Sommaire

Présidence de M. Jean-Claude Carle

Secrétaires :

Mmes Marie-Hélène Des Esgaulx, Mme Catherine Procaccia.

1. Procès-verbal

2. Prise d’effet de nominations à des commissions mixtes paritaires

3. Dépôt d’un document

4. Questions orales

statuts de demandeur d'asile, de débouté du droit d'asile ou de sans-papiers

Question n° 409 de M. Michel Savin. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Michel Savin.

stationnement illégal des gens du voyage

Question n° 488 de M. Jean-Jacques Filleul. – MM. Manuel Valls, ministre de l'intérieur ; Jean-Jacques Filleul.

situation du réseau à moyenne tension dans le département de la manche

Question n° 422 de M. Philippe Bas. – MM. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; Philippe Bas.

environnement réglementaire concernant les bailleurs sociaux en matière de normes liées à l'habitat

Question n° 394 de M. Didier Guillaume. – MM. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ; Didier Guillaume.

recensement des camélidés en france

Question n° 480 de Mme Nicole Bonnefoy. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Didier Guillaume, en remplacement de Mme Nicole Bonnefoy.

avenir de la filière bois française

Question n° 463 de M. Jean-Luc Fichet. – MM. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ; Jean-Luc Fichet.

modalités de calcul de la contribution au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

Question n° 492 de M. André Vairetto. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. André Vairetto.

urgence d'une recherche spécifique sur le cancer des enfants

Question n° 468 de M. Alain Gournac. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Alain Gournac.

lien entre le numerus clausus et la désertification médicale

Question n° 418 de M. Gilbert Roger. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Gilbert Roger.

nuisances sonores aériennes

Question n° 482 de Mme Chantal Jouanno. – Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation ; M. Vincent Capo-Canellas, en remplacement de Mme Chantal Jouanno.

Suspension et reprise de la séance

amélioration de la régularité du RER D

Question n° 448 de M. Michel Berson. – MM. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche ; Michel Berson.

Suspension et reprise de la séance

spécificités des associations intermédiaires au regard de la loi relative à la sécurisation de l'emploi

Question n° 483 de Mme Mireille Schurch. – Mmes Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication ; Mireille Schurch.

schéma de régionalisation accrue de france 3

Question n° 400 de M. Francis Grignon. – Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication ; M. Francis Grignon.

préservation de l’intégrité patrimoniale de la colline de vézelay (yonne) et maintien du classement unesco au patrimoine mondial de l’humanité

Question n° 475 de Mme Hélène Lipietz. – Mmes Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication ; Hélène Lipietz.

vœux en conseil d'administration des établissements publics locaux d'enseignement

Question n° 430 de Mme Cécile Cukierman. – M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale ; Mme Cécile Cukierman.

langue des signes pour les enfants sourds

Question n° 459 de Mme Marie-Thérèse Bruguière. – MM. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale ; René-Paul Savary, en remplacement de Mme Marie-Thérèse Bruguière.

suppression de postes d'enseignant du premier degré dans le cantal

Question n° 476 de M. Jacques Mézard. – MM. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale ; Jacques Mézard.

diffusion des livres numériques français à l'étranger

Question n° 470 de Mme Joëlle Garriaud-Maylam. – M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

hausse de tarification des assurances automobiles pour les conductrices

Question n° 237 de Mme Catherine Procaccia. – M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Mme Catherine Procaccia.

baignade naturelle biologique

Question n° 497 de Mme Josette Durrieu. – M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation ; Mme Josette Durrieu.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

5. Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-CalédonieDiverses dispositions relatives aux outre-mer. – Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission

Discussion générale commune : M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer ; Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois.

Mme Aline Archimbaud, M. Pierre Frogier, Mme Éliane Assassi.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

MM. Jean-Claude Requier, Thani Mohamed Soilihi, Robert Laufoaulu, Jean-Étienne Antoinette, Mme Karine Claireaux.

M. Victorin Lurel, ministre.

Clôture de la discussion générale commune.

6. Communication relative à des commissions mixtes paritaires

7. Modification de l’ordre du jour

8. Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-CalédonieDiverses dispositions relatives aux outre-mer. – Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission modifiés

M.  le président.

projet de loi organique portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie

Article 1er

M. Georges Patient.

Amendement n° 5 de la commission. – Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois ; M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 2. – Adoption

Article 3

Amendement n° 3 rectifié de M. Pierre Frogier. – M. Pierre Frogier, Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 4. – Adoption

Article additionnel après l'article 4

Amendement n° 4 de M. Pierre Frogier. – M. Pierre Frogier, Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 5

Amendement n° 6 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 6, 6 bis (nouveau) et 7 à 15. – Adoption

Article 16

Amendement n° 7 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 17

Amendement n° 8 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles 18 et 19. – Adoption

Article additionnel après l’article 19

Amendement n° 2 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – M. Thani Mohamed Soilihi, Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Vote sur l’ensemble

M. Jean-Claude Requier.

Adoption, par scrutin public, du projet de loi organique dans le texte de la commission, modifié.

projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

Article 1er

M. Georges Patient.

Amendement n° 11 de la commission. – Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois ; M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. – Retrait.

Amendement n° 2 rectifié bis de M. Jean-Étienne Antoinette. – M. Jean-Étienne Antoinette, Mme la rapporteur, MM. Victorin Lurel, ministre ; Thani Mohamed Soilihi. – Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 1er

Amendement n° 9 du Gouvernement. – M. Victorin Lurel, ministre ; Mme la rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 2 (nouveau). – Adoption

Article 3 (nouveau)

Amendement n° 10 de la commission. – Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article 4 (nouveau). – Adoption

Articles additionnels après l'article 4

Amendement n° 7 rectifié bis de M. Thani Mohamed Soilihi. – M. Thani Mohamed Soilihi, Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 8 rectifié de M. Pierre Frogier. – M. Pierre Frogier, Mme la rapporteur, MM. Victorin Lurel, ministre, Thani Mohamed Soilihi. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 1 de M. Louis-Constant Fleming. – M. Louis-Constant Fleming, Mme la rapporteur, MM. Victorin Lurel, ministre ; Christian Cointat. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendements nos 3 rectifié et 4 rectifié de M. Jean-Étienne Antoinette. – M. Jean-Étienne Antoinette, Mme la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement n° 3 rectifié insérant un article additionnel, l’amendement n° 4 rectifié devenant sans objet.

Amendement n° 5 de Mme Karine Claireaux. – Mmes Karine Claireaux, la rapporteur, M. Victorin Lurel, ministre. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 6 du Gouvernement. – M. Victorin Lurel, ministre ; Mme la rapporteur. – Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Mme la rapporteur.

Adoption de l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.

M. Victorin Lurel, ministre.

9. Dépôt d'un rapport

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

10. Nombre et répartition des sièges de conseiller de Paris. – Discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale : MM. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi ; Roger Madec, rapporteur de la commission des lois ; Manuel Valls, ministre de l'intérieur.

MM. Pierre Charon, Pierre Laurent, Yves Pozzo di Borgo, Pierre-Yves Collombat, Mme Hélène Lipietz, M. Philippe Kaltenbach.

M. Manuel Valls, ministre.

Clôture de la discussion générale.

Article 1er

M. David Assouline.

Amendements identiques nos 1 de M. Pierre Charon et 3 de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Pierre Charon, Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur, Manuel Valls, ministre ; Mme Bariza Khiari, MM. Pierre Laurent, Marc Laménie. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 2

Amendements identiques nos 2 de M. Pierre Charon et 4 de M. Yves Pozzo di Borgo. – MM. Pierre Charon, Yves Pozzo di Borgo, le rapporteur, Manuel Valls, ministre. – Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 3. – Adoption

Vote sur l'ensemble

M. Michel Mercier, Mme Bariza Khiari, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Pozzo di Borgo.

Adoption de la proposition de loi dans le texte de la commission.

11. Ordre du jour

compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

Mme Catherine Procaccia.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Prise d’effet de nominations à des commissions mixtes paritaires

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution des commissions mixtes paritaires sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 18 juillet dernier prennent effet.

3

Dépôt d’un document

M. le président. M. le président du Sénat a reçu, en application de l’article 8 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, la convention conclue entre l’État et l’Agence de services et de paiement, action « rénovation thermique des logements privés – prime exceptionnelle ».

Acte est donné du dépôt de ce document.

Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

4

Questions orales

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

statuts de demandeur d'asile, de débouté du droit d'asile ou de sans-papiers

M. le président. La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 409, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les milliers de personnes que l’État a l’obligation d’héberger en raison de leurs statuts de demandeurs d’asile, de déboutés du droit d’asile ou de sans-papiers.

Maire d’une commune qui accueille, pendant la période hivernale, une quarantaine d’adultes et d’enfants, je m’inquiète face à la constante augmentation des demandeurs d’asile et à la gestion d’une telle situation.

Dernièrement, les vingt-huit maires de la communauté d’agglomération de Grenoble ont reçu un courrier du président de l’intercommunalité, dans lequel celui-ci écrivait :

« Les lieux d’accueil, gérés par l’État, sont totalement saturés et ne peuvent plus faire face à ces arrivées régulières.

« Le corollaire de cet état de fait est une situation de précarité, qui se diffuse à l’ensemble du territoire, au-delà des zones urbaines prioritairement concernées.

L’État, compétent dans ce dossier, m’a officiellement annoncé son impossibilité de maintenir son effort financier lié à ses obligations, faute de crédits disponibles. »

Cette situation démontre la nécessité de mettre en œuvre un dispositif sanitaire et social spécifique pour répondre aux problèmes de délai d’instruction des dossiers par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, de gestion des flux à l’échelle des départements, de places en centre d’accueil, de sécurité, de prostitution, de scolarité.

Si ces questions se posent à la France, les réponses dépassent largement les frontières du territoire national. Les récentes mesures prises par certains pays de l’Union européenne en vue de réduire les entrées migratoires confirment qu’il y a urgence à revoir notre politique communautaire si l’on souhaite faire preuve d’efficience en matière d’accueil des populations dont la sécurité n’est pas assurée dans leur pays d’origine, et si l’on veut éviter ce que l’on pourrait appeler un « appel d’air ».

J’aimerais savoir si le Gouvernement envisage de mobiliser les instances européennes afin de rendre plus efficiente la politique communautaire d’accueil des demandeurs d’asile et s’il peut solliciter ces mêmes instances afin de créer un statut des minorités garantissant leur protection dans leur pays d’origine, quand celui-ci est membre de l’Union européenne.

Par ailleurs, quand une réduction des délais d’instruction des dossiers traités par l’OFPRA pourra-t-elle être opérée au niveau national ? La procédure s’avère en effet souvent longue : de douze à dix-huit mois.

Enfin, le Gouvernement a-t-il l’intention de proposer une gestion de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement des demandeurs d’asile à l’échelle départementale, pour une meilleure prise en charge des demandes, en dotant les préfectures de moyens et de matériels adaptés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez fait part de vos préoccupations, que je partage en grande partie, quant aux modalités d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile.

Le droit d’asile est un droit fondamental, et la France doit honorer ses engagements internationaux de protection des personnes persécutées et menacées dans leur pays d’origine. Nous devons d’ailleurs transcrire dans notre droit le « paquet asile », négocié depuis plusieurs années au sein de l’Union européenne. Le droit d’asile est donc non pas un droit à l’immigration, mais un droit à la protection. Toutefois, il convient de veiller à ce que la politique d’asile ne soit pas dévoyée : les demandeurs déboutés, après qu’ils ont fait valoir leur droit de recours, n’ont pas a priori le droit de se maintenir sur le territoire.

Entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d’asile a augmenté de 73 %, et cette progression continue. En Europe, la France se situe au deuxième rang, après l’Allemagne, des pays de destination des demandeurs d’asile.

Cette évolution a provoqué une augmentation importante, que vous avez signalée, des délais d’instruction des demandes. Grâce au recrutement de 45 officiers de protection supplémentaires à l’OFPRA, ces délais commencent à diminuer. Mais le rythme est insuffisant. Ce phénomène se combine avec des effets de concentration des flux dans certaines régions et certains départements, dont le vôtre, ainsi que dans l’agglomération grenobloise et près de Lyon. Comme vous le souligniez, il résulte d’une telle situation une très forte pression sur les dispositifs d’hébergement.

Disons les choses simplement, notre politique de l’asile a atteint ses limites, si bien que, pour la préserver – je dirai même pour la sauver –, il nous faut la réformer profondément. Vous avez raison, il convient évidemment de mener cette discussion au niveau européen, tout en agissant au niveau national.

Le Premier ministre a annoncé la création de 4 000 places supplémentaires en centres d’accueil de demandeurs d’asile, ou CADA, dont 2 000 sont d’ores et déjà disponibles. Toutefois, compte tenu des contraintes budgétaires, nous ne pourrons pas multiplier à l’infini les hébergements. Si le fonctionnement de notre système d’asile reste inchangé, ces efforts seront vains, avec le risque, que vous évoquiez, monsieur le sénateur, d’un appel d’air et d’une confusion des publics. Je pense notamment à ceux qui se retrouvent sans papiers, également présents au sein de ces dispositifs.

Il est donc urgent d’agir, d’autant que la France devra transposer très prochainement des directives européennes. Celles-ci visent à contribuer à l’achèvement du régime d’asile européen commun, fondé sur une harmonisation accrue des politiques des États membres et un haut niveau de protection. La mise en œuvre de cet objectif doit assurer à tout demandeur d’asile, quel que soit l’État membre dans lequel sa demande est examinée, qu’il bénéficie des mêmes droits, des mêmes garanties et de la même qualité d’examen. Si nous ne nous réformons pas, nous rencontrerons donc des difficultés supplémentaires.

Par ailleurs, il faut dire clairement les choses au niveau européen ; mon collègue allemand et moi-même menons des initiatives en ce sens. Face à un grand nombre de demandeurs d’asile en provenance d’un certain nombre de pays n’appartenant pas à l’Union européenne – je pense notamment aux pays des Balkans, et plus particulièrement à l’Albanie ou à la Macédoine –, il est nécessaire de formuler une réponse européenne appropriée.

Enfin, j’ai lancé, lundi 15 juillet, une concertation nationale sur la réforme de l’asile, et nommé deux médiateurs, Mme la sénatrice Valérie Létard et M. le député Jean-Louis Touraine, deux élus locaux aux expériences professionnelles, politiques et personnelles que je crois complémentaires. Tous les acteurs du droit d’asile sont autour de la table : associations, Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, administration ; l’Assemblée des départements de France, ou ADF, l’Association des maires de France, ou AMF, ainsi que des villes concernées par les problématiques de l’asile – nous en avons choisi deux parmi d’autres, Mulhouse et Rennes – s’impliqueront dans la concertation, et plusieurs déplacements sur le terrain sont prévus. J’ai enfin demandé à quatre préfets dont les territoires sont en première ligne de nous accompagner. L’angle européen ne sera évidemment pas oublié.

À partir des recommandations présentées – elles devraient intervenir fin octobre au plus tard –, c’est une vraie refonte du dispositif d’asile en France qui vous sera soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment pour mieux répartir l’accueil sur le territoire, comme le font déjà un certain nombre de pays. C’est l’une des pistes proposées, mais je ne veux pas conclure aujourd’hui cette concertation alors qu’elle vient à peine de commencer.

Quoi qu’il en soit, monsieur le sénateur, soyez certain de mon souci d’apporter des réponses rapides et fortes à ce qui est en train de devenir un vrai problème risquant d’aboutir à une remise en cause du droit fondamental que constitue le droit d’asile. En effet, si les choses continuent ainsi, ce droit sera dévoyé. Nos concitoyens se poseront forcément des questions, lesquelles seront relayées par leurs élus, comme vous l’avez fait, monsieur le sénateur. Vous voyez donc que je suis conscient de la situation.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. J’entends bien, monsieur le ministre, votre souhait de réformer le système du droit d’asile. Sachez que, personnellement, je suis prêt à soutenir toutes les propositions faites en vue d’une telle réforme.

Vous l’avez rappelé, notre pays enregistre une hausse très importante du nombre de demandeurs d’asile, avec 60 000 dossiers supplémentaires en 2012. Vous l’avez rappelé également, la plupart de ces personnes viennent de pays de la péninsule balkanique. C’est un phénomène qui risque de s’accentuer encore dans les semaines et mois à venir si aucune décision n’est prise rapidement.

Je suis d’accord avec vous : face aux conditions inhumaines d’installation et aux risques engendrés en termes tant de sécurité que d’hygiène, il est urgent de passer aux actes. Pour cela, il faut adapter notre politique du droit d’asile afin qu’elle soit compatible – vous l’avez précisé – avec notre capacité d’accueil. Nous attendons donc avec impatience que des dispositions soient prises en ce sens.

stationnement illégal des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul, auteur de la question n° 488, adressée à M. le ministre de l'intérieur.

M. Didier Guillaume. C’est une vraie question d’actualité !

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai préparé cette question fin avril alors que, localement, dans les contours périurbains de l’agglomération tourangelle, le mécontentement était à son comble. Or, depuis quelques semaines, le stationnement des gens du voyage revient au premier plan de la scène politico-médiatique. Je m’élève d’ailleurs avec beaucoup de force contre les propos inacceptables que nous avons entendus récemment.

Ma question est donc bien au cœur de l’actualité, monsieur le ministre, et elle risque d’y rester si la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, n’est qu’imparfaitement appliquée.

Cette loi a été votée en juillet 2000 et j’ai eu le plaisir, à l’époque, d’y contribuer. Elle a apporté des réponses précises et bienvenues pour tenter de régler le difficile problème de l’habitat de ces populations françaises qui adoptent un autre mode de vie, tout en régulant le stationnement illégal. Depuis, de nombreux maires sont malgré tout confrontés à des situations conflictuelles, alors même qu’ils ont mis en place, directement ou dans le cadre de leur intercommunalité, des aires d’accueil.

Ainsi, treize années après la promulgation de la loi, celle-ci n’est toujours pas appliquée dans sa totalité, en particulier en matière d’aires de grand passage. Pourtant, n’en déplaise à ceux qui ont oublié cette disposition, la loi Besson prévoit que l’État peut imposer cette dépense obligatoire des aires d’accueil dans un délai de deux à quatre ans, si aucune démarche n’est engagée. Plus précisément, aux termes de l’article 3 de cette loi, l’État peut le faire « si, à l’expiration des délais prévus à l’article 2 et après mise en demeure par le préfet restée sans effet dans les trois mois suivants, une commune ou un établissement public de coopération intercommunale n’a pas rempli les obligations mises à sa charge par le schéma départemental ».

L’article 4 de la loi prévoit une prise en charge par l’État de 70 % ou 50 % des dépenses en fonction des délais et de la réactivité des communes. Sur ce point, nous avons d’ailleurs entendu de nombreuses contrevérités ces jours derniers, l’État ayant pris sa part, à l’époque, de la dépense d’investissement. Malheureusement, la volonté a ensuite fait défaut. La loi a été appliquée par les élus qui en mesuraient la nécessité. Pour ce qui concerne les aires de grand passage, beaucoup ont regardé ailleurs.

Ces échecs nous renvoient aux situations tendues et conflictuelles actuelles. Lorsque des caravanes arrivent en nombre, les préfets se trouvent dans l’obligation de faire face le plus souvent en urgence. Les conditions d’accueil sont rarement adaptées et ne répondent en rien aux conditions minimales d’hygiène, de salubrité et de sécurité. Les élus, notamment les maires, sont alors en première ligne et doivent gérer ces situations.

Plus d’une décennie après l’adoption de la loi Besson, je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures vous envisagez de prendre dans ce domaine si sensible. Une évaluation de l’application de cette loi pourrait être entreprise et la création d’aires d’accueil et d’aires de grand passage systématiquement engagée.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez parfaitement décrit la situation, en évoquant les difficultés d’application de la loi Besson du 5 juillet 2000.

Répondre à votre question, c’est réaffirmer l’équilibre nécessaire entre droits et devoirs des gens du voyage, ainsi qu’entre droits et devoirs des élus de la République.

Nous connaissons tous – c’est aussi l’ancien maire qui parle ici – les difficultés que rencontrent les élus ; ils sont fréquemment en première ligne pour résoudre des situations souvent très tendues, parce que les populations, elles-mêmes confrontées à des difficultés, sont en colère, parfois fort légitimement ; monsieur le sénateur, lorsque je me suis rendu dans votre département, voilà quelques jours, plusieurs interlocuteurs m’ont entretenu de ces problèmes.

Nous savons que les élus ayant rempli toutes les obligations mises à leur charge par la loi Besson sont parfois, lors d’occupations illicites, les plus exposés à la colère des habitants de la commune, qui ont participé, en tant que contribuables locaux, à la construction des aires d’accueil ; en pareils cas, c’est la parole publique qui est disqualifiée.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur Filleul, la loi Besson a justement cherché à établir un équilibre entre les droits et les devoirs réciproques dont je viens de parler. Cependant, treize ans après son adoption, elle demeure en grande partie inappliquée sur une portion du territoire. De fait, selon la Cour des comptes, seules 52 % des places prévues en aires d’accueil et 29,4 % des aires de grand passage prévues avaient été réalisées au 31 décembre 2010.

Nous ne pouvons plus accepter cette situation, qui rompt avec le principe d’équité territoriale auquel nous sommes tous attachés – et vous, mesdames, messieurs les sénateurs, d’une façon toute spéciale.

D’une part, en effet, elle fragilise par avance toute entreprise visant à soutenir les maires en cas d’occupation illicite. Les voyageurs renvoient d’ailleurs l’État à ses responsabilités en imputant les situations difficiles au non-respect des dispositions légales par les maires.

D’autre part, elle ne manque pas de susciter des débats tout à fait insupportables ; ces dernières semaines, toute une série de prises de position – sans même parler de la plus récente, que je ne confonds du reste pas avec les autres – a créé un climat de très grande confusion.

Ma position est claire : nous devons sortir de cette ambiguïté, qui dure depuis trop longtemps.

C’est dans cet esprit que le Gouvernement soutient la proposition de loi actuellement portée par le député Dominique Raimbourg. Ce texte est construit à la fois sur le principe d’équilibre que je viens de réaffirmer et sur le travail que beaucoup d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, menez depuis des années. J’ai d’ailleurs assisté à un colloque auquel participaient non seulement M. Raimbourg, mais aussi le député Didier Quentin et le sénateur Pierre Hérisson, membres de l’actuelle opposition, qui travaillent sur cette question. Je ne doute pas, monsieur Filleul, que vous apportiez vous aussi votre contribution.

Sur la base d’une évaluation de la loi Besson, nous devons bâtir un nouveau dispositif législatif afin de faire vivre ces droits et ces devoirs.

L’État se place aux côtés des gens du voyage pour que leurs droits soient très concrètement respectés, en obligeant les élus, y compris avec un certain nombre de moyens financiers, à construire des aires d’accueil.

Ce premier principe a pour corollaire qu’il est légitime et juste que nous soyons aussi aux côtés des élus locaux. Il est nécessaire de leur garantir, au besoin avec le concours de la force publique, l’évacuation des campements illicites, non seulement si un trouble est causé à l’ordre public, mais encore s’il existe, en plus de l’aire communale éventuellement occupée, une aire d’accueil proche pour recevoir les gens du voyage, dans un périmètre que nous devrons fixer dans la loi.

Concernant les aires de grand passage, nous approuvons l’idée de rendre obligatoires, dans le schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage, la mention tant des communes où ces aires doivent être installées que de la capacité d’accueil de chaque aire. Je demanderai sans doute à des parlementaires d’aider le Gouvernement à mieux traiter cette question, dont on voit bien, au cœur de l’été, qu’elle est l’une des principales difficultés. (MM. Jean-Jacques Filleul et Didier Guillaume acquiescent.)

Bref, il s’agit, d’une part, de rappeler aux communes, y compris en recourant à des moyens coercitifs, qu’elles sont tenues de respecter la loi Besson et, d’autre part, de donner aux maires respectueux de la loi les moyens de faire évacuer beaucoup plus rapidement les terrains occupés de façon illicite.

Il faut aussi réexaminer la question du schéma départemental d’accueil et d’habitat des gens du voyage, ainsi que celle des aires de grand passage.

Enfin, il faut en appeler aux élus et aux gens du voyage pour qu’ils surmontent ensemble les défiances réciproques et qu’un apaisement puisse être obtenu. Sans méconnaître les difficultés, en appelant au respect de la loi et au dialogue républicain, il s’agit de promouvoir l’intérêt général, fondement de la République. Je ne doute pas, monsieur Filleul, que vous participerez une nouvelle fois à ce travail !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le ministre, je souscris à vos propos. J’apprécie en particulier le ton apaisé de votre réponse ; je pense que c’est le ton républicain que tout le monde attend aujourd’hui.

Il reste qu’au printemps, en Indre-et-Loire, nous avons vécu des moments un peu compliqués lorsque des communes ont eu à subir sur leur territoire des afflux très importants de caravanes, sur des terrains inappropriés. Il faut bien reconnaître que l’arrivée de toutes ces personnes a troublé l’ordre public. Les services municipaux et préfectoraux, ainsi que la police et la gendarmerie, ont été mobilisés, comme vous l’imaginez bien. Tout cela n’est pas correct dans un grand pays comme le nôtre.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, chacun a des droits et des devoirs ; je considère qu’il faut les appliquer.

Nous attendons avec impatience de connaître le contenu de la proposition de loi en cours d’élaboration à l’Assemblée nationale.

Même si, comme j’ai eu l’occasion de le constater sur le terrain, les riverains ont une vraie retenue, souvent parce que les maires sont très attentifs, le souvenir des incidents survenus à Saint-Aignan en 2010 demeure vivace en Indre-et-Loire ; il ne faudrait pas que de tels événements se reproduisent.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse ; j’adhère à vos engagements et je me tiens à votre disposition.

situation du réseau à moyenne tension dans le département de la manche

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, auteur de la question n° 422, adressée à M. le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, depuis de nombreuses années, le département de la Manche apporte une contribution décisive à la politique énergétique de la France.

Cette contribution est assurée notamment par l’usine de retraitement des déchets nucléaires de la Hague, la centrale nucléaire de Flamanville et le futur réacteur EPR, en cours de construction dans la même commune.

Demain, elle sera complétée par l’implantation sur le port de Cherbourg d’une partie de la filière industrielle de création d’éoliennes en mer et d’hydroliennes.

Or le contraste est assez saisissant entre cette capacité de production d’énergie électrique et la qualité de la distribution du courant électrique dans le même département.

De fait, au mois de mars dernier, une panne de courant électrique consécutive à un épisode neigeux a affecté pendant plusieurs jours 43 000 de nos concitoyens. Il est évident que l’épisode neigeux n’est pas le seul responsable de cette panne : si cette dernière a pu se produire et provoquer de tels effets, c’est largement à cause de la médiocre qualité de l’équipement de transport et de distribution d’électricité.

Je rappelle qu’en France, la part des lignes à haute tension et des lignes à moyenne tension A qui ont été enfouies est environ moitié moindre qu’en Grande-Bretagne, en Allemagne ou dans les pays d’Europe du nord. Or, dans la Manche, cette proportion est moitié moindre que la moyenne nationale, de sorte qu’elle correspond au quart de la part des lignes enfouies dans les pays les plus avancés à cet égard.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il donner les instructions nécessaires pour que le système de transport du courant électrique soit modernisé sur le plan de la qualité du courant et de la sécurité de sa fourniture ?

Ma question vaut pour l’ensemble de notre pays, mais spécialement pour le département de la Manche, dont je suis l’élu, parce que l’écart entre son effort au service de la politique énergétique nationale et la qualité de la distribution du courant qui y est assurée finit par exaspérer un certain nombre de nos concitoyens manchois.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Bas, permettez-moi de vous témoigner le plaisir que j’ai à vous retrouver, après la visite que vous aviez faite voilà quelques années, en tant que ministre, dans le département du Gers ; vous nous aviez alors apporté des éléments importants en ce qui concerne des établissements de santé et d’accueil de personnes âgées.

Vous avez décrit les conséquences de l’épisode neigeux exceptionnel qui a frappé le département de la Manche en mars dernier ; je vous rappelle que la vigilance rouge avait été déclenchée par Météo France, ce qui était une première pour ce département. Vous avez eu raison de signaler que des coupures d’électricité très importantes se sont produites.

Vous comprendrez que je commence par saluer l’extrême mobilisation des agents d’ERDF : avec le soutien des moyens de l’État, de l’armée et aussi parfois des retraités des grandes entreprises du secteur, ils ont mis tout en œuvre pour réparer au plus vite les lignes électriques endommagées.

La fourniture d’électricité est une mission de service public, et l’électricité un service essentiel à la vie quotidienne et à l’activité économique. C’est pourquoi, au-delà de la gestion de crise consécutive à certains phénomènes météorologiques, l’amélioration de la qualité de la fourniture d’électricité demeure une priorité des pouvoirs publics.

Cette amélioration passe par l’entretien et la modernisation des réseaux de distribution ; elle se mesure d’abord à la réduction des temps de coupure. J’observe que ceux-ci ont été stabilisés en 2010 : ils représentent environ soixante minutes par an, en moyenne, hors événements exceptionnels. Parmi les pays européens de taille comparable, seule l’Allemagne fait mieux, mais – faut-il le rappeler ? – pour un coût de distribution bien supérieur.

Comme vous l’avez fait remarquer, monsieur le sénateur, la qualité de la fourniture d’électricité dépend aussi de l’enfouissement des réseaux de moyenne tension ; en effet, l’enfouissement permet non seulement de réduire les conséquences des lignes électriques sur les paysages, mais aussi de diminuer la sensibilité du réseau aux aléas climatiques. Pour avoir connu la tempête Klaus, mon département, le Gers, sait quels peuvent être les effets des événements météorologiques exceptionnels, quels qu’ils soient !

En ce qui concerne l’enfouissement, ERDF a pris deux engagements : construire plus de 90 % des nouvelles lignes à moyenne tension en technique souterraine à compter de 2005 et enfouir plus de 30 000 kilomètres de réseau en moyenne tension en dix ans, dans le cadre du plan d’actions « Aléas climatiques » défini en 2006. Cet engagement a permis de faire passer la part du réseau souterrain dans le total du réseau national de 32 % en 2000 à 43,8 % à la fin de 2012.

Je signale cependant que l’enfouissement systématique des lignes n’est pas forcément synonyme d’amélioration de la qualité de la fourniture. De fait, le taux d’incident hors événements climatiques est à peu près identique pour les réseaux aériens et les réseaux souterrains, notamment pour la moyenne tension.

En outre, l’enfouissement systématique entraîne des coûts élevés et soulève des difficultés techniques, comme la sensibilité aux inondations et aux variations de température, ainsi que le risque d’accrochage des câbles lors des travaux de terrassement.

Dans le département de la Manche, la part du réseau souterrain dans le total du réseau national pour la moyenne tension est relativement faible, puisque ce ratio est seulement de l’ordre d’un quart. C’est pourquoi l’effort d’investissements d’ERDF est plus important dans ce département qu’ailleurs : il a crû de 20 % par an entre 2007 et 2010, soit à un rythme plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale.

J’ajoute que, grâce aux mesures accompagnant la construction de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine, 163 kilomètres de lignes existantes doivent être mis en souterrain, dont 117 kilomètres de lignes aériennes à basse et moyenne tension surplombant les surfaces agricoles ; 268 kilomètres de lignes à construire seront également enfouis.

Ces projets d’enfouissement de réseaux électriques sont éligibles aux crédits du plan d’accompagnement de projet, doté de plus de 6 millions d’euros au bénéfice des communes de la Manche sur le tracé de la ligne Contentin-Maine.

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas.

M. Philippe Bas. Monsieur le ministre, je vous remercie pour les engagements que vous avez rappelés, mais je souhaite qu’ils soient encore amplifiés compte tenu du retard important accumulé dans mon département.

J’ai souligné dans ma question l’importance, pour le reste du territoire national, de la production électrique manchoise. J’ajoute que la Manche, déjà traversée par une ligne à très haute tension, sera désormais traversée par une seconde de ces lignes. Ces deux balafres dans nos paysages ont naturellement suscité les oppositions que vous pouvez imaginer.

Aussi, qu’à l’occasion de la construction de cette ligne à très haute tension, ERDF procède à l’enfouissement de certaines lignes, ce n’est que justice pour le département ! Mon souhait à cet égard est qu’on aille plus loin que les objectifs prévus.

Monsieur le ministre, vous avez eu l’amabilité de rappeler mon déplacement dans le Gers et les apports qu’il a permis sur le plan des établissements de santé et médico-sociaux ; je serais ravi que vous puissiez me rendre cette visite en venant dans la Manche annoncer de nouvelles mesures en faveur de la fourniture d’électricité ! (M. Didier Guillaume rit.)

environnement réglementaire concernant les bailleurs sociaux en matière de normes liées à l'habitat

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume, auteur de la question n° 394, adressée à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, je vous invite d’ores et déjà à venir dans la Drôme, après votre passage dans la Manche ! (Sourires.)

M. Philippe Bas. C’est sur le chemin !

M. Didier Guillaume. L’un des thèmes majeurs des récents états généraux de la démocratie territoriale, organisés par le président du Sénat, fut les normes et leur inflation ; du reste, le Sénat s’en est saisi et a légiféré dans ce domaine.

Je tiens, monsieur le ministre, à attirer votre attention sur un aspect précis de cette question : l’inflation normative dans le logement social.

L’une des priorités du Gouvernement est la construction massive de logements, afin d’offrir à toutes les familles un toit décent, mais aussi de favoriser la relance de l’économie, ce qui est un objectif très important et partagé sur toutes les travées de notre hémicycle.

De ce point de vue, je tiens à saluer la décision du Président de la République et du Gouvernement de mettre en place un taux de TVA réduit pour le logement social.

Reste que l’augmentation des normes fait peser deux contraintes sur les bailleurs sociaux, qui nous alertent à cet égard : les coûts sont alourdis, car l’ajout incessant de normes est budgétivore, et la construction de nouveaux logements est entravée.

Je ne voudrais pas que la réalisation de l’objectif du Gouvernement en matière de construction de logements pâtisse du nombre croissant de normes.

Bien évidemment, en matière de sécurité, il est hors de question de toucher aux normes, qu’il s’agisse du remplacement des robinets gaz par des robinets à coupure, de la mise en conformité des ascenseurs, de la réalisation de diagnostic amiante et du désamiantage, de la mise en place de compteurs individuels, ou encore de l’accessibilité pour les établissements recevant du public. Cette liste est non exhaustive. Il est évident que, dans ces domaines-là, il n’y a pas à discuter. En cas d’accident, on ne se demande pas « pour quoi ? » ou « pour qui ? ». Il faut donc que tout soit fait, s’agissant de la sécurité.

Toutefois, je vois bien que, dans la Drôme – et la situation doit probablement être la même dans le Gers, la Manche, les Pyrénées-Atlantiques ou dans les Landes –, les bailleurs sociaux font difficilement face aux deux contraintes que j’ai précédemment évoquées : l’augmentation budgétaire liée aux normes et le fait que la construction de nouveaux logements soit entravée.

Face à ces contraintes, je souhaite interroger le Gouvernement quant à la possibilité d’étaler dans le temps ces obligations. Loin de moi l’idée de vouloir supprimer les normes, notamment les normes en matière de sécurité ; toutefois, un tel étalement pourrait permettre aux bailleurs sociaux de libérer des fonds propres, et ainsi d’atteindre l’objectif de construction de logements sociaux, cher au Président de la République et au Gouvernement. Ce serait à mon avis judicieux.

Je vous remercie par avance de votre réponse, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Voilà donc deux déplacements prévus : un dans la Manche, un dans la Drôme ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur Didier Guillaume, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement, qui m’a demandé de vous répondre à sa place.

Le 21 mars 2013, le Président de la République a présenté un plan d’investissement pour le logement. Ce plan est essentiel. Il vise à lever les freins à l’aboutissement des projets de logements en cours et à la relance de la construction de nouveaux projets, avec l’objectif de construire 500 000 logements chaque année d’ici à 2017.

Pour mettre en œuvre ce plan, différentes mesures vont être présentées au Parlement à l’automne, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances.

L’application dès le 1er janvier 2014 d’une TVA au taux réduit de 5 % pour la construction et la rénovation de logements sociaux constituera une aide essentielle à la construction de ces logements. Abaisser le taux de TVA de cinq points permettra aux bailleurs sociaux d’économiser environ 6 000 euros de fonds propres par logement neuf réalisé et de les réemployer sur d’autres opérations.

Par ailleurs, plusieurs actions seront mises en place pour donner aux acteurs la stabilité juridique dont ils ont besoin en vue d’accélérer le rythme de constructions neuves. Nous prévoyons notamment un moratoire de deux ans sur les réglementations nouvelles induisant des surcoûts.

Le Gouvernement a également entrepris de réduire l’impact des normes et réglementations sur les coûts de construction. Ce sont les freins dont vous parliez à l’instant.

Pour cela, une étude sur les gisements d’économies sur le coût de la construction, lancée en 2011 doit être finalisée très prochainement.

Toujours dans le cadre du plan d’investissement pour le logement, un appel à propositions a été lancé sur le site du ministère ; il s’agit d’associer étroitement l’ensemble des acteurs, professionnels, associations, intervenant dans l’acte de construire, en les invitant à proposer des pistes d’adaptation des exigences réglementaires et normatives. L’appel à propositions est ouvert jusqu’au 30 septembre 2013. Une synthèse des contributions sera ensuite réalisée.

Enfin, monsieur le sénateur, dans le cadre du chantier de la modernisation de l’action publique lancé par le Gouvernement, une évaluation globale sera mise en place en concertation avec les acteurs de la construction, à partir de septembre, sur les normes et les réglementations techniques, au regard des coûts de construction.

Le périmètre de l’évaluation portera sur l’ensemble des logements privés et sociaux, ainsi que sur les bâtiments tertiaires. Un groupe stratégique, composé des principaux représentants des acteurs de la construction, sera mis en place afin d’établir un diagnostic partagé. Celui-ci permettra de dégager et de classer les thématiques du domaine de la construction pour lesquelles des scénarios d’action ou d’adaptation des exigences réglementaires ou normatives semblent pertinents.

Des groupes de travail avec des experts approfondiront ensuite les scénarios arrêtés. À partir de ces différentes pistes de travail, le groupe stratégique proposera un plan d’action. L’objectif, monsieur le sénateur, est d’aboutir ainsi à des projets de simplification des normes de la construction, en particulier pour le secteur du logement social.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, votre réponse, dont je vous remercie, va dans le sens du souhait du plus grand nombre, notamment des collectivités locales.

Néanmoins, je me permets d’insister en vous demandant de transmettre à votre collègue Mme Duflot la question précise de l’étalement de la mise en place de ces normes. Le problème aujourd’hui posé aux bailleurs sociaux est celui des fonds propres, permettant d’investir et de construire.

L’engagement du Président de la République et du Gouvernement de construire des logements est essentiel pour relancer notre économie et pour permettre à nos concitoyens de bénéficier de conditions décentes de logement.

S’il paraît normal de mettre en place certaines normes, il serait cependant souhaitable de prévoir un décalage dans le temps afin de permettre aux offices d’HLM, aux bailleurs sociaux, de conserver plus de fonds propres pour construire davantage de logements.

Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre réponse ; j’apprécie beaucoup l’engagement du Gouvernement en ce sens. Le Sénat, qui est parfois rebelle, s’est engagé fortement dans la limitation des normes. Nous devrons continuer dans ce sens, car aujourd’hui, en France, nombreux sont ceux qui n’en peuvent plus que, norme après norme, des contraintes soient constamment ajoutées, empêchant ainsi la fluidité de l’économie nationale.

recensement des camélidés en france

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume en remplacement de Mme Nicole Bonnefoy, auteur de la question n° 480, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, Mme Nicole Bonnefoy, retenue en commission des lois pour présenter un rapport, m’a demandé de poser à sa place sa question orale sur le recensement des camélidés en France.

Ma collègue s’interroge sur la date de publication du futur décret visant à rendre obligatoire la déclaration de tout détenteur de camélidés auprès de l’établissement d’élevage compétent.

Depuis maintenant plusieurs années, le syndicat national des éleveurs de lamas et alpagas fait valoir auprès des pouvoirs publics la nécessité de structurer leur filière et de l’organiser, tant pour des raisons sanitaires que pour des raisons de protection des animaux.

Comme Mme Nicole Bonnefoy l’évoquait dans sa question écrite n° 22203 du 2 février 2012, de 8 000 à 10 000 camélidés circulent aujourd’hui en France. Au même titre que les bovins et ovins, ces animaux sont sensibles à un certain nombre de maladies et peuvent donc en être porteurs.

Cette population étant amenée à se déplacer régulièrement sur le territoire français, elle pourrait constituer un réservoir potentiel de maladies.

Or, pour l’heure, aucune prophylaxie obligatoire des camélidés n’est mise en œuvre et il n’existe pas de suivi des mouvements de ces animaux à l’intérieur de notre pays.

Conscients de cette situation et soucieux d’assurer une meilleure traçabilité sanitaire de l’espèce face à certaines maladies émergentes telle la fièvre catarrhale ovine, les éleveurs demandent que les pouvoirs publics rendent obligatoire le recensement des camélidés.

Au cours de l’été 2012, la commission nationale d’identification a rendu un avis favorable sur un projet de décret dans ce sens. Sous réserve de dernières vérifications juridiques, ce dernier aurait dû être publié à la fin de l’année 2012 ou dans les premiers mois de l’année 2013. Or, aucun décret n’a jusqu’à présent été rendu public.

Monsieur le ministre, devant l’inquiétude des éleveurs, Mme Nicole Bonnefoy souhaiterait savoir si vous rencontrez des difficultés à mettre en œuvre cette évolution réglementaire et si une nouvelle date de publication est envisagée.

Je vous remercie par avance de bien vouloir répondre à la question de ma collègue Mme Nicole Bonnefoy.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, repérer les chameaux est un enjeu extrêmement important. Vous l’avez dit, de 8 000 à 10 000 camélidés circulent en France, et ce n’est pas au bruit qu’ils font que l’on pourra les situer. Il faut effectivement que nous puissions les recenser.

Le retard du décret est imputable à la base juridique utilisée – je n’entrerai pas dans les détails, notamment concernant les alinéas qui devaient initialement appuyer le décret –, et nous sommes donc amenés à modifier cette base juridique.

Toutefois, monsieur le sénateur, l’objectif demeure bien entendu d’aboutir à un recensement obligatoire de l’ensemble des animaux, en particulier de ceux que vous avez cités et qui, comme d’autres, sont potentiellement porteurs de maladies. Ils doivent effectivement être surveillés afin d’éviter tout problème sanitaire.

Ce décret est en cours de révision. Les services juridiques du ministère sont à l’œuvre pour l’asseoir sur la base juridique appropriée, afin de procéder à une publication dans les plus brefs délais.

Sachez que je partage votre inquiétude. Tout vecteur de maladie doit pouvoir être repéré pour nous permettre d’agir dès la détection d’un problème sanitaire.

C’est bien un souci de base juridique qui est la cause du retard, et l’objectif demeure la publication du décret.

M. le président. La parole est à M. Didier Guillaume.

M. Didier Guillaume. Monsieur le ministre, n’étant pas un spécialiste des camélidés, lamas, chameaux et autres animaux que l’on rencontre dans notre pays, je transmettrai votre réponse à Mme Nicole Bonnefoy.

Si j’ai bien compris le sens de votre intervention, notre collègue peut être satisfaite : tout cela est sous contrôle et le décret devrait être publié dans les prochaines semaines.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de vous intéresser à la biodiversité de notre territoire.

avenir de la filière bois française

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet, auteur de la question n° 463, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, deux rapports viennent d’être rendus pour alimenter le volet forêt du futur projet de loi portant sur l’avenir de l’agriculture.

M. Jean-Yves Caullet, député de l’Yonne et par ailleurs président de l’Office national des forêts, à qui le Premier ministre a confié une mission de réflexion sur l’avenir de la forêt et de la filière bois, a récemment rendu son rapport ; ce dernier, qui s’appuie sur les travaux et l’expérience des différents acteurs de la filière, identifie les obstacles et propose des choix stratégiques ainsi que des outils opérationnels pour atteindre les objectifs suivants : relever le défi de la forêt et la filière bois face au changement climatique, face à la transition énergétique, aux enjeux de la biodiversité et au déséquilibre de la balance du commerce extérieur. Il préconise notamment la création d’un fonds stratégique de 100 millions d’euros, qui pourrait financer toute la filière forêt-bois.

Un second rapport interministériel, complémentaire, propose un plan national de la forêt et du bois ambitieux, qui concilie les enjeux économiques et environnementaux. Ce rapport, intitulé Vers une filière intégrée de la forêt et du bois, a été rédigé par la mission interministérielle menée par Christophe Attali. Il prévoit l’élaboration d’un plan national de la forêt et du bois, qui serait la clé de voûte des instruments d’orientation et de conduite de la politique nationale forestière.

Le Gouvernement, je le note, est très sensible à la problématique forestière et aux enjeux économiques portés par la sylviculture.

Ma question vise à nourrir le volet forêt du futur projet de loi d’avenir pour l’agriculture devant être présenté au conseil des ministres cet automne. Je porte les réflexions qui m’ont été soumises par les exploitants forestiers et les scieurs finistériens, soulignant cependant qu’il ne s’agit pas d’une problématique spécifiquement finistérienne.

La filière bois française est aujourd’hui en pleine phase de redéfinition de ses enjeux stratégiques. Ce secteur doit faire face à une concurrence violente, notamment venant d’Asie, où les exportations s’accélèrent, favorisées par des normes sanitaires très différentes et défavorables aux producteurs de bois français. On constate d’ailleurs un déficit très élevé de la balance commerciale en produits bois transformés.

Face à un tel constat, il convient de dynamiser la gestion forestière en France et de la développer, notamment par la construction et l’utilisation du bois, matériau renouvelable aux qualités exceptionnelles. De nombreux pays producteurs de bois, tel le Brésil, favorisent et soutiennent depuis de nombreuses années la production de produits transformés sur place et non l’exportation de grumes, arbres abattus, simplement ébranchés et laissés avec leur écorce.

L’engagement de l’État en faveur de la forêt française doit être constant.

Monsieur le ministre, il s’agit aujourd’hui de définir l’avenir de la filière bois : les acteurs de la filière attendent l’encouragement de l’État au renouvellement de la forêt, à l’amélioration des peuplements, au développement de la desserte et à la modernisation de l’exploitation forestière.

En conséquence, je souhaite vous interroger sur les actions qui pourraient être engagées par le Gouvernement pour la redynamisation de la filière bois française selon trois axes : harmoniser les règles sanitaires françaises entre matière première et matière transformée ; établir un constat actualisé des coupes sanitaires nécessaires ; inscrire dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’agroalimentaire et de la forêt, actuellement en discussion, un plan de gestion de la forêt française articulé autour d’une efficacité économique et d’une protection durable.

Le secteur de la forêt est un secteur stratégique pour l’emploi. Le 20 juin dernier, la filière forêt-bois a ainsi déclaré être « capable de s’engager pour créer 25 000 emplois d’ici à 2020 ».

Vous connaissez mon engagement à défendre la filière économique agricole bretonne, monsieur le ministre.

M. le président. Mon cher collègue, je vous remercie de cette question à laquelle je m’associe volontiers !

La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le sénateur, je connais votre engagement et, de manière générale, celui du Sénat sur cette question de la forêt, puisque, lors des discussions que nous avions eues sur le Fonds Carbone, nous avions trouvé un accord global pour qu’une partie de ce fonds soit mobilisée en faveur de la forêt.

Vous l’avez dit, deux rapports ont été publiés sur ce sujet, l’un de Jean-Yves Caullet, et l’autre du conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux ; ils définissent des objectifs globaux à cette filière qui, vous l’avez rappelé, présente un réel potentiel, à condition que l’on s’organise pour le valoriser.

Quel est ce potentiel ?

D’abord, nous avons la troisième forêt d’Europe, comprenant à la fois des résineux et des feuillus. Cette forêt souffre néanmoins de deux handicaps majeurs : son renouvellement et son adaptation au réchauffement climatique, deux vrais enjeux concernant les essences qu’il faudra choisir.

Ensuite, dans cette forêt, l’effet patrimonial est supérieur à l’effet économique. Par conséquent, nous devrons pouvoir déstocker une partie des bois qui restent en réserve. Cette question va sans doute être l’objet de discussions et de modifications fiscales afin d’essayer de favoriser la sortie du bois.

Comment utilise-t-on ce bois ? La France a perdu depuis des années sa capacité à transformer les bois de grumes, et l’on en est donc arrivé aujourd’hui à exporter des grumes en Asie, mais quelquefois aussi dans des zones européennes beaucoup plus proches, comme l’Autriche, pour être sciées et débitées. Cela nous fait perdre la valeur ajoutée de la transformation et, surtout – je le souligne ici –, l’ensemble des co-produits de ce sciage qui pourraient servir à faire de la cogénération et du bois énergie. Par conséquent, sur ces deux sujets, nous sommes vraiment perdants.

À partir de là, nous devons avoir une ambition, couplée avec un troisième axe, à savoir les débouchés : le bois comme matériau de construction et d’isolation. Cette utilisation du bois doit être complètement revue.

Ce sont ces trois axes qui vont être l’objet du projet de loi que nous allons examiner : mobiliser et renouveler notre forêt, restructurer et investir dans des outils de transformation, enfin, développer des débouchés.

Au-delà – et sur les questions sanitaires, je vous rejoins –, nous allons devoir engager une discussion sur les bois et les coupes, ainsi que sur les meubles, même si, juridiquement, les difficultés sont nombreuses. Pour progresser, il faut partir des trois grands principes que j’évoquais et structurer cette filière, en ayant pour objectif – vous l’avez dit – de retrouver le potentiel de création d’emplois que nous avons perdu après l’avoir laissé dépérir.

Cette discussion aura lieu au début de l’année prochaine, sur la base des rapports de Jean-Yves Caullet et du CGAAER, dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, qui devra aussi intégrer un certain nombre de points que vous avez évoqués. L’un d’entre eux présente beaucoup plus de difficultés que les autres : l’instauration d’une taxe supplémentaire à l’export.

D’une part, cette redevance pourrait avoir pour conséquence une diminution de nos exportations. La question est juridiquement très compliquée.

D’autre part, il vaut mieux dynamiser la filière en amont plutôt que d’essayer de récupérer des recettes en aval, dans une situation où, justement, il faut plutôt favoriser la sortie du bois, sa transformation et sa valorisation.

En tout cas, monsieur le sénateur, je vous sais attaché, comme certains de vos collègues ici, à cette belle filière.

Nous disposons d’un atout majeur et devrons être capables de valoriser au maximum cette richesse, notamment économique, écologique et en biodiversité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je compte sur vous, dans les débats à venir, pour soutenir ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture afin de donner un avenir à la forêt française.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

M. Jean-Luc Fichet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse très précise. Les professionnels français de la filière du bois, notamment bretons, sont très attentifs à la question de savoir comment ils vont pouvoir poursuivre leur activité.

Vous avez souligné le problème des exportations : nous sommes effectivement dans un système un peu aberrant, puisque nous exportons nos bois et en importons d’autres – par exemple des meubles –, qui proviennent d’usines étrangères.

J’évoquerai aussi les co-produits, au moment où nous examinons de très près la question du chauffage au bois, des chaudières à bois, car ces co-produits permettent d’alimenter ces dernières.

Tous ces éléments font partie de la filière bois, qui constitue un ensemble économique important. C’est la raison pour laquelle les discussions que vous vous proposez de conduire, monsieur le ministre, devront porter tant sur la préservation de l’aspect patrimonial que sur l’aspect économique de cette filière. Quoi qu’il en soit, je transmettrai votre réponse à toutes les personnes qui m’ont interrogé.

modalités de calcul de la contribution au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales

M. le président. La parole est à M. André Vairetto, auteur de la question n° 492, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.

M. André Vairetto. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur les modalités de calcul de la contribution au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, communément appelé FPIC. L’article 112 de la loi de finances initiale de 2013 a confirmé la progression de la péréquation horizontale dans le cadre du FPIC mis en place lors de la loi de finances de 2012. Néanmoins, est intervenue une modification des modalités de calcul du prélèvement, avec l’introduction du critère du revenu par habitant à hauteur de 20 %, pour mieux prendre en compte les charges des collectivités.

Cette évolution reste insuffisante, en particulier pour les zones de montagne qui doivent faire face à des contraintes plus importantes. Ainsi, par exemple, le coût annuel de maintenance, d’entretien et d’exploitation du réseau routier s’élève en moyenne à 10 000 euros par kilomètre en haute montagne, de 5 000 à 6 000 euros en moyenne montagne, et de 3 000 à 4 000 euros en plaine. Les surcoûts sont comparables pour la construction, l’organisation des secours ou la prévention des risques naturels.

