M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
Le salon mondial Vinexpo se tient à Bordeaux cette semaine, je vous y ai d’ailleurs rencontré lundi, monsieur le ministre. Je suis élu de Gironde, viticulteur et président du groupe d’études de la vigne et du vin du Sénat, et je suis inquiet, voire très inquiet.
En effet, à la suite de la décision de la Commission européenne de lutter contre le dumping chinois sur les exportations de panneaux solaires en Europe, en les surtaxant, la Chine envisage des mesures de rétorsion sévères sur les exportations européennes, en particulier de vin.
La France, premier fournisseur de ce marché avec 1 million d’euros de chiffre d’affaires et 140 millions de litres de vin vendus en 2012, pourrait subir de plein fouet ce qui n’est pas encore une guerre commerciale, mais pourrait le devenir. Le Bordeaux est le principal vin importé en Chine. Le vignoble bordelais y exporte 20 % de sa production !
Qu’a fait la Commission européenne ? Les panneaux solaires chinois se voient imposer des droits de douane à hauteur de 11,8 % depuis le 6 juin 2013. Ils passeront à 47 % le 6 août prochain si aucun accord n’est trouvé avec la Chine d’ici là. Le commissaire européen espère bien avoir une soixantaine de jours pour parvenir à une solution négociée. Je trouve que c’est bien long !
Quelles sont les mesures envisagées par la Chine ? Immédiatement, elle a annoncé l’ouverture d’une procédure d’enquête anti-dumping et anti-subvention sur les vins importés en provenance de l’Union européenne. Nous avons, dans le Bordelais, la preuve formelle que certains importateurs chinois – je vous l’ai rappelé lundi, monsieur le ministre – ont déjà pris des mesures coercitives, qui se concrétisent par la non-expédition de containers de vin en Chine.
Nous savons qu’il n’existe pas de dumping sur les vins européens ! Il y a seulement des subventions à la production de vin, en France comme en Europe.
La France et l’Union européenne respectent les règles de l’Organisation mondiale du commerce. En revanche les Chiliens sont en train d’abaisser leurs droits de douane pour gagner des parts de marché.
Nous prenons très au sérieux ce qui n’est peut-être qu’une stratégie, face à une Europe qui n’avance pas sûre d’elle-même ! Tout comme les Allemands, nous ne souhaitons pas une aggravation des différents contentieux.
Un projet de réunion des vingt-sept membres de l’Union européenne a été évoqué par le Président de la République, afin de rapprocher les points de vue dans cette négociation avec la Chine. Qu’en est-il, monsieur le ministre ?
J’ajoute que le désarroi actuel de la filière vitivinicole risque d’être aggravé par la fiscalité comportementale sur le vin, qui serait plus monétaire que pédagogique. Le groupe d’études de la vigne et du vin du Sénat s’est opposé à l’unanimité à un alourdissement de la fiscalité sur le vin, qui pourrait déstabiliser gravement la filière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. MM. François Patriat, Jean-Pierre Sueur et Jean-Louis Carrère applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'agroalimentaire.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, la Chine a effectivement ouvert une procédure anti-dumping et anti-subvention auprès de l’OMC pour ce qui est des vins européens.
Stéphane Le Foll et moi-même l’avons assuré, l’Union européenne communiquera toutes les informations nécessaires pour répondre aux questions posées par la Chine, ainsi que le prévoit la procédure.
Je le dis haut et fort à mon tour, monsieur le sénateur : ce secteur ne reçoit pas d’aides directes à l’exportation.
M. Gérard César. Absolument !
M. Guillaume Garot, ministre délégué. Nos vins ne bénéficient donc d’aucun dumping. Les seuls soutiens apportés concernent l’amélioration du vignoble et la promotion des indications géographiques. De telles mesures ne sont pas de nature à distordre le commerce international.
Quoi qu’il en soit, l’Europe ne doit jamais négliger la force de son marché ni le poids qu’elle a lorsqu’elle parle d’une voix unie et cohérente. C’est pourquoi, comme vous l’avez rappelé, le Président de la République a appelé à une convergence des positions entre les vingt-sept États membres de l’Union européenne.
