M. Jacques Mézard. Avec cet amendement, nous suivons le même raisonnement que précédemment : la loi pénale devant s’appliquer de façon égale sur l’ensemble du territoire de la République, la définition de la politique pénale doit relever du seul garde des sceaux. À ce titre, et comme pour le pouvoir d’adaptation conféré aux procureurs généraux, allouer aux procureurs de la République le pouvoir d’adapter des instructions générales du garde des sceaux, c’est ouvrir la voie à une application différenciée de la politique pénale, ce que les auteurs de cet amendement, c’est-à-dire tout notre groupe, ne peuvent accepter.
J’ai bien entendu les explications de Mme le garde des sceaux. Pour notre part, nous souhaitons qu’elle puisse continuer et, après elle, ses successeurs, à déterminer la politique pénale. Nous souhaitons éviter les difficultés qui ne manqueront pas de survenir sur le terrain, dans le ressort des procureurs de la République, non pas de manière générale, mais de manière ponctuelle.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Michel, rapporteur M. Mézard est fidèle à sa logique. Sur l’article précédent, il voulait priver les procureurs généraux de toute latitude. Ici, il entend faire de même pour les procureurs de la République.
Fidèle, moi, à l’esprit de la commission, j’émets, en son nom, un avis défavorable sur cet amendement
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. Je salue au passage la constance de M. Mézard, non sans lui rappeler que nous avons, nous aussi, de la constance et de la cohérence dans ce que nous entreprenons !
Je prendrai deux exemples pour illustrer les propos que j’ai tenus au sujet de la circulaire générale de politique pénale et des circulaires territoriales que j’ai adressées à certains ressorts.
À Marseille, où s’applique, outre cette circulaire pénale générale, une circulaire territoriale, le procureur de la République a mis un accent particulier sur la justice des mineurs, ainsi que sur la diversité des réponses pénales. Il s’inscrit parfaitement dans le cadre des deux circulaires, mais il ajuste l’action du parquet pour tenir compte du moment particulier et des contentieux particuliers.
À Lille, il n’existe pas de circulaire territoriale. Le procureur, se référant à ma circulaire générale, a mis un « focus » particulier, à un moment, sur les agressions racistes, par exemple. Il s’agit d’un contentieux parmi d’autres. Toutefois, compte tenu de la réalité propre à ce territoire, le procureur a pris des dispositions spécifiques pour mobiliser le parquet sur le traitement de ces actes-là. Il reste dans ce cadre, sans aller au-delà.
J’émets donc, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement n° 9 rectifié.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le procureur de la République adresse au procureur général un rapport annuel de politique pénale sur l'application de la loi et des instructions générales ainsi qu'un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet. »
Cet amendement a été retiré précédemment.
L'amendement n° 14, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Tout rapport particulier doit être versé au dossier de la procédure.»
Cet amendement a été retiré précédemment.
Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna – (Adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel
M. le président. La séance est reprise.
4
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente. Je vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir vous en tenir à cette règle.
espionnage de l'union européenne
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, en ce 4 juillet, jour de la Déclaration d’indépendance des États-Unis, et de leur fête nationale, nous saluons cette grande nation alliée et amie.
Mais nous pouvons, et devons, aussi lui poser des questions sur les écoutes téléphoniques et la surveillance des courriels qui viennent d’être révélées et qui visaient, entre autres, la France et l’Allemagne, pourtant très proches des États-Unis, ainsi, plus curieusement, que l’Union européenne et sa Commission, qui ne pensaient sans doute pas mériter tant d’attention de la part de ce pays.