Si le principe de la péréquation n’est pas remis en cause par les élus, la montée en charge de ce fonds paraît trop rapide et les montants prélevés trop importants, même limités in fine à 2 % des recettes fiscales des collectivités contributrices. La progression du prélèvement en faveur du FPIC va devenir difficilement supportable pour de nombreuses intercommunalités, notamment savoyardes, qui envisagent, pour y faire face, de renoncer à la réalisation d’équipements publics ou d’augmenter la charge fiscale.

La redistribution entre les collectivités locales est légitime, à la condition que soient prises en compte les spécificités des territoires. Ces communes ou intercommunalités doivent être capables de mettre en place de nouveaux services à la population tout en assumant des contraintes qui pèsent lourdement sur leur budget.

Paradoxalement, la loi autorise, pour la répartition du prélèvement ou le droit au reversement, dans des conditions de majorité qualifiée ou d’unanimité, la prise en compte d’autres charges : ces dernières doivent être intégrées dans le calcul global du prélèvement.

Aussi, madame la ministre, je souhaite que le Gouvernement envisage d’introduire de nouveaux critères de charges pour le calcul du montant prélevé afin de tenir compte de la spécificité des communes de montagne.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je suis très sensible à la question que vous avez posée, car – on l’a mesuré sur le terrain – les problèmes de péréquation sont extrêmement difficiles à régler.

Les communes dites « les plus riches » ont quelques difficultés à partager leurs richesses (Sourires.), et les communes les plus sensibles sont les premières à demander à bénéficier de la péréquation.

J’en viens à la problématique particulière, évoquée dans votre question, des communes qui relèvent de votre département. S’agissant du constat que vous avez établi, je dirai que le département de la Savoie est l’un de ceux dans lesquels les communes isolées sont les plus nombreuses (M. André Vairetto fait un signe de dénégation.)… Globalement, si ! Or un tel constat ne favorise pas ce type de péréquation.

J’ajouterai que le potentiel financier moyen par habitant dans votre département est aujourd’hui supérieur de 72 % à la moyenne française,...

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … ce qui explique quelque peu le niveau élevé des contributions des communes.

Prenons deux exemples : celui de la commune de Saint-Martin-de-Belleville,…

MM. Didier Guillaume et André Vairetto. Non !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Eh oui, messieurs les sénateurs !

… avec le domaine skiable de Val Thorens, et la commune de Saint-Bon-Tarentaise, avec le domaine skiable de Courchevel. Voilà deux exemples – deux mauvais exemples, me direz-vous – justifiant que ce potentiel financier soit supérieur de 72 % à la moyenne nationale.

Monsieur Vairetto, vous parlez des problèmes de contribution excessive au regard des capacités contributrices de certaines communes et de la nécessaire solidarité entre communes. La contribution moyenne des communes isolées et des intercommunalités de Savoie est égale à 1,8 % seulement de leur potentiel financier, ce qui reste relativement limité. La commune la plus contributrice l’est à hauteur de 4,23 % de son potentiel financier. Rapporté au nombre d’habitants, ce potentiel représente 577 % du potentiel moyen français. Je ne citerai pas d’autres chiffres, car ils seraient accusateurs !

Parlons plutôt de vos propositions, monsieur le sénateur. Vous demandez que l’on modifie les critères du FPIC. Sachez que ce fonds a une vocation généraliste et s’applique indifféremment – c’est le problème de cette solidarité – à toutes les communes, qu’elles soient situées en montagne, en bord de mer, près d’un lac ou d’une station thermale. Comme ces caractéristiques pourraient être multipliées à l’infini, nous préférons retenir des critères transversaux pour ce fonds.

Le critère que nous voulons renforcer est le revenu par habitant, afin de mieux discriminer les contributions au sein des territoires prélevés. Cela devrait favoriser la Savoie dès lors que les communes isolées entreront dans des intercommunalités.

J’ajoute, car vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, que ce FPIC, qui a déjà montré son efficacité, va permettre de soutenir le redressement des finances publiques autant que ce sera possible. Même si le FPIC existe et que l’on ne peut en nier l’intérêt, son montant global est quand même relativement faible par rapport aux dotations globales : il ne représente que 0,5 % des ressources communales. Par conséquent, si nous voyons bien tout intérêt de ce fonds, nous en mesurons dans le même temps la relativité.

Enfin – on ne l’a pas dit assez –, dans le cadre de la péréquation des départements, on a introduit un certain nombre de critères qui bénéficient aux départements de montagne. Cette solidarité peut s’exercer non pas simplement entre collectivités de même niveau, mais entre toutes les collectivités. Il va de soi, par exemple, que les départements peuvent participer à cette solidarité au regard de nos intercommunalités et de nos collectivités isolées qui, demain, ne doivent plus l’être, bien entendu.

M. Didier Guillaume. Avec quel argent ?

M. le président. La Haute-Savoie est solidaire de la Savoie et partage vos inquiétudes, monsieur Vairetto !

Vous avez la parole, mon cher collègue.

M. André Vairetto. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Nous ne contestons pas le principe de la péréquation et le fait que le département de la Savoie ne soit pas parmi les plus pauvres.

Néanmoins, nous sommes confrontés à des contraintes très fortes. Je citerai un seul exemple. Nous mettons en place des plans de prévention des risques d’inondation dont les travaux sont généralement pris en charge par des communautés de communes. Or ces coûts sont beaucoup plus élevés en montagne que dans les zones de plaine. Il en est de même pour l’organisation des secours ou la voirie…

Par conséquent, un certain nombre de petites communes vont être contraintes, pour faire face au prélèvement induit par le FPIC – et ce n’est pas de la démagogie que de le dire –, de renoncer à certains équipements.

J’ai des exemples concrets à cet égard. Madame la ministre, vous avez cité quelques communes un peu emblématiques comme Courchevel ou Saint-Martin-de-Belleville (Rires.)… C’est un peu tendancieux, car je pourrais en citer d’autres !

L’introduction du critère de 20 % pour le revenu par habitant représente une évolution positive. Toutefois, sans remettre en cause le principe de la péréquation, il faut prendre en compte d’autres critères concernant les charges particulières que doivent supporter les départements de montagne.

urgence d’une recherche spécifique sur le cancer des enfants

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 468, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, j’ai été informé que Mme Touraine ne pourrait être présente aujourd’hui, mais je suis heureux que vous soyez ici pour m’apporter une réponse.

Je souhaite attirer l’attention sur le cas précis du cancer des enfants.

Le cancer constitue la première cause de mortalité des enfants par maladie. De fait, chaque année dans notre pays, 2 500 enfants sont atteints d’un cancer et 500 en meurent. Un enfant sur 440 sera atteint d’un cancer avant l’âge de quinze ans. Ces chiffres progressent d’environ 2 % chaque année.

Voilà trente ans que l’espérance de vie face à certains cancers pédiatriques, comme les tumeurs cérébrales, n’a pas progressé. Le cancer des enfants est un problème de santé publique. Or seuls 2 % des fonds alloués à la recherche sur le cancer sont consacrés aux cancers des enfants. Il est urgent de guérir en plus grand nombre et mieux les enfants et les adolescents atteints de cancer. Qui plus est, il est essentiel réduire les séquelles à long terme des traitements toxiques et agressifs que ces jeunes patients subissent. Il s’agit là de la suite de leur existence !

Aussi convient-il de développer une recherche biologique spécifique consacrée aux cancers pédiatriques, afin de mettre au point de nouveaux médicaments adaptés aux enfants. (Mme la ministre déléguée acquiesce.) Ce faisant, on ne sera plus contraint d’utiliser des médicaments élaborés pour soigner les adultes, et simplement administrés à des doses plus faibles.

Il est nécessaire de garantir aux enfants et aux adolescents l’accès aux technologies innovantes de biologie moléculaire et d’imagerie fonctionnelle pour individualiser les traitements en proposant une médecine adaptée et personnalisée. Il y a plusieurs formes de cancer : il faut donc s’adapter à chacune d’entre elle.

Il conviendrait de tripler le nombre de nouveaux médicaments anticancéreux développés en France, de renforcer la recherche et l’évaluation de nouvelles stratégies thérapeutiques. Il faudrait également structurer et systématiser le suivi à long terme des enfants après leur guérison. Enfin, il faudrait mettre en œuvre une recherche clinique et génétique pour réduire les complications chez les adultes guéris d’un cancer dans leur enfance.

Quelles sont les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour relever ce défi de santé publique ? Quelle place compte-t-il réserver à ces dispositions dans le cadre du plan cancer III, qui devrait être prochainement lancé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je suis heureuse que vous ayez pu nous rejoindre à temps pour que je vous apporte la réponse de Marisol Touraine, qui est retenue par d’autres obligations. Je le fais d’autant plus volontiers que mon département, l’Aveyron, accueille chaque année la belle opération « Tout le monde chante contre le cancer », qui concourt au financement de la lutte contre le cancer des enfants.

Chaque année en France, près de 2 500 nouveaux cas de cancer sont diagnostiqués chez les enfants et les adolescents. Cependant, en trente ans, le taux de survie des enfants atteints de cancer s’est considérablement amélioré, passant de 25 % à près de 80 %. Ces chiffres nous mettent tout de même un peu de baume au cœur.

Dans le cadre du plan cancer 2009-2013, plusieurs appels à projets ont été lancés par l’Institut national du cancer, l’INCa, pour soutenir des projets intégrés et novateurs en faveur de la prise en charge des adolescents et des jeunes adultes atteints de cancer et pour le suivi des patients traités pour un cancer durant l’enfance ou l’adolescence.

Actuellement, des actions de santé publique sont en cours, avec deux registres nationaux spécialisés des cancers de l’enfant, l’un sur les hémopathies malignes et l’autre sur les tumeurs solides. Par ailleurs, une plateforme d’observation des cancers de l’enfant, localisée au centre de lutte contre le cancer de Villejuif, permet d’améliorer les connaissances épidémiologiques, en lien avec la biologie.

Dans le cadre de la recherche, des actions engagées par l’INCa et l’institut thématique multi-organismes cancer, ITMO cancer, ont été développées dans les domaines de la biologie, des facteurs de risque, des sciences humaines et sociales, de l’épidémiologie, de la santé publique et des facteurs environnementaux et génétiques liés aux cancers.

Plusieurs essais cliniques à promotion académique ou industrielle sont actuellement ouverts aux inclusions des enfants atteints de cancer, environ un quart concernant des enfants souffrant d’un cancer cérébral.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Ces essais cliniques et thérapeutiques correspondent à des programmes de recherche portant notamment sur la radiothérapie, les faibles et fortes doses de radiations en relation avec les cancers de l’enfant et la prise en charge des cancers pédiatriques. Ils bénéficient d’un financement significatif : entre 2007 et 2011, les crédits qui leur ont été alloués se sont élevés à 38 millions d’euros.

Vous le savez, de nombreuses associations de parents se sont fortement investies dans le soutien à la recherche, dans l’amélioration de la qualité des soins, de la prise en charge des jeunes patients et de l’accompagnement de leurs familles.

Pour autant, le Gouvernement en est pleinement conscient, les efforts doivent être poursuivis et intensifiés. C’est pourquoi le Président de la République a annoncé le 4 décembre 2012 l’élaboration d’un nouveau plan cancer, que vous-même appelez de vos vœux. Ce plan est actuellement en cours d’élaboration. La question des cancers des enfants y figurera comme l’une des priorités dans le cadre de la lutte contre les inégalités aux plus jeunes âges de la vie.

Monsieur le sénateur, soyez certain que je transmettrai, avec une attention toute particulière, votre question à Mme la ministre de la santé.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Madame la ministre, je tiens tout d’abord à vous remercier. Pour ne rien vous cacher, je tremblais d’être en retard, car c’est certainement la question la plus importante que j’aie jamais posée depuis que je suis au Sénat. J’étais bloqué dans les embouteillages de Paris, et j’en étais malade ! Cela étant, Philippe Bas, que je salue, était d’accord pour poser cette question à ma place, le cas échéant, et je suis certain qu’il l’aurait fait très bien.

Je le répète, nous souhaitons que le futur plan cancer cible clairement les cancers des enfants. De plus, une fois guéris, ces jeunes patients doivent être suivis pour pouvoir mener une vie normale. En effet, c’est bien d’être sauvé mais ce n’est pas suffisant ! Vous avez cité une association que vous connaissez bien ; je connais bien le lieu où elle organise sa manifestation annuelle. Pour ma part, je travaille plus particulièrement avec une association qui s’appelle « Imagine for Margo ». Celle-ci est présidée par Mme Patricia Blanc, qui est présente dans les tribunes et qui mène un travail remarquable. En lien avec le professeur Gilles Vassal, qui est un praticien exceptionnel, directeur de la recherche clinique de l’Institut Gustave-Roussy à Villejuif, elle organise une grande mobilisation appelée la marche « Enfants sans cancer ». Cette manifestation aura lieu au domaine national de Saint-Cloud le 29 septembre prochain.

Madame la ministre, toutes les initiatives, conduites tant dans votre département qu’en région parisienne, doivent nous permettre de faire mieux. Sauf votre respect, dire : « On donne une pilule pour un adulte, donnons-en la moitié ou le quart pour un enfant », ce n’est pas administrer un traitement ! Nous voulons une recherche spécifique pour le cancer des enfants. Je sais que vous êtes une personne sensible, et que vous ne m’oublierez pas.

lien entre le numerus clausus et la désertification médicale

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger, auteur de la question n° 418, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Gilbert Roger. Je souhaite attirer l’attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur le problème du numerus clausus dans les études médicales.

Le numerus clausus a été institué au milieu des années soixante-dix, puis poursuivi et accentué de manière constante pendant plus de vingt ans. La France, qui formait 8 500 médecins par an en 1975, n’en formait plus que 3 500 en 2000. Parallèlement, certaines de nos régions subissent une pénurie médicale absolue, de sorte que notre pays doit désormais recourir à des médecins étrangers pour assurer au minimum la relève. Des structures de soins ferment parce qu’elles n’ont pas les moyens quantitatifs et qualitatifs d’assumer leurs missions.

Les inégalités de la répartition des médecins sur notre territoire sont criantes. Elles conduisent à la formation de véritables déserts médicaux, face à des régions surpeuplées de médecins. Par exemple, la Picardie présente un ratio de 260 médecins généralistes pour 100 000 habitants, contre 419 en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Pour l’année scolaire 2012-2013, le numerus clausus en médecine s’élève à 7 492 places en deuxième année. Il était de 7 500 en 2011-2012 et n’a donc pas été relevé cette année.

En quoi le maintien du numerus clausus permet-il une lutte efficace contre la désertification médicale ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, je connais bien le problème de la désertification médicale, non seulement en milieu rural mais aussi en milieu urbain défavorisé, et j’espère que vous me permettrez de répondre à la place de Mme Marisol Touraine.

Le premier déterminant de la démographie médicale pour les dix prochaines années est la formation de nouveaux médecins. En effet, à travers le « pacte territoire-santé », la ministre des affaires sociales et de la santé s’est engagée sur douze mesures qui constituent un plan global et cohérent pour garantir un accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Le numerus clausus est le principal outil de la régulation démographique des médecins et, au-delà, des différents professionnels de santé. Ces deux enjeux doivent être bien mis en regard l’un de l’autre ! Ce dispositif ne se limite pas au nombre de places offertes au concours de première année commune aux études de santé. Il inclut également les passerelles dites « entrantes », c’est-à-dire la possibilité pour des paramédicaux et pour des étudiants titulaires d’un master d’entrer directement en deuxième année de médecine, et pour des docteurs en science ou des diplômés de grandes écoles d’entrer directement en troisième année de médecine.

Si, en 2011, le numerus clausus global s’élevait à 7 700, la ministre des affaires sociales et de la santé l’a porté à 8 000 en 2012 et maintenu au même niveau en 2013. Certes, le nombre de places offertes au concours était de 7 500 en 2012 et 7 492 en 2013, mais c’est parce que Mme Touraine a fait le choix de privilégier l’augmentation du nombre d’admissions directes par les passerelles, notamment en deuxième année de médecine. Cette mesure a permis une progression de l’ordre de 180 % du nombre des admis entre 2011 et 2013, notamment pour les paramédicaux, avec une augmentation de 7 %.

Mme Touraine a la volonté de diversifier les profils de nos futurs médecins, d’agir plus rapidement sur le nombre de nouveaux médecins diplômés.

Entre 2007 et 2013, le nombre de médecins inscrits au tableau de l’Ordre a augmenté de 7,6%, et en 2018, la France comptera près de 290 000 médecins en exercice. Néanmoins, force est de constater des inégalités importantes interrégionales et intrarégionales, que vous avez évoquées. Pour contrecarrer ces disparités, il est prévu d’améliorer et de renforcer le dispositif des contrats d’engagement de service public. Les premiers praticiens territoriaux de médecine générale devraient exercer avant la fin de l’année.

Malheureusement, l’augmentation du numerus clausus depuis 2004 n’a pas profité à la médecine générale. Nos prédécesseurs ont laissé se creuser l’écart entre médecins généralistes et médecins spécialistes.

Ainsi, le nombre de médecins généralistes – dont les études, vous le savez, durent aussi longtemps que celles des spécialistes – inscrits en activité régulière baisse de 1 % par an en moyenne, alors que celui des médecins d’autres spécialités augmente de 0,5 % par an. Si rien n’est fait, en 2018, le solde sera de - 5 % pour les médecins généralistes et de + 5 % pour les autres spécialistes. Quelque 78 départements sur 96 seraient touchés par cette baisse du nombre de médecins généralistes.

C’est pourquoi la ministre des affaires sociales et de la santé, en lien avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, a entrepris de renverser cette tendance en faveur des médecins généralistes, en augmentant, dès 2013, la proportion à l’examen classant national de postes d’interne en médecine générale à 49 %. Elle la portera rapidement à plus de 50 %.

Monsieur le sénateur, telles sont les mesures qui devraient contrer le mouvement constaté jusqu’à présent, et partant réduire cette fracture que subit la démographie médicale.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Roger.

M. Gilbert Roger. Je souhaite rappeler que pour élaborer son tableau, l’ordre des médecins prend en compte les retraités, qui exercent parfois encore afin d’éviter l’absence de médecins dans certains quartiers ou certains villages, et les médecins étrangers. Si l’on enlève ces deux catégories importantes de praticiens, le solde est négatif en exercice réel.

Enfin, Mme la ministre ne répond pas à ma question : en quoi ce numerus clausus est-il utile à la lutte contre la désertification ? Les statistiques montrent que son effet est exactement inverse à cela. J’aurais aimé que l’on propose de le supprimer au profit d’autres systèmes afin que des médecins sortant de nos facultés puissent être présents ici ou là.

nuisances sonores aériennes

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas en remplacement de Mme Chantal Jouanno, auteur de la question n° 482, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Vincent Capo-Canellas. Je reprends la question de ma collègue Chantal Jouanno d’autant plus volontiers que j’en avais moi-même posé une sur le même sujet.

Cette question porte sur la réalisation d’études approfondies des effets du bruit des avions sur la santé. Il n’existe quasiment pas, en France et dans le monde, d’études des effets des nuisances sonores aériennes sur la santé des riverains des installations aéroportuaires.

De nombreuses études statistiques ponctuelles sur ce sujet démontrent, certes, un lien entre cette nuisance et la dégradation de l’état de santé des populations qui y sont exposées. Mais l’effet réel et individuel du bruit n’a jamais été scientifiquement mesuré dans la durée.

L’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, l’ACNUSA, en lien avec la direction générale de la santé, la DGS, a préparé, depuis plusieurs années, une étude sur ce point précis, intitulée Discussion sur les effets du bruit des aéronefs touchant la santé, ou DEBATS. Elle a pour objectif de caractériser les relations entre le bruit des avions et la santé des populations riveraines de trois aéroports en France. Elle porte, notamment, sur le sommeil et ses troubles, les risques cardio-vasculaires, l’anxiété, la dépression ainsi que la qualité de la vie.

Cette étude conjointe de la DGS et de l’ACNUSA est réalisée par l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux, ou IFSTTAR. De nombreux organismes scientifiques sont impliqués dans ce projet : la direction générale de l’aviation civile, la direction générale de la prévention des risques et l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’ANSSET.

La première étude préliminaire, destinée à vérifier la faisabilité, a été conduite en 2012. Ses résultats étant positifs, l’étude dite « longitudinale », qui doit durer quatre ans, a été engagée au début de l’année 2013. Elle prend en considération les riverains de trois zones d’exposition au bruit : une zone fortement exposée autour de Paris–Charles-de-Gaulle, une zone moyennement exposée autour de Lyon–Saint-Exupéry et de Toulouse-Blagnac, et une zone non exposée. Les riverains attendent beaucoup des résultats de cette étude et sont attentifs à son déroulement.

Il semblerait toutefois que des difficultés de financement risquent de compromettre la réalisation de cet important projet, qui n’a pratiquement pas d’équivalent dans le monde, seule l’Allemagne s’étant engagée dans une telle étude, mais avec une cible différente, interdisant les comparaisons.

En conséquence, Chantal Jouanno et moi-même souhaiterions avoir connaissance des intentions du Gouvernement à ce sujet et vous demandons communication des mesures que le ministère entend prendre afin de garantir la poursuite jusqu’à son terme de cette étude, qui constitue une première mondiale.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, vous me permettrez d’apporter la réponse à la question de Mme Jouanno, que vous avez faite vôtre.

L’amélioration des connaissances sur les effets sanitaires du bruit des avions est un sujet très important pour les autorités sanitaires, qui souhaitent promouvoir depuis plusieurs années une véritable étude en la matière.

À cet effet, comme vous le faisiez remarquer dans votre question, une étude épidémiologique intitulée DEBATS a été lancée en 2009 sur l’initiative de l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires. Elle consiste à suivre dans le temps une cohorte constituée de riverains de grands aéroports français ainsi que de riverains d’autres zones non exposées au bruit des avions. Cette étude a été subventionnée par le ministère en charge de la santé à hauteur de 785 000 euros pour la période 2009–2012 et par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie à hauteur de 500 000 euros dont 250 000 euros pour la période 2009–2014 et 250 000 euros pour la suite de l’étude.

Le Gouvernement a prévu de signer une nouvelle convention pluriannuelle d’objectifs qui doit être élaborée pour la période 2013–2016 entre l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux – l’IFSTTAR – et le ministère en charge de la santé. Celui-ci renouvellera ainsi son soutien à la réalisation de ce projet.

Cette convention précisera le montant de la subvention qui sera accordée à l’IFSTTAR, afin de mener à bien cette étude épidémiologique dans les meilleures conditions et de financer l’étude longitudinale qui démarrera dès septembre 2013.

Pour répondre à votre question, je peux vous dire que le versement d’une subvention de 200 000 euros pour la poursuite de ces travaux est d’ores et déjà prévu.

Ce sont-là des éléments de réponse susceptibles d’apaiser vos inquiétudes et de vous faire entendre l’intérêt tout particulier que le Gouvernement porte à cette question essentielle pour la santé de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Merci, madame la ministre, d’avoir apporté une réponse claire en mentionnant la préparation d’une convention et l’engagement d’une somme de 200 000 euros. J’espère que ces fonds permettront de rendre effective la promesse qui a été faite.

Je suis attaché à ce que soit prise en compte dans sa globalité l’insertion des aéroports dans leur territoire. On parle souvent des emplois, du développement économique et des activités, mais il ne faut pas oublier la question première, celle des effets sur la santé et sur le bien-vivre autour des aéroports. Il s’agit là d’une condition de la vie des riverains et de la bonne insertion des plateformes.

La France, à mon sens, s’honore d’avoir lancé cette étude. Il s’agit également d’un élément important dans le dialogue entre les riverains des plateformes, les compagnies, les autorités de régulation aéroportuaires et les aéroports eux-mêmes.

La crainte de contraintes budgétaires est partagée et je souhaitais entendre des engagements précis. En tout cas, je vous remercie de la réponse que vous avez bien voulu apporter sur ce point. Nous serons, bien évidemment, attentifs aux résultats de cette étude attendue par les riverains.

M. le président. Mes chers collègues, ayant pris un peu d’avance sur l’horaire prévu, nous allons interrompre nos travaux en attendant l’arrivée de M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures cinquante, est reprise à dix heures cinquante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

amélioration de la régularité du RER D

M. le président. La parole est à M. Michel Berson, auteur de la question n° 448, transmise à M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.

M. Michel Berson. Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur la recrudescence des dysfonctionnements du RER D, en particulier sur les branches sud « Melun » et « Corbeil-Malesherbes ».

Au cours du premier trimestre de l’année 2013, plus de 20 % des trains auraient été supprimés ou retardés, les associations avancent même un chiffre plus élevé, de l’ordre de 40 %.

J’emprunte, plusieurs fois par semaine, le RER D et je peux témoigner de l’importance non seulement des incidents dus aux personnes, mais aussi et surtout des incidents techniques : insuffisance d’alimentation électrique, arrachage des caténaires, pannes d’aiguillage ou de passage à niveau. Et je ne parlerai pas du manque d’information des voyageurs.

Ces incidents augmentent les temps d’attente sur les quais et allongent les durées de parcours, au point que l’usage des transports en commun devient une véritable souffrance pour les Franciliens. En dix ans, la fréquentation du RER D a augmenté de 50 % pour un schéma de desserte sensiblement identique. Les conséquences, par exemple, du développement des agglomérations d’Évry et de Sénart sur le trafic n’ont pas été anticipées et planifiées.

Depuis trente ans, le RER D souffre à l’évidence d’un sous-investissement chronique. Certes, des annonces ont régulièrement été faites par l’État, par la région, par le Syndicat des transports d’Île-de-France, ou STIF, et par la SNCF, mais les résultats concrets sont peu perceptibles en termes de régularité et de respect des horaires.

De plus, les modifications de desserte prévues pour la fin de l’année 2013 ne risquent-elles pas d’entraîner une dégradation du service pour nombre d’usagers du RER D ?

Ainsi, l’ajout d’arrêts supplémentaires à Maisons-Alfort-Alfortville et à Pompadour, concernant des trains déjà fort remplis aux heures de pointe, va, sans conteste, allonger les temps de parcours.

Monsieur le ministre, quelles mesures prévoyez-vous de prendre à court terme pour améliorer rapidement la situation du RER D ?

Quels projets programmez-vous de mener, et avec quels financements, en vue d’anticiper l’évolution du trafic estimée à 700 000 personnes transportées par jour sur la ligne D en 2020 ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous remercie de m’avoir posé cette question, qui me permet de faire précisément le point sur la situation à laquelle nous sommes confrontés, particulièrement concernant la ligne du RER D.

Vous l’avez constaté, le sous-investissement dont a souffert le réseau d’Île-de-France depuis plusieurs années s’est traduit par la dégradation des conditions de voyage, alors même que la progression du trafic est continue. La ligne du RER D est aujourd'hui majeure, avec plus de 500 000 voyageurs par jour et la perspective d’en compter 700 000 dans quelques années, ainsi que vous l’avez indiqué. De très nombreux retards et incidents, dont vous êtes vous-même le témoin, sont régulièrement constatés sur cette ligne.

Aussi avons-nous souhaité, avec le Premier ministre et le président de la région d’Île-de-France, mettre en place un schéma d’urgence.

Comme l’a annoncé, le 6 mars dernier, le Premier ministre, lors de son discours sur le Nouveau Grand Paris, 7 milliards d’euros seront mobilisés pour les transports du quotidien en Île-de-France d’ici à 2017. Un protocole État-région a d’ailleurs été signé le 19 juillet dernier entre le Premier ministre et le président de la région, confirmant ainsi les efforts conjoints de l’État et de la région. Ainsi, 2 milliards d’euros seront spécifiquement consacrés aux RER.

En outre, à ma demande, RFF, Réseau ferré de France, engagera 2 milliards d’euros par an au titre du renouvellement, dans le cadre du plan de modernisation de réseau qui sera décliné dan les toutes prochaines semaines et qui vise l’ensemble des territoires, notamment l’Île-de-France.

Par ailleurs, j’ai lancé en mars dernier, avec le président de la région, un plan d’actions concrètes. Au-delà des grands chantiers, il nous faut répondre à la préoccupation de nos concitoyens au quotidien pour ce qui concerne le fonctionnement du réseau, la régularité, la qualité et l’information, que les usagers sont en droit de réclamer. Pour atteindre ces enjeux, nous allons prendre des mesures de manière à faire évoluer le transport quotidien.

S’agissant plus particulièrement du RER D, son schéma directeur prévoit la mise en service conjointe, dès la fin de l’année 2013, de plusieurs aménagements d’infrastructure de nature à améliorer la fiabilité de la ligne, ce qui correspond à un investissement de 133 millions d’euros. Dès 2014, l’offre sera ainsi renforcée avec, au nord, le passage de huit trains par heure à douze en heure de pointe.

De même, le protocole que vient de signer le Premier ministre avec le président de région permet de mettre en place les financements nécessaires pour engager la deuxième phase du schéma directeur du RER D, dont l’objectif est essentiellement de restructurer et d’améliorer la branche sud de la ligne ferroviaire au nord de la ligne, le débit et la vitesse des trains.

Pour ce qui est du matériel roulant, afin de pouvoir réaliser l’offre nouvelle et d’améliorer le confort sur la ligne D, seront déployées dix-huit rames à deux niveaux, les Z2N. Des solutions transitoires sont actuellement envisagées pour remplacer plus rapidement les rames anciennes entre Juvisy et Melun.

Enfin, concernant le doublement du tunnel entre Châtelet et la gare du Nord et la mise à six voies de la section Bibliothèque François-Mitterrand–Juvisy, des projets considérables, dont la réalisation prendra du temps, le conseil d’administration du STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, a lancé des études exploratoires et de faisabilité, pour un montant de 1,3 million d’euros. Le projet suit actuellement son cours.

L’enjeu est la perspective de grands investissements et, dans le même temps, la réalisation de travaux concrets pour améliorer la régularité, le confort et, bien sûr, l’information des usagers.

M. le président. La parole est à M. Michel Berson.

M. Michel Berson. Monsieur le ministre, je vous remercie de la réponse détaillée et chiffrée que vous m’avez apportée. Les montants des engagements précis du Premier ministre et du président de la région d’Île-de-France sont élevés, avec, si j’ai bien compris, une durée de mobilisation des crédits assez courte dans la mesure où il s’agit d’un plan d’urgence.

Je souhaite que les crédits soient mobilisés en temps et en heure. Dans le passé, ce dont nous avons le plus souffert, c’est non pas de projets – nous en avons depuis longtemps ! –, mais des crédits qui, souvent, n’étaient pas au rendez-vous, quand bien même ils avaient été annoncés.

Monsieur le ministre, je prends note de vos engagements. Je ne doute pas un seul instant de la volonté du Gouvernement d’améliorer les transports du quotidien et, par là même, la qualité de vie des Franciliens, tout en pensant à l’avenir.

Nous le savons, la véritable solution aux problèmes que nous rencontrons dans les transports au sud de l’Île-de-France est, comme vous l’avez souligné, la réalisation du doublement du tunnel entre Châtelet-les-Halles et la gare du Nord et le sextuplement des voies entre Bibliothèque François-Mitterrand et Juvisy. Même si nous n’en connaissons pas le chiffrage exact – à la suite des études qu’elle mène, la région nous donnera peut-être prochainement un chiffrage précis –, ces chantiers s’élèvent à plusieurs milliards d’euros. Toutefois, c’est bien sur ces investissements véritablement prioritaires que nous devons nous mobiliser.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux en attendant l’arrivée de Mme la ministre de la culture et de la communication.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures huit, est reprise à onze heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

spécificités des associations intermédiaires au regard de la loi relative à la sécurisation de l'emploi

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch, auteur de la question n° 483, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, ma question porte sur les difficultés que vont rencontrer les associations dites « intermédiaires » dans l’application de certaines dispositions de la loi relative à la sécurisation de l’emploi.

Les associations intermédiaires mettent à la disposition d’organismes ou de particuliers, à titre onéreux, des personnes exclues du marché du travail. En facilitant ou en assurant l’insertion professionnelle de ces personnes, elles remplissent une mission d’intérêt général précieuse. L’application de l’article 1er de la loi précitée va les placer dans une situation financière périlleuse, voire contraindre certaines d’entre elles à arrêter leur activité.

Cet article permet aux salariés, jusqu’alors non couverts par une assurance santé complémentaire, d’y accéder d’ici à 2016. Le choix ayant été fait de favoriser l’accès à des mécanismes complémentaires privés, plutôt que de développer la couverture de notre sécurité sociale, le coût de la mesure sera important. Il le sera d’autant plus pour les associations intermédiaires qui signent de très nombreux contrats de travail pour des durées limitées, parfois de quelques heures par mois.

À titre d’exemple, la fédération régionale Auvergne Association Intermédiaire a dénombré, pour l’ensemble de ses associations adhérentes, 3 400 salariés ayant effectué un volume moyen d’activité de 213 heures par salarié en 2012. Plus de la moitié de ces salariés ne sont pas éligibles à la CMU, et sont donc concernés par l’article 1er.

Certes, la fédération va négocier avec les mutuelles, afin d’obtenir un meilleur tarif pour ses associations adhérentes. Néanmoins, l’association job’missions de Clermont-Ferrand a évalué l’incidence sur son budget à 10 000 euros par mois, ce qui, nous dit-elle, va remettre en cause son existence même.

Il n’est évidemment pas dans mon propos de revenir sur la nécessité d’offrir une couverture santé à tous les salariés, même si j’aurais souhaité qu’elle ne s’effectue pas au détriment de la sécurité sociale. Mais vous connaissez, madame la ministre, la fragilité de l’équilibre financier de ces associations intermédiaires. Pour nombre d’entre elles, la réponse que l’État peut apporter, notamment à l’occasion du renouvellement de leur conventionnement, sera une question de survie.

Aussi, je souhaite connaître les moyens que vous envisagez de mettre à la disposition de ces associations pour répondre à ces nouvelles obligations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, vous avez appelé l’attention du ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur les associations intermédiaires visées à l’article L. 5132–7 du code du travail au regard de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013, dont les dispositions ont été reprises dans la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi.

En effet, l’article 1er de cette loi généralise à toutes les entreprises, et donc à tous les salariés, la couverture complémentaire santé. Toutefois, pour tenir compte des spécificités de certaines structures, un décret en cours de préparation doit déterminer la liste des cas de dispenses d’adhésion que les partenaires sociaux ou l’employeur pourront prévoir dans l’acte juridique qui instaure les garanties. Dans cette liste, devrait figurer le cas des salariés en contrat de travail à durée déterminée d’une durée inférieure à douze mois.

Si cela est confirmé, les salariés en CDD d’usage des associations intermédiaires pourront être dispensés de la couverture complémentaire collective santé à la condition que l’acte juridique instaurant les garanties prévoie que les salariés en CDD inférieur à douze mois peuvent en être dispensés.

S’agissant du taux de cotisation à l’assurance chômage, l’ANI du 11 janvier 2013, transcrit à l’article L. 5422–12 du code du travail, pose le principe de la majoration des contributions patronales pour les CDD en fonction de leur durée et du motif de recours à ce type de contrat.

Actuellement, les contributions d’assurance chômage sont acquittées sur la base d’un taux fixe de 6,4 %, réparti à raison de 4 % à la charge de l’employeur et de 2,4 % à la charge du salarié.

L’accord national interprofessionnel prévoit une majoration de la contribution à la charge de l’employeur correspondant à 3 points pour les CDD d’une durée inférieure ou égale à un mois, le taux de la contribution passant ainsi à 7 % ; à 1,5 point pour les CDD d’une durée supérieure à un mois et inférieure ou égale à trois mois, soit un taux de contribution de 5,5 % ; et à 0,5 point pour les CDD d’usage d’une durée inférieure ou égale à trois mois, soit un taux de 4,5 %.

Cette majoration s’applique aux employeurs du secteur privé ayant adhéré au régime d’assurance chômage. Elle n’est, en revanche, pas applicable aux contrats de travail temporaire conclus par des entreprises de travail temporaire, aux CDD conclus en vue du remplacement de salariés, aux contrats de travail saisonniers, aux contrats conclus par des particuliers avec des employés de maison et lorsque le salarié est embauché en CDI à l’issue d’un CDD. Pour l’ensemble de ces contrats, la contribution à l’assurance chômage est maintenue au taux de 4 %.

Les associations intermédiaires qui recrutent des salariés en contrat à durée déterminée entrent donc dans le champ d’application de la majoration des taux des contributions. Il est en effet apparu important pour les partenaires sociaux que la lutte contre la précarité excessive des salariés puisse s’exercer également dans le secteur de l’insertion par l’activité économique.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Madame la ministre, j'entends bien votre réponse, mais vous avez compris que certaines associations intermédiaires ne savent pas comment elles vont boucler leur budget compte tenu de ces nouvelles obligations, quand bien même celles-ci sont tout à fait légitimes. Elles attendent de la part du Gouvernement une aide supplémentaire. C'était le sens de ma question.

Ces très nombreuses associations intermédiaires font un réel travail d'insertion auprès des demandeurs d'emploi. Je ne sais pas si votre réponse les rassurera.

Je souhaite également vous préciser que la nouvelle organisation de la médecine du travail, en vigueur depuis le 1er juillet 2012, est source pour elles de difficultés. Ces associations sont tenues d'adhérer à un service de santé interentreprises pour le suivi de l'ensemble de leurs salariés ; jusqu'à présent, elles faisaient appel à des médecins généralistes ou à des services de médecine préventive pour des coûts très inférieurs. Certaines associations auvergnates qui m'ont saisie m’ont dit que le coût du suivi médical des salariés sera multiplié par trois.

Là encore, il n'est pas dans mon propos de vouloir revenir sur des avancées pour les salariés, ce qui créerait bien évidemment une disparité de traitement entre ces travailleurs, mais il me semble quand même indispensable de permettre à ces associations de faire face à ces obligations légales en renforçant le soutien de l'État à leur mission de service public. Je ne pense pas que votre réponse les confortera, madame la ministre. C’est pourquoi je continuerai d'interpeller le Gouvernement si elles me le demandent.

schéma de régionalisation accrue de france 3

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon, auteur de la question n° 400, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, ma question porte sur le développement de France 3 en région.

Le territoire compte vingt-quatre stations régionales de France 3, une centaine de chaînes de télévision locales et un ensemble de fonds de soutien à la production. La création en région s’appuie sur des dizaines de sociétés de production reconnues, qui emploient des auteurs, des réalisateurs, des comédiens et des équipes techniques. Le potentiel de France 3 en région est donc considérable. Pourtant, la chaîne consacre très peu d’heures aux programmes régionaux, lesquelles, m’a-t-on indiqué, représentent moins de 10 % de son temps d’antenne.

Le projet de réforme de la chaîne publique France 3 représente un enjeu majeur d’aménagement du territoire en termes économiques, culturels et sociétaux. C’est pourquoi, madame la ministre, j’aimerais savoir comment le Gouvernement entend mettre en œuvre la vocation pleinement régionale de France 3 à l’horizon 2015.

J’ai bien conscience que vous ne pourrez pas m’indiquer aujourd’hui la composition de la grille de programmes à cet horizon, néanmoins je voulais poser cette question très en amont des études qui vont être faites car j’aimerais savoir dans quel état d’esprit vous êtes. Êtes-vous dans une logique de stabilité des programmes régionaux au sein de France 3, dans une logique de réduction ou dans une logique d'accroissement de ces programmes ? Je pose cette question aujourd'hui car l'ensemble des acteurs régionaux qui travaillent autour de l'audiovisuel en région sont très attentifs à tout ce qui sera décidé dans ce domaine.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je veux tout d'abord vous assurer de l'attachement du Gouvernement à la mission de proximité qui incombe à France Télévisions à travers France 3 en tout premier lieu. Vous le savez, la situation financière de l'entreprise est aujourd'hui contrainte du fait essentiellement de la dégradation de ses recettes publicitaires. Toujours est-il que nous avons demandé à France Télévisions une contribution à l'effort national de redressement des finances publiques, de l'ordre de 2 % sur trois ans, et donc d'ici à 2015. Cela a conduit l'État à engager avec le groupe public une discussion en vue de réviser le contrat d'objectifs et de moyens 2011–2015.

Au terme de ces travaux, qui ont été validés par le conseil d'administration le 11 juillet dernier, un nouvel équilibre a été défini. Un effort d’économies est certes demandé à l’entreprise, mais ce contrat conforte ses grandes missions de service public, notamment en matière de proximité. Et la proximité, comme je vous l'ai dit, c'est bien entendu France 3.

Le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens pour 2013–2015 prévoit une poursuite de la stratégie d’affirmation de l’identité régionale de France 3.

Nous devons d'abord évidemment conforter le rôle essentiel de l’information régionale. Cette mission de service public de grande qualité assurée par France 3 est appréciée de nos concitoyens.

Comme vous l’avez souligné et je vous en remercie, nous devons aussi réfléchir à la manière d'élargir les plages des émissions régionales. À cet égard, on peut citer l'exemple de ViaStella, en Corse, grâce à laquelle une société de producteurs locaux contribue fortement à l'identité de la chaîne en Corse.

Compte tenu des contraintes budgétaires, il n'est évidemment pas envisageable d’étendre ce système à toutes les régions. Néanmoins, je suis tout à fait ouverte à une large discussion pour étudier de quelle manière il peut être possible de valoriser au mieux non seulement le savoir-faire des équipes de France 3, mais aussi les initiatives locales et régionales, et ce afin de renforcer la vocation de proximité de France 3 dans sa mission d’information, laquelle est une réussite non seulement sur la chaîne, mais encore sur l'ensemble des chaînes de France Télévisions, et encourager la conception en région d’émissions et de programmes susceptibles de trouver un public.

Dans ce but, une vaste concertation doit être engagée et des discussions approfondies débuteront prochainement. Dans cette attente, aucune décision n'a été prise en la matière. Monsieur le sénateur, soyez en tout cas assuré de ma détermination à préserver l'identité de proximité de France 3 et aussi à travailler avec vous, avec l'ensemble du Parlement, sur les missions qui pourraient être confiées à la chaîne.

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Madame la ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse. Vous aurez compris que je suis élu non pas de Corse, mais d'Alsace, région à forte identité elle aussi où nous sommes très sensibles à l'action de France 3.

J’ai appris récemment avec beaucoup d'intérêt que le secrétaire général de France Télévisions avait su trouver, dans le contrat d'objectifs et de moyens, un juste équilibre entre les exigences des uns et des autres. Vous venez de le confirmer. J’ajoute que la région Alsace est prête aussi à discuter avec vous pour étudier les aménagements possibles.

En tout état de cause, je constate que vous êtes dans un état d'esprit très positif de proximité, et je vous en remercie.

préservation de l’intégrité patrimoniale de la colline de vézelay (yonne) et maintien du classement unesco au patrimoine mondial de l’humanité

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz, auteur de la question n° 475, adressée à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, ma question porte sur les menaces pesant sur l’intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay.

En effet, ce site a été classé en 1998, avec, pour première règle, la protection de l’angle naturel des pentes de la colline. Or une parcelle de 6 886 mètres carrés, sur son versant sud, à l’entrée du village, en covisibilité avec la basilique, a été rendue constructible en 2009 par des modifications successives du plan d’occupation des sols pour satisfaire à un projet lancé en 2002.

Depuis le 26 octobre 2012, cette parcelle est défoncée par des bulldozers, les murs se sont élevés et le gros œuvre est aujourd’hui achevé.

Cette construction moderne sur deux étages, hors échelle par rapport au bâti traditionnel vézelien, va occulter l’échappée visuelle saisissante qui révèle soudain le village médiéval, couronné de sa basilique, en montant tant à pied qu’en voiture depuis Saint-Père-sous-Vézelay, voie d’accès la plus courante.

Une partie de la parcelle était aménagée en terrain de sports et servait à l’occasion aux fêtes villageoises. Surtout, son aire polyvalente horizontale permettait aux 800 000 touristes annuels, en nombre fluctuant selon les heures, les dates et les saisons, d’y trouver 450 places de parking ombragées ; le stationnement rapportait la moitié des revenus communaux.

Les 3 500 mètres carrés d’emprise au sol du projet ne laissent sur la parcelle que 26 places de parking touristiques et aucun équipement sportif.

L’économie générale du site en est bouleversée. Trois cents places de parking sont en cours de transfert sous le chevet même de la basilique. Cela n’incitera pas les touristes à descendre pour visiter le village ni à monter vers la basilique, annulant ainsi l’effet de surprise « mystique », en quelque sorte, que créait la montée à pied dans la rue inchangée depuis le Moyen Âge, approche spirituelle de la basilique.

L’arrivée à la basilique se fera donc non plus par la traditionnelle montée, mais par le chemin de ronde nord, créé au XVIIIe siècle par le remblai des fossés et aménagé en promenade aux arbres séculaires. Ce chemin ne pourra certainement pas supporter un trafic à double sens qui va déstabiliser les remparts, pourtant classés monuments historiques depuis 1875.

C’est pourquoi, alors que le mal est fait s’agissant de la maison médicale, je voudrais savoir, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour protéger les coteaux de la colline de Vézelay et ses remparts et, ce faisant, sauvegarder l’intégrité patrimoniale du site, classé par la France et protégé au titre du patrimoine mondial depuis 1979. Une menace de déclassement par l’UNESCO ne peut être ignorée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, nous partageons votre amour de ce magnifique site de Vézelay. Du fait du manque de disponibilité foncière sur la commune et des problèmes d’accessibilité très contraignants au cœur de la ville historique, le projet de maison médicale a été localisé sur un terrain à l’entrée sud-ouest du village, sur une parcelle appartenant à la commune. Ce terrain est situé en totalité dans le site classé du Vézelien et en bordure du secteur sauvegardé.

Ce site étant particulièrement sensible, des missions d’inspection ont été diligentées tant par le ministère de la culture et de la communication que par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Ces inspections ont souligné la nécessité de préserver les vues en direction de la basilique, d’organiser les constructions nouvelles en articulation avec le carrefour et de permettre une requalification de cette entrée de ville, avec un projet architectural de qualité soumis à concours.

Un concours d’architecture a donc été organisé en mars 2010, à l’issue duquel le cabinet Quirot-Vuichard a été désigné comme lauréat final. Le projet a fait l’objet d’une présentation à la commission supérieure des sites, perspectives et paysages à la fin de l’année 2010, précédant le passage en commission départementale de la nature, des paysages et des sites au début de 2011.

Une autorisation ministérielle a été délivrée en application du code de l’environnement. En outre, le permis de construire signé par le maire de Vézelay n’a fait l’objet d’aucun recours contentieux auprès du tribunal administratif.

Durant l’activité du chantier, le stationnement des voitures de tourisme n’est renvoyé que temporairement sur le parking des cars au nord-ouest de la ville, ainsi que sur le parking du flanc nord de la colline. Une fois le chantier achevé, le parking sud sera rétabli. (Mme Hélène Lipietz s’exclame.)

Dans le cadre du schéma directeur pour la restauration et la mise en valeur de l’abbaye de la Madeleine, adopté en commission nationale des monuments historiques le 12 novembre 2012, il est prévu de réserver le stationnement intra-muros aux seuls riverains, afin de permettre une meilleure gestion des flux touristiques. Les parkings situés à l’extérieur des remparts, dont le parking sud, auront alors pour fonction de faciliter la découverte de Vézelay par la traditionnelle entrée ouest en encourageant les circulations douces.

Le bien Basilique et colline de Vézelay, inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, fait donc l’objet de toute l’attention des services du ministère de la culture et de la communication, et le Centre du patrimoine mondial a été régulièrement tenu informé du projet de maison médicale, pour lequel il n’a formulé aucune objection.

Par ailleurs, une opération grand site, initiée par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, est actuellement en phase d’étude ; elle contribuera également à une refonte des accès et des circulations sur l’ensemble du site de Vézelay.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, cette réponse me rassure quelque peu. Reste toutefois que, dans le code de l’urbanisme, il n’existe pas de règles spécifiques pour prévoir les conséquences d’un classement par l’UNESCO ou en tant que grand site national sur l’évolution d’une ville ou d’un village, lesquels sont, heureusement, en France, toujours vivants. Je pense non seulement à Vézelay, mais également, par exemple, aux difficultés que pose à Briançon le classement des forts Vauban.

Il convient, en France, de faire vivre les humains d’aujourd’hui dans une ville moderne dont le cadre est un musée, et c’est un vrai défi pour les siècles à venir. J’espère que la ministre de la culture que vous êtes saura s’atteler à cette tâche avec conviction.

vœux en conseil d'administration des établissements publics locaux d'enseignement

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, auteur de la question n° 430, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

Mme Cécile Cukierman. Je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’éducation nationale sur la possibilité d’adopter des vœux lors des réunions du conseil d’administration des établissements publics locaux d’enseignement.

En effet, l’article R. 421–23 du code de l’éducation prévoit, dans son dernier alinéa, que le conseil d’administration peut adopter tout vœu sur les questions ayant trait à la vie de l’établissement.

Ces vœux ou motions n’ont aucune valeur décisionnelle mais constituent bien souvent le principal moyen d’expression des élus des parents et des personnels en termes tant de problématiques propres à chaque établissement que de questions plus générales touchant à l’éducation ou aux politiques éducatives.

Une jurisprudence de la cour administrative d’appel de Nancy précise d’ailleurs qu’un chef d’établissement ne peut s’opposer au vote d’un vœu en conseil d’administration dès lors que celui-ci est en rapport avec un point figurant à l’ordre du jour.

En 2011, le ministre de l’éducation nationale, votre prédécesseur, monsieur le ministre, répondait que « si l’ordre du jour comprenant la motion est adopté en début de séance, comme l’exige l’article R. 421–25 du code de l’éducation, la motion doit donner lieu à un débat puis à un vote, comme les autres points inscrits à l’ordre du jour ». Puis il rappelait que « lorsque le projet de motion n’a pas pour objet de faire délibérer le conseil d’administration sur une question relevant de ses compétences mais qu’il tend simplement à l’adoption d’un vœu, cette motion, dès lors qu’elle concerne la vie de l’établissement, peut être adoptée à l’initiative du conseil d’administration ».

Or, malheureusement, depuis quelques années, un nombre croissant de chefs d’établissement prétend interdire ou conditionner le vote de tels vœux en conseil d’administration ; j’en ai été alertée par les organisations syndicales représentatives des enseignants.

On constate une volonté d’en limiter le nombre et la portée en interdisant : qu’ils soient présentés au nom du conseil d’administration ; qu’ils soient intitulés motion ; qu’ils portent sur d’autres points que les compétences décisionnelles du conseil d’administration ; qu’ils affirment des positions syndicales ou de fédérations de parents d’élèves en divergence avec le discours officiel émanant du ministère.

Il s’agit d’interdire l’expression des conseils d’administration en tant que tels, que ce soit sur des questions purement relatives à l’éducation nationale ou sur des questions plus larges comme la politique éducative, le soutien aux élèves menacés d’expulsion ou encore le soutien à des collègues en situation de précarité.

Il y a là une volonté claire de faire taire les voix critiques des élus siégeant en conseil d’administration et de les cantonner au rôle de simples administrateurs, placés sous la houlette d’un chef d’établissement transformé en « chef d’entreprise » qui, dans le cadre de son évaluation, tient à afficher l’absence de voix discordantes au sein de son établissement.

C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de préciser les éventuelles restrictions au débat et au vote de vœux lors des conseils d’administration des établissements publics locaux d’enseignement. Ainsi, les choses seront rétablies et les représentants de parents et d’enseignants pourront assumer leur rôle en accomplissant les tâches pour lesquelles ils ont été élus.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Madame la sénatrice, je veux d’abord réaffirmer très nettement devant vous, s’il pouvait y avoir sur ce point la moindre hésitation ou la moindre confusion, que les chefs d’établissement ne sont pas des chefs d’entreprise. Les établissements publics locaux d’enseignement, instaurés par le décret du 30 août 1985, ont bien une mission spécifique, qui est une vocation, dans le cadre du service public, d’enseignement.

J’en profite tout de même, avant d’entrer dans la question, préoccupante, de la vie démocratique de nos établissements, pour réaffirmer, compte tenu du poids et de l’importance de la mise en œuvre de la loi de refondation de l’école de la République, ma confiance envers les chefs d’établissement. J’aurai l’occasion de le faire également, lors de la rentrée scolaire, car les chefs d’établissement sont confrontés à toutes les difficultés – injustices, violences, désorganisations et pressions de la société – sur le terrain. Ils ont besoin de notre soutien et du vôtre.

Le décret de 1985 prévoit qu’il y a un organe exécutif, le chef d’établissement, et un organe délibératif, le conseil d’administration, qui règle, par ses délibérations, les questions relatives à la vie de l’établissement. Comme l’avait rappelé mon prédécesseur, le conseil d’administration est une instance essentielle – nous l’avons d’ailleurs modifiée dans la loi de refondation de l’école de la République ; j’y reviendrai – dont je réaffirme qu’elle est incontournable.

