux exerçant en milieu rural ; ils souhaiteraient que puissent être organisés, un peu sur le mode des formations en alternance, des stages pratiques adossés aux hôpitaux locaux de proximité à partir de cellules décentralisées des universités, de manière à être sous le contrôle d’une équipe médicale locale et de s’intégrer dans la vie d’une commune, afin d’inciter les médecins, par la suite, à y demeurer.
Ces deux orientations – la modulation de l’installation par des différenciations de conventionnement sans remettre en cause la liberté d’installation et une réforme des études médicales dans un sens beaucoup plus pragmatique pour se rapprocher du terrain – me paraissent fondamentales. Aussi nécessaires soient-elles, ces mesures, qui devraient être mises en œuvre, à quelques nuances près, ne produiront cependant leurs effets qu’à moyen terme. Elles doivent donc être complétées.
Je voudrais insister plus spécifiquement, après mon collègue Daniel Laurent, sur les problèmes rencontrés en milieu rural. Les maisons et pôles de santé sont nécessaires, mais ils ne sont pas suffisants, ne serait-ce que parce qu’ils ne peuvent s’implanter que dans des villes importantes, au minimum des chefs-lieux de canton, sans compter le parcours du combattant que représente leur financement, avec le projet de santé, qui permet rarement d’aboutir rapidement. En l’espèce, Daniel Laurent et Jean-Luc Fichet l’ont souligné, il faudrait faire confiance aux initiatives des maires, car ce sont eux qui reçoivent les doléances de leurs administrés lorsque se pose un problème de désertification médicale.
L’une des préconisations du rapport n’emporte pas mon assentiment : je veux parler du développement de formes de médecine salariée dans des communes moyennes ou rurales. Je ne pense pas que ce soit une bonne solution, conforme à la façon dont on conçoit l’exercice en milieu rural.
En revanche, il faut développer, en les encadrant bien sûr, certaines pratiques comme les maisons médicales de garde, qui permettent de mutualiser les gardes de week-end et de nuit sur un même territoire. Il est rédhibitoire pour un médecin de devoir assurer une permanence tous les deux jours ; si les permanences sont espacées tous les huit, dix ou douze jours ou tous les dix ou douze week-ends grâce aux maisons médicales de garde, c’est tout de même un progrès important.
Il convient également d’envisager des transferts d’actes médicaux simples vers d’autres professions de santé, en particulier en milieu rural : les infirmiers, bien sûr, mais aussi les pharmaciens peuvent, dans certains cas, pallier l’insuffisance de médecins.
Le développement de la télémédecine est une évidence, ce qui implique évidemment la couverture de l’ensemble du territoire en très haut débit. Mais nous savons que le Gouvernement s’est engagé dans cette voie.
Au-delà des maisons de santé pluridisciplinaires, il serait utile, comme nous l’avons fait dans le département du Loiret, d’aider les communes à aménager de petits locaux destinés à héberger un centre de télémédecine géré par un opérateur – une infirmière, par exemple – capable de le faire fonctionner, ou encore un secrétariat assurant les tâches administratives souvent perçues comme rébarbatives par les médecins. Et puis, lorsqu’une infirmière, un kinésithérapeute, un podologue sont regroupés dans un même lieu, cela ne peut qu’inciter un médecin généraliste à venir s’installer, comme cela s’est produit dans mon département.
Par ailleurs, il faudrait permettre à ces collectivités, sous la responsabilité du conseil général, d’organiser les transports afin que les personnes âgées ou isolées puissent se rendre dans ces maisons pluridisciplinaires ou ces petites unités.
C'est l’une des raisons pour lesquelles je ne suis pas en phase avec le rapport lorsqu’il préconise de faire des ARS le portail d’entrée unique des aides. Certes, les agences régionales de santé doivent réguler, mettre en œuvre un projet commun à partir des textes élaborés par le Gouvernement, mais elles doivent aussi laisser l’initiative aux collectivités locales, en particulier aux communes et aux communautés de communes, qui connaissent leur territoire. La rigidité de la démarche de certaines ARS – ce n’est pas une critique, c’est un constat – fera mauvais ménage avec des aménagements ou des initiatives en milieu rural.
En conclusion, à ces deux détails près, qui ont toutefois leur importance, il faut faire confiance aux communes pour apporter des solutions dans le cadre déterminé par la loi. Comme les élus de terrain ont montré leur capacité à agir d’une manière désordonnée, coordonnons leur action, mais laissons libre cours à leurs propositions, car je pense que nous aurons à y gagner. Le moment est venu de dépasser la polémique et les clivages politiques pour essayer de travailler en bonne intelligence sur le sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Deroche. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Georges Labazée.