Monsieur le sénateur, nous comprenons bien évidemment les inquiétudes de nos viticulteurs. La Chine est un pays où la présence française est forte et importante. Mais, je vous le dis ici, ni l’Europe, ni la France, ni la Chine n’ont intérêt à engager une guerre commerciale.
Aujourd'hui, nos différends ne portent, j’y insiste, que sur 1 % de nos échanges. Nous devons donc, plus que jamais, privilégier la voie du dialogue, un dialogue que nous voulons approfondi, régulier et qui doit, en permanence, être ouvert. Nous aborderons ce dossier demain dans le cadre de la commission conjointe sur le commerce et l’économie entre l’Union européenne et la Chine.
Retenez une chose, monsieur le sénateur : nous sommes dans une logique non pas de surenchère ou d’escalade, mais bel et bien de transparence. Soyez assuré que le Gouvernement reste bien évidemment très mobilisé et vigilant, tout en étant parfaitement serein quant à l’issue de cette procédure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)
agroalimentaire: manque d'abattoirs
M. le président. La parole est à M. Philippe Paul.
M. Philippe Paul. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire.
Depuis plusieurs mois maintenant, l’industrie agroalimentaire du Finistère traverse une crise brutale, d’une ampleur sans précédent.
En février dernier, l’abattoir Gad à Lampaul-Guimiliau était placé en redressement judiciaire. À ce jour, aucun repreneur ne s’est manifesté, ce qui fait peser la menace de la fermeture du site en août prochain, avec la disparition de près de 850 emplois.
Début juin, la société Marine Harvest Kritsen, spécialisée dans la transformation de saumons, annonçait la fermeture, l’an prochain, de ses sites de Poullaouen dans le Finistère et de Châteaugiron en Ille-et-Vilaine, soit la suppression de plus de 400 emplois.
Au total, en l’espace de quelques semaines, ce sont plus de 1 000 emplois – je dis bien : plus de 1 000 emplois ! – qui sont remis en cause dans le département du Finistère. C’est une véritable tragédie pour les familles et l’activité des communes concernées.
J’évoquerai également le groupe Doux, toujours en redressement judiciaire, qui a, lui aussi, perdu près de 1 000 emplois en un an.
Monsieur le ministre, vous connaissez bien l’agriculture et l’industrie agroalimentaire en Bretagne, et plus particulièrement dans le Finistère. Vous savez quel poids elles ont dans l’économie régionale : elles en sont les moteurs.
Élus, salariés et acteurs économiques locaux ont clairement exprimé leur détermination et leur volonté de se battre et de rechercher des solutions, afin de sauver ces différents outils de production et de transformation.
Pour ne prendre que l’exemple de l’abattoir Gad, n’est-il pas incompréhensible et paradoxal d’envisager la fermeture d’un outil performant implanté dans l’un des bassins de production porcine les plus concentrés et les plus dynamiques d’Europe, qui, de plus, bénéficie de tous les agréments nécessaires à l’export ?
N’est-il pas incompréhensible et paradoxal d’envisager la fermeture d’un outil qui permet de produire et de transformer au plus près d’une zone de production, garantissant ainsi une traçabilité parfaite ?
Devons-nous nous résoudre à voir des dizaines de milliers de porcs produits en Bretagne être abattus en Allemagne, …
M. Joël Billard. Eh oui !
M. Philippe Paul. … un phénomène qui touche d’ailleurs bien d’autres régions françaises ?
Monsieur le ministre, qu’entendez-vous faire pour éviter que l’industrie agroalimentaire bretonne et finistérienne ne continue à sombrer ? Quelles initiatives fortes le Gouvernement entend-il prendre pour accompagner ces territoires inquiets, à juste titre, pour leur avenir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l'agroalimentaire.
M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Monsieur le sénateur, vous l’avez rappelé, certains pans de l’industrie agroalimentaire traversent aujourd'hui une crise très profonde, qui n’épargne pas la Bretagne, notamment le Finistère.
Pour chacun des sites de Gad, de Doux et de Marine Harvest Kritsen que vous avez évoqués, nous menons le combat pour trouver des solutions de nature à préserver un maximum d’emplois.
Nous avons rencontré les salariés de Gad et de Doux et nous rencontrerons dans les prochains jours, en coordination avec Stéphane Le Foll et Michel Sapin, ceux de Marine Harvest Kritsen.
Toutefois, avec Stéphane Le Foll, nous avons pris sans attendre, dès le mois d’avril dernier, j’y insiste, des orientations fortes à la fois pour répondre à l’urgence de la situation et tracer de vraies perspectives d’avenir. Nous avons notamment élaboré avec les professionnels concernés un plan pour relancer les filières porcine et avicole, en faisant de la performance écologique un véritable levier de performance économique. Nous nous sommes engagés à assouplir les démarches administratives, en particulier pour les installations classées.
M. Philippe Dominati. Et les charges ?
M. Guillaume Garot, ministre délégué. Hier, nous avons signé avec tous les acteurs concernés le contrat de la filière alimentaire, qui devra être mis en œuvre très rapidement en Bretagne, afin de stimuler l’emploi et de moderniser l’ensemble de ces secteurs.
Enfin, vous le savez, nous travaillons avec les élus bretons pour maintenir notre filière agroalimentaire et assurer son avenir. À cette fin, nous avons organisé plusieurs réunions de travail, auxquelles vous avez participé, monsieur le sénateur, pour mobiliser tous les acteurs concernés.
J’ai bien entendu votre question. Nous sommes pleinement conscients de la situation tout à fait spécifique de la Bretagne. Sachez que nous travaillons d’arrache-pied pour consolider, voire développer, le potentiel de la filière agroalimentaire, qui doit rester une force pour la Bretagne. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
rentrée scolaire
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
Mme Françoise Cartron. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.
Dans les tout prochains jours, la refondation de l’école s’incarnera dans une loi d’orientation et de programmation ambitieuse, issue d’une longue concertation, dont l’ampleur et la qualité sont à saluer, et qui est le fruit d’un travail parlementaire rigoureux et respecté. Ce texte constituera sans conteste une feuille de route indispensable pour les années à venir.
Cet après-midi, des centaines de milliers de jeunes affrontent encore les épreuves du baccalauréat. Souhaitons-leur pleine réussite. Toutefois, n’oublions pas qu’une partie de cette génération a déjà quitté l’école, sans aucun diplôme ni qualification.
M. Jean-Claude Carle. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. N’oublions pas non plus que les enfants des classes populaires sont les plus nombreux parmi les jeunes en échec scolaire, véritable porte ouverte, hélas, à l’exclusion sociale.
Nous le savons, notre école ne parvient plus à corriger ses déficiences. Face à cette crise éducative, malheureusement aggravée par les politiques menées au cours de ces dernières années (Protestations sur les travées de l'UMP.),…
M. François Grosdidier. Toujours le même refrain !
Mme Françoise Cartron. … des mesures d’urgence ont été prises dès la rentrée 2012. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Didier Guillaume. Très bien !
Mme Françoise Cartron. De même, depuis un an, des réformes de fond ont été lancées.
M. Philippe Dallier. Il n’y a qu’à voir le nombre de grèves !
Mme Françoise Cartron. Vous avez engagé, monsieur le ministre, des réformes parfois difficiles, mais toujours courageuses, notamment pour ce qui concerne l’aménagement des temps de l’enfant.
M. Didier Guillaume. Nous avons un très bon ministre !
Mme Françoise Cartron. C’est pourquoi la loi pour la refondation de l’école de la République actera la programmation de 60 000 postes dans l’éducation nationale, un effort considérable en cette période de grandes difficultés. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
Au-delà des dispositions prévues dans la loi, les parents d’élèves, les enseignants et les jeunes ont besoin de comprendre les critères d’affectation des moyens déployés dès la prochaine rentrée scolaire sur l’ensemble de notre territoire.