Un chef d’établissement peut-il refuser le débat et le vote d’un vœu en raison de son contenu et de sa formulation ? C’est la question que vous posez.

L’article R. 421–23 du code de l’éducation dispose que le conseil d’administration peut, sur son initiative, adopter tout vœu sur les questions intéressant la vie de l’établissement.

Il y a eu une décision de la cour administrative d’appel de Nancy en date du 5 décembre 2002 jugeant qu’il résultait de l’article R. 421–23 du code de l’éducation nationale que si, sous réserve de la possibilité des membres du conseil d’administration d’en provoquer la réunion en séance extraordinaire, l’initiative de convoquer le conseil d’administration appartient au chef d’établissement, le conseil d’administration peut, en revanche, à sa seule initiative, adopter tous les vœux sur les questions intéressant la vie de l’établissement dès lors qu’ils se rapportent aux questions inscrites à l’ordre du jour, que celles-ci figurent dans le projet d’ordre du jour rédigé par le chef d’établissement – et c’est là le point important par rapport à votre question – ou y ait été porté en début de séance.

Aussi, je peux vous affirmer que, dès lors que le vœu porte sur une question inscrite à l’ordre du jour adopté en début de séance, aucun chef d’établissement ne peut valablement refuser de soumettre le vote de ce vœu au conseil d’administration de l’établissement public local d’enseignement.

Au-delà de cette clarification, madame la sénatrice, je voudrais vous apporter un complément d’information : la loi de refondation de l’école de la République, publiée au Journal officiel le 9 juillet dernier, a prévu que les départements et les régions verraient leur représentation passer d’un à deux membres au sein des conseils d’administration des établissements qui leur sont rattachés, afin que ces conseils d’administration soient des lieux incontournables de dialogue et de concertation.

Je peux vous dire que figure parmi mes préoccupations le fait que la vie démocratique ait lieu pleinement au sein des établissements d’éducation nationale, dans le respect, que j’ai réaffirmé, des chefs d’établissement, de leurs missions, de l’importance de leur travail.

Nous travaillerons l’année prochaine avec les lycéens sur la vie lycéenne – elle est tout à fait fondamentale – et à cette occasion je veillerai aussi à améliorer la prise en compte des préoccupations de nos lycéens dans la vie de leurs établissements.

En effet, beaucoup de sujets qui préoccupent les Français – la violence, le harcèlement, l’orientation – trouvent une meilleure réponse lorsque nous donnons la parole à ceux qui en sont privés et qui sont les premiers destinataires de nos missions d’enseignement.

Je réaffirme donc la démocratie, la possibilité, lorsque l’ordre du jour l’a, en début de séance, inscrit, d’émettre tous les vœux et de les soumettre au vote. Je réaffirme également ma confiance dans les chefs d’établissement.

M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. Tout d’abord, mes propos ne visaient pas à stigmatiser les chefs d’établissement, lesquels, comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, sont souvent confrontés à des problématiques et à des contraintes venant de toutes parts. Je tiens à ce qu’il n’y ait pas de confusion sur ce point.

Je crois simplement que dans le cas de certains chefs d’établissement, peut-être parfois de leur propre initiative, il y a eu volonté délibérée de ne pas donner satisfaction à certaines inscriptions de motion. En ce qui concerne d’autres chefs d’établissement, et cela a été vrai au cours des périodes précédentes, des contraintes et des pressions hiérarchiques ont également pu conduire certains d’entre eux à ne pas permettre l’exercice d’une vie démocratique pleine et entière au sein du conseil d’administration de leur établissement.

En tout cas, je vous remercie, monsieur le ministre, des précisions que vous nous avez apportées et qui, je le crois, sont de nature à redonner tout leur sens et toute leur responsabilité aux conseils d’administration des établissements publics locaux d’enseignement.

L’interpellation dont j’ai été saisie par les organisations syndicales d’enseignants ne se veut pas polémique. Elle est tout simplement l’occasion de rappeler les droits afin que ces organisations syndicales puissent effectivement participer à ces instances, y faire vivre la démocratie. Le débat, s’il peut parfois être contradictoire avec le principal ou le proviseur, doit en tout cas avoir lieu dans le respect des uns et des autres – c’est l’objectif du plus grand nombre –, de leurs responsabilités. Il doit aussi être mené dans le respect, de la part des uns et des autres, du rôle de chacun, sans polémique quant à l’objectif qui anime, je le crois, chacune des parties prenantes, à savoir accomplir sa mission, celle d’enseignants ou celle de représentants de parents d’élèves, et mettre en œuvre la politique éducative menée pour le bien-être des enfants de notre pays – il importe de le rappeler.

langue des signes pour les enfants sourds

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, en remplacement de Mme Marie-Thérèse Bruguière, auteur de la question n° 459, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. René-Paul Savary. Tout d’abord, je vous prie d’excuser l’absence de Mme Bruguière, convalescente après une intervention chirurgicale. Mais je vous rassure, mes chers collègues : tout se passe bien.

Dans le contexte de la discussion sur la refondation de l’école de la République, la question que ma collègue Marie-Thérèse Bruguière m’a demandé de vous poser, monsieur le ministre, concerne l’enseignement de la langue des signes pour les enfants sourds.

Après Étienne de Fay en 1710, premier professeur sourd à enseigner en langue des signes, l’abbé de l’Épée ouvre en 1760 la première école destinée aux jeunes sourds à Paris. Il instaure une véritable éducation en langue des signes en démontrant par là même l’importance que revêt la constitution de groupes d’enfants sourds pour le développement du langage de ces enfants. Pour la première fois, on reconnaît que les gestes peuvent exprimer la pensée humaine autant qu’une langue orale.

La langue des signes va s’imposer progressivement. Son essor et l’accès à l’enseignement permettent alors aux sourds d’exercer de vrais métiers et de se regrouper en associations.

La langue des signes est axée sur l’appréhension visuelle et gestuelle du monde. Les enfants sourds perçoivent avec leurs yeux, parlent avec leurs mains et cela avec autant de richesse et de facilité que le font les enfants entendants s’exprimant dans une langue vocale.

Bien que la plupart des travaux linguistiques, sociologiques et psychologiques démontrent la nécessité pour l’enfant d’accéder le plus tôt possible à la langue des signes, la quasi-totalité des enfants sourds ne peut toujours pas la découvrir, alors même qu’a été très largement prouvé combien la pratique précoce de la langue des signes favorisait le désir d’aller vers d’autres formes langagières orales ou écrites.

La langue des signes française est parfois présente dans les lieux d’éducation ou de rééducation, mais le plus généralement de manière très réduite. Certaines associations déplorent aussi l’orientation éducative actuelle visant à dissoudre les groupes d’enfants sourds en les plaçant seuls en intégration dans leur école de quartier. Cela conduit à la fois à isoler ces enfants d’une relation enrichissante avec leurs pairs et à ôter par là même sa vitalité à la langue des signes française. Les spécialistes s’accordent pourtant sur ce point : si l’on veut que les enfants sourds accèdent au français écrit dans toute sa richesse littéraire, il est indispensable de constituer des groupes d’enfants signeurs parlant une langue des signes de grande qualité.

En dépit de la législation existante, le constat est aujourd’hui encore dramatique : seulement 5 % des jeunes sourds ont accès à un dispositif d’enseignement en langue des signes française.

Or la législation française favorisant l’enseignement de cette langue par l’éducation nationale existe mais souffre d’un manque d’application depuis déjà un certain temps.

Monsieur le ministre, au-delà des discours, la législation actuelle en matière de « libre choix de communication » se révèle donc dans les faits inégalitaire et discriminatoire puisqu’elle ne met pas en place les véritables conditions d’accès à cette langue au bénéfice des familles et des enfants sourds eux-mêmes.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer, à Marie-Thérèse Bruguière et à moi-même, quels sont les projets du Gouvernement concernant l’enseignement de la langue des signes pour tous les enfants sourds, et au-delà, pour les parents, afin que ceux qui le souhaitent puissent recevoir gratuitement une formation en langue des signes française et que les enseignants sourds bénéficient d’un véritable statut d’enseignant correspondant à leurs compétences.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir transmettre à Mme Bruguière tous mes vœux de prompt rétablissement.

Je profite de la question que vous soulevez aujourd'hui pour rappeler ma conviction et mon engagement au sujet de l’école inclusive.

Je l’entendais encore récemment, il y a les « diseux » et les « faiseux ». En l’espace d’un an, vous le savez, la priorité accordée à l’école inclusive a été fortement affirmée, ou plutôt réaffirmée. En effet, si le principe de l’école inclusive a été pour la première fois posé dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, à laquelle vous avez participé activement au cours des débats, il n’en est pas moins vrai que l’idée en a été lancée par François Fillon en 2005.

Cependant, à partir de 2010, je le redis, notre pays n’a pas consacré à ce projet d’une grande ampleur les moyens nécessaires et, après quelques années d’efforts, la situation s’est même fortement détériorée.

Aussi, dès notre arrivée au Gouvernement, dans ce qui a été appelé « le plan d’urgence de la rentrée 2012 », j’ai souhaité – le Président de la République et le Premier ministre me l’ont accordée – la création en urgence de 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire pour l’aide individuelle et de 2 300 postes d’auxiliaires de vie scolaire pour l’aide mutualisée.

Ensuite, le 16 octobre dernier, sous l’impulsion forte du Parlement, en particulier du Sénat, Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative et Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, ont installé un groupe de travail sur les questions de pérennisation et de formation des emplois d’auxiliaires de vie scolaire, dans la suite du rapport de Mme Komitès.

Vous le savez, nous cheminons vers la CDIsation de ces personnels tant attendue depuis de nombreuses années.

Par ailleurs, pour la rentrée, j’ai obtenu 10 000 contrats aidés. Pour la première fois, il s’agira de contrats sur plusieurs années. Ils donneront lieu, ce qui a toujours été un problème majeur pour les uns et pour les autres, à une véritable formation pour accompagner des enfants en situation de handicap.

Vous savez également que, sur ma demande, dans le cadre des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui seront créées à la rentrée, un module de formation sur la prise en charge dans les classes des enfants en situation de handicap sera proposé à tous les enseignants et à tous les personnels de l’éducation nationale qui intégreront ces écoles. Ça n’a d’ailleurs pas été simple à mettre en œuvre.

La détermination du Gouvernement est donc entière sur ce sujet, car il s’agit d’une question où l’on voit vraiment la différence entre les paroles et les actes. Un pays comme le nôtre peut s’honorer de progresser, je l’espère dans un consensus national, dans la prise en charge de ceux qui ont besoin d’être intégrés et d’avoir accès dans notre République à l’école.

Dans le rapport annexé du projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, à la suite des propositions du Sénat, en particulier de la sénatrice Dominique Gillot, nous avons modifié les éléments juridiques et précisé que « Les élèves sourds auront accès à un parcours scolaire en communication bilingue (enseignement en langue des signes et langue française) ou en communication en langue française (enseignement en français oral avec langage parlé complété et français écrit). Pour cela, des dispositifs adaptés à cette scolarisation seront développés par le regroupement des élèves dans une même classe – ce qui répond à une partie de votre question – ou la mutualisation des moyens nécessaires dans un même établissement à l’échelle académique. » La logique n’est donc pas d’isoler ces élèves, elle est, au contraire, de les regrouper et de leur donner des moyens.

Aujourd’hui, 6 000 à 7 000 élèves présentent des troubles de l’audition. Des pôles pour l’accompagnement à la scolarisation des jeunes sourds, les PASS, ont été créés en 2010 pour permettre à tous les élèves sourds, quel que soit le mode de communication choisi par leur famille, de suivre un enseignement au plus près possible – là est souvent la question – d’une scolarisation ordinaire sans se focaliser sur la seule langue des signes française, la LSF.

Les PASS ont pour vocation de donner à chaque élève la possibilité de choisir son mode de communication, sans qu’aucune hiérarchie ne soit établie entre la LSF et le langage parlé complété, le LPC.

Les pôles, actuellement au nombre de trente-deux, sont articulés autour d’un réseau de personnes ressources constitué de médiateurs pédagogiques choisis parmi les professeurs du premier ou du second degré.

Dans un rapport remis en juillet 2012, que j’ai rendu public comme tous les rapports de cette institution, l’Inspection générale de l’éducation nationale a mis l’accent sur les difficultés réelles liées à la mise en place du dispositif et en particulier sur la question de la ressource enseignante capable de proposer ces modes de communication. C’est une question que vous avez évoquée et c’est la première limite à laquelle nous nous heurtons aujourd'hui.

J’ai donc souhaité que nous puissions contourner cette difficulté structurelle en mobilisant – j’ai demandé aux services académiques d’agir dans cette direction – les professionnels et les associations de parents d’enfants sourds, seuls capables de déterminer quelles sont les meilleures conditions de scolarisation. Toutes les compétences, comme vous l’avez souhaité, doivent être reconnues. J’encourage nettement l’ensemble des académies à mutualiser aussi les moyens à leur disposition afin de prendre en charge le plus efficacement possible ces élèves.

Nous avons devant nous un travail de longue haleine. Nous aurons à franchir encore de nombreuses étapes, d’ordre culturel et matériel, mais aussi en termes de formation. Croyez que notre détermination est entière. Le Sénat nous a déjà accompagnés dans les premiers progrès. Nous sommes heureux de poursuivre avec vous cette lutte, qui est importante.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la précision de votre réponse en deuxième partie d’intervention. En effet, dans la première partie, vous avez rappelé votre loi pour la refondation de l’école et vous en avez fait la promotion, ce que je comprends bien volontiers.

Effectivement, depuis 1991, des lois permettaient de prendre véritablement en compte le problème évoqué. En 2005, la loi sur le handicap a apporté un certain nombre d’améliorations. Elle prévoit un traitement bien spécifique pour les handicaps sensoriels avec une prestation de compensation forfaitaire pour les personnes en situation de surdité. C’est peut-être un moyen de faire avancer les choses.

Il n’empêche que, dès 1998, un rapport sur le droit des sourds a fait état d’un illettrisme très important parmi les personnes sourdes. C’est la raison pour laquelle il faut véritablement s’atteler à ce problème. J’ai cru comprendre, au travers de votre réponse, que vous étiez déterminé. Je tiens à vous en remercier, au nom de Mme Bruguière.

suppression de postes d'enseignant du premier degré dans le cantal

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, auteur de la question n° 476, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, ma question concerne les suppressions de postes d’enseignant du premier degré dans le Cantal pour la rentrée scolaire 2013 et, j’ose le dire, pour les suivantes.

Le département du Cantal subit, depuis plusieurs années, des mesures de suppression de postes, de classes et d’écoles qui affectent incontestablement la qualité du service public de l’éducation. Tous les gouvernements successifs nous répondent que nous avons, après la Lozère, un fort taux d’encadrement. On nous dit ça aussi pour la sécurité.

Il n’en reste pas moins que quinze postes avaient été supprimés en 2011. Huit nouveaux postes ont été supprimés en 2012. Pour la rentrée 2013, nous nous attendions à un gel. Or l’annonce a été faite que douze postes seraient supprimés. Suite à la mobilisation des élus, en particulier du député Alain Calmette, qui a votre oreille, le nombre des suppressions est tombé à huit postes. Nous n’avons pas tous de vous la même écoute, mais l’essentiel est bien que nous soyons entendus…

Malheureusement, ces suppressions posent à notre département un problème important, car elles mettent en jeu la qualité de l’enseignement. Aujourd'hui, dans un certain nombre de communes, en particulier l’hiver, les enfants du premier degré doivent parfois faire dans des conditions difficiles, notamment en cas de neige, jusqu’à quarante-cinq minutes de trajet pour se rendre à l’école, soit une heure et demie aller-retour. On assiste à un éloignement géographique de l’école, qui met la vie de certaines communes en danger.

Certains territoires connaissent la spirale du déclin démographique, qu’il convient d’enrayer. Nous espérions, bien évidemment, que le changement soit maintenant. (Sourires.) Je vous l’ai d’ailleurs écrit. Or nous attendons toujours…

Comme un certain nombre de départements ruraux, le Cantal subit une érosion démographique, qui se traduit par la fragilisation de son développement.

L’application de la seule logique comptable en matière de fixation du nombre de postes d’enseignant ne saurait servir de règle unique, sauf à accentuer encore les difficultés de nos territoires. Vous n’êtes pas sans savoir qu’il est extrêmement difficile de faire vivre une commune lorsque celle-ci perd son école. Il n’est pas possible que des enfants fassent une heure et demie de trajet, sur des routes difficiles, en particulier tôt le matin, l’hiver. Une telle fracture territoriale, qui nourrit la spirale du déclin, ne peut être acceptée.

Nous attendons bien sûr que l’on puisse tenter l’expérience d’une contractualisation sur plusieurs années, d’un gel sur au moins trois ans, pour négocier avec les collectivités. Monsieur le ministre, cela permettrait aussi d’éviter que, chaque année, ce soit, pour tous les maires du département, mais aussi pour la direction académique, une véritable épreuve de savoir quelle commune sera « exécutée ». C’est en effet une épreuve difficile. Ça ne peut plus durer ! Il y va non seulement du développement de nos territoires, mais également de la vision que nous avons de l’école.

Nous avons besoin de contractualisation et de concertation. Il est nécessaire que le Gouvernement adresse un signal fort pour mettre fin à cette spirale devenue très difficile à supporter.

En conséquence, je souhaite savoir à la fois si vous avez l’intention de revenir sur cette décision de suppression de postes et, surtout, si vous entendez appliquer, à l’avenir, une autre politique, un gel temporaire des effectifs d’enseignants, avec bien évidemment une concertation à l’échelle du département afin de trouver les meilleures solutions pour éviter à nos enfants et à nos communes des situations très difficiles à vivre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale. Monsieur Mézard, le sujet que vous soulevez me préoccupe grandement.

Il concerne plus spécifiquement les territoires ruraux, qui ont en permanence été signalés, vous l’avez noté, dans la loi et en matière d’affectation de postes. Ce n’est pas uniquement une défense de la loi, c’est aussi une défense des moyens que nous accordons à l’éducation nationale, ce qui rejoint la question qui m’a été posée tout à l’heure.

En effet, les moyens sont à chaque fois ciblés spécifiquement sur les zones urbaines difficiles, les territoires ruraux – nous avons eu ici même de très longues discussions sur ce que cela recouvrait – et, bien entendu, les territoires d’outre-mer. Tous les postes sur le plus de maîtres que de classes, sur l’accueil des enfants de moins de trois ans, sur l’accompagnement sont toujours des postes ciblés.

Il est vrai, monsieur le sénateur, que la situation est particulièrement dégradée après la suppression de 80 000 postes en cinq ans, de 2007 à 2012. Je suis toujours critiqué pour la création de 60 000 postes dans l’éducation nationale par des personnes qui me demandent, par ailleurs, pour leur propre circonscription, un certain nombre de postes ! Parfois, je me dis que le respect du simple principe de non-contradiction dans certaines assemblées permettrait à la démocratie de progresser dans la transparence.

Par ailleurs, quel que soit le travail remarquable réalisé par le député Alain Calmette, qui a participé aux travaux de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, je n’ai jamais considéré qu’il y avait un interlocuteur privilégié, et j’ai toujours tenu grand compte, monsieur Mézard, de vos remarques et de vos interpellations. En effet, bien que vous défendiez les intérêts du Cantal, je sais que vous avez, comme moi, le souci de la République, et donc de l’équilibre sur l’ensemble du territoire.

Quinze postes avaient été supprimés à la rentrée 2008 et huit postes ont été supprimés à la rentrée dernière, dont j’avais la première responsabilité, alors que la démographie était stable. Cette année, avec une diminution attendue de 297 élèves, nous avions initialement envisagé de supprimer douze postes. Huit postes supprimés au cours de la rentrée préparée par la droite en 2012, et que nous avions essayé d’aménager, alors que l’effectif des élèves était stable, contre douze postes supprimés en 2013, avec une baisse estimée à 297 élèves.

Cette évolution démographique aurait justifié, par rapport à l’équilibre du territoire national, ces retraits de postes. J’ai choisi, après vos différentes interpellations qui m’ont paru justes, de supprimer seulement huit postes sur les douze initialement envisagés et, à partir de là, de mettre en place, comme vous m’y avez convié, un travail nouveau. En effet, et je le sais pour avoir été moi-même l’élu d’une circonscription rurale, il est insupportable d’avoir à gérer chaque année des fermetures de classes, dans l’aveuglement le plus total, en étant confronté parfois à des luttes d’influence qui ne sont pas toujours menées au nom de la justice.

J’ai donc mandaté Mme la rectrice pour lancer, en lien avec les élus et, bien sûr, avec Mme la directrice académique des services de l’éducation nationale, une réflexion sur l’équilibre territorial en matière d’offre d’éducation. Je souhaite que ce travail soit fait dans la durée et qu’on arrive à des contrats pluriannuels puisque nous sommes à peu près capables de discerner les évolutions territoriales.

Nous avons ajouté, dans le rapport annexé à la loi de refondation pour l’école, que « lors de l’élaboration de la carte scolaire, les autorités académiques auront un devoir d’information et de concertation avec les exécutifs locaux des collectivités territoriales concernées » de manière que les décisions ne tombent pas d’en haut.

Dans ce cadre, je vous réaffirme donc que je suis prêt à contractualiser un effort en emplois dans le premier degré si une politique pédagogique et structurelle est proposée dans la durée. Si nous sommes capables de construire pour les territoires ruraux dont nous voyons les évolutions des projets pédagogiques qui permettent aussi aux élèves de bénéficier de l’ensemble des possibilités que l’éducation nationale doit leur offrir, nous aurons ces négociations et cette contractualisation.

Je ne considère pas que la baisse des effectifs doive se traduire arithmétiquement par des fermetures de postes. Nous devons toutefois être capables d’envisager ces évolutions de façon contractuelle à la fois dans la durée et avec une contrepartie pédagogique, car, vous le savez, – c’est le mot que je n’ai pas prononcé – il y a eu des périodes où on a pu geler les choses, mais quand on les a dégelées, cela a été violent, et je n’ai jamais compris en quoi cela servait l’intérêt des élèves. Si nous construisons ensemble cet intérêt, des actions spécifiques, auxquelles je suis favorable, pourront être mises en œuvre pour les zones urbaines et pour les territoires ruraux qui sont le plus en difficulté. La République, c’est aussi la cohésion territoriale, et cette dernière a un coût.

M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos propos.

Je crois effectivement que la véritable concertation est souhaitée sur nos territoires mais vous avez bien fait de rappeler que, à l’instar des territoires urbains, certains territoires ruraux sont défavorisés et d’autres ne le sont pas, et une véritable difficulté se pose au niveau de la carte scolaire.

Nous sommes prêts à favoriser un projet pédagogique, mais il faut qu’une véritable concertation soit menée, monsieur le ministre. Les tentatives de concertation que nous avons connues dans les années précédentes se bornaient à la présentation de projets. On disait aux élus locaux : « Vous voyez, on se concerte puisqu’on vous présente un projet ». Ensuite, on maintenait le projet tel qu’il était.

M. Jean-Michel Baylet. Ça, c’est vrai !

M. Jacques Mézard. Ce n’est pas une bonne méthode. Nous attendons une autre méthode, et un message tout à fait clair pour les années qui viennent. Vous avez parlé d’une contractualisation, d’une planification – « planification » est un mot que j’affectionne – sur plusieurs années. Pour nous, c’est absolument indispensable.

diffusion des livres numériques français à l'étranger

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, auteur de la question n° 470, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre, la numérisation des livres constitue une chance unique pour leur diffusion à l’international, permettant enfin de dépasser le problème des coûts et des modalités de leur acheminement. Elle est également une chance pour la francophonie, beaucoup de pays francophones ou souhaitant le devenir n’ayant pas la chance d’avoir un maillage de librairies ou de bibliothèques proposant des livres français.

Pourtant, la littérature française récente ne peut pas, pour l’essentiel, être achetée en ligne par des consommateurs situés à l’étranger. De nombreux distributeurs exigent en effet une carte bleue française ou limitent les possibilités d’achat aux clients utilisant un terminal dont l’adresse IP est située en France.

Cette situation, très pénalisante pour les Français vivant à l’étranger, constitue aussi un frein important au rayonnement de notre langue et de notre culture. Bien au-delà du problème des droits des consommateurs, les enjeux sont ceux de la promotion de la francophonie et de la vitalité de notre commerce international en matière littéraire et culturelle.

Ce blocage pose aussi la question de l’accessibilité pour les consommateurs européens à l’ensemble des offres proposées dans les autres pays, clé de voûte du marché unique. À ce propos, la ministre du commerce extérieur, Mme Nicole Bricq, m’avait indiqué il y a quelques mois, en réponse à une de mes questions écrites, que cette question de la discrimination fondée sur la géolocalisation de l’adresse IP était discutée dans le cadre des travaux européens consécutifs à la directive n° 2006/123/CE. Je souhaiterais donc connaître l’état d’avancement de ces négociations. Il serait également intéressant de savoir si d’autres États européens ont trouvé une solution satisfaisante à ce problème.

Autre point délicat, la loi relative au prix unique du livre numérique dispose que « le régime du prix unique est valable uniquement pour les acheteurs situés en France ». Quelle interprétation de cet article est faite pour la vente de livres numériques à des clients situés à l’étranger ? Il semblerait en effet logique que ceux-ci aient accès aux e-books au même tarif que les consommateurs situés en France, puisqu’il n’y a pas de frais de transports ou de douane.

J’ai bien conscience de la nécessité de protéger les droits d’auteur. Je sais aussi qu’un certain nombre de difficultés proviennent des politiques commerciales pratiquées par les maisons d’édition et distributeurs privés. Mais j’estime que l’État ne peut se réfugier derrière de telles excuses pour justifier un certain immobilisme. Il se doit d’adopter une politique volontariste, afin de capitaliser sur les nouvelles technologies pour faciliter la diffusion de notre littérature française contemporaine à l’étranger.

Encore une fois, il ne s’agit pas simplement des droits des consommateurs français à l’étranger, il s’agit aussi de notre rayonnement culturel et de nos intérêts commerciaux, si importants.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la sénatrice, j’axerai essentiellement ma réponse sur la question des obstacles à la commercialisation des livres numériques.

La préoccupation que vous avez exprimée et qui est partagée par le Gouvernement renvoie à un double enjeu. Il y a un enjeu en matière de diffusion de notre patrimoine littéraire et des différentes œuvres qui sont éditées en France mais aussi un enjeu en termes de consommation. De facto, dès lors qu’il existe des obstacles au fait de télécharger des livres numériques, ce sont autant d’actes de consommation en moins.

Il y a donc là une double problématique, qui revêt une dimension culturelle, notamment en termes de transmission et de développement de la francophonie, et une dimension économique incontestable. À cet égard, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse, parmi lesquels certains émanent de Mme la ministre de la culture.

La commercialisation des livres numériques est encadrée par un ensemble de règles auxquelles doivent se conformer les entreprises qui distribuent aujourd’hui ces produits. Ces règles peuvent avoir des conséquences sur l’accessibilité des livres numériques en fonction de la localisation de l’acheteur, ainsi que vous l’avez vous-même souligné. Notamment, les distributeurs doivent impérativement respecter la réglementation relative aux droits d’auteur et sont soumis à des règles de territorialité de la diffusion des œuvres numériques qui sont prévues dans les contrats de mandat signés avec les éditeurs.

Le Gouvernement qui est attaché, comme je vous l’ai dit, à la bonne diffusion à l’étranger des livres français, y compris numériques, veillera à ce que le développement de cette diffusion ne soit pas entravé par la mise en œuvre de restrictions qui seraient injustifiées.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de la première expertise qui a été réalisée par les services de l’État sur les modalités de cette diffusion, des travaux d’investigation complémentaires plus approfondis sont envisagés de façon à permettre le développement de ces ventes de livres numériques au-delà des frontières du pays sans qu’il y ait d’obstacles ou de discriminations à l’achat de ces livres numériques. C’est là en tout cas l’engagement du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir répondu à cette question que j’avais initialement posée à votre collègue Fleur Pellerin à l’automne dernier sous la forme d’une question écrite mais à laquelle aucune suite n’avait été donnée.

Je connais bien évidemment les obstacles que vous avez rappelés, et c’est pour cela que j’ai tenu à vous poser cette question. Comme je l’ai dit, nous avons vraiment besoin d’une politique volontariste de la part de l’État. Nous ne pouvons plus nous laisser dominer par ces obstacles, peut-être posés par certaines maisons d’édition. Ces obstacles, nous les connaissons, mais nous avons aussi la capacité d’aller de l’avant.

Je voudrais d'ailleurs rappeler que, dans le cadre des négociations du pacte transatlantique de libre-échange, la position de la Commission européenne est très claire. Vous me permettrez de la citer : « L’accord n’aura aucune incidence sur la capacité de l’Union et de ses États membres à mettre en œuvre des politiques et des mesures pour tenir compte du développement de ce secteur. » Il est question là du secteur audiovisuel, où des problèmes se posent également, monsieur le ministre.

En effet, un grand nombre de chaînes et de programmes télévisés ne sont pas accessibles depuis l’étranger. Une plateforme numérique a été mise en place en 2010, la plateforme Pluzz, à laquelle, malheureusement, les Français de l’étranger et les étrangers francophones, souvent, n’ont pas accès.

J’ajoute que les négociations devraient respecter certains objectifs puisque – je cite là encore la Commission européenne « dans le but de préserver et de développer leur diversité culturelle, l’Union européenne et les États membres garderont également la capacité d’adaptation de leur législation à l’environnement numérique ».

Donc, une fois de plus, monsieur le ministre, je vous remercie, mais je compte sur vous pour essayer de donner un nouvel élan à ces réflexions et, surtout, aux actions permettant de favoriser l’accès à ces livres, à ces programmes, qui sont tellement importants pour le maintien de la francophonie et le développement de notre rayonnement culturel. Il y a là un enjeu économique extrêmement important, les États-Unis l’ont compris depuis très longtemps. Nous avons besoin de vous et je vous remercie de ce que vous pourrez faire en ce sens.

hausse de tarification des assurances automobiles pour les conductrices

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 237, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, ma question porte sur un sujet qui est au cœur de l’actualité de votre ministère puisqu’elle a trait à l’assurance, plus particulièrement à la hausse de la tarification des assurances automobiles pour les conductrices, consécutive à une décision de la Cour de justice de l’Union européenne.

Chacun le sait, statistiquement, seul un tiers des accidents automobiles impliquent des conductrices et, la plupart du temps, ce sont de simples accrochages de véhicules et non des accidents corporels impliquant des personnes. Pour cette raison, les femmes bénéficiaient jusqu’à présent d’un tarif préférentiel sur les assurances automobiles.

Malheureusement, dans un souci d’égalitarisme excessif, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé cette pratique discriminatoire et contraint les assureurs français à appliquer le même tarif aux assurés, quel que soit leur sexe, donc de mettre fin en décembre 2012 à une tarification qu’elle a par conséquent qualifiée de discriminatoire.

La Fédération française des sociétés d’assurances avait précisé à la fin de l’année dernière que les assureurs respecteraient les nouvelles règles et qu’ils les appliqueraient dès la tarification de 2013.

Selon certaines analyses, des conductrices pourraient voir leur tarif augmenté de 4 % à 50 % en fonction de leur âge. Cette situation est particulièrement préjudiciable aux jeunes conductrices puisque les jeunes conducteurs se voient toujours appliquer une tarification plus élevée compte tenu du risque plus élevé d’accidents auquel ils sont exposés.

Malheureusement, de plus en plus d’automobilistes, particulièrement les jeunes, roulent déjà sans être assurés en raison du coût de leur contrat. J’aimerais donc savoir, monsieur le ministre, ce que vous comptez faire pour éviter que les nouvelles primes d’assurance n’amènent les femmes, particulièrement les jeunes femmes, à venir grossir le nombre des automobilistes qui conduisent sans assurance.

En outre, le respect de cette décision devrait théoriquement se traduire par une diminution des tarifs pratiqués pour les hommes, une compensation venant contrebalancer la hausse appliquée aux femmes. Comptez-vous faire réaliser des contrôles afin de vérifier l’application de cette disposition, de manière que, si les femmes en pâtissent, les hommes puissent en bénéficier ? Quels seront, monsieur le ministre, si vous pouvez me le dire, les moyens mis en œuvre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la sénatrice, je voudrais vous apporter une réponse très précise sur cette question des distinctions qui étaient faites entre hommes et femmes pour la tarification des assurances, et faire un point assez complet sur la réalité de la fréquence des accidents et de la sinistralité, celle des hommes étant beaucoup plus importante que celle des femmes.

Les dernières statistiques disponibles relatives aux différences tarifaires entre hommes et femmes pour l'assurance automobile ont été communiquées par l'Association française de l'assurance, qui regroupe la fédération française des sociétés d'assurances, ou FFSA, et le groupement des entreprises mutuelles d’assurance, ou GEMA. Portant sur l'année 2011, elles indiquent que la population des assurés se féminise pour l'assurance automobile : alors que les femmes représentaient moins d'un quart des souscripteurs d'assurance automobile en 1989, elles représentaient en 2011 plus du tiers de l'ensemble des contrats.

Ces statistiques indiquent également qu'en 2011 la fréquence des accidents causés par des conductrices dépasse de 8 % celle des accidents imputables à des conducteurs. Cependant, même si les accidents causés par des conductrices sont un peu plus fréquents, ils sont moins graves, avec un coût moyen des sinistres moindre de 8 %.

Techniquement, ces deux effets se compensent de plus en plus et l'on constate une tendance à la convergence entre hommes et femmes des primes théoriques nécessaires à couvrir les dommages matériels et corporels subis lors de l'accident d'un véhicule. Ainsi, en 2011, les paramètres techniques étaient peu différents entre hommes et femmes pour les conducteurs ayant plus de cinq ans de permis.

Il demeure toutefois un écart de sinistralité entre hommes et femmes lorsqu'on se concentre sur la population des conducteurs débutants : pour les conducteurs ayant moins de deux ans de permis, le coût total des sinistres causés par les hommes est encore supérieur de 36 % à celui engendré par des femmes – le différentiel était de 88 % en 2009. Cette différence s'amenuise très significativement après deux ans de permis, avec une différence de 16 % entre deux et cinq ans de permis et, au-delà, un quasi-équilibre. Ainsi, les statistiques montrent qu'après cinq ans de permis le sexe du conducteur n'influe plus sur la tarification technique.

L'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne « Test-Achats » du 1er mars 2011 impose l'égalité entre hommes et femmes en matière de tarifs et prestations d'assurance à compter du 21 décembre 2012. Cette jurisprudence a été transposée en droit français dans le délai requis par un arrêté du 18 décembre 2012, qui a tenu compte des lignes directrices de la Commission européenne de décembre 2011 explicitant cet arrêt, notamment en ce qui concerne la notion de discrimination entre hommes et femmes qu’il prohibait.

La Commission européenne a bien précisé que si les différenciations tarifaires selon le sexe sont prohibées en assurance à compter du 21 décembre 2012, les assureurs demeurent autorisés à utiliser d'autres facteurs de risques corrélés au sexe pour déterminer leurs tarifs, « dès lors qu'il s'agit bien de facteurs de risques réels ».

Pour les contrats conclus à compter du 21 décembre 2012, il en résulte que les assureurs, qui restent libres des tarifs qu'ils proposent, ne peuvent utiliser le sexe du conducteur comme facteur de tarification mais demeurent autorisés à recourir à d'autres critères de tarification selon les profils des assurés, en particulier des jeunes conducteurs, même indirectement corrélés au sexe, comme le type de véhicule, son ancienneté, la fréquence et la nature de son usage.

Plus généralement, l'évolution de la tarification en fonction du coefficient de réduction-majoration – le bonus-malus automobile – permet d'adapter le montant de la prime à la sinistralité effective du titulaire du contrat.

La direction du contrôle des pratiques commerciales de l'Autorité de contrôle prudentiel, chargée de veiller au respect des règles destinées à assurer la protection des clientèles, pourra veiller à ce que les tarifs pratiqués en assurance automobile soient conformes à la réglementation et ne discriminent pas une catégorie d'assurés.

Au-delà de la question particulière de la hausse des cotisations liées aux assurances automobiles pour les conductrices, je vous indique que, dans le cadre du projet de loi « consommation », nous avons prévu que la résiliation des contrats, au-delà de la première année, pourra se faire à la date choisie par l'assuré, de manière à rendre le marché des assurances obligatoires plus élastique – je pense à l'assurance multirisque habitation, mais aussi à l'assurance automobile. Cela permettra aux assurés en général, je l’espère, de bénéficier d'une baisse des primes grâce à une concurrence accrue sur ce secteur, et de voir en conséquence leur pouvoir d'achat augmenté, ces dépenses obligatoires représentant 5 % des dépenses mensuelles.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Merci, monsieur le ministre, de ces précisions et de ces éléments quelque peu rassurants, s'agissant du moins des jeunes conducteurs et des jeunes conductrices, même si je ne suis pas certaine que tout cela les amène à s'assurer davantage.

Vous avez évoqué le texte sur la consommation, qui va bientôt arriver au Sénat. Vous dites que les assurances représentent 5 % du budget des dépenses ; les statistiques dont je dispose mentionnent une part de 3 %. Par ailleurs, je ne crois pas que la résiliation soit la solution à une éventuelle discrimination. Mais c'est là un autre débat, que nous aurons, effectivement, dans l'hémicycle.

Les facteurs de risque que les assureurs peuvent introduire, compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, me semblent plus proches des métiers de l'assurance et des statistiques que des principes généraux. Surtout, à vous écouter, me vient une inquiétude : si l'on ne peut plus faire de distinction entre les hommes et les femmes, il faudra revoir toutes les grilles de mortalité pour l'assurance vie, et, là aussi, ce sera un chantier considérable dans lequel les femmes seront perdantes.

baignade naturelle biologique

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 497, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, je vous remercie de répondre à cette question qui porte sur un produit assez particulier, puisqu'il s'agit des baignades naturelles biologiques ouvertes au public et gérées, le plus souvent, par des collectivités.

Il existe une dizaine de baignades de ce type en France. Elles connaissent un franc succès, ce dont on peut se féliciter. Le traitement de l'eau se fait par filtration biologique, c'est-à-dire exclusivement par les plantes, à l'exclusion de tout produit chimique.

C'est ainsi que dans les Hautes-Pyrénées – dans un canton que je connais bien ; j’y suis conseiller général –, nous avons ouvert en 2011 une baignade de ce type, qui s'appelle les Ôcybelles. Je dirai que ce produit s'inscrit tout à fait dans la valorisation de la biodiversité et, surtout, dans la reconquête de sites précédemment creusés par l'exploitation de carrières. À ce propos, il est à l'honneur des Carrières de la Neste d'avoir voulu rendre à la collectivité un produit de cette nature. Les investissements initiaux ont d'ailleurs été importants pour cette société, de l'ordre de 1 million d'euros pour un bassin de 800 mètres carrés.

Je voudrais, monsieur le ministre, insister sur le fonctionnement de ce type de baignades, qui est très lourd. Il suppose une qualité de l'eau évidemment irréprochable. En l'absence de réglementation nationale qui fixerait des normes objectives, nous avons ainsi élaboré – difficilement – un protocole avec l'ARS, l'Agence régionale de santé, avec le concours de la préfecture.

Les prélèvements, pour le contrôle de l'eau, sont hebdomadaires. La question est cruciale et la qualité de l'eau est essentielle. Les dangers sanitaires sont nombreux. Ils ont été identifiés par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. J’en énumérerai quelques-uns : micro-organismes pathogènes, toxines de micro-algues, cyanobactéries, micro-organismes et pollutions chimiques venant de l'extérieur.

Un contrôle est évidemment nécessaire, et il doit être strict. Ce contrôle engage la responsabilité légitime du gestionnaire. Au demeurant, en l'absence de décrets d'application – qui n’en finissent pas de ne pas sortir –, des contraintes sont imposées, principe de précaution oblige. Elles sont peut-être normales – je n’en sais rien ; c'est à vérifier –, mais elles se révèlent parfois excessivement lourdes et par conséquent assez préjudiciables au gestionnaire et, en l'occurrence, aux collectivités.

Voilà ce qui est ressorti d'un premier colloque organisé à Chambord, en 2013, qui a réuni tous les gestionnaires, ces derniers ayant ainsi exprimé leurs inquiétudes.

Je formulerai deux observations. Première observation, outre le staphylocoque, qui inquiète tout le monde et immédiatement, l'accent est mis, par exemple, sur le pseudomonas. Or il semblerait que ce micro-organisme n’est pas identifié en Allemagne.

Ma seconde observation concerne le concept et le concepteur. Le concept de ces baignades a fait l'objet, à l'évidence, de prescriptions de la part du ministère de la santé, des Agences régionales de santé, mais le concepteur – Green Concept en l'occurrence, pour ce qui nous concerne – n’a pas été et n’est pas suffisamment tenu d'accompagner de ses conseils la gestion de ce produit innovant, qu’il s'agisse de l'entretien technique, qui est complexe, ou d'outils spécifiques comme les robots – point important en raison de leur coût – dont nous devons nous doter, selon le volume du bassin, pour un entretien quotidien tout au long de l'année.

J’insiste donc sur la responsabilité du concepteur dans le suivi de son concept et, en tout cas, dans la phase de lancement.

Je vous poserai trois questions. Tout d’abord, et cette question est essentielle, monsieur le ministre, quand les décrets d'application tant attendus paraîtront-ils enfin ?

Ensuite, quelle vigilance raisonnable sera apportée à la gestion et à la définition des normes retenues dans la lutte contre les micro-organismes – j'ai notamment cité le pseudomonas ?

Enfin, comment encadrer pour gérer au mieux l'élaboration du cahier des charges qui serait établi entre un gestionnaire pleinement responsable et les services de contrôle de l'Agence régionale de santé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la sénatrice, vous avez souhaité appeler l’attention de la ministre des affaires sociales et de la santé sur un projet de décret relatif à la gestion de la qualité des baignades artificielles. Je répondrai ici en son nom. Ce décret fait l'objet d'une consultation, qui est en cours, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l'ANSES.

Les baignades artificielles sont de l’ordre d’une centaine sur le territoire français. Celle des Ôcybelles – dont vous avez parlé –, sur la commune de Nestier, dans les Hautes-Pyrénées, connaît une attractivité et une fréquentation croissantes, sans qu’elle soit soumise à ce jour, avec les autres baignades artificielles, à une réglementation sanitaire comme les autres baignades et piscines.

Dès que l’ANSES aura rendu son avis, le projet de texte doit encore être envoyé à la Commission européenne dans le cadre de la notification des règles techniques nationales. Je vous informe donc qu’une publication au Journal officiel n’interviendra qu’à la fin de l’année 2013 ou au début de l’année 2014.

Le projet de décret porte sur la surveillance et le contrôle sanitaire à mettre en œuvre pour les baignades artificielles. La ministre des affaires sociales et de la santé tient cependant à rappeler que, comme chaque année, des consignes sanitaires ont été transmises par instruction auprès des ARS quant aux paramètres à suivre dans les baignades artificielles et aux fréquences de contrôle.

Enfin, madame la sénatrice, concernant le cadre précis de la fréquence des prélèvements de contrôle, celui-ci relève de la compétence de chaque ARS, au regard de sa connaissance des sites et, notamment, de leur vulnérabilité et des risques sanitaires qu’elles ont identifiés.

M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.

Mme Josette Durrieu. Monsieur le ministre, je préférerais que l’on qualifie ce type de baignade de « naturelle » plutôt qu’« artificielle », même si, je le sais, il s'agit du terme technique usité, ce qui est dommage. Je vous remercie d'avoir rappelé les qualités attractives du département des Hautes-Pyrénées, surtout en ce moment : les dommages liés aux inondations ont été si importants… Il faut donc maintenant valoriser le patrimoine touristique pour dire aux touristes de revenir ; ce sera, sans doute, la meilleure façon d'exprimer leur solidarité avec ce département.

Je vous remercie ensuite d'avoir fixé un échéancier. Une parution du décret au Journal officiel à la fin de l’année 2013 fait que nous serons enfin outillés en 2014, ce qui était vraiment nécessaire.

J'ai insisté sur la mesure qui devra gouverner à l'élaboration des protocoles. Il conviendra d'exclure toute forme de harcèlement des responsables – responsable, on le reste ! – qui consisterait à faire un prélèvement hebdomadaire, par exemple, le mercredi de manière à obtenir les résultats le vendredi, au risque de fermer le samedi… Cela ne serait pas possible car la saison est courte. J’y insiste donc : il faut des normes, mais aussi des consignes sur un rythme de prélèvements raisonnable, qui débouche sur des protocoles qui soient des outils au quotidien.

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et vous invite à venir, voire à revenir, dans les Hautes-Pyrénées !

Mme Catherine Procaccia. Et à s’y baigner ! (Sourires.)

Mme Josette Durrieu. Bien sûr !

M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Pierre Bel

M. le président. La séance est reprise.

5

Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie

Diverses dispositions relatives aux outre-mer

Discussion en procédure accélérée d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission

 
 
 

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie (projet n° 719, texte de la commission n° 778, rapport n° 777) et du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer. (projet n° 718, texte de la commission n° 779, rapport n° 777).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, en cette année 2013, qui marque les vingt-cinq ans de la signature des accords de Matignon, sous le gouvernement de Michel Rocard, et les quinze ans de la signature de l’accord de Nouméa, sous le gouvernement de Lionel Jospin, nous engageons aujourd’hui, devant le Sénat, le débat parlementaire devant aboutir au vote d’une dixième modification de la loi organique relative à la Nouvelle Calédonie.

Le nombre de modifications intervenues depuis la promulgation de cette loi organique, le 19 mars 1999, pourrait laisser penser que nous sommes engagés dans un processus de modification devenu presque banal. Ce n’est pas le cas !

La lecture des dispositions du projet de loi qui vous est soumis pourrait aussi laisser penser qu’il s’agit là d’un texte purement technique. Ce n’est pas davantage le cas !

Le projet de loi a en effet pour objet de contribuer à un meilleur fonctionnement des institutions de la Nouvelle-Calédonie, une amélioration d’autant plus nécessaire au moment où ce territoire va entrer dans une nouvelle phase cruciale pour son avenir.

Si nous sommes en mesure aujourd’hui d’étudier sereinement et posément cette dixième modification du texte régissant le statut de la Nouvelle-Calédonie, c’est parce que nous nous inscrivons pleinement et résolument dans le respect de l’esprit et de la lettre de l’accord de Nouméa.

Il nous appartient en effet de faire vivre cet accord quotidiennement, sur le terrain, mais aussi en améliorant le texte fondamental qui en est la déclinaison, au fur et à mesure que les questions se posent et que les problèmes pratiques doivent être résolus.

La loi organique statutaire est effectivement la transcription pratique, dans notre droit positif, des engagements pris par les signataires historiques, tous les signataires historiques, notamment ceux qui ne sont plus parmi nous. Je pense, bien sûr, à Jacques Lafleur et à Jean-Marie Tjibaou dont la poignée de main historique a rendu possible le meilleur, après que les passions des hommes eurent rendu réel le pire.

Je dois le dire avec force, cet hommage n’est pas un passage obligé, un lieu commun que tout ministre se doit de répéter à l’envi. Non, il est d’actualité, car les jeunes générations, ici et, surtout, en Nouvelle-Calédonie, pourraient être oublieuses du passé. Elles pourraient ne pas voir que si, aujourd’hui, ce territoire est apaisé, si les hommes travaillent ensemble pour le bien commun, c’est aussi parce qu’ils ont connu la haine et la violence civile et qu’ils savent dès lors que les efforts pour préserver cet équilibre fragile doivent être constants, sans cesse renouvelés.

L’un des signataires historiques siège parmi vous : il s’agit de Pierre Frogier. Il sait combien d’efforts le chemin de la réconciliation a nécessités, et combien d’autres encore en exigera la préservation de la concorde.

à ce titre, qu’il me soit donc permis aujourd’hui de rendre hommage à tous les signataires historiques. Ils nous obligent tous ! Si nous sommes en mesure aujourd’hui de débattre de façon apaisée, c’est parce que notre chemin est balisé par eux.

La modification de la loi organique que j’ai l’honneur de présenter devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, reprend les demandes exprimées lors du dernier comité des signataires de l’accord de Nouméa, qui s’est tenu à Paris, le 6 décembre dernier, sous la présidence du Premier ministre.

À cette occasion, les partenaires calédoniens de l’État avaient notamment attiré l’attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte les conséquences pratiques des derniers transferts de compétences effectués en faveur de la Nouvelle-Calédonie. Le périmètre de certains domaines transférés devait être davantage précisé, des instruments modernes de gouvernance devaient être confiés aux institutions du territoire pour leur permettre de mettre en œuvre ces compétences.

Le Gouvernement a donc entendu ce souhait et a voulu y donner une suite favorable et rapide, car c’est là la vision que nous avons du rôle de l’État dans le processus calédonien : appuyer la Nouvelle-Calédonie, l’accompagner dans ses projets et lui apporter, quand cela se révèle nécessaire, l’expertise de l’État, en particulier s’agissant des transferts de compétences en cours et à venir.

Au travers de ses différentes dispositions élaborées en quelques mois, ce texte vise donc à permettre au territoire de relever les défis politiques, économiques et sociaux qu’il aura à affronter dans les années à venir, en améliorant le fonctionnement des institutions, en clarifiant les compétences des collectivités et de l’État, en modernisant les dispositions budgétaires, financières et comptables.

Plus particulièrement, le texte qui vous est soumis enrichit la loi organique statutaire de dispositions de deux ordres : les premières permettent d’améliorer l’exercice par le gouvernement local de ses compétences ; les secondes sont relatives au fonctionnement des institutions.

Parmi les dispositions améliorant l’exercice des compétences, il y a celle, emblématique, de l’article 1er, dont l’objet est de permettre à la collectivité de créer, dans les domaines relevant de sa compétence, des autorités administratives indépendantes – ou AAI – dotées de pouvoirs allant au-delà des fonctions de médiation, de recommandation et d’évaluation. Ces autorités administratives indépendantes pourront en effet réguler, mais aussi enquêter, sanctionner et régler des différends.

Cette disposition trouve son origine dans les discussions nourries qui ont été les nôtres, au Parlement notamment, lors de l’examen de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui avait pour objectif de lutter contre la vie chère en outre-mer.

Nous avions alors mis l’accent sur les défaillances structurelles des marchés dans les outre-mer, défaillances qui empêchent l’exercice d’une concurrence effective, et nos partenaires calédoniens avaient alors souhaité pouvoir disposer d’une autorité de la concurrence locale de plein exercice.

Chacun le sait ici, la Nouvelle-Calédonie a connu, voilà quelques semaines, un mouvement social de grande ampleur, précisément sur la problématique de la vie chère. C’est dire combien une action forte est attendue sur ce sujet !

Avec les dispositions de l’article 1er, nous répondons à cette demande : la Nouvelle-Calédonie aura ainsi toutes les armes pour assurer une régulation des marchés, tout en garantissant l’impartialité et l’indépendance de l’autorité. La commission des lois du Sénat a été particulièrement attentive sur ce point, et je l’en remercie.

Je sais toutefois que certains d’entre vous, en commission, se sont interrogés sur la pertinence d’un recours à des autorités administratives indépendantes dans des territoires de taille et de population réduites.

Je comprends cette crainte, mais je dois souligner que les spécificités de ces territoires, singulièrement dans le Pacifique, justifient que de telles « déclinaisons », si j’ose dire, des AAI nationales puissent être envisagées. En effet, les règles et la jurisprudence nationales ne peuvent y être totalement opérantes : elles sont prévues pour des territoires de taille différente, qui sont mieux reliés à leur environnement et dans lesquels la concurrence peut donc mieux s’exprimer.

Bien sûr, dans les sociétés d’intercommunication ou, pour reprendre le terme employé par les sociologues, d’« interconnaissance » que sont les outre-mer – la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à cette règle –, il faudra veiller à l’impartialité de ces AAI, à leur indépendance envers le monde extérieur, mais aussi envers elles-mêmes, par le traitement de la question d’éventuels conflits d’intérêt.

Je crois pouvoir dire que votre commission des lois et sa rapporteur ont, sur ce point, fait œuvre utile en enrichissant cet article 1er.

Il faut aussi souligner que la Nouvelle-Calédonie et ses AAI pourront passer, avec les AAI nationales, des conventions d’assistance, à l’instar de ce qui avait été fait avec l’Autorité de la concurrence en 2012.

Cette faculté a son importance. J’en veux pour preuve un exemple récent.

Au début de l’année 2012, le gouvernement de Polynésie française a passé une convention d’assistance avec la Commission de régulation de l’énergie autour d’un rapport sur la régulation du système électrique dans le territoire. Ce rapport a été remis en décembre 2012 et a permis de faire un bilan très complet, que le gouvernement local aurait été en peine de produire seul.