M. Georges Labazée. Madame la ministre de la santé, je suis heureux de pouvoir m’adresser à vous une nouvelle fois dans cet hémicycle – nous commençons à bien nous connaître (Sourires.) –, mais le sujet qui nous réunit relève également de l’égalité des territoires. Il me semble que cela aurait été un signal fort que Mme Duflot soit parmi nous cet après-midi.
Comment est-il possible que se forment régulièrement des déserts médicaux dans un pays qui dispose d’un nombre globalement suffisant de médecins et consacre une fraction considérable de sa richesse aux dépenses de santé ? Pourquoi les mesures mises en place, lorsqu’elles l’ont été, se sont-elles révélées insuffisantes, voire inefficaces ? Prudence, c’est le mot que notre rapporteur a employé… Madame la ministre, je crois qu’il est temps, comme vous le faites, de continuer à faire preuve d’audace et de courage.
Une série de propositions relatives en particulier à la prise en compte de l’échelle territoriale pour mettre en œuvre une politique d’accès aux soins a retenu mon attention : la proposition n° 8, notamment, qui consiste à « favoriser l’exercice regroupé pluriprofessionnel en apportant un financement incitatif à l’installation en maisons et pôles de santé ». Pour illustrer comment une telle proposition peut être généralisée, laissez-moi vous expliquer la démarche de projet territorial de santé mise en œuvre par le département des Pyrénées-Atlantiques.
Face aux enjeux précédemment décrits par nos collègues, il est apparu que la création de maisons de santé pluridisciplinaires n’était pas forcément la seule solution au problème de désertification médicale. C’est néanmoins une première réponse. Notre conseil général a donc soutenu de nombreuses initiatives de maisons de santé pluridisciplinaires et de nombreux territoires se sont mobilisés autour de cette organisation, décrite dans un cahier des charges élaboré au niveau national. Cette organisation suppose un niveau élevé d’intégration des soins, ce qui est éloigné de la pratique actuelle de nos professionnels.
Par ailleurs, si la qualité du bâti peut être un élément d’attractivité pour les jeunes générations, c’est essentiellement la qualité de l’exercice professionnel proposé qui convainc aujourd’hui de l’installation. Je pense notamment aux regroupements, aux secrétariats médicaux ou aux systèmes d’information, autant d’éléments déjà évoqués par de nombreux collègues.
Parce qu’il faut repenser l’organisation collective des professionnels et déterminer ce qui peut les pousser à s’engager dans de nouveaux dispositifs attrayants, notre département a souhaité soutenir des projets au cœur desquels se trouvait l’innovation, non plus seulement en termes de bâti, mais aussi en termes d’organisation. Cette innovation passe par des dispositifs capables de faire levier auprès des professionnels libéraux et de susciter une dynamique locale en mobilisant les acteurs et professionnels de santé : les médecins, les infirmières, les professions paramédicales, les pharmaciens, mais également les services de soins infirmiers à domicile, les centres locaux d’information et de coordination et les pôles gérontologiques. Le but de ces dispositifs est de nous permettre réellement de répondre au défi de la transition démographique.
Nous soutenons donc des dispositifs innovants comme la PAIS, la plateforme alternative d’innovation en santé, débutée en 2009 dans le Loir-et-Cher et qui a permis de montrer l’intérêt de soutenir l’organisation collective de la médecine libérale.
Nous souhaitons également que notre département puisse expérimenter les nouvelles modalités de rémunération liées à l’organisation collective, et non plus individuelle, des médecins.
La dernière loi de financement de la sécurité sociale, présentée par vos soins, madame la ministre, met en place deux dispositifs expérimentaux pertinents, auxquels nous souhaitons participer.
L’article 45, portant sur les accords conventionnels interprofessionnels et les soins de proximité, propose de verser aux maisons, centres ou professionnels de santé s’engageant sur un objectif de coordination des soins de proximité des rémunérations spécifiques forfaitaires à négocier dans un cadre interprofessionnel.
L’article 48, traitant de l’expérimentation de parcours de santé des personnes âgées, dispose que, à compter du 1er janvier 2013 et pour une durée n’excédant pas cinq ans, des expérimentations peuvent être menées dans le cadre de projets pilotes mettant en œuvre de nouveaux modes d’organisation des soins destinés à optimiser le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, en coordonnant des acteurs très divers, en dégageant des marges de manœuvre financières, en diminuant le recours à l’hospitalisation et sa durée.
Telles sont les dynamiques locales que je tenais à évoquer cet après-midi. Elles s’expriment au travers d’une mobilisation collective de tous les acteurs professionnels de santé d’un territoire donné et soulignent le besoin d’une organisation territorialisée, permettant de mettre en réseau l’ensemble des acteurs de santé et d’aborder de nouvelles pratiques.
Madame la ministre, nous comptons sur vous pour donner aux mesures incitatives la force dont elles ont besoin pour être efficaces.