M. François Grosdidier. S’ils sont compréhensibles ! Nous aussi, nous avons besoin de comprendre !
Mme Françoise Cartron. Quelles seront les traductions concrètes des priorités du Gouvernement ?
M. Philippe Dallier. Vous vous le demandez encore !
Mme Françoise Cartron. De plus, afin de porter cette nouvelle ambition pour l’école, les directeurs d’école demandent à être soutenus et accompagnés dans leurs nouvelles tâches. Quelles réponses pouvons-nous leur apporter ?
M. Roger Karoutchi. Le courage !
Mme Françoise Cartron. Enfin, nous avons voulu inscrire dans la loi le principe d’une école inclusive. Là encore, quelles sont les perspectives à court et moyen termes pour les enfants porteurs de handicap concernant l’accompagnement éducatif ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du CRC et du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre chargé de l’éducation nationale.
M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. L’année dernière, c’était la rentrée du changement. Il faut que la rentrée prochaine soit celle de la refondation.
M. Éric Doligé. Ce sont des mots !
M. Vincent Peillon, ministre. Certains se sont interrogés : que signifiait la rentrée du changement ?
L’année dernière, 14 000 suppressions de postes étaient prévues.
Mme Maryvonne Blondin. Eh oui !
M. Vincent Peillon, ministre. Nous avons mis en place un plan d’urgence pour sauver 1 000 postes. D’ailleurs, nombre d’entre vous ont plaidé auprès de moi la cause de leur département ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Françoise Cartron et M. Yves Daudigny. Eh oui !
M. Vincent Peillon, ministre. Ils ont été heureux de constater que 350 classes rurales, notamment, n’avaient pas fermé grâce à ce plan.
En 2005, la loi Fillon avait prévu une école inclusive. Or, entre 2010 et 2012, le nombre d’aides pour les enfants en situation de handicap a chuté de 20 000 à 5 000. (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.) En accord avec le Président de la République et le Premier ministre, je suis en mesure de vous annoncer aujourd'hui que, après les 10 000 postes créés pour aider les directeurs d’école, 8 000 postes seront consacrés l’an prochain à l’accompagnement des enfants en situation de handicap. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il y a les discours et il y a les actes !
La prochaine rentrée scolaire sera celle de la refondation parce que 20 000 élèves professeurs pourront intégrer les écoles supérieures du professorat et de l’éducation et suivre de nouveau une année de stage.
M. Didier Guillaume. Enfin !
M. Vincent Peillon, ministre. Lors de la prochaine rentrée, 6 700 postes seront affectés à parité au primaire et au secondaire.
M. Jacques Chiron. Bravo !
M. Vincent Peillon, ministre. Dans le primaire, 1 000 postes seront créés pour répondre à l’accroissement des effectifs, le nombre d’élèves augmentant de 35 000. Tous les autres concerneront en priorité les zones où les besoins sont les plus grands. En effet, le mal le plus terrifique de notre école est celui que vous avez évoqué, madame la sénatrice : elle accroît les inégalités sociales. Nous voulons non seulement la massification du nombre des élèves, mais également la réussite de tous. C’est pourquoi nous attribuerons spécifiquement 2 000 postes aux zones urbaines sensibles et aux zones rurales en difficulté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Didier Guillaume. Enfin !
M. Vincent Peillon, ministre. Sont visées les pratiques pédagogiques dont nous savons qu’elles peuvent assurer, demain, la réussite des élèves, notre unique obsession : l’accueil des moins de trois ans, un nombre plus élevé de maîtres que de classes, l’encadrement des élèves pour accompagner l’individualisation.
C’est de la mobilisation de la nation que nous avons besoin. À cet égard, permettez-moi, une fois encore, de remercier le Sénat de nous avoir aidés dans cette entreprise : le texte a en effet été adopté par l'Assemblée nationale dans la rédaction proposée par le Sénat.