Inspiré par ce précédent réussi, j’ai demandé à la CRE, en janvier 2013, un rapport sur le prix de l’électricité à Wallis-et-Futuna. Le rapport remis en juin est excellent. Plusieurs problèmes y sont soulevés auxquels nous n’avions pas pensé, comme celui de la régulation des importations de carburants.

Pour revenir au texte, toujours parmi les dispositions permettant à la Nouvelle-Calédonie de mieux exercer ses compétences, l’article 2 vise à doter le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie des pouvoirs de police administrative lui permettant d’exercer pleinement les compétences récemment transférées, ou qui vont bientôt l’être. C’est le cas, plus particulièrement, de la sécurité maritime et de la circulation aérienne, transférées le 1er janvier dernier, mais aussi de la sécurité civile, qui, elle, sera transférée le 1er janvier 2014.

Sans ce pouvoir de police dans trois compétences pour le moins emblématiques, la Nouvelle-Calédonie n’exercerait en effet qu’une compétence virtuelle, alors qu’il s’agit là de domaines où la responsabilité des uns et des autres peut être engagée.

Parmi les dispositions relatives au fonctionnement des institutions, l’article 5 prévoit que le Conseil économique et social de la Nouvelle-Calédonie se verra ajouter la compétence environnementale, à l’instar des autres institutions de même nature dans les outre-mer. Je sais que Mme la rapporteur souhaite une meilleure articulation de ce conseil économique et social avec le Comité consultatif de l’environnement prévu à l’article 213 de la loi organique de 1999. Le Gouvernement ne verrait que des avantages à ce que le projet soit enrichi en ce sens.

Le statut de l’élu, quant à lui, subit quelques retouches.

Des dispositions concernent par ailleurs des simplifications en matière de règles des marchés publics.

Autre amélioration de la loi organique statutaire, le règlement intérieur de l’assemblée de Nouvelle-Calédonie se voit conférer une valeur juridique.

Enfin, plusieurs dispositions permettent de faire bénéficier les collectivités du territoire de la Nouvelle-Calédonie – gouvernement local et provinces – des facilités de gestion reconnues aux collectivités de droit commun : la possibilité pour la Nouvelle-Calédonie, les provinces et leurs établissements publics de créer des sociétés publiques locales, qui permettra de simplifier et rationaliser la réalisation de certaines opérations d’aménagement ; l’extension aux collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie des dispositions de droit commun relatives à la transparence financière des aides octroyées par les personnes publiques ; diverses dispositions budgétaires et comptables, notamment s’agissant de l’organisation du débat budgétaire, qui sera harmonisé entre le congrès et les provinces.

Nous examinerons tout cela plus en détail durant la discussion des articles.

Je tiens à remercier les sénateurs et, en particulier, Mme la rapporteur, la commission des lois et son président pour le travail remarquable qui a été conduit en des délais restreints.

Le texte a été significativement amélioré mais, surtout, je veux retenir l’approche apaisée et constructive qui marque nos échanges.

Le Premier ministre sera en Nouvelle-Calédonie à la fin de cette semaine ; je l’y suivrai moi-même demain. Jean-Marc Ayrault renouvellera à cette occasion les engagements pris par le Gouvernement lors du dernier comité des signataires. Il fera état, vous le lui permettrez, de la qualité de travail qui a été mené au sein de la Haute Assemblée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce que nous faisons là, aujourd’hui, je le redis, n’est ni banal ni technique. C’est au contraire éminemment politique, au sens le plus noble du terme.

Je ne terminerai pas sans aborder un point qui, je le sais, est cher aux parlementaires calédoniens. Je veux les rassurer : le propos du Gouvernement n’est pas, au fil des révisions successives, de dénaturer la loi organique statutaire, qui est la transcription pratique de l’accord de Nouméa, et donc son prolongement.

Il ne s’agit pas plus de faire de ce texte fondamental un texte de circonstance, au gré des envies des uns et des autres. Non ! Il s’agit d’enrichir ce projet de loi organique pour que tous, État et Calédoniens, nous disposions ensemble des outils les meilleurs pour faire vivre concrètement l’accord de Nouméa. C’est l’esprit dans lequel j’aborde cette discussion avec vous. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le projet de loi organique soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat, et que j’ai l’honneur de présenter au nom de la commission des lois, s’inscrit pleinement dans la lignée de l’accord de Nouméa, en assurant la poursuite du processus calédonien, exemplaire à de multiples égards.

Nous célébrons cette année le quinzième anniversaire de l’accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998. Lors de la signature de cet accord, qui allait devenir la « feuille de route » des institutions calédoniennes, Lionel Jospin, alors Premier ministre, notait à propos des précédents accords de Matignon-Oudinot, de 1988 : « Certes, ces dix années auront passé plus vite qu’on ne l’imaginait au début du processus, le temps a semblé s’accélérer à la fin de la période et beaucoup ont eu le sentiment que le temps avait manqué pour accomplir ce qui aurait dû l’être. Pourtant, le travail réalisé a été considérable. »

Pour atteindre les objectifs fixés en 1998, des étapes restent à franchir, notamment d’ici à l’échéance de 2014. C’est dans cette perspective que se place la réforme proposée par le Gouvernement.

On aurait tort de ne voir dans les deux textes qui sont soumis à l’examen de notre assemblée qu’une série de dispositions techniques visant à améliorer le fonctionnement des institutions calédoniennes et à mettre en œuvre les transferts de compétences à venir. De fait, cette dixième modification du statut de la Nouvelle-Calédonie fixé par la loi organique du 19 mars 1999, qui avait été alors rapportée par notre collègue Jean-Jacques Hyest, est une étape supplémentaire, et importante, conduisant la Nouvelle-Calédonie sur le chemin d’une plus large autonomie, en attendant le choix final entre indépendance ou autonomie dans la République.

Selon l’article 217 de la loi organique, le référendum d’autodétermination devra intervenir au cours du mandat du congrès, entre 2014 et 2020. « L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun », affirme de préambule de l’accord de Nouméa. Le choix des Calédoniens et de l’État, choix qui les honore, est de conduire ce processus dans le dialogue et la concorde, processus long mais ô combien nécessaire pour aboutir à une solution pacifiée.

Le rapport d’information de notre collègue Christian Cointat et de notre ancien collègue Bernard Frimat sur la Nouvelle-Calédonie, de juin 2011, a rappelé ce cheminement politique et institutionnel.

Le transfert irréversible de compétences se poursuit donc, conformément à l’article 77 de la Constitution : après la compétence pour l’enseignement primaire privé et secondaire, le 1er janvier 2012, c’est la police et la sécurité de la circulation aérienne et maritime intérieure qui ont été confiées à la Nouvelle-Calédonie, le 1er janvier 2013, puis le droit civil, les règles d’état civil et le droit commercial, le 1er juillet 2013 ; ce sera, le 1er janvier 2014, le tour de la sécurité civile.

Je veux relever la méthode originale et efficace d’accompagnement par l’État de ces transferts de compétences. Saluons la récente initiative du Gouvernement de créer un dispositif interministériel d’accompagnement pour faciliter, dans une approche transversale, l’application concrète des transferts de compétences.

Dans ce contexte, le comité des signataires, réuni à dix reprises depuis le 2 mai 2000, joue un rôle majeur dans l’évolution politique de la Nouvelle-Calédonie, dans la recherche du compromis et de la concertation, afin de surmonter les difficultés, forcément nombreuses. La dernière réunion du comité, le 6 décembre 2012, en présence du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a mis en lumière la nécessité de « toiletter » la loi organique du 19 mars 1999 : c’est l’objet du présent projet de loi organique.

Issus d’une large discussion avec les institutions et les partis politiques calédoniens, ces textes ont d’ailleurs reçu un avis favorable du congrès de la Nouvelle-Calédonie, le 24 juin dernier.

Comme vous l’avez confirmé, monsieur le ministre, une véritable attente locale existe pour l’adoption de la disposition emblématique que contient cette réforme autorisant la création d’autorités administratives indépendantes afin de répondre aux nouveaux enjeux, notamment économiques, de la Nouvelle-Calédonie. Cette réforme est, au fond, la poursuite, en Nouvelle-Calédonie, de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer ; elle procède, en tout état de cause, du même esprit.

En effet, l’économie de la Nouvelle-Calédonie, grâce à la richesse des ressources minières, est en plein développement. Cependant, les spécificités locales et de fortes disparités ont fait naître des difficultés sociales certaines.

En 2011, la Nouvelle-Calédonie a connu des mouvements sociaux conduisant à la constitution d’un groupe de travail entre l’intersyndicale et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, mais les effets de ses préconisations étant jugés minimes, des blocages de l’aéroport et du port de Nouméa s’en sont suivis, heureusement sans violences. Le 27 mai dernier, un protocole a été signé sous l’égide de l’État, en vue de faire baisser les prix des produits de première nécessité, notamment. Or ces mesures, certes nécessaires, ne sont que transitoires, et des réformes structurelles s’imposent.

Pour renforcer la lutte contre « la vie chère » sur place et répondre aux mouvements sociaux de mai 2013, le congrès a adopté une loi du pays, le 25 mai 2013, pour sanctionner les comportements anticoncurrentiels, loi qui implique, pour sa mise en œuvre concrète, la création d’une autorité de la concurrence. L’article 1er du projet de loi organique autorise donc la Nouvelle-Calédonie à la créer en lui conférant des pouvoirs de réglementation, de sanction et d’investigation.

Conformément à l’avis rendu par le Conseil d’État le 22 décembre 2009, l’article 1er du projet de loi organique entend donner les moyens à la Nouvelle-Calédonie de lutter en profondeur contre la cherté de la vie par le biais d’une autorité administrative indépendante chargée de veiller à la régulation économique et de lutter contre les pratiques entravant la concurrence, par exemple les ententes. Toutes les autorités locales ont manifesté leur attente forte et sont unanimes quant à l’urgence de la création d’une telle autorité.

L’article 1er de la loi organique vise donc à ce que les autorités administratives indépendantes soient créées à l’initiative de la Nouvelle-Calédonie, par le vote d’une loi du pays. Cependant, un consensus se dégage localement pour que l’État reste le garant de leur indépendance.

En application de l’article 21, l’État conserve, au demeurant, des compétences qui ont un lien direct avec les missions des autorités administratives indépendantes, puisqu’il lui revient d’encadrer les pouvoirs de l’autorité qui pourraient mettre en cause les libertés publiques ou qui heurteraient la liberté individuelle ou le droit de propriété. Il lui revient également de déterminer les voies de recours contre les décisions de l’autorité. L’articulation des compétences implique donc une collaboration étroite entre l’État et la Nouvelle-Calédonie.

Pour assurer cette indépendance, la commission des lois a adopté, sur ma proposition, un amendement prévoyant que les membres des autorités administratives indépendantes ainsi créées bénéficient de gages d’indépendance. Tout comme il s’applique à la loi, ce principe s’appliquera aussi à la loi du pays qui créera chaque autorité, et il reviendra le cas échéant au Conseil constitutionnel saisi d’une telle loi de veiller au respect de cette règle.

En outre, la commission a prévu un mode de nomination des membres des autorités administratives indépendantes qui assoie leur légitimité en requérant un accord large et transpartisan autour des noms proposés par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Les candidats pressentis devront ainsi être soumis à une audition publique et recueillir un avis positif, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés par le congrès de Nouvelle-Calédonie.

Enfin, adoptant un autre amendement que je lui proposais, la commission a prévu l’irrévocabilité des membres de ces autorités, sauf en cas d’empêchement ou de manquement à leurs obligations constatés par leurs pairs. Ce principe transpose, pour les autorités administratives calédoniennes, ce qui existe actuellement pour les autorités administratives nationales.

Par ailleurs, le projet de loi organique clarifie les compétences entre les institutions calédoniennes et facilite leur fonctionnement, notamment à la suite des transferts de compétences.

L’article 2 tend à renforcer les moyens juridiques de la Nouvelle-Calédonie pour les exercer en reconnaissant au président du gouvernement un pouvoir de police administrative générale, dans le respect de celui qui est accordé à d’autres autorités locales, ainsi qu’un pouvoir de réquisition, qui pourrait se révéler particulièrement utile lorsque la Nouvelle-Calédonie exercera, au 1er janvier prochain, la compétence en matière de sécurité civile.

Votre commission des lois a cependant souhaité mieux encadrer le pouvoir de subdélégation, jugeant que les actes les plus importants du président du gouvernement devaient en être écartés, afin de conserver un sens et une réalité au pouvoir de contrôle sur l’usage de la délégation puis de la subdélégation.

L’article 3 précise, quant à lui, le pouvoir de police administrative spéciale du président de l’assemblée de province en matière de circulation routière sur le domaine provincial.

Enfin, l’article 4 du projet de loi organique vient consacrer explicitement la compétence de la Nouvelle-Calédonie et plus spécialement du congrès de la Nouvelle-Calédonie en matière de réglementation des « éléments de terres rares ».

En outre, plusieurs dispositions organiques visent à faciliter le fonctionnement des institutions calédoniennes sans remettre en cause les équilibres institutionnels. Ainsi, avec l’article 5, le Conseil économique et social serait dénommé, si vous adoptez ce texte, comme celui qui existe au niveau national, « Conseil économique, social et environnemental », sans que soit néanmoins supprimé le Comité consultatif de l’environnement prévu, depuis 1999, à l’article 213 de la loi organique.

La commission a poursuivi dans cette logique en étendant la compétence du Conseil en matière environnementale. Je vous proposerai par un nouvel amendement de mieux articuler celle-ci avec le Comité consultatif de l’environnement, afin de consolider la compétence du futur CESE sans nier le travail entrepris au sein du Comité consultatif.

Dans un souci de souplesse de la gestion quotidienne des affaires publiques, des dispositions existant dans le droit commun des collectivités territoriales sont étendues aux autorités locales, que ce soit la possibilité prévue à l’article 8 pour l’assemblée de province de déléguer son pouvoir à son président pour passer les marchés publics, la subdélégation de signature du président de la Nouvelle-Calédonie – autorisée par l’article 2 – aux agents de son administration ou encore la consécration du règlement intérieur du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie par l’article 9.

De même, pour prendre en compte l’évolution technologique, la version électronique du Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie serait valable pour la publication des actes, comme le prévoit l’article 11.

Dans le même esprit, les articles 12, 14, 15, 16, 17, 18 et 19 complètent le cadre juridique et financier de la Nouvelle-Calédonie, des provinces et de leurs établissements publics. Votre commission des lois s’est bornée à apporter des modifications marginales, mes chers collègues.

Enfin, plus formellement, le projet de loi organique, dans ses articles 6, 7 et 10, contient des dispositions de précision visant à remplacer des mentions qui devraient devenir obsolètes ou à lever des ambiguïtés rédactionnelles.

L’article 13 offre à la Nouvelle-Calédonie et aux provinces la faculté de créer des sociétés publiques locales, outils de l’intervention publique locale introduits dans notre droit sur une initiative sénatoriale adoptée à l’unanimité de notre assemblée en 2010. L’extension de ces dispositions à la Nouvelle-Calédonie est donc une évidence qui a été partagée et même prolongée par la commission, laquelle a adopté un amendement de notre collègue Daniel Raoul au projet de loi ordinaire afin d’ouvrir cette même possibilité aux communes calédoniennes. Je vous proposerai un amendement visant à parachever ce dispositif.

J’en viens enfin au projet de loi ordinaire qui appelle, en son article 1er, à la ratification d’ordonnances. Votre commission des lois y est favorable, les délais impartis et les procédures prévues aux articles 38 et 74-1 de la Constitution ayant été respectés.

Vous le savez, monsieur le ministre, le Sénat n’est pas favorable par principe aux ordonnances, mais il sait en reconnaître les mérites. Il les accepte avec parcimonie et les ratifie après un examen minutieux. Ce fut encore le cas pour ce projet de loi, ce qui m’a conduite à faire observer à la commission que deux ordonnances portant actualisation du droit civil en Nouvelle-Calédonie méritaient un examen particulier, puisque leur ratification soulève un problème de droit inédit.

En effet, ces textes ont été adoptés avant le 1er juillet 2013, à un moment où l’État était encore compétent en matière de droit civil. Or il nous est demandé de ratifier ces ordonnances après le transfert de cette compétence à la Nouvelle-Calédonie. Un doute pourrait donc exister sur la compétence du Parlement pour ratifier des ordonnances dans un domaine dont il a justement perdu la compétence au fond. Or la ratification de ces ordonnances est une condition de leur validité ; à défaut, elles deviennent caduques dans les dix-huit mois suivant leur édiction, comme le prévoit l’article 74-1 de la Constitution.

La commission des lois a estimé que le transfert des compétences n’a pas porté atteinte au pouvoir de ratification qui appartient au seul Parlement national. La procédure prévue à l’article 74-1 de la Constitution, qui s’achève avec la ratification, postule que le processus soit mené à son terme. En conséquence, il semble qu’il puisse être dérogé au principe du transfert irréversible de compétences prévu par l’accord de Nouméa et la loi organique sur ce seul point précis.

Le texte ainsi amendé par la commission des lois est très attendu localement. Les Calédoniens nous donnent jusqu’à ce jour une leçon de conciliation dans la diversité. J’ai bien sûr tenu à m’entretenir avec les parlementaires de Nouvelle-Calédonie, même s’ils étaient retenus loin de Paris. Je les remercie, en particulier notre collègue sénateur Pierre Frogier et le député Philippe Gomes, des contributions écrites qu’ils m’ont fait parvenir. Je sais que notre collègue Hilarion Vendegou, que j’ai entendu au Sénat lors de la préparation de mon rapport et qui ne peut être parmi nous aujourd’hui, suit nos débats depuis l’Île des Pins. Je souhaitais le remercier pour l’éclairage qu’il a apporté sur ces textes lors de son audition, tout comme je remercie Paul Néaoutyine de sa contribution lors de sa récente audition.

Comme vous, monsieur le ministre, je tiens à saluer en cet instant, et avec émotion, l’ensemble des signataires de l’accord de Nouméa, y compris ceux qui nous ont quittés depuis lors.

Compte tenu de l’ensemble de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire, ainsi que les amendements que je défendrai au nom de la commission. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, chers collègues, la Nouvelle-Calédonie relève d’un titre spécifique de la Constitution, le titre XIII, intitulé : « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie ».

À l’instar des collectivités d’outre-mer relevant de l’article 74 de la Constitution, la Nouvelle-Calédonie est régie, pour son organisation institutionnelle, par des dispositions de niveau organique. Ainsi, la loi organique du 19 mars 1999, votée après la signature de l’accord de Nouméa, reconnaît à la Nouvelle-Calédonie des institutions qui lui sont propres : le congrès, le gouvernement, le sénat coutumier, le conseil économique et social et les conseils coutumiers, les communes et les provinces étant des collectivités territoriales de la République.

Aux termes de celle loi organique, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un large champ de compétences lui permettant d’intervenir dans de nombreux domaines : impôts, droits et taxes, santé publique, principes fondamentaux du droit du travail, inspection du travail, commerce extérieur, postes et télécommunications, desserte aérienne, réglementation des prix, organisation des marchés, réglementation des hydrocarbures, du nickel, du chrome, du cobalt, enseignement primaire public ou encore statut civil coutumier et terres coutumières.

Ces institutions originales, créées il y a quatorze ans, appellent très régulièrement des éléments d’actualisation ou de modernisation. Le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui poursuit le transfert d’un certain nombre de compétences. L’apport des principaux articles ayant été rappelé par la rapporteur, je me contenterai d’en évoquer quelques-uns.

L’article 1er prévoit la possibilité de la création d’autorités administratives indépendantes d’importance, notamment d’une autorité de la concurrence, très attendue pour répondre aux problèmes de la vie chère.

Les articles 2 et 3 mettent en œuvre le transfert, par exemple, des compétences en matière de sécurité aérienne et maritime, ainsi qu’en matière de pouvoirs de police de la circulation.

L’article 4 précise les compétences de la Nouvelle-Calédonie sur les éléments de terres rares.

L’article 5, quant à lui, ajoute la compétence environnementale aux attributions du conseil économique et social.

Je souhaiterais tout d’abord remercier ma collègue rapporteur, Catherine Tasca, qui a su, par des amendements pertinents, être à l’écoute des demandes exprimées par nos concitoyens calédoniens. Je pense notamment à l’introduction, dans le projet de loi ordinaire, de dispositions concernant les sociétés publiques locales – un amendement de Daniel Raoul, adopté en commission, portait également sur ce dispositif -, ainsi qu’à la garantie d’indépendance des membres des autorités administratives indépendantes.

Ces textes contiennent des dispositions qui vont dans le sens d’une plus grande décentralisation, de pouvoirs accrus pour ce territoire, ce dont je ne peux que me féliciter.

Je formulerai simplement deux remarques, au nom de mon groupe.

Je veux tout d’abord alerter sur les conditions d’extraction et d’exploitation des éléments de terres rares, prévues à l’article 4. Ces derniers demandent une exploitation extensive, car les paillettes de minerai ne sont présentes que dans une part infime des très importantes quantités de terre extraites des mines à ciel ouvert. Une telle exploitation peut se révéler dangereuse en l’absence de précautions, mais je fais confiance aux responsables locaux pour être vigilants et ne pas prendre de risques.

Nous déplorons ensuite la disparition du chapitre II de la version initiale du projet de loi organique, qui étendait les compétences de la Nouvelle-Calédonie dans le domaine international. Les sept articles de ce chapitre - considéré aujourd’hui comme allant trop loin - ont été supprimés, au motif que les dispositions en question n’ont pas fait l’objet d’une discussion suffisante au sein du comité des signataires de l’accord de Nouméa.

Le groupe écologiste du Sénat votera ces deux textes, attentif à ce que l’esprit des accords de Matignon, l’esprit des pères fondateurs de ces accords qui remontent à vingt-cinq ans, Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou, soit conservé. Nous serons attentifs également à ce que le processus enclenché par ces accords puis, plus récemment, par l’accord de Nouméa, se poursuive dans le consensus et garde le bon rythme.

Le retard pris par les gouvernements précédents sur l’application de l’accord de Nouméa, notamment en ce qui concerne le rééquilibrage du territoire et la reconnaissance de l’identité kanake, doit en effet être rattrapé.

Comme cela a été rappelé, il faut en effet préparer la consultation d’auto-détermination concernant le futur statut et le type de souveraineté dont disposera ce territoire. Les défis économiques, sociaux, environnementaux et donc politiques, au sens fort du terme, sont très importants. Je le répète, nous voterons ces deux textes, qui vont dans le bon sens, donc même le projet de loi ordinaire, qui prévoit la ratification d’un certain nombre d’ordonnances, en approuvant les commentaires qui viennent d’être faits par Catherine Tasca, au nom de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame le rapporteur, mes chers collègues, je vous remercie touts et toutes de votre présence dans cet hémicycle, qui témoigne de votre intérêt pour la Nouvelle-Calédonie. Permettez-moi tout de même, monsieur le ministre, de regretter que le calendrier choisi - la fin du mois de juillet - pour l’examen d’un texte de cette importance, comme vous l’avez souligné, ait empêché que cet hémicycle soit mieux garni.

Il s’agit en effet d’une actualisation, ou d’une modification, de la loi organique de 1999, relative à la Nouvelle-Calédonie. Cela n’est pas anodin.

Si l’on se réfère à l’article 77 de la Constitution, cette loi organique est censée transposer juridiquement l’accord de Nouméa et n’a donc pas vocation à être modifiée ou révisée sans discernement.

Je constate pourtant que le texte statutaire a déjà été modifié à neuf reprises - le ministre et Mme le rapporteur l’ont rappelé - et que seules deux modifications avaient réellement pour objet de garantir la mise en œuvre et l’application de l’accord de Nouméa : la première, en août 2009, pour préparer et réussir les transferts de compétences dont, principalement, le transfert de l’enseignement du second degré ; la seconde, en juillet 2011, lorsqu’il s’est agi d’éviter que l’accord de Nouméa ne soit dévoyé en raison de l’instabilité institutionnelle causée par une formation politique locale, qui avait détourné à son profit le mécanisme de l’article 121 de la loi organique en organisant des démissions à répétition du gouvernement local.

La dixième modification du statut de la Nouvelle-Calédonie qui nous est proposée aujourd’hui est d’un autre ordre : elle ne porte pas sur des changements de fond mais a été décidée pour permettre la mise en œuvre de décisions prises lors du dernier comité des signataires, réuni le 6 décembre 2012. Son objectif est d’accompagner au mieux le transfert des compétences, en dotant les institutions calédoniennes d’instruments de gouvernance modernes en matière budgétaire et financière.

Elle vise aussi, comme cela a été rappelé, à la création, par la Nouvelle-Calédonie, d’autorités administratives indépendantes locales.

Il s’agit donc essentiellement de dispositions techniques que la commission des lois – je tiens d’ailleurs à vous remercier, madame le rapporteur, pour la qualité de votre rapport - a complétées et dont elle a évidemment amélioré la rédaction.

En clair, nous sommes tous conscients que la loi organique doit être aménagée et adaptée. Toutefois, l’a-t-elle toujours été sans voir ses fondamentaux dénaturés ? Il faut bien constater que, vingt-cinq ans après la provincialisation, la copie actuelle de la loi statutaire s’écarte de plus en plus de l’esprit de Matignon, qui avait inspiré l’organisation et le fonctionnement institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Je veux profiter de cette occasion pour vous en donner ne serait-ce qu’un seul exemple.

Vous vous souvenez que ces institutions originales que sont les provinces ont été créées, au sortir des affrontements, pour assurer le rééquilibrage politique. La provincialisation est véritablement un acquis déterminant des accords de Matignon. À l’origine, les provinces disposaient d’une compétence de droit commun et constituaient des collectivités de premier plan. Michel Rocard, premier ministre de l’époque, voyait en elles un embryon d’organisation fédérale au sein de la République française.

Cette réalité a, malheureusement, été complètement battue en brèche et, avec le temps, nous assistons à une restriction des attributions et des prérogatives des provinces. Les compétences de droit commun qui leur étaient conférées ont été vidées de leur substance.

Cette dérive est essentiellement due au Conseil d’État. Dès le début de la provincialisation, il a apporté des limites à la compétence de droit commun des provinces, afin que celles-ci n’empiètent pas sur le champ de compétences dévolu à l’État.

À la rigueur, une telle logique pouvait se comprendre à l’époque de la loi référendaire de 1988. Elle n’a plus de sens aujourd’hui, dans le cadre de l’accord de Nouméa, d’autant que la lecture extensive des compétences ne profite désormais qu’à une seule collectivité : la Nouvelle-Calédonie.

L’exemple le plus significatif à cet égard est peut-être l’avis rendu par le Conseil d’État, en mai dernier, sur la répartition des compétences en matière de logement. Alors qu’il avait reconnu, en 2009, que Saint-Pierre-et-Miquelon pouvait réglementer les rapports locatifs au titre de sa compétence en matière de logement, le même Conseil d’État dénie aujourd’hui pareille capacité aux provinces qui, pourtant, sont, elles aussi, compétentes en matière de logement.

Et pour quel motif cette divergence d’appréciation ? Saint-Pierre-et-Miquelon dispose, en matière de logement, d’une compétence d’attribution et non pas d’une compétence de droit commun. Les provinces en Nouvelle-Calédonie ne jouissent donc pas de l’intégralité des matières qui découlent de leur compétence de droit commun : elles exercent leurs attributions, tel le logement, sous réserve de celles qui sont exercées par l’État et la Nouvelle-Calédonie.

Cette évolution jurisprudentielle nous éloigne immanquablement de l’esprit qui a prévalu à la création des provinces.

Puisque nous n’avons pas d’autre choix que de subir les décisions du Palais-Royal, faisons au moins en sorte, monsieur le ministre, de ne pas totalement détricoter ce qui reste de la volonté des signataires !

Ce risque existe, en effet. Le texte que nous examinons aujourd’hui sera ensuite discuté à l’Assemblée nationale. J’attire votre vigilante attention, monsieur le ministre, sur les propositions qui pourraient être faites par l’autre chambre. Vous les connaissez comme moi : elles circulent déjà. Je pense, notamment, à la volonté de conférer au congrès la capacité d’avoir recours au référendum, réservé aux seuls citoyens calédoniens, pour faire adopter des délibérations ou des lois du pays, à l’introduction d’un droit de pétition, similaire à celui qui est mentionné à l’article 72-1 de la Constitution, lui aussi réservé aux seuls citoyens calédoniens, ou encore à la possibilité que des secteurs de l’administration ne soient pas attribués à un membre du gouvernement n’ayant pas souhaité disposer du secteur que lui confie le gouvernement collégial.

Ces dispositions seraient, bien sûr, inacceptables. Elles viendraient rompre le consensus qui s’est dégagé autour de la présente modification de la loi organique.

Monsieur le président, mes chers collègues, la Nouvelle-Calédonie revient de loin. Il faut être très prudent quand on s’en occupe, quand on touche à son organisation institutionnelle.

Après nous être violemment affrontés, nous avons choisi la voie de la réconciliation et de la paix. Nous avons décidé de construire ensemble notre avenir.

Les récentes célébrations du vingt-cinquième anniversaire de la poignée de mains entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou et de la signature des accords de Matignon et d’Oudinot nous ont rappelé le contexte et les origines du processus exemplaire dans lequel nous sommes engagés.

Notre débat d’aujourd’hui s’inscrit dans ce cheminement particulier. Alors que nous arrivons à un moment déterminant de cette histoire, je voudrais que chacun d’entre vous en ait bien conscience.

Depuis vingt-cinq ans, ensemble, indépendantistes et partisans du maintien dans la France, nous travaillons au sein des institutions.

Depuis vingt-cinq ans, nous avons compris, les uns et les autres, que l’avenir de notre territoire ne passait pas par l’affrontement et la violence.

Depuis vingt-cinq ans, nous savons que l’avenir se construira par le dialogue et la recherche du consensus.

Cela n’allait pas de soi, mais c’est bien cette voie du dialogue qui nous a permis, depuis deux décennies, de sauvegarder la paix et de permettre le développement et la prospérité de la Nouvelle-Calédonie.

Alors que nous approchons du terme prévu par l’accord de Nouméa, nous n’avons pas le droit de remettre en cause, de fragiliser ou de dénaturer le précieux équilibre édifié par les signataires des accords. Nous avons, au contraire, l’ardente obligation de nous inscrire dans la continuité, dans le prolongement de cette recherche du consensus et de travailler à son aboutissement.

Le temps nous est compté, mes chers collègues.

L’année 2014 sonnera le début de la dernière mandature de l’accord. En Nouvelle-Calédonie, cette échéance alimente d’ores et déjà bien des fantasmes, bien des inquiétudes. J’ai la conviction que l’État, monsieur le ministre, partenaire de cet accord, a le devoir de rassurer les Calédoniens et de participer à la définition des solutions qui leur seront proposées.

C’est ce à quoi je me suis personnellement engagé ces dernières années.

J’ai proposé la création des comités de pilotage, destinés à préparer cet avenir. Depuis 2010, ils se réunissent régulièrement, pour dresser le bilan de l’accord de Nouméa, pour réfléchir à l’avenir institutionnel et pour définir un schéma industriel et métallurgique.

L’essentiel, pour moi, c’est de créer les conditions d’une nouvelle solution consensuelle. J’ai la conviction en effet qu’il n’y a pas d’autre choix, que c’est la seule voie qui s’offre à nous.

C’est la raison pour laquelle j’ai proposé, en 2010, que le drapeau identitaire kanak flotte à côté du drapeau tricolore.

M. Pierre Frogier. C’est un geste à la fois symbolique et politique, destiné à marquer la reconnaissance mutuelle des deux légitimités qui existent en Nouvelle-Calédonie. Il me semble s’inscrire parfaitement dans la continuité des accords qui ont ramené la paix sur le territoire. Il est aussi de nature à favoriser l’ouverture, dans la confiance, de discussions qui nous permettront d’inventer ensemble une solution.

Mes chers collègues, vous devez comprendre qu’en signant les accords de Matignon, puis de Nouméa, nous avons, en réalité, renoncé au fait majoritaire. En 1988, puis en 1998, nous avons accepté d’adapter le principe majoritaire pour prendre en compte la légitimité historique de la population mélanésienne, qui représente l’essentiel du camp indépendantiste.

Dès lors – et ce que j’ai entendu tout à l’heure ne me satisfait pas – un référendum qui porterait sur une question binaire – pour ou contre l’indépendance ? – est dénué de sens. Nous en connaissons par avance le résultat, et il n’apporterait pas de solution pérenne pour l’avenir. Il risquerait, au contraire, de raviver les tensions entre les communautés. Dans ces conditions, l’évolution de la Nouvelle-Calédonie ne se ferait pas dans la sérénité.

C’est bien le problème qui se pose à nous. Quels que soient ses mérites, force est de constater que l’accord de Nouméa est incomplet. Avec les trois référendums de sortie qu’il prévoit sur le transfert, ou non, des compétences régaliennes, il n’offre aucune véritable issue et renvoie à plus tard la définition d’une solution institutionnelle.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, j’en ai la conviction, nous n’avons pas le droit de nous résigner ni d’attendre passivement que le temps passe. Sinon, tout ce que nous avons fait précédemment n’aura servi à rien. J’ajoute que, si nous avions adopté cette attitude par le passé, nous n’aurions jamais signé les accords de Matignon et de Nouméa !

Aujourd’hui, nous n’avons plus de temps à perdre. Il est de notre responsabilité de dire clairement aux Calédoniens que nous allons dessiner les contours de leur vivre-ensemble, qui marquera l’aboutissement de l’accord de Nouméa. Pour cela, nous avons besoin de l’appui et du soutien de l’État.

C’est ce que je voulais vous dire, monsieur le ministre, alors que, dans quelques heures, vous quittez Paris pour rejoindre le Premier ministre en Nouvelle-Calédonie. Pour paraphraser une formule célèbre, j’espère que vous volerez vers la Calédonie compliquée avec des idées simples ! (Sourires.)

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je voterai les deux projets de loi qui nous sont soumis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, les projets de loi que nous allons examiner s’inscrivent dans la logique de l’évolution choisie par les peuples de Nouvelle-Calédonie, mais on pourrait aussi parler de Mayotte, de la Guyane et de la Martinique.

Le projet de loi organique vise à moderniser le statut de la Nouvelle-Calédonie. C’est une nouvelle étape d’un processus engagé il y a vingt-cinq ans déjà .

L’histoire calédonienne n’a pas toujours été paisible, c’est peu de le dire. Depuis vingt-cinq ans, pourtant, et plus spécifiquement depuis le 26 juin 1988, date à laquelle a été conclu l’accord entre Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, la paix civile s’est consolidée ; cela, personne ne peut le contester.

Cet accord, perçu comme une feuille de route vers l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie, prévoit notamment un transfert progressif des compétences de l’État aux autorités locales, ainsi que la tenue d’un référendum d’autodétermination entre 2014 et 2018.

C’est dans l’esprit de l’accord de Nouméa et dans cet objectif d’émancipation que s’inscrit le texte organique que nous avons à examiner aujourd’hui. Il est également la traduction des demandes exprimées en décembre 2012 par le dixième comité des signataires de l’accord de Nouméa.

En vingt-cinq ans, la Nouvelle-Calédonie a pu stabiliser ses institutions. Aujourd’hui, elle franchit une étape supplémentaire, avec la création de nouvelles autorités administratives indépendantes.

Si personne ne peut contester que, depuis vingt-cinq ans, la Nouvelle-Calédonie a évolué, personne ne peut soutenir non plus que tous les problèmes sont résolus. « Le Caillou » reste, à l’instar de tout l’outre-mer, un pays dans lequel le chômage des jeunes atteint un taux inacceptable. Quelles que soient les évolutions souhaitées, ou obtenues, par chacune des composantes des outre-mer, il est bien évident que la question de l’emploi des jeunes, pour ne citer qu’elle, doit être une priorité pour le Gouvernement et pour l’État.

Le phénomène de la vie chère, quant à lui, est récurrent outre-mer, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie. Dans tout l’outre-mer, les revendications des populations contre la cherté de la vie ont débouché sur des accords. En Nouvelle-Calédonie, un protocole prévoyant une baisse immédiate des prix de 10 % a été signé en mai dernier. Pourtant, le compte n’y est pas, puisque les prix y sont supérieurs d’au moins 30 %, sinon 40 %, à ceux qui sont pratiqués en France métropolitaine. Certes, ce que l’on appelle le « panier Lurel » a été mis en place. Des accords entre syndicats, distributeurs, fournisseurs, importateurs, consommateurs, entre autres, ont été trouvés sur une liste de produits, alimentaires ou non.

Cependant, il faut savoir le dire, la question n’est pas entièrement réglée. Si quelques avancées ont été obtenues, il faut, nous semble-t-il, continuer à agir, combattre les monopoles et les situations oligopolistiques. Si je peux me permettre, il ne faut jamais regarder une question comme épuisée.

Après s’être rendu aux Antilles, le Premier ministre va bientôt entamer une tournée dans la zone Asie-Pacifique, au cours de laquelle il passera en Nouvelle-Calédonie. Selon son entourage, il devrait y prononcer un discours de grande importance.

La question du nickel devrait également être abordée. Pour l’instant, c’est l’un des piliers du développement économique de la Nouvelle-Calédonie. L’exploitation du nickel pose le problème du rééquilibrage économique entre les provinces et la question de la mondialisation des échanges. Certes, le nickel a été, il y a quelques années, source de tension entre les indépendantistes et Paris, mais, de nos jours, les rapports de force ont changé.

Aujourd’hui, si l’industrie mondiale de ce secteur vient en Nouvelle-Calédonie pour étudier le marché, le moral de ses acteurs n’est pas au beau fixe. En effet, le cours du nickel, surnommé « le métal du diable » à cause de sa volatilité, ne devrait pas rebondir avant 2014, selon les analystes. Or, au cours du premier semestre 2013, deux gigantesques usines métallurgiques de nickel sont entrées en service. Il faut rappeler que la Nouvelle-Calédonie abrite 25 % des ressources planétaires de ce minerai, indispensable à la fabrication d’acier inoxydable. Aujourd’hui, la Chine, gros consommateur, est aussi devenue un gros producteur de nickel.

C’est donc l’un des piliers du développement économique de la Calédonie qui peut être ébranlé. Cela aura des conséquences sérieuses, immédiatement ou à moyen terme.

La visite du Premier ministre va aussi poser la question de la place de la Nouvelle-Calédonie dans son environnement géoéconomique. Comment va-t-elle pouvoir se développer, alors que la Corée du Sud et la Malaisie, souvent désignés comme les « petits tigres de l’Asie », sont en plein développement ?

Si la question est posée pour la Nouvelle-Calédonie, elle l’est aussi pour toutes les autres régions et collectivités d’outre-mer, en particulier les Antilles et la Guyane, La Réunion et Mayotte.

La Nouvelle-Calédonie a des atouts, qu’il convient de valoriser. Je pense, par exemple, à la filière micro-algues, aussi appelées phytoplancton. Compte tenu de la richesse de sa biodiversité et de l’immensité de ses lagons, la Nouvelle-Calédonie peut être un acteur majeur de cette activité. Cet « or vert » laisse entrevoir de nombreuses perspectives dans les domaines de la cosmétique, de l’alimentation animale, de la pharmacologie, entre autres. Il peut autoriser la Nouvelle-Calédonie à envisager une nouvelle voie de développement.

Bien évidemment, dans toutes les autres îles, ou presque, les possibilités d’un développement qui valorise les atouts régionaux existent, par exemple dans le domaine de l’énergie.

La Nouvelle-Calédonie dispose également d’un autre atout. Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a publié voilà quelques jours un rapport sur les métaux critiques et les terres rares, dressant en conclusion ce redoutable constat : si l’on veut que la France ne se retrouve pas l’otage des pays producteurs et des fluctuations du marché, la seule solution est de relancer la recherche minière !

Les terres rares sont au cœur des technologies de l’information et de la communication : fibre optique, télévision, smartphones, batteries, têtes de missiles, piles à combustible... Certains y voient l’enjeu de la quatrième révolution industrielle. Ce serait l’or noir du XXIe siècle !

C’est dire à quel point la maîtrise de l’exploitation de ces terres rares est importante, d’un point de vue non seulement économique, mais également politique et géostratégique. Et, sur ce point, la Nouvelle-Calédonie, qui possède du scandium, a de toute évidence une carte à jouer. Mais d’autres régions – je pense notamment à la Guyane ou à la Polynésie – peuvent également voir dans ces terres rares et ces nouvelles ressources des occasions de développement.

Encore faut-il qu’une telle exploitation soit souhaitée par tous et que les bénéfices en découlant soient partagés entre tous avec une répartition équitable.

Ne l’oublions pas, les outre-mer – j’inclus la Corse dans cette catégorie (Mme Françoise Laborde sourit.) –, ce sont un domaine maritime, une zone économique exclusive de 345 000 kilomètres carrés, avec du poisson et des ressources énergétiques, le pétrole ou les nodules polymétalliques.

Et, pour rester dans le sujet, notons que toutes les régions et collectivités d’outre-mer ont une carte à jouer en matière d’énergies renouvelables. Le potentiel est absolument énorme. L’autonomie énergétique, mot d’ordre lancé par le sénateur Paul Vergès voilà quelques années pour La Réunion, est aujourd’hui repris par la plupart des îles.

Le projet de loi organique sur la Nouvelle-Calédonie, pas plus que le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, ne va pas lever toutes les incertitudes, ni gommer tous les problèmes. Mais les deux textes constituent une étape, et une étape consensuelle, dans l’évolution des territoires concernés. Le groupe CRC votera donc les deux projets de loi, tout en félicitant Mme la rapporteur de la qualité de son travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Christian Cointat applaudit également.)

(M. Jean-Patrick Courtois remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Patrick Courtois

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, en 1981, la proposition n° 58 du candidat François Mitterrand était ainsi rédigée : « Pour les peuples de l’outre-mer français qui réclament un véritable changement, ouverture d’une ère de concertation et de dialogue à partir de la reconnaissance de leur identité et de leurs droits à réaliser leurs aspirations. »

À l’issue de bouleversements institutionnels nombreux et confus, ainsi que de violents conflits, qui devaient atteindre leur apogée lors de l’embuscade de Hienghène et la prise d’otages d’Ouvéa, la Nouvelle-Calédonie est parvenue à un équilibre grâce à un statut particulier et unique au sein de notre République. Après bien des divergences sur l’avenir de la « Grande terre », les Calédoniens sont parvenus à un compromis fondé sur le dialogue et l’écoute.

L’accord de Nouméa de 1998, point culminant des relations pacifiées, a réussi à réunir des points de vue a priori inconciliables. L’identité kanake était enfin reconnue et les indépendantistes acceptaient un maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République. Ce territoire s’est alors doté d’institutions et de règles juridiques originales, et son statut sui generis lui est reconnu par un titre à part au sein de la Constitution.

Un processus de décolonisation peut-il aboutir à assurer une paix immuable ? Les fractures et les blessures qui divisent la société calédonienne sont malheureusement encore trop profondes. La crise institutionnelle de 2011, provoquée en raison des conflits politiques autour du double drapeau, avec la démission successive de plusieurs gouvernements, nous prouve que la situation demeure fragile. Toutefois, la loi organique du 25 juillet 2011 y a apporté une réponse.

De même, les grèves générales contre la « vie chère » qui se sont déroulées au mois de mai dernier nous rappellent que la paix doit se construire en permanence.

Avec un produit intérieur brut par habitant le plus élevé de l’outre-mer et le deuxième plus élevé de la région – entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande –, des ressources en nickel riches, un gouvernement collégial fondé sur une entente entre indépendantistes et non-indépendantistes et une autonomie renforcée, la Nouvelle-Calédonie pourrait nous sembler à l’abri des problèmes économiques et sociaux. Or il n’en est rien.

Tout d’abord, la situation économique du territoire est instable. Elle repose encore sur l’exploitation du nickel, qui représente entre 8 % et 18 % de son PIB, et sur les transferts de la métropole. Dans un rapport de 2012, le professeur Étienne Wasmer explique cette vulnérabilité face aux variations des cours du nickel. En effet, en 2012, les exportations se sont contractées de 13,8 %, en raison des difficultés du secteur.

Ensuite, le taux de chômage demeure élevé, et les disparités sociales sont deux fois plus fortes qu’en métropole. Ainsi, selon l’Institut d’émission d’outre-mer, l’écart entre les revenus des plus riches et ceux des plus modestes est de près de 8, contre 3,6 en métropole, et le taux de pauvreté atteint 17 %... Ces disparités sont d’autant plus graves qu’elles jouent en défaveur des Kanaks.

De surcroît, les prix sont, en moyenne, 34 % plus élevés qu’en métropole, un record en outre-mer. Ils sont supérieurs de 65 % pour l’alimentation et de 39 % pour le logement, l’eau et l’énergie, pénalisant ainsi les ménages les plus fragiles.

L’insularité, l’éloignement, les frais des transports ou encore les habitudes de consommation influent sur les prix. De même, l’absence de concurrence et la fiscalité sur les importations participent à la « vie chère ».

Le protocole d’accord du 27 mai 2013 signé entre les syndicats et le patronat a permis d’apaiser les tensions en réduisant de 10 % les prix de 300 produits alimentaires et d’hygiène, ainsi que de 200 produits supplémentaires, et en appliquant un gel des prix jusqu’à la fin de l’année 2014.

M. Jean-Claude Requier. Le processus qui va de l’acquisition des libertés individuelles vers l’égalité est parfois trop lent pour apaiser les tensions. L’État a voulu réduire une telle fracture par une politique de rééquilibrage des disparités, qui sont également spatiales. J’évoquerai à titre d’illustration l’usine de nickel de Koniambo, mise en fonctionnement récemment.

Toutefois, la fracture est profonde, et son colmatage est inachevé. La situation est donc potentiellement explosive et pourrait aboutir à des effets non réellement désirés par la population lors du prochain référendum d’autodétermination, qui devrait se tenir avant 2018. Le choix pourrait alors se résumer à une simple réaction aux problèmes économiques et sociaux, et non traduire une volonté réelle de décider de l’avenir du territoire.

Quelle place peut occuper la République ? Certainement un rôle d’accompagnateur en matière de transfert de compétences ! L’accroissement de l’autonomie à un rythme soutenu doit être accompagné. Les autorités calédoniennes sont demandeuses d’une telle démarche, et il convient de saluer la mise en place d’une nouvelle structure réunissant les ministères concernés par les transferts de compétences.

En l’espace de quelques années, la Nouvelle-Calédonie a bénéficié de nouvelles compétences qui revêtent une importance fondamentale. On peut évoquer des cas récents : la police et la sécurité de la circulation maritime, la circulation aérienne, l’enseignement du second degré, le droit civil ou le droit commercial… D’autres transferts sont également prévus pour 2014, comme l’enseignement supérieur ou l’administration provinciale et communale.

Le présent projet de loi organique actualise la loi organique de 1999, afin de permettre un plein exercice de ces prérogatives.

En ce qui concerne la problématique de la « vie chère », l’Autorité de la concurrence, autorité administrative indépendante nationale, par ses rapports rendus en 2012, a recommandé la création d’une autorité de la concurrence locale, afin de briser les monopoles et oligopoles, qui entraînent des prix excessivement élevés et qui affectent le pouvoir d’achat des Calédoniens. Selon ses rapports, au contrôle inefficace des prix devrait se substituer une action sur la structure de marché.

L’article 1er du projet de loi organique modifie le statut, afin précisément de permettre la création d’autorités administratives indépendantes. Il servira de fondement à la création de l’autorité de la concurrence locale disposant de pouvoirs de réglementation, de sanction, d’injonction, pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles et aux concentrations de marché. Si la Nouvelle-Calédonie se dote d’une réforme du droit de la concurrence, un tel dispositif pourrait se révéler efficace.

Il convient de saluer le travail de notre collègue Catherine Tasca, rapporteur des deux textes, qui renforce l’indépendance des futures AAI, puisque les candidats devront, après audition publique, être désignés à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès. Les membres seront irrévocables, sauf exception.

L’exercice des compétences est également favorisé par le pouvoir général de police administrative accordé au président du gouvernement néo-calédonien en matière de sécurité maritime, de sécurité aérienne et de sécurité civile. La prise de décision est ainsi accélérée. La possibilité, pour les assemblées de province, de déléguer la passation des marchés publics à leur président contribue à l’allégement de la procédure.

Plusieurs dispositions du projet de loi organique s’inspirent du droit commun des collectivités territoriales, par exemple, les règles en matière de subventions publiques des provinces ou les règles budgétaires des services publics industriels et commerciaux.

Ainsi, c’est par des actualisations de la loi organique, en donnant les moyens juridiques de l’autonomie et en facilitant le fonctionnement des institutions et de l’administration que la France se conforme à l’esprit de l’accord de Nouméa.

C’est grâce à cette neutralité qu’un climat de confiance peut être maintenu entre l’État et la Nouvelle-Calédonie et que les liens, qui ne sont plus exclusivement historiques, mais qui sont aussi affectifs, peuvent être préservés. Il en est de même des différents textes relatifs à l’outre-mer. C’est pourquoi le groupe RDSE approuvera le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et au banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’avoue ne pas être un spécialiste de la Nouvelle-Calédonie. Je l’ai découverte au gré de l’examen de ces projets de loi, car, finalement, j’en connaissais peu, en tout cas bien moins que mes collègues présents aujourd’hui, les réalités sociologiques, historiques et politiques. Toujours est-il que le sujet m’a passionné !

Les statuts des collectivités ultramarines sont très souvent des modèles uniques en leur genre, très éloignés de ce que connaissent les collectivités territoriales métropolitaines. On peut aisément affirmer que l’outre-mer a toujours constitué un laboratoire juridique et institutionnel.

Cependant, si l’on retrouve certaines problématiques communes aux outre-mer, il faut bien reconnaître que la spécificité du modèle calédonien, depuis la révision constitutionnelle du 20 juillet 1998, est sans équivalent.

Il est néanmoins l’héritage d’une histoire complexe, marquée par de violents affrontements entre communautés autour de la question de l’accession à l’indépendance, que je ne rappellerais pas ici, mais que les pouvoirs publics de l’époque ont su apaiser en renouant le dialogue avec les représentants des partis indépendantistes et loyalistes.

Ainsi, le 26 juin dernier, la Nouvelle-Calédonie célébrait le vingt-cinquième anniversaire de la signature des accords de Matignon, qui avaient mis un terme à plusieurs années de tensions ayant atteint leur paroxysme lors de la tragédie de la grotte d’Ouvéa.

Ces accords furent suivis par l’accord de Nouméa et par sa traduction juridique, la loi organique du 19 mars 1999, qui prévoyait des transferts progressifs de compétences de l’État vers la Nouvelle-Calédonie et la tenue d’une consultation de la population entre 2014 et 2018 pour décider de l’avenir institutionnel de cette collectivité.

Depuis lors, on croyait le temps des tensions extrêmes révolu. L’année 2011 fut pourtant marquée par des événements dramatiques liés à un contexte social très difficile, partagé, il est vrai, par l’ensemble des outre-mer, dû à la cherté de la vie et à un chômage endémique touchant principalement les jeunes issus de la communauté kanake. Les accords économiques et sociaux signés à l’époque pour remédier à la situation n’ont jamais été appliqués.

C’est notamment la raison pour laquelle un mouvement social de grande ampleur, réunissant plusieurs syndicats et touchant les trois provinces de l’archipel, a de nouveau éclaté au mois de mai dernier. Les manifestants souhaitaient la mise en place d’un dispositif de modération des prix semblable à celui qui est contenu dans la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, ou loi Lurel, que le Sénat avait adoptée en septembre dernier en première lecture et dont j’avais eu le privilège d’être le rapporteur pour la commission des lois.

Avec les pluies diluviennes survenues au début de ce mois de juillet, qui ont entraîné une dégradation importante des exploitations agricoles, la pression sur les prix ne risque pas de baisser !

Ce profond malaise social et la crise économique que connaît la Nouvelle-Calédonie depuis quelques années peuvent s’expliquer par les retards qui ont été pris depuis 2007 dans la mise en œuvre du volet économique et social de l’accord de Nouméa, compromettant de ce fait la politique de rééquilibrage qui en était le cœur.

Le projet de loi organique portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie a pour objet de poursuivre le processus enclenché il y a vingt-cinq ans.

Il clarifie des compétences existantes et reconnaît des prérogatives aux autorités calédoniennes, telles que le pouvoir de police administrative générale et de réquisition accordé au président du gouvernement.

Il facilite également le fonctionnement des institutions du territoire, en accordant notamment la possibilité à l’assemblée de province de déléguer son pouvoir à son président pour passer les marchés publics ou encore au président de la Nouvelle-Calédonie de subdéléguer sa signature aux agents de son administration.

Enfin, il actualise les règles administratives et financières en vigueur sur ce territoire.