Découvrir que l’un de vos alliés vous surveille secrètement, ce qui est la marque d’une défiance certaine, c’est évidemment une surprise désagréable. Néanmoins, faut-il s’en étonner ? La pratique n’est pas nouvelle. Comme le disait un ancien premier ministre anglais : « Une nation n’a pas d’alliés éternels, seulement des intérêts éternels. »
Il n’y a pas un bon espionnage et un mauvais : un bon quand on écoute les djihadistes au Sahel, et un mauvais quand on fait de même au siège de l’Union européenne…
Les États-Unis, derrière des soucis légitimes de sécurité, recherchent également des renseignements économiques sur les entreprises françaises et européennes, sur leur positionnement, ainsi que sur les actions que l’Union européenne et la Commission pourraient mener contre les grandes entreprises américaines, en particulier celles du web.
Le gouvernement français a demandé des explications au gouvernement américain. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, si celui-ci les lui a fournies ? Si tel est le cas, quel sérieux peut-on leur accorder ?
Par ailleurs, qu’en est-il du démarrage des négociations transatlantiques ? La France, comme beaucoup d’autres, notamment le Parlement européen, a suggéré le report des négociations, qui devaient débuter le 8 juillet, constatant l’absence d’un climat de confiance propice à l’ouverture de discussions de cette nature. On lit pourtant dans la presse que la Commission européenne serait d’un avis différent. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
Enfin, comment mieux défendre nos intérêts, ceux de la France prise isolément et ceux de la France en tant que membre de l’Union européenne, en protégeant nos données personnelles et en s’assurant que nos espaces de stockage, ce que l’on appelle le cloud, soient situés en Europe et contrôlés par elle, et non laissés entre les mains des États-Unis ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. François Marc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, les récentes révélations de M. Edward Snowden sur ces pratiques d’espionnage posent en effet deux questions distinctes.
La première concerne la lutte contre le terrorisme et la protection contre les menaces qui pèsent sur notre sécurité. Dans ce cas, chacun le conçoit, le renseignement est nécessaire. Néanmoins, la plus grande vigilance s’impose pour que les droits individuels soient préservés et que la protection des libertés publiques soit garantie.
En revanche, s’agissant de la seconde question, relative aux représentations diplomatiques européennes et françaises, rien, absolument rien ne justifie, sur un plan sécuritaire, ces pratiques de renseignement et d’espionnage.
Le Président de la République et Laurent Fabius, qui sont tous deux à Tunis cet après-midi, ont pris une position très claire sur ce dossier : ces pratiques, si elles étaient confirmées, sont inacceptables, et nous ne les accepterons pas. On n’espionne pas ses alliés !
Laurent Fabius s’est d’ailleurs entretenu dès lundi dernier avec son homologue américain, John Kerry, afin de lui demander de fournir les éléments d’explication nécessaires dans les délais les plus rapides et, si la réalité de ces agissements était avérée, d’y mettre un terme immédiatement.
M. Kerry s’y est engagé. Nous veillerons, en lien avec notre ambassade à Washington, à ce que tous les éléments nous soient transmis ; nous les mettrons, bien entendu, à votre disposition.
Pour ce qui concerne l’Union européenne, nous considérons que la réponse doit être européenne.
Cette affaire montre la nécessité d’une extrême vigilance sur la protection des données personnelles.
Vous le savez, un règlement et une directive relatifs à la protection de ces données, et notamment aux fichiers souverains, est en cours de discussion. Compte tenu de l’actualité, nous demanderons à la Commission européenne d’être particulièrement intransigeante sur la protection des libertés des citoyens français et européens, comme je l’ai rappelé à Viviane Reding, que j’ai rencontrée lundi matin, à Strasbourg.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous m’avez également interrogé, monsieur le sénateur, sur les conséquences de cette affaire sur l’accord transatlantique, dont les négociations doivent commencer prochainement.
Cet accord, tout aussi important pour nous que pour les États-Unis, prendra du temps. Il exige également de la confiance entre nos deux pays, ainsi que l’a souligné le Président de la République.