Si l’école de la République est capable de se ressaisir – lors de la prochaine rentrée, la charte de la laïcité sera diffusée dans tous les établissements scolaires ; la devise de la République, le drapeau français et le drapeau européen seront apposés au fronton de tous nos établissements –, en assurant sa refondation, alors nous serons capables de redresser le pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)
PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
4
Modification de l’ordre du jour
Mme la présidente. J’informe le Sénat que la question no 456 de M. Jean-Claude Peyronnet est retirée de l’ordre du jour de la séance du mardi 23 juillet, à la demande de son auteur.
Par ailleurs, j’informe le Sénat que la question orale no 497 de Mme Josette Durrieu est inscrite à l’ordre du jour de la séance du mardi 23 juillet 2013.
5
Communication du Conseil constitutionnel
Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 20 juin 2013, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions des articles L. 15-4 et L. 15-5 du code de l’expropriation (prise de possession en procédure d’urgence) (2013-338 QPC et 2013-339 QPC).
Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
6
Enseignement supérieur et recherche
Suite de la discussion en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche.
Nous poursuivons la discussion des articles.
Article 5 (suite)
Mme la présidente. Nous en étions parvenus au vote sur les amendements déposés à l’article 5.
Toutefois, pendant la suspension, Mme Létard a rectifié son amendement n° 286 rectifié.
Je suis donc saisie d’un amendement n° 286 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. J.L. Dupont et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, et ainsi libellé :
Alinéa 3, seconde phrase
Après le mot :
technologie
Insérer les mots :
, lorsque celui-ci est possible
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ainsi rectifié ?
Mme Dominique Gillot, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 29.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote sur l’amendement no 266 rectifié.
Mme Sophie Primas. Le groupe UMP est certes favorable à ce que les transferts de technologie profitent à la société, mais il s’interroge sur ce que l’on entend par « structures associatives ».
En effet, une secte peut se former en association et, par là même, être dépositaire d’un certain nombre de recherches et de brevets.
Mme Dominique Gillot, rapporteur. Absolument !
Mme Sophie Primas. Il s’agit non pas de procéder à des vérifications ou à des contrôles systématiques, mais simplement de définir des normes, afin de se prémunir contre de possibles dérives.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. La question que vous soulevez mérite en effet d’être considérée de plus près.
Lors de la présentation de mon amendement, j’ai défini avec précision quels étaient les destinataires de cette mesure. J’ai même utilisé à plusieurs reprises l’expression « reconnues d’utilité publique ».
Dans le monde socio-économique, on peut en effet trouver des organisations, qui, sous le couvert de structures associatives, ont des pratiques sectaires.
Si l’on introduit des normes en précisant que ne sont visées que les structures associatives bénéficiant de la reconnaissance d’utilité publique, on réduit le champ de l’amendement. Cette précision risque en effet d’exclure certaines associations qui n’ont pas eu l’agrément d’utilité publique, mais qui travaillent dans le sens de l’ouverture sur la société.
Par ailleurs, lors des transferts, les associations sont soumises à un contrôle de leurs activités. Il ne s’agit pas d’un droit ouvert ! On ne dit pas que toute association ou toute entreprise peut bénéficier du transfert.
Je considère donc que notre débat et la réponse de Mme la ministre sont de nature à vous rassurer, madame Primas.
Cela étant dit, et même si vous ne me l’avez pas demandé – vous avez posé une simple question –, je suis prêt à rectifier mon amendement pour préciser que sont concernées les structures associatives « reconnues d’utilité publique ». Je considère toutefois, je le répète, que cela reviendrait à restreindre le champ de l’amendement. Certaines associations, faute d’avoir le label « reconnue d’utilité publique » – il exige une longue procédure administrative et bureaucratique – seront exclues du bénéfice des transferts.
Une telle restriction pourrait se révéler dangereuse. En privant de nombreuses associations de la possibilité de recevoir ces transferts, nous pourrions, je le crains, subir un préjudice plus lourd que le danger que vous pointez.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre, pour explication de vote.
M. Jacques Legendre. Monsieur Assouline, la rectification de l’amendement nous paraît souhaitable, afin d’éviter le risque que nous avons soulevé.
Mme la présidente. Monsieur Assouline, rectifiez-vous l’amendement n° 266 rectifié ?
M. David Assouline. Après réflexion, je considère qu’il vaut mieux, à ce stade, nous en tenir à la rédaction actuelle de l’amendement et laisser à la commission mixte paritaire le soin de trouver une formulation qui permettra de ne pas restreindre le champ de l’amendement tout en répondant à la préoccupation de Mme Primas.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Nous voulions simplement être sûrs que nous ne verrions pas n’importe qui se glisser derrière une structure associative. Exiger la reconnaissance de l’utilité publique de l’association était de nature à nous donner cette garantie. Dans la mesure où M. Assouline préfère ne pas rectifier son amendement, nous voterons contre.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article 5 bis
Au 1° de l’article L. 123-4 du même code, après les mots : « et concourt », sont insérés les mots : « à leur réussite et ». – (Adopté.)
Article 6
I. – (Non modifié) L’article L. 123-4-1 du même code devient l’article L. 123-4-2.
II. – Au même code, il est rétabli un article L. 123-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4-1. – Le service public de l’enseignement supérieur met à disposition de ses usagers des services et des ressources pédagogiques numériques.
III. – (nouveau) Au 3° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, la référence : « L. 123-4-1 » est remplacée par la référence : « L. 123-4-2 ».
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 30, présenté par Mme Gonthier-Maurin, MM. Le Scouarnec, P. Laurent et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les logiciels libres de droit sont utilisés en priorité. »
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
M. Michel Le Scouarnec. Cet amendement s’inscrit dans le droit fil de la disposition que nous avions présentée lors de l’examen, en première lecture, du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République. Elle prévoyait que le service public de l’enseignement numérique utilise en priorité des logiciels libres et des formats ouverts.
Il nous semble tout aussi logique que le service public de l’enseignement supérieur utilise en priorité des logiciels libres de droits.
Cette disposition est en cohérence avec la recommandation contenue dans la lettre d’orientation du Premier ministre, datée du 19 septembre 2012, pour l’usage des logiciels libres dans l’administration.
Elle revêt aussi un caractère politique, celui d’un État qui, au sein d’un service public, choisit d’adresser un signal fort en faveur de la liberté et de l’égalité.
En effet, donner la priorité au logiciel libre dans un service public, c’est garantir un égal accès à l’ensemble des étudiants. De plus, le logiciel libre offre des garanties. Il assure une parfaite interopérabilité entre les systèmes informatiques, il évite de se voir imposer des formats qui créent une forme de dépendance technologique des utilisateurs et il est toujours accessible. Le logiciel libre offre la liberté, premièrement, d’utiliser le logiciel pour quelque usage que ce soit, deuxièmement, grâce à la disponibilité des codes sources, d’adapter le logiciel à des besoins propres et, troisièmement, de copier le logiciel sans limitation de diffusion.
Je tiens en outre à indiquer que donner la priorité au logiciel libre ne pose pas de problème en termes de concurrence, contrairement à ce qui est parfois avancé. Cela a d’ailleurs été rappelé par le Conseil d’État dans un arrêt du 30 septembre 2011, rendu dans le cadre du choix de logiciels libres par une collectivité territoriale, en l’occurrence la région Picardie. Cet arrêt soulignait la différence entre marché de services et marché de fournitures.
Cette décision a montré que le choix d’un logiciel libre peut être fait librement par les collectivités, car ce type de logiciel ne limite pas la concurrence par la suite concernant par exemple la mise en œuvre, l’exploitation et la maintenance de l’environnement numérique du travail, ainsi que l’hébergement d’une plateforme de services.
De plus, une décision de la Cour constitutionnelle italienne, datée du 23 mars 2010, rappelle que la qualité de logiciel libre est une caractéristique fonctionnelle et non la détermination d’un produit particulier.
Ainsi, donner la priorité au logiciel libre ne soulève pas de difficultés au regard du droit de la concurrence. D’autres pays européens ont choisi de mettre en place des politiques reposant prioritairement sur des logiciels libres et des standards ouverts, sans soulever aucun problème de sécurité juridique.