Conformément à l’engagement pris par le Premier ministre devant le comité des signataires de l’accord de Nouméa le 6 décembre dernier, ce texte permet surtout à la collectivité de créer, par des lois du pays, des autorités administratives indépendantes dotées des mêmes pouvoirs, notamment de sanction.

Cette disposition essentielle – et, on l’imagine aisément, fortement attendue par la population, au regard des difficultés qu’elle rencontre – pourra s’appliquer dans des domaines aujourd’hui sensibles, tels que la concurrence, la concentration économique et l’aménagement commercial. Ainsi, la Nouvelle-Calédonie pourra se doter d’une autorité de la concurrence locale, outil de régulation indispensable qui devrait rendre effective l’adoption par le congrès calédonien, le 25 juin dernier, d’une loi antitrust, sous réserve de la décision du Conseil constitutionnel, qui en a été saisi.

Pour être parfaitement efficaces, ces organismes devront voir leur impartialité et leur indépendance assurées par la mise en place de garanties concernant leur composition, les modalités de désignation et de fin de mandat de leurs membres, et les règles d’incompatibilités auxquelles ils sont soumis.

C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu’adhérer aux amendements proposés par Mme la rapporteur – et je saisis l’occasion qui m’est donnée pour saluer son travail – qui prévoient d’inscrire le principe selon lequel les membres de ces futures AAI seront nommés par arrêté du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, après confirmation par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés du congrès de la Nouvelle-Calédonie.

Avant d’évoquer le second texte qui nous est présenté, et qui fait l’objet avec le projet de loi organique d’une discussion générale commune, je me permets une digression, pour attirer l’attention du Gouvernement sur l’état déplorable de la prison de Nouméa. Des mutineries y éclatent régulièrement, les prisonniers protestant contre les conditions indignes dans lesquelles ils sont détenus, conditions également dénoncées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, et par l’Observatoire international des prisons. Cette question ne prête pas à polémique - même si l’on aurait souhaité que le gouvernement précédent y apporte des solutions pérennes et réalistes - mais le projet de construction d’un nouvel établissement à Nouméa, coûteux et inadapté, n’y répondait pas.

Consciente de la gravité et de l’urgence de la situation, Mme Taubira a annoncé, outre le déblocage d’une enveloppe de 32 millions d’euros destinée à rénover et agrandir la prison, l’envoi sur place d’une mission chargée notamment d’apporter des solutions à ce problème. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?

Mais j’en viens au projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui prévoit la ratification de huit ordonnances.

Mes collègues interviendront pour vous présenter des amendements relatifs à leur département. Je voudrais, pour ma part, faire une remarque liminaire concernant le recours aux ordonnances. Si je suis sensible à l’argument selon lequel, compte tenu de la surcharge du calendrier législatif, ce procédé présente nombre d’avantages, il est néanmoins indispensable de bien veiller à associer le Parlement au processus d’élaboration des textes.

J’aimerais m’appesantir quelques instants sur l’ordonnance du 25 janvier 2013 relative aux allocations de logement à Mayotte, qui crée, outre l’allocation de logement familiale, qui existait déjà, l’allocation de logement sociale, dont l’alignement progressif sur le droit commun des départements d’outre-mer est prévu.

L’INSEE a relevé, lors de son dernier recensement, que le nombre de logements augmentait moins vite que la population. Si la croissance démographique de Mayotte est si forte, c’est certes en raison du nombre important de naissances, mais également, et surtout, à cause d’une pression migratoire extrêmement élevée.

Les dispositions que je viens d’évoquer vont évidemment dans la bonne direction, mais elles resteront insuffisantes. J’avais alerté Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur ce point. Le taux actuellement arrêté pour cette allocation est trop bas, les ménages mahorais ne peuvent assumer les loyers. Au bout du compte, les logements sociaux existants restent vides et les logements en programmation ne trouveront jamais preneur…

Les deux textes qui nous sont soumis aujourd’hui marquant l’engagement pris par ce gouvernement de soutenir les outre-mer, le groupe socialiste votera cette dixième réforme de la loi organique de 1999, ainsi que le projet de loi ordinaire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur les travées du RDSE. – M. Christian Cointat applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Robert Laufoaulu.

M. Robert Laufoaulu. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteur, mes chers collègues, j’interviens aujourd’hui en tant que sénateur représentant les îles Wallis-et-Futuna, bien sûr, mais aussi comme quelqu’un, qui, jusqu’à son retour à Wallis, il y a une vingtaine d’années, a vécu une grande partie de sa vie, depuis l’adolescence, en Nouvelle-Calédonie.

La Nouvelle-Calédonie, cette terre de promesses, qualifiée par certains de paradis sur terre, a vécu des heures sombres, terribles. Le sang a, hélas, coulé. Cependant, grâce à quelques hommes de bonne volonté, des mains se sont tendues, un dialogue a été renoué, et un processus de réconciliation a été enclenché, alors que si peu de gens y croyaient !

Un quart de siècle plus tard, on peut être fier du chemin parcouru, salué la semaine dernière encore par le président actuel du Forum des Îles du Pacifique, le Premier ministre des Îles Cook, M. Henry Puna, qui s’est tout récemment rendu à Nouméa, après une visite à Bruxelles et à Paris, avec un passage au Sénat.

Je salue ainsi les efforts soutenus par les responsables de la Nouvelle-Calédonie dans la recherche du bien commun. Je pense bien sûr aux politiques, aux coutumiers, à l’administration et à toutes les associations qui ont contribué à ce travail.

Revenons-en à Wallis-et-Futuna. Quelques chiffres parleront peut-être à mes collègues sénateurs : Wallis et Futuna sont deux îles distantes de 2 000 kilomètres environ de Nouméa, où vivent aujourd’hui près de 13 500 habitants et qui sont frappées par la décroissance démographique et l’exode dû à un développement économique demeurant par trop embryonnaire.

La Nouvelle-Calédonie, en revanche, abrite une communauté wallisienne et futunienne de 30 000 à 35 000 personnes, soit 15 % de sa population totale, donc une minorité importante, arrivée par vagues successives, pour la plupart anciennes. De nombreux Wallisiens et Futuniens de Nouvelle-Calédonie sont ainsi des Calédoniens de troisième génération.

Pour autant, depuis 1988 et les accords de Matignon, quand on pense à la Nouvelle-Calédonie, on voit, surtout de Paris, la construction d’un avenir commun entre deux communautés, les Mélanésiens et les Européens de souche. On a beaucoup oublié, en en payant parfois le prix, qu’il existait une troisième communauté, laquelle peine, depuis vingt-cinq ans, à trouver sa place.

J’entends bien sûr ceux qui veulent s’opposer à tout communautarisme au sein de la République. Ils ont raison sur le fond, mais, pour ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, une telle attitude reviendrait à méconnaître des réalités profondes dont il faut tenir compte. La réconciliation, la construction d’un avenir commun dans l’harmonie, le respect et la paix, passent par une reconnaissance de la place de chacun, y compris de la communauté wallisienne et futunienne de Nouvelle-Calédonie. Aujourd’hui, cette communauté de coutume polynésienne a bien du mal à s’affirmer. Vous rappeliez, monsieur le ministre, que nous en étions au dixième texte sur la Nouvelle-Calédonie, depuis l’enclenchement du processus visant à faire évoluer l’organisation de ce territoire. Réinventons le dicton et gageons que « jamais dix sans onze » ! (Sourires.)

Je crois me faire le porte-parole de l’immense majorité des Wallisiens et Futuniens de Nouvelle-Calédonie en affirmant, monsieur le ministre, mes chers collègues, qu’il est nécessaire d’inventer une structuration spécifique, pour représenter les citoyens originaires de Wallis-et-Futuna.

Notre collègue Pierre Frogier connaît bien le sujet, nous en avons encore parlé récemment, et je sais qu’il est sensible et attentif aux inquiétudes de la communauté wallisienne et futunienne, qui craint d’être laissée au bord du chemin.

Bien évidemment, une telle organisation ne saurait être calquée sur le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie. Nous avons tous suffisamment d’imagination pour trouver une structure adéquate, qui ravivera le lien de cette communauté, favorisera son intégration et l’aidera à trouver sa place dans la construction de la Nouvelle-Calédonie de demain.

Je souhaiterais donc vivement, monsieur le ministre, qu’une réflexion s’ouvre sur ce sujet, en lien avec chacun, afin que cette idée puisse prospérer dans l’harmonie avec les autres communautés.

Je passe maintenant sans transition au projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, qui ratifie plusieurs ordonnances, dont certaines concernent Wallis-et-Futuna. Les ordonnances relatives au droit civil et à l’action sociale n’appellent pas de remarque particulière de ma part, sauf à vous faire part, monsieur le ministre, d’une légère inquiétude : qui paiera pour la mise en place d’un service tutélaire à Wallis-et-Futuna ?

L’ordonnance du 25 janvier 2013 relative aux dispositions applicables à certains agents relevant de l’État ou des circonscriptions territoriales exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna appelle en revanche quelques remarques rapides quant aux décrets que l’État devra prendre.

Je voudrais tout d’abord vous demander, monsieur le ministre, de confirmer l’engagement de vos services sur deux points : le principe d’une consultation des représentants locaux avant toute mise en œuvre d’un nouveau statut particulier et, surtout, la mise en place de passerelles entre ce nouveau statut et celui de la fonction publique d’État, qui ne peut se faire que s’il y a correspondance entre le corps d’origine et le corps d’accueil.

Enfin, je souhaite vous rappeler, monsieur le ministre, la nécessité, exprimée par les représentants des agents locaux et à laquelle je souscris pleinement, de mettre en place un droit d’option pour ce nouveau statut. Il est important en effet que l’agent puisse avoir le choix, pour des raisons qui lui sont propres, de l’intégrer ou non.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais dire brièvement à l’occasion de l’examen de ces deux textes. Connaissant votre écoute, toujours attentive, j’espère que vous pourrez rebondir sur les idées que je viens de vous soumettre.

Je voterai bien sûr ce projet de loi organique et ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ce qui concerne le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, je concentrerai mon propos sur la ratification, d’une part, des ordonnances relatives aux collectivités uniques de Guyane et de Martinique et, d’autre part, de l’ordonnance adaptant à l’outre-mer la réforme de la pêche de 2011. Elles illustrent l’économie et les carences de la politique concernant les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Deux des ordonnances complètent la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique. Il s’agit de régler trois questions laissées en suspens : les règles financières et comptables des nouvelles collectivités, les conditions de transfert des personnels et celles des patrimoines.

Pour chacun de ces sujets, les ordonnances proposées se contentent de prévoir le strict minimum. Or la fusion en une collectivité unique des départements et de la région en Martinique et en Guyane n’a jamais été, à elle seule, une solution aux difficultés sociales, économiques, environnementales, sécuritaires et culturelles que ces deux collectivités territoriales subissent.

Vous en êtes convaincu, monsieur le ministre, car, à ce jour, vous n’avez pas envisagé cette voie pour la région Guadeloupe.

La simplification d’une partie du millefeuille administratif est cependant un outil pour une meilleure conduite des politiques publiques à l’échelon de ces territoires. Mais sans compétence nouvelle, sans levier de financement nouveau, sans reconnaissance des spécificités et des besoins de chacun des territoires, la collectivité unique n’apporte aucune solution miracle.

Ces ordonnances ne fournissent, hélas ! pas davantage de réponse.

Concernant la fusion des personnels, l’ordonnance n° 2012-1398 prévoit l’addition des personnels du département et de la région au service de la collectivité unique. Il ne s’agit que de la transcription d’une condition sine qua non de la fusion des collectivités : aucune des personnes œuvrant pour un échelon territorial ne devait faire les frais d’une économie et d’une rationalisation des moyens.

Que dire alors des disparités qui subsistent entre les quelques territoires où ne s’applique pas la loi de séparation des Églises et de l’État ? Ainsi, alors que l’Alsace-Moselle bénéficie de la prise en charge par l’État des rémunérations des membres du corps ecclésiastique, cette dépense, d’un montant annuel de près de 1 million d’euros, reste inscrite au budget du conseil général de Guyane et sera donc supportée, à terme, par celui de la future collectivité unique.

Par ailleurs, le maintien du niveau de régime indemnitaire antérieur plus favorable et celui des avantages individuels collectivement acquis doivent être portés au crédit de ces ordonnances. Les personnels issus des anciennes collectivités peuvent être rassurés sur ce point. Cependant, une carence apparaît immédiatement à la lecture de ces textes : comment s’opérera la fusion des services au sein de la nouvelle collectivité ?

L’ordonnance ne prévoit aucune consultation en vue de l’élaboration d’un nouvel organigramme. L’idée de créer un « comité technique commun » permettant de faire rapidement émerger une représentation syndicale légitime commune aux deux collectivités appelées à fusionner a fait long feu. Elle devait accompagner le souhait d’avancer le plus possible dans la direction d’une fusion des services avant la mise en place de la collectivité unique. Qu’en est-il sur ce sujet ? L’inquiétude des personnels, en particulier dans les services fonctionnels, est-elle prise en compte ?

L’addition des fonctionnaires et des contractuels est une réponse à la crainte d’une économie par mutualisation des moyens humains, mais rien n’apparaît cependant quant à la préparation de la nouvelle organisation.

La fusion des patrimoines présente un caractère absolument identique : dans l’opération d’addition des patrimoines du département et de la région, un grand silence règne quant à l’affectation des biens de ces collectivités au bénéfice des services de l’État.

L’arrêté interministériel du 30 juin 1948 portant répartition des biens de l’ancien domaine colonial dresse une liste de biens appartenant au département, mais échappant totalement à sa maîtrise, aussi longtemps que les services de l’État en ont usage.

Deux anomalies apparaissent aujourd’hui.

La première est le régime juridique singulier réservé à ces biens des collectivités d’outre-mer mis à la disposition des services de l’État, par rapport à la situation que connaissent les départements métropolitains à cet égard.

En métropole, par exemple, un bail de longue durée et à titre gratuit est conclu entre l’État et les collectivités décentralisées : ainsi, leur propriété est respectée. Ce n’est malheureusement pas le cas lorsque le pouvoir réglementaire édicte l’affectation du patrimoine des personnes publiques ultramarines.

La seconde anomalie est la condition exorbitante des biens domaniaux de l’État, en particulier en Guyane.

Je pourrais tout d’abord relever que, à l’occasion de la mise en place de la collectivité unique, l’ordonnance devrait prévoir un inventaire contradictoire portant sur l’affectation de ces biens, leur gestion par l’État, le respect par celui-ci de ses obligations d’entretien et un possible retour en pleine propriété, assorti d’une soulte, à la collectivité unique.

Mais je veux également mentionner le cas du domaine privé de l’État : un foncier domanial non exploité, non constaté, qui n’est pas évalué et permet à l’État, dans le seul département de la Guyane, d’échapper à la taxe sur le foncier non bâti sur l’ensemble de son domaine privé.

La seule fusion des patrimoines, qui est l’objet légal de l’ordonnance, pourrait inviter à l’élaboration d’un projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’outre-mer permettant de régler plus largement la question de la dévolution des patrimoines fonciers publics. Il n’en est rien, et je le regrette.

L’ordonnance n° 2012-1397 déterminant les règles budgétaires, financières et comptables applicables aux collectivités uniques de Guyane et de Martinique témoigne encore de quelques imperfections.

Le cadre budgétaire et comptable du département diffère de celui de la région : il était nécessaire de déterminer celui qui réglerait la future collectivité unique. On pouvait espérer que le renvoi à une ordonnance ouvrirait sur un choix plus audacieux, par la programmation d’un système ad hoc, que la simple copie du modèle régional.

Par exemple, des dispositions concernant le préfinancement à 100 % des projets de la collectivité unique ou des collectivités locales auraient pu compléter le dispositif afin de prendre en compte les difficultés que rencontrent ces territoires, dans la structure même de leurs ressources budgétaires, pour réaliser les projets qui leur sont nécessaires.

La troisième ordonnance, celle qui porte sur la pêche, offre en revanche des avancées pour les outre-mer.

En plus des compétences attribuées aux comités régionaux des pêches, elle dote la région d’une compétence en matière d’aménagement de l’aquaculture. Il faut saluer cette confiance accordée aux collectivités décentralisées dans un domaine de compétence relevant de l’autorité déconcentrée en métropole.

Pourtant, dans un projet de loi contenant des dispositions sur la pêche, il est regrettable qu’aucun élément nouveau ne vienne répondre aux préoccupations actuelles relatives à la pêche en outre-mer : la lutte contre le pillage illégal de la ressource halieutique, l’accès à cette ressource pour des pêcheurs aux moyens inadaptés à une activité de plus en plus hauturière, la mobilisation des moyens financiers nécessaires pour accompagner la structuration d’une véritable filière aquacole…

D’une manière plus générale, puisque ce texte tend à rendre définitivement applicable, au moins sur le plan législatif, la collectivité unique en Guyane et en Martinique, c’est encore un silence gêné qui répond aux demandes réitérées de mise en place d’un fonds d’accompagnement financier qui soit à la mesure exacte des enjeux liés à cette évolution.

Je rappelle enfin que la Guyane est le seul département ne comptant aucun établissement de formation aux métiers de la mer.

La mutualisation des moyens permettra certainement, à plus long terme, de réaliser des économies d’échelle. Cependant, des mesures financières préalables sont à prévoir, notamment en termes de formation, de prestations et de services extérieurs – audit, communication –, de frais d’harmonisation des moyens de gestion.

Mais puisque nous parlons de recettes budgétaires pour les futures collectivités uniques, qu’en est-il de la fiscalité sur les ressources fossiles et minérales ? Qu’en est-il des puits de carbone ? Qu’en est-il encore de la dotation globale de fonctionnement, dont la part superficiaire est plafonnée dans le seul département de la Guyane ? Qu’en est-il enfin du prélèvement de 27 millions d’euros sur le produit de l’octroi de mer qui est opéré depuis 1974 au détriment des communes, de manière unilatérale, sans compensation, là aussi uniquement pour la Guyane ?

Toutes ces questions ne peuvent être résolues au travers de ce projet de loi, les dispositions financières relevant d’un autre véhicule législatif, mais le service minimum assuré par le biais des ordonnances prises ne rend pas optimiste quant à la politique de soutien aux collectivités d’outre-mer. Ces ordonnances sont nécessaires, il faut donc les ratifier ; mais il est également nécessaire et urgent de mener une politique ambitieuse de développement en faveur des outre-mer. La réunion de travail organisée hier par vos soins, monsieur le ministre, nous permet finalement d’être optimistes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer me donne l’occasion de mettre en exergue quelques problématiques propres à mon archipel.

Successivement territoire d’outre-mer, département d’outre-mer, collectivité territoriale de la République française et enfin, depuis 2008, collectivité d’outre-mer au titre de l’article 74 de la Constitution, l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon comprend trois collectivités.

La première d’entre elles est la collectivité territoriale, qui exerce les compétences dévolues par les lois et règlements aux départements et aux régions, à l’exception, notamment, de la construction et de l’entretien des collèges et des lycées, ainsi que du financement des moyens du service territorial d’incendie et de secours. Elle dispose également de compétences propres dans les domaines suivants : impôts, régime douanier, urbanisme, construction et logement.

Les deux autres collectivités sont les communes de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade, dont les compétences générales sont amputées des domaines précités.

La question de la pertinence de l’existence de trois collectivités sur un aussi petit territoire et de l’enchevêtrement de leurs compétences a toutefois été posée à plusieurs reprises ces dernières années. En effet, la concentration de collectivités crée parfois une confusion dans la répartition des compétences, voire des doublons, facteurs de gaspillage des ressources publiques. De plus, la collectivité territoriale ne dispose pas, à ce jour, de moyens humains et techniques suffisants pour assurer complètement ses compétences normatives propres.

La situation économique est structurellement fragile. Depuis la crise de la pêche, en 1992, aucune autre activité marchande n’a véritablement émergé et le secteur tertiaire, notamment la fonction publique, représente aujourd’hui plus de 80 % des emplois.

L’avenir de l’économie de l’archipel réside pour une large part dans le renouveau de son activité maritime. Le port doit être remis aux normes et des services fournis à prix concurrentiel doivent être améliorés ou créés en fonction des besoins.

Pour mener à bien ce type de projet, la mise en cohérence des politiques et des compétences des trois collectivités apparaît également importante.

Compte tenu de ces difficultés économiques extrêmes, et dans l’espoir d’un sursaut salutaire, les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon constituent un des leviers essentiels à la disposition des élus territoriaux de l’archipel.

Dans ce contexte, il importe donc de veiller particulièrement à ce que le cadre statutaire de la fonction publique territoriale non seulement ne constitue pas un frein à une gestion dynamique des ressources humaines, mais aussi garantisse, d’une part, pour les élus territoriaux, la qualité des recrutements et des promotions, et, d’autre part, pour l’ensemble des agents, une égalité de traitement sur le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon.

La loi du 26 janvier 1984 modifiée prévoit expressément l’application à Saint-Pierre-et-Miquelon des dispositions régissant la fonction publique territoriale. Les règles de la fonction publique territoriale sont donc familières aux responsables des collectivités. Néanmoins, les pratiques y sont toutes différentes et demandent à être coordonnées.

Si la mairie de Saint-Pierre a progressivement réorganisé et modernisé la gestion des ressources humaines, force est de constater que le travail n’est pas aussi abouti dans les autres collectivités de l’archipel.

Quelles que soient les difficultés rencontrées, les élus de Saint-Pierre-et-Miquelon sont globalement d’ardents défenseurs d’une application complète et dynamique du statut de la fonction publique territoriale.

L’article 112 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée prévoit la création d’un centre de gestion de la fonction publique territoriale, mais celui-ci n’a jamais été mis en place. Parmi les raisons d’une telle situation, deux sont particulièrement prégnantes, tenant à l’organisation – il faut éviter de créer une « usine à gaz » – et au coût de fonctionnement d’une telle structure pour environ 320 fonctionnaires territoriaux.

L’absence de centre de gestion rend cependant certaines dispositions inapplicables en pratique et crée des difficultés de deux ordres : le recrutement et la promotion d’agents des cadres A et B ; l’insécurité juridique des nominations et des promotions.

Par exemple, certaines collectivités sont poussées à recruter des cadres contractuels diplômés, y compris dans des cas non prévus par l’article 3 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée.

Quel que soit le niveau des agents recherchés, les recrutements se font souvent directement selon l’échelle 3 de la catégorie C, ce qui peut engendrer des frustrations pour des personnels détenteurs de diplômes.

Dans la plupart des cas, les sélections sont organisées de manière sérieuse, mais sans base légale.

Pour assurer une application complète du statut sur l’archipel, plusieurs hypothèses ont été envisagées, dont la passation d’une convention avec un centre de gestion de métropole ou d’outre-mer, voie qui a été rapidement écartée. En effet, comment organiser des concours et examens, composer des jurys, gérer une commission administrative paritaire « inter-collectivités », donner des conseils statutaires et favoriser les échanges de pratiques entre des collectivités distantes de milliers de kilomètres ? De plus, une telle contractualisation portant sur des missions normalement dévolues au centre de gestion de Saint-Pierre-et-Miquelon nécessiterait aussi une modification législative.

Deux autres solutions restent envisageables.

La première consisterait à activer le centre de gestion de la fonction publique territoriale, tel que prévu par la loi. Compte tenu du faible nombre de collectivités et d’agents, il faudrait veiller à ce que cette structure reste modeste et le taux de la cotisation raisonnable. Pour autant, cela suffirait-il à en équilibrer le fonctionnement ? Non. De plus, les collectivités se trouveraient obligées de continuer de cotiser aussi au titre de l’agence créée pour assurer la formation.

Une seconde solution pourrait être de créer un centre de gestion et de formation adapté à la petite taille du territoire, permettant d’associer gestion des ressources humaines et formation du personnel territorial et garantissant des recrutements et des promotions de qualité, en lien avec le développement des compétences par la formation.

Emprunter cette voie, comme la Polynésie, nécessite toutefois une adaptation législative.

La perspective de la création d’un centre de gestion et de formation a été plus précisément étudiée pour mettre un terme à une application tronquée des dispositions régissant la fonction publique territoriale et doter les collectivités de Saint-Pierre-et-Miquelon de meilleurs outils statutaires pour assurer des recrutements, des promotions et des formations de qualité.

Il est un autre point important sur lequel je souhaite attirer votre attention : à Saint-Pierre-et-Miquelon, les écoles privées étaient financées, jusqu’en 2012, par le conseil général – aujourd’hui conseil territorial –, qui se fondait, pour ce faire, sur le décret-loi Mandel du 16 janvier 1939 modifié.

Il semble que les dispositions de ce décret-loi soient contraires au code de l’éducation : elles concerneraient exclusivement l’organisation, le régime juridique et le financement des missions religieuses et le décret-loi n’aborderait pas la question de la compétence et des conditions de financement par les collectivités publiques.

Sur mon archipel, la « mission catholique » scolarise environ 470 élèves, dans le cadre d’un contrat d’association signé en 1972 avec l’État. La collectivité territoriale lui octroyait une subvention annuelle au titre d’une participation au fonctionnement pédagogique et administratif de ses établissements scolaires et au financement des travaux de sécurité et de mise aux normes des bâtiments.

Depuis 1972, partant du principe que les communes ne disposaient pas de suffisamment de moyens financiers, le conseil général – devenu territorial – a pris à sa charge les frais de fonctionnement des écoles privées. Il se dit aujourd’hui prêt à le faire de nouveau, mais il se heurte à une impossibilité juridique, relevée par la chambre territoriale des comptes d’Île-de-France.

L’amendement que j’avais déposé sur ce sujet devait permettre au conseil territorial de continuer à financer, comme par le passé, les écoles privées, et ce en toute légalité. Il a été rejeté par la commission des finances, qui lui a opposé l’article 40 de la Constitution.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, comment faire pour permettre à une collectivité, qui en a la volonté et les moyens financiers, mais pas la possibilité juridique, de financer les écoles privées ? Il y a urgence, chez nous aussi, à faire évoluer le statut. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de la qualité de vos interventions, témoignant d’une hauteur de vues qui sied à un tel débat.

Je salue particulièrement la vigilance dont Mme Tasca et la commission des lois ont su faire preuve afin que l’évolution de la loi organique statutaire de la Nouvelle-Calédonie s’inscrive parfaitement dans le cadre de nos règles de droit. Le travail que nous avons mené en amont a été, je le crois, très bénéfique à la qualité du texte.

Madame Archimbaud, je vous remercie du soutien de votre groupe aux deux textes que nous soumettons aujourd’hui au Sénat. Je ne peux que me réjouir de votre adhésion à l’esprit et à la lettre de l’accord de Nouméa. Il est évident, pour le Gouvernement, que nous devons faire preuve de vigilance quant à l’utilisation des terres rares, en Nouvelle-Calédonie comme dans d’autres territoires présentant des potentialités sur ce plan.

Monsieur Frogier, j’ai écouté vos propos avec d’autant plus d’attention que vous êtes l’un des signataires de l’accord de Nouméa.

Nous souhaitions que le texte soit adopté par le Parlement avant le Comité des signataires du 11 octobre prochain. Le calendrier est donc contraint, d’autant que les élus de la Nouvelle-Calédonie nous ont demandé de le décaler légèrement, une très belle exposition sur l’art calédonien, en particulier kanak, devant se tenir à Paris.

Monsieur le sénateur, nous ne devons en effet toucher aux équilibres nés de l’accord de Nouméa que d’une main tremblante. Je tiens à vous rassurer à cet égard : le Gouvernement se sent dépositaire de l’esprit et de la lettre des accords de Matignon et de l’accord de Nouméa. S’agissant en particulier de la Nouvelle-Calédonie, il a un ADN commun avec les gouvernements Jospin et Rocard. Nous veillerons donc à ce que l’esprit de ces accords ne soit pas dénaturé.

Le Gouvernement a pris bonne note de la situation délicate dans laquelle la jurisprudence du Conseil d’État place les provinces, dont je suis spécialement attentif à préserver le rôle particulier. Nous aurons l’occasion d’en débattre plus amplement lors de l’examen de l’un de vos amendements.

Vous avez évoqué la nécessité de créer les conditions d’une solution consensuelle sur la question du drapeau. Telle est bien la démarche, s’inscrivant dans la perspective des grands gestes historiques accomplis par nos aînés, que le Gouvernement entend privilégier.

Par ailleurs, je crois qu’il est trop tôt pour envisager un référendum « couperet ». Il appartiendra au Congrès élu en mai 2014 d’aborder cette question. Le soutien de l’État ne lui fera pas défaut.

Madame Assassi, je vous remercie pour le soutien de votre groupe aux textes présentés aujourd’hui au Sénat. J’ai apprécié votre éloge des atouts et des perspectives de développement de l’économie calédonienne et, plus généralement, de l’ensemble des économies ultramarines. Nous devrons en effet rester vigilants et encadrer autant que possible leur développement.

Oui, les outre-mer sont une chance pour la République, et le gouvernement de Jean-Marc Ayrault est pleinement engagé, depuis treize mois, dans la valorisation de leurs atouts et la concrétisation des formidables perspectives qu’ils représentent pour ces territoires, et au-delà pour la France.

Oui, il faut mettre en place une stratégie en Nouvelle-Calédonie, comme ailleurs dans les outre-mer, pour ouvrir une nouvelle ère de croissance et de développement. Il devra s’agir d’une croissance durable, soucieuse de préserver les équilibres sociaux et environnementaux, car les écosystèmes des outre-mer sont fragiles, particulièrement en Nouvelle-Calédonie, territoire riche d’une belle biodiversité, avec plus de 2 200 espèces endémiques qu’il convient absolument de préserver.

Concernant le chômage des jeunes, le Gouvernement rappelle toujours à ses partenaires que la question politique et institutionnelle ne doit pas masquer les problématiques économiques et sociales – donner à chacun un savoir, un logement, un travail, un accès égal aux soins, à la santé, aux loisirs –, qui préoccupent d’ailleurs de plus en plus les élus de tous les territoires ultramarins. À cet égard, je note avec satisfaction que le Congrès de Nouvelle-Calédonie s’est saisi de la question de la concurrence et de la vie chère.

Monsieur Mohamed Soilihi, je vous remercie du soutien du groupe socialiste et de votre implication personnelle dans ce débat.

Le mouvement très dur qui se déroule à la prison de Nouméa rappelle malheureusement celui de l’an dernier. Depuis lors, la situation a pourtant évolué. Devant la surpopulation et la vétusté du site, la ministre de la justice a envoyé une mission indépendante sur place et, sur la base du rapport qui lui a été remis, plusieurs mesures ont été mises en œuvre.

Une circulaire de politique pénale spécifique à la Nouvelle-Calédonie a été diffusée le 18 mars dernier. Elle confirme et précise les grandes orientations fixées par la circulaire de politique générale du 19 septembre 2012. Elle rappelle également la nécessité d’agir tant sur les plans « présentenciel » et « sentenciel », en diversifiant les réponses pénales et en limitant l’incarcération aux cas pour lesquels celle-ci est absolument nécessaire, que sur le plan « postsentenciel », en favorisant une exécution individualisée des peines prononcées.

Une restructuration complète du centre pénitentiaire de Camp-Est a par ailleurs été engagée. Sa capacité d’accueil sera, à terme, de 447 places, contre 238 aujourd’hui. À l’issue de ce chantier, 90 % des places du site auront été reconstruites.

Le service d’application des peines a été en outre renforcé, avec la prise de fonctions, au début de cette année, d’un deuxième juge de l’application des peines.

Enfin, les études en vue de l’ouverture d’un établissement pénitentiaire et d’une chambre détachée dans le nord de l’île sont en voie de finalisation.

Je vous confirme, monsieur le sénateur, que les 32 millions d’euros que vous avez évoqués figurent bien dans les crédits des missions. Une mission doit se rendre à Koné pour préciser les conditions d’implantation d’une antenne dans cette commune.

Ces actions déterminées du Gouvernement doivent permettre de répondre aux problèmes de surpopulation et de vétusté constatés à la prison de Nouméa.

Monsieur Laufoaulu, l’ordonnance du 25 janvier 2013 relative aux dispositions applicables à certains agents relevant de l’État ou des circonscriptions territoriales exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna, dont la ratification est proposée dans le cadre du projet de loi ordinaire, crée un véritable statut d’agent de droit public pour les agents concernés, en lieu et place de règles anciennes, à savoir un arrêté de l’administrateur supérieur datant de 1976.

Je tiens à vous rassurer sur la volonté du Gouvernement de mener à bien cette réforme d’ici à la fin de l’année : les deux décrets d’application prévus par cette ordonnance seront soumis à l’examen du Conseil d’État à la rentrée prochaine.

Le processus d’élaboration de ces textes comporte bien entendu une phase de concertation avec les représentants locaux. Il en a été ainsi pour le premier décret, relatif à l’application de la loi statutaire du 13 juillet 1983 ; ce sera aussi le cas pour le décret relatif aux conditions générales applicables aux agents concernés par l’ordonnance. Nous ne nous sommes d’ailleurs pas contentés de consulter les élus ; nous avons aussi travaillé avec les syndicats.

Monsieur Antoinette, la fusion des collectivités a été décidée par les populations de la Martinique et de la Guyane, mais, pour certains, ce n’est pas une fin en soi. C’est la raison pour laquelle le débat public en Guadeloupe n’a pas permis pour le moment d’aboutir à cette solution.

Là encore, nous ne touchons que d’une main tremblante aux institutions. Il convient que les subjectivités évoluent et que la volonté politique soit bien présente pour faire avancer ce travail de rationalisation organisationnelle et administrative.

Quant à la fusion des personnels, vous souhaitez la prise d’une ordonnance. Nous serons encore plus prudents dans cette affaire, car nous connaissons les réticences des parlementaires – j’en ai été un – à l’égard du recours aux ordonnances, surtout lorsqu’ils ne sont pas suffisamment associés, en amont, à la préparation des textes. En l’occurrence, nous consulterons, s’il le faut, les élus, mais il me semble que la fusion des personnels va de soi et ne devrait pas poser de problème.

S’agissant du régime juridique du patrimoine et de l’affectation des biens, je partage une bonne partie de vos observations, monsieur le sénateur, et je me tiens à la disposition des élus pour lever toutes les difficultés techniques.

Par ailleurs, je vous remercie de votre appréciation positive sur l’ordonnance relative à la pêche. Cela étant, la lutte contre la pêche illégale dans les eaux guyanaises ne relèvera jamais d’une ordonnance…

L’État a décidé de partir à la reconquête, si j’ose dire, des espaces maritimes relevant de la souveraineté nationale. Nous envisageons notamment la mise en place de moyens de détection satellitaires pour lutter contre les intrusions dans les eaux territoriales guyanaises. Pour l’heure, les résultats ne sont peut-être pas encore tout à fait au rendez-vous, mais la volonté est affirmée et les moyens engagés. Cet effort doit maintenant s’inscrire dans la durée.

Enfin, le ministre que je suis entend vos propos sur les inquiétudes qu’éprouveraient les personnels. La fusion s’opère dans le respect de tous les droits des fonctionnaires, dans le cadre d’un dialogue permanent. L’expérience m’a appris que, très souvent, après des scrutins, notamment municipaux, on n’a pas le temps de procéder dans de bonnes conditions à l’élection des commissions administratives paritaires, les CAP, et des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, en instaurant un dialogue riche et approfondi avec toutes les parties. Mais, dans le cas où des CAP ne seraient pas immédiatement installées, les syndicats sont bien présents et à même de jouer leur rôle.

Madame Claireaux, votre amendement relatif au centre de gestion et de formation de Saint-Pierre-et-Miquelon que nous examinerons tout à l’heure me semble aller dans le bon sens.

Par ailleurs, je tiens à vous dire très clairement que le Gouvernement est favorable à votre autre amendement, qui s’est vu opposer l’article 40 de la Constitution. Nous devrons trouver un autre véhicule pour le faire aboutir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les premières réponses que je voulais vous apporter. Je les préciserai en donnant l’avis du Gouvernement sur les différents amendements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

 
 
 

6

Communication relative à des commissions mixtes paritaires

M. le président. J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier ne sont pas parvenues à l’adoption d’un texte commun.

7

Modification de l’ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement a demandé le retrait de l’ordre du jour de la séance du jeudi 25 juillet de la nouvelle lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et du projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.

En conséquence, l’ordre du jour de la séance du jeudi 25 juillet s’établit comme suit :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- trois conventions internationales en forme simplifiée ;

- conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France ;

- sous réserve de leur transmission, nouvelle lecture du projet de loi organique et du projet de loi relatifs à la transparence de la vie publique.

Acte est donné de cette communication.

8

Actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie

Diverses dispositions relatives aux outre-mer

Suite de la discussion en procédure accélérée et adoption d’un projet de loi organique et d’un projet de loi dans les textes de la commission modifiés

M. le président. Nous reprenons la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie et du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

La discussion générale commune a été close.

projet de loi organique portant actualisation de la loi du 19 mars 1999 relative à la nouvelle-calédonie

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

TITRE Ier

DISPOSITIONS VISANT À AMÉLIORER L’EXERCICE DE SES COMPÉTENCES PAR LA NOUVELLE-CALÉDONIE

Chapitre Ier

Renforcement de l’exercice des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie

 
Dossier législatif : projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
Article 2

Article 1er

I. – La section 1 du chapitre 1er du titre II de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est complétée par un article 27-1 ainsi rédigé :

« Art. 27-1. - Lorsque la Nouvelle-Calédonie crée une autorité administrative indépendante aux fins d’exercer des missions de régulation dans un domaine relevant de ses compétences, la loi du pays peut, par dérogation aux dispositions des articles 126 à 128, 130 et 131, lui attribuer le pouvoir de prendre les décisions, même règlementaires, celui de prononcer les sanctions administratives mentionnées à l’article 86, ainsi que les pouvoirs d’investigation et de règlement des différends, nécessaires à l’accomplissement de sa mission.

« La composition et les modalités de désignation des membres de l’autorité administrative indépendante doivent être de nature à assurer son indépendance. Il ne peut être mis fin au mandat d’un membre d’une autorité administrative indépendante qu’en cas d’empêchement ou de manquement à ses obligations constaté par une décision unanime des autres membres de l’autorité.

« Les missions de l’autorité administrative indépendante s’exercent sans préjudice des compétences dévolues à l’État par les 1° et 2° du I de l’article 21.

« Les crédits attribués à une autorité administrative indépendante de la Nouvelle-Calédonie pour son fonctionnement sont inscrits au budget de la Nouvelle-Calédonie. »

I bis (nouveau). – Après l’article 93 de la même loi organique, il est inséré un article 93-1 ainsi rédigé :

« Art. 93-1. – Les membres d’une autorité administrative indépendante créée dans les conditions prévues à l’article 27-1 sont nommés par arrêté du gouvernement. Cette nomination ne peut intervenir que si, après une audition publique du candidat proposé par le gouvernement, le congrès approuve, par un avis adopté à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, la candidature ainsi proposée. »

II. – L’article 99 de la même loi organique est complété par un 13° ainsi rédigé :

« 13° Création d’autorités administratives indépendantes, en application de l’article 27-1, dans les domaines relevant de sa compétence. »

III. – L’article 203 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Des conventions peuvent également être passées aux mêmes fins entre les autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie et les autorités administratives indépendantes nationales. »

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l’article.

M. Georges Patient. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ratification des deux ordonnances relatives aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique me donne l’occasion de revenir sur l’instauration de celle de Guyane.

Mon collègue Antoinette et moi-même sommes en phase sur la question du transfert des biens et des personnels. J’observe qu’il n’est pas fait mention, dans les ordonnances, des personnels à statut particulier relevant du département, qui seront très certainement transférés à la nouvelle collectivité unique. Il s’agit des chefs coutumiers, ainsi que des prêtres du culte catholique, dont la rémunération est actuellement assurée par le conseil général de Guyane. L’inscription dans le corps de l’ordonnance du règlement de ces situations particulières, héritées de la période coloniale, aurait été bienvenue. Il serait bon de penser à traiter cette question prégnante en Guyane au travers d’un prochain texte.

M. le président. L’amendement n° 5, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 11

Après les mots :

et les autorités administratives indépendantes

Insérer les mots :

ou les autorités publiques indépendantes

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement vise à prévoir explicitement que les autorités administratives indépendantes de la Nouvelle-Calédonie pourront conclure des conventions avec les autorités administratives indépendantes nationales, bien entendu, mais aussi avec les autorités publiques indépendantes, par exemple l’Autorité des marchés financiers.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 5.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

(L’article 1er est adopté.)

Article 1er
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Article 3

Article 2

L’article 134 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les matières relevant de la compétence de la Nouvelle-Calédonie, le président du gouvernement exerce les pouvoirs de police administrative et le pouvoir de réquisition. » ;

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes mentionnées au cinquième alinéa peuvent donner délégation aux agents placés sous leur autorité pour signer tous les actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont reçu délégation, à l’exception de ceux dont la liste est déterminée par décret. » – (Adopté.)

Article 2
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Article 4

Article 3

À la quatrième phrase du premier alinéa de l’article 173 de la même loi organique, après les mots : « le domaine de la province », sont insérés les mots : « et exerce les pouvoirs de police sur ce domaine, sans préjudice des compétences détenues par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et par le maire au titre de leurs pouvoirs de police de la circulation ».

M. le président. L’amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Frogier, est ainsi libellé :

Remplacer les mots :

par le maire au titre de leurs pouvoirs de police de la circulation

par les mots :

sous réserve des pouvoirs de police du maire à l’intérieur des agglomérations

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. L’article 3 modifie l’article 173 de la loi organique pour conférer, à la demande de la province Sud, un pouvoir de police administrative au président de l’assemblée de province sur le domaine de la collectivité.

La rédaction de cette modification semble cependant inappropriée en ce qu’elle attribue un pouvoir de police de la circulation au président de l’assemblée de province sur toutes les routes provinciales, en concurrence avec le pouvoir de police spéciale en agglomération que détiennent les maires, en vertu du code des communes de Nouvelle-Calédonie.

Il en ressort que la circulation sur route provinciale située en agglomération pourra être à la fois régie par le maire et par le président de l’assemblée de province. Dès lors, il importe d’éviter cette concurrence des autorités de police et de ne réserver un pouvoir de police au président de l’assemblée de province que pour les voies hors agglomération.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à mieux articuler les compétences en matière de police de circulation entre le président de l’assemblée de province et le maire. Il doit être bien compris que le pouvoir de police du président de l’assemblée de province sur les routes du domaine provincial s’applique sous réserve de l’exercice du pouvoir du maire, qui lui s’applique à l’ensemble des voies, y compris provinciales, au sein de l’agglomération.

Je ne vois pas d’obstacle à l’adoption de cet amendement de précision. L’avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Cet amendement ayant été rectifié, le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 3 rectifié.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’article 3, modifié.

(L’article 3 est adopté.)

Chapitre II

Clarification des compétences exercées par la Nouvelle-Calédonie

Article 3
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Article additionnel après l'article 4

Article 4

(Non modifié)

I. – Au 11° de l’article 22, au premier alinéa de l’article 40 et au premier alinéa du II de l’article 42 de la même loi organique, les mots : « et au cobalt » sont remplacés par les mots : « , au cobalt et aux éléments des terres rares ».

II. – Au deuxième alinéa de l’article 41 de la même loi organique, les mots : « ou au cobalt » sont remplacés par les mots : « , au cobalt ou aux éléments des terres rares ».

III. – Au 6° de l’article 99 de la même loi organique, les mots : « et le cobalt » sont remplacés par les mots : «, le cobalt et les éléments des terres rares ». – (Adopté.)

Article 4
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Article 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L’amendement n° 4, présenté par M. Frogier, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Au 4° du III de l’article 21 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, après les mots : « droit civil », sont insérés les mots : « , sous réserve des compétences des provinces en matière de chasse et d’environnement » ;

II. – Au 21° de l’article 22 de la loi organique précitée, après les mots : « droit de l’urbanisme », sont insérés les mots : « , sous réserve des compétences des provinces en matière d’environnement ».

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. L’article 4 vise à clarifier ou à conforter les compétences détenues par la Nouvelle-Calédonie en précisant ses domaines d’intervention.

Dans la même logique, cet amendement tend à préciser la répartition des compétences en ce qui concerne les provinces.

En effet, la jurisprudence administrative a tendance à retenir une conception extrêmement stricte de la compétence de droit commun des provinces et une lecture large des attributions de l’État et de la Nouvelle-Calédonie. Les interprétations extensives du Conseil d’État en matière d’urbanisme et de droit civil ont ainsi pour effet d’affecter les attributions des provinces dans leurs domaines habituels de compétence.

Si l’on suit la logique retenue par le juge administratif, les provinces ne peuvent, au travers de leur champ d’action, affecter le droit de propriété notamment. Si cette tendance jurisprudentielle devait persévérer, deux matières dévolues aux provinces seraient alors affectées : la réglementation de la chasse et le droit de l’environnement.

En effet, la province réglemente les actions de chasse et prohibe le braconnage, qui est le fait de chasser sur le terrain d’autrui sans autorisation. Des sanctions pénales sont encourues en cas de manquement à cette réglementation. Or, selon la jurisprudence, « le droit de chasse sur un bien foncier se rattache au droit d’usage de ce bien, attribut du droit de propriété ». Il en ressort que la province pourrait être déclarée incompétente pour appréhender cette activité.

Il en va de même en matière d’environnement, le Conseil d’État ayant retenu que peuvent notamment être rangées dans les principes directeurs du droit de l’urbanisme, et donc dans les attributions de la Nouvelle-Calédonie, « les dispositions visant à préserver la salubrité et la sécurité publique, la conservation ou la mise en valeur des sites, à éviter des conséquences dommageables pour l’environnement, ou des atteintes aux lieux avoisinants, aux sites ou aux paysages ».

L’adoption du présent amendement permettrait de préserver le niveau actuel des compétences de la province.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la répartition des compétences entre la Nouvelle-Calédonie et les provinces, dans deux domaines particulièrement sensibles : la chasse et l’environnement. Il tend à assurer le respect de l’esprit de l’accord de Nouméa, en prévenant les éventuels conflits de compétences. Il précise que le transfert de la compétence du droit civil à la Nouvelle-Calédonie est sans effet sur la compétence des provinces en matière de réglementation du droit de chasse. Il indique, de même, que la compétence de la Nouvelle-Calédonie en matière de droit de l’urbanisme est sans incidence sur la compétence provinciale en matière d’environnement.

Cet amendement procède donc d’une volonté de précision et de clarification, ce qui correspond à l’un des objets du projet de loi organique. L’avis est favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Le transfert à la Nouvelle-Calédonie de la compétence en matière de droit civil est intervenu le 1er juillet dernier. Ce transfert a donné lieu à différents avis du Conseil d’État, qui en a précisé le champ et la portée, ainsi que les conséquences en termes de règlement des conflits de lois.

Le périmètre retenu du droit civil n’empiète pas sur la compétence des provinces en matière de chasse et d’environnement. Il ne me semble donc ni utile ni opportun de modifier le champ des matières déjà transférées à la Nouvelle-Calédonie. La mention « sous réserve de la compétence des provinces » peut donc paraître superflue.

Néanmoins, vous faites référence, monsieur Frogier, à un avis du Conseil d’État du 18 mai 2010, portant sur la définition des principes directeurs du droit de l’urbanisme, qui relève de la compétence de la Nouvelle-Calédonie au titre de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999. Il ne me semble pas que cet avis vienne contester la répartition des compétences entre le territoire et les provinces, même si la notion de « principes directeurs du droit de l’urbanisme » paraît floue et pourrait conduire la Nouvelle-Calédonie à empiéter sur les compétences des provinces en matière d’urbanisme.

Il m’apparaît dès lors que la précision rédactionnelle que vous proposez peut permettre d’appeler l’attention de la Nouvelle-Calédonie sur le périmètre qu’elle ne devra pas dépasser lorsqu’elle édictera ces principes directeurs.

Je suis partagé sur cet amendement et m’en remets donc à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 4.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l’article 4.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS

Chapitre Ier

Actualisation de la dénomination du conseil économique et social

Article additionnel après l'article 4
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Article 6

Article 5

I. – (Non modifié) Dans toutes les dispositions de la même loi organique, les mots : « conseil économique et social » sont remplacés par les mots : « conseil économique, social et environnemental ».

II. – Au 1° et au 3° de l’article 153 de la même loi organique, après les mots : « vie économique, sociale ou culturelle » sont insérés les mots : « ou en matière de protection de l’environnement ».

III (nouveau). – L’article 155 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou social » sont remplacés par les mots : «, social ou environnemental » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « ou culturel » sont remplacés par les mots : «, culturel ou environnemental ».

M. le président. L’amendement n° 6, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 2

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – L’article 153 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « trente-neuf » sont remplacés par les mots : « quarante et un » ;

2° Après le quatrième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 2° bis Deux membres désignés par le comité consultatif de l’environnement en son sein ; ».

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement tire les conséquences de l’extension de la compétence environnementale du conseil économique et social, en prévoyant une meilleure articulation avec le comité consultatif de l’environnement, créé en 1999.

Ce comité consultatif de l’environnement est une instance tout à fait utile, car il regroupe des représentants des provinces, lesquelles sont compétentes en matière d’environnement. À l’instar du sénat coutumier, il pourrait désigner deux de ses membres pour le représenter au conseil économique, social et environnemental. En conséquence, le nombre des membres de cette instance passerait de trente-neuf à quarante et un.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Cet amendement semble tirer une conséquence logique de l’intégration de la problématique environnementale dans le champ des attributions du conseil économique et social de Nouvelle-Calédonie.

Cependant, dans la mesure où il s’agit là d’une charge nouvelle pesant sur ses finances, il appartient au pays de déterminer le nombre des membres de cette instance, ainsi que leurs conditions de représentativité.

Cela étant, compte tenu des votes intervenus tant en commission des finances qu’en commission des lois, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Chapitre II

Statut de l’élu

Article 5
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Article 6 bis (nouveau)

Article 6

À la première phrase du premier alinéa du I de l’article 125 et à la première phrase du premier alinéa de l’article 163 de la même loi organique, les mots : « de chef d’administration principal de première classe » sont remplacés par les mots : « le plus élevé dans le corps le plus élevé du cadre d’administration générale de la Nouvelle-Calédonie ». – (Adopté.)

Article 6
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Article 7

Article 6 bis (nouveau)

I. – Le second alinéa de l’article 78 de la même loi organique est complété par les mots : « et au président de la commission permanente ».

II. – Le troisième alinéa de l’article 163 de la même loi organique est complété par les mots : « ou à ses vice-présidents ». – (Adopté.)

Article 6 bis (nouveau)
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Article 8

Article 7

Au 1° de l’article 138-1 de la même loi organique, après le mot : « ou » sont insérés les mots : « , sans préjudice des dispositions prévues au 2° de l’article 153, ». – (Adopté.)

Chapitre III

Amélioration du fonctionnement des institutions

Article 7
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Article 9

Article 8

Le chapitre II du titre IV de la même loi organique est complété par des articles 177-1 et 177-2 ainsi rédigés :

« Art. 177-1. – Le président de l’assemblée de province, par délégation de l’assemblée, peut être chargé pour la durée de son mandat de prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l’exécution et le règlement des contrats des marchés ainsi que toute décision concernant leurs avenants lorsque les crédits sont inscrits au budget. Le président de l’assemblée de province rend compte à la plus proche réunion utile de l’assemblée de province de l’exercice de cette compétence.

« Art. 177-2. – Lorsqu’il n’est pas fait application de l’article 177-1, la délibération de l’assemblée de province chargeant son président de souscrire un marché déterminé peut être prise avant l’engagement de la procédure de passation de ce marché. Elle comporte alors obligatoirement la définition de l’étendue du besoin à satisfaire et le montant prévisionnel du marché. » – (Adopté.)

Article 8
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Article 10

Article 9

(Non modifié)

L’article 128 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d’organisation et de fonctionnement du gouvernement qui ne sont pas prévues par la présente loi sont fixées par le règlement intérieur du gouvernement. Ce règlement peut être déféré au tribunal administratif. Il est publié au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie. » – (Adopté.)

Article 9
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Article 11

Article 10

L’article 166 de la même loi organique est ainsi rédigé :

« Art. 166. - Tout membre d’une assemblée de province a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la province qui font l’objet d’une délibération. » –(Adopté.)

Article 10
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Article 12

Article 11

(Non modifié)

Le I de l’article 204 de la même loi organique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les actes mentionnés au II peuvent être publiés au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie par voie électronique dans des conditions de nature à garantir leur authenticité. » –(Adopté.)

Chapitre IV

Modernisation des dispositions financières et comptables

Article 11
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Article 13

Article 12

I. – (Non modifié) Après l'article 52 de la même loi organique, il est inséré un article 52-1 ainsi rédigé :

« Art. 52-1. – I. – La Nouvelle-Calédonie et ses établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l’État.