L’ouverture de ces négociations doit donc, selon nous, s’accompagner simultanément de discussions sur les activités des services de renseignement américains dans certains pays européens. Aussi, nous mettrons en place un système parallèle entre la négociation et le contrôle de nos discussions avec les États-Unis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
les transgenres
M. le président. La parole est à Mme Kalliopi Ango Ela.
Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Jeudi dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a rendu un avis important sur la définition et la place de la notion d’« identité de genre » en droit français, ainsi que sur les conditions de modification de la mention du sexe à l’état civil.
Cet avis a été unanimement salué par les associations LGBT, en ce qu’il se place sur le terrain des droits humains et qu’il dénonce l’atteinte portée par la législation française à la dignité des personnes transidentitaires et à leur droit à la protection de la vie privée.
Je me félicite, tout d’abord, que la CNCDH préconise la substitution de la notion d’« identité de genre » à celle d’« identité sexuelle ». Tel était d’ailleurs l’objet d’amendements que j’avais déposés, en février dernier, lors de l’examen d’une proposition de loi relative aux délais de prescription.
Les termes d’« identité de genre » permettent de recouvrir toutes les réalités et d’octroyer une protection plus large. Avec l’introduction de cette notion, notre législation serait également en conformité avec les exigences européennes et internationales.
Madame la garde des sceaux, vous savez l’intérêt que je porte aux questions d’état civil. Je suis notamment très sensible aux difficultés de nos compatriotes nés hors de France à obtenir la transcription de leurs actes auprès de certains postes consulaires, mais aussi à celles des enfants français nés par GPA à l’étranger. J’ai d’ailleurs récemment évoqué ces situations avec vous.
Le groupe écologiste salue donc la démédicalisation complète de la procédure de changement d’état civil, recommandée par cet avis.
Entièrement soumise au droit prétorien, la procédure actuelle conduit à l’inégalité et à l’insécurité juridique et crée des situations discriminatoires. Contraintes à un long parcours médical et à la stérilisation forcée, les personnes trans sont atteintes dans leur chair et dans leur dignité.
Enfin, si la déjudiciarisation partielle constitue un net progrès au regard du droit actuel, elle peut toutefois paraître insuffisamment ambitieuse.
Je rappelle que le groupe EELV s’est prononcé, dès le mois de novembre 2012, pour que « le genre d’une personne ne [puisse] dépendre de l’appréciation d’un juge ». Dans un communiqué du 28 juin dernier, l’Inter-LGBT et Id-Trans affirment également vouloir continuer à « porter dans le débat public une solution inspirée de la loi argentine », c'est-à-dire une déjudiciarisation totale.
Madame la garde des sceaux, comment le Gouvernement se positionne-t-il face à ces trois recommandations de la CNCDH ? Engagera-t-il une réforme ou projette-t-il de soutenir des initiatives parlementaires sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur l’avis que la Commission nationale consultative des droits de l'homme a remis le 28 juin dernier, à la suite de la saisine que ma collègue ministre des droits des femmes et moi-même avions décidée conjointement le 8 janvier dernier. Dans cet avis, la CNCDH propose essentiellement une démédicalisation complète de la procédure de changement de sexe à l'état civil et une déjudiciarisation partielle.
Il faut rappeler que le droit actuel repose sur l'article 99 du code civil relatif à la rectification des actes d'état civil et nécessite l'intervention du juge. Cette procédure est réputée longue et stigmatisante pour les personnes transgenres. Ceux qui la contestent reprochent surtout qu’il ne soit fait droit à la demande de changement d'état civil émanant de ces personnes qu'à partir du moment où les traitements hormonaux ont bien produit les effets physiologiques et physiques définitifs qu’ils sont censés avoir et que le changement de sexe est devenu irréversible.
Par ailleurs, deux propositions émanent des travaux de votre assemblée : soit une procédure administrative reposant sur l'officier d'état civil, mais menée sous le contrôle du procureur de la République ; soit une procédure juridictionnelle simplifiée, avec intervention d’un juge du siège.
Il faut tout de même tenir compte du fait que le sujet est lourd, qu'il fait référence à notre droit, certes, mais aussi à des principes, notamment le principe d'indisponibilité, ainsi qu’à des représentations qui sont celles de notre société. Nous devons donc traiter cette question avec précaution.
Il me paraît prématuré d'envisager le retrait du juge de la procédure,…
M. Alain Richard. Très bien !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. … y compris au nom de la protection de la personne transgenre. En outre, il est important que le juge puisse intervenir, parce que l'état des personnes inclut la question de la détermination du sexe.
Madame la sénatrice, vous savez que se tiendra très bientôt à la Chancellerie une réunion rassemblant des sénatrices, dont vous-même, des conseillères de mon cabinet et du cabinet de la ministre des droits de des femmes, ainsi que la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Mme Laurence Dumont. Ce sera l’occasion de réfléchir à la situation des personnes transgenres en général, sans oublier celles - une vingtaine sur l'ensemble du territoire - qui se trouvent dans nos établissements pénitentiaires.
Il s'agit d'appréhender ce sujet avec précaution, en tenant compte de la souffrance de ces personnes et en sachant bien quelles transformations nous imprimons à la société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)
questions budgétaires
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué chargé du budget.
Monsieur le ministre, après une année 2012 marquée par une hausse des impôts et des taxes (Oui ! sur les travées de l'UMP.), le Gouvernement s’est coulé dans le moule imposé par le traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, contraignant l’ensemble des pays de la zone euro à appliquer des politiques dites « de stabilité », mais qui sont surtout des politiques de rigueur et d’austérité soumettant notre travail législatif aux injonctions de Bruxelles.
Les Barroso, Draghi, Merkel et Juncker, relayés par d'autres en France, imposent aux peuples sacrifices et reculs sociaux, sans améliorer – loin de là ! – la situation. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Vous le savez, l'austérité étouffe toute ambition de progrès et de développement.
Espagne, Grèce, Portugal, Italie : entre instabilité politique, récession économique, hausse du chômage en flèche, tous ces pays font l’amère expérience de l’inefficacité des politiques d’austérité dont ils sont même la démonstration.
L’Union européenne compte aujourd’hui 26,5 millions de chômeurs et notre pays plus de 3,3 millions ! Pourtant, en France, l’emploi public va être réduit, le traitement des fonctionnaires va de nouveau être gelé, des coupes claires vont avoir lieu dans maints ministères.
Pour quel résultat ?
Ces choix créent le trouble parmi toutes celles et tous ceux qui ont placé leurs espoirs dans le changement politique de mai 2012.
M. Charles Revet. Oui !
M. Thierry Foucaud. Ils renforcent la position des forces de droite, tout en favorisant les visées de l’extrême droite xénophobe. (M. Charles Revet s’exclame.) Ce trouble n'épargne personne, des citoyens attachés aux valeurs de progrès, qui, mes chers collègues, sont encore prêts à se rassembler autour d'un projet alternatif, jusqu'à certains membres de l'équipe gouvernementale !
Le budget de la France et celui de la sécurité sociale ne souffrent pas d’un surcroît de dépenses publiques.
Selon le rapport Queyranne, 110 milliards d’euros – deux fois le produit de l’impôt sur les sociétés – sont dépensés chaque année en « aides aux entreprises ».
Pour quel résultat ?
Selon la Cour des comptes, 106 milliards d’euros de bénéfices des sociétés échappent à l’impôt et aux cotisations sociales.
Pour quel résultat ?
Selon la commission d’enquête du Sénat sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, 60 à 80 milliards d’euros échappent à l’impôt et aux cotisations sociales.
Monsieur le ministre, ma question est simple : au lieu de réduire les dépenses publiques au point de priver collectivités locales et services publics des moyens de leur action au bénéfice des populations, quand allez-vous, par une réforme fiscale audacieuse (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP), par une lutte déterminée contre la fraude fiscale et sociale, par la relance de l'investissement public, quand allez-vous rompre avec la logique d’austérité du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Très bien ! sur certaines travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, vous nous interrogez sur la nécessité d'engager une lutte résolue contre la fraude fiscale et de mettre en œuvre une politique nous permettant de sortir de l'austérité.
En matière de lutte contre la fraude fiscale, vous n'êtes pas sans savoir que nous engageons ici, au Parlement, un travail avec l'ensemble des sénateurs – en particulier avec des sénateurs de votre groupe, je pense à Éric Bocquet – pour renforcer l'arsenal des dispositions permettant de lutter efficacement contre la fraude fiscale. Il s'agira de moyens supplémentaires d'enquête fiscale confiés à la police judiciaire, du durcissement des peines à l'encontre des fraudeurs, de la création d'un parquet financier spécialisé qui œuvrera en articulation avec l'administration de Bercy, ou encore de la mise en place d’un dispositif incitatif à destination des fraudeurs, afin qu’ils se mettent en conformité avec le droit.
Cette circulaire et le durcissement de la législation commencent à porter leurs fruits, puisque certains citoyens qui détiennent des comptes à l'étranger viennent régulariser leur situation.
Monsieur le sénateur, vous avez raison, il est très important de lutter contre la fraude fiscale. Les organisations syndicales de Bercy estiment à 70 milliards d'euros le volume de fonds qui échappent à l'impôt et qui font par conséquent peser la charge du redressement de la situation du pays sur ceux des contribuables français qui, eux, s'acquittent de l'impôt.
Nous sommes donc absolument déterminés à lutter contre la fraude fiscale.
Vous avez également évoqué la nécessité de lancer une grande réforme fiscale. Puisque votre assemblée a eu à en débattre, vous n’ignorez pas que nous avons engagé l'année dernière une réforme fiscale de très grande ampleur qui a vocation à se poursuivre.
Dois-je rappeler la mise en place de dispositions destinées à assurer une plus grande progressivité de l'impôt sur le revenu, avec la tranche à 45 % ?
Dois-je rappeler l'alignement de l'impôt sur les sociétés des grands groupes sur celui des PME-PMI, pour inciter ces dernières à investir ?
Dois-je rappeler la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune ?
Dois-je rappeler l'alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail ?
Il s'agit là d'un chantier considérable, qui n'est pas achevé et qui se poursuivra devant le Parlement tout au long des années à venir, pour que, à l’issue de ce quinquennat, nous soyons parvenus au terme de la réforme fiscale.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Donc, pas de grand soir fiscal, mais une réforme en continu.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre délégué.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je conclurai en vous indiquant, monsieur le sénateur, que, si nous sommes obligés de réaliser des économies, c'est parce que nous avons hérité d’une situation désastreuse. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est minable !
M. Philippe Dallier. Cela nous manquait !
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les dépenses publiques ont augmenté, la dette a doublé, les déficits publics structurels sont dans la situation que l'on sait ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Mazars.
M. Stéphane Mazars. Ma question s'adressait initialement à M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
M. Roger Karoutchi. Il découvre son nouveau bureau ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Stéphane Mazars. Je regrette d’autant plus vivement son absence que je souhaite évoquer un sujet qu’il connaît particulièrement bien, la gestion des ressources en eau et l'irrigation en agriculture. En effet, il y a tout juste un mois, celui qui était encore député du Gers remettait au Premier ministre un rapport de mission sur la gestion quantitative de l’eau en agriculture ; nous approuvons l’analyse qui est développée dans ce document et partageons pleinement les conclusions de Philippe Martin.
Même si nous connaissons un début d'été pluvieux, nous savons tous que c’est dans un contexte de raréfaction de la ressource qu’il nous faut résoudre d’importants problèmes de déficit structurel. En effet, environ un tiers du territoire national est en situation de déficit quantitatif.
Dans son rapport, Philippe Martin dressait le constat suivant : chaque année, il tombe 500 milliards de mètres cubes d’eau, mais, sur cette quantité, 170 milliards de mètres cubes d’eau sont disponibles et l’irrigation pour l’agriculture en consomme seulement entre 4 et 5 milliards de mètres cubes. Contrairement à une idée reçue, l’irrigation représente peu d’eau et peu de surface, en l’occurrence moins de 6 % des surfaces agricoles.
Aussi les préconisations contenues dans le rapport Martin nous semblent-elles raisonnables. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles méritent toute notre attention, celle de la représentation nationale, mais aussi, nous l’espérons, celle du Gouvernement.
Les préconisations contenues dans ce rapport s’articulent autour de trois axes.
Premièrement, il convient de sécuriser l’approvisionnement en eau des agriculteurs qui participent au redressement productif de notre pays.
Deuxièmement, il faut favoriser les consensus locaux en privilégiant des projets territoriaux sans polariser le débat sur les modèles agricoles.
Troisièmement, il importe de stabiliser l’environnement réglementaire en encadrant le droit de recours contre les projets de retenues d’eau et en relevant le seuil à partir duquel les porteurs de projets doivent fournir une étude d’impact.
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. Stéphane Mazars. Si la nécessité de sécuriser et d’adapter la gestion quantitative de l’eau en agriculture n’est plus à démontrer, quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux propositions pertinentes contenues dans le rapport du député Philippe Martin, lors de la conférence environnementale du mois de septembre prochain ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Rémy Pointereau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui est retenu par des engagements qu'il avait pris antérieurement. (Rires sur les travées de l'UMP.) Il me demande de vous transmettre sa réponse et de vous faire part de la réflexion du Gouvernement sur cet enjeu que constitue l'eau.
Par nature, l'eau est un bien commun qui peut et doit être à la disposition de tous et dont l'utilisation doit être encadrée. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous qui êtes en phase avec les territoires, vous connaissez l’enjeu : des règles de partage de la ressource sont nécessaires, qui peuvent être élaborées par l'ensemble des acteurs, à la bonne échelle territoriale.
Dans le cadre du chantier de la modernisation de l'action publique, une évaluation de la politique de l'eau a été lancée, avec, pour finalité, de remplir les objectifs fixés par la directive européenne sur l'eau et la loi du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques et, ainsi, d’obtenir un bon état de l'eau d'ici à 2015.
Cette évaluation s'appuie sur un certain nombre de textes. De ce point de vue, monsieur le sénateur, il faut insister sur la continuité des nombreux travaux engagés. Je pense à ceux du député Michel Lesage qui rendra très prochainement un rapport sur l'évaluation globale de la politique de l'eau, afin d'identifier les points de blocage et les retards observés. Je pense également au rapport de Philippe Martin, auquel vous faites référence, qui a mené une mission sur la gestion quantitative de l'eau et sur la définition d'un modèle d'utilisation de l'eau en agriculture, l’irrigation agricole.
Le Gouvernement veut agir en faveur d'une réduction des pollutions diffuses, notamment agricoles, et promouvoir la répartition équilibrée de la ressource en eau pour les usages humains et économiques.
Nous sommes convaincus de la nécessité de construire des projets territorialement partagés, avec l'ensemble des acteurs, de façon à pouvoir satisfaire les besoins humains, environnementaux et économiques liés à l'eau.
Tous les travaux menés actuellement serviront donc à alimenter la démarche globale d’évaluation de la politique de l'eau.
Vous avez souhaité faire de cette problématique un enjeu de la conférence environnementale qui se tiendra en septembre 2013. Ce sera le cas, en particulier, lors d'une table ronde qui sera spécifiquement consacrée à l'eau. Les plans d'action et de modernisation seront lancés dès le mois d’octobre 2013. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)