« II. – La Nouvelle-Calédonie et ses établissements publics peuvent déroger à l'obligation de dépôt de ces fonds, dans les conditions prévues aux I, II, IV et V de l'article L. 1618-2 du code général des collectivités territoriales. »

II. – Le 14° de l'article 127 de la même loi organique est complété par les mots : « , et prend les décisions de déroger à l'obligation de dépôt des fonds auprès de l'État, dans les conditions prévues par l'article 52-1 ».

III (nouveau). – L’article 184-1 de la même loi organique est ainsi modifié :

a) Avant l’alinéa unique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« I. – Les provinces et leurs établissements publics sont tenus de déposer toutes leurs disponibilités auprès de l’État. » ;

b) En conséquence, avant l’alinéa unique, il est inséré la référence : « II. – » ;

c) Le mot : « par » est remplacé par les mots : « aux I, II, IV et V de ». – (Adopté.)

Article 12
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Article 14

Article 13

Après l’article 53 de la même loi organique, il est inséré un article 53-1 ainsi rédigé :

« Art. 53-1. – La Nouvelle-Calédonie, les provinces, et leurs établissements publics peuvent créer, dans le cadre de leurs compétences, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital.

« Ces sociétés sont compétentes pour réaliser des opérations d'aménagement, des opérations de construction ou pour exploiter des services publics à caractère industriel et commercial ou toutes autres activités d'intérêt général.

« Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités et des établissements publics qui en sont membres. » – (Adopté.)

Article 13
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Article 15

Article 14

I. – Après l’article 84-3 de la même loi organique, il est inséré un article 84-4 ainsi rédigé :

« Art. 84-4. – I. – Toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle de l’autorité de la Nouvelle-Calédonie qui l'a accordée.

« Tous les groupements, associations, œuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l'année en cours une ou plusieurs subventions fournissent à l'autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l'exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité.

« Il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention d'en employer tout ou partie en subventions à d'autres associations, œuvres ou entreprises, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la Nouvelle-Calédonie et l'organisme subventionné.

« II. – Lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret, l'autorité administrative qui attribue une subvention conclut une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée.

« Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l'organisme de droit privé bénéficiaire produit un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention. Le compte rendu financier est déposé auprès de l'autorité administrative qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a été attribuée.

« Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent article et le compte rendu financier de la subvention sont communiqués à toute personne qui en fait la demande par l'autorité administrative ayant attribué la subvention ou celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

« Les organismes de droit privé ayant reçu annuellement de l'ensemble des autorités administratives une subvention supérieure à un montant fixé par décret déposent au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent article et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues pour y être consultés.

« La formalité de dépôt au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie, prévue au quatrième alinéa du présent II, n'est pas exigée des organismes ayant le statut d'association ou de fondation. »

II. – Après l’article 183-3 de la même loi organique, il est inséré un article 183-4 ainsi rédigé :

« Art. 183-4. – I. – Toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention peut être soumise au contrôle de la province qui l'a accordée.

« Tous les groupements, associations, œuvres ou entreprises privées qui ont reçu dans l'année en cours une ou plusieurs subventions fournissent à l'autorité qui a mandaté la subvention une copie certifiée de leurs budgets et de leurs comptes de l'exercice écoulé, ainsi que tous documents faisant connaître les résultats de leur activité.

« Il est interdit à tout groupement ou à toute association, œuvre ou entreprise ayant reçu une subvention d'en employer tout ou partie en subventions à d'autres associations, œuvres ou entreprises, sauf lorsque cela est expressément prévu dans la convention conclue entre la province et l'organisme subventionné.

« II. – Lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret du ministre chargé de l’outre-mer, l'autorité administrative qui attribue une subvention conclut une convention avec l'organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l'objet, le montant et les conditions d'utilisation de la subvention attribuée.

« Lorsque la subvention est affectée à une dépense déterminée, l'organisme de droit privé bénéficiaire produit un compte rendu financier qui atteste de la conformité des dépenses effectuées à l'objet de la subvention. Le compte rendu financier est déposé auprès de l'autorité administrative qui a versé la subvention dans les six mois suivant la fin de l'exercice pour lequel elle a été attribuée.

« Le budget et les comptes de tout organisme de droit privé ayant reçu une subvention, la convention prévue au présent article et le compte rendu financier de la subvention sont communiqués à toute personne qui en fait la demande par l'autorité administrative ayant attribué la subvention ou celles qui les détiennent, dans les conditions prévues par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal.

« Les organismes de droit privé ayant reçu annuellement de l'ensemble des autorités administratives une subvention supérieure à un montant fixé par décret déposent au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie leur budget, leurs comptes, les conventions prévues au présent article et, le cas échéant, les comptes rendus financiers des subventions reçues pour y être consultés.

« La formalité de dépôt au haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie, prévue au quatrième alinéa du présent II, n'est pas exigée des organismes ayant le statut d'association ou de fondation. » – (Adopté.)

Article 14
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Article 16

Article 15

Après l’article 209-16 de la même loi organique, il est inséré un article 209-16-1 ainsi rédigé :

« Art. 209-16-1. – I. – Le résultat excédentaire de la section de fonctionnement dégagé au titre de l’exercice clos, cumulé avec le résultat antérieur reporté, est affecté en totalité dès la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif de la Nouvelle-Calédonie et de la province et, en tout état de cause, avant la clôture de l’exercice suivant. La délibération d’affectation prise par le congrès ou l’assemblée de province est produite à l’appui de la décision budgétaire de reprise de ce résultat.

« Le résultat déficitaire de la section de fonctionnement, le besoin de financement ou l’excédent de la section d’investissement sont repris en totalité dès la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif de la Nouvelle-Calédonie et de la province et, en tout état de cause, avant la fin de l’exercice.

« II. – Entre la date limite de mandatement fixée au dernier alinéa de l’article 208-6 et l’adoption de son compte administratif, le congrès ou l’assemblée de province peut, au titre de l’exercice clos, reporter de manière anticipée au budget le résultat de la section de fonctionnement, le besoin de financement de la section d’investissement, ainsi que la prévision d’affectation.

« Si le compte administratif fait apparaître une différence avec les montants reportés par anticipation, le congrès ou l’assemblée de province procède à leur régularisation et à la reprise du résultat dans la plus proche décision budgétaire suivant le vote du compte administratif et, en tout état de cause, avant la fin de l’exercice.

« Un décret fixe les conditions d’application du présent article. » – (Adopté.)

Article 15
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Article 17

Article 16

I. – Le titre VII bis de la même loi organique est complété par un article 209-26 ainsi rédigé :

« Art. 209-26. - La Nouvelle-Calédonie et les provinces ne peuvent prendre en charge, dans leur budget propre, des dépenses afférentes à leurs services publics à caractère industriel et commercial.

« Toutefois, le congrès de la Nouvelle-Calédonie et les assemblées des provinces peuvent décider une telle prise en charge lorsque celle-ci est justifiée par l’une des raisons suivantes :

« - lorsque les exigences du service public conduisent la collectivité à imposer des contraintes particulières de fonctionnement ;

« - lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui, en raison de leur importance et eu égard au nombre d’usagers, ne peuvent être financés sans une augmentation excessive des tarifs ;

« - lorsque, après la période de réglementation des prix, la suppression de toute prise en charge par le budget de la Nouvelle-Calédonie ou des provinces aurait pour conséquence une hausse excessive des tarifs.

« Les décisions du congrès de la Nouvelle-Calédonie et des assemblées des provinces doivent, à peine de nullité, être motivées. Ces décisions fixent les règles de calcul et les modalités de versement des dépenses du service prises en charge par la Nouvelle-Calédonie ou une ou plusieurs provinces, ainsi que les exercices auxquels elles se rapportent. En aucun cas, cette prise en charge ne peut se traduire par la compensation pure et simple d’un déficit d’exploitation. »

II. – L’article 84 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Il comprend une section de fonctionnement et une section d’investissement, tant en recettes qu’en dépenses. Certaines interventions et activités ou certains services, sont individualisés au sein de budgets annexes. Ces budgets annexes sont votés en équilibre réel. » ;

2° Le septième alinéa est remplacé par quinze alinéas ainsi rédigés :

« Sont également obligatoires pour la collectivité :

« - les dotations aux amortissements ;

« - les dotations aux provisions et aux dépréciations ;

« - la reprise des subventions d’équipement reçues.

« Les modalités d’application de ces dispositions sont déterminées par décret.

« Le budget de la collectivité est voté soit par nature, soit par fonction. Si le budget est voté par nature, il comporte, en outre, une présentation croisée par fonction ; s’il est voté par fonction, il comporte une présentation croisée par nature.

« La nomenclature par nature et la nomenclature par fonction sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’outre-mer et du budget.

« Les recettes de la section d’investissement se composent notamment :

« - du produit des emprunts ;

« - des dotations ;

« - du produit des cessions d’immobilisations, selon des modalités fixées par décret ;

« - des amortissements ;

« - du virement prévisionnel de la section de fonctionnement et du produit de l’affectation du résultat de fonctionnement, conformément à l’article 209-16-1.

« Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement se composent notamment des produits d’exploitation, des produits domaniaux, des produits financiers, des remboursements, subventions et participations, des dotations, des travaux d’équipement en régie et réductions de charges, des produits exceptionnels et des résultats antérieurs.

« Elles se composent également du produit de la neutralisation des dotations aux amortissements et de la reprise des subventions d’équipement reçues. Les modalités d’application de ces dispositions sont déterminées par décret. »

III. – L’article 183 de la même loi organique est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Il comprend une section de fonctionnement et une section d’investissement, tant en recettes qu’en dépenses. Certaines interventions et activités ou certains services sont individualisés au sein de budgets annexes. Ces budgets annexes sont votés en équilibre réel. » ;

2° Le septième alinéa est remplacé par quinze alinéas ainsi rédigés :

« Sont également obligatoires pour la province :

« - les dotations aux amortissements ;

« - les dotations aux provisions ou aux dépréciations ;

« - la reprise des subventions d’équipement reçues.

« Les modalités d’application de ces dispositions sont déterminées par décret.

« Le budget de la province est voté soit par nature, soit par fonction. Si le budget est voté par nature, il comporte, en outre, une présentation croisée par fonction ; s’il est voté par fonction, il comporte une présentation croisée par nature.

« La nomenclature par nature et la nomenclature par fonction sont fixées par arrêté conjoint des ministres chargés de l’outre-mer et du budget.

« Les recettes de la section d’investissement se composent notamment :

« - du produit des emprunts ;

« - des dotations ;

« - du produit des cessions d’immobilisations, selon des modalités fixées par décret ;

« - des amortissements ;

« - du virement prévisionnel de la section de fonctionnement et du produit de l’affectation du résultat de fonctionnement, conformément à l’article L. 209-16-1.

« Les recettes non fiscales de la section de fonctionnement se composent notamment des produits d’exploitation, des produits domaniaux, des produits financiers, des remboursements, subventions et participations, des dotations, des travaux d’équipement en régie et réductions de charges, des produits exceptionnels et des résultats antérieurs.

« Elles se composent également du produit de la neutralisation des dotations aux amortissements et de la reprise des subventions d’équipement reçues. Les modalités d’application de ces dispositions sont déterminées par décret. »

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéas 11 et 30

Remplacer les mots :

Le septième alinéa est remplacé par

par les mots :

Après le cinquième alinéa, sont insérés

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement tend à corriger une erreur matérielle, qui aurait pour effet de supprimer la possibilité, pour le Congrès de Nouvelle-Calédonie et les assemblées de province, d’adopter des délibérations budgétaires modificatives.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Je remercie Mme la rapporteur d’apporter cette correction. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Article 16
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Article 18

Article 17

I. –L’article 84-1 de la même loi organique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« En outre, jusqu'à l'adoption du budget ou jusqu'au 15 avril, en l'absence d'adoption du budget avant cette date, le président du gouvernement peut, sur autorisation du congrès, engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette.

« L'autorisation mentionnée au quatrième alinéa précise le montant et l'affectation des crédits. Pour les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d'engagement votée sur des exercices antérieurs, le président du gouvernement peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l'exercice par la dernière délibération budgétaire à laquelle est annexée l’échéancier de l'autorisation de programme ou d'engagement.

« Les crédits correspondants, visés aux alinéas ci-dessus, sont inscrits au budget lors de son adoption. Le comptable est en droit de payer les mandats et recouvrer les titres de recettes émis dans les conditions ci-dessus. »

II. – Après le deuxième alinéa de l’article 183-1 de la même loi organique, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« En outre, jusqu'à l'adoption du budget ou jusqu'au 15 avril, en l'absence d'adoption du budget avant cette date, le président de l’assemblée de province peut, sur autorisation de l’assemblée, engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement, dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette.

« L'autorisation mentionnée au troisième alinéa ci-dessus précise le montant et l'affectation des crédits. Pour les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme ou d'engagement votée sur des exercices antérieurs, le président de l’assemblée de province peut les liquider et les mandater dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l'exercice par la dernière délibération budgétaire à laquelle est annexée l’échéancier de l'autorisation de programme ou d'engagement.

« Les crédits correspondants, visés aux alinéas ci-dessus, sont inscrits au budget lors de son adoption. Le comptable est en droit de payer les mandats et recouvrer les titres de recettes émis dans les conditions ci-dessus. »

III. – (Non modifié) L’article 209-6 de la même loi organique est abrogé.

IV (nouveau). – Au premier alinéa de l’article 209-17 de la même loi organique, la référence : « 209-6 » est remplacée par la référence : « 209-5 ».

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - À la première phrase du dernier alinéa de l'article 208-4 de la même loi organique, les mots : « au dernier alinéa de l'article 84-1 et de l'article 183-1 » sont remplacés par les mots : « au troisième alinéa de l'article 84-1 et au dernier alinéa de l'article 183-1 ».

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Il s’agit de procéder à une coordination, rendue nécessaire par la rédaction proposée par le Gouvernement pour l’article 17 du présent texte.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Article 17
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Article 19

Article 18

(Non modifié)

À l’article 84-2 de la même loi organique, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ». – (Adopté.)

Article 18
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Article additionnel après l’article 19

Article 19

Le premier alinéa de l’article 209-25 de la même loi organique est ainsi modifié :

I. – Les mots : « Des décrets en Conseil d’État fixent » sont remplacés par les mots : « Un décret fixe ».

II. – Après le mot : « interprovinciaux », sont insérés les mots : « ainsi que pour les établissements publics d’enseignement du second degré de la Nouvelle-Calédonie ». – (Adopté.)

Article 19
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article additionnel après l’article 19

M. le président. L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

I. - Après l’article 19

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 19 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est ainsi modifié :

1° À la première phrase, les mots : « La juridiction civile de droit commun est seule compétente » sont remplacés par les mots : « La juridiction civile de droit commun et la juridiction pénale de droit commun, statuant sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, sont seules compétentes » ;

2° À la seconde phrase, les mots : « Elle est alors complétée » sont remplacés par les mots : « Elles sont alors complétées ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Titre III

Dispositions relatives à l'organisation judiciaire en Nouvelle-Calédonie

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement tend à remédier à une inégalité de traitement entre les victimes d’infractions, selon qu’elles relèvent du droit coutumier ou du droit commun. En effet, son adoption permettrait aux juridictions pénales, une fois statué sur l’action publique, de statuer sur les intérêts civils, ce qui n’est pas possible à l’heure actuelle.

La situation présente soulève des difficultés, notamment pour des actes très graves comme les viols. L’adoption de cet amendement permettrait à la juridiction répressive, complétée par des magistrats de droit local via un système d’échevinage, de statuer sur les intérêts civils. Cette modification est sollicitée aussi bien par les associations de défense des victimes que par le Congrès de Nouvelle-Calédonie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Il s’agit, par cet amendement, de mettre fin à une inégalité de traitement entre les victimes, selon que leur statut civil est de droit commun ou de droit coutumier. La question avait été évoquée au travers d’une résolution du Congrès de Nouvelle-Calédonie, en date du 10 janvier 2013, invitant le législateur à se saisir de ce problème, qui relève de sa compétence au titre de l’organisation judiciaire.

Pour trancher en matière d’intérêts civils, la juridiction pénale serait non pas dessaisie, mais complétée par des assesseurs coutumiers qui s’adjoindraient à la formation de jugement. Le droit coutumier serait applicable conformément à l’accord de Nouméa, dont les orientations ont valeur constitutionnelle, en application de l’article 77 de la Constitution.

En conséquence, la commission émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Je tiens tout particulièrement à remercier M. Mohamed Soilihi, ancien bâtonnier de l’ordre des avocats de Mayotte, de sa constance. En effet, il avait déjà déposé un amendement de même objet sur un autre texte.

Nous sommes ici à la frontière du droit pénal et du droit civil. Être victime porte à demander réparation devant le tribunal correctionnel. Les dommages et intérêts sont attribués non pas selon les règles du droit pénal, mais selon celles du droit civil.

Or la Nouvelle-Calédonie connaît une organisation juridictionnelle spécifique en matière civile, fondée sur une dualité de l’état des personnes : soit vous relevez du statut de droit commun, les litiges civils vous concernant étant alors régis par le code civil et jugés par les tribunaux de première instance ; soit vous relevez du statut coutumier, les litiges civils vous concernant étant dès lors jugés selon la coutume, par une juridiction composée notamment de deux assesseurs coutumiers.

Ainsi, à l’heure actuelle, si vous êtes victime d’une infraction et que vous demandez réparation, les juridictions répressives de Nouvelle-Calédonie se contentent de vous renvoyer, de même que l’auteur de l’infraction, devant la juridiction civile, avec assesseurs, pour qu’elle statue sur les intérêts civils. Autant dire que les victimes, déjà traumatisées par les faits et parfois par les délais d’audiencement du procès pénal, ne saisissent que très rarement la juridiction coutumière après la condamnation de l’auteur. (M. Thani Mohamed Soilihi acquiesce.)

Monsieur le sénateur, votre amendement tend à rendre justice à ces victimes, en faisant droit à la demande des associations locales. Toutefois, la réflexion mérite à mon sens d’être encore approfondie, afin qu’aucune des facettes de ce problème ne soit oubliée, qu’il s’agisse de l’organisation judiciaire ou des règles de fonctionnement des juridictions répressives, telles que la cour d’assises ou le tribunal pour enfants.

Je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais nous continuerons, au cours de la navette parlementaire, à étudier la question en lien avec la Chancellerie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi organique, après l'article 19.

Vote sur l’ensemble

Article additionnel après l’article 19
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi organique, je donne la parole à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

M. Jean-Claude Requier. Je confirme que le groupe du RDSE votera le présent texte.

Cela étant dit, je note, monsieur le ministre, que vous avez répondu à tous les orateurs de la discussion générale, sauf à moi ! Ce n’est d’ailleurs pas la première fois. Je m’interroge donc : serais-je transparent, inaudible et sans saveur ? (Sourires.)

M. Victorin Lurel, ministre. Je vous présente mes excuses, monsieur le sénateur !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie dans le texte de la commission, modifié.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 321 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 346
Pour l’adoption 346

Le Sénat a adopté. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi organique portant actualisation de la loi n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie
 

M. Michel Vergoz. Bravo !

projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer

M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer.

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

(Non modifié)

I. – Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de l’article 74-1 de la Constitution :

- ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de l'action sociale relatives à la protection juridique des majeurs ;

- ordonnance n° 2013-421 du 23 mai 2013 relative à l’inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers des décisions relatives au traitement du surendettement en Polynésie française ;

- ordonnance n° 2013-516 du 20 juin 2013 portant actualisation du droit civil en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna.

II. – Sont ratifiées les ordonnances suivantes, prises en application de l’article 38 de la Constitution :

- ordonnance n° 2011-866 du 22 juillet 2011 adaptant à l’outre-mer diverses dispositions relatives à la pêche de la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche ;

- ordonnance n° 2012-1397 du 13 décembre 2012 déterminant les règles budgétaires, financières et comptables applicables aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;

- ordonnance n° 2012-1398 du 13 décembre 2012 relative au transfert des personnels et des biens et obligations des départements et des régions aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique ;

- ordonnance n° 2013-80 du 25 janvier 2013 relative aux allocations de logement à Mayotte ;

- ordonnance n° 2013-81 du 25 janvier 2013 relative aux dispositions applicables à certains agents relevant de l'État ou des circonscriptions territoriales exerçant leurs fonctions sur le territoire des îles Wallis et Futuna.

M. le président. La parole est à M. Georges Patient, sur l'article.

M. Georges Patient. La ratification des deux ordonnances relatives aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique me donne l’occasion de revenir sur l’instauration de la collectivité unique de Guyane, prévue pour mars 2015.

Je ne m’arrêterai pas sur l’ordonnance qui détermine les règles budgétaires, financières et comptables applicables aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

En revanche, je formulerai quelques observations sur l’ordonnance du 13 décembre 2012 relative au transfert des personnels et des biens et obligations des départements et des régions aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique.

Tout d’abord, il est essentiel de clarifier les transferts de biens mentionnés à l’article 6 de l’ordonnance en introduisant la notion de pleine propriété, ce qui réglerait la question épineuse des biens mis à disposition et des biens affectés, dont la future collectivité territoriale de Guyane devrait hériter.

Ensuite, force est de constater que l’ordonnance traite la question du transfert des biens affectés de façon générale, alors que la situation particulière de la Guyane aurait dû être prise en considération : il s’agit d’un préalable à la constitution de la collectivité territoriale.

Je rappelle que, lors de la départementalisation de mars 1946, les biens de la colonie ont été dévolus au département, tandis que des décrets d’application des lois de décentralisation de 1982 ont imposé au département de la Guyane de mettre ses biens à disposition des services de l’État.

Le décret du 6 novembre 1947 a réparti l’ancien domaine colonial entre l’État et les départements d’outre-mer nouvellement créés, tout en conférant à l’État le droit de maintenir l’affectation de certains de ces biens au fonctionnement de ses divers services administratifs. Tant que l’État exerce ce droit, les droits de propriété du département sont suspendus.

Cette affectation a été réalisée par l’arrêté interministériel du 30 juin 1948. Si le département conserve la propriété des immeubles de l’ancien domaine immobilier colonial, l’État, en sa qualité d’affectataire, est le titulaire du droit d’usage.

En 2008, ces biens ont fait l’objet d’un inventaire contradictoire entre les services de l’État – le service des domaines et la préfecture – et ceux du conseil général. Cet inventaire portait tant sur la consistance des biens que sur leur affectation effective à cette date.

Les textes à venir devront porter règlement définitif de cette question, ainsi que de celle de la rétrocession du domaine privé de l’État à la future collectivité territoriale de Guyane.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 4

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au 1° du III de l'article 2 de l'ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de l'action sociale relatives à la protection juridique des majeurs, la référence : « 461 » est supprimée.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à revenir sur la suppression de l'article 461 du code civil en Polynésie française par l'ordonnance n° 2012-1222 du 2 novembre 2012, qu'il est proposé aujourd’hui de ratifier. L'article 461 du code civil a trait à la conclusion d'un pacte civil de solidarité, le PACS, qui n'est pas applicable en Polynésie française.

Lors des débats parlementaires sur la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, cette situation avait été évoquée. Mme la garde des sceaux avait alors été interpellée sur le sujet.

Le présent amendement a pour objet de solliciter du Gouvernement une clarification quant à une inégalité de traitement difficilement justifiable au sein de la République.

L'instauration du PACS relève-t-elle de la compétence de l'État, au titre de l'état des personnes, ou de la Polynésie française, au titre du droit des obligations ?

Si l'État est compétent, pourquoi les dispositions en cause n'ont-elles pas été étendues à ce territoire ? Si la Polynésie française est compétente, l'État sollicitera-t-il prochainement l'adoption d'une réglementation locale par l'assemblée de la Polynésie française ? Il paraît en effet assez incongru que le PACS ne puisse pas être mis en œuvre sur le seul territoire de la Polynésie française.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer. Je voudrais tout d’abord présenter mes humbles excuses au sénateur Requier et à son groupe. J’avais vraiment prévu de lui répondre, notamment sur le nickel et la stratégie industrielle. Je vous prie de croire qu’il ne s’agit en aucun cas d’un ostracisme à l’égard de votre personne ou de votre groupe, monsieur le sénateur. Je veillerai à ce que cela ne se reproduise pas !

Monsieur Patient, j’entends votre appel et je vous assure une fois encore de ma disponibilité pour discuter de ces sujets difficiles, qui intéressent tous les élus de la Guyane.

En ce qui concerne l’amendement n° 11, je tiens à apporter les précisions suivantes.

L’article 7 de la loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française dispose que certaines matières relèvent des droits de souveraineté, qui, de par leur objet, sont nécessairement destinés à régir l’ensemble du territoire et sont, dès lors, applicables de plein droit sans mention expresse. C’est le cas en ce qui concerne « l’état et la capacité des personnes ». Dès lors, les dispositions relatives au mariage sont applicables de plein droit.

S’agissant du PACS, en revanche, je rappelle que tant le législateur que la Cour de cassation ne l’assimilent pas au mariage, car il ne produit qu’en partie les mêmes effets, principalement en matière patrimoniale. Il constitue, aux termes de l’article 515-1 du code civil, « un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe différent ou de même sexe ». Or le droit des contrats, contrairement à l’état et la capacité des personnes, relève de la seule compétence de la Polynésie française. Il n’appartient donc pas à l’État de se substituer au territoire. C’est pourquoi je suis défavorable à cet amendement.

J’observe cependant que plusieurs associations déplorent que la collectivité n’ait pas mis en œuvre de disposition analogue au PACS sur son territoire. Il s’agit d’un débat de société difficile, dont les Polynésiens peuvent à mon sens s’emparer afin de mettre en place à terme un dispositif similaire à celui qui a été instauré en métropole.

Je propose donc la création d’un groupe de travail sur ce sujet, rassemblant des représentants de l’État et de la Polynésie française.

Dans cette attente, je vous prie, madame la rapporteur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, je serais contraint d’émettre un avis négatif.

M. le président. Madame la rapporteur, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Je me permets d’insister sur l’urgence de cette question, qui ne doit pas rester davantage en suspens. Je note avec plaisir, monsieur le ministre, que vous envisagez de la faire trancher rapidement. En conséquence, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 11 est retiré.

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par M. Antoinette, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et Tuheiava, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

… – Au premier alinéa de l'article 3 de l'ordonnance n° 2012-1398 du 13 décembre 2012 relative au transfert des personnels et des biens et obligations des départements et des régions aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, le mot : « six » est remplacé par le mot : « trois ».

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Cet amendement vise à ramener de six à trois mois le délai pour l’organisation des élections des représentants du personnel.

La création de la collectivité unique en Guyane et en Martinique engendre en effet une forte inquiétude parmi les personnels des départements et des régions. Les deux collectivités uniques vont devoir organiser très rapidement leurs services et donner aux personnels la place qui leur convient.

Conserver la représentation issue des départements et des régions durant cette phase de mise en place serait prendre le risque de laisser les esprits s'échauffer. Au contraire, il me semble que la désignation immédiate d'une représentation permettrait d'instaurer rapidement un véritable dialogue social entre les élus de la collectivité et les personnels, dont les représentants auront été élus spécifiquement en fonction de ces nouvelles questions.

Aux termes de l’article 16 de la loi n° 2010-751 du 5 juillet 2010, les comités techniques sont consultés pour avis sur les questions d’organisation et de fonctionnement des services, sur les évolutions des administrations ayant une incidence sur les personnels et sur les grandes orientations relatives aux effectifs, aux emplois et aux compétences.

Or, en six mois, le nouvel exécutif de la collectivité unique aura déjà pris des décisions importantes concernant les personnels. Il est donc impératif de réduire le délai, afin que les nouveaux comités techniques puissent être très rapidement consultés et que le dialogue social puisse s’engager, plutôt que de laisser subsister une représentation à la fois nouvelle et déjà en fin de mandat. Ramener le délai à trois mois me paraît être la solution la plus raisonnable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, d’autant que l’inquiétude qu’évoque notre collègue Antoinette avait déjà été soulignée, en 2011, par MM. Cointat et Frimat dans leur rapport d’information.

Monsieur le ministre, je profite de la discussion de cet amendement, qui traite d’une question de fonction publique, pour solliciter de votre part un éclairage, souhaité en commission par notre collègue Michel Mercier, concernant la situation des agents non titulaires de la collectivité départementale de Mayotte mis à disposition des services pénitentiaires. Un corps de surveillants pénitentiaires relevant de la fonction publique d’État a été créé en 2005, ouvrant des possibilités de titularisation à ces agents. Où en est l’application de ce plan de titularisation ?

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Je comprends les inquiétudes dont vous vous faites l’écho, monsieur le sénateur, mais j’attire votre attention sur le fait qu’il est déjà très difficile d’installer toutes les instances représentatives du personnel dans un délai de six mois. Ce délai représente, je le souligne, un maximum : rien n’empêchera la nouvelle collectivité d’organiser les élections des représentants du personnel dans les trois mois si elle le souhaite. Mais si l’on fixe le délai maximal à trois mois, je peux vous assurer que les choses ne seront pas simples.

Cela étant, je m’en remets sur cette question à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. Je souhaite insister sur la question extrêmement importante qu’a posée Mme la rapporteur, concernant la situation des personnels pénitentiaires à Mayotte.

Lors de la discussion générale, j’ai évoqué le cas de la prison de Nouvelle-Calédonie, mais l’établissement de Majicavo, à Mayotte, rencontre également d’énormes difficultés. Les conditions de travail du personnel y sont particulièrement dures, compte tenu de la surpopulation carcérale, et il importe de régler ce problème de statut pour normaliser la situation. On ne peut pas laisser plus longtemps la question en suspens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. Cette question est très sérieusement étudiée. Ma collègue Marylise Lebranchu s’est rendue récemment à Mayotte et des engagements ont déjà été pris. Tous les fonctionnaires, y compris ceux du corps pénitentiaire, devraient être intégrés définitivement d’ici au 1er janvier 2015. La procédure est quelque peu compliquée, d’autant qu’il faut rechercher une parité avec la fonction publique territoriale et que des changements de grade sont intervenus.

Madame la rapporteur, je vous répondrai par écrit afin de vous apporter toutes les précisions nécessaires.

M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour explication de vote.

M. Jean-Étienne Antoinette. Je veux simplement préciser à M. le ministre qu’en ramenant le délai à trois mois, il s’agit non pas d’instaurer une contrainte, mais de tenir compte de la nécessité d’apaiser les inquiétudes des personnels devant les conséquences potentielles de la fusion. Pour que cette fusion réussisse, il convient de créer un cadre serein.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
Article 2 (nouveau)

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le Gouvernement est habilité, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution et dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi à étendre et adapter, dans les collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, les dispositions de droit commun, afin de permettre à des agents communaux, en particulier les agents de police municipale, de constater par procès-verbal certaines infractions aux réglementations édictées localement notamment en matière d’environnement, de stationnement payant, de santé ou de salubrité publiques.

II. - Le projet de loi de ratification de l'ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du sixième mois suivant celui de sa publication.

La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. L’élaboration du code de la sécurité intérieure a été l’occasion d’attirer l’attention sur l’importance de moderniser l’organisation de la police municipale en Nouvelle-Calédonie.

Comme dans beaucoup de territoires d’outre-mer, les agents de police municipale de la Nouvelle-Calédonie accomplissent, aux côtés de la police et de la gendarmerie nationales, un travail très largement apprécié par la population locale.

L’ordonnance portant partie législative du code de la sécurité intérieure, que j’ai eu l’honneur de présenter au conseil des ministres le 19 juin dernier, met un terme au traitement différencié de ces agents par rapport à leurs homologues de métropole. Ils sont désormais dotés des mêmes prérogatives, notamment en matière d’armement, d’uniforme et d’obligations éthiques. J’ai tout particulièrement veillé à ce que soient précisées les conditions de collaboration des agents de police municipale avec les forces de sécurité de l’État en Nouvelle-Calédonie, à la faveur des conventions de coordination des interventions de la police municipale.

Toutefois, en métropole, les policiers municipaux disposent de pouvoirs de verbalisation ou de prescription en matière contraventionnelle au titre de plusieurs réglementations insérées dans divers codes, tels que le code de la construction et de l’habitation, le code de l’environnement ou encore le code rural et de la pêche maritime.

Sur ce modèle, il semble utile d’habiliter les policiers municipaux de la Nouvelle-Calédonie à disposer de pouvoirs similaires dans des matières réglementées, notamment par les provinces ou le pays lui-même.

Tel est le sens de cet amendement, qui prévoit d’habiliter le Gouvernement à procéder à la rédaction d’une ordonnance sur ce sujet dans un délai de dix-huit mois. Je vous demande, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir le voter, bien que je n’ignore pas les réticences de la Haute Assemblée à l’égard des ordonnances.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que les élus locaux soient véritablement associés à la préparation de l’ordonnance.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
Article 3 (nouveau)

Article 2 (nouveau)

Après l’article 8-2 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un article 8-3 ainsi rédigé :

« Art. 8-3. – Les sociétés publiques locales visées à l’article 53-1 de la loi organique n° 99-209 relative à la Nouvelle-Calédonie revêtent la forme de sociétés anonymes et sont composées d’au moins deux actionnaires.

« Sous réserve de dispositions contraires, les dispositions relatives aux sociétés d’économie mixte prévues à l’article 8-1 de la présente loi sont applicables aux sociétés publiques locales. » – (Adopté.)

Article 2 (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
Article 4 (nouveau)

Article 3 (nouveau)

Après l’article L. 381-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un article L. 381-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 381-1-1. – Les communes et leurs groupements peuvent également détenir des actions de sociétés publiques locales dans les conditions définies à l’article 8-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie. »

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par Mme Tasca, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre Ier du titre VIII du livre III du code des communes de la Nouvelle-Calédonie est complété par un article L. 381-... ainsi rédigé :

« Art. L. 381-... – Les communes et leurs groupements peuvent créer, dans le cadre des compétences qui leur sont attribuées par la loi, des sociétés publiques locales dont ils détiennent la totalité du capital.

« Sous réserve de dispositions contraires, les dispositions de l'article 8-1 et du premier alinéa de l'article 8-3 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 sont applicables aux sociétés publiques locales visées par le présent article. »

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement vise à préciser que les communes calédoniennes peuvent désormais non seulement participer à des sociétés publiques locales, mais également en créer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.

Article 3 (nouveau)
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Articles additionnels après l'article 4 (début)

Article 4 (nouveau)

Au 3°, au b du 5° et au 6° de l’article 8-1 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, la référence à l’article L. 1525-5 du code général des collectivités territoriales est remplacée par la référence à l’article 8-2 de la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 précitée. – (Adopté.)

Article 4 (nouveau)
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Articles additionnels après l'article 4 (fin)

Articles additionnels après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 562-8 est complété par les mots : « excepté lorsqu’elle statue sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 562-20, après les mots : « à l’article L. 562-19 », sont insérés les mots : « ou lorsqu’il statue en matière pénale sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 562-28, après les mots : « ledit statut », sont insérés les mots : « ou d’une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

4° L’article L. 562-33 est complété par les mots et trois phrases ainsi rédigées : « excepté lorsqu’elle statue en matière pénale sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil. Dans ce cas, elle est complétée par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du présent code. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la juridiction de proximité statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. » ;

5° L’article L. 562-35 est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsque le tribunal pour enfants ou le juge des enfants statuant en matière pénale est saisi d’une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, il s’adjoint, pour statuer sur les intérêts civils, des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du présent code. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la juridiction saisie statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le chapitre VI du titre Ier du livre VI est complété par un article 834-1 ainsi rédigé :

« Art. 834-1. – Lorsque la cour d’assises s’est prononcée sur l’action publique, la cour sans l’assistance du jury, statue sur les demandes de dommages et intérêts. Lorsque ces demandes sont formées par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, la cour est alors complétée par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. 

« Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la cour d’assises statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction » ;

2° Le premier alinéa de l’article 836 est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu’il statue sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, le tribunal est complété par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. » ;

3° L’article 848 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En Nouvelle-Calédonie, le tribunal de police, statuant sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, est complété par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant le tribunal de police statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. »

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

M. Thani Mohamed Soilihi. Cet amendement, en conséquence de l’adoption de l’amendement n° 2 rectifié bis au projet de loi organique, vise à modifier le code de l’organisation judiciaire. Il devrait être de nature à achever de rassurer M. le ministre, dans la mesure où il s’agit d’étendre le dispositif de l’amendement précité à toutes les juridictions pénales statuant en matière civile, qu’il s’agisse du tribunal de police, de la cour d’assises, du tribunal pour enfants ou du juge des enfants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que son auteur accepte d’en rectifier le 5° afin de viser également le tribunal correctionnel pour mineurs.

M. le président. Acceptez-vous la rectification suggérée par Mme le rapporteur, mon cher collègue ?

M. Thani Mohamed Soilihi. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 7 rectifié bis, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe socialiste et apparentés, et ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :

1° Le second alinéa de l’article L. 562-8 est complété par les mots : « excepté lorsqu’elle statue sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 562-20, après les mots : « à l’article L. 562-19 », sont insérés les mots : « ou lorsqu’il statue en matière pénale sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

3° Au premier alinéa de l’article L. 562-28, après les mots : « ledit statut », sont insérés les mots : « ou d’une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil » ;

4° L’article L. 562-33 est complété par les mots et trois phrases ainsi rédigées : « excepté lorsqu’elle statue en matière pénale sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil. Dans ce cas, elle est complétée par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du présent code. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la juridiction de proximité statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. » ;

5° L’article L. 562-35 est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsque le tribunal pour enfants, le tribunal correctionnel pour mineurs ou le juge des enfants statuant en matière pénale est saisi d’une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, il s’adjoint, pour statuer sur les intérêts civils, des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du présent code. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la juridiction saisie statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. »

II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le chapitre VI du titre Ier du livre VI est complété par un article 834-1 ainsi rédigé :

« Art. 834-1. – Lorsque la cour d’assises s’est prononcée sur l’action publique, la cour sans l’assistance du jury, statue sur les demandes de dommages et intérêts. Lorsque ces demandes sont formées par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, la cour est alors complétée par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. 

« Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant la cour d’assises statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction » ;

2° Le premier alinéa de l’article 836 est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu’il statue sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, le tribunal est complété par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. » ;

3° L’article 848 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En Nouvelle-Calédonie, le tribunal de police, statuant sur les intérêts civils suite à une demande de dommages et intérêts formée par une personne de statut civil coutumier, victime de faits de nature pénale commis par une personne de même statut civil, est complété par des assesseurs coutumiers, dont les conditions de nominations sont fixées par l’article L. 562-21 et suivants du code de l’organisation judiciaire. Les assesseurs ont voix délibérative. Les citoyens de statut particulier peuvent d’un commun accord réclamer devant le tribunal de police statuant sur les intérêts civils l’application à leur différend des règles de droit commun relatives à la composition de la juridiction. »

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?

M. Victorin Lurel, ministre. Le Gouvernement émet le même avis de sagesse que sur l’amendement n° 2 rectifié bis au projet de loi organique. Ces dispositions doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie avec le ministère de la justice.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 8, présenté par M. Frogier, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont homologuées, en application des articles 87 et 157 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie par les articles 216-1, 216-2, 220-12, 240-8, 250-9, 315-2, 335-1, 335-4, 335-5, 335-6, 335-7, 342-20, 354-3, 416-14, 416-15, 416-16, 424-9 et 433-15 du code de l’environnement de la province Sud.

La parole est à M. Pierre Frogier.

M. Pierre Frogier. Cet amendement répond à un vœu formulé par l’assemblée de la province Sud au travers de sa délibération du 26 avril 2012 portant demande d’homologation législative des peines d’emprisonnement prévues par le code de l’environnement. Il se justifie au regard des condamnations à des peines de détention avec sursis prononcées récemment alors que les peines d’emprisonnement n’ont pas été homologuées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, sous réserve que son auteur accepte de supprimer la référence aux articles 416-16 et 424-9 du code de l’environnement de la province Sud.

En effet, l’article 416-16 a été abrogé au 1er juillet 2013, tandis que l’article 424-9 ne figure pas dans le code de l’environnement de la province Sud.

M. le président. Acceptez-vous, monsieur Frogier, de rectifier votre amendement en ce sens ?

M. Pierre Frogier. Tout à fait, monsieur le président.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Frogier, et ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Sont homologuées, en application des articles 87 et 157 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, les peines d'emprisonnement prévues en Nouvelle-Calédonie par les articles 216-1, 216-2, 220-12, 240-8, 250-9, 315-2, 335-1, 335-4, 335-5, 335-6, 335-7, 342-20, 354-3, 416-14, 416-15 et 433-15 du code de l’environnement de la province Sud.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement rectifié ?

M. Victorin Lurel, ministre. Les règles d’homologation des infractions créées dans leurs domaines de compétence par les collectivités territoriales de Nouvelle-Calédonie sont fixées par les articles 87 et 157 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.

Le statut impose que les peines d’emprisonnement prévues par la réglementation locale respectent la classification des délits et le plafond des peines instauré pour les infractions de même nature par les différentes législations de droit commun. En l’espèce, c’est le cas pour les peines prévues par le code de l’environnement de la province Sud que vous nous demandez d’homologuer.

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, au bénéfice de la rectification intervenue à la demande de Mme la rapporteur.

Je me réjouis de voir la province Sud, qui dispose d’un patrimoine environnemental important, se doter ainsi d’un outil efficace en matière de lutte contre les dégradations et les atteintes à la faune et à la flore.

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

M. Thani Mohamed Soilihi. J’insiste sur l’importance de cette homologation : une peine qui n’est pas effectuée ne sert à rien. Cette question avait déjà été soulevée lors de l’examen de la loi relative à la régulation économique outre-mer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

L'amendement n° 1, présenté par M. Fleming, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre VIII bis du code de l’artisanat, il est inséré un titre VIII ter ainsi rédigé :

« Titre VIII ter : Dispositions relatives à l’artisanat à Saint-Martin

« Art 81 ter. – À titre dérogatoire, à Saint-Martin, l’État peut, par convention avec la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, confier à celle-ci l’exercice de missions, autres que consultatives, dévolues aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres de métiers et de l’artisanat et aux chambres d’agriculture. »

La parole est à M. Louis-Constant Fleming.

M. Louis-Constant Fleming. Lorsque l’île de Saint-Martin n’était qu’une simple commune de la Guadeloupe, il était normal que ses entrepreneurs, ses commerçants et ses artisans dépendent des chambres consulaires de la Guadeloupe.

Toutefois, depuis la loi organique du 21 février 2007, la commune est devenue une collectivité d’outre-mer au titre de l’article 74 de la Constitution, dotée d’autonomie et des compétences communales, départementales et régionales, ainsi que de certaines compétences de l’État, notamment en matière de fiscalité, de tourisme et d’urbanisme. Pourtant, elle dépend toujours, en matière consulaire, de la Guadeloupe.

L’établissement public local, dénommé chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, que la nouvelle collectivité a créé en 2008 afin d’être en mesure d’offrir aux entreprises saint-martinoises les services qui relèvent des nouvelles compétences de la collectivité, n’a pas l’efficacité qu’il devrait avoir, car cette structure consulaire ne dispose pas de l’organisation des activités commerciales et artisanales.

La chambre économique multiprofessionnelle de Saint-Barthélemy se trouvait dans le même cas de figure, mais l’article 46 de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services dispose que, « à titre dérogatoire, à Saint-Barthélemy, l’État peut, par convention avec la chambre économique multiprofessionnelle, confier à celle-ci l’exercice de missions, autres que consultatives, dévolues aux chambres de commerce et d’industrie, aux chambres de métiers et de l’artisanat et aux chambres d’agriculture ».

Le présent amendement vise, par conséquent, à inscrire dans la loi la même disposition au bénéfice de la chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, afin de lui permettre d’organiser localement les activités commerciales et artisanales, en conformité avec l’évolution institutionnelle du territoire.

Un projet de décret en ce sens, préparé par le ministère des outre-mer et agréé par le ministre de l’économie et des finances, a récemment été soumis au Conseil d’État, mais celui-ci a précisé que de telles dispositions relevaient du niveau législatif. Cela m’a amené à déposer cet amendement, qui reprend les termes du projet de décret.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Compte tenu du précédent de Saint-Barthélemy, que M. Fleming vient de rappeler, il a paru tout à fait légitime à la commission des lois de réserver le même traitement à Saint-Martin ; elle a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Fleming, j’approuve votre intention, mais pas le véhicule législatif utilisé. En effet, nous voulons maintenir le principe qui a présidé à l’élaboration du projet de loi, en centrant le texte sur les questions relatives à la Nouvelle-Calédonie. Cela étant, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Monsieur le ministre, le champ de notre discussion ne s’est pas limité aux territoires du Pacifique, puisque l’évocation de la Guyane et de la Martinique, notamment, nous a emmenés jusque dans l’Atlantique, océan qui, si je ne m’abuse, borde bien Saint-Martin !

M. Victorin Lurel, ministre. C’est vrai !

M. Christian Cointat. L’examen de cet amendement me permet, monsieur le ministre, d’attirer votre attention sur les difficultés que rencontre la collectivité de Saint-Martin en raison de sa situation particulière, liée à la présence d’une frontière Schengen qu’elle n’a aucun moyen de contrôler. Ce n’est pas très grave pour l’Union européenne, car Saint-Martin est une île, mais c’est extrêmement préjudiciable à la gestion économique et financière, mais aussi politique, sociale et éducative, de la collectivité.

C’est la raison pour laquelle l’État doit accompagner Saint-Martin peut-être plus que d’autres territoires, quand les élus en formulent la demande.

L’adoption de l’amendement n° 1 est indispensable au développement de l’artisanat et des activités économiques dans différents secteurs. Plus généralement, monsieur le ministre, nous comptons sur vous pour que Saint-Martin bénéficie de la part de l’État d’un accompagnement spécifique !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Cointat, j’ai demandé au Gouvernement, sans avoir sollicité, je l’avoue, l’accord préalable des élus de Saint-Martin, de m’autoriser à présenter devant le Parlement, au plus tard au début de l’année prochaine, une modification de la loi organique relative à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, où quelques problèmes se posent également.

M. Christian Cointat. Excellente nouvelle, monsieur le ministre !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Ces deux amendements sont présentés par MM. Antoinette et Antiste, Mme Claireaux et MM. Desplan, J. Gillot, Mohamed Soilihi, Patient et Tuheiava.

L’amendement n° 3 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre V du livre IV du code général des collectivités territoriales est abrogé.

L'amendement n° 4 rectifié est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Dans l'intitulé du titre V du livre IV, les mots « régis par l'article 73 de la Constitution » sont supprimés ;

2° Dans le I de l'article L. 1451-1, les mots : « régie par l'article 73 de la Constitution » sont supprimés.

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette, pour présenter ces deux amendements.

M. Jean-Étienne Antoinette. Ces amendements forment les deux termes d’une alternative.

L’article 13 de la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique prévoit un mécanisme permettant au représentant de l’État, et en dernier lieu au Gouvernement, de pallier les carences des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de leurs établissements publics, lorsque cette intervention est nécessaire « à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité ou de l’environnement ou au respect des engagements internationaux ou européens de la France ».

Lors de la discussion de ce qui était encore l’article 9 du texte, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, les représentants des outre-mer se sont prononcés à l’unanimité contre ce dispositif, spécifique à ces territoires. À cet égard, je vous renvoie aux interventions de nos collègues Georges Patient, Jacques Gillot et Serge Larcher, ainsi qu’aux propos tenus à l’Assemblée nationale par Mmes Berthelot et Taubira, MM. Letchimy et Marie-Jeanne, sans oublier ceux d’un député du nom de Victorin Lurel…

Dans notre hémicycle, Bernard Frimat s’était exprimé ainsi, au nom du groupe socialiste, au cours de la séance du 12 mai 2011 : « Nous avons pu le constater, et Christian Cointat l’a rappelé, la version initiale de l’article 9 a été perçue par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontrés comme une gifle, comme une humiliation. Je sais que ces termes sont durs, mais ce sont ceux que nous avons entendus. On nous a même dit, avec tout ce que cela implique, que c’était le retour du gouverneur. »

Pour ma part, j’estime que la suppression pure et simple de ce dispositif serait la meilleure solution.

Les données sont simples : lors des consultations de 2009, les populations guyanaise et martiniquaise se sont prononcées pour la proximité législative prévue à l’article 73 de la Constitution, non pour le régime de l’article 74. Or ces négligences, ces carences potentielles que le gouvernement de l’époque considérait comme endémiques aux outre-mer ne sont pas spécifiques aux collectivités régies par l'article 73 de la Constitution.

De fait, chaque collectivité territoriale peut négliger, parfois volontairement, d'user de ses compétences pour assumer les missions mentionnées au II de l'article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales. Dès lors, les pouvoirs d’accompagnement exceptionnels conférés au représentant de l'État et les pouvoirs de substitution du Gouvernement devraient être étendus à l'ensemble des collectivités régies par les articles 72 et 73 de la Constitution, c'est-à-dire à toutes les collectivités régies par le code général des collectivités territoriales ; du reste, cette extension répondrait à la place de l’article L. 1451-1 au sein de la première partie de ce code.

L’autre terme de l’alternative consisterait à délimiter de manière beaucoup plus précise les pouvoirs exceptionnels. Chaque compétence attribuée aux collectivités territoriales concernées pouvant se voir assortie, ou non, d’un pouvoir de substitution du préfet, la rédaction actuelle de l’article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales est beaucoup trop générale.

Je le répète : à mes yeux, ce dispositif doit plutôt être supprimé. Il ne peut y avoir stigmatisation de certaines collectivités au sein de la République ! Je me range ainsi à la position adoptée par le congrès des élus de Guyane au cours de sa réunion du 6 mai dernier : priorité à la suppression du dispositif.

Mes chers collègues, il n’y a pas d’autre solution acceptable que les deux branches de cette alternative. En particulier, se résoudre au maintien en l’état du dispositif constituerait un reniement des convictions qui animaient les membres de l’ancienne opposition ; il marquerait la poursuite aberrante de la déconsidération par la métropole des collectivités des outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. La commission émet un avis favorable, considérant qu’il n’y a en effet pas lieu de maintenir ce traitement particulier, dont la suppression peut tout à fait être compensée par l’exercice normal des compétences du préfet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Monsieur Antoinette, je n’ai pas oublié les conditions difficiles dans lesquelles l’article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales a été adopté, en tout cas à l’Assemblée nationale ; je ne renie pas les termes que j’ai alors employés.

Le Conseil d’État avait validé le dispositif, en considérant que, compte tenu de la situation et, pour parler clairement, des impayés de certaines collectivités territoriales, un renforcement des pouvoirs du préfet pouvait se justifier. Il avait estimé que, sous réserve de répondre à des finalités d’intérêt général et d’être assorti de limites précises, le dispositif n’était pas contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales.

Cela étant, je suis d’accord avec vous, monsieur Antoinette : sa mise en place, qui ne concerne que les territoires ultramarins, a fait peser une suspicion sur les élus des outre-mer. Or, comme Mme la rapporteur vient de le souligner, les pouvoirs normaux du préfet pourraient suffire. Cette différence de traitement entre les outre-mer et la métropole doit donc disparaître.

Il n’en reste pas moins que la responsabilité me commande de rappeler que l’État est régulièrement condamné à de très fortes amendes par les instances européennes pour des manquements des collectivités territoriales ultramarines, par exemple à la Guadeloupe ou en Guyane, à leurs obligations, notamment en matière d’assainissement et de traitement des déchets. Il fallait donc trouver un moyen pour inciter ces collectivités territoriales à agir.

Je sais que cela est difficile, notamment dans l’ouest guyanais, eu égard à la situation financière des collectivités territoriales. C’est pourquoi le Gouvernement a ouvert, dans la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique outre-mer et portant diverses dispositions relatives aux outre-mer, la possibilité pour l’État de financer à 100 % un certain nombre d’infrastructures et d’équipements de base.

Monsieur Antoinette, les collectivités territoriales doivent néanmoins remplir leurs obligations. En cas de situation difficile, un dialogue s’engagera.

Au bénéfice de ces observations, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4, et l'amendement n° 4 rectifié n'a plus d'objet.

L'amendement n° 5, présenté par Mme Claireaux et MM. J. Gillot, Patient et Mohamed Soilihi, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au deuxième alinéa du II de l'article 112 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, après les mots : « centre de gestion » sont insérés les mots : « et de formation ».

La parole est à Mme Karine Claireaux.

Mme Karine Claireaux. Cet amendement vise à transformer le centre de gestion de la fonction publique territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, créé par la loi du 26 janvier 1984, en centre de gestion et de formation.

En effet, compte tenu de l'éloignement du territoire par rapport à la métropole et aux autres territoires ultramarins, ainsi que du faible nombre de fonctionnaires territoriaux sur l'archipel, un rapprochement avec un autre centre de gestion n'est pas envisageable : les coûts liés aux déplacements, indispensables notamment pour l'organisation des concours, se révèleraient trop importants.

La cohabitation de deux instances distinctes, consacrées l’une à la gestion et l’autre à la formation, ne serait pas davantage cohérente ni économiquement intéressante pour les collectivités, qui se trouveraient contraintes de cotiser à un double titre.

En conséquence, compte tenu du statut de l’archipel et de la singularité de l'organisation de ses collectivités territoriales, il apparaît indispensable qu’il puisse créer un centre de gestion et de formation. Dans un souci de rationalisation, de simplification et d'efficience, il est donc proposé que le centre de gestion créé par la loi du 26 janvier 1984 soit transformé en un centre de gestion et de formation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Cet amendement ne va pas tout à fait au bout de la logique qui le sous-tend, puisqu’il vise seulement à changer l’appellation du centre. À la vérité, il eût fallu modifier aussi le troisième alinéa du II de l’article 112 de la loi du 26 janvier 1984, qui en définit les missions.

Madame Claireaux, votre amendement étant incomplet en l’état, je vous demande de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission des lois y sera défavorable.

Mme Karine Claireaux. Nous pourrions peut-être le rectifier, madame la rapporteur !

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Il faudra le faire au cours de la navette, ma chère collègue !

M. le président. Dans ces conditions, madame Claireaux, l’amendement n° 5 est-il maintenu ?

Mme Karine Claireaux. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Victorin Lurel, ministre. Je suis un peu gêné, car je comptais émettre un avis favorable sur cet amendement ! Je m’en remets à la sagesse du Sénat, sachant que nous pourrons améliorer la rédaction au cours de la navette pour tenir compte de l’observation de Mme la rapporteur.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Compte tenu de ce que vient de dire M. le ministre, je reviens sur mon avis défavorable ; l’amendement n° 5 est à nos yeux imparfait, mais son dispositif pourra être amélioré au cours de la navette.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 4.

L'amendement n° 6, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le décret n° 2013-427 du 24 mai 2013 pris en application de l'article 32 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 modifiée portant statut d'autonomie de la Polynésie française et portant approbation d'un acte dénommé « loi du pays » relatif à la recherche et à la constatation des infractions en matière de dopage est ratifié.

La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française a instauré un régime dit de « compétences partagées » entre cette collectivité et l’État.

L’objectif de cette procédure particulière est de permettre à la Polynésie française d’exercer pleinement les compétences qui lui sont confiées par la loi statutaire, en l’habilitant à intervenir dans des domaines qui relèvent normalement de l’État, pour qu’elle puisse utilement compléter la réglementation qu’elle met en place.

L’amendement que je vous propose d’adopter constitue une illustration de la mise en œuvre de cette procédure.

La Polynésie française est compétente en matière de sport et de santé publique. Dans la perspective de l’organisation de la coupe du monde de beach-soccer sur son territoire en septembre prochain, elle a voté une loi du pays qui va lui permettre de lutter contre le dopage des sportifs, mais aussi de protéger la santé de ces derniers, et ce en conformité avec les principes issus du code mondial anti-dopage.

De son côté, l’État est compétent en matière de procédure pénale, c’est-à-dire de règles qui permettent la recherche et la constatation des infractions.

En application du régime des compétences partagées, la Polynésie a pu intégrer de telles règles de procédure pénale dans sa loi du pays pour garantir l’efficacité des contrôles anti-dopage qu’elle organisera.

Bien évidemment, l’État a veillé à ce que cette loi du pays respecte bien les garanties accordées sur l’ensemble du territoire national pour l’exercice des libertés publiques, en procédant à une large concertation interministérielle, à laquelle a été associée notamment l’Agence française de lutte contre le dopage.

La loi du pays relative à la recherche et à la constatation des infractions en matière de dopage a ainsi été publiée au Journal officiel de la République par décret du 24 mai 2013. L’entrée en vigueur de cette loi du pays est désormais subordonnée à la ratification du décret. Tel est l’objet de l’amendement que j’ai l’honneur de vous demander d’adopter.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Catherine Tasca, rapporteur. Au terme de ce débat, je voudrais saluer l’affluence dans notre hémicycle, en dépit de la date d’examen très tardive des deux textes qui nous occupent. J’y vois le signe d’un intérêt accru pour les dossiers concernant l’outre-mer, dont la connaissance doit bien évidemment être partagée par l’ensemble des parlementaires, qu’ils soient ultramarins ou pas. C’est là un point très positif, et j’espère que cette évolution se confirmera à l’avenir.

Pour avoir vécu les étapes de 1988 et de 1998, je veux saluer la volonté du Gouvernement de rester fidèle aux accords qui avaient été difficilement passés alors, ainsi que son souci d’assurer une pleine application des dispositions de ces accords.

Monsieur le ministre, le chemin à parcourir est encore long, mais nous vous faisons confiance, comme nous faisons confiance aux partenaires calédoniens, pour mener le processus à son terme, en vue d’aboutir à une situation véritablement pacifiée. (Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer dans le texte de la commission, modifié.

(Le projet de loi est adopté.)

M. le président. Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

M. Victorin Lurel, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous me donnez beaucoup de bonheur puisque c’est presque toujours à l’unanimité que vous votez les textes que j’ai l’honneur de défendre devant vous.

Je salue la contribution au débat de tous les groupes, singulièrement celui du RDSE, auquel je renouvelle mes excuses. (M. Jean-Claude Requier sourit.)

Je remercie le président, la rapporteur et l’ensemble des membres de la commission des lois, dont le travail, effectué dans des conditions difficiles, en plein mois de juillet, a permis d’enrichir les textes. Merci à tous pour cet excellent travail ! (Applaudissements.)

Articles additionnels après l'article 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions relatives aux outre-mer
 

9

Dépôt d'un rapport

M. le président. M. le président du Sénat a reçu le rapport d’activité 2012 de la Haute autorité de santé.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des affaires sociales.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Charles Guené.)

PRÉSIDENCE DE M. Charles Guené

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Discussion générale (suite)

Nombre et répartition des sièges de conseiller de Paris

Discussion en procédure accélérée et adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Article 1er (Texte non modifié par la commission)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris (proposition n° 755, texte de la commission n° 781, rapport n° 780).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la proposition de loi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour parler de la si belle ville de Paris, dont tous les Français sont fiers à juste titre, et plus particulièrement de ses élections municipales.

Il n’aura échappé à personne que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 mai 2013, a considéré que le tableau répartissant le nombre de conseillers de Paris par arrondissement, qui avait été inclus dans la loi du 17 mai 2013 que vous aviez défendue devant notre assemblée, monsieur le ministre, était contraire à la Constitution. Quelles en sont les raisons ?

Aux termes de la loi du 31 décembre 1982, chaque arrondissement dispose d’au moins trois conseillers de Paris. Le projet de loi que vous nous aviez présenté, qui est devenu la loi, répartissait de manière proportionnelle les autres sièges de conseiller. Or le Conseil constitutionnel a considéré que le résultat aboutissait à des écarts considérables eu égard à la nécessité de représenter justement la population. Dès lors, il n’y a pas d’autre solution – c’est le sens de la proposition de loi que j’ai l’honneur de présenter – que de prendre en compte tout simplement le rapport à la population de manière à éviter toute répartition qui soit « manifestement disproportionnée », pour reprendre l’expression employée par le Conseil constitutionnel.

Le principe de l’égalité devant le suffrage est désormais déterminant – il l’est même depuis plusieurs années – pour le Conseil constitutionnel. Nous avons donc fait en sorte qu’il y ait une nouvelle répartition, mais il n’était alors plus possible de conserver trois conseillers de Paris par arrondissement.

Nous avons toutefois pris en compte le fait qu’il pouvait y avoir certains écarts. Ainsi, pour le IIe arrondissement, un écart de moins 16 % par rapport à la moyenne a abouti au fait qu’il y ait deux sièges ; pour le IIIe arrondissement, un écart de moins 14 % a abouti à l’attribution de trois sièges ; en revanche, pour le Ier arrondissement, il n’y aura qu’un siège, car allouer deux sièges aggraverait l’écart de représentativité qui passerait de plus 25 % à plus de 37 % : il y aurait donc une disproportion.

Je précise que la proposition de loi a pour effet de supprimer les dispositions prévoyant d’élire le maire d’arrondissement et au moins un des adjoints au maire d’arrondissement parmi les membres du conseil de Paris. En effet, pour les raisons que je viens d’expliquer, il était strictement impossible de mettre en œuvre ces dispositions dans le Ier arrondissement, lesquelles contraignaient très fortement le choix pour ces désignations dans le IVe et l’un des deux autres arrondissements dont j’ai parlé. Par conséquent, il est proposé que le maire d’arrondissement ainsi que l’adjoint ou les adjoints soient choisis parmi les membres du conseil d’arrondissement, chaque membre du conseil d’arrondissement pouvant être maire ou adjoint au titre de l’arrondissement.

Tel est l’objet de la proposition de loi que j’ai l’honneur de vous présenter.

Diverses considérations ne vous ont sans doute pas échappé, mes chers collègues, notamment le fait, plusieurs fois évoqué par Mme Catherine Troendle et par M. Jean-Jacques Hyest, qu’il était étrange que je présente une telle proposition de loi alors qu’un autre texte traitant du même sujet avait été déposé par mon ami Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Une erreur de procédure s’est en effet produite, sur laquelle nous nous sommes expliqués, monsieur Charon : il y a eu omission de l’engagement de la procédure accélérée. Je préfère le préciser dès le début du débat,…

M. Pierre Charon. C’est mieux !

M. Jean-Pierre Sueur. … car, comme je l’ai dit récemment à M. Hyest, que celui qui n’a jamais péché nous jette la première pierre, monsieur Valls !

M. Yves Pozzo di Borgo. C’est l’évêché chez nous !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a donc eu là un très léger accident de parcours que nous avons réparé puisque je me suis immédiatement porté au secours de M. Manuel Valls…

M. Manuel Valls, ministre. Ah non !

M. Jean-Pierre Sueur. … et même du Gouvernement, voire de la République, puisqu’il était nécessaire d’appliquer la décision du Conseil constitutionnel. Je pense que M. Manuel Valls en aura quelque reconnaissance à mon endroit (M. le ministre rit.), allusion que ceux qui ont des oreilles entendront.

Voilà pour le premier point.

J’ajoute, monsieur Charon – ce sera le deuxième point sur lequel je souhaite insister –, qu’on pourrait tirer de cette affaire une autre observation, à savoir qu’avant de saisir le Conseil constitutionnel il est parfois utile de prendre quelques réflexions, de tourner sa langue un certain nombre de fois dans sa bouche, puisque ceux qui ont fait ce recours ne s’attendaient sans doute pas à un tel résultat, du moins si j’en crois les déclarations de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. C’est une leçon à tirer de cette petite affaire.

Il est une dernière considération sur laquelle je veux finir.

Le Conseil constitutionnel, de manière constante, considère que, par rapport aux règles électorales, le premier impératif, c’est l’égalité des suffrages, donc l’égalité entre les citoyens telle qu’elle est inscrite dans la Constitution de la République française. J’insiste sur ce point, parce que c’est exactement ce qui justifie la décision du Conseil constitutionnel et donc la présente proposition de loi.

Reste que cet argument est général. Lorsque, dans certaines publications, il nous est expliqué que le nouveau mode électoral qui a été prévu pour les départements porte atteinte à la ruralité, cela n’a aucun sens. En réalité, quel qu’ait été le gouvernement, de gauche, de droite ou du centre,…

M. Michel Mercier. Du centre, cela ne s’est pas produit souvent !

M. Jean-Pierre Sueur. … il aurait été, monsieur Mercier, placé devant le même impératif, à savoir que, pour tout découpage ou redécoupage, qu’il s’agisse des législatives, des régionales, des cantonales ou, comme ici, d’arrondissements, ce qui s’impose absolument, c’est l’égalité des suffrages et la prise en compte de ce principe. Cela s’impose à nous tous et, de ce fait, cette simple considération devrait permettre d’éviter un certain nombre de faux procès.

Il est important de prendre en compte les territoires, et nous y sommes tous très attachés. Nous sommes attachés à Paris comme à l’ensemble de nos secteurs ruraux. Nous voulons qu’ils soient pris en considération, particulièrement au Sénat. Cependant, la règle qui s’impose à nous est de prendre d’abord en compte la population, avec certes des nuances, des possibilités d’adaptation, en respectant l’écart de plus ou moins 20 %. Cela justifie les propositions qui vous sont faites pour les trois arrondissements de Paris considérés, en particulier le Ier arrondissement.

Voilà, mes chers collègues, le sens de cette proposition de loi, qui devrait à mon sens susciter un large accord : elle est en effet la traduction exacte et sincère de la position du Conseil constitutionnel, qui est la plus haute autorité de la République et dont les décisions s’imposent à tous et à toutes les autorités de l’État, passées, présentes et futures. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Roger Madec, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé Jean-Pierre Sueur, le 16 mai dernier, le Conseil constitutionnel a censuré l’article 30 de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Cette décision s’applique à tous !

Cet article 30 procédait à une nouvelle répartition des sièges de conseiller de Paris, répartition qui n’avait jamais été modifiée depuis 1982. La réforme visait donc à tenir compte des évolutions démographiques. Par un curieux paradoxe, elle a été sanctionnée. C’était pourtant la première fois qu’un ministre de l’intérieur proposait de corriger les injustices suscitées par l’évolution de la population parisienne. Je rappelle d'ailleurs que j’avais, à deux reprises au Sénat, soulevé cette question devant les prédécesseurs de Manuel Valls, qui avaient botté en touche.

La répartition des 163 sièges de conseiller de Paris reposait jusqu’à présent sur le principe de l’attribution minimale de trois sièges à chaque secteur afin de permettre la pleine application du mode de scrutin municipal proportionnel assorti d’une prime majoritaire. Pour tenir compte de la population, les 103 sièges restants étaient ensuite répartis selon la règle de la plus forte moyenne.

Entre 1982 et 2012, la population de la capitale a augmenté de 57 862 habitants, inégalement répartis entre les arrondissements. Je rappelle que le mode de calcul utilisé pour la mise en application du tableau découlant de la loi du 31 décembre 1982 reposait sur le recensement de 1979.

Pour respecter l’exigence constitutionnelle du principe de l’égalité du suffrage, le Gouvernement a proposé d’actualiser le tableau, à effectif constant naturellement, selon la méthode de 1982. Les correctifs découlaient, d’une part, des évolutions démographiques contrastées des différents arrondissements et, d’autre part, de la règle des trois sièges au minimum, que personne ne contestait. Pour le reste, la méthode suivie a visé à réduire les écarts à la moyenne.

Les trois arrondissements qui ont connu l’évolution la plus marquée – le Xe, le XIXe et le XXe – avaient bénéficié chacun d’un siège supplémentaire. En revanche, les arrondissements qui avaient vu leur population décroître significativement – le VIIe, le XVIe et le XVIIe – en avaient perdu un.

Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution non seulement le tableau réformé, mais aussi le tableau en vigueur. Il a jugé que, dans les Ier, IIe et IVe arrondissements, le maintien des trois sièges minimum aboutissait à s'éloigner par trop du quotient électoral moyen.

Si le Conseil constitutionnel convient du bien-fondé d’« une représentation minimale de chaque secteur au conseil de Paris », il estime que « le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population » de chacun de ces arrondissements « s’écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ».

Ce faisant, le Conseil constitutionnel précise les tempéraments admissibles : « s’il ne s’ensuit pas » du respect de l’égalité devant le suffrage « que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population […] ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».

Le Conseil constitutionnel a ensuite appliqué sa jurisprudence dite « néo-calédonienne », qui lui permet de vérifier la régularité « au regard de la Constitution des termes d’une loi promulguée […] à l’occasion de l’examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine ». C'est ainsi qu’il a censuré le tableau actuel de répartition des sièges de conseiller de Paris.

Dès lors, nous nous trouvions face à une situation surprenante puisqu'il n’y avait plus de règles pour répartir les sièges au conseil de Paris pour les élections municipales de 2014.

La proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, que nous examinons ce soir, tend donc à réorganiser la répartition des sièges de conseiller de Paris. Cette répartition, basée sur la population arrêtée au 1er janvier 2013, vise à respecter le principe de l’égalité du suffrage sans bouleverser, juste avant le renouvellement de mars prochain, le régime électoral de la capitale. Elle s’inscrit dans le découpage de la capitale en vingt secteurs correspondant chacun à un arrondissement. À effectif global constant, l’attribution d’un minimum de trois sièges à chaque arrondissement a été abandonnée.

Si la répartition des sièges s’effectue toujours à la proportionnelle à la plus forte moyenne, l'apport de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur réside dans son application à l’ensemble des 163 sièges.

Une première étape a consisté à attribuer à chaque secteur le nombre de sièges correspondant à sa population sur la base du quotient électoral. Huit sièges restaient alors à répartir à la plus forte moyenne, mais il est apparu nécessaire de corriger les excès découlant de cette méthode pour tempérer les écarts de représentation qui en résultaient : les IIe et IIIarrondissements présentaient en effet un écart de plus 67,4 % et de plus 29,4 %. Le correctif a consisté à attribuer à chacun de ces deux secteurs un siège supplémentaire afin de ramener cet écart à respectivement moins 16,4 % et à moins 13,7 %, par le transfert du siège supplémentaire bénéficiant aux XIIe et XXarrondissements par application de la règle de la plus forte moyenne, sans aggraver les écarts pour ces deux arrondissements.

La nouvelle répartition entraîne la création de dix nouveaux sièges de conseiller d’arrondissement, dont l’effectif est le double du nombre de conseillers de Paris élus dans la circonscription, sans qu’il puisse être inférieur à dix ni supérieur à quarante. Ces nouveaux sièges résultent mécaniquement de l’augmentation du nombre de conseillers de Paris dans les Xe, XVe, XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements – minorée par la diminution de treize à douze du nombre de conseillers du XVIIe arrondissement.

La réforme du tableau a un impact sur la désignation des exécutifs d’arrondissement de Paris, Lyon et Marseille. En effet, actuellement, le maire d’arrondissement ainsi que l’un au moins de ses adjoints doivent être choisis parmi les membres du conseil municipal. Cette double règle devient inapplicable dans le Ier arrondissement, qui ne sera désormais représenté au conseil de Paris que par un siège. Elle devient aussi difficilement applicable dans les IIe et IVarrondissements, qui ne sont plus représentés que par deux conseillers de Paris. C’est pourquoi l’article 2 de la proposition de loi de Jean-Pierre Sueur propose de la supprimer : dorénavant, le maire et l’ensemble des adjoints d’arrondissement pourront être choisis parmi les conseillers d’arrondissement.

Mes chers collègues, si vous adoptez la proposition de loi et que l’Assemblée nationale en fait de même, cette modification s'appliquera aussi à Lyon et à Marseille.

Les modifications soumises au Sénat découlent nécessairement, dans le calendrier très contraint du législateur, des exigences résultant de la censure opérée par le Conseil constitutionnel. À huit mois du scrutin municipal, il était inenvisageable de refondre le régime électoral parisien, fût-ce par un redécoupage de la carte des secteurs.

Le dispositif proposé permettra également de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille, cela naturellement sans augmenter le nombre des conseillers de Paris – ce qui ne semblait pas très opportun. Dans ce contexte, les dispositions proposées résultent mécaniquement de l’application des règles constitutionnelles.

Si l’écart de représentation du premier des vingt arrondissements s’établit encore au-delà du fameux écart de 20 %, il y est cependant ramené de moins 42,6 % dans le tableau censuré à plus 25,7 % en recourant aux limites possibles de la réforme avec l’attribution d’un seul siège au sein du conseil de Paris. Pour les dix-neuf autres arrondissements, les écarts au quotient moyen oscillent entre moins 16,43 % et plus 10,66 %.

La modification des modalités d’élection des maires et adjoints d’arrondissement ne devrait pas affecter le fonctionnement de leurs conseils.

Cette proposition de loi, si elle est adoptée – ce soir au Sénat et dans les prochains jours à l’Assemblée nationale –, ne s'appliquera pas avant le renouvellement général des conseils municipaux de mars prochain.

La commission des lois, qui a adopté les trois articles de la proposition de loi sans modification, vous propose, à la majorité de ses membres, d'adopter ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois – cher Jean-Pierre Sueur –, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez, nous sommes réunis ce soir pour débattre d’un texte très simple, mais qui a connu quelques péripéties.

La décision du Conseil Constitutionnel du 16 mai 2013, qui a validé – je le rappelle au passage – l’essentiel de la loi créant le scrutin binominal majoritaire pour les élections départementales, nous oblige à fixer le nombre et la répartition par arrondissement des 163 sièges de conseiller de Paris.

Pour ce faire et pour aller vite, une proposition de loi du président de la commission des lois de l’Assemblée nationale avait été déposée, débattue et adoptée le 10 juillet dernier. Je ne dévoile aucun secret d’État – le président Sueur l'a révélé avec malice – en vous disant que c'est à la suite d'un oubli, d'une erreur, que nous avons été conduits à modifier ce dispositif.

Le décret d’ordre du jour de la session extraordinaire a été modifié, et nous examinons aujourd’hui une nouvelle proposition de loi, strictement identique à la première, déposée cette fois-ci par le président de la commission des lois du Sénat, que je remercie très chaleureusement au nom du Gouvernement, de la République et de l’État. (Sourires.)

La procédure accélérée est bien déclarée, et l’Assemblée nationale doit normalement examiner à son tour – et à nouveau – ce texte dans quarante-huit heures.

Revenons maintenant, d'un mot, sur le contenu de ce texte.

Lorsque je vous ai présenté la légère modification qui figurait dans le texte de loi sur les scrutins départementaux, communaux et intercommunaux, le Gouvernement pensait réellement que cette actualisation ne posait pas de problème constitutionnel, précisément parce que nous respections le plancher de trois conseillers par arrondissement figurant dans la loi de 1982, qui, à l’époque, avait été validée par le Conseil Constitutionnel. Cependant, nous le savons, le Conseil constitutionnel de 2013 n’est pas le Conseil constitutionnel de 1982. Il a considérablement densifié sa jurisprudence. Il a en particulier souligné de plus en plus nettement son rôle de gardien de l’égalité du suffrage et donc accru sa vigilance en matière d’égalité de représentation dans toutes les circonscriptions. Il y avait d’ailleurs une leçon à tirer – nous l'avons fait – sur le texte concernant le scrutin cantonal. Cette jurisprudence est désormais une boussole en matière de scrutin.

Dans sa décision du 16 mai dernier, le Conseil Constitutionnel nous a dit que le projet de loi n’allait pas assez loin. Sa censure de l’article consacré à Paris incite donc – et oblige même – à renforcer l’égalité de représentation des Parisiens, arrondissement par arrondissement.

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans cette décision, qu’en conservant un nombre minimal de trois conseillers de Paris par arrondissement, le législateur avait maintenu dans les Ier, IIe et IVe arrondissements un rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l’arrondissement qui s’écartait de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qualifiée de « manifestement disproportionnée ».

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui a ainsi pour objet d’établir un nouveau tableau qui soit conforme au principe d’égalité, sans augmenter le nombre global de conseillers de Paris et sans modifier la composition des conseils d’arrondissement, fixée au minimum à dix conseillers d’arrondissement par l’article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales, ni leur fonctionnement.

Compte tenu de la proximité des élections municipales – M. Madec l’a rappelé –, ce nouveau tableau permettra de prendre acte de la décision du Conseil constitutionnel tout en évitant de bouleverser le régime électoral parisien. Il permettra également de conserver le parallélisme entre les régimes électoraux de Paris, Lyon et Marseille, sans augmenter le nombre de conseillers de Paris.

Le choix a été fait de conserver la méthode de calcul employée en 1982, c’est-à-dire une répartition des sièges entre les arrondissements à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne. Cette méthode est également celle utilisée pour la répartition des conseillers municipaux à Lyon, comme à Marseille.

Pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel, le nouveau tableau ne pouvait pas toutefois s’en tenir strictement à la méthode mathématique. En effet, dans les trois premiers arrondissements, l’application de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne ne permet pas de respecter ce que nous appelons le bornage démographique, notion mise en exergue par le Conseil constitutionnel dans sa jurisprudence relative au principe d’égalité devant le suffrage. Ainsi, avec une application mathématique stricte, le Ier arrondissement présente un écart à la moyenne de 26 %, le IIe arrondissement de 67 % et le IIIe arrondissement de 29 %.

Comme vous le savez, il fallait dès lors appliquer un correctif dans ces arrondissements pour se conformer à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le respect des écarts manifestes à la moyenne. Un tel correctif à la méthode de la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne avait d’ailleurs été validé par le Conseil constitutionnel lui-même, dans sa décision de juillet 1987 relative à la répartition des sièges au conseil municipal de Marseille. Le président et le rapporteur de la commission des lois en ont déjà bien expliqué le principe. Je ne ferai donc que reprendre, en grande partie, leur propos.

Un siège supplémentaire est attribué aux IIe et IIIarrondissements, qui obtiennent respectivement, dès lors, deux et trois sièges. Cette nouvelle attribution permet donc de respecter l'égalité démographique puisque l’écart à la moyenne est ramené à moins 16 % dans le IIe arrondissement et à moins 14 % dans le IIIe arrondissement.

Pour maintenir le nombre actuel de conseillers de Paris, les deux sièges réalloués sont retirés aux derniers arrondissements bénéficiaires dans la répartition à la plus forte moyenne, soit le XIIe et le XXe arrondissements.

En revanche, le nombre de sièges du Ier arrondissement n’est pas modifié, car la réattribution d’un siège – qui serait alors prélevé dans le XVe arrondissement – aggraverait sa représentativité, qui passerait de plus 26 % à moins 37 %.

Au total, à moins d’un an de la prochaine élection des conseillers de Paris, le présent texte permettra ainsi de tenir compte de l’évolution démographique intervenue depuis la loi de 1982 relative à l’élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, dans le respect des équilibres démographiques et sans modifier l’organisation administrative de la commune de Paris.

Nous aurions pu faire un choix plus radical, et il y a peut-être, par ailleurs, d'autres idées. Nous aurions pu réunir en un seul et même arrondissement les Ier, IIe, IVe et, éventuellement, IIIe arrondissements. Sans doute, ce choix aurait-il été constitutionnellement sûr, mais il aurait bouleversé le cadre auquel les Parisiens sont désormais habitués et il aurait supprimé trois ou quatre mairies d’arrondissement. À quelques mois des élections municipales, nous ne pouvions faire un tel choix et devions respecter ce qu’est Paris aujourd'hui – on verra bien si, demain, d'autres idées émergent en ce domaine.

Le Gouvernement a fait un choix plus équilibré qui correspondait – cela ne fait pour moi aucun doute – à l'attente des Parisiens : le maintien des arrondissements, conjugué avec l’adaptation démographique. Certes, un arrondissement, le Ier, s’écarte de l’écart à la moyenne – plus ou moins 20 % – auquel est attaché le Conseil constitutionnel. Cependant – c’est un point important –, nous considérons qu’il y a un motif d’intérêt général à assurer la représentation de chaque arrondissement et la lisibilité du scrutin dans un cadre habituel pour les électeurs, dès lors que l’écart à la moyenne n’excède pas 26 % et que l’exception se limite à un seul arrondissement.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du texte que nous examinons aujourd’hui. Je crois que le bon sens, la stabilité des règles électorales, la juste représentation des électeurs et des arrondissements plaident pour une adoption rapide de cette proposition de loi, dans cet esprit de consensus, j’ose l’espérer, que l’on retrouve si régulièrement au Sénat, notamment lorsque je me trouve parmi vous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Charon.

M. Pierre Charon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme cela vient d’être rappelé, le Conseil constitutionnel a, dans sa décision du 16 mai 2013, censuré la nouvelle répartition des conseillers de Paris prévue par la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Le groupe UMP, associé à l’UDI, avait effectivement saisi le Conseil constitutionnel au motif que la répartition proposée par le Gouvernement ne respectait pas la règle élémentaire de la démocratie représentative : un homme, une voix. Il s’avérait que trois arrondissements dits « de droite » – le VIIe, le XVIe et le XVIIe – étaient pénalisés au profit d’arrondissements dits « de gauche ».

Nous avons été entendus sur ce point, comme l’a expliqué Jean-Pierre Sueur,…

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. Pierre Charon. … mais un peu au-delà de nos espérances. (Sourires.)

Le Conseil constitutionnel est allé encore plus loin, en déclarant contraire à la Constitution l’actuel tableau de répartition des conseillers de Paris annexé au code électoral. Ce chamboulement, certes imprévu, nous apporte néanmoins un enseignement fondamental sur l’organisation électorale dans la capitale.

Dès lors, il fallait trouver une solution qui permette d’organiser le prochain scrutin dans le respect des institutions et de la démocratie. Plusieurs choix étaient envisageables. Malheureusement, celui qui nous est présenté aujourd’hui ne me semble pas le plus adapté à la situation parisienne.

Nous avons tous fait tourner nos ordinateurs pour calculer toutes les répartitions possibles. J’ai dénombré au moins quatre systèmes respectant purement la démographie qui auraient pu être utilisés. Chacun aurait donné une répartition différente. Ainsi, même en se retranchant derrière l’argument de la démographie, il y a nécessairement de la partialité. Nous pourrions, par exemple, retenir le cas du XVIIe arrondissement, qui, dans les deux dernières propositions, gagne des habitants, mais perd un élu... C’est la raison pour laquelle, à l’époque où Matignon s’occupait du problème, j’avais rencontré le Premier ministre pour lui proposer une intervention a minima. Je l’avais trouvé très réceptif ! (M. le ministre s’esclaffe.)

Étant donné qu’aucun tableau ne peut être incontestable, et à moins de huit mois de l’élection municipale, il m’avait semblé juste de toucher le moins possible au dispositif avant d’envisager, pour l’élection suivante, une refonte plus importante du système, sur des bases que j’aimerais évoquer avec vous aujourd’hui.

Avec cette intervention a minima, plutôt que de revoir toute la grille de répartition, on aurait pu se contenter d’enlever des sièges là où cela permettait d’entrer dans le tunnel des 20 % et de n’en ajouter que là où c’était arithmétiquement nécessaire pour qu’un arrondissement plus peuplé ne puisse pas avoir moins de sièges. Ce système minimaliste aurait limité les pertes aux Ier, IIe, IVe et VIIe arrondissements et aurait donné un siège supplémentaire au XIXe arrondissement.

Vous auriez dû saisir cette proposition, qui avait le mérite de changer le moins de choses possible pour 2014 tout en se conformant rigoureusement aux recommandations du Conseil constitutionnel. Au lieu de cela, vous avez persévéré dans l’arbitraire !

Mes chers collègues, les héritages électoraux ont souvent du sens, et il faut alors les respecter. En revanche, certains dispositifs sont hérités d’un autre âge et peuvent se trouver en décalage complet avec la réalité d’un territoire et de sa représentation. Il me semble que c’est bien le cas de l’élection du maire de Paris. Je vous rappelle que les électeurs parisiens sont les seuls, avec ceux de Lyon et de Marseille, à élire leur maire au suffrage universel indirect à deux degrés. À l’heure du Grand Paris, cette particularité électorale est devenue une inégalité démocratique.

Nous avons aujourd’hui l’occasion, non seulement de rebattre les cartes de l’organisation électorale parisienne, mais aussi de les redistribuer de façon équitable, généreuse et moderne. Toutes les voix des Parisiennes et des Parisiens se valent !

Le découpage par arrondissement, qui doit bien entendu permettre l’élection d’un maire et d’un conseil d’arrondissement, ne doit pas être une entrave à l’élection du maire de la capitale et du conseil de Paris, celle-ci devant se faire dans la transparence du suffrage universel direct. Je défends cette idée depuis plusieurs années maintenant, et je crois que la décision du Conseil constitutionnel devrait être l’occasion de mener cette réforme incontournable de la carte électorale parisienne.

L’une des raisons de l’amélioration de la situation parisienne est la mobilité toujours croissante des Parisiens. Cette mobilité, qui est une chance pour notre capitale en termes de brassage, de diversité sociale et générationnelle, ne doit pas être figée dans sa représentation élective. Cette rigidité tout à fait artificielle entraîne d’ailleurs des ajustements réguliers quand les mouvements de population rendent les distorsions trop importantes.

Mes chers collègues, nous savons tous qu’au gré des majorités ces ajustements sont souvent l’occasion de bricolages servant les uns et desservant les autres. Nous avons aujourd’hui la possibilité d’en finir avec ces calculs, qui nuisent à la vie politique et brouillent la lisibilité de l’organisation électorale parisienne.

Pourquoi valider un tableau qui sera mécaniquement caduc dès l’année prochaine quand nous pouvons offrir aux Parisiennes et aux Parisiens d’élire directement leur maire et, ainsi, de s’aligner avec toutes les grandes capitales du monde ?

Pourquoi s’entêter dans un système déclenchant systématiquement querelles et désaccords quand nous pourrions faire reposer la capitale sur les bases solides du suffrage universel direct ?

Pourquoi persister dans un système alambiqué quand l’heure est à la « transparence de la vie politique » ?

Dois-je rappeler, mes chers collègues de la majorité, que le système auquel vous vous accrochez aujourd’hui, cette incongruité électorale, devrais-je dire, a permis à Bertrand Delanoë d’être élu avec 49 % des suffrages en 2001 ? Avec moins de voix que la droite, la gauche a obtenu 21 sièges d’avance au conseil de Paris !

M. Bruno Sido. Eh ben !

M. Pierre Charon. Ce n’était d’ailleurs pas une nouveauté : Gaston Defferre, l’homme qui a inventé la loi PLM, avait déjà bénéficié de cette entourloupe électorale en 1983, quand il fut réélu à la mairie de Marseille alors que Jean-Claude Gaudin avait obtenu plus de suffrages que lui sur l’ensemble de la commune.

M. Michel Mercier. C’est vrai !

M. Pierre Charon. Et je ne parle pas de Lyon, monsieur Mercier !

J’ai particulièrement étudié l’exposé des motifs justifiant les vases communicants opérés sur le tableau, qui est à lui seul le meilleur plaidoyer pour un changement radical du système. Je le dis sans aucune ironie – j’admire la virtuosité du président Sueur ainsi que celle du président Urvoas –, mais vous conviendrez avec moi que les calculs de pondération virent parfois à la contorsion. Je ne vous le reproche pas d’ailleurs, car c’est tout simplement inhérent à la forme même de la sectorisation du corps électoral du conseil de Paris. C’est pourquoi je regrette que vous n’ayez pas profité de cette belle occasion donnée par le Conseil constitutionnel pour tourner la page des rafistolages et offrir à Paris une élection sans calculs ni détours. Cela aurait également été l’occasion de libérer la capitale des logiques politiciennes, qui sont malheureusement encouragées par l’organisation par arrondissement.

Sans cela, nous savons toutes et tous que nous devrons à nouveau occuper cet hémicycle à l’occasion de la prochaine révision du tableau, pour batailler sur des « plus un » par-ci et des « moins un » par-là... Je ne suis pas certain que la Haute Assemblée se grandisse avec ces calculs d’épicier !

L’expression de la démocratie que constitue l’élection au suffrage universel mérite plus de clarté et de générosité. C’est pourquoi je ne voterai pas ce texte, qui reste un bricolage de plus à l’heure où nous devrions faire preuve d’audace, d’innovation et de simplicité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent.

M. Pierre Laurent. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, dont l’élaboration a été provoquée par la censure du Conseil constitutionnel du 16 mai dernier, vise à apporter les corrections nécessaires pour assurer une meilleure représentation des Parisiens lors des prochaines élections municipales.

Pour notre part, vous le savez, nous sommes favorables à tout ce qui permet de nous rapprocher d’une représentation de chaque électeur à égalité. Ce n’était plus le cas à Paris où l’évolution démographique, conjuguée à une répartition figée et ancienne du nombre de conseillers de Paris par arrondissement, avait abouti à des distorsions grandissantes du rapport entre le nombre d’élus et le nombre d’électeurs. Les tendances démographiques se sont en effet nettement modifiées dans la capitale depuis maintenant plus d’une décennie.

Je veux ouvrir une parenthèse à ce propos, en rappelant que la capitale s’est vidée de ses habitants dès le milieu des années cinquante. Cette évolution a été accélérée par la gestion de la droite. Celle-ci a favorisé de nombreux programmes immobiliers de transformation d’appartements en bureaux, ce qui a contribué de manière importante à cette baisse, particulièrement rapide dans les années soixante et soixante-dix. Ainsi, la population parisienne est passée de 2 790 000 habitants en 1962 à 2 299 000 habitants en 1975, soit une chute de près de 500 000 habitants.

M. Bruno Sido. C’est énorme !

M. Pierre Laurent. Les classes populaires ont été chassées vers la périphérie, avec les conséquences que l’on connaît.

Cette baisse de la population a été ininterrompue jusqu’en 2006, la population parisienne étant à peine supérieure, aux alentours des années 2000, à 2 000 000 d’habitants.

Depuis 2006, donc, cette tendance s’est inversée et cette évolution est surtout due aux quartiers populaires de la ville, les arrondissements centraux et les VIIe, VIIIe et XVIe arrondissements continuant à perdre des habitants.

La gestion de gauche de la ville, depuis deux mandats, n’est évidemment pas pour rien dans ce regain démographique, qui, je l’espère, se poursuivra grâce à l’amplification de la lutte contre la spéculation immobilière et à la multiplication des logements sociaux pourvus de suffisamment d’équipements publics et culturels de qualité, afin d’éviter la paupérisation en cours dans de nombreuses autres grandes villes du monde.

Pour tenir compte de ces changements démographiques, aux répercussions évidemment importantes dans la vie des Parisiens, les parlementaires communistes ont proposé, dès les années 2000, une modification de la répartition des conseillers de Paris, qui n’avait pas changé depuis 1982.

Nicole Borvo Cohen-Seat, qui m’a précédé au Sénat, avait, le 10 janvier 2002, au cours du débat concernant le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, présenté un amendement en vue de faire évoluer cette répartition pour respecter la réalité de la population et prendre en compte les recensements connus. Elle s’était alors heurtée non seulement au refus catégorique de la majorité de droite du Sénat, mais aussi au refus du ministre de l’intérieur de l’époque, M. Daniel Vaillant.

Quatre ans plus tard, elle déposait une proposition de loi allant dans le même sens, sans rencontrer plus de succès, et, par la suite, d’autres parlementaires dont vous faites effectivement partie, monsieur le rapporteur, ont également exprimé cette exigence.

Je me réjouis donc que, aujourd’hui, nous nous retrouvions ensemble, à gauche, pour soutenir cette proposition de loi. En effet, le groupe CRC a toutes les raisons d’appuyer ce texte, qui tient compte des évolutions démographiques et tend à améliorer les dispositions censurées par le Conseil constitutionnel.

En remettant en cause l’intégralité du tableau des conseillers de Paris et la règle, qu’il avait validée en 1982, de représentation minimale de trois conseillers de Paris par arrondissement, ce dernier a imposé l’adoption rapide d’une nouvelle disposition législative avant les prochaines échéances municipales. Cette modification va permettre de garantir un plus grand respect de l’égalité devant le suffrage, parfaitement compatible avec le cadre historique des arrondissements.

Si l’injonction législative n’est pas notre tasse de thé, les dispositions ici proposées représentent une réelle amélioration, qui aurait déjà dû intervenir.

La proposition de loi tend aussi à mettre fin à l’obligation faite aux maires d’arrondissement d’être également membres du conseil municipal. Cette disposition est rendue nécessaire par l’adoption du nouveau tableau, mais elle pourrait aussi trouver son utilité en cas de décès ou de démission des maires d’arrondissement élus initialement.

À l’inverse de ce qu’ils recherchaient, vous l’avez suggéré, monsieur Charon, c’est la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires de droite qui a conduit à la décision rendue, nous invitant à respecter mieux encore le principe d’égalité devant le suffrage.

Se retrouvant aujourd'hui dans la position de l’arroseur arrosé, au lieu de prendre acte tranquillement de ce nouvel état de fait, la droite s’acharne à présent dans une fuite en avant en proposant de « bonapartiser » la fonction de maire de Paris, méconnaissant au passage l’attachement des Parisiens à leur maire d’arrondissement, sauf peut-être la mairie du VIIe arrondissement, à propos de laquelle je me souviens que la droite s’est beaucoup battue. C’est d’autant plus cocasse que jusqu’en 1975 la droite avait privé les Parisiens d’un maire ! Les arguments de la droite sont donc bien politiciens.

Pour notre part, ce qui nous intéresse, c’est que le présent texte participe à une amélioration très nette du système électoral parisien. Nous allons donc le voter, parce que nous pensons qu’il atteint un point d’équilibre satisfaisant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Soyons honnêtes, je ne pense pas que vous ayez imaginé, monsieur le ministre, lorsque vous avez décidé d’introduire une modification de la répartition des conseillers de Paris dans votre projet de loi instaurant le binôme départemental paritaire, que le Conseil constitutionnel censurerait l’ensemble du tableau de répartition desdits conseillers. Vous auriez dû intégrer également le cas de Lyon, comme je vous l’avais suggéré, l’écart à la moyenne entre le Ier et le IIIe arrondissement de Lyon variant du simple au double.

Sans doute, à l’époque, certains ont-ils cru bon de se saisir de cette opportunité pour tenter de donner à la majorité parisienne sortante un petit coup de pouce. Vous savez très bien que la majorité peut basculer à quelques voix près, et M. Delanoë vous a poussé à sortir ce texte. Deux conseillers par-ci, un conseiller par-là, le tout dans un article discret noyé dans un projet de loi consacré précisément à presque toutes les collectivités, sauf Paris, Lyon et Marseille…

J’imagine que vous pensiez qu’au pire le Conseil constitutionnel censurerait un article de votre projet de loi, sauf que le Conseil ne s’est pas arrêté là : c’est bien l’ensemble du tableau qu’il a censuré, rendant ainsi momentanément impossible l’organisation des élections municipales dans la capitale.

En fait, cette censure était prévisible, y compris dans son étendue. Le principe de l’égalité du suffrage est interprété strictement par le Conseil et sa jurisprudence en la matière n’est pas nouvelle. Le précédent gouvernement en avait d’ailleurs, lui aussi, fait les frais. Nous sommes donc dans la nécessité de remplacer ce tableau de répartition.

La nature même de la décision du Conseil, en censurant l’intégralité du tableau datant de 1982, nous invitait, malgré la proximité des échéances électorales, à une réflexion bien plus ambitieuse que le texte qui nous est aujourd’hui soumis. En l’espèce, je suis navré, mais il s’agit d’un sparadrap sur une jambe de bois !

Notre rapporteur – toujours amical pour le ministre et le Gouvernement – nous explique qu’à huit mois du scrutin municipal il est « inenvisageable de refondre le régime électoral parisien » et « il apparaissait donc inconcevable de réformer en profondeur le mode de scrutin parisien ».

Nous ne partageons pas cette analyse, d’autant que si nous sommes aujourd’hui dans cette situation, c’est exclusivement la faute du Gouvernement et de ceux qui ont cru bon de voter en faveur de cette loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

On ne saurait venir reprocher au Conseil d’avoir accompli sa mission. C’est bien le caractère arbitraire de cette répartition que le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnel. Celle-ci ne correspondait à aucun critère démographique avéré et laissait subsister des écarts disproportionnés : d’un arrondissement à l’autre, cela a été dit, le nombre d’habitants représentés par un conseiller de Paris pouvait aller du simple au triple, l’écart maximal par rapport à la moyenne étant de 57 %. C’est vous qui avez voulu arranger à votre main la répartition des conseillers. Vous avez mis le doigt dans le pot de confiture et vous vous êtes fait prendre !

M. Manuel Valls, ministre. Oh !

M. Yves Pozzo di Borgo. Le système instauré par la loi PLM de 1982, vous le savez très bien, est stupide. Gaston Defferre, qui était un bon ministre de l’intérieur – très malin, comme tous les ministres de l’intérieur, de droite comme de gauche –, s’est rendu compte qu’il allait être battu. Il a donc imaginé un texte spécifique, d’abord pour la seule ville de Marseille – Defferre pouvait faire tout ce qu’il voulait ! – avant d’ajouter celles de Lyon et de Paris ! C’est ainsi que l’on a adopté cette loi stupide.

Vous avez entendu ce qu’a dit notre collègue Charon. M. Defferre a été réélu, minoritaire en voix mais majoritaire au conseil municipal ; c’est également arrivé à Lyon en 2001, m’a-t-on dit, ainsi qu’à Paris où M. Delanoë était minoritaire en voix mais majoritaire au sein des conseillers de Paris. C’est, je le répète, un système stupide, sans compter la répartition des pouvoirs entre les mairies d’arrondissement et la mairie centrale – je le vis depuis 1983…

Vous n’êtes pas les seuls responsables, d'ailleurs ; la droite et le centre sont également fautifs : nous aurions dû modifier ce texte depuis très longtemps. On ne peut pas continuer à appliquer un texte complètement idiot ; c’est un problème que le Sénat devrait prendre en compte.

Il est vain d’essayer de bricoler ce système comme vous le faites avec ce texte. La preuve en est que vous n’arrivez même pas à respecter pleinement les critères posés par le Conseil constitutionnel puisque l’écart de représentation du premier des vingt arrondissements s’établit encore au-delà de 20 % de la moyenne parisienne. Notre rapporteur, toujours bon ami du ministre, est fier de nous annoncer qu’il est ramené de moins 42,6 % dans le tableau censuré à plus 25,7 %.

M. Roger Madec, rapporteur. C’est mieux !

M. Yves Pozzo di Borgo. Certes, mais la répartition proposée aurait dû également tenir compte de l’impact de projets d’urbanisme majeurs tels que la ZAC des Batignolles dans le XVIIe arrondissement…

M. Pierre Charon. Bien sûr !

M. Yves Pozzo di Borgo. … ou encore l’opération Laennec dans le VIIe arrondissement, arrondissement dont je suis élu, qui vont accueillir énormément d’habitants. Je pense aussi à la restructuration du site de l’Institut national de l’information géographique et forestière, l’IGN, projet datant de 1986 qui va enfin voir le jour. Il n’en a pas été tenu compte. À titre d’exemple, un conseiller a été supprimé dans le VIIe arrondissement. Le texte n’intègre donc pas ces évolutions.

Je passe sur l’aberration totale consistant à appliquer un scrutin proportionnel lorsque deux sièges, voire un seul, sont en jeu. Un amendement défendu à l’époque par le groupe socialiste visait d'ailleurs, en 1982, à passer de deux à trois…

Tout cela n’est pas satisfaisant ; ce n’est pas un travail législatif sérieux ! Vous êtes dans l’obligation de faire adopter une nouvelle répartition par la représentation nationale, mais « obligation » ne signifie pas « précipitation », et cela aurait pu se faire de manière plus sereine et surtout plus visionnaire, avec un consensus général.

Y aurait-il une solution alternative, un moyen de contourner ces difficultés ? Quitte à modifier le système électoral à Paris, on aurait pu le changer complètement et permettre aux Parisiens et aux Parisiennes d’élire directement leur conseil municipal puis leur maire, comme c’est le cas dans la quasi-totalité des villes de France !

Nous observons un paradoxe incroyable : les maires d’arrondissement, qui n’ont aucun pouvoir, sont élus par tous les électeurs du territoire qu’ils administreront à l’échelle inframunicipale de l’arrondissement, alors que le puissant maire de Paris, qui détient tous les pouvoirs, gère près de 8 milliards d’euros de budget, dispose de nombreux adjoints, n’est pas élu par l’ensemble des électeurs parisiens.

Savez-vous que seuls 20 147 Parisiens ont voté pour Jacques Chirac en 1983, sur la liste du Ve arrondissement ?

M. Bruno Sido. Il avait fait le grand chelem !

M. Yves Pozzo di Borgo. Les autres électeurs, comme moi-même dans le VIIe arrondissement, étaient des votants virtuels ! C’est stupide ! M. Delanoë a été élu pour la première fois, en 2001, dans le XVIIIe arrondissement, par 28 722 voix, alors qu’il y a eu 313 075 votants pour les listes de gauche.

Les maires de Paris sont élus par une toute petite proportion de la population parisienne, et ce depuis je ne sais combien d’années, et l’on n’y touche pas, monsieur le ministre ? Il faudra bien poser le problème de cette élection en quelque sorte virtuelle. Vous n’avez pas voulu vous y atteler aujourd'hui parce que vous voulez aller vite et craignez d’approfondir les choses, mais il faudra bien le régler un jour : le maire de Paris, d’une puissance terrible, n’est élu que par très peu de voix !

M. Manuel Valls, ministre. C’est pareil aux États-Unis.

M. Yves Pozzo di Borgo. C’est du vote virtuel !

M. Pierre Charon. C’est vrai !

M. Yves Pozzo di Borgo. Pour finir, je ne peux m’empêcher de dire quelques mots des conditions d’examen de cette proposition de loi.

Le 13 juin 2013, le président Urvoas a déposé une proposition de loi relative à l’élection des conseillers de Paris, qui a été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et examinée en séance publique le mercredi 10 juillet 2013. Puis, après la transmission du texte au Sénat, on nous annonce soudainement qu’on passe d’une proposition de loi « Urvoas » à une proposition de loi « Sueur ». Pourquoi ce changement ?

Vous nous avez expliqué que le délai entre le dépôt de la proposition de loi et la discussion en séance prévu par la Constitution n’avait pas été respecté, pas plus que celui entre la transmission de la proposition de loi et la discussion en séance dans la deuxième assemblée. Évidemment, si le Gouvernement avait engagé la procédure accélérée, il n’y aurait pas eu de difficulté, mais cela n’a pas été fait : le Gouvernement a tout simplement oublié de le faire ! En commission, le président Sueur a été honnête et a admis cet oubli – vous l’avez vous-même reconnu, monsieur le ministre –, mais il a aussi minimisé sa portée. Depuis le début, la proposition de loi « Urvoas » ne respectait pas les délais imposés par l’article 42, alinéa 3, de la Constitution dans le cas d’un examen selon la procédure normale. Cela n’a pas empêché l’Assemblée nationale d’aller au bout de la lecture sans sourciller…

Franchement, un tel amateurisme est vraiment déplorable pour au moins deux raisons. La première, c’est que l’on parle d’un sujet important puisque ce texte comble un vide juridique qui rend en l’état impossible l’élection municipale à Paris, vide juridique apparu, je le rappelle, à l’issue de la décision du Conseil constitutionnel. La deuxième raison, c’est que l’on parle ici de choses simples, basiques, à savoir le respect de délais constitutionnels, dont le non-respect vous a déjà valu, c’est un comble, une censure du Conseil constitutionnel !

Comment et pourquoi en est-on arrivé là ? L’urgence dans laquelle on contraint le Parlement à légiférer depuis plusieurs mois est telle – c’est encore plus vrai pour la commission des lois – que le Gouvernement n’a même plus le temps d’engager l’urgence ! En effet, si le Gouvernement n’avait pas « oublié » d’engager la procédure accélérée, nous n’en serions pas là.

En définitive, cette proposition de loi, plutôt que de proposer une réforme ambitieuse à la hauteur des enjeux, s’inscrit dans une démarche purement tactique à huit mois des élections municipales de Paris, au détriment de l’intérêt général des Parisiens. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI-UC votera unanimement contre ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai transparent et bref.

M. Michel Mercier. Ça promet !

M. Pierre-Yves Collombat. Le RDSE votera ces nouvelles modalités d’élection des conseillers de Paris, avant-dernière étape, ce soir, d’un parcours à surprises.

Surprise, en effet, que la nouveauté de la procédure utilisée : la présentation de la même proposition de loi par deux auteurs différents, à quelques semaines d’intervalle, successivement à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je constate qu’il y a des erreurs fertiles : Christophe Colomb, parti à la recherche des Indes, a trouvé l’Amérique…

Surprise que d’avoir eu besoin du Conseil constitutionnel pour réaliser que ce qui avait été tenu pour inacceptable pour les découpages cantonaux – des écarts démographiques de plus de 20 % par rapport à la moyenne départementale – devait l’être aussi s’agissant de Paris, élection municipale mais aussi départementale.

M. Bruno Sido. Bien sûr !

M. Pierre-Yves Collombat. Ainsi, la loi du 17 mai 2013 retenait-elle un écart à la moyenne de 57 % pour le Ier arrondissement, de 45 % pour le IIe et de 31 % pour le IVe. Je constate que ladite loi a pris moins de gants s’agissant d’assurer une représentation minimale des territoires ruraux, dont la spécificité saute pourtant plus aux yeux que celle du Ier arrondissement de Paris par rapport aux autres arrondissements.

Pourquoi, après tout, puisqu’on était parti pour diviser par deux les cantons de France, ne pas tout simplement réunir le Ier et le IIe arrondissement en un seul ?

M. Bruno Sido. Eh oui, c’était le bon sens !

M. Pierre-Yves Collombat. Cette hypothèse avait d'ailleurs été envisagée, puis écartée, si j’ai bien compris, pour répondre à l’attente des Parisiens : heureux Parisiens dont on tient compte des états d’âme !

Surprise, enfin, qu’il ait fallu trente ans pour réaliser cette mise à jour alors même qu’aucune spécificité d’arrondissement, tel le Ier, ne le justifiait.

Les propositions qui nous sont faites aujourd’hui sont donc tellement frappées au coin du bon sens qu’on se demande pourquoi elles ont mis autant de temps à germer.

C’est pourquoi, comme je l’ai dit, le RDSE votera dans sa très grande majorité ce texte, y compris ses implications quant au nombre de conseillers d’arrondissement ou au mode de désignation des maires d’arrondissement. On peut penser que cela donnera à ces derniers plus de poids démocratique, ce qui n’est pas pour nous déplaire, bien au contraire.

Voilà, j’ai dit l’essentiel. J’ai promis d’être bref et transparent : je fus transparent et bref ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis 1859, Paris est composé de vingt arrondissements, produits de la disparition des anciens villages dont les traces subsistent, quoi qu’on en dise, dans leur sociologie, malgré les transformations urbaines.

Ils sont démocratiquement représentés par un certain nombre d’élus, selon une équation dont la résolution est digne du théorème de Fermat – pardon, du Conseil constitutionnel ! (Sourires.)

La solution de cette équation doit se trouver dans N, ou plutôt dans H, ensemble des entiers humains, puisque nous sommes incapables de diviser un élu en deux – nous nous divisons suffisamment entre nous par ailleurs... (Nouveaux sourires.)

Cette équation, digne du prix Abel, peut s’écrire au minimum avec deux constantes : un nombre de postes de conseillers de Paris fixe, à savoir 163, et une règle d’arrondis intangible, ainsi que trois paramètres : vingt arrondissements ayant des écarts de population importants, l’impossibilité d’une attribution préalable de trois conseillers dans chaque arrondissement et des conseillers toujours entiers.

Même sans être sorti de Polytechnique, il semble évident que, quelle que soit la méthode de calcul, certains arrondissements seront favorisés et d’autres défavorisés, sauf à accepter de ne pas résoudre cette équation dans H, mais dans R privé de Q, l’ensemble des irrationnels, …

M. Bruno Sido. Des nombres irrationnels !

Mme Hélène Lipietz. … plus précisément des nombres irrationnels, car les élections, bien entendu, sont toujours rationnelles.

Si l’on prend l’exemple du XVe arrondissement, selon l’emplacement des parenthèses – non électorales, cette fois –, on pourrait avoir dix-sept ou dix-huit conseillers, soit une différence de 5 à 6 %, ce qui représente un bras plus ou moins long.

Tout est différent pour les quatre premiers arrondissements, nettement moins peuplés : le nombre de conseillers peut y passer du simple au double, c’est-à-dire d’un à deux, soit un homme entier ou une femme entière, ce qui fait une différence notable. En considérant l’écart à la moyenne, disproportionné dans les petits arrondissements, nous dressons un constat objectif. En outre, il convient de souligner que ces arrondissements de moins de trois conseillers n’auront, de fait, aucune possibilité de représentation de l’opposition, ce qui est fort peu démocratique.

Un correctif pourrait être appliqué en attribuant une constante d’un conseiller pour les IIe et IIIe arrondissements. Mais dans ce cas, à nombre de conseillers de Paris intangible, il serait nécessaire de supprimer ces deux postes dans d’autres arrondissements. Ce seraient les arrondissements servis en dernier dans la procédure d’attribution à la plus forte moyenne qui perdraient un conseiller, en l’occurrence les XIIe et XXe arrondissements. On ne toucherait évidemment pas au Ier arrondissement, car celui-ci serait plus favorisé avec l’ajout d’un conseiller que défavorisé par son absence.

Dans la vie courante, nous avons l’habitude d’arrondir les résultats des opérations non électorales à l’unité la plus proche, inférieure ou supérieure. Cela nous donne une autre possibilité de correctif : si l’on applique cette méthode de simple calcul d’arrondi à notre problème électoral, il se trouverait – miracle ! – que la population actuelle de Paris permettrait de compenser les arrondis négatifs par les arrondis positifs.

Bien entendu, cette présentation tend vers les mêmes résultats que les corrections effectuées dans cette proposition de loi. Elle a toutefois deux mérites : tout d’abord, celui de constituer un calcul strict, sans considération des arrondissements, excluant ainsi les soupçons de calculs politiciens,…

Mme Hélène Lipietz. … et ensuite, celui de faire en sorte que les écarts à la moyenne des deux arrondissements en jeu – les XIIe et XVe arrondissements – soient moindres, certes de peu, mais tout de même, donc plus justes.

Il faut noter que la répartition proposée entraînera des difficultés pour les petits arrondissements, c’est-à-dire les Ier, IIe et IVe arrondissements : le préalable du nombre de conseillers d’arrondissements et de maires adjoints étant une constante, comme je l’ai posé en préalable, si vous vous en souvenez, cela entraîne une perte d’un adjoint et de deux ou trois conseillers d’arrondissement, alors que le travail qui leur incombe est toujours fixe. Le résultat revient donc soit à une surcharge de travail pour les autres, soit à l’abandon de certains domaines.

De même, le refus de toucher à une coutume intangible, qui devient ainsi la seconde constante de l’équation, est encore plus à la source de nos problèmes : je veux parler de la plus forte moyenne, clef de répartition historique tant à Paris qu’à Lyon et Marseille. Il faudra un jour reprendre ce paramètre pour que les inconnues s’y retrouvent. Bien qu’il soit plus juste mathématiquement, ce nouveau mode de calcul ne l’est pas totalement.

À l’heure de la mondialisation, de l’européanisation, de la recherche de partage des équipements communs, en particulier dans les quatre premiers arrondissements de Paris, ces querelles de représentation, dont on a du mal à distinguer les véritables enjeux pour les Parisiens, ressemblent quelque peu à des querelles de clocher, sinon de minaret...

Toutefois, le vrai problème, c’est que tout changement dans la répartition des élus à la veille d’une élection – on vient encore de l’entendre – est interprété par les uns ou par les autres comme un calcul destiné à récupérer plus de sièges que ne le permet le mode de répartition en vigueur.

Il semble donc indispensable de remettre à plat cette question une fois les prochaines élections passées, lorsque les esprits seront moins échauffés. Il conviendra, notamment, de reprendre les constantes applicables.

En attendant, même si cette proposition de loi emprunte plus aux comptes d’apothicaire qu’aux contes de fées, les écologistes voteront ce texte, solution approximative à la quadrature du cercle vertueux de la démographie élective. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – M. le président de la commission des lois applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Kaltenbach.

M. Philippe Kaltenbach. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir tardivement pour tenir compte de la décision rendue le 16 mai dernier par le Conseil constitutionnel, qui a censuré l’article 30 de la loi relative aux conseillers départementaux, aux conseillers municipaux et aux conseillers communautaires, et modifiant le code électoral.

Le tableau n° 2 annexé au code électoral qui fixe la répartition par secteurs des conseillers de Paris a été censuré dans son intégralité, aussi bien dans sa version déférée que dans sa version initiale, introduite par la loi dite « PLM » de 1982. M. Charon, malicieusement, a fait remarquer que le Conseil constitutionnel était sans doute allé plus loin que ne l’aurait souhaité l’opposition : c’est ce que l’on appelle « l’effet boomerang » ! En effet, chers collègues de l’opposition, vous vous seriez sûrement satisfaits du maintien du tableau de la loi PLM.

M. Pierre Charon. Vous aimez beaucoup le Conseil constitutionnel en ce moment ! Cela n’a pourtant pas toujours été le cas.

M. Philippe Kaltenbach. Las, aujourd’hui, nous sommes amenés à le modifier plus profondément. Et il y a urgence,…

M. Pierre Charon. Surtout dans les Hauts-de-Seine !

M. Philippe Kaltenbach. … car les municipales de mars 2014 approchent. À huit mois de cette échéance, il nous fallait réagir rapidement, en gardant à l’esprit l’objectif du Gouvernement d’assurer l’égalité devant le suffrage.

L’article censuré proposait une nouvelle organisation pour les sièges des conseillers de Paris, dont la répartition n’avait fait l’objet d’aucune modification depuis bientôt trente et un ans. Le Gouvernement, dans sa grande sagesse, avait donc souhaité, à l’occasion de ce projet de loi, prendre en compte les nombreuses et importantes évolutions démographiques intervenues depuis 1982 dans la capitale.

Je crois devoir insister sur ce point, mes chers collègues : la question qui se pose est toujours celle de savoir comment assurer l’égalité des citoyens devant le suffrage. Tous les textes relatifs au mode de scrutin récemment soumis à l’examen du Sénat visaient cet objectif, notamment le projet de loi relatif aux conseillers départementaux, aux conseillers municipaux et aux conseillers communautaires, et modifiant le code électoral.

Le redécoupage des cantons induit par l’introduction du scrutin binominal va en effet permettre de réduire les écarts de population très importants existant entre des territoires dont les frontières, souvent, n’ont pas évolué depuis plus de deux siècles. À cet égard, le record était détenu par le département de l’Hérault, dans lequel le rapport des conseillers généraux pouvait aller d’un à quarante-quatre suivant le canton où se déroulait l’élection.

Le même objectif a prévalu pour l’élaboration du projet de loi relatif à l’élection des sénateurs, dont j’avais eu l’honneur d’être désigné rapporteur par la commission des lois : afin d’assurer une meilleure représentation des zones urbaines au sein de la Haute Assemblée, nous avons abaissé de 1 000 à 800 le seuil déclenchant la désignation d’un délégué supplémentaire dans les villes de plus de 30 000 habitants.

Pour mémoire, actuellement, plus des deux tiers des délégués des conseils municipaux représentent des communes de moins de 10 000 habitants, alors que celles-ci ne regroupent que la moitié de la population.

Vous constaterez, à travers ces exemples, que la volonté du Gouvernement et des parlementaires socialistes est bien de favoriser l’égalité des citoyens devant le suffrage. Cet objectif se trouve au cœur de l’ensemble des réformes proposées.

Face à ces modifications, l’opposition s’est empressée de parler de « tripatouillage » électoral. Dans une lettre d’information, un sénateur de l’opposition, M. Jean-Léonce Dupont, est même allé jusqu’à parler de « choc de tripatouillage » ! Nous n’avons pourtant eu de cesse de défendre dans l’hémicycle cette nécessaire égalité devant le suffrage, face à une opposition qui faisait mine d’ignorer l’existence d’une jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point.

Les socialistes ne nient pas l’importance d’offrir une représentation suffisante et une voix pour se faire entendre à chacun de nos territoires, bien au contraire. Cette préoccupation est autant la vôtre que la nôtre, chers collègues, mais il faut trouver un équilibre permettant de tenir compte des territoires comme des populations. Et cet équilibre, le Conseil constitutionnel l’a énoncé dans sa jurisprudence.

Que vous ayez saisi les juges et que ces derniers, au regard de vos motivations, vous aient largement désavoués doit nous conduire à nous interroger sur l’opportunité de saisir la haute juridiction et, ensuite, de tenir compte de ses jugements. Les choses sont maintenant claires : des écarts importants dans la représentation des citoyens ne sont plus tolérés. Le Conseil constitutionnel a souhaité réaffirmer sa jurisprudence, se posant désormais en gardien de l’égalité devant le suffrage dans toutes les circonscriptions.

Vous nous aviez reproché d’aller trop loin dans notre réforme, qui visait à réduire ces écarts, souvent devenus parfaitement excessifs. Or votre saisine a conduit le Conseil constitutionnel à affirmer que nous n’avions pas été assez loin !

C’est pourquoi nous proposons aujourd’hui cette nouvelle modification du mode d’élection des conseillers de Paris, qui vise à tirer les conséquences de la décision du 16 mai dernier, sans toutefois apporter de modifications aux autres paramètres du scrutin. En effet, tout le monde convient qu’il faut maintenir le nombre de conseillers de Paris à 163, ainsi que leur élection par arrondissements.

Le seuil de trois conseillers par arrondissement vient donc à disparaître, et l’élection s’effectuera désormais à la proportionnelle dans tous les arrondissements, avec un mécanisme de correction démographique.

Mes chers collègues, la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière électorale, qui impose le principe de l’égalité démographique, est de plus en plus exigeante. L’opposition vient de l’apprendre à ses dépens : si nous pouvons être amenés à regretter le caractère contraignant de ce principe, encore faudrait-il ne pas formuler de recours conduisant le Conseil constitutionnel à le rappeler dans toute sa rigueur.

J’ai bien entendu les arguments avancés par l’UMP et les centristes visant à modifier complètement l’élection des membres du conseil de Paris. Sans doute faut-il rappeler que le Conseil constitutionnel n’a jamais demandé la suppression du vote par arrondissements…

M. Philippe Kaltenbach. … et qu’il a censuré seulement la représentation minimale de trois conseillers de Paris par arrondissement, qu’il avait, certes, validée en 1982. Sa décision ne remet pas en cause l’existence des arrondissements, ni des sections électorales.

De même, il est faux de dire que les électeurs parisiens sont les seuls à ne pas élire directement leur maire. Dans toutes les communes de France, les électeurs votent pour des conseillers municipaux qui, ensuite, élisent le maire au sein du conseil municipal. Il est vrai qu’à Paris, Lyon et Marseille la taille des communes a conduit à un système électoral permettant d’élire simultanément les élus au conseil municipal et au conseil d’arrondissement ensuite chargés des compétences de proximité.

Vous proposez de ne supprimer ce vote par arrondissement que pour Paris. Pourquoi cette ville et non Lyon et Marseille ? Y aurait-il dans la loi PLM deux sous-groupes, la capitale et celui qui est formé par Lyon et Marseille ? Pourquoi n’avez-vous pas engagé une telle réforme durant les dix années au cours desquelles vous disposiez d’une majorité à l’Assemblée nationale ?

M. Pierre Charon. Sur ce point, vous avez raison.

M. Philippe Kaltenbach. Bernard Debré, éminent député parisien, avait d’ailleurs déposé une proposition de loi allant dans le sens de vos amendements actuels le 18 juillet 2007. Pourquoi vouloir aujourd’hui changer en profondeur la règle du jeu électoral, à quelques mois seulement des élections municipales ?

Vous avez parlé de tripatouillage et de manipulation. Pour ma part, j’ai envie de vous renvoyer à votre miroir : les amendements que vous défendez, messieurs Charon et Pozzo di Borgo, ne sont en fait qu’une ficelle politicienne, un signe de fébrilité. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Pierre Charon. Vous savez de quoi vous parlez !

M. Philippe Kaltenbach. Vous êtes aujourd’hui en difficulté à Paris. Vous sentez bien que l’élection municipale qui s’annonce va complètement échapper à la droite, à l’UMP comme aux centristes.

M. Yves Pozzo di Borgo. Attention à vos propos !

M. Philippe Kaltenbach. Dès lors, vous nous proposez de revoir complètement le mode de scrutin.

Vous éprouvez des difficultés dans de nombreux arrondissements parisiens. (M. Pierre Charon proteste.) Pour les contourner, vous proposez la suppression des arrondissements de Paris, rien de moins ! La ficelle est un peu grosse, mes chers collègues.

Voilà trente et un ans que ce système électoral existe. Il faudra peut-être songer à le changer un jour, mais, à huit mois des élections municipales, il suffit de le corriger. C’est le sens de cette proposition de loi, qui vise à tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Élaborer un nouveau mode de scrutin, taillé sur mesure pour une candidate en difficulté à Paris et qui a bien du mal à réussir son parachutage de l’Essonne vers la capitale (M. Pierre Charon s’exclame.) ne peut être à l’ordre du jour.

Le groupe socialiste votera donc cette excellente proposition de loi déposée par le président de la commission des lois,…

M. Pierre Charon. Lui-même excellent ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Kaltenbach. … qui permettra de prendre en compte la décision du Conseil constitutionnel. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre. Je tenais à remercier les orateurs de la majorité du soutien qu’ils ont apporté à ce texte.

Monsieur Laurent, vous souhaitiez cette actualisation depuis longtemps : elle arrive enfin. Les éléments démographiques méritaient également d’être rappelés. Je vous remercie de votre soutien.

Je salue également M. Collombat. J’apprécie tout particulièrement, en présence de Jacques Mézard, la valeur de l’appui que nous apporte le groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Vous pouvez ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je l’engrange !

M. Jacques Mézard. Ce qui est rare est cher !

M. Michel Mercier. À mon avis, cela ne va pas durer longtemps ! (Nouveaux sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Madame Lipietz, je vous remercie de la pédagogie dont vous avez fait preuve pour expliquer les dispositions du texte.

Je remercie aussi M. Kaltenbach, qui a rappelé, au nom du groupe socialiste, le processus qui a mené à ce texte. En tant que rapporteur du projet de loi sur les élections locales, vous en connaissez parfaitement l’origine, monsieur le sénateur.

Quant à vous, monsieur Charon, je vous remercie de la franchise de vos propos sur la décision du Conseil constitutionnel. J’ai également adopté un langage de vérité, tout comme Jean-Pierre Sueur. Toutefois, ne parlez pas d’« arbitraire », puisque l’élection se fera bien selon un mode de scrutin municipal proportionnel, et dans la transparence.

Vous pouvez très bien être attaché à l’idée de circonscription unique – cela se discute. Mais alors, pourquoi les gouvernements en place entre 2002 et 2012 ne l’ont-ils jamais proposée ?

M. Pierre Charon. C’est vrai.

M. Manuel Valls, ministre. De plus, reconnaissons-le, bouleverser totalement un système auquel les Parisiens sont attachés et qu’ils connaissent depuis un certain temps à quelques mois seulement des élections municipales serait prendre un autre risque, à mon sens beaucoup plus élevé.

J’en viens à votre intervention, monsieur Pozzo di Borgo. De grâce, ne vous affligez pas trop ! Ne vous fustigez pas vous-même !

M. Michel Mercier. Il est centriste ! (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. Je n’osais pas le dire, monsieur Mercier. Il y a, dit-on, une forme de masochisme chez les centristes… (Nouveaux sourires.)

Ce système que vous qualifiez de « stupide » vous a tout de même permis d’être élu pendant un certain temps, sans que vous jugiez bon de le changer.

Je vous rassure, monsieur Pozzo di Borgo, monsieur Charon, ce système n’est pas stupide. L’organisation de la capitale en arrondissements est même logique.

Vous avez rappelé que Bertrand Delanoë avait été élu sans majorité en 2001.

M. Pierre Charon. C’est exact !

M. Manuel Valls, ministre. Vous oubliez simplement de dire qu’il a, par la suite, bénéficié d’une majorité.

Je pourrais également vous renvoyer à un exemple d’une autre nature. Le président des États-Unis n’est pas élu au suffrage direct : son élection passe par celle des grands électeurs. Il peut même être élu avec une minorité de voix et une majorité de grands électeurs.

M. Pierre Charon. C’est vrai !

M. Manuel Valls, ministre. En France, le maire – j’ai exercé cette fonction – n’est pas non plus élu au suffrage direct. Il est, de fait, désigné par le conseil municipal, même si, je le reconnais, rares sont les cas où ce dernier n’a pas choisi comme maire le candidat tête de liste.

M. Pierre-Yves Collombat. Cela peut arriver.

M. Manuel Valls, ministre. Il en va de même à Paris. Les électeurs votent par arrondissement, mais il y a bien une tête de liste. (M. Yves Pozzo di Borgo proteste.) Cela compte ! Je reprendrai l’exemple que vous avez utilisé, monsieur Pozzo di Borgo. En 2001, si les électeurs ont bien voté arrondissement par arrondissement, ils ont surtout fait un choix clair entre MM. Tiberi, Séguin et Delanoë !

Ce système est aussi le fruit d’une particularité. Paris est une très grande ville, avec ses arrondissements du centre, de l’ouest, ou encore les quartiers populaires de l’est. Cette diversité est bien réelle. On peut toujours réfléchir à un autre système, mais taxer celui qui existe de « stupide » n’a pas beaucoup de sens. Nous avons seulement profité de la censure du Conseil constitutionnel pour l’ajuster.

Nous n’avions, depuis le début, qu’un seul souhait : préserver l’élection de trois conseillers de Paris par arrondissement. Nous aurions peut-être dû nous y prendre autrement et commencer par le texte qui vous est présenté ce soir. C’est par ces méandres relativement sinueux, et finalement si parisiens, que nous arrivons à ce résultat.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Article 2 (Texte non modifié par la commission)

Article 1er

(Non modifié)

Le tableau n° 2 annexé au code électoral est ainsi rédigé :

Désignation des secteurs

Arrondissements constituant les secteurs

Nombre de sièges

1er secteur

1er

1

2e secteur

2e

2

3e secteur

3e

3

4e secteur

4e

2

5e secteur

5e

4

6e secteur

6e

3

7e secteur

7e

4

8e secteur

8e

3

9e secteur

9e

4

10e secteur

10e

7

11e secteur

11e

11

12e secteur

12e

10

13e secteur

13e

13

14e secteur

14e

10

15e secteur

15e

18

16e secteur

16e

13

17e secteur

17e

12

18e secteur

18e

15

19e secteur

19e

14

20e secteur

20e

14

Total

163

M. le président. La parole est à M. David Assouline, sur l’article.

M. David Assouline. J’anticipe les débats, nécessairement brefs, qui vont avoir lieu sur les amendements déposés et sur la controverse qu’ils ont fait naître, dont nous avons eu un aperçu dans la discussion générale. Mon intervention se propose de défendre l’article 1er et, plus globalement, la présente proposition de loi. À mon sens, en effet, celle-ci est absolument nécessaire.

Disons-le, les réactions de l’opposition ne sont ni tout à fait justes ni parfaitement franches. L’ajustement proposé s’explique par les évolutions démographiques, ainsi que par une volonté de maintenir les équilibres voulus par le législateur dès 1982, aussi bien pour ce qui a trait à la représentation des arrondissements que pour le recours à la proportionnelle à la plus forte moyenne. Cet ajustement, donc, est le fruit de la nécessité.

Cette nécessité, d’ailleurs, est non seulement technique, mais aussi démocratique. Il s’agit de perpétuer un principe simple, même quand l’organisation territoriale est complexe : « Un homme – ou une femme –, une voix ». Cette voix doit peser du même poids, quel que soit l’endroit où cet homme – ou cette femme – habite à Paris.

Il était nécessaire de bouger. Cette modification n’aurait donc pas dû porter à polémique. S’il n’y avait pas eu d’arrière-pensées politiques, un consensus presque total aurait pu se dégager au Sénat. Je constate, d’ailleurs, que personne n’a remis en cause ce même système pour Lyon et Marseille, ni soutenu qu’il était « absurde ». Les mots désagréables prononcés ce soir n’ont pas été entendus pour ce qui concerne ces villes.

Le Conseil constitutionnel a sanctionné une partie du précédent projet de loi sur le sujet. Vous ne pouvez pas, sur cette base, faire le procès du Gouvernement ou de la majorité. M. le ministre l’a rappelé, l’idée était de préserver l’élection de trois conseillers de Paris par arrondissement – c’est le cas depuis 1982 –, y compris dans les plus petits d’entre eux, parmi lesquels figure, d’ailleurs, le Ier arrondissement, détenu depuis longtemps par M. Legaret. Il a donc fallu introduire une légère correction pour ces territoires.

Ce souci n’est pas nouveau : on le voit aussi à l’œuvre, par exemple, pour les élections sénatoriales, où l’on tente de concilier les exigences démographiques avec l’exigence de représentation des territoires, même quand ils ont peu d’habitants. Cette intention était louable ; vous auriez pu l’applaudir. Ne l’avez-vous pas toujours fait, d’ailleurs ? Cette situation existe depuis 1982, et vous n’avez rien changé, alors que vous avez été plusieurs fois au pouvoir.

Vous vous saisissez donc de ce sujet parce que les élections ont lieu dans un an. Vous considérez qu’il faut faire de Paris une sorte de grande circonscription, au sein de laquelle une vaste bagarre éclaterait, menée par celle qui devait sauver la droite, essentiellement, d’ailleurs, grâce à sa notoriété ; elle ne peut pas, en effet, faire valoir pour ce faire son implantation et sa connaissance des dossiers parisiens…

Votre volonté est donc d’adapter la circonscription au profil de votre candidate. Toutefois, ce n’est pas comme cela que cela se passe, chers collègues ! À Paris, il y a des forces politiques, des associations, dont l’histoire se confond avec celle des arrondissements. Elles ont, même dans la capitale, un rapport de proximité avec les habitants. On croit que le sort de la ville se joue dans les journaux. Non, il se décide dans les cages d’escalier, sur les marchés, dans la vie quotidienne. La bataille, mes chers collègues, ne se gagne pas avec des parachutes !

Le système de la circonscription unique est la seule chose que vous nous opposez. De grâce, un peu de sérieux ! Imaginez un système dans lequel, pour cinquante élus, les quarante premiers de liste seraient tous habitants du XVIe arrondissement, par exemple. Quelle belle représentation de Paris ! Elle serait, selon vous, fort démocratique. L’exemple vaudrait aussi avec des habitants du XXe arrondissement, où j’habite, mais ce n’est pas le système que je propose, alors même que j’en connais d’avance le résultat. La représentation de l’ensemble des arrondissements doit donc toujours être possible.

M. le ministre a raison, toutes les villes de France élisent leur maire via leur conseil municipal. Cela paraîtrait incongru de ne pas élire celui qui était premier de liste. Donc, cela n’arrive pas.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Cela arrive, pourtant !

M. David Assouline. À Paris, il paraîtrait complètement déplacé d’élire une autre personne que la tête de liste, qui a mené la bataille électorale, qui est de la même tendance politique et qui peut avoir une majorité derrière lui. Ce serait un hold-up démocratique que personne n’oserait faire, pas plus à Paris qu’ailleurs.

La cause est donc entendue : des raisons uniquement politiciennes, s’expliquant par la proximité des élections, vous poussent à entretenir ce débat. Toutefois, le procès en charcutage ne tient pas.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. David Assouline. Quand vous étiez au pouvoir, quand vous dirigiez la ville de Paris comme le pays, vous avez toujours validé le système de la proportionnelle et de la représentation des arrondissements. Aucun d’entre vous ne s’est élevé pour dire qu’il n’était ni démocratique ni représentatif. (Mmes Bariza Khiari et Mme Hélène Lipietz, ainsi que M. Philippe Kaltenbach applaudissent.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 1 est présenté par M. Charon.

L’amendement n° 3 est présenté par M. Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code électoral est ainsi modifié :

1° L’article L. 261 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du conseil de Paris et » sont supprimés ;

b) À la seconde phrase du même alinéa, la référence : « 2, » est supprimée ;

2° Le tableau n° 2 annexé est abrogé ;

3° Après l’article L. 272-1, il est inséré une section ainsi rédigée :

« Section 1 : Dispositions particulières applicables à Paris

« Art. L. 272-1-1. – La commune forme une circonscription électorale unique pour l’élection des membres du conseil de Paris, qui comprend 163 membres. Les conseillers d’arrondissement sont élus par arrondissement.

« Art. L. 272-1-2. – Pour être complète, une liste doit comprendre autant de candidats qu’il y a à pourvoir de sièges de membres du conseil de Paris et, par arrondissement, de sièges de conseiller d’arrondissement.

« Art. L. 272-1-3. – Est interdit l’enregistrement d’une déclaration de candidature ne répondant pas aux dispositions de l’article L. 272-1-2.

« Art. L. 272-1-4. – Le candidat venant sur une liste immédiatement après le dernier élu conseiller d’arrondissement est appelé à remplacer le conseiller d’arrondissement élu sur cette liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit. La constatation par la juridiction administrative de l’inéligibilité d’un ou plusieurs candidats n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l’élection du ou des suivants de liste.

« Lorsque dans un arrondissement, les dispositions du premier alinéa ne peuvent plus être appliquées, et si le conseil d’arrondissement a perdu le tiers de ses membres, il est, dans un délai de deux mois à dater de la dernière vacance, procédé au renouvellement intégral du conseil d’arrondissement. » ;

4° Les articles L. 272-2 à L. 272-6 deviennent la section 2 intitulée « Dispositions applicables à Lyon et à Marseille » ;

5° À l’article L. 272-3, aux première et seconde phrases de l’article L. 272-5, par deux fois au premier alinéa et au dernier alinéa de l’article L. 272-6, les mots : « du conseil de Paris ou » sont supprimés ;

6° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 272-6, les mots : « le conseiller de Paris ou » sont supprimés.

II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 2511-8, il est inséré un article L. 2511-8-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2511-8-1. – Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux conseils d’arrondissement de Paris, sous réserve des dispositions du présent article. Le nombre des conseillers d’arrondissement est déterminé par le tableau du nombre de sièges par arrondissement pour l’élection des conseillers d’arrondissement de Paris annexé au présent code. » ;

2° Après l’annexe I, est insérée une annexe II ainsi rédigée :

« Annexe II

« Tableau du nombre de sièges par arrondissement pour l’élection des conseillers d’arrondissement de Paris

Arrondissement

Nombre de sièges de conseillers d’arrondissement

1er

10

2e

10

3e

10

4e

10

5e

10

6e

10

7e

10

8e

10

9e

10

10e

12

11e

22

12e

20

13e

26

14e

20

15e

34

16e

26

17e

26

18e

28

19e

24

20e

26

Total

354

3° Après l’article L. 2511-25-1, il est inséré un article L. 2511-25-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 2511-25-2. – Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux conseils d’arrondissement de Paris, sous réserve des dispositions du présent article.

« Le maire d’arrondissement est élu parmi les conseillers d’arrondissement.

« L’élection du maire d’arrondissement qui suit le renouvellement général du conseil de Paris a lieu concomitamment à celle du maire de la commune.

« Les adjoints au maire d’arrondissement sont désignés parmi les conseillers d’arrondissement. »

La parole est à M. Pierre Charon, pour présenter l'amendement n° 1.

M. Pierre Charon. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l’amendement n° 3.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement a été défendu.

Je tiens simplement à dire quelques mots à M. Laurent. Dans cet hémicycle, cher collègue, vous êtes le représentant de la Commune de Paris. Ce sont les Versaillais qui l’ont supprimée. Pourtant, la loi de 1975, qui donne un maire à Paris, a été adoptée grâce à la droite versaillaise et à Valéry Giscard d’Estaing.

Depuis lors, cependant, le maire n’est toujours pas élu par les habitants de Paris. M. Assouline prétend qu’il s’agit d’un scrutin de liste, comme dans toutes les autres villes. Les habitants d’une commune comme Montpellier ou Colmar se prononcent pour une liste, en tête de laquelle figure le nom de celui qui sera leur maire, même si, formellement, ce sont les conseillers municipaux qui élisent ce dernier. Il n’empêche, l’électeur de Colmar ou de Montpellier aura bien voté pour son maire.

À Paris, en revanche, tel n’est pas le cas. Monsieur Laurent, vous êtes le représentant de la Commune de Paris et du courant de pensée qui s’en inspire. Vous devriez donc soutenir le présent amendement, qui tend à rendre aux Parisiens la possibilité d’élire leur maire ! (M. Pierre Charon applaudit.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roger Madec, rapporteur. Comme je l’ai indiqué à la tribune, et comme l’a fort bien rappelé M. le ministre, on ne bouleverse pas un système électoral à huit mois du scrutin. En outre, ce sont de faux arguments qui sont mis en avant : aucune commune de France n’élit son maire au suffrage universel.

J’ai été candidat tête de liste d’arrondissement à Paris à quatre reprises. J’ai la modestie de penser que le candidat affiché à la mairie de Paris issu de mon camp politique a apporté sa notoriété à cette liste et que les jeux étaient faits d’avance.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Monsieur Pozzo di Borgo, quand on est centriste et que l’on se revendique de ce courant de pensée, on a, vous avez raison, deux références : la première est Valéry Giscard d’Estaing, certes. Toutefois, la seconde est Jean-Claude Gaudin (Exclamations sur les travées de l'UDI-UC.), qui, même s’il a évolué par la suite, a joué un rôle important au centre.

M. Michel Mercier. Il est à l’UMP !

M. Manuel Valls, ministre. Il était auparavant à l’UDF, et il a joué un rôle très important car, en 1987, en tant que maire de Marseille, il a présidé, avec, j’imagine, une certaine influence sur le gouvernement de l’époque, au redécoupage de cette ville. Or il ne lui est pas venu à l’idée d’anticiper ce projet de très grande qualité que vous présentez avec conviction.

M. Assouline le rappelait, trois villes sont organisées ainsi, certaines avec des arrondissements, d’autres avec des secteurs. On peut en débattre, mais elles présentent toutes cette spécificité.

Je ne dis pas que l’on ne pourra pas un jour reprendre à nouveau ce débat devant l’Assemblée ou le Sénat. Toutefois, à quelques mois des élections municipales, il faut s’en tenir à ces éléments démographiques et ne pas fustiger le système. Vous ne ferez croire à personne que les Parisiens, les Marseillais ou les Lyonnais ne savent pas pour quel conseil municipal ils votent. Cela a forcément des conséquences sur le vote dans chaque arrondissement, d'ailleurs. Nous le voyons bien, aujourd'hui, dans la préparation des élections municipales de Paris.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Chers collègues de l’opposition, je suis surprise par ces amendements identiques : d’un côté, vous nous reprochez de vouloir modifier les règles du jeu, alors que nous ne faisons qu’adapter le mode de scrutin à la démographie parisienne, qui a bien changé en quelques décennies ; de l’autre, vous proposez un amendement qui, pour le coup, tend à opérer une réelle mutation des conditions d’élection du conseil de Paris.

À moins d’un an des élections, vous voulez changer en profondeur les règles du jeu. La Parisienne que je suis tient cependant à s’inscrire en faux par rapport à ce qui constitue une négation des arrondissements. Le système actuel, vous le jugez complexe aujourd’hui, mais vous ne teniez pas le même discours hier ou avant-hier. On peut s’interroger !

Les Parisiens, je le rappelle, sont attachés à leur arrondissement et à sa juste représentation. Il me semble donc problématique de vouloir remettre en question le mode de scrutin, tel que vous le souhaitez, à si brève échéance des élections.

Néanmoins, je comprends bien, chers collègues, que vous relayez une revendication de la candidate maire de Longjumeau, parachutée à Paris, qui souhaiterait se faire élire sur ses trois initiales, sur sa notoriété, comme l’a dit David Assouline, comme une marque finalement !

M. Michel Mercier. Quelle leçon de parachute !

Mme Bariza Khiari. Or Paris est une ville complexe, qu’il faut bien connaître et dont il est nécessaire de saisir la spécificité. Les Parisiens revendiquent avant tout la proximité et souhaitent voter pour ceux qu’ils connaissent et s’occupent d’eux.

M. Pierre Charon. Pour ma part, j’y suis né !

Mme Bariza Khiari. Le mode de scrutin actuel n’est pas récent, puisqu’il a même permis l’alternance en 2001. La victoire ne repose nullement sur une arithmétique quelconque, mais se fonde sur l’adéquation entre un candidat, un projet et une aspiration populaire.

On prend le scrutin tel qu’il est et l’on fait en sorte de convaincre les Parisiens de soutenir le mouvement. C’est ce qui s’est passé en 2001 et lors du scrutin suivant. Aussi, chers collègues, ne venez pas mettre un échec possible sur le compte d’un mode de scrutin qui est suffisamment ancien pour avoir fait la preuve de son efficacité et de sa pertinence. Les Parisiens ne comprendraient pas que l’on change profondément les règles du jeu en cours de partie. Ce sont les mêmes. Simplement, elles prennent mieux en compte la démographie de la capitale, ce qui n’est que justice.

En conséquence, le groupe socialiste ne votera pas les amendements visant à créer une circonscription unique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

M. Pierre Laurent. Nous allons voter contre ces amendements identiques, mais je ferai deux remarques au préalable.

Tout d’abord, prétendre que le maire de Paris n’est pas élu par les Parisiens n’a pas beaucoup de sens.

M. Pierre Laurent. Je n’évoquerai même pas les autres communes. Parlons seulement du système parisien : chaque Parisien qui vote aux élections municipales en soutenant sa liste d’arrondissement sait parfaitement pour qui il se prononce.

Je connais bien Paris, une ville où je suis né et où je vis depuis toujours. Prétendre que ses habitants ne savent pas qu’ils auront à choisir, lors de la prochaine élection, entre Anne Hidalgo et d’autres candidats est parfaitement ridicule. Aucun Parisien, aucune Parisienne ne peut prendre au sérieux un tel argument.

Par ailleurs, monsieur Pozzo di Borgo, vous évoquez la Commune de Paris qui, effectivement, m’est chère. À la suite de cet épisode, vous avez raison, les Parisiens ont été punis par la droite versaillaise et ses héritiers, puisqu’il n’y a plus eu de maire de Paris durant quasiment un siècle, et ce afin de faire payer à la population de la ville ses traditions progressistes et révolutionnaires.

Je vous suis reconnaissant d’avoir évoqué cette tradition, puisque l’une des originalités de Paris est précisément que les communistes, qui en sont les héritiers, y disposent d’une représentation importante, ce qui n’est pas le cas dans beaucoup de capitales du monde. C’est donc un élément qui m’importe beaucoup.

Toutefois, vous semblez mal connaître la tradition communarde, car, s’il est une chose qui lui est bien étrangère, c’est l’obsession de la personnalisation.

Mme Bariza Khiari. C’est juste !

M. Pierre Laurent. Je rappellerai une seule des mesures auxquelles tenaient les Communards, à savoir la révocabilité des élus, qui est l’exact contraire de la personnalisation actuelle de la vie politique.

En ce qui concerne Paris, nous avons toujours allié deux conceptions d’un même mouvement : nous sommes attachés à la fois à l’unicité de cette commune et au développement de la démocratie de proximité. La ville repose sur ces deux piliers. Elle est en même temps une grande capitale – de ce point de vue, nous tenons à son unicité – et une commune proche de la vie de ses habitants, grâce aux mairies d’arrondissement auxquelles les Parisiens sont extrêmement attachés – je le répète, car vous semblez l’ignorer.

À l’époque de la Commune, on parlait plus de quartiers que d’arrondissements, et ils comptaient beaucoup. C’était le cas de Belleville et de Ménilmontant, pour ne parler que de ceux que je connais le mieux, puisque ce sont les miens. Toutefois, nous pourrions en évoquer bien d’autres, dans le XIIIe ou le XVIIIe arrondissement. Peut-être que cela ne se voit pas de loin, mais les Parisiens sont profondément attachés à la vie de village qui existe dans leurs quartiers.

Si nous voulons garder Paris et développer son âme dans ce qu’elle a de meilleur, nous devons donc préserver l’unité de la ville tout en maintenant cet enracinement de proximité dans les quartiers. Par conséquent, si nous devions, à l’avenir, penser des évolutions – nous pouvons en effet imaginer faire évoluer la vie démocratique parisienne –, plutôt que d’aller dans le sens que vous souhaitez, je proposerai de renforcer encore le pouvoir des maires d’arrondissement.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je suis d'accord.

M. Pierre Laurent. En effet, vous avez dit une chose vraie, mon cher collègue : le maire de Paris a beaucoup de pouvoir, les maires d’arrondissement en ont peu.

M. Pierre Laurent. Un meilleur équilibre ne nuirait pas à l’unité de la ville. Au contraire, il permettrait de développer la vie démocratique et la proximité avec les Parisiens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mme Bariza Khiari applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Naturellement, je soutiendrai ces amendements identiques, en toute solidarité, et bien que je sois de province. À cet égard, il est positif qu’il y ait dans cet hémicycle un certain nombre de collègues de province, car il est toujours intéressant de relativiser.

On dit que la ville de Paris est la plus belle capitale du monde, et les vocations ne manquent pas pour faire partie du conseil de Paris, ce qui se comprend et qui est tout à fait légitime. Pour les collègues qui représentent de petites communes, la situation est très différente. D’un territoire à l’autre, on passe d’un extrême à l’autre.

Dans leurs interventions, certains de nos collègues ont évoqué la récente loi sur le binôme des conseillers départementaux.

M. Roger Madec, rapporteur. Cela n’a rien à voir !

M. Marc Laménie. J’en profite donc pour dire que, même si je respecte le vote démocratique, je ne suis pas convaincu de la pertinence de ce binôme. Quant au redécoupage des cantons qui sera fait, nous verrons comment les choses se passeront.

Je soutiendrai les amendements identiques de nos collègues, par solidarité, car je pense que les charcutages – le terme a été évoqué – ne datent pas d’aujourd’hui. Ils ont existé de tout temps. Pour toutes les réformes électorales, qu’elles aient été faites par la droite ou par la gauche, il y a toujours eu des calculs. Sont-ils légitimes ? On peut penser que nous sommes tous calculateurs à un moment ou un autre.

À chacun son interprétation, mais, ensuite, laissons jouer la démocratie. Du reste, les futurs conseillers de Paris auront à servir l’intérêt général.

Je soutiendrai les amendements identiques de mes deux collègues.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 1 et 3.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Article 3

Article 2

(Non modifié)

L’article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du premier alinéa, les mots : « parmi les membres du conseil municipal » sont supprimés ;

2° La dernière phrase du troisième alinéa est supprimée.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 est présenté par M. Charon.

L'amendement n° 4 est présenté par M. Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre Charon, pour présenter l'amendement n° 2.

M. Pierre Charon. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour présenter l'amendement n° 4.

M. Yves Pozzo di Borgo. Il est également défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Roger Madec, rapporteur. Il est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Manuel Valls, ministre. Défavorable également.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 2 et 4.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2 (Texte non modifié par la commission)
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 3

(Non modifié)

La présente loi entre en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux suivant sa promulgation – (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Article 3
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Ce texte sera voté ce soir sans trop de difficultés. Toutefois, je veux le souligner, si cette proposition de loi vise Paris, son objet ne se résume pas à cette ville. Je suis très heureux que nos collègues du groupe CRC votent ce mode de scrutin, puisque c’est probablement celui qui, demain, s’appliquera dans les métropoles. C’est donc une conversion, certes tardive, mais bien réelle, en faveur des métropoles de demain !

Mme Cécile Cukierman. Monsieur Mercier, vous convenez donc que les maires des communes deviendront des maires d’arrondissement des métropoles. C’est bien de le reconnaître !

M. Michel Mercier. Naturellement, ma chère collègue, c’est ainsi que cela se terminera. Il faut le dire !

Mme Cécile Cukierman. J’en prends note.

M. Michel Mercier. On peut toujours, il est vrai, critiquer ce mode de scrutin et craindre que, au moment du découpage et de l’attribution des sièges par arrondissement, il n’y ait quelque machination. Le découpage électoral est un sport national en France. Nous nous y complaisons et nous essayons tous d’être les meilleurs en la matière.

M. David Assouline. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Michel Mercier. Sauf M. Assouline, bien sûr ! (Sourires.) Permettez-moi d'ailleurs de dire ce que je veux, cher collègue.

Il est vrai que les Parisiens, comme les Lyonnais et les Marseillais, n’élisent pas tous leur maire. Mes chers collègues, puisque vous en êtes au choix des candidats, je vous conseille de faire comme les Lyonnais il y a quelques années : pour que tout le monde vote pour lui, Louis Pradel, qui est resté maire pendant près de vingt ans, avait investi ses listes d’arrondissement sous une étiquette reprenant les initiales de son nom : « Pour la Réalisation Active des Espérances Lyonnaises ». Avec les noms d’Hidalgo ou de Kosciusko-Morizet, c’est moins facile, je le reconnais ! (Sourires.) Toutefois, on pourrait imaginer sélectionner les candidats sur cette base.

Plus sérieusement, je retiendrai du débat sur le texte qui nous est soumis ce soir, l’affirmation très claire par le Conseil constitutionnel de règles nouvelles auxquelles il faut nous habituer. Ce soir, nous œuvrons pour Paris. Nous aurons l’occasion de faire de même demain, peut-être pour Marseille ou Lyon, en tout cas pour les métropoles. C’est une conception du droit qui doit entrer dans nos mœurs.

Nous devons bien être conscients des nouvelles règles du jeu : l’idée de la souveraineté absolue du Parlement en matière électorale a disparu. C’est le Conseil constitutionnel qui nous impose aujourd'hui d’adopter des dispositions pour garantir le respect de principes établis par lui. Certes, il n’est jamais facile pour des parlementaires d’admettre la perte de leur pouvoir de légiférer à leur guise. Toutefois, cette réalité ne date pas d’aujourd’hui.

M. Jacques Mézard. C’est la Ve République !

M. Michel Mercier. Ce que l’on appelle « l’État de droit » progresse chaque jour ; il n’y a plus de parlementarisme absolu. On peut s’en réjouir ou le déplorer, mais, en tout état de cause, nous avons ce soir une illustration très concrète de la situation nouvelle de notre mode de production du droit.

En adoptant la présente proposition de loi, nous entérinons une position que le Conseil constitutionnel a exprimée avec beaucoup de force. Et ce qui vaut aujourd'hui pour le tableau des conseillers de Paris vaudra, demain, pour tous les découpages électoraux. Ce sera tout de même une sacrée nouveauté dans notre pays !

Mme Cécile Cukierman. Dans ce cas, il faut vous battre à nos côtés pour la VIe République !

M. Michel Mercier. Mais non ! Je suis favorable aux pouvoirs du Conseil constitutionnel.

Mme Cécile Cukierman. Pour ma part, je suis pour le pouvoir du Parlement et du peuple !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’excellente proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter ce soir répond à une décision du Conseil constitutionnel ayant invalidé non seulement le nouveau tableau de répartition des conseillers de Paris que la majorité proposait d’instituer, mais également la version qui figurait dans le code électoral depuis 1982, annulée pour cause de violation du principe d’égalité devant le suffrage.

Chers collègues de l’opposition, vous vous lamentez ce soir d’une invalidation que vous avez pourtant souhaitée et dont vous vous réjouissiez il n’y a pas si longtemps… Vous auriez tout de même dû vous douter qu’elle rendrait indispensables un nouveau texte et une nouvelle répartition.

Nous ne pouvons visiblement plus échapper longtemps à la réalité démographique. Nous sommes confrontés à la nécessité d’émettre rapidement de nouvelles propositions. Notre objectif n’est pas de réaliser un quelconque tripatouillage ou d’affaiblir électoralement l’opposition ; il s’agit simplement de nous conformer, notre collègue Michel Mercier vient de le rappeler, aux décisions du Conseil constitutionnel.

Je le signale d’ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré le tableau de répartition de 1982 en ciblant notamment les Ier, IIe et IVe arrondissements, qui, sauf erreur de ma part, sont tenus par l’opposition pour l’un d’entre eux et par la majorité pour les deux autres. Dans ces conditions, je ne vois pas bien comment l’opposition pourrait arguer d’une volonté délibérée de lui nuire. Nous sommes a priori concernés également pour deux arrondissements. Votre volonté de créer une circonscription unique me paraît un signe de fébrilité, chers collègues.

Certes, le Ier arrondissement de Paris perdra deux conseillers. Néanmoins, comme il n’est peuplé que de 17 000 habitants, il me semble difficile de légitimer le maintien de ces deux élus. D’ailleurs, le Conseil constitutionnel ne l’accepterait pas ; nous avions souhaité conserver les trois conseillers d’arrondissement dans le précédent tableau et il nous l’a interdit, considérant que nous n’allions pas assez loin dans l’adaptation aux nouvelles réalités démographiques de Paris en conservant une représentation minimale par arrondissement. Dont acte.

Dès lors, le nouveau tableau prend en compte les évolutions démographiques de Paris, les nouvelles structures de la population, et il en tire les conséquences en termes de répartition du nombre de conseillers. Pour preuve, c’est bien la méthode de calcul de 1982 qui a été employée pour aboutir au tableau actuel. La majorité ne change donc pas les règles du jeu ; elle se contente de les faire appliquer réellement.

L’organisation administrative et politique de Paris est maintenue par un texte clair, transparent et conforme au principe d’égalité devant le suffrage : il n'y a pas d’augmentation du nombre global de conseillers de Paris et pas de modification de la composition des conseils d’arrondissement, ni de leur fonctionnement.

En conséquence, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. J’ai déjà indiqué que nous voterions ce texte. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec ce qu’a affirmé Michel Mercier à la fin de son intervention.

En tant que vieux républicain, j’estime qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de faire la loi, de même qu’il n’appartient pas à la Cour de comptes de dicter la politique économique et financière de la France. Cette instance vérifie l’exactitude des comptes, et le Conseil contrôle la conformité des lois à la Constitution. Point !

Que constatons-nous ? Traditionnellement, pour établir les découpages électoraux, on tient compte de deux critères de représentation : la spécificité des territoires et la démographie. À Paris, il n’y en a qu’un qui est valable. Encore une fois, le Ier arrondissement, par rapport aux autres arrondissements, ce n’est pas la Lozère par rapport à l’Hérault ! À Paris, il n’y a pas de spécificité du Ier, du IIe, du IIIe ou du VIIIe arrondissement. Par conséquent, appliquer à Paris le critère démographique, et seulement celui-ci, n’a rien d’extraordinaire ! Ce qui est surprenant, c’est qu’on ne l’ait pas fait auparavant.

Toutefois, en conclure, comme le font certains, que, pour le Conseil constitutionnel, il n’y aurait de toute éternité qu’un seul critère valable, c’est aller vite en besogne. À mon sens, si le Conseil a dit cela, il est sorti de son rôle.

Certes, je sais bien que la « démocratie » moderne consiste à remplacer les institutions élues, et singulièrement le Parlement, par des autorités nommées… Vous m’en excuserez, ce n’est pas ma tasse de thé. Encore une fois, en tant que vieux républicain, je ne suis pas de cette tradition. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe CRC. – MM. Pierre Charon et Marc Laménie applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Tout à l’heure, ma remarque a semblé vexer M. Laurent.

Le problème est qu’il y a vingt arrondissements à Paris depuis 1983 et que la plupart des Parisiens s’adressent en premier lieu à leur maire d’arrondissement. Ce n’est pas comme dans les villes de province.

Prenons l’exemple du VIIe arrondissement, dont la population est comparable à celle de Colmar ou de Cannes. À Colmar, les habitants sont informés tous les jours dans les Dernières nouvelles d’Alsace de l’actualité municipale, de la vie associative locale ou des décès. Et c’est pareil à Cannes, avec Nice-Matin.

Or vous n’avez rien de tel dans les arrondissements parisiens, qui ont pourtant aussi une actualité municipale, des associations, des mariages, des décès… Ailleurs, le journal offre, en quelque sorte, une photographie de la vie locale ; chez nous, ce n’est pas le cas.

Il est vrai que les Parisiens s’adressent d’abord à leur maire d’arrondissement. C’est pour cela que j’ai employé l’adjectif « stupide » ; je ne stigmatisais pas des personnes en particulier, ni même le système en tant que tel. Convenez-en, il est un peu stupide d’être obligé de s’adresser à quelqu’un qui n’a aucun pouvoir. Lorsqu’un maire d’arrondissement est interpellé, il répond presque toujours : « Désolé, cela relève de la compétence de la mairie centrale. » Combien de fois l’avez-vous fait vous-même, monsieur Madec, vous qui avez été maire d’arrondissement ? Dans cette fonction, vous n’avez pas le pouvoir ! C’est un problème majeur à Paris.

Aussi, notre proposition de faire élire le maire de Paris au suffrage universel direct n’est en rien contradictoire avec la volonté qui est la nôtre de renforcer les pouvoirs des maires d’arrondissement. C’est à ces derniers, bien plus qu’au maire central, que les Parisiens s’adressent d’abord. Or le maire d’arrondissement n’a pas aujourd’hui compétence pour régler les problèmes qui lui sont soumis, ou alors seulement à la marge, par exemple pour l’attribution de places en crèche ou l’inscription dans les écoles primaires.

Mes chers collègues, vous qui êtes pour la plupart maires de communes de province ou de banlieue avez des pouvoirs dont les maires d’arrondissement ne disposent pas. Je le répète, c’est cela que je voulais signifier tout à l’heure en employant l’adjectif « stupide ». Il faudra bien que cela change un jour ou l’autre : on ne peut pas se satisfaire d’un système qui ne permet pas de prendre en compte la vie des Parisiens, et encore moins de répondre à leurs besoins.

Mme Cécile Cukierman. Raison de plus pour s’opposer aux métropoles !

M. Yves Pozzo di Borgo. Voilà pourquoi je voterai contre la proposition de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi dans le texte de la commission.

(La proposition de loi est adoptée.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi fixant le nombre et la répartition des sièges de conseiller de Paris
 

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Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 24 juillet 2013

À quatorze heures trente :

1. Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et aux modalités de mise en œuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé (n° 172, 2012-2013) ;

Rapport de M. Yves Daudigny, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 775, 2012 2013) ;

Texte de la commission (n° 776, 2012 2013).

À vingt et une heures trente :

2. Suite éventuelle de l’ordre du jour de l’après-midi.

3. Nouvelle lecture du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (n° 799, 2012-2013) ;

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 800, 2012 2013).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt-trois heures vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART