Sommaire
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
Secrétaire :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
2. Mises au point au sujet de votes
MM. Alain Anziani, François Pillet, le président.
3. Désignation d'un sénateur en mission
4. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Pérou
5. Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – Procureur de la République financier. – Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi et rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés
Discussion générale commune : Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice ; M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois ; Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois ; M. François Marc, rapporteur pour avis de la commission des finances.
MM. François Pillet, Michel Mercier, Éric Bocquet, Nicolas Alfonsi, Mmes Esther Benbassa, Frédérique Espagnac, M. Philippe Marini.
Clôture de la discussion générale commune.
Amendements identiques nos 6 de M. Jean-Jacques Hyest et 33 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. François Pillet, Nicolas Alfonsi, Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean-Jacques Hyest, François Zocchetto, Éric Bocquet, Jacques Mézard, Philippe Marini. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Amendement n° 2 de M. Éric Bocquet. – Mme Cécile Cukierman, M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption de l'amendement rétablissant l'article.
Articles 3 et 3 bis A. – Adoption
Amendement n° 20 de M. Éric Bocquet. – Mme Cécile Cukierman, M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement n° 22 de M. François Marc. – MM. François Marc, Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
Adoption de l'article.
Article 9 septies C. – Adoption
Amendement n° 7 de M. Jean-Jacques Hyest. – M. Jean-Jacques Hyest. – Retrait.
Adoption de l'article.
Amendement n° 21 de M. François Marc. – M. François Marc.
Amendement n° 19 de M. Philippe Marini. – M. Philippe Marini.
Amendement n° 34 de la commission. – M. Alain Anziani, rapporteur.
M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Philippe Marini, François Marc. – Adoption de l’amendement n° 21, les amendements nos 19 et 34 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Articles 10 bis à 10 quater. – Adoption
Articles 10 quinquies A et 10 quinquies (suppressions maintenues)
Article 11 bis AA (suppression maintenue)
Amendement n° 3 de M. Éric Bocquet. – Mme Cécile Cukierman, M. François Marc, rapporteur pour avis ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait.
L’article demeure supprimé.
Articles 11 bis B et 11 bis C. – Adoption
Article 11 bis DA (suppression maintenue)
Amendement n° 4 de M. Éric Bocquet. – Mme Cécile Cukierman.
Amendement n° 1 de M. Philippe Marini. – M. Philippe Marini.
M. François Marc, rapporteur pour avis ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Philippe Marini. – Retrait des amendements nos 4 et 1.
L’article demeure supprimé.
Articles 11 bis et 11 quinquies. – Adoption
Amendement n° 18 de Mme Esther Benbassa. – Mme Esther Benbassa, M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; MM. Jean Arthuis, Jacques Mézard. – Rejet.
L’article demeure supprimé.
Article 11 decies A (suppression maintenue)
Amendements identiques nos 5 de M. Éric Bocquet et 8 de M. Jean Arthuis. – Mme Cécile Cukierman, MM. Jean Arthuis, François Marc, rapporteur pour avis ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait des deux amendements.
L’article demeure supprimé.
Articles 11 decies et 11 undecies. – Adoption
Mme Cécile Cukierman.
Amendement n° 25 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
Amendement n° 26 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption des amendements nos 25 rectifié et 26 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 9 de M. Michel Mercier et 27 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 10 de M. Michel Mercier et 23 rectifié de M. Jacques Mézard. – MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. Jean-Jacques Hyest. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Article 15 bis (suppression maintenue)
Amendement n° 11 de M. Michel Mercier. – M. Michel Mercier.
Amendement n° 24 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard.
MM. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Adoption de l’amendement n° 11 rétablissant l'article, l’amendement n° 24 devenant sans objet.
Amendement n° 12 de M. Michel Mercier.
Amendement n° 28 rectifié de M. Jacques Mézard.
M. Alain Anziani, rapporteur ; Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. – Retrait de l’amendement n° 12 ; adoption de l’amendement n° 28 rectifié.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 13 de M. Michel Mercier et 29 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 14 de M. Michel Mercier et 30 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption, par scrutin public, des deux amendements supprimant l'article.
Amendements identiques nos 15 de M. Michel Mercier et 31 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 16 de M. Michel Mercier et 32 rectifié de M. Jacques Mézard. – Adoption des deux amendements.
Adoption de l'article modifié.
Adoption de l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
Amendement n° 1 rectifié de M. Jacques Mézard. – M. Jacques Mézard, Mmes Virginie Klès, Christiane Taubira, garde des sceaux ; M. le président. – Adoption, par scrutin public, de l'amendement supprimant l'article.
Article 2 (suppression maintenue)
Tous les articles ayant été supprimés le projet de loi organique est rejeté.
Suspension et reprise de la séance
6. Candidature à une délégation
7. Communication du conseil constitutionnel
8. Traité sur le commerce des armes. – Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
Discussion générale : MM. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères ; Daniel Reiner, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
M. Jean-Marie Bockel, Mme Michelle Demessine, MM. Robert Tropeano, Jean Desessard, Raymond Couderc.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de l’article unique du projet de loi dans le texte de la commission.
9. Nomination d’un membre d'une délégation
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
Présidence de M. Jean-Patrick Courtois
vice-président
Secrétaire :
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani.
M. Alain Anziani. Monsieur le président, je souhaiterais faire une mise au point au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 10, portant sur l’ensemble du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, Mme Samia Ghali, ainsi que MM. Serge Andreoni et Roland Povinelli ont été déclarés comme votant pour, alors qu’ils voulaient voter contre.
M. le président. La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Monsieur le président, lors du même scrutin, M. Louis Nègre a été déclaré comme s’abstenant, alors qu’il voulait voter pour.
M. le président. Acte est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
3
Désignation d'un sénateur en mission
M. le président. Par courrier en date du 7 octobre 2013, M. le Premier ministre a fait part de sa décision de placer, en application de l’article L.O. 297 du code électoral, M. François Pillet, sénateur du Cher, en mission temporaire auprès de M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur.
Cette mission portera sur une nouvelle évaluation de l’application de la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.
Acte est donné de cette communication.
4
Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Pérou
M. le président. J’ai le très grand plaisir, au nom du Sénat tout entier, de saluer la présence, dans notre tribune officielle, d’une délégation du Congrès péruvien, conduite par M. Roberto Angulo Alvarez, président du groupe d’amitié Pérou-France. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la garde des sceaux se lèvent.)
Cette délégation séjourne en France à l’invitation de notre groupe d’amitié France-Pays Andins, présidé par notre collègue Philippe Adnot.
Nous nous réjouissons des liens qui se sont tissés entre nos deux pays au fil des années et qui se sont encore renforcés au cours de l’année écoulée, avec la visite officielle à Paris du président péruvien, M. Ollanta Humala, en novembre 2012 et le déplacement du groupe d’amitié sénatorial au Pérou en juin de cette année.
Au nom du Sénat de la République, je vous souhaite la plus cordiale bienvenue et je forme des vœux pour que votre séjour en France soit l’occasion de resserrer davantage les liens entre nos assemblées et de conforter le dialogue entre nos deux nations. (Applaudissements.)
5
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – Procureur de la République financier
Adoption en nouvelle lecture d’un projet de loi et rejet en nouvelle lecture d’un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière (projet n° 855 [2012-2013], texte de la commission n° 22, rapport n° 21, avis n° 2) et du projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au procureur de la République financier (projet n° 854 rectifié [2012-2013], texte de la commission n° 24, rapport n° 21).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la garde des sceaux. (Applaudissements au banc de la commission.)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, un texte que nous connaissons désormais bien, sur le fond comme dans ses variations. Nous allons examiner les dispositions que la commission des lois a voulu introduire ou maintenir, ainsi que les amendements dont votre Haute Assemblée souhaite débattre.
Le projet de loi part d’une conviction profonde, d’ailleurs formulée par la voix la plus éminente de notre pays, celle du Président de la République, qui a dit sa détermination à lutter avec une énergie totale contre toutes les formes de corruption, de fraude et d’affairisme.
C’est dans cet esprit que le texte a été élaboré. Il a été enrichi grâce aux nombreuses auditions organisées par les commissions des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale. C’est sur la base de ce qu’ont apporté les spécialistes du droit que sont les magistrats, les procureurs de la République et les juges d’instruction que le projet de loi a pu être amélioré par les deux chambres du Parlement en première lecture, puis par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Votre commission des lois a réécrit certaines dispositions du texte, et elle en a maintenu d’autres. L’une des mesures importantes, la création du parquet financier, semble avoir fait l’objet d’un vote conforme lors de la dernière réunion de votre commission ; nous y reviendrons.
En vue de traduire la conviction profonde que le Président de la République a exprimée très clairement, le projet de loi aborde le sujet de manière globale. Sous de précédentes mandatures, l’attitude du législateur face à la nécessité de lutter contre la corruption et l’affairisme avait principalement consisté soit à créer des incriminations nouvelles, soit à aggraver les sanctions pénales. La différence essentielle entre ces précédents textes et l’actuel projet de loi réside dans une approche globale. Il s’agit non plus de courir après les nouvelles formes d’incrimination ou de simplement sanctionner plus lourdement, mais bien d’aborder le phénomène de la corruption dans la globalité, depuis la détection de l’incrimination jusqu’à la sanction effective prononcée par le magistrat.
Le projet de loi vise ainsi l’effectivité de la sanction prononcée et l’efficacité, afin que de telles incriminations, une fois détectées, soient stigmatisantes socialement et sévèrement réprimées pénalement.
Les travaux menés par les deux chambres ont permis de stabiliser des dispositions, parmi lesquelles il faut mentionner l’aggravation des sanctions encourues par les personnes physiques et morales, notamment par un alourdissement considérable du montant des amendes.
Le texte prévoit également des mesures de renforcement de la lutte contre la fraude fiscale complexe, celle qui emploie des comptes bancaires et des entités à l’étranger, des méthodes particulières ou des manœuvres dilatoires et dissimulatrices.
Les deux assemblées ont également consolidé la protection des repentis.
Elles ont en outre élargi le champ de compétence de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale, en y incluant la lutte contre le blanchiment de la fraude fiscale complexe. Cela permet à l’autorité judiciaire de saisir cette brigade nationale sans avoir à attendre la plainte déposée par l’administration fiscale.
Une telle disposition est extrêmement importante : elle donne plus d’efficacité à l’action de l’autorité judiciaire et s’additionne avec une meilleure coordination des actions respectives de l’autorité judiciaire et de l’administration fiscale.
Nous avons pris des dispositions visant à augmenter la publicité des travaux de la commission des infractions fiscales, au sein de laquelle nous introduisons d’ailleurs des magistrats de l’ordre judiciaire. Le ministre chargé du budget et moi-même nous sommes engagés à mieux coordonner l’action de nos services respectifs, afin de rendre la saisine de l’autorité judiciaire plus pertinente et l’action tant de l’administration fiscale que des parquets plus efficace, et à publier conjointement une circulaire d’application dès que le texte aura été promulgué.
Parmi les dispositions consolidées figure l’aggravation des sanctions pécuniaires et patrimoniales. Les sanctions applicables aux personnes morales sont alignées sur celles qui concernent les personnes physiques : la confiscation de l’entier patrimoine est permise et la résolution pécuniaire, donc en valeur, des assurances-vie est facilitée.
Ces mesures, qui sont essentielles, ne feront pas l’objet de débats aujourd’hui, car elles ont été consolidées dans le texte à l’Assemblée nationale et au Sénat.
En revanche, certaines dispositions extrêmement importantes n’ont pas fait l’objet d’un accord définitif. Je pense notamment à la création du parquet financier, ainsi qu’à la possibilité pour les associations de déclencher l’action publique, c’est-à-dire de se constituer partie civile.
Je le rappelle, le parquet financier est la clé de voûte de l’édifice. C’est lui qui donne toute logique et toute cohérence aux dispositions que nous avons introduites dans le texte. C’est lui qui sera le bras armé de la justice pour traduire en action publique et en sanctions la lutte contre les corruptions et contre la fraude fiscale.
Le procureur de la République financier aura compétence pour lutter contre toutes les atteintes à la probité : toutes les corruptions, toutes les fraudes, les détournements de fonds publics, les prises illégales d’intérêt, le favoritisme, le pantouflage, c’est-à-dire l’interdiction que la loi fait à des fonctionnaires d’intégrer des entreprises avec lesquelles ils ont été en contact lorsqu’ils étaient dans la fonction publique. Il aura également des compétences en matière de lutte contre la fraude fiscale de grande complexité ou à la TVA.
Ce sera un procureur indépendant. Je sais qu’un débat anime les parlementaires sur cette question. Depuis l’entrée en fonction du Gouvernement – c’était également le cas de M. Mercier, ici présent, lorsqu’il officiait place Vendôme –, nous respectons l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Nous avons présenté devant le Sénat et l’Assemblée nationale un projet de révision constitutionnelle visant à inscrire le principe du respect de cet avis conforme dans notre Loi fondamentale. Votre Haute Assemblée n’a pas souhaité l’adopter.
M. Michel Mercier. Mais si !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. En tout état de cause, nous continuons à respecter l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Par conséquent, la garantie d’indépendance que nous apportons à tous les procureurs sera la même pour le nouveau procureur financier.
En outre, comme vous vous en souvenez, le Parlement a adopté un projet de loi ayant pour objet d’interdire les instructions individuelles de l’exécutif aux magistrats. Une telle interdiction, qui figure désormais dans le code de procédure pénale, permet également d’apporter des garanties quant à l’indépendance du procureur financier, comme des autres procureurs.
Si vous adoptez le projet de loi organique, le procureur financier relèvera de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ce qui lui permettra d’occuper son poste durant sept ans, à l’instar de tous les procureurs de la République.
Une procédure d’habilitation introduite dans le texte par votre commission en première lecture permettra au président de la cour d’appel de Paris de désigner les magistrats qui pourront travailler auprès du procureur financier. Cette disposition existe déjà et fonctionne très bien avec nos juridictions interrégionales spécialisées, ou JIRS, dans la lutte contre la corruption et contre certaines formes de criminalité organisée. Le président de la cour d’appel consultera le président du tribunal de grande instance, ainsi que la commission restreinte de l’assemblée générale des magistrats.
Ainsi, toutes les garanties sont apportées, et des moyens seront mobilisés. Le projet de loi de finances pour 2014, qui vous sera bientôt soumis, prévoit la création de vingt-cinq postes de magistrats spécifiquement dédiés au parquet financier.
Les décrets d’application sont déjà en préparation, ainsi que j’en avais pris l’engagement au Sénat. Ils s’enrichissent évidemment de vos travaux et des observations que vous formulez au cours des débats. Les décrets d’application pourront être publiés très rapidement après la promulgation du texte. Cela nous permettrait de respecter le délai fixé à l’article 22 du projet de loi, qui prévoit la mise en place du parquet financier au mois de février 2014.
Nous reviendrons peut-être sur de telles mesures lors de l’examen des amendements, mais je tenais à vous en rappeler les grandes lignes, car elles sont de nature à rassurer tous ceux qui, de bonne foi, se montrent inquiets sur le fonctionnement du parquet financier.
Un autre sujet fait débat, et nous y reviendrons également lors de la discussion des articles. Je fais référence à la possibilité accordée à des associations agréées de se constituer partie civile. Lors de l’examen du texte en première lecture par votre Haute Assemblée, certains sénateurs ont exprimé des inquiétudes à cet égard. J’aimerais vous rappeler deux éléments.
D’une part, il s’agit d’associations dont l’objet social a prévu la lutte contre la corruption. D’autre part, au mois d’octobre 2012, lorsque j’avais répondu officiellement, au nom du Gouvernement, à l’OCDE, à la suite de son rapport sur la lutte contre la corruption, j’avais pris l’engagement d’introduire dans notre code pénal les dispositions qui enrichiraient l’arsenal répressif contre ces types d’infractions, mais également à permettre aux associations de se constituer partie civile pour déclencher l’action publique.
Cette dernière disposition, que nous avons introduite dans le texte, est conforme à la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a permis à une association de déclencher l’action civile, sur la base de trois critères : la crédibilité de l’association, son objet social et le fait qu’elle ait plus de cinq ans d’activité. Les associations qui seront investies de la possibilité ouverte par le projet de loi y répondront. Leur agrément sera accordé dans des conditions transparentes et rigoureuses, énoncées dans un décret en Conseil d’État. Il s’agira pour ces associations de pouvoir déclencher l’action publique pour des infractions qui seront évidemment définies très précisément et qui concernent le contenu du texte de loi.
Je me souviens que certains sénateurs – je pense par exemple à M. Hyest – avaient émis des doutes quant au fait même d’introduire dans notre droit la possibilité pour des associations de déclencher l’action civile.
Toutefois, en vertu des articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale, les associations peuvent déjà déclencher l’action publique lorsque le ministère public ne l’a pas fait. Il en est ainsi des associations qui luttent contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, mais également, par exemple, contre la pédopornographie. Ainsi, dans plusieurs cas où la victime n’est pas clairement identifiée ou bien peut être identifiée à la société elle-même, le droit permet déjà que des associations puissent se constituer partie civile et déclencher l’action publique. Il en va de même pour toute une série de sujets comme la protection de l’environnement ou la lutte contre les discriminations. Voilà qui vous montrera, je pense, la grande diversité des situations dans lesquelles l’action publique peut être déclenchée par des associations.
Le fait de reconnaître à ces associations le droit d’ester en justice et de se constituer partie civile n’interdit évidemment pas au ministère public de déclencher l’action publique. Le fait que des associations puissent se constituer partie civile est conforme à l’esprit qui a présidé à la rédaction du projet de loi. Je vous renvoie aux dispositifs que vous avez déjà adoptés pour la protection des repentis ou des lanceurs d’alerte. L’objectif est le même : favoriser la lutte contre les actes délictueux. Il est donc cohérent, étant donné que vous avez déjà accepté les dispositions en faveur des repentis et des lanceurs d’alerte, de permettre aux associations de se constituer partie civile et de déclencher l’action publique.
Nous approfondirons les éléments que je viens d’évoquer lors de la discussion des articles. Le Gouvernement est évidemment à votre disposition pour répondre à toutes vos interrogations.
Toutefois, je dois m’absenter quelques instants, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, car je suis tenue d’assister à la séance des questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale. Mais mon collègue Bernard Cazeneuve, le ministre du budget, ici présent, assistera à la suite de la discussion générale commune. (M. le ministre le confirme.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur.
M. Alain Anziani, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui saisis de textes particulièrement importants.
J’évoquerai un chiffre, certes contesté, pour rappeler les enjeux : le phénomène dont nous débattons représente 80 milliards d’euros. En réalité, nous ne savons pas quel est le montant exact de la fraude fiscale – certains disent 40 milliards d’euros, d’autres parlent de 80 milliards d’euros –, mais il s’agit en tout cas d’un vrai scandale pour la justice, d’un boulet pour notre fiscalité et d’un handicap certain pour l’économie, donc l’emploi de notre pays.
Je tiens donc d’abord à saluer ceux qui mènent le combat contre la fraude fiscale. Je pense en particulier aux deux ministres qui assistent aujourd’hui à nos débats. C’est un combat important, et en même temps difficile. L’ennemi est caché – il n’apparaît que rarement –, et il l’est sur les cinq continents, avec des techniques extrêmement sophistiquées. Nous l’avions souligné en première lecture.
Et ne pensons pas que l’évaporation fiscale n’a pas de prix ! L’évaporation fiscale des uns, ce sont des charges supplémentaires pour les autres ou de moindres recettes pour nos services publics ou le financement de l’investissement productif. Nous sommes donc conscients qu’il faut donner à ceux qui mènent ce combat tous les moyens pour une action efficace.
Je vous prie d’excuser l’absence du président de la commission des lois, M. Jean-Pierre Sueur, retenu par des obsèques cet après-midi.
Vous le savez, la commission mixte paritaire s’est réunie le 23 juillet dernier.
Certes, il y a eu des désaccords entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Il y en a même eu un fort sur la création du procureur financier de la République. Je pourrais également mentionner d’autres dispositions adoptées par l’Assemblée nationale et rejetées au Sénat.
Toutefois, même si le procureur financier de la République est évidemment au cœur du dispositif, il ne faudrait pas occulter les accords qui sont apparus sur une trentaine d’articles.
Prenons par exemple les mesures d’alourdissement des peines, qui constituent l’un des éléments importants du texte. Les peines pour fraude fiscale pourront s’élever jusqu’à 2 millions d’euros, contre quelques dizaines de milliers d’euros seulement aujourd’hui. Nous nous donnons ainsi les moyens de frapper véritablement en plein cœur la fraude fiscale.
D’autres dispositifs ont été adoptés ; je pense notamment à la réduction de peine qui est applicable aux repentis en matière de blanchiment. Certes, comme souvent avec ce type de problématiques, la solution envisagée peut donner lieu à discussion. Mais si l’on veut que les repentis collaborent et donnent des éléments pour mieux poursuivre la fraude fiscale, il faut évidemment leur accorder au moins un motif pour cela, en l’occurrence une réduction de peine, au demeurant très encadrée.
J’évoquerai également ce qui a été voté sur les saisies. Je pense notamment à la possibilité – Mme la garde des sceaux vient d’y faire référence – de saisir la totalité du patrimoine.
En première lecture, l’un de nos collègues avait rappelé à juste titre que notre pays avait raison de lutter contre la fraude fiscale, mais que le combat devait avant tout être européen et même mondial. Cette dimension figure dans le texte ; je pense notamment à la possibilité d’inscrire sur la liste des États non coopératifs en matière fiscale ceux qui auraient refusé de s’engager dans un transfert automatique des données bancaires.
Tels sont donc les points d’accord.
L’Assemblée nationale a également repris certaines des modifications que nous avons décidées. Je pense ainsi à la composition de la commission des infractions fiscales, qui vient d’être évoquée. De même, nos collègues députés se sont finalement ralliés à la position très prudente qui était la nôtre sur la prescription des infractions occultes ou dissimulées, en supprimant l’article 9, qui prévoyait l’inscription dans la loi la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation. De notre point de vue, la jurisprudence suffit, et il n’est pas utile de la graver dans le marbre législatif, un marbre d’ailleurs tout relatif…
Sur les trente-six articles qui restent en discussion, sept divergences notables apparaissent.
La première divergence, majeure, porte sur la création du procureur de la République financier. Nous connaissons les positions des uns et des autres sur le sujet. D’ailleurs, elles ont évolué. La semaine dernière, notre commission des lois avait émis un avis favorable sur cette création, conformément au projet du Gouvernement et au texte voté par l’Assemblée nationale ; ce matin, les votes ont été différents, le dispositif ayant été rejeté à une voix près.
Dans le texte que nous vous présentons ainsi au nom de la commission, le procureur financier est supprimé et remplacé par des mécanismes comme l’extension de la compétence reconnue au tribunal de grande instance de Paris à l’ensemble du territoire, ce que notre collègue Michel Mercier souhaitait déjà la semaine dernière. Voilà la position de la commission, que je me devais de vous exposer en tant que rapporteur.
Cela étant, à titre personnel, j’estime que, en refusant le procureur financier, nous passerions à côté d’une belle occasion. La lutte fiscale a besoin d’un bras armé, identifié comme tel. Nous aurons demain un procureur financier européen ; comment imaginer qu’il n’y en ait aucun en France ?
Un tel bras armé doit disposer des moyens identifiés – Mme la garde des sceaux vient de rappeler les créations des postes – et voir son indépendance garantie. Nous avons déjà eu cette discussion en première lecture, et je ne reprendrai pas les arguments que Mme la garde des sceaux a développés. Les positions des uns et des autres sont connues ; inutile de s’y attarder.
Une deuxième divergence concerne la mise en mouvement de l’action publique par des associations agréées, dans des conditions précises. L’association doit avoir cinq ans d’ancienneté au minimum et son objet doit être lié à la lutte contre la corruption sous toutes ses formes, en particulier la fraude fiscale.
Le débat me semble un peu tronqué. J’ai entendu M. Hyest parler de « privatisation de la justice » à propos d’un tel dispositif (M. Jean-Jacques Hyest le confirme.) Mais la possibilité offerte aux associations de se constituer partie civile existe déjà depuis de nombreuses années. Ce n’est pas le fait d’un gouvernement ou d’un autre…
M. Jean-Jacques Hyest. Oh non !
M. Alain Anziani, rapporteur. … ni d’une majorité ou d’une autre. Cela a donc fait l’objet d’un certain consensus.
La seule question qui nous est posée est de savoir si l’on permet à des associations de se constituer partie civile pour participer à ce difficile combat, face à l’hydre qu’est la fraude fiscale, où les victimes ne sont pas toujours clairement identifiées.
M. Jean-Jacques Hyest. Quelles victimes ? La seule victime, c’est l’État !
M. Alain Anziani, rapporteur. Cependant, la commission ne s’est pas prononcée en faveur d’un tel dispositif ce matin.
La troisième divergence porte sur l’utilisation d’informations d’origine illicite. Les membres du Sénat se sont accordés sur la nécessité de permettre aux différents services d’utiliser des informations dont l’obtention n’est pas toujours légale dans la mesure où il s’agit d’une arme essentielle. Toutefois, et c’est en cela que notre position diverge de celle de l’Assemblée nationale, nous considérons que ces informations doivent avoir été transmises via l’autorité judiciaire ou, à tout le moins, obtenues dans le cadre d’une coopération internationale.
La quatrième divergence a trait à l’extension de la définition du délit de blanchiment. Là encore, il y a un consensus au Sénat, et nous divergeons de l’Assemblée nationale. Le principe de la présomption d’innocence, énoncé à l’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, doit être nécessairement respecté. Or le renversement de la charge de la preuve y porte atteinte. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à une telle extension.
Je dois le dire, l’Assemblée nationale a étudié nos propositions avec beaucoup d’attention et a fait évoluer sa définition, en déclarant que le renversement de la preuve de caractère était surtout interprétatif, c’est-à-dire beaucoup plus encadré qu’en première lecture. Je crois néanmoins que nous devons rester sur notre position et refuser cette perspective.
La cinquième divergence concerne la prescription pour fraude fiscale. L’Assemblée nationale nous propose de doubler le délai de prescription en le faisant passer, de trois ans à six ans. Nous y sommes défavorables, pas seulement en vertu de la culture que la commission des lois a acquise depuis des années et des années, mais aussi parce qu’un tel choix ne nous semble pas cohérent : le délai de prescription en matière de fraude fiscale serait porté à six ans et resterait de trois ans pour le blanchiment et les délits connexes. Là encore, nous choisissons de rester sur notre position face à nos collègues députés.
La sixième divergence concerne le rapport, demandé par l’Assemblée nationale, que doit remettre au Parlement le ministère du budget sur le traitement des informations données par la Chancellerie. Nous souhaitons, de manière symétrique, que l’administration fiscale nous rende également compte de toutes les dénonciations émises au titre de l’article 40 du code de procédure pénale par la Chancellerie. Que deviennent-elles par la suite au sein du ministère du budget ? Nous souhaiterions disposer aussi de telles informations.
La septième et dernière divergence vise l’étendue de la protection des lanceurs d’alerte. Nous restons prudents sur ce point. Nous comprenons ce que sont les lanceurs d’alerte et quelle est leur utilité, mais nous voyons aussi tous les dévoiements qui pourraient se produire. Selon la formulation de l’Assemblée nationale, le lanceur d’alerte est protégé non seulement s’il informe l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative, ce que nous approuvons, mais aussi l’entreprise concurrente ou les médias en étant « de bonne foi » ; c’est heureux ! Mais l’on peut aussi dénoncer de bonne foi des faits qui ne reposent sur rien. Je pense que nous devons faire preuve de beaucoup plus de prudence. Cette dénonciation tous azimuts nous semble tout à fait inacceptable et dangereuse. Nous en resterons – en tout cas, c’est ce que le rapporteur vous propose – à la formulation retenue par le Sénat en première lecture.
Certes, nous débattrons des amendements. Mais, au-delà des considérations techniques, je crois qu’il faut toujours rappeler que nous sommes surtout là pour donner du sens. En l’espèce, il s’agit de donner du sens à un combat qui représente peut-être 80 milliards d’euros. C’est la raison pour laquelle nous devons donner à ceux qui le mènent les moyens de le remporter. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à Mme Virginie Klès, rapporteur.
Mme Virginie Klès, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit aujourd’hui, la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, est d’importance. Notre hémicycle se caractérisant aujourd’hui bien plus par la qualité des sénateurs présents que par leur quantité, je ne doute pas de l’intérêt du débat que nous aurons tout à l'heure.
Une parole efficace peut être brève ; je vais tenter de le démontrer aujourd’hui. Dans le cadre de la lutte contre la délinquance fiscale, nous sommes déjà tombés d’accord sur de nombreuses dispositions. Je ne reviendrai pas sur celles que les précédents orateurs viennent d’exposer.
En revanche, il me revient la douloureuse tâche d’enterrer celui qui avait été déterré au gré des majorités et des réunions. (Mouvements divers.) Je parle du procureur de la République financier, pourtant l’un des piliers du projet de loi.
Le rapporteur qui est devant vous aujourd’hui est bien obligé de vous annoncer que le procureur financier a été enterré ce matin, à son corps défendant. (Sourires.) Peut-être sera-t-il déterré une autre fois ? (M. Michel Mercier s’exclame.) Je sais bien, monsieur Mercier, que vous avez souhaité le remplacer par un autre dispositif, et que la commission des lois, dont je rapporte les travaux, a opté pour une telle solution. Mais, à titre personnel, je considérais que le procureur financier, tel qu’imaginé et conçu par le Gouvernement et l’Assemblée nationale, constituait une excellente avancée, propre à lutter efficacement contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
En tout état de cause, je pense que nous sommes tous d’accord pour saluer le courage et la détermination du Gouvernement pour engager une telle lutte, même si nous divergeons sur les moyens à mettre en place pour ce faire. La démocratie est ainsi faite. J’espère un jour pouvoir déterrer à nouveau ce procureur financier, dont je regrette la disparition. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. Jean-Jacques Hyest. Non ! Non !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. François Marc, rapporteur pour avis de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture est marqué par la persistance de divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat – cela vient d’être évoqué –, divergences portant avant tout sur la création du procureur de la République financier, sur le recours élargi aux « techniques spéciales d’enquête » et sur la possibilité pour les associations anti-corruption de se constituer parties civiles.
Les dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale ont, au contraire, fait l’objet d’une large convergence de vues entre les assemblées, au-delà des clivages politiques. Leur nombre s’est d’ailleurs considérablement accru au fil de la procédure législative. L’Assemblée nationale et le Sénat, on l’a vu, ont adopté en termes identiques de nombreux articles renforçant les moyens de l’administration fiscale, les obligations déclaratives des contribuables et les sanctions qui s’y attachent. Nous nous sommes également accordés – je tiens à le souligner, car c’est important – sur le maintien du monopole de l’administration en matière de déclenchement des poursuites pour fraude fiscale. Ce point nous avait un peu séparés, mais nous sommes arrivés sur une position qui semble aujourd’hui acceptée.
Vingt articles touchant au domaine fiscal restent en discussion, dont huit ont été délégués par la commission des lois à la commission des finances. L’Assemblée nationale a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles sur lesquelles je ne m’étendrai pas. Je m’attacherai plutôt à évoquer les éléments qui méritent discussion.
Le débat mérite de continuer sur la recevabilité des preuves d’origine douteuse ou illicite que l’administration pourrait utiliser à l’appui des procédures de contrôle fiscal et, le cas échéant, pour une visite domiciliaire. S’il est acquis – c’est une autre avancée importante de ce texte – que l’administration fiscale pourra désormais se baser sur des « listes » qui lui seraient transmises, il n’existe pas d’accord entre les deux assemblées sur les conditions précises de leur recevabilité.
En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli sa version du texte, consistant en une transmission dans le cadre de l’ensemble des droits de communication dont dispose l’administration fiscale, soit plus d’une quarantaine de procédures encadrées par la loi. La commission des lois est cependant revenue au texte d’origine, limitant la recevabilité des preuves aux seuls cas où elles seraient transmises par l’autorité judiciaire ou par un autre État.
À l’inverse d’une telle position, je dois rappeler ici que la commission des finances s’était déclarée en première lecture favorable à la possibilité d’avoir recours à « tout mode de preuve », sans condition de transmission régulière. Nous considérons en effet que seul un tel élargissement permettait l’exploitation d’une liste telle que la « liste HSBC », dont on a beaucoup entendu parler, qui pourrait être remise directement aux services fiscaux, sans transmission par un autre service ou une autre administration. C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure un amendement en ce sens ; il est identique à celui qu’avait adopté la commission des finances en première lecture.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé trois articles de nature fiscale sur lesquels je souhaiterais appeler votre attention.
Le premier, que l’on doit à notre collègue Éric Bocquet faisait obligation aux grandes entreprises de fournir leur comptabilité analytique, afin de permettre un meilleur suivi de leur politique de prix de transfert.
Le deuxième, que l’on doit également à notre collègue Éric Bocquet, ainsi qu’au président de la commission des finances, M. Philippe Marini, porte sur la définition de l’abus de droit et vise à en étendre la portée.
Le troisième concerne un problème soulevé par notre collègue Jean Arthuis. Certains acteurs de la grande distribution perçoivent des « marges arrière » par le biais d’entités localisées à l’étranger, contournant à la fois leurs obligations commerciales et leurs obligations fiscales.
Les trois articles ont été supprimés par l’Assemblée nationale, pour des raisons non pas de fond – il s’agit de sujets majeurs et ces initiatives sont, me semble-t-il, excellentes –, mais de calendrier. Les prix de transfert seront traités en détail dans le projet de loi de finances pour 2014, que nous examinerons dans quelques semaines. Et un travail plus approfondi est nécessaire en amont sur l’abus de droit et les « marges arrière », comme l’a annoncé le ministre du budget en première lecture. Même si je salue de telles initiatives, j’estime qu’il est peut-être raisonnable de céder un peu de temps contre beaucoup d’efficacité et, dès lors, de ne pas voter sur ces dispositifs aujourd’hui.
Chacun le sait, les présents textes n’épuisent pas le sujet. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales progresse chaque jour, en France comme en Europe et dans le monde. Un consensus se forme au-delà des clivages politiques, comme en témoignent les travaux récents de plusieurs de plusieurs de nos collègues, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je pense notamment à MM. Éric Bocquet, Philippe Dominati et François Pillet. En deux mois, le dispositif de régularisation mis en place par le Gouvernement a donné de meilleurs résultats que toutes les initiatives précédentes. Cela montre que la fermeté en matière de lutte contre la fraude fiscale permet d’avancer, surtout au moment où chacun comprend que les zones d’ombres se font enfin de plus en plus rares.
Nous assistons ainsi à des progrès majeurs, ce qui requiert tout notre soutien et toute notre vigilance.
Nous demandons à nos concitoyens des efforts importants au service du redressement de nos comptes publics, efforts qui ne doivent pas souffrir d’exception. Ce sont souvent les fraudes les plus lourdes qui savent s’adapter à l’évolution des règles communes. Dans ces conditions, je ne doute pas que nous aurons l’occasion de revenir très vite sur le sujet, pour perfectionner et enrichir encore notre arsenal législatif, toujours avec la même détermination et, je l’espère, la même unanimité. (M. le rapporteur de la commission des lois applaudit. – M. Philippe Marini applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. François Pillet.
M. François Pillet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lutte contre l’évasion fiscale répond à double titre à une exigence d’équité.
Équité d’abord par rapport à la politique que nous avons toujours voulu mener, au-delà des clivages politiques : nous montrer intraitables avec la délinquance financière comme avec la délinquance plus commune, qui porte atteinte aux personnes et aux biens. Quand il s’agit de faire respecter la loi, il n’y a pas de privilège.
Équité ensuite par rapport à la participation de chacun à la solidarité nationale et à l’impôt : il s’agit de faire en sorte que chacun s’engage en fonction de ses moyens et contribue à l’effort national, qui, en temps de crise, s’impose à tous. On ne saurait donc tolérer l’attitude coupable de ceux qui cherchent à se soustraire à leur devoir.
Soyons clairs, nous traitons ici d’un moyen important d’éponger notre endettement. En effet, la fraude fiscale représente un manque à gagner, certes impossible à chiffrer, mais incontestablement considérable.
Ces deux considérations fondent à mon sens l’action que nous devons mener. Le gouvernement d’hier a eu à cœur de réguler les flux financiers et les activités bancaires, de développer les conventions d’assistance et de renseignement fiscal, et d’engager une coopération internationale à ce sujet. Il faut d’ailleurs l’admettre, les résultats que nous avons obtenus, bien qu’ils fassent moins de bruit que certaines affaires, ont été plutôt satisfaisants.
Pour autant, nous en avons conscience, la lutte contre la fraude fiscale demande une adaptation permanente.
De tels projets de loi méritent quelques remarques de fond, dont certaines montrent que nous avons une réelle divergence.
Les douanes ont récemment tiré la sonnette d’alarme : les saisies aux frontières d’argent liquide non déclaré fuyant le territoire ont bondi de 500 % en un an. Faisons donc attention à ne pas alimenter un feu que l’on tente d’éteindre. Si rien ne justifie que l’on veuille échapper aux lois de la République, il faut établir un diagnostic complet du problème, pour appliquer les solutions les mieux adaptées.
À ce propos, et je ne l’ai jamais caché au cours des précédentes discussions, il eût été préférable d’attendre les résultats des travaux de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux, qui va rendre son rapport dans moins d’un mois. Les derniers travaux de la première commission sur ce sujet avaient permis, à l’époque, d’obtenir un consensus ; la majorité des propositions qu’elle avait formulées avaient été reprises. J’ai déjà rappelé ma position, et je regrette le choix du Gouvernement, qui a souhaité agir au plus vite. Peut-être ce rapport connaîtra-t-il néanmoins des suites concrètes. En tout cas, je le souhaite !
J’en viens au projet de loi et au projet de loi organique que nous examinons en nouvelle lecture, faute d’un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat. J’avais initialement fait part d’un certain nombre d’appréhensions sur le projet de loi.
Cela concernait d’abord le délai de prescription attaché à la prise de connaissance de la fraude, délai qui conduisait naturellement à une imprescriptibilité de l’acte délictuel. Il ne me paraissait alors pas compréhensible que nous soyons plus sévères envers la délinquance financière qu’envers les atteintes aux biens ou aux personnes. Nous nous sommes, semble-t-il, accordés sur ce point.
J’étais également interrogatif quant au fait de réserver à l’administration fiscale l’opportunité d’engager les poursuites en saisissant le procureur. J’avais alors salué les efforts et l’intelligence de M. le rapporteur, qui avait ouvert la voie à la transparence. Malheureusement, aucune suite positive n’y a été apportée.
J’ai bien compris le développement de mon collègue Philippe Marini, qui disait veiller à ce qu’une réforme de ce dispositif ne gêne pas les procédures de redressement fiscal en encourageant le développement de mesures dilatoires par les intéressés. Sa proposition de réserver une procédure dérogatoire pour les délits les plus importants, tel que, par exemple, le blanchiment de capitaux, pourrait peut-être constituer un premier pas, voire une expérimentation à développer.
À titre personnel, et sans beaucoup d’originalité tant les critiques furent nombreuses lors de la création de ce curieux organisme, je pense qu’un tel paravent au droit de l’administration de décider de l’opportunité des poursuites crée un obstacle injustifiable à une politique transparente de lutte contre la fraude fiscale et, de ce fait, à une politique compréhensible par les citoyens. Dont acte.
Par ailleurs, j’avais souhaité attirer l’attention du Gouvernement et de mes collègues sur la fraude à la TVA, qui représente des pertes fiscales extrêmement importantes. Je persiste à penser que nous devons mener une réflexion et une action particulièrement vives sur ce plan.
Ma dernière réticence porte toujours sur les lanceurs d’alerte, mesure prise dans l’urgence et le fracas de l’affaire dite « Cahuzac ». Le dispositif présente des risques majeurs en matière d’atteinte au respect de la vie privée. Sur ce point, nous réservons notre opinion, et attendons le résultat des discussions que nous aurons cet après-midi.
Vous l’aurez compris, ces remarques visent à présenter quelques propositions d’ajustement au volet relatif à la lutte contre la fraude fiscale.
Nous ne sommes malheureusement pas du tout sur votre ligne s’agissant de la création d’un procureur de la République financier. Je suis d’accord avec les praticiens, procureurs ou magistrats spécialistes de ces affaires, qui se montrent, pour le moins, très réservés sur une telle proposition.
Encore une fois, quelle sera la plus-value d’un procureur qui, luttant contre la fraude fiscale, devra attendre que le facteur lui remette l’autorisation de poursuivre accordée par la commission des infractions fiscales, celle-ci ayant elle-même attendu que le facteur lui délivre sa saisine par l’administration ?
Plus précisément, je crains qu’un tel dispositif n’entraîne à terme confusion et inefficacité. On ne peut que redouter un conflit de compétences permanent entre les juges du fond, le TGI de Paris, et le procureur de la République de Paris. Convenons-en, nous assisterons à un spectaculaire gâchis d’une énergie monopolisée par le règlement des conflits de compétences, mais aussi à une concurrence des services, qui empêchera toute coopération productive.
Le Gouvernement a souhaité afficher la création d’une telle comme le moyen de régler les problèmes liés à cette matière. Mais les réalités sont là. Il faut en tenir compte pour éviter qu’une impulsion politique ne demeure une vaine utopie.
Il ne s’agit pas là de simples considérations pratiques. Le dispositif bouleverse complètement notre organisation judiciaire. Il ne faudra donc pas sous-estimer à cet égard le risque d’une censure du Conseil constitutionnel. Comment ce dernier devra-t-il interpréter la création d’un procureur de la République financier qui ne sera rattaché à aucune juridiction ? Certains de mes collègues parlaient de procureur « hors sol ». (M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.) Ils ont raison, cette notion est complètement étrangère à notre organisation judiciaire.
Mais ce n’est pas tout. Peut-on imaginer qu’il soit réellement possible d’institutionnaliser une autorité hiérarchique du procureur de Paris sur les autres procureurs généraux ?
M. Jean-Jacques Hyest. Bonne question !
M. François Pillet. J’entends bien que les dispositions des deux textes n’établissent pas expressément une telle hiérarchisation.
Cependant, que se passera-t-il si, dans le cadre de la concertation prévue entre le procureur de Paris et un autre procureur général, si le second refuse de se dessaisir d’un dossier ? Là encore, le texte reste silencieux. Or nous savons, par expérience, que le Conseil constitutionnel a horreur du vide juridique.
En outre, ne serait-il pas légitime que la création d’un procureur de la République financier soit suivie de celles d’un procureur nationalement chargé de la lutte contre la drogue, de la lutte contre le racisme, ou de la protection de l’enfance, préoccupations dont vous admettrez qu’elles sont aussi vives que celle qui nous occupe aujourd’hui ?
Monsieur le ministre, vous ouvrez fortuitement une brèche dans l’organisation judiciaire. Vous le voyez, il y a beaucoup d’imprécisions et de spéculations, ce qui cadre mal avec la bonne administration de notre justice.
C’est d’autant plus vrai, s’agissant du traitement juridictionnel de la fraude fiscale, que l’intérêt général en pâtira. Pourtant, nous disposons actuellement de l’architecture idoine, que nous pouvions améliorer. Nous aurions pu le faire en élargissant, par exemple, la compétence des JIRS, en leur adjoignant un procureur spécialisé, ou en réservant une compétence exclusive à celle de Paris lorsque plusieurs juridictions spécialisées sont concernées.
Voilà des pistes que nous aurions pu explorer, dans la concertation. Malheureusement, je ne pense pas que l’examen de ces deux textes en nouvelle lecture persuade le Gouvernement de le faire.
Ainsi, notre groupe ne peut pas souscrire à une telle proposition dans son état actuel, qui présente d’importantes carences institutionnelles. Au regard de l’esprit qui nous anime, la réforme peut donc apparaître comme une occasion manquée. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Nicolas Alfonsi applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà parvenus à l’examen en nouvelle lecture, presque à la fin de la procédure législative de ces deux textes destinés à mieux armer l’État dans sa lutte contre la fraude fiscale.
Il y a au moins un point sur lequel nous pouvons tous être d’accord : il faut renforcer la lutte contre la fraude fiscale. Nous comprenons donc qu’une majorité politique cherche à améliorer les outils dont elle dispose. Encore faut-il que les deux présents textes le permettent vraiment. Je n’y crois pas du tout. Au contraire, à mon sens, ils émoussent très fortement le dispositif.
Nous sommes d’accord sur certains points. Le quantum des peines a été élevé pour inciter les juges, qui sont indépendants, je le rappelle, à alourdir les condamnations qu’ils vont prononcer. C’est une forme très subtile de peine plancher, monsieur le rapporteur. (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)
M. Alain Anziani, rapporteur. C’est une peine incitative !
M. Michel Mercier. En élevant le quantum, on espère que les juges rehausseront un peu le plancher de la peine.
Je vous observe depuis longtemps, monsieur le rapporteur ; je savais bien que vous étiez, certes secrètement, très favorable aux peines planchers. Vous venez de le démontrer encore une fois ! (M. le rapporteur s’étonne.)
Au-delà, comme vous l’avez dit, il importe de donner du sens. Je suis d’accord avec vous. À ce titre, notons la grande victoire de M. le ministre du budget, qui a obtenu que l’on ne change rien. Il reste, avec l’administration fiscale, le maître des poursuites dans ce domaine. (M. le ministre marque sa désapprobation.) Je ne vous ai pas dit que nous étions contre cette disposition, monsieur le ministre : nous l’avons votée !
M. François Marc, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Michel Mercier. Ce n’est pas parce que l’on vote une disposition que l’on doit fermer les yeux !
M. François Marc, rapporteur pour avis. Ah non !
M. Michel Mercier. Personnellement, j’aime mieux voter les yeux ouverts !
M. le ministre du budget a ainsi gagné, ce dont je me réjouis. J’espère seulement qu’il luttera activement contre la fraude fiscale, puisque l’essentiel reposera sur lui.
J’en viens au point essentiel, celui qui nous oppose, l’institution d’un nouveau magistrat : le procureur de la République financier. Ce qui m’ennuie, c’est que cela introduit plus de confusion que de clarté.
Au cas où les sénateurs présents auraient oublié les textes en vigueur, ce dont je doute, je rappelle le critère de compétence pour les JIRS en matière financière, qui est très simple. Ce critère est celui de la « grande complexité », en raison, notamment, du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes, ou le ressort géographique sur lequel les affaires s’étendent.
Le projet de loi définit, en son article 13, la compétence de la JIRS par une référence à la grande complexité. Le procureur de la République financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris sont compétents dans « les affaires qui sont ou apparaissent d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ». Ce sont les mêmes termes ! N’y a-t-il pas là un risque de confusion des compétences ? La difficulté n’a pas échappé à notre rapporteur, qui a cherché à éviter cet écueil.
Pour sortir d’une telle confusion, il est prévu dans le texte, notamment dans l’étude d’impact, qu’il incombera au garde des sceaux, par voie d’instruction non pas individuelle, mais générale, de fixer les règles selon lesquelles la compétence du procureur financier jouera.
Notre rapporteur a bien compris qu’il était un peu bancal de confier au garde des sceaux le soin de désigner par voie de circulaire qui, du procureur de la JIRS ou du procureur financier, serait compétent. Voilà pourquoi il a voulu que le système devienne un peu juridictionnel et préféré confier la compétence au procureur général de Paris.
Qu’il me soit permis de mettre l’accent sur un point tout simple : la procédure pénale est une compétence du législateur, comme l’a rappelé à de nombreuses reprises le Conseil constitutionnel. Par conséquent, ce n’est ni à la garde des sceaux, par des textes qui ne sont même pas de niveau réglementaire, ni au procureur général de Paris, de décider qui est compétent. C’est au législateur. Or le texte ne nous permet pas, bien au contraire, de le faire. Cela pose un vrai problème de légalité !
Un autre point est relativement complexe et confus à mes yeux. Je n’arrive pas très bien à comprendre l’articulation entre la compétence du procureur de la République financier et celles des autres procureurs de la République.
Je le rappelle, l’action civile appartient non au procureur général, mais au procureur de la République.
M. Jean-Jacques Hyest. Oui !
M. Michel Mercier. Ce dernier peut recevoir, en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, des plaintes et des dénonciations.
M. Jean-Jacques Hyest. Exact !
M. Michel Mercier. L’article 41 dispose, lui, que le procureur dirige la police judiciaire dans le ressort de son tribunal.
Or je ne suis pas sûr que le procureur de la République financier puisse recevoir les plaintes. C’est donc un procureur de deuxième rang.
M. Jean-Jacques Hyest. En effet !
M. Michel Mercier. Par exemple, les services de TRACFIN ne pourront travailler qu’avec le procureur territorialement compétent et ils n’iront voir qu’au deuxième rang le procureur de la République financier, si tant est qu’on ait pu régler le problème de la compétence auparavant.
Toutes ces questions jettent le doute sur l’efficacité du procureur de la République financier. Oui, nous sommes favorables une plus grande efficacité de l’action contre la fraude fiscale, et nous serions prêts à soutenir le Gouvernement s’il allait dans ce sens au lieu de chercher à créer un tel écran de fumée !
Mme la garde des sceaux n’est pas revenue au banc du Gouvernement. J’aurais voulu lui signaler que le Sénat a voté la réforme constitutionnelle prévoyant d’obliger l’exécutif à suivre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature. Je ne comprends pas que l’exécutif se prive d’une victoire qu’il a obtenue. N’aime-t-il donc que les échecs au Parlement ? Les deux chambres ont voté à une forte majorité la révision constitutionnelle. Certes, le Sénat a rejeté le « tripatouillage » du Conseil supérieur de la magistrature. Mais nous avons soutenu tout le reste. Et on ne nous fait pas voter ! Je ne le comprends pas. Le Président de la République remporterait pourtant une belle victoire, ce qui ne fait jamais de mal quand on est chef de l’exécutif !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le procureur de la République financier nous semble créer une confusion. Il risque même de nuire à l’efficacité de l’action que le Gouvernement entend mener. Nous ne voterons donc pas ce dispositif. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet.
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la grande question de l’évasion fiscale était inscrite à l’ordre du jour du dernier G20, qui s’est tenu à Saint-Pétersbourg voilà quelques semaines. Cela prouve que le sujet est devenu incontournable dans le débat public.
Fruit de la mobilisation grandissante de l’opinion publique, sans cesse mieux informée de la réalité des faits et plus attentive et exigeante, voire défiante à l’égard des responsables politiques, des pouvoirs et des États, la lutte contre la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales est devenue un véritable enjeu de société, surtout depuis que la crise économique larvée ravageant le monde a pris le tour que l’on connaît, avec la surchauffe extrême des marchés financiers, l’une des conséquences, entre autres, de la dérèglementation engagée voilà trois décennies.
Ainsi, la confrontation aiguisée entre les grandes puissances occidentales, les pays producteurs de matières premières essentielles, les puissances économiques émergentes et les peuples souverains en lutte pour leur pleine et complète émancipation aura débouché, après une longue phase de dérégulation agressive, sur un nouveau paysage politique, économique et financier, dont nous découvrons jour après jour les contours, les zones de conflits et les contradictions.
Les tensions financières qui auront fait exploser tour à tour la bulle Internet, les économies asiatiques, puis, plus récemment, les marchés financiers européens et américains ont montré qu’il était temps de tourner la page de la dérégulation agressive, de l’argent factice et facile, provoquant aujourd’hui la croissance de la dette souveraine, cette nouvelle bombe à retardement dont l’explosion risque fort un jour de mettre en péril les valeurs démocratiques qui nous animent aussi sûrement qu’elle contraint les politiques économiques de la zone euro.
Contrairement à ce que certains ont pu affirmer en 2009, nous n’en avons pas encore fini avec les paradis fiscaux, l’aggravation des inégalités sociales, politiques et économiques ou la perversion des règles fiscales, l’impôt étant l’élément clé de l’organisation sociale. Pas plus que nous n’en avons fini avec la mise en concurrence des territoires. Nombre des économies les plus puissantes de la planète, professant toutes les vertus possibles en façade, continuent d’accepter dans leur arrière-cour l’existence de zones grises, de « paradis fiscaux », où se traitent dans une grande opacité des affaires de la plus haute importance.
Les fonds de pension américains qui sévissent en Europe, où ils multiplient opérations de leveraged buy-out, LBO, et raids meurtriers sur les capacités de production, les usines, les terres agricoles, sont bien souvent domiciliés dans le petit État américain du Delaware, paradis fiscal moins peuplé que la ville d’Auxerre et surnommé « petite merveille », sans doute pour les financiers et affairistes de toutes obédiences !
Les Îles Caïmans les Îles Vierges britanniques et américaines ont la même vocation : accueillir, pour les unes, quelques « crocodiles » de la finance et de la spéculation et, pour les autres, quelques « anges déchus » des trafics en tout genre. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Je pense à l’argent de la drogue ou du commerce des armes, un argent parfaitement lessivé dans les eaux bleues de la mer des Caraïbes !
Plus près de nous, Jersey se spécialise dans le service commercial de tous produits, et Guernesey offre ses compétences en réassurance.
Et que dire de la City de Londres, véritable enclave financière au cœur de la grande ville britannique, capitale d’un partenaire essentiel au sein de l'Union européenne ? Que dire aussi du port franc de Genève, où, semble-t-il, certains accueillent désormais plus aisément les capitaux étrangers que les travailleurs frontaliers ?
Fraude, évasion et optimisation fiscales sont des maux dont souffrent toutes les économies de l’Union européenne, en particulier la nôtre.
De notre point de vue, le projet de loi constituait dès sa parution une avancée quant aux voies et moyens que l’État, c’est-à-dire la collectivité nationale exprimée dans la souveraineté populaire, se donnait pour réduire la fraude, l’évasion et l’optimisation fiscales.
Au demeurant, nous comprenons parfaitement que certains, pourtant partisans de la construction européenne actuelle, aient malgré tout appuyé ce texte.
D’une part, personne n’osera aujourd'hui se déclarer opposé à la lutte contre la fraude. D’autre part, il est tout aussi délicat de vouloir imposer au plus grand nombre, c’est-à-dire à la grande masse des contribuables qui ne « trichent » pas, des sacrifices et des efforts sans demander quelques comptes à tous ceux qui usent et abusent des « ficelles », plus ou moins grosses, du droit fiscal tel qu’il est. Je pense notamment à ces schémas d’optimisation fiscale ingénieux conçus par les artistes des professions du chiffre !
Dans ce cadre, notre groupe s’est positionné dès le début de la discussion avec la volonté de rendre le dispositif le plus efficace possible, en le dotant de la plus grande capacité opératoire, susceptible de marquer des points et, in fine, de contribuer à la perception en retour de recettes fiscales et sociales indûment éludées jusqu’alors.
Le texte a connu d’incontestables évolutions, fruit du travail des deux assemblées, un travail alimenté en partie par les recommandations des commissions d’enquête menées au Sénat et à l’Assemblée nationale et par les avis et propositions de ce qu’il est convenu d’appeler la « société civile ». En l’espèce, elle recouvre des militants de la transparence financière, des associations non gouvernementales luttant contre les inégalités et pour le développement, des journalistes, ainsi que de simples citoyens de plus en plus mobilisés sur de telles problématiques.
Notre groupe ne s’opposera évidemment pas à l’adoption du texte. Nous veillerons même à en bonifier encore le contenu, un peu a contrario de tous ceux qui semblent encore avoir quelques difficultés avec une transparence devenue publique de bien des turpitudes des marchés financiers.
Une telle réforme constitue incontestablement une inflexion majeure dans la vie politique de notre pays sur la question de la fraude fiscale et de la délinquance économique. Elle recèle des potentiels qu’il nous faut aujourd’hui valoriser et exploiter pleinement dans les mois et années à venir. La survie du pacte républicain, miné par les discriminations, les inégalités et les tensions, passe également par cette voie.
Même le voyage le plus long commence toujours par le premier pas. Le groupe CRC sera du voyage ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'UDI-UC.)
M. Nicolas Alfonsi. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je ne reviendrai pas sur les raisons obscures et sans intérêt qui ont poussé le Gouvernement à engager la procédure accélérée pour l’examen de ces deux textes. Ce n’est pas parce que les objectifs sous-tendant ces projets de loi font l’unanimité que ces derniers ne méritent pas de bénéficier des apports de la navette, surtout quand il existe des points de désaccord non négligeables entre les deux assemblées.
Je tiens à souligner la position constructive de notre groupe sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Si nous avons exprimé des divergences, nous avons aussi soutenu un certain nombre de dispositions importantes, dont beaucoup ont d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre les deux chambres, puisqu’elles ont été votées en termes identiques.
Je pense ainsi au durcissement des amendes, aux mesures renforçant la lutte contre la fraude fiscale complexe, notamment lorsqu’elle est commise en bande organisée, ou encore à l’élargissement des compétences de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale.
Cependant, malgré ces points positifs, auxquels nous apportons notre soutien, nous considérons depuis le départ que certaines dispositions risquent de se révéler inefficaces, contreproductives, pour ne pas dire dangereuses, voire liberticides.
Je reviendrai ultérieurement sur le procureur financier, qui a déjà été longuement évoqué par mes prédécesseurs à cette tribune. Je rappelle d’abord les autres réserves que nous avons déjà formulées. Elles concernent la possibilité pour les associations de lutte anti-corruption de se constituer partie civile, les lanceurs d’alerte, l’allongement des délais de prescription en matière de fraude, l’utilisation des preuves illicites et, enfin, le renversement de la charge de la preuve en matière de blanchiment, qui a été voté par l’Assemblée nationale.
Je regrette vivement que les députés aient refusé de prendre en compte un certain nombre de modifications présentées par le Sénat dans sa grande sagesse, notamment les améliorations et les sécurisations proposées par notre rapporteur Alain Anziani.
L’Assemblée nationale a ainsi rétabli l’article 2 bis, sur le renversement de la charge de la preuve.
Il en va de même de l’utilisation des preuves d’origine illicite, que ce soit par l’autorité judiciaire ou par les douanes. Notre groupe reste très réservé quant à cette possibilité, qui mérite, dans tous les cas, d’être très encadrée. M. le rapporteur a donc bien fait de rétablir en commission le filtre de l’autorité judiciaire pour l’utilisation de ce type de preuves.
Nous l’avons souligné, des objectifs, aussi louables soient-ils – et, quand il s’agit de lutter contre la fraude fiscale et la délinquance, ils le sont –, ne légitiment pas tout. Nous devons être très vigilants quand nous prenons des mesures susceptibles de bouleverser les fondements de notre droit et de notre système judiciaire.
De même, il est heureux que notre commission ait de nouveau supprimé l’article 11 sexies, qui avait été rétabli à l’Assemblée nationale suite à l’adoption d’un amendement écologiste. Il est utile de rappeler la position qui a été celle de Mme le rapporteur pour avis Sandrine Mazetier.
Au-delà de toute considération partisane, ces différentes dispositions ont été adoptées par notre commission des lois dans un relatif consensus. J’espère que nos collègues députés auront la sagesse de suivre nos préconisations.
Pour terminer, je confirmerai notre position défavorable à la création d’un procureur financier compétent sur l’ensemble du territoire national pour les affaires économiques et financières de « grande complexité », comme l’a rappelé à l’instant Michel Mercier.
Nous restons très sceptiques quant aux apports d’une telle disposition. Le principal argument du Gouvernement pour justifier cette création est la lisibilité qui en résulterait. Nous partageons cet objectif, mais nous pensons que le législateur doit privilégier l’efficacité de l’action judiciaire sur la lisibilité.
La nouvelle architecture sera-t-elle plus efficace ? Nous en doutons fortement. Je l’ai déjà dit, le temps médiatique n’est pas le temps judiciaire. Il nous semble qu’une telle institution irait à l’encontre de la nécessaire transversalité en matière de fraude fiscale et de blanchiment et qu’il existe des risques de conflits d’intérêt persistant malgré les améliorations du dispositif.
Sans vouloir être cruel, je souligne que, parmi les soixante engagements du candidat François Hollande, il y avait des propositions de moindre importance et que la création du procureur financier n’y figurait pas.
La création de toute loi a des causes et des prétextes. Distinguons les deux. On ne modifie pas l’architecture judiciaire et le fonctionnement des parquets à partir d’un fait divers. Car c’est bien de cela qu’il s’agit ! (Bravo ! et applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. Philippe Marini. Très bien !
M. Nicolas Alfonsi. Vous connaissez ma position. Je considère que les vingt-cinq magistrats annoncés par Mme le garde des sceaux auraient sans doute été beaucoup plus utiles autour du procureur de Paris investi de compétences très larges. Pourquoi créer des conditions invraisemblables de gestion des affaires lourdes par un procureur financier « hors sol », comme cela a été dit voilà un instant ?
Dès lors, la position du groupe RDSE sera évidemment identique à celle que nous avons défendue en première lecture. Nous soutenons l’objectif du projet de loi, renforcer la lutte contre la fraude et la délinquance économique et financière, mais nous nous opposerons à un certain nombre de dispositions du texte, notamment à celle que je viens d’évoquer. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. le rapporteur pour avis applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le rappelle l’exposé des motifs du projet de loi, la lutte contre la fraude fiscale est un « enjeu de souveraineté et de redressement des comptes publics » et une « condition essentielle pour faire respecter le principe d’égalité devant l’impôt ».
Ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire en première lecture, la lutte contre la fraude fiscale revêt, pour le groupe écologiste, trois enjeux.
Un enjeu économique d’abord, puisqu’il s’agit de collecter les milliards d’euros qui manquent chaque année dans notre budget. Un enjeu économique ensuite, car il est urgent de répondre à la crise de confiance qui s’ajoute à la crise économique que connaît notre pays. Un enjeu politique enfin, car ces textes permettent de montrer aux citoyennes et citoyens de notre pays que le législateur n’est pas impuissant face à ceux qui trichent.
Force est d’ailleurs de constater, au regard des désaccords qui ont émaillé les débats et de l’échec de la commission mixte paritaire, que ces enjeux sont de taille.
Certes, sur de nombreux points, le consensus s’est fait entre nos deux assemblées, puisque le Sénat a voté conformes près de la moitié des articles du texte que l’Assemblée nationale avait adoptés.
Les écologistes se félicitent des nombreuses avancées auquel le travail parlementaire a abouti.
Je pense à l’augmentation des peines encourues pour le délit de fraude fiscale aggravée et à la création du délit de fraude fiscale en bande organisée.
Je mentionnerai également la protection des lanceurs d’alerte, ces simples citoyens qui décident, comme l’a fait Hervé Falciani, de manière désintéressée, de porter à la connaissance d’instances fiscales des données permettant de révéler une fraude fiscale. Certes, le Sénat a quelque peu réduit la portée de cette protection.
Autre avancée, la création d’un registre des trusts, introduite sur l’initiative de notre collègue député Éric Alauzet. Cette transparence est nécessaire, puisque, selon Transparency International France, au niveau international, 80 % des flux illicites transiteraient par des trusts.
De surcroît, cela empêchera les entreprises de se dédouaner de leur responsabilité sociale et environnementale. On s’en souvient, l’Erika avait été affrété par une société bahamienne appartenant à un trust géré par un cabinet juridique panaméen.
Toutefois, des divergences demeurent, par exemple le délai de prescription des infractions de fraude fiscale.
Trois ans ou six ans ? C’est la question. Convaincu que, compte tenu de la complexité souvent constatée des méthodes de fraude et de la difficulté à les mettre en évidence, le délai actuel de prescription est manifestement trop court, le groupe écologiste a déposé un amendement visant à rétablir l’article 11 sexies, que notre commission des lois a une nouvelle fois supprimé.
Le groupe écologiste se réjouit que notre commission des lois ne soit pas revenue sur la possibilité pour les associations anti-corruption de se constituer partie civile, même si nous aurions préféré que l’agrément des associations ne soit pas exigé.
Ainsi, le projet de loi ordinaire et le projet de loi organique que nous examinons complètent et renforcent les dispositions déjà adoptées dans les deux derniers collectifs budgétaires de 2012.
Si certaines réserves relatives au durcissement de l’arsenal répressif ont pu être exprimées ici ou là, les deux textes rejoignent les convictions et les préoccupations que les écologistes expriment bien longtemps. Nous sommes donc heureux d’y apporter notre soutien et notre concours. (M. le rapporteur et M. le rapporteur pour avis applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Espagnac.
Mme Frédérique Espagnac. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons en nouvelle lecture revêt pour moi et pour mon groupe une double importance. Dans un contexte de ressources financières extrêmement réduites pour l’État et de volonté accrue d’équité des Français face à l’impôt, le fléau qu’est la fraude fiscale constitue pour nos concitoyens et, je l’espère, pour tous les parlementaires présents dans cet hémicycle un acte antipatriotique.
Le mot n’est pas trop fort. Nous le savons, notre pays doit faire face, après une décennie de dégradation permanente de ses comptes publics, à une pression accrue de ses partenaires européens et des marchés financiers, pressions qui, il faut bien l’admettre, menacent de manière permanente la souveraineté de notre pays, comme nous avons pu le voir chez certains de nos voisins.
Arrêtons-nous d’ailleurs un instant sur le cas grec. Nous le voyons, le cauchemar que vivent encore aujourd’hui les habitants de ce pays est aussi en grande partie dû au laxisme des pouvoirs publics depuis des décennies dans la perception d’impôts et taxes censées garantir le financement des services publics.
Au regard de ces éléments, comment pouvait-on encore tolérer de tels agissements ? Contrairement à ce que certains ont pu proposer – je fais référence à la proposition de certains parlementaires UMP d’accorder une amnistie fiscale aux fraudeurs –, le Gouvernement s’est mobilisé dès le printemps de 2012, en procédant à un renforcement sans précédent de l’arsenal législatif de lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales.
À travers une série de texte, une vingtaine de mesures concrètes ont été adoptées. Je n’évoquerai que l’alourdissement significatif des sanctions, le renforcement des moyens de l’administration, favorisant ainsi une plus grande efficacité de notre politique de lutte contre l’évasion fiscale et le combat accru contre le transfert à l’international des bénéfices par les entreprises.
Il suffit de suivre l’actualité internationale pour se rendre compte que le Président de la République a réussi à susciter avec nos partenaires, notamment au sein du G20 et de l’Union européenne, une véritable prise de conscience.
Lors du dernier G20, qui se tenait à Saint-Pétersbourg, le sujet de l’évasion fiscale comme véritable frein à la croissance et au développement mondial a été évoqué. Je souhaiterais également me saisir de l’occasion pour saluer l’excellent travail réalisé depuis de nombreuses années sur ce sujet au niveau communautaire, notamment au sein du Parlement européen. Les députés européens ont très vite perçu que la disparité des différents régimes fiscaux présents au sein de l’Union européenne participait de facto à créer une concurrence déloyale au sein même de l’Union, nuisant ainsi gravement à la construction européenne.
Des initiatives furent prises, notamment vis-à-vis du secteur bancaire, afin d’entraver au maximum de telles pratiques, de réduire les destinations à travers le monde susceptibles d’accueillir la fraude, en menant une lutte résolue contre le secret bancaire et les paradis fiscaux, en accroissant les pressions sur les États qui maintiennent le secret bancaire et en proposant un dispositif d’échange automatique d’informations au niveau européen et avec les États tiers.
Dès lors, le message est clair : le politique est en passe de reprendre la main après des décennies de laisser-faire, pratique qui nous a montré cruellement ses limites.
Tandis que certains auraient pu s’en contenter, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé d’aller encore plus loin. Le présent projet de loi tend notamment à élargir le champ de compétences de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale au blanchiment de fraude fiscale au sein du futur office central de lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Est aussi instituée la notion de circonstance aggravante pour les délits en bande organisée et l’utilisation de trusts ou fiducies.
Pour toutes ces raisons, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi a connu quelques infortunes depuis l’annonce initiale par le Gouvernement d’une refonte globale de notre arsenal de lutte contre la délinquance fiscale et financière.
Mais j’en resterai au seul volet fiscal pour constater, tout d’abord, que le projet de loi est devenu une sorte de quasi-collectif budgétaire, de projet portant diverses dispositions d’ordre fiscal, avec d’ailleurs une série de mesures techniques utiles qui pourraient faire l’objet d’un large consensus.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’attirer quelques instants votre attention sur trois points.
Premier sujet, la recevabilité des preuves illicites. Il s’agit d’un apport majeur du texte : l’administration fiscale pourra désormais se fonder, pour réaliser ses contrôles et ses redressements, sur des preuves d’origine douteuse ou illicite. Pour le dire plus clairement, elle pourra s’appuyer sur des listes similaires à la « liste HSBC », une liste de comptes non déclarés qui avait été portée voilà quelques années à la connaissance de l’administration compétente.
Néanmoins, se pose la question de la définition des conditions précises de la recevabilité de telles preuves.
Nous sommes nombreux à la commission des finances à considérer que nos collègues de la commission des lois ont adopté, en vertu d’analyses plus que légitimes, une position trop restrictive et qu’il ne faudrait pas limiter une telle recevabilité aux seuls cas où les preuves seraient communiquées par l’autorité judiciaire ou dans le cadre de l’assistance administrative internationale.
Pourquoi faudrait-il que l’unique moyen de transmettre au fisc une liste de fraudeurs soit de passer par à peu près n’importe qui, à l’exception du fisc ? Je comprends les raisons qui ont poussé notre rapporteur pour avis François Marc à déposer un amendement visant à permettre l’utilisation de ces preuves, sans considération des modalités de leur transmission. À titre personnel, j’y suis entièrement favorable.
Cependant, dans le cas où une telle solution ne serait pas retenue, et afin de rapprocher les points de vue de la commission des finances et de la commission des lois, je vous propose, comme en première lecture, un amendement de compromis ou de repli, qui vise à rétablir le texte voté par l’Assemblée nationale. Il s’agit de maintenir la condition de transmission régulière chère à la commission des lois, mais en l’élargissant à l’ensemble des droits de communication de l’administration fiscale, soit une quarantaine de procédures au total. Avec un tel dispositif, les détenteurs de listes volées n’auront que l’embarras du choix pour exercer leur devoir civique, auquel nous devons les appeler.
Deuxième sujet, la rénovation de la notion d’abus de droit, qui, vous le savez, souffre d’une lacune majeure : seuls sont visés les montages à but « exclusivement » fiscal.
Pour pallier cette faiblesse, j’ai déposé au mois de juin une proposition de loi dont l’objet est d’élargir l’abus de droit aux montages à but « essentiellement », et non plus « exclusivement », fiscal. Le groupe CRC et moi-même avions déposé des amendements en ce sens, devenus l’article 11 bis DA du présent projet de loi.
L’Assemblée nationale a préféré supprimer cet article, au profit de l’engagement pris alors par le Gouvernement de créer un groupe de travail où nous pourrions, tous ensemble, travailler à l’amélioration du dispositif. Je me réjouis de l’attention portée à ce sujet, tout en souhaitant que puissent participer à ce groupe les sénateurs à l’origine d’une telle initiative.
Mes chers collègues, j’estime que la réflexion sur le sujet doit continuer de progresser. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement visant non plus à élargir l’abus de droit en lui-même, mais à le compléter par un second dispositif, plus facile à mettre en œuvre, ciblé sur les entreprises multinationales, qui sont à l’origine des montages susceptibles de se révéler les plus dommageables. Les petites et moyennes entreprises et la gestion de patrimoine privé bénéficieraient ainsi d’une plus grande sécurité juridique.
Troisième sujet, que j’avais également abordé dans ma proposition de loi, les prix de transfert.
J’avais transformé en première lecture les éléments correspondants de ma proposition de loi en un amendement au présent texte. Malheureusement, il n’avait pas été adopté. Il visait à inverser la charge de la preuve dans le cas d’un transfert de fonctions ou de risques à l’étranger, ce que l’on appelle pudiquement une « restructuration d’entreprise ». Il incombait alors au contribuable de prouver que le transfert n’est pas anormal.
Ma proposition n’a pas prospéré dans ce texte, mais j’ai relevé qu’elle était devenue, sous une forme plus précise, l’article 15 du projet de loi de finances pour 2014. C’est donc dans ce cadre que nous aurons le nécessaire débat sur les prix de transfert. Rassurez-vous, je ne demanderai pas de droit d’auteur au Gouvernement…
Chacun le comprend bien, nous n’aurons pas raison de l’évasion fiscale en une seule fois et par ce seul texte. Ce projet de loi n’est qu’une pierre de l’édifice qu’a contribué à bâtir la majorité précédente et que la majorité actuelle continue de compléter.
Mes chers collègues, je déterminerai mon vote en fonction de ce que deviendra ce texte avec les adjonctions et suppressions qui découleront de notre débat de cet après-midi. Comme tous les membres de mon groupe, je suis extrêmement hostile à la création d’un procureur financier. Si je peux envisager d’accepter certaines mesures, il s’agit exclusivement de celles qui peuvent techniquement faire progresser la lutte contre la fraude fiscale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…
La discussion générale commune est close.
projet de loi
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
TITRE IER
DISPOSITIONS RENFORÇANT LA POURSUITE ET LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS EN MATIÈRE DE DÉLINQUANCE ÉCONOMIQUE, FINANCIÈRE ET FISCALE
Chapitre Ier
Atteintes à la probité
Article 1er
(Non modifié)
I. – Après l’article 2-22 du code de procédure pénale, il est inséré un article 2-23 ainsi rédigé :
« Art. 2-23. – Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions suivantes :
« 1° Les infractions traduisant un manquement au devoir de probité, réprimées aux articles 432-10 à 432-15 du code pénal ;
« 2° Les infractions de corruption et trafic d’influence, réprimées aux articles 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-10 et 445-1 à 445-2-1 du même code ;
« 3° Les infractions de recel ou de blanchiment, réprimées aux articles 321-1, 321-2, 324-1 et 324-2 dudit code, du produit, des revenus ou des choses provenant des infractions mentionnées aux 1° et 2° du présent article ;
« 4° Les infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles les associations mentionnées au premier alinéa du présent article peuvent être agréées. »
II. – L’article 435-6 du code pénal est abrogé et la sous-section 3 de la section 2 du chapitre V du titre III du livre IV du même code est supprimée.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 6 est présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.
L'amendement n° 33 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. François Pillet, pour présenter l'amendement n° 6.
M. François Pillet. Nous revenons sur le débat qui a eu lieu en première lecture : la possibilité pour certaines associations, à condition d’avoir au moins cinq ans d’existence et d’être agréées, de déclencher des poursuites.
À nos yeux, les associations viendraient en quelque sorte se substituer au procureur de la République. Or, dans ce type d’affaires, la victime, c’est l’État. Qui est le mieux placé pour défendre l’État, sinon le procureur de la République ? En tout cas, certainement pas les associations, dont les objectifs sont parfois – je ne citerai pas d’exemple ! – très éloignés de ce qui est affiché.
Au vu du débat que nous avons eu ce matin en commission, il me semble qu’accorder un tel droit à certaines associations reviendrait à signifier au procureur de la République qu’il n’a pas bien fait son travail ou qu’on le soupçonne de ne pas être suffisamment indépendant.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l'amendement n° 33 rectifié.
M. Nicolas Alfonsi. Mes observations rejoignent celles de M. François Pillet. Nous nous opposons avec force à l’extension des pouvoirs des associations en matière de déclenchement de l’action publique, compte tenu en particulier de l’importance des infractions visées : manquement au devoir de probité – cela ne peut être qu’une source de confusion –, infractions de corruption et trafic d’influence, etc.
Nous ne sommes pas hostiles par principe à l’action des associations. L’agrément est un critère sérieux, encore qu’il faille se méfier quelquefois de la manière dont il est accordé. Le délai de cinq ans ne nous paraît pas être un critère exceptionnel de probité, même pour les associations, qui peuvent être quelquefois soupçonnées de ne pas être dénuées d’arrière-pensées.
C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cet article.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Lors de la réunion de la commission ce matin, le vote sur ces amendements identiques n’a pas permis de dégager une majorité. La commission émet donc un avis de sagesse.
À titre personnel, je souligne l’utilité de prévoir une telle possibilité de constitution de partie civile. D’une part, il n’y a pas de victime identifiée en matière de probité : personne ne peut donc se porter partie civile, d’où l’intérêt d’accorder cette faculté aux associations. D’autre part, la possibilité existe déjà dans d’autres cas, et elle est fortement encadrée. Je ne crois pas au risque de dérive décrit par certains de nos collègues.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je reprendrai quelques-uns des arguments que j’ai développés lors de la discussion générale.
Dans notre code de procédure pénale, la possibilité pour des associations de se constituer partie civile existe déjà dans plusieurs domaines contentieux. Ce n’est donc pas une innovation.
Par ailleurs, la faculté est réservée aux associations agréées selon des critères transparents, énoncés dans un décret en Conseil d’État, qui existent depuis au moins cinq ans, et dont l’objet social est relatif aux incriminations concernées, limitativement énumérées.
La possibilité existe déjà pour les associations luttant contre le racisme et les discriminations, dans les mêmes conditions, c’est-à-dire si elles sont agréées et existent depuis au moins cinq ans. De même, les associations ayant pour objet de protéger l’intégrité des enfants peuvent déclencher l’action publique dans les cas de maltraitance ou de pédopornographie.
Nous consolidons la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a tout de même permis à une association importante et fiable de déclencher l’action publique dans des procédures relatives à des biens mal acquis. Quelle que soit votre sensibilité politique, vous auriez regretté que cela ne fût point possible !
Par conséquent, lorsque les victimes ne sont pas identifiées ou identifiables, la victime étant la société tout entière, le procureur pourra très bien déclencher l’action publique ; rien ne lui interdira de le faire. En revanche, si l’action publique n’est pas déclenchée par le ministère public, elle pourra l’être par une association agréée se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption et déclarée depuis au moins cinq ans.
Comme je l’ai dit tout à l'heure, les articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale ont prévu la possibilité, pour des associations, de déclencher l’action publique. Le code est très précis sur ce point : aux termes de l’article 2-3, « toute association, inscrite auprès du ministère de la justice dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État, est recevable dans son action même si l’action publique n’a pas été mise en mouvement par le ministère public ». Ces dispositions sont claires ! Nous nous inscrivons donc dans un cadre d’ores et déjà explicitement défini dans le code de procédure pénale.
Par conséquent, la question est simple : sommes-nous vraiment déterminés à lutter contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière ? En ce cas, nous devons nous en donner les moyens et créer les conditions pour rendre une telle lutte possible.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez accepté de protéger les repentis et les lanceurs d’alerte. Autrement dit, vous avez accepté de protéger des acteurs qui contribuent à lutter contre ce type d’infractions. Dès lors, pourquoi empêcher des associations reconnues, agréées et stables de déclencher l’action publique en la matière ?
On ne peut pas se contenter de souligner l’urgence de la lutte contre la corruption, la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, dans un contexte de grand désarroi des citoyens, qui rencontrent des difficultés économiques et ont le sentiment que l’horizon est brouillé, sans se donner les moyens de rendre la lutte effective et efficace : on se réduirait ainsi à énoncer une pétition de principe. Il faut au contraire donner aux associations les moyens de lutter contre ces incriminations.
Le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Madame la garde des sceaux, vous avez évoqué les articles 2-1 et suivants – ils sont toujours plus nombreux, au fil des années ! – du code de procédure pénale.
Dans la plupart des cas, il s’agit de défendre les intérêts matériels et moraux d’une catégorie : anciens combattants, victimes de racisme ou de discriminations… À ce propos, on trouve toujours de nouvelles catégories de victimes. Pour ce qui me concerne, j’ai toujours été extrêmement réservé sur ce développement. Je prendrai pour seul exemple une grande association de protection de l’enfance ayant joué un rôle très important dans un procès d’assises du Nord de la France à l’issue tristement célèbre…
Il existe des cas limites où une association ne peut pas se porter partie civile que lorsque l’action publique a été déclenchée.
Mais, dans le cas de la fraude fiscale, la victime, c’est la société ! Où va-t-on si l’action publique ne permet plus de défendre les intérêts de la société ? Il y a là un détournement progressif du droit.
Au demeurant, si l’on cite des exemples, il faut le faire avec précision ! À mes yeux, on n’a déjà que trop multiplié les associations qui peuvent engager l’action publique.
M. Patrice Gélard. Exactement !
M. Jean-Jacques Hyest. Nous le savons très bien, dans certains cas, ce que cherchent les associations, c’est l’indemnisation. Et certaines sont très douées pour cela !
Franchement, l’article 1er me paraît complètement superflu. Donnons des moyens d’investigation aux services de l’État au lieu de dire que les associations vont s’occuper de tout ! La société doit pouvoir défendre ses intérêts. Or, procureur de la République financier ou pas, c’est encore le parquet qui est en mesure d’assurer cette mission.
C’est la raison pour laquelle j’estime que l’on ne doit pas ajouter un peu plus à cette myriade d’associations, dont le rôle n’est pas toujours complètement innocent.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. S’il était voté par le Sénat, l’article 1er améliorerait-il le fonctionnement de la justice et permettrait-il de mieux lutter contre la fraude fiscale ? Vous me permettrez d’en douter, mes chers collègues ! Au contraire, un tel dispositif augmenterait la confusion dans l’esprit de nos concitoyens sur le fonctionnement de la justice, alors que la situation en la matière a besoin d’être clarifiée.
En réalité, l’article 1er vise à satisfaire certaines associations et, accessoirement, à leur apporter des ressources à l’occasion de procès qui seraient engagés. Certains reposeraient peut-être sur des bases sérieuses, mais beaucoup n’auraient pas de fondement solide.
En matière de lutte contre la fraude fiscale, nous sommes très attachés au bon fonctionnement des institutions existantes, les services fiscaux, d’un côté, et le ministère public, de l’autre.
Qui doit engager l’action publique en matière pénale en droit français ? Le ministère public ! Certes, depuis plusieurs années, nous sommes cernés par des associations qui prétendent représenter l’intérêt public ou l’intérêt collectif, une dérive que nous combattons au Sénat.
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Zocchetto. Certes, lorsqu’une victime clairement identifiée a subi un dommage, il est légitime qu’elle se constitue partie civile. Mais, lorsqu’il s’agit d’un dommage collectif, c’est au procureur de la République d’engager l’action.
Voter un tel article reviendrait à émettre des doutes quant aux capacités des procureurs à engager l’action publique. Madame la garde des sceaux, cela nous semble pour le moins paradoxal de votre part !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. François Zocchetto. Pour ce qui nous concerne, nous faisons confiance aux services fiscaux et au ministère public pour engager l’action. Si vous estimez qu’ils ne font pas correctement leur travail, donnez-leur les moyens de fonctionner !
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.
M. Éric Bocquet. Nous en revenons à un débat que nous avons déjà eu en première lecture sur le sujet.
Pour ma part, je trouve certains des propos tenus sur cet article 1er – on a parlé de « privatisation de la justice », de « confusion », de « dérive », de« déviance »… – quelque peu excessifs. Pour leurs auteurs, les associations ne devraient pas être mises en situation d’ester en justice en matière de corruption.
Permettez-moi de répéter ce que Mme la garde des sceaux vient de rappeler : dans de nombreux cas, les associations loi 1901 ont le droit d’ester en justice et de se porter partie civile. Lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, il a été rappelé qu’il en est ainsi en matière de pédopornographie, de pédocriminalité, d’atteintes sexuelles commises par des Français contre des mineurs à l’étranger, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et même d’agissements contraires à la protection des animaux. Notre code de procédure pénale prévoit donc plusieurs situations où les associations peuvent déclencher l’action publique. Et chacun sait que le parquet a tout loisir de déclencher l’action publique quand il le souhaite.
Qu’est-ce qui pourrait justifier sur le fond que le droit des associations à soutenir les victimes de la pédophilie, de violences sexuelles, de discrimination raciale ou sexiste ne soit pas applicable aux affaires de corruption, alors même que cela peut fort bien être une forme de perversion du suffrage universel, dans les matières visées aux articles L. 106 à 109 du code électoral, sans parler des trafics d’influence et des affaires de blanchiment, qui sont irrecevables du point de vue civil ? Il s’agit, dans tous les cas, d’une rupture caractérisée du pacte républicain qui nous lie par l’impôt et le droit ! Il me semble d’ailleurs que l’actualité récente a montré qu’il y avait de quoi faire à cet égard.
Les dispositions de l’article 1er ne nous apparaissent donc absolument pas scandaleuses.
Du reste, je ne peux manquer de souligner qu’en votant cet article nous aurions simplement trois ans de retard ! En effet, le 9 novembre 2010, la Cour de cassation a donné droit d’ester en justice à l’association Transparency international France, dont le président est l’ancien directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, M. Daniel Lebègue, dans l’affaire dite « des biens mal acquis », visant un certain nombre de dictateurs des pays d’Afrique ayant détourné à leur profit et à celui de leur famille ou de leurs amis une part importante de l’exploitation des richesses de leur pays respectif.
Vous le voyez, la réalité dépasse d'ores et déjà les préventions et précautions que certains ici entendent mettre en œuvre !
De deux choses l’une : soit nous votons la suppression de l’article 1er, et nous préservons ainsi une sorte de tabou, quitte à encourager la corruption ; soit nous votons contre sa suppression, et nous permettrons une nouvelle avancée du droit.
M. Jacques Chiron. Très bien !
M. le président. La parole est à M. François Pillet, pour explication de vote.
M. François Pillet. Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur un débat clos, qui concerne la commission des infractions fiscales. Vous connaissez ma position.
La situation est quelque peu paradoxale. Le procureur de la République, censé être présent à toutes les audiences du tribunal de commerce, avec vue sur l’ensemble des contentieux devant les tribunaux, des affaires familiales aux affaires civiles, n’a pas la possibilité de déclencher seul une procédure pour fraude fiscale ; il doit passer par le double canal de l’administration fiscale, qui déclenche la saisine, et de la commission des infractions fiscales, qui saisira peut-être le parquet.
Par conséquent, si nous adoptons la proposition du Gouvernement, certaines associations auront plus de pouvoir que le procureur de la République dans certains domaines.
M. Nicolas Alfonsi. Qu’il crée son association ! (Sourires.)
M. Philippe Marini. L’association des parquets ! (Nouveaux sourires.)
M. François Pillet. Ce débat démontre en filigrane notre crainte de l’indépendance du parquet. Nous sommes en train d’écrire un texte qui, au moins dans son esprit, se contredit.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. La pression médiatique est à la mode. Il nous faut la subir.
En l’occurrence, il s'agit vraiment d’un débat de principe. En l’état actuel du droit, le parquet a le pouvoir de déclencher l’action publique, tandis que les associations peuvent recourir à l’article 40 du code de procédure pénale.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, cet article résout toute difficulté. Je ne vois pas ce qui empêcherait une association de l’utiliser.
Je crois que tout le monde partage votre objectif. Ce que nous contestons, c’est le fait que des associations, dont le travail est d'ailleurs de qualité très variable, puissent mettre en mouvement l’action publique. Il y va de l’intérêt général et du rôle de l’État ! Je dirais même que rien ne relève davantage du rôle de l’État que la mise en œuvre de l’action publique.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Jacques Mézard. On vient nous dire que l’État n’est pas capable de faire son travail. En prévoyant de leur donner le pouvoir d’ester en justice, l’article 1er confie à un certain nombre d’associations, celles qui auront été jugées compétentes et à qui aura été délivré un agrément, le soin de pallier la carence de l’État. Inutile de vous préciser les dérives qui risquent d’en découler ! Ce n’est pas raisonnable. Tout un chacun a d'ores et déjà la possibilité de saisir le parquet s’il est informé de l’existence d’un problème.
Notre collègue François Pillet, qui a lui aussi l’expérience des tribunaux et de la procédure, vient à juste titre de rappeler qu’il est quand même assez original d’obliger le parquet à subir l’obstacle de la commission des infractions fiscales – cette mesure peut se justifier, et elle a même constitué une amélioration en son temps – tout en permettant aux associations de déclencher l’action publique dans ce domaine.
Quoi que l’on en dise, je suis tout à fait convaincu que le vote de l’article 1er constituerait non pas d’une avancée, mais un recul démocratique.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.
M. Nicolas Alfonsi. Si je puis m’exprimer ainsi, nous nous trouvons face à un démembrement du pouvoir régalien.
La difficulté qui se pose à nous vient du fait que nous nous interrogeons en permanence sur le crédit que l’on peut accorder aux associations.
L’action de certaines associations, qui sont admirables, est exceptionnelle. Mais les critères de l'agrément et de la déclaration depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile n’empêcheront pas les associations d'avoir un comportement obscur dans tel ou tel cas de figure.
Voilà, me semble-t-il, une dizaine d'années, quelqu’un avait écrit qu’il se trouvait des associations lucratives sans but.
M. Jean-Jacques Hyest. En effet !
M. Nicolas Alfonsi. On est donc en droit de s'interroger !
Si nous poursuivons les mêmes objectifs, la question se pose de savoir à quel niveau on doit positionner le curseur de l'action que l'on peut intenter en matière de fraude fiscale. Pour ma part, je n’ai pas la réponse. Mais ne prenez pas pour pain béni tout ce que disent les associations…
M. Philippe Marini. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur.
M. Alain Anziani, rapporteur. À la lecture de l’objet de l’amendement n° 6, il me semble qu’il y a une confusion.
Revenons au projet de loi. L’article 1er ne fait pas mention de fraude fiscale. Il permet à toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans de se constituer partie civile dans quatre cas : manquement au devoir de probité, corruption et trafic d'influence, recel ou blanchiment, infractions réprimées aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, c'est-à-dire le délit d'influence illicite.
M. Jean-Jacques Hyest. Le trafic d'influence est cité…
M. Alain Anziani, rapporteur. Que précise l'objet de votre amendement, mon cher collègue ? « L’article 1er donne aux associations de lutte contre la corruption déclarées depuis au moins cinq ans et agréées, la possibilité de se constituer partie civile pour des faits de fraude fiscale. » Non, il ne permet pas cela !
M. Jean-Jacques Hyest. C'est une erreur.
M. Alain Anziani, rapporteur. Délimitons bien la question : le domaine en cause est celui non de la fraude fiscale, mais de la lutte contre la corruption.
Par ailleurs, certains d’entre vous, mes chers collègues, ont indiqué que nous devions nous méfier d'une privatisation de la justice, du démembrement de l'action publique. Mais je précise – et vous le savez mieux que moi – que l'action publique peut d'ores et déjà être exercée par des parties privées par le biais de la citation directe, de la constitution de partie civile, à condition, toutefois, d'être victimes.
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui, il faut être victime…
M. Alain Anziani, rapporteur. Observez alors que notre débat se restreint : il n’est pas question de fraude fiscale et pas vraiment de démembrement. En réalité, il s’agit de savoir si nous étendons le dispositif qui existe déjà, y compris pour certaines associations, à d'autres associations.
En l’occurrence, l’extension qui vous est proposée concerne les associations qui portent le fer contre la corruption. Or, selon vous, elle ne serait pas possible. Ce qui est admis dans tous les cas rappelés tout à l'heure par Mme le garde des sceaux ne le serait pas en matière de lutte contre la corruption…
Pourquoi refusez-vous donc que des associations combattent, à égalité avec le procureur de la République, la corruption ? Décidément, je ne comprends pas votre opposition.
M. Michel Mercier. Si l’article n’a rien à voir avec la fraude fiscale, c'est un cavalier !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Non, monsieur le sénateur !
En effet, dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, vous savez parfaitement que le parquet financier est compétent pour lutter contre les formes de manquement au devoir de probité constatées dans les corruptions diverses. En l’espèce, les associations pourront se constituer partie civile pour lutter contre les corruptions, contre le blanchiment, contre le recel… Ce n’est donc pas un cavalier.
J’ai bien noté les préoccupations qui sont exprimées et que je considère, a priori, de bonne foi.
Mais, monsieur Hyest, c’est l’erreur qui figue dans l’objet de votre amendement qui induit une analyse erronée.
M. Jean-Jacques Hyest. Il n’y a aucun malentendu ! Ce qui compte, c’est ce qui est dit en séance !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Les malentendus sont possibles… Mais cet amendement est un document tout à fait officiel, enregistré, et c'est bien lui qui donne lieu à notre débat !
M. Jean-Jacques Hyest. Vous me faites un procès !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Monsieur Hyest, je vous respecte et ne vous fais nullement un procès !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Quoi que vous en pensiez, je vous affirme que non !
Lorsque nous préparons les débats, nous travaillons sur les documents qui nous sont remis, et le vôtre nous a été remis officiellement par les services du Sénat.
Cela étant, selon vous, les associations ne risquent rien. Mais vous savez bien que le code de procédure civile prévoit une sanction en cas d'action abusive et dilatoire !
M. Patrice Gélard. On peut toujours rêver…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous le savez parfaitement !
Le ministère public pourrait tout faire et fort bien ? Soit ! Mais dans le même temps, si la loi prévoit qu’une démarche abusive doit être sanctionnée, comment comprendre le fait qu’un tel acte ne le soit pas ?
M. Philippe Marini. Si elle l'est, tant mieux, mais ce sera longtemps après…
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cela signifie que le ministère public ne fait pas tout, ni tout bien ! C'est contradictoire !
En l’occurrence, dans le domaine de la lutte contre la corruption, il s'agit de permettre à des associations de déclencher l'action publique si le ministère public ne l'a pas fait.
M. Philippe Marini. On l'a compris !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Il ne s'agit pas d'accorder une exclusivité aux associations : si l'action publique est déclenchée par le ministère public, elles peuvent s’y associer, sans pour autant procéder au déclenchement de cette action. Quoi qu’il en soit, en cas d’abus, il y a sanction.
Par ailleurs, certains propos de M. Zocchetto sont assez révélateurs et je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle nous serions cernés par des associations. Rien ne justifie un pareil ressenti : pour l'instant, il n’y a qu’une poignée d'associations !
En outre, notre droit et nos institutions sont suffisamment solides pour que si, tout à coup, surgissait une floraison d'associations irresponsables, elles n’obtiennent pas l'agrément nécessaire et ne puissent pas déclencher l'action publique.
Vous rappeliez, monsieur Hyest, que c'est la société qui est victime. Dans un tel cas de figure; il revient effectivement au ministère public d'agir.
M. Philippe Marini. Eh oui !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais, heureusement, dans notre démocratie, la société civile est représentée par des associations, lesquelles, si jamais le ministère public ne déclenchait pas l’action publique, pourront agir à sa place.
Selon vous, les infractions visées par le projet de loi sont bien différentes de celles qui justifient déjà l'intervention d'associations aux termes du code de procédure pénale. Je citerai, par exemple, le déclenchement de l'action publique contre les faits de racisme.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a des victimes !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Certes, mais le racisme défait aussi le lien social !
Je citerai aussi le déclenchement de l'action publique contre des crimes de guerre ou contre l'humanité, prévue par l'article 2-4 du code précité.
M. Jean-Jacques Hyest. Il y a aussi des victimes !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Elles ne sont surtout malheureusement plus là pour obtenir réparation…
Cela étant, c'est donc bien sur la base des principes généraux et en fonction de l'intérêt général que l'action peut être intentée.
En somme, nous n’introduisons rien de scandaleux, ni par rapport aux principes généraux, ni par rapport au droit actuel, ni par rapport aux conditions de déclenchement de l'action publique.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.
M. Philippe Marini. J’avoue être surpris et choqué de l'insistance du Gouvernement pour défendre l’article 1er. Les arguments avancés par des collègues appartenant à différents groupes de notre assemblée montrent bien la raison de notre initiative : dans le cadre de nos institutions judicaires, nous estimons que la responsabilité de déclencher l'action publique revient au parquet et que c'est une dérive tout à fait dangereuse de laisser croire à l'opinion publique qu’il y aurait, au-delà de cette institution fondamentale au sein de l'organisation judiciaire, un deuxième parquet associatif !
Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas ce qui est dit !
M. Philippe Marini. Madame le garde des sceaux, il faut que vous acceptiez que certains sénateurs n’aient pas la même analyse ni les mêmes opinions que vous ! Vous devez respecter l'expression de ceux qui ne pensent pas comme vous !
M. Philippe Marini. Si nous souhaitons supprimer l’article 1er, c'est parce qu’il ne correspond pas à notre idée de la défense de l'action publique. Il est inutile de chercher des petites finesses dans la rédaction de tel ou tel exposé des motifs : nous faisons simplement une analyse tout à fait différente du rôle de nos institutions judiciaires. Je rappelle également que le Gouvernement que vous représentez n’a pas toujours exprimé le respect qu’il devait aux corps intermédiaires de la République, plus particulièrement à la Haute Assemblée ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 6 et 33 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe du RDSE.
Je rappelle que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat et que le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 11 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
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Chapitre II
Blanchiment et fraude fiscale
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Article 2 bis
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir l’article 2 bis dans la rédaction suivante :
À l'article 324-3 du code pénal, les mots : « jusqu'à la moitié de » sont remplacés par le mot : « à ».
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement participe de notre logique de dissuasion à l’égard des diverses opérations de fraude. Il vise le blanchiment de sommes illégalement perçues.
L’article 324-3 du code pénal dispose : « Les peines d’amende mentionnées aux articles 324-1 et 324-2 peuvent être élevées jusqu’à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment. » Concrètement, le tribunal peut prononcer une peine d’amende de 375 000 euros ou de 750 000 euros, selon les cas de figure, dans les affaires de blanchiment ponctuel, avéré, régulier ou dissimulé.
Lors de la première lecture, un amendement identique a été adopté par le Sénat sans que le Gouvernement s’y oppose. Nous souhaitions signaler aux fraudeurs et aux « blanchisseurs » d’argent sale la fin de la mansuétude.
Compte tenu des difficultés que soulève l’article 2 bis, tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale, difficultés évoquées par la commission des lois, nous vous proposons, par le biais de l’amendement n° 2, de réintroduire dans le projet de loi la disposition que nous avions adoptée en première lecture. De surcroît, cet amendement présente toutes les garanties de recevabilité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Elle s’en remet à la sagesse du Sénat, monsieur le président.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Par respect pour la commission, j’étais tentée de m’en remettre à la sagesse du Sénat, mais je suis prête à aller plus loin, parce que rien ne justifie qu’une partie du produit de l’infraction bénéficie à son auteur. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. En conséquence, l'article 2 bis est rétabli dans cette rédaction.
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Article 3
(Non modifié)
I. – L’article 1741 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les deux dernières phrases du premier alinéa sont supprimées ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés six alinéas ainsi rédigés :
« Les peines sont portées à 2 000 000 € et sept ans d’emprisonnement lorsque les faits ont été commis en bande organisée ou réalisés ou facilités au moyen :
« 1° Soit de comptes ouverts ou de contrats souscrits auprès d’organismes établis à l’étranger ;
« 2° Soit de l’interposition de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable établis à l’étranger ;
« 3° Soit de l’usage d’une fausse identité ou de faux documents, au sens de l’article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification ;
« 4° Soit d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
« 5° Soit d’un acte fictif ou artificiel ou de l’interposition d’une entité fictive ou artificielle. » ;
3° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La durée de la peine privative de liberté encourue par l’auteur ou le complice d’un des délits mentionnés au présent article est réduite de moitié si, ayant averti l’autorité administrative ou judiciaire, il a permis d’identifier les autres auteurs ou complices. »
II. – (Non modifié). – (Adopté.)
Article 3 bis A
(Non modifié)
Après l’article L. 10 B du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 10 BA ainsi rédigé :
« Art. L. 10 BA. – I. – Avant ou après la délivrance du numéro individuel d’identification prévu à l’article 286 ter du code général des impôts, l’administration peut demander des informations complémentaires pour statuer sur l’attribution ou le maintien de cet identifiant ainsi que tout élément permettant de justifier de la réalisation ou de l’intention de réaliser des activités économiques prévues au cinquième alinéa de l’article 256 A du même code.
« II. – Les informations complémentaires demandées au I sont fournies dans un délai de trente jours à compter de la réception de la demande.
« III. – Lorsque l’administration demande des informations complémentaires, elle notifie à l’opérateur sa décision d’accepter, de rejeter ou d’invalider l’attribution du numéro individuel d’identification, dans un délai d’un mois à compter de la réception des informations demandées.
« IV. – Le numéro individuel d’identification n’est pas attribué ou est invalidé dans l’un des cas suivants :
« 1° Aucune réponse n’a été reçue dans le délai mentionné au II ;
« 2° Les conditions prévues à l’article 286 ter du code général des impôts ne sont pas remplies ;
« 3° De fausses données ont été communiquées afin d’obtenir une identification à la taxe sur la valeur ajoutée ;
« 4° Des modifications de données n’ont pas été communiquées. » – (Adopté.)
Article 3 bis B
(Non modifié)
L’article 1649 AB du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « constitution », sont insérés les mots : « , le nom du constituant et des bénéficiaires » ;
2° Après le premier alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Il est institué un registre public des trusts. Il recense nécessairement les trusts déclarés, le nom de l’administrateur, le nom du constituant, le nom des bénéficiaires et la date de constitution du trust.
« Ce registre est placé sous la responsabilité du ministre chargé de l’économie et des finances.
« Les modalités de consultation du registre sont précisées par décret en Conseil d’État.
« L’administrateur d’un trust défini à l’article 792-0 bis qui a son domicile fiscal en France est tenu d’en déclarer la constitution, la modification ou l’extinction, ainsi que le contenu de ses termes. » ;
3° Au début du deuxième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L’administrateur d’un trust ».
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Il rend également compte de l’évolution de la valeur des biens déposés au sein des trusts.
II. – Alinéa 7
Après le mot :
consultation
insérer les mots :
et de publicité
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. L’article 3 bis B constitue l’une des avancées du présent texte.
Dans le souci parfaitement légitime de lutter contre le blanchiment de l’argent sale, l’Assemblée nationale a introduit dans le projet de loi initial la création d’un registre public des trusts – appelés « fiducies » en français –, structures relativement opaques soupçonnées, dans un certain nombre de cas, de dissimuler des activités financièrement douteuses ou peu avouables.
Le principe du trust est fort ancien, puisque cette « confiance » placée dans le gestionnaire de patrimoine et/ou de fortune remonte aux temps des Croisades ; il semble bien que ce système a fait la richesse et la puissance de l’Ordre du Temple, dépositaire des biens de nombre de preux chevaliers partis reconquérir la Terre Sainte ou la protéger des Sarrasins...
Le concept a depuis évolué, d’autant que l’Ordre du Temple a connu quelques vicissitudes au XIVe siècle. Il recouvre aujourd’hui des accords particuliers portant sur des biens matériels, des œuvres d’art, des valeurs monétaires, etc.
Certains territoires du Nord de l’Europe, très bien fréquentés et plutôt huppés, se sont fait une spécialité d’accueillir maints gestionnaires de patrimoine. Je pense, par exemple, à Jersey, où l’on compte plusieurs dizaines de milliers de trusts, dont la valeur globale dépasse sans doute très largement le produit intérieur brut de cette petite communauté anglo-normande.
Pour autant, les choses évoluent. Même la Commission de Bruxelles a commencé à considérer que le recours à ces trusts posait d’incontestables questions en termes de déloyauté fiscale et financière, et que l’on pouvait difficilement affirmer vouloir lutter contre le blanchiment de l’argent sale sans étudier d’un peu plus près le sujet des trusts.
L’amendement n° 20 tend donc à renforcer la disposition adoptée et à prévoir, comme le demandent nombre d’acteurs de la vie civile, une certaine publicité des informations recensées dans le registre, publicité concernant autant les parties prenantes au trust que le résultat de la gestion de la structure.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à l’adopter.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Quelles informations figureront dans le registre des trusts ? Il peut effectivement paraître souhaitable de rendre publique l’évolution des valeurs. Néanmoins la commission a considéré que la mesure proposée relevait du domaine non de la loi, mais du règlement. C’est pourquoi elle vous demande, madame Cukierman, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Aucune des déclarations fiscales contenant des données chiffrées relatives au patrimoine des particuliers, aux déclarations de succession ou à l’impôt de solidarité sur la fortune ne peut être rendue publique par l’administration.
Si nous donnions suite à votre amendement, madame le sénateur, nous créerions une rupture de droit en matière de données patrimoniales.
En revanche, il va de soi que les informations afférentes aux trusts détenues par l’administration fiscale, y compris celles qui sont relatives à la valeur des biens placés dans les trusts, pourront être, selon les procédures habituelles, mises à la disposition des services intervenant dans la lutte contre la fraude.
Je vous rappelle que ce texte renforce les sanctions, dont le plafond est porté à 12,5 % de la valeur des trusts si la déclaration n’est pas conforme aux règles prévues par notre droit.
L’adoption du présent amendement introduirait une inégalité de traitement en matière de publicité relative à la composition des patrimoines.
Par ailleurs, vos préoccupations trouvent satisfaction dans un autre article du projet de loi.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 20 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 3 bis B.
(L'article 3 bis B est adopté.)
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Article 3 ter
I et II. – (Non modifiés)
III. – Le traitement des dossiers transmis à la direction générale des finances publiques par l’autorité judiciaire en application des articles L. 82 C et L. 101 du livre des procédures fiscales fait l’objet d’un rapport annuel au Parlement.
Ce rapport comporte les informations suivantes :
1° Le nombre de dossiers transmis ;
2° Le nombre de dossiers ayant fait l’objet d’enquêtes ;
3° Le nombre de dossiers ayant fait l’objet de contrôles, la nature et le montant des impositions qui en résultent ;
4° Le nombre de dossiers de plainte pour fraude fiscale déposés dans les conditions prévues à l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.
Ce rapport comporte également le nombre de signalements effectués par les agents de la direction générale des finances publiques auprès du ministère public en application du second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale.
IV. – (Non modifié). – (Adopté.)
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Article 3 sexies
(Non modifié)
I. – Le titre II de la première partie du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° La section I du chapitre II est complétée par un 27° ainsi rédigé :
« 27° Concepteurs et éditeurs de logiciels de comptabilité ou de caisse
« Art. L. 96 J. – Les entreprises ou les opérateurs qui conçoivent ou éditent des logiciels de comptabilité, de gestion ou des systèmes de caisse ou interviennent techniquement sur les fonctionnalités de ces produits affectant, directement ou indirectement, la tenue des écritures mentionnées au 1° de l’article 1743 du code général des impôts sont tenus de présenter à l’administration fiscale, sur sa demande, tous codes, données, traitements ou documentation qui s’y rattachent. » ;
2° Le chapitre II bis est complété par un article L. 102 D ainsi rédigé :
« Art. L. 102 D. – Pour l’application de l’article L. 96 J, les codes, données, traitements ainsi que la documentation doivent être conservés jusqu’à l’expiration de la troisième année suivant celle au cours de laquelle le logiciel ou le système de caisse a cessé d’être diffusé. »
II. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 1734, dans sa rédaction résultant du I de l’article 11 bis C de la présente loi, est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les manquements aux obligations prévues aux articles L. 96 J et L. 102 D du livre des procédures fiscales entraînent l’application d’une amende égale à 1 500 € par logiciel ou système de caisse vendu ou par client pour lequel une prestation a été réalisée dans l’année. » ;
2° Le 2 du A de la section II du chapitre II du livre II est complété par un article 1770 undecies ainsi rédigé :
« Art. 1770 undecies. – I. – Les personnes mentionnées à l’article L. 96 J du livre des procédures fiscales qui mettent à disposition les logiciels ou les systèmes de caisse mentionnés au même article sont passibles d’une amende lorsque les caractéristiques de ces logiciels ou systèmes ou l’intervention opérée ont permis, par une manœuvre destinée à égarer l’administration, la réalisation de l’un des faits mentionnés au 1° de l’article 1743 du présent code en modifiant, supprimant ou altérant de toute autre manière un enregistrement stocké ou conservé au moyen d’un dispositif électronique, sans préserver les données originales.
« L’amende prévue au premier alinéa du présent I s’applique également aux distributeurs de ces produits qui savaient ou ne pouvaient ignorer qu’ils présentaient les caractéristiques mentionnées au même alinéa.
« Cette amende est égale à 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou systèmes de caisse ou des prestations réalisées.
« II. – Les personnes mentionnées au I sont solidairement responsables du paiement des droits rappelés mis à la charge des entreprises qui se servent de ces logiciels et systèmes de caisse dans le cadre de leur exploitation et correspondant à l’utilisation de ces produits. »
III. – Au premier alinéa de l’article L. 2222-22 du code général de la propriété des personnes publiques, le mot : « à » est remplacé par la référence : « au premier alinéa de ».
IV. – A. – Le 2° du I s’applique aux logiciels ou systèmes de caisse en cours de diffusion lors de l’entrée en vigueur de la présente loi.
B. – L’amende et la solidarité de paiement prévues au 2° du II s’appliquent au chiffre d’affaires réalisé et aux droits rappelés correspondant à l’utilisation des produits à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Marc, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Après les mots :
par une manœuvre
insérer le mot :
frauduleuse
II. – Alinéa 14
1° Remplacer les mots :
est égale à
par les mots :
ne peut être supérieure à
2° Compléter cet alinéa par les mots :
et son montant est fixé en fonction de la gravité des faits
La parole est à M François Marc.
M. François Marc. Cet amendement vise à modifier à la marge l’article 3 sexies, qui a été introduit à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par notre collègue Éric Bocquet relatif aux logiciels de comptabilité et aux systèmes de caisse frauduleux.
Cet article prévoit notamment que le concepteur, l’éditeur et le distributeur d’un logiciel frauduleux seront solidairement tenus au paiement des droits rappelés consécutivement aux fraudes commises au moyen de leur produit, ainsi que passibles d’une amende égale à 15 % du chiffre d’affaires provenant de la commercialisation de ces logiciels ou des prestations réalisées.
Le présent amendement a pour objet de répondre à une inquiétude qu’ont exprimée les éditeurs de logiciels – il convient, madame le garde des sceaux, de les rassurer – et de sanctionner les éditeurs en cas de commercialisation de logiciels frauduleux, mais pas en cas de détournement par les usagers.
Il tend donc à prendre en compte de manière explicite, dans l’application des sanctions, la bonne foi des éditeurs de logiciels et à prévoir une modulation de l’amende en fonction de la nature de la responsabilité de l’éditeur et de la gravité des faits.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement émet également un avis favorable.
Je tiens à vous rassurer, monsieur le sénateur, le Gouvernement est soucieux d’éviter que les personnes de bonne foi ne tombent sous le coup des sanctions prévues pour les délinquants délibérément auteurs d’infractions.
Le ministère du budget propose de travailler avec vous sur un dispositif qui précise très clairement, sur une base réglementaire et non pas législative, que les auteurs de logiciels de bonne foi ne seront pas inquiétés.
Monsieur le président, je m’aperçois que je viens de commettre une erreur. En effet, compte tenu des assurances que je viens de donner à M. Marc, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement.
M. Philippe Marini. Ce n’est pas d’une clarté absolue !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Si vous cherchez un contentieux, vous l’aurez, monsieur le sénateur, et vite !
M. Philippe Marini. C’est une menace ?...
M. le président. Monsieur Marc, l'amendement n° 22 est-il maintenu ?
M. François Marc. Non, je le retire, monsieur le président, eu égard à l’engagement du Gouvernement de bien veiller à ce que seuls les fraudeurs soient sanctionnés.
M. le président. L'amendement n° 22 est retiré.
Je mets aux voix l'article 3 sexies.
(L'article 3 sexies est adopté.)
Chapitre III
Saisie et confiscation des avoirs criminels
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Chapitre IV
Autres dispositions renforçant l’efficacité des moyens de lutte contre la délinquance économique et financière
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Article 9 septies B
(Dispositions déclarées irrecevables au Sénat au regard de l’article 40 de la Constitution)
Titre Ier BIS A
PRÉVENTION DE LA FRAUDE ET DE LA DÉLINQUANCE FISCALE ET FINANCIÈRE
Article 9 septies C
(Non modifié)
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur la mise en œuvre, en matière de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, des conventions de coopération judiciaire signées par la France.
Ce rapport présente notamment le nombre de commissions rogatoires internationales envoyées par les magistrats français en matière de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Il indique le type des contentieux en cause, ainsi que le délai et la précision des réponses obtenues de la part des États concernés. – (Adopté.)
TITRE IER BIS
DES LANCEURS D’ALERTE
Article 9 septies
I. – Après l’article L. 1132-3-2 du code du travail, il est inséré un article L. 1132-3-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 1132-3-3. – Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, auprès des autorités judiciaires ou administratives, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
« En cas de litige relatif à l’application du premier alinéa, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. »
II. – Après l’article 6 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article 6 ter A ainsi rédigé :
« Art. 6 ter A. – Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, auprès des autorités judiciaires ou administratives, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.
« Toute disposition ou tout acte contraire est nul de plein droit.
« En cas de litige relatif à l’application des deux premiers alinéas, dès lors que la personne présente des éléments de fait qui permettent de présumer qu’elle a relaté ou témoigné de bonne foi de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime, il incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
« Le présent article est applicable aux agents non titulaires de droit public. »
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Hyest, Pillet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Lors de la discussion du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique, le Sénat s’est opposé fermement à la création d’une procédure de lanceurs d’alerte.
Monsieur le rapporteur, vous l’avez bien expliqué au cours de la discussion générale : il est tout à fait normal de protéger les personnes qui sont obligées de signaler à la justice un crime ou un délit, de quelque nature qu’il soit, conformément à l’article 40 du code de procédure pénale, contre toute sanction ou mesure de rétorsion. De tels cas de figure se sont d’ailleurs déjà produits par le passé.
Mais auprès de qui doit être fait le signalement ? De la justice et non des médias !
Et que précise le rapport de la commission ? Il paraît à la commission « que seule l’autorité judiciaire, informée le cas échéant par la police ou la gendarmerie, par une autre administration sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale ou par une plainte ou un signalement de toute personne intéressée, a compétence pour rechercher, poursuivre et sanctionner les manquements à la loi pénale. » Il s’agit bien de l’autorité judiciaire !
Comme l’a observé la commission, l’extension de la protection aux médias ouvrirait la porte à tous les abus, qui, au demeurant, ne seront pas sanctionnés, on le sait bien.
Le texte de la commission étant plus raisonnable, je retire mon amendement.
M. le président. L’amendement n° 7 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9 septies.
(L'article 9 septies est adopté.)
Article 9 octies
(Non modifié)
Après l’article 40-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 40-6 ainsi rédigé :
« Art. 40-6. – La personne qui a signalé un délit ou un crime commis dans son entreprise ou dans son administration est mise en relation, à sa demande, avec le service central de prévention de la corruption lorsque l’infraction signalée entre dans le champ de compétence de ce service. » – (Adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX PROCÉDURES FISCALES ET DOUANIÈRES
Article 10
Après l’article L. 10 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 10-0 AA ainsi rédigé :
« Art. L. 10-0 AA. – Dans le cadre des procédures prévues au présent titre II, à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 16 B et L. 38, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que l’administration utilise et qui sont régulièrement portés à sa connaissance dans les conditions prévues aux articles L. 114 et L. 114 A ou, en application des dispositions relatives à l’assistance administrative, par les autorités compétentes des États étrangers. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 21, présenté par M. Marc, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les mots :
informations que l’administration utilise
supprimer la fin de cet alinéa.
La parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Avec cet amendement, j’ai souhaité revenir sur le débat relatif à la licéité des preuves, notamment sur l’argumentation que vous avez exposée, madame le garde des sceaux, selon laquelle il est nécessaire de placer les fraudeurs dans la plus totale insécurité.
Pourquoi assiste-t-on aujourd’hui à une véritable montée en puissance des recettes fiscales liées au rapatriement d’un certain nombre de comptes et aux ajustements opérés par les titulaires de comptes ouverts à l’étranger ? La raison en est simple, et le ministre chargé du budget nous l’aurait expliquée s’il avait été présent parmi nous : ces personnes se retrouvent dans une telle situation d’insécurité qu’elles entament cette démarche de rapatriement, autrement plus satisfaisante, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.
Un ancien ministre de l’intérieur disait qu’il fallait « terroriser les terroristes ». De la même façon, il s’agit de placer les fraudeurs dans la plus grande insécurité en leur faisant savoir que la justice et l’administration françaises peuvent se fonder sur toutes les informations à leur disposition, quelle que soit leur origine.
Dès lors que ces informations sont fiables, elles doivent pouvoir être exploitées ; tel est l’objet de cet amendement.
Il convient, me semble-t-il, d’aller au-delà des prescriptions des juristes les plus avertis, qui ont tenté de me convaincre qu’il n’était sans doute pas opportun d’aller dans cette direction, car cela remettrait en cause un certain nombre d’us, de coutumes et de procédures.
Considérant, je le répète, que la plus grande insécurité doit être mise en place à l’encontre des fraudeurs, je vous propose donc cet amendement qui vise à élargir le champ de la qualité de la preuve prise en considération.
M. le président. L’amendement n° 19, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
dans les conditions prévues aux articles L. 114 et L. 114 A ou, en application des dispositions relatives à l'assistance administrative, par les autorités compétentes des États étrangers
par les mots :
soit dans les conditions prévues au chapitre II du présent titre II ou aux articles L. 114 et L. 114 A, soit en application des droits de communication qui lui sont dévolus par d’autres textes, soit en application des dispositions relatives à l’assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Il s’agit d’un amendement de repli, dont j’ai exposé le principe lors de mon intervention au cours de la discussion générale, et qui vise à rétablir le texte initial de l’Assemblée nationale.
M. le président. L’amendement n° 34, présenté par M. Anziani, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Avant la référence :
L. 114
Insérer les références :
L. 82 C, L. 101,
La parole est à M. Alain Anziani, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les amendements nos 21 et 19.
M. Alain Anziani, rapporteur. L’amendement n° 34 vise à corriger une erreur de forme dans la rédaction d’un amendement déposé en commission : il s’agit d’autoriser l’utilisation par l’administration fiscale de preuves illicites transmises par la justice.
Les amendements nos 21 et 19 posent une question de fond qui ne concerne pas uniquement la technique, l’efficacité ou le pragmatisme.
Avec le présent projet de loi, le Gouvernement fait un pas dans le sens de l’efficacité souhaitée, entre autres, par mon ami François Marc : il reconnaît que la preuve illicite peut être nécessaire dans une enquête et qu’il ne faut pas s’en priver. Cet argument, nous le comprenons.
Lors du débat à l’Assemblée nationale, les députés ont supprimé une garantie qui nous semble essentielle : la transmission des preuves par l’autorité judiciaire, par un autre État, ou dans le cadre d’une coopération internationale.
L’amendement déposé par M. Marc va encore plus loin que le texte de l’Assemblée nationale, puisqu’il vise à autoriser l’administration à se fonder sur toute preuve d’origine illicite.
M. Marini, quant à lui, souhaite en revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.
La commission de lois est défavorable à ces deux amendements, pour une raison simple, que je tiens à expliquer dans le détail.
Comme l’un des membres de la commission l’a indiqué ce matin, les procédures concernent non seulement les affaires qui relèvent du grand banditisme ou qui font la une des journaux, mais aussi les Français moyens, qui peuvent se retrouver inquiétés, quitte à être blanchis ensuite.
Nous devons, en toute chose, avoir le souci de l’équilibre...
M. Jean-Jacques Hyest. Eh oui !
M. Alain Anziani, rapporteur. ... entre l’efficacité, qui est tout à fait nécessaire, et ce que nous appelons, dans le jargon de la commission, les « droits fondamentaux », sur lesquels nous sommes très vigilants.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’émets un avis favorable sur l’amendement n° 34, qui améliore la rédaction de l’article.
Les deux autres amendements sont, d’une certaine façon, antinomiques : il s’agit, dans un cas, d’élargir le champ de la licéité des preuves, et, dans l’autre, de le définir plus précisément.
M. le rapporteur a bien exposé la problématique : quel équilibre établir entre l’efficacité de l’action publique et le respect des droits et libertés ?
Il arrive que cet équilibre soit délicat à trouver, comme nous l’avons constaté sur d’autres sujets.
Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur ces deux amendements. Il rend, en quelque sorte un jugement de Salomon, ce que je ne trouve pas satisfaisant à titre personnel. Toutefois, au stade actuel de ce débat, il est difficile de dépasser cette difficulté. Je vous rappelle en effet que le caractère illicite des preuves a neutralisé jusqu’à présent l’efficacité de l’action publique, que celle-ci soit exercée par l’administration ou par les parquets. Il n’est pas aisé de trouver le bon point d’équilibre permettant, à la fois, d’assurer l’efficacité de l’action publique et de protéger les citoyens.
Si je m’en remets à votre sagesse, c’est aussi parce que le Sénat a réfléchi longuement sur ce sujet profond et difficile.
Le dernier rapport de la Cour de cassation porte justement sur le régime de la preuve, qui n’est pas le même en matière civile ou pénale. Sur ce point, il existe donc, d’ores et déjà, une dichotomie dans notre droit.
Le Gouvernement n’est pas en mesure de trancher clairement cette question. Au nom du ministre chargé du budget, j’émets un avis de sagesse sur ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote sur l’amendement n° 21.
M. Philippe Marini. Je voterai cet amendement, plus large que le mien, et donc meilleur.
Selon moi, ce sont les préoccupations d’efficacité qui doivent primer.
À propos du droit d’ester des associations, madame le garde des sceaux, vous indiquiez aux auteurs des amendements de suppression que vous ne compreniez pas que l’on n’utilise pas tous les moyens nécessaires pour lutter contre certaines pratiques déplorables. Je vous retournerai l’argument : puisque la lutte contre la délinquance fiscale et financière est une si grande priorité, pourquoi ne pas considérer les éléments de preuve, quelle que soit la façon dont on les obtient, comme le meilleur gage d’une procédure solide ainsi que de bons résultats dans le cadre de cette lutte, et accessoirement pour les recettes publiques ?
J’avoue, en outre, que je suis un peu étonné de la manière dont vous avez présenté l’avis du Gouvernement.
Selon moi, le Gouvernement doit parler d’une seule voix. Il ne saurait y avoir, d’un côté, l’avis du ministre chargé du budget, et, de l’autre, celui du garde des sceaux. J’ai donc été surpris que vous vous en remettiez à la sagesse de la Haute Assemblée tout en précisant que vous ne partagiez pas vraiment cet avis, sur lequel vous émettiez des réserves. J’ai rarement entendu, dans cet hémicycle, présenter des avis du Gouvernement de manière aussi ... étonnante ! (Sourires sur les travées du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.
M. François Marc. Je m’associe aux propos de M. Marini, qui vient de défendre une position très largement partagée au sein de la commission des finances.
Nous avons été guidés par l’exemple de la liste HSBC,...
M. Philippe Marini. Exactement !
M. François Marc.... qui a fait grand bruit voilà plus d’un an.
Cette liste de fraudeurs ayant ouvert des comptes bancaires de manière tout à fait illicite, dont tout le monde connaissait l’existence et que détenaient des salariés d’une banque suisse, n’était pas recevable. Il a donc fallu attendre que le document soit transmis par la justice dans le cadre d’une procédure régulière pour que nous puissions exploiter ces informations.
Dès lors que ces informations, tout à fait vérifiables, existent et qu’elles sont dans les mains d’anciens salariés de tel ou tel établissement bancaire, situé en Suisse ou ailleurs, alors les fraudeurs doivent savoir qu’elles peuvent parvenir un jour, et assez rapidement, aux autorités, lesquelles les exploiteront.
En se fondant sur cet exemple, la commission des finances a considéré, comme l’a rappelé son président, qu’il était opportun de mettre en avant ce type d’exigences au travers de la mise en insécurité permanente des fraudeurs. Telle était notre légitime préoccupation en la matière.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 19 et 34 n’ont plus d’objet.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis contre !
M. Philippe Marini. Et moi pour, compte tenu de ce dernier vote !
(L'article 10 est adopté.)
Article 10 bis
(Non modifié)
Le livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa du II de l’article L. 16 B, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10-0 AA, lesquels ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » ;
1° bis Après le V de l’article L. 16 B, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. – Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux de l’ordre des avocats ou les locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application de l’article 56-1 du code de procédure pénale. » ;
2° Après le deuxième alinéa du 2 de l’article L. 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article L. 10-0 AA, lesquels ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues par le code général des impôts. » – (Adopté.)
Article 10 ter
Le titre II du code des douanes est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« Chapitre VI
« Sécurisation des contrôles et enquêtes
« Art. 67 E. – Dans le cadre des contrôles et enquêtes prévus au présent code, à l’exception de ceux prévus à l’article 64, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine les documents, pièces ou informations que les agents des douanes utilisent et qui sont régulièrement portés à leur connaissance dans les conditions prévues à l’article 343 bis ou, en application des dispositions relatives à l’assistance administrative, par les autorités compétentes des États étrangers. » – (Adopté.)
Article 10 quater
(Non modifié)
L’article 64 du code des douanes est ainsi modifié :
1° Après le septième alinéa du a du 2, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« À titre exceptionnel, le juge peut prendre en compte les documents, pièces ou informations mentionnés à l’article 67 E, lesquels ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine, lorsqu’il apparaît que leur utilisation par l’administration est proportionnée à l’objectif de recherche et de répression des infractions prévues au présent code. » ;
2° Le 2 est complété par un d ainsi rédigé :
« d) Dans l’hypothèse où la visite concerne le cabinet ou le domicile d’un avocat, les locaux de l’ordre des avocats ou les locaux des caisses de règlement pécuniaire des avocats, il est fait application de l’article 56-1 du code de procédure pénale. » – (Adopté.)
Articles 10 quinquies A et 10 quinquies
(Suppressions maintenues)
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Article 11 bis AA
(Suppression maintenue)
M. le président. L’amendement n° 3, présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Le 1° du II de l'article L. 13 AA du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« - la comptabilité analytique des implantations dans chaque État ou territoire. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Cet amendement vise à rétablir un article adopté au Sénat, auquel la commission des finances était favorable et qui émanait des recommandations formulées dans le rapport de la commission d’enquête sur la fraude et l’évasion fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. La commission a estimé que cette initiative était tout à fait utile et bienvenue. Toutefois, dans la mesure où la question des prix de transfert sera traitée de manière approfondie dans le projet de loi de finances que nous examinerons dans quelques semaines, je demande à ses auteurs de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Lors du débat que nous avons eu sur ce point au cours de la première lecture, le Sénat avait considéré que cette proposition était parfaitement fondée, et nous partageons ce point de vue.
Le présent amendement présente un réel intérêt, mais il a un défaut : il ne prévoit pas de sanction. Je pense, par ailleurs, qu’il serait souhaitable d’aller plus loin en mettant à disposition non seulement la comptabilité analytique, mais aussi la comptabilité consolidée des groupes.
Je demande donc le retrait de cet amendement, tout en prenant l’engagement d’introduire ces deux points dans le projet de loi de finances qui sera examiné dans quelques semaines par le Sénat.
M. le président. Madame Cukierman, l’amendement n° 3 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 3 est retiré.
En conséquence, l’article 11 bis AA demeure supprimé.
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Article 11 bis B
(Non modifié)
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
1° Le chapitre IV du titre II est complété par une section 10 ainsi rédigée :
« Section 10
« Emploi de personnes qualifiées
« Art. 67 quinquies A. – Les agents des douanes peuvent recourir à toute personne qualifiée pour effectuer des expertises techniques nécessaires à l’accomplissement de leurs missions et peuvent leur soumettre les objets et documents utiles à ces expertises.
« Les personnes ainsi appelées rédigent un rapport qui contient la description des opérations d’expertise ainsi que leurs conclusions. Ce rapport est communiqué aux agents des douanes et est annexé à la procédure. En cas d’urgence, leurs conclusions peuvent être recueillies par les agents des douanes, qui les consignent dans un procès-verbal de douane ou dans le document prévu à l’article 247 du règlement (CE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire. Les personnes qualifiées effectuent les opérations d’expertise technique sous le contrôle des agents des douanes et sont soumises au secret professionnel prévu à l’article 59 bis du présent code. » ;
2° Au deuxième alinéa du b du 2 de l’article 64, après le mot : « ci-dessus, », sont insérés les mots : « les personnes auxquelles ils ont éventuellement recours en application de l’article 67 quinquies A, ».
II. – (Non modifié). – (Adopté.)
Article 11 bis C
(Non modifié)
I. – L’article 1734 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Cette amende est applicable, pour chaque document, sans que le total des amendes puisse être supérieur à 10 000 € ou, si ce montant est supérieur, à 1 % du chiffre d’affaires déclaré par exercice soumis à contrôle ou à 1 % du montant des recettes brutes déclaré par année soumise à contrôle, en cas d’opposition à la prise de copie mentionnée à l’article L. 13 F du livre des procédures fiscales. »
II. – (Non modifié). – (Adopté.)
Article 11 bis DA
(Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 4, présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Au premier alinéa de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les mots : « ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales » sont remplacés par les mots : « ils ont pour motif essentiel d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales ».
II. - Le I s'applique aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2014.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Là encore, il s’agit de rétablir la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture. Cet amendement vise à compléter utilement les efforts accomplis par le Gouvernement pour lutter contre cette forme d’optimisation fiscale que représentent les prix de transfert, et plus généralement les relations financières infra-groupes.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
I. - Après l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, il est inséré un article L. 64 A ainsi rédigé :
« Art. L. 64 A. - Sont également constitutifs d’un abus de droit au sens de l’article L. 64 les actes des entreprises qui sont sous la dépendance ou qui exercent le contrôle d’entreprises situées hors de France si, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils ont pour motif essentiel d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. »
II. - Le I s’applique aux propositions de rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2014.
La parole est à M. Philippe Marini.
M. Philippe Marini. Il s’agit de définir la notion d’abus de droit.
J’ai bien noté les échanges qui ont eu lieu à ce sujet à l’Assemblée nationale et observé que l’initiative que j’avais prise en déposant récemment une proposition de loi et en défendant un amendement lors de l’examen du présent texte en première lecture avait été largement partagée sur différentes travées.
J’ai également entendu les objections exprimées par certains représentants des milieux économiques, aux termes desquelles qualifier l’abus de droit d’« opération à but essentiellement fiscal » engendrerait une certaine insécurité juridique.
Pour ma part, je conteste cette interprétation. Comme l’ont d’ailleurs montré certains commentaires, en particulier ceux de l’ancien président de la section des finances du Conseil d’État, Olivier Fouquet, la formulation « but essentiellement fiscal » ne serait probablement pas très innovante pour la jurisprudence du conseil d’État ; à tout le moins la confirmerait-elle.
Malgré tout, ayant entendu les observations de certains milieux économiques et de certaines professions judiciaires, j’ai imaginé un dispositif quelque peu différent : la définition de l’abus de droit serait conservée pour les entreprises et les patrimoines, sauf pour les entreprises à caractère multinational, c’est-à-dire celles qui peuvent avoir le plus facilement recours à des schémas d’optimisation fiscale.
Dans le cadre d’un montage international, ce serait la notion de « but essentiellement fiscal » qui s’appliquerait et non plus celle de « but exclusivement fiscal ».
Tel est le sens cet amendement, qui est un peu plus complexe que l’amendement n° 4 et que celui que j’avais présenté en première lecture.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Cette initiative est excellente. D’ailleurs, elle émane du président de la commission des finances et d’un collègue particulièrement investi sur ces sujets ! (Sourires.) Ces deux amendements ont le mérite d’attirer une fois de plus l’attention sur un problème de première importance.
Lors du débat engagé en première lecture, le Gouvernement, par la voix du ministre chargé du budget, avait fait savoir qu’il souhaitait procéder à une expertise minutieuse du dispositif. Il est donc sans doute préférable de ne pas agir dans la précipitation, d’autant qu’un groupe de travail a été annoncé sur ce thème.
Aussi, je me tourne vers Mme le garde des sceaux pour m’enquérir de la suite qui est imaginée pour ce chantier particulièrement important qu’il faut conduire dans les délais les plus brefs possibles et savoir si les bonnes dispositions du Gouvernement sont confirmées.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement confirme, cette fois par la voix du garde des sceaux, l’engagement pris par le ministre chargé du budget de travailler le sujet et de tout faire pour que les débats puissent avoir lieu et aboutir lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2014.
La difficulté qui demeure consiste à définir ce qu’est un montage non pas « exclusivement », mais « essentiellement » fiscal. Cette question mérite d’être affinée. Si je comprends le souci de sanctionner plus largement ceux qui aujourd’hui échappent au filet, c’est-à-dire qui ne font pas que de l’optimisation fiscale mais se livrent aussi à de la dissimulation et à du calcul fiscal, pour autant, il ne faut pas introduire un risque qui conduirait à sanctionner des personnes qui ne sont pas coupables d’association de fraude. C’est pour cela que mon collègue chargé du budget avait parlé d’« insécurité juridique ».
L’engagement est donc confirmé et rendez-vous est pris : il n’est pas lointain, puisqu’il est reporté à la discussion budgétaire. Sous ce double éclairage, le Gouvernement demande aux auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer.
M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
M. Philippe Marini. Si cette disposition est bien introduite dans le projet de finances pour 2014, je souhaite vivement qu’elle le soit dans la première partie, ce qui offrirait au Sénat 100 % de chances d’en délibérer ! Je n’en dirai pas davantage... (Sourires.)
M. François Marc, rapporteur pour avis. Vous êtes pessimiste !
M. Philippe Marini. Fort de ce souhait, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
En conséquence, l'article 11 bis DA demeure supprimé.
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Article 11 bis
(Non modifié)
I. – Le code des douanes est ainsi modifié :
A. – L’article 64 est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa du 1 est complétée par les mots : « ou d’être accessibles ou disponibles » ;
2° Le 2 est complété par un c ainsi rédigé :
« c) Lorsque l’occupant des lieux ou son représentant fait obstacle à l’accès aux pièces ou documents présents sur un support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mention en est portée au procès-verbal.
« Les agents des douanes peuvent alors procéder à la copie de ce support et saisir ce dernier, qui est placé sous scellés. Ils disposent de quinze jours à compter de la date de la visite pour accéder aux pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, à leur lecture et à leur saisie, ainsi qu’à la restitution de ce dernier et de sa copie. Ce délai est prorogé sur autorisation délivrée par le juge des libertés et de la détention.
« À la seule fin de permettre la lecture des pièces ou documents présents sur le support informatique placé sous scellés, les agents des douanes procèdent aux opérations nécessaires à leur accès ou à leur mise au clair. Ces opérations sont réalisées sur la copie du support.
« L’occupant des lieux ou son représentant est avisé qu’il peut assister à l’ouverture des scellés, à la lecture et à la saisie des pièces et documents présents sur ce support informatique, qui ont lieu en présence de l’officier de police judiciaire.
« Un procès-verbal décrivant les opérations réalisées pour accéder à ces pièces et documents, à leur mise au clair et à leur lecture est dressé par les agents des douanes. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé, s’il y a lieu.
« Le procès-verbal et l’inventaire sont signés par les agents des douanes et par un officier de police judiciaire ainsi que par l’occupant des lieux ou son représentant ; en l’absence de celui-ci ou en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal.
« Il est procédé concomitamment à la restitution du support informatique et de sa copie. En l’absence de l’occupant des lieux ou de son représentant, l’administration accomplit alors sans délai toutes diligences pour les restituer. » ;
B. – Le E du paragraphe 2 de la section 1 du chapitre VI du titre XII est complété par un article 413 ter ainsi rédigé :
« Art. 413 ter. – Est passible d’une amende égale à 1 500 € le fait de faire obstacle à l’accès aux pièces ou documents sur support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mentionné au c du 2 de l’article 64, dans les cas autres que ceux sanctionnés à l’article 416. » ;
C. – Le paragraphe 3 de la même section 1 est complété par un C ainsi rétabli :
« C. – Troisième classe
« Art. 416. – Est passible d’une amende égale à 10 000 €, ou de 5 % des droits et taxes éludés ou compromis ou de la valeur de l’objet de la fraude lorsque ce montant est plus élevé, le fait pour l’occupant des lieux de faire obstacle à l’accès aux pièces ou documents sur support informatique, à leur lecture ou à leur saisie, mentionné au c du 2 de l’article 64, lorsque cet obstacle est constaté dans les locaux occupés par la personne susceptible d’avoir commis les délits mentionnés aux articles 414 à 429 et 459.
« L’amende est égale à 10 000 € lorsque cet obstacle est constaté dans les locaux occupés par le représentant en droit ou en fait de la personne susceptible d’avoir commis les délits mentionnés aux mêmes articles 414 à 429 et 459. »
II et III. – (Non modifiés). – (Adopté.)
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Article 11 quinquies
(Non modifié)
I. – Après le 5° ter de la section I du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, sont insérés des 5° quater et 5° quinquies ainsi rédigés :
« 5° quater : Autorité de contrôle prudentiel
« Art. L. 84 D. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution est tenue de communiquer à l’administration fiscale tout document ou information qu’elle détient dans le cadre de ses missions et dont elle informe, en application de l’article L. 561-30 du code monétaire et financier, le service mentionné à l’article L. 561-23 du même code ou dont son président informe le procureur de la République territorialement compétent, en application de l’article L. 612-28 dudit code, s’agissant de sommes ou opérations susceptibles de provenir d’une fraude fiscale mentionnée au II de l’article L. 561-15 du même code, à l’exception des documents ou des informations qu’elle a reçus d’une autorité étrangère chargée d’une mission similaire à la sienne, sauf en cas d’accord préalable de cette autorité.
« 5° quinquies : Autorité des marchés financiers
« Art. L. 84 E. – Sous réserve des dispositions du III de l’article L. 632-7 du code monétaire et financier, l’Autorité des marchés financiers communique à l’administration fiscale, sur sa demande, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tout document ou information qu’elle détient dans le cadre de ses missions. »
II (nouveau). – Après le 3° du II de l’article L. 612-17 du code monétaire et financier, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Au président et au rapporteur général de la commission chargée des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, dans le cadre du IV de l’article 164 de l’ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959 ; ». – (Adopté.)
Article 11 sexies
(Supprimé)
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L'article L. 230 du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « sixième » ;
2° Au deuxième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. L’article 11 sexies, supprimé par la commission, allongeait le délai de prescription applicable au délit de fraude fiscale, le faisant passer de trois ans à six ans.
Au regard de la complexité souvent constatée des méthodes de fraude et de la difficulté à les mettre en évidence, les membres du groupe écologiste considèrent que le délai actuel de prescription est trop court. Or l’enjeu politique et financier de la lutte contre la fraude fiscale nécessite que soient aujourd’hui donnés aux services administratifs et judiciaires les moyens de mener efficacement cette lutte, sans attendre une refonte générale des régimes de prescription.
Cette disposition a fait l’objet d’un large consensus à l’Assemblée nationale et reçu l’approbation de la commission des finances du Sénat.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de rétablir l’article 11 sexies dans sa version résultant de la première lecture du présent projet de loi à l’Assemblée nationale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission des lois est toujours réticente à jouer avec les délais de prescription et est très attachée à une sorte d’homogénéité en la matière. Le sujet est délicat, car l’on nous propose d’allonger le délai de prescription et de le faire passer de trois ans à six ans pour la fraude fiscale, mais pas pour les délits connexes, par exemple le blanchiment.
Cette proposition nous semble par conséquent source de difficultés plus que d’efficacité. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement a émis un avis favorable sur un amendement à l’objet identique en première lecture à l’Assemblée nationale. Cela a donné lieu à un débat passionnant pour savoir s’il fallait ou non toucher à la jurisprudence, car, pour l’instant, nous disposons essentiellement d’une jurisprudence sur la prescription. De l’avis de tous les praticiens, principalement les magistrats du parquet et les juges d’instruction, cette jurisprudence a la souplesse nécessaire et permet d’être efficace.
La commission ainsi que le Gouvernement s’étaient en revanche opposés à un amendement visant à refondre assez largement le droit de la prescription En effet, il ne faut pas prendre le risque d’ébranler l’édifice.
Dans la mesure où l’amendement n° 18 ne tend pas à modifier la date de départ de la prescription et comme il s’agit d’une incrimination particulière qui, pour être détectée, appelle souvent des investigations plus longues et plus lourdes, porter le délai de prescription de trois ans à six ans augmentera l’efficacité de la lutte contre la fraude fiscale. C’est la raison pour laquelle, tout en comprenant la réticence de la commission des lois, le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour explication de vote.
M. Jean Arthuis. En première lecture, j’ai voté contre un amendement similaire. À mon sens, il n’est pas bon de laisser l’incertitude pendant une si longue période. En outre, les services fiscaux ont pour devoir d’être vigilants. J’observe par ailleurs que le Gouvernement tentera d’introduire une nouvelle procédure visant à donner une sorte de quitus au moment de la clôture des comptes, justement pour lever toutes ces incertitudes.
Allonger les délais de prescription qui sont prévus dans la loi pour la reprise ne me paraît pas une bonne politique.
Il n’y a pas si longtemps, à l’occasion d’une fraude à la TVA portant sur les quotas d’émissions de CO2, les services des douanes, qui avaient connaissance de la fraude, ont voulu parfaire leurs démarches pour identifier la filière. Moyennant quoi, cela a coûté plusieurs milliards d’euros à l’État. Lorsque l’on a connaissance d’une difficulté, il est nécessaire d’agir dans les meilleurs délais.
Pour toutes ces raisons, je voterai contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je voterai également contre cet amendement. Il n’est pas bon, dans notre système procédural, d’avoir constamment des va-et-vient sur les délais de prescription. C’est profondément dangereux. Nous avons une longue expérience de l’évolution de ces délais et nous sommes en mesure de constater que leur allongement aboutit à l’inefficacité.
M. Jean-Jacques Hyest. Bien sûr !
M. Jacques Mézard. Plus les délais de prescription sont longs, moins cela pousse à avancer dans la recherche des infractions et dans les renvois devant les tribunaux. Par conséquent, cette disposition est vraiment une fausse bonne idée.
Cette démarche intellectuelle, que je comprends – de telles initiatives sont toujours respectables –, va à l’encontre du but recherché. Nous avons besoin à la fois de délais de prescription relativement brefs et d’une harmonisation en la matière. Se lancer dans des systèmes prévoyant pour certaines infractions tel délai et pour d’autres infractions connexes tel autre délai n’est pas raisonnable. Au contraire, cela donne à ceux qui sont poursuivis les moyens de soulever toute une série de difficultés.
Procédons à l’inverse : harmonisation et brièveté relative des délais afin de gagner en efficacité.
M. Jean-Jacques Hyest. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Cet amendement a pour objet d’allonger le délai de prescription pénale. Les délais de prescription fiscale sont bien plus importants !
J’entends l’argument de l’inefficacité ou de l’incitation à l’inertie, mais la réalité du droit aujourd’hui, ce sont des délais de prescription fiscale de trois ans, six ans et dix ans. Par conséquent, porter le délai de prescription pénale de trois ans à six ans n’est pas une hérésie.
M. le président. En conséquence, l’article 11 sexies demeure supprimé.
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Article 11 decies A
(Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par M. Bocquet, Mmes Cukierman et Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Arthuis et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après l'article 57 du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Lorsqu'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, qui exploite des établissements de vente établis en France, détient directement ou indirectement des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une personne morale, dans un organisme, dans une fiducie ou dans une institution comparable, établi ou constitué hors de France recevant des redevances payées par un fournisseur domicilié en France ou par une entreprise liée établie ou constituée hors de France, calculées sur la base de fournitures livrées sur le territoire français, les bénéfices issus de ces redevances sont imposables à l'impôt sur les sociétés.
« Les impôts payés à l'étranger à ce titre viennent en déduction de l'imposition due en France. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 5.
Mme Cécile Cukierman. Quand il s’agit de lutter contre la fraude fiscale, nous n’entendons pas nous priver de propositions intéressantes, y compris lorsqu’elles sont émises par d’autres.
À travers cet amendement, nous avons ainsi souhaité marquer notre intérêt pour une proposition formulée par notre collègue Jean Arthuis lors de la première lecture – et qu’il réitère d’ailleurs à l’occasion de cette nouvelle lecture – relative à la prise en compte des marges arrière de la distribution. Cette disposition, adoptée sans difficulté majeure par le Sénat en première lecture, a été retirée du projet de loi à l’issue des travaux de l’Assemblée nationale.
L’amendement initial visait pourtant une situation et des réalités tout à fait concrètes, montrant, s’il en était besoin, que le droit fiscal nécessite un peu de souplesse et de « flexibilité » pour s’avérer pleinement efficace – cette réalité n’est pas valable dans tous les domaines.
Je laisse à présent Jean Arthuis poursuivre l’argumentation en faveur de cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean Arthuis, pour présenter l'amendement n° 8.
M. Jean Arthuis. Je remercie ma collègue Cécile Cukierman d’avoir introduit le sujet.
En première lecture, le Sénat avait adopté sur mon initiative un amendement tendant à corriger certaines pratiques qui se développent dans le secteur de la grande distribution, et qui consistent pour les distributeurs à mettre à la charge de leurs fournisseurs français, notamment dans le secteur agroalimentaire, des redevances qui sont versées à des officines implantées en Suisse ou en Belgique.
Il s’agit évidemment de marges arrière, qui nous permettent de mesurer l’abus de position dominante que peuvent pratiquer certaines centrales d’achat.
J’étais bien conscient que la rédaction de mon amendement était perfectible, et M. le ministre chargé du budget m’avait laissé entendre que nous pourrions travailler à une rédaction plus opérationnelle.
J’observe que, en dépit du délai de trois mois dont nous avons disposé, nous n’avons pas eu l’occasion d’évoquer cette question.
À l’Assemblée nationale, lors de la nouvelle lecture, la commission saisie a laissé cette disposition survivre, mais par le biais d’un amendement la suppression de celle-ci a été proposée en séance publique. En réponse, Bernard Cazeneuve a déclaré : « Comme vous, monsieur le rapporteur, je salue l’amendement du sénateur Jean Arthuis, qui est utile, intéressant, et important, car il dénonce des pratiques que nous combattons, et qui sont visées par ce projet de loi. J’ai toutefois indiqué à M. Arthuis que la rédaction de son amendement le rendait inefficace et je me suis engagé, au moment de l’examen de ce texte au Sénat, à reprendre la proposition de M. Arthuis dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de finances rectificative. »
Dans le projet de loi de finances qui a été rendu public, je n’ai pas trouvé de dispositions concrétisant cet engagement.
Si j’ai déposé cet amendement, c’est pour obtenir du Gouvernement confirmation que, dans les semaines qui viennent, nous allons pouvoir travailler à une rédaction plus satisfaisante de cette disposition, afin de rectifier ces pratiques qui mettent en difficulté les milieux de la production, la croissance et l’emploi.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Marc, rapporteur pour avis. Nous avons bien compris qu’il s’agissait de mettre fin à la pratique de certains acteurs de la grande distribution qui perçoivent des marges arrière par le biais d’entités localisées à l’étranger, ce qui les conduit bien entendu à contourner leurs obligations commerciales et fiscales.
La commission des finances partage la volonté de Jean Arthuis et de nos collègues du groupe CRC de redresser les torts de ces entreprises et s’accorde à dire qu’il serait opportun de mettre fin à ces pratiques.
On avait compris en première lecture que l’application de cette disposition poserait des difficultés, en raison des enjeux de droit communautaire qu’elle soulève et du réexamen des conventions fiscales nous liant à certains pays qu’elle impose. Sa mise en œuvre nécessite donc un travail d’investigation que M. le ministre s’était engagé à entreprendre.
Quoi qu’il en soit, la commission des finances adhère pleinement à l’objectif visé et souhaite que le Gouvernement puisse aujourd’hui nous confirmer qu’un réel processus de réflexion est engagé sur le sujet qui nous conduira peut-être à nous aventurer en dehors du terrain fiscal. L’ambition qui est la nôtre mérite en tout cas d’être prise en considération. C’est pourquoi la commission des finances apprécierait grandement que vous puissiez lui donner toutes assurances en la matière, madame le garde des sceaux.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. C’est très volontiers que je m’engage au nom du Gouvernement sur ce sujet.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez exposé très précisément et très clairement l’enjeu en cause et évoqué l’obstacle que représentaient les conventions fiscales, ainsi que la nécessité pour les entreprises concernées d’avoir un établissement stable en France.
M. le ministre chargé du budget m’a confirmé que vos inquiétudes, exprimées depuis la première lecture, monsieur le Arthuis, avaient été très sérieusement prises en considération et que le travail était désormais suffisamment avancé pour que le Gouvernement soit en mesure de présenter un amendement lors du débat budgétaire pour 2014.
Vous avez raison : cette disposition ne figure pas encore dans le projet de loi de finances tel qu’il a été adopté en conseil des ministres et tel qu’il est soumis à votre examen.
Toutefois, et même si les gouvernements rechignent généralement à le faire, vous n’ignorez pas que le Gouvernement peut présenter un amendement à cette occasion.
La réflexion est suffisamment avancée au niveau de ses services pour que le ministre puisse voir clair sur cette question au moment du débat budgétaire. Dans l’attente, il se propose de travailler avec vous à la rédaction d’un amendement le plus précis et le plus efficace possible.
Si vous consentez à retirer votre amendement, le débat sur cette question sera juste différé de quelques semaines : je prends devant vous cet engagement formel au nom du Gouvernement, avec les assurances du ministre du budget et je formule la même demande de retrait à l’égard de l’amendement défendu par Mme Cukierman.
M. le président. Madame Cukierman, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
Mme Cécile Cukierman. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 5 est retiré.
Monsieur Arthuis, l'amendement n° 8 est-il maintenu ?
M. Jean Arthuis. Je consens à le retirer, monsieur le président. Il doit y avoir un minimum de confiance entre nous, madame le garde des sceaux. Je donne donc crédit à votre engagement et je jugerai aux actes.
M. le président. L'amendement n° 8 est retiré.
L’article 11 decies A demeure supprimé.
Article 11 decies
(Non modifié)
I. – (Non modifié)
II. – Le I s’applique aux demandes de relevés de compte adressées par l’administration et aux transmissions de ces relevés effectuées spontanément par des tiers à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi. – (Adopté.)
Article 11 undecies
(Non modifié)
I. – L’article L. 188 A du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :
« Art. L. 188 A. – Lorsque l’administration a, dans le délai initial de reprise, demandé à l’autorité compétente d’un autre État ou territoire des renseignements concernant un contribuable, elle peut réparer les omissions ou les insuffisances d’imposition afférentes à cette demande, même si le délai initial de reprise est écoulé, jusqu’à la fin de l’année qui suit celle de la réception de la réponse et, au plus tard, jusqu’au 31 décembre de la troisième année suivant celle au titre de laquelle le délai initial de reprise est écoulé.
« Le présent article s’applique dans la mesure où le contribuable a été informé de l’existence de la demande de renseignements dans le délai de soixante jours suivant son envoi, ainsi que de l’intervention de la réponse de l’autorité compétente de l’autre État ou territoire dans le délai de soixante jours suivant sa réception par l’administration. »
II. – (Non modifié). – (Adopté.)
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TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX JURIDICTIONS SPÉCIALISÉES EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
Chapitre Ier
Dispositions modifiant le livre IV du code de procédure pénale
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Article 13
(Non modifié)
I. – L’article 704 du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent, la compétence territoriale d’un tribunal de grande instance peut être étendue au ressort de plusieurs cours d’appel pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement des infractions suivantes : » ;
2° Au 1°, après la référence : « 434-9, », est insérée la référence : « 434-9-1, » ;
3° Le 10° est ainsi rétabli :
« 10° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral ; »
4° Le dix-huitième alinéa est supprimé ;
5° Au dix-neuvième alinéa, les mots : « et à l’alinéa qui précède » sont supprimés ;
6° Les deux derniers alinéas sont ainsi rédigés :
« Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président, après avis du président du tribunal de grande instance donné après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, désigne un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’instruction et, s’il s’agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d’application du présent article. Le procureur général, après avis du procureur de la République, désigne un ou plusieurs magistrats du parquet chargés de l’enquête et de la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application du présent article.
« Au sein de chaque cour d’appel dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le premier président, après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, et le procureur général désignent, respectivement, des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application du présent article. » ;
7° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le ressort de certaines cours d’appel, dont la liste est fixée par décret, un tribunal de grande instance est compétent pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement de ces infractions, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité.
« La compétence de ces juridictions s’étend aux infractions connexes.
« Un décret fixe la liste de ces juridictions, qui comprennent une section du parquet et des formations d’instruction et de jugement spécialisées pour connaître de ces infractions. »
II (nouveau). – Au dernier alinéa des articles 706-17 et 706-168 du même code, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « vingt et unième ».
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, sur l'article.
Mme Cécile Cukierman. Comme nous l’avons souligné lors de la première lecture, nous estimons que la lutte contre les atteintes aux objectifs constitutionnels de justice fiscale nécessite des outils juridiques appropriés, dont des dispositifs d’investigation adéquats.
Si la mise en place d’un procureur de la République financier à compétence nationale peut y contribuer, nous ne nous y opposerons pas.
Mais, madame le garde des sceaux, pour donner à la justice son rôle central en matière de lutte contre la fraude fiscale, et dans tout autre domaine d’ailleurs, vous n’ignorez pas qu’il est indispensable que les magistrats chargés de mettre en mouvement l’action publique bénéficient d’une légitimité inébranlable et d’une indépendance incontestable.
Pour y parvenir, il faut que puisse être adopté le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, le CSM. Ce texte, qui visait pourtant à faire avancer notre démocratie, a été rejeté par le Sénat voilà quelques mois. Son rejet repousse encore à une date indéterminée l’aboutissement de cette nécessaire réforme. Et il est pour le moins curieux que ceux qui ont mené cette réforme à l’échec invoquent aujourd’hui, pour supprimer les articles relatifs au procureur financier, la réticence des représentants des magistrats en la matière.
Faut-il préciser que ces derniers font essentiellement part de réserves à l’égard de la création de ce parquet parce que, justement, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature a échoué ? Faut-il aussi rappeler qui est à l’origine de cet échec ?
Cette argumentation démontre bien l’inertie de certains de nos collègues, siégeant notamment sur les travées situées à droite de cet hémicycle, lorsqu’il s’agit de se doter des outils de lutte contre la délinquance économique et financière. Tous les arguments sont alors bons pour empêcher cette lutte.
Cela étant, madame le garde des sceaux, nous voterons le maintien des articles 13 et suivants, tout en émettant les mêmes réserves qu’en première lecture, parce que nous pensons qu’il est effectivement nécessaire de mettre en place ces outils.
En cet instant, permettez-moi de vous interroger sur les suites de la nécessaire réforme du CSM et sur les moyens qui seront engagés pour accompagner la création de ces nouveaux outils et faire en sorte qu’ils ne deviennent pas des « bombes à retardement » pour les années qui viennent.
M. le président. L'amendement n° 25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéas 10 à 12
Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :
...° Au vingtième alinéa, après le mot : « comprennent », sont insérés les mots : « un procureur de la République adjoint, » ;
... ° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Au sein de chaque tribunal de grande instance dont la compétence territoriale est étendue au ressort d’une ou plusieurs cours d’appel, le procureur général et le premier président, après avis du procureur de la République et du président du tribunal de grande instance, désignent respectivement un procureur de la République adjoint, un ou plusieurs magistrats du parquet, juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d’application du présent article. » ;
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 13 du projet de loi prévoit de supprimer les juridictions régionales spécialisées et de renforcer en contrepartie les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS.
Nous ne sommes pas opposés à cette disposition. Plutôt que de créer un procureur de la République financier inutile et contre-productif, nous pensons qu’il serait plus efficace de renforcer significativement les moyens des JIRS.
Le présent amendement vise donc à conforter encore la lisibilité et l’efficacité des JIRS. Il tend à créer un procureur de la République adjoint chargé des cas de fraude fiscale complexes.
Il s’inscrit dans une série d’amendements portant sur les articles 13 et suivants qui ont pour objet de revenir sur la création du procureur de la République financier. En effet, cette création nous paraît à la fois hâtive et inopportune.
L’amendement n° 25 rectifié prouve toutefois que nous ne sommes en rien opposés au fait de renforcer les moyens permettant de lutter contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière.
M. le président. L'amendement n° 26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et, s’il s’agit de délits, le jugement des affaires visées au présent article qui apparaissent relever de la compétence de plusieurs tribunaux dont la compétence territoriale est étendue au ressort de plusieurs cours d’appel, le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris voient leur compétence étendue au territoire national.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Le présent amendement vise à prévenir les conflits de compétence, mes chers collègues…
Nous considérons en effet que le projet de loi dont nous sommes saisis aboutira, s’il était voté en l’état, à multiplier lesdits conflits. En prévoyant la création du procureur de la République financier, il n’a pas su éviter cet écueil.
Nous proposons donc à travers cet amendement d’étendre la compétence du JIRS de Paris à l’ensemble du territoire national en cas de conflits de compétence entre plusieurs juridictions.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements de coordination, en attendant la discussion d’ensemble sur la création du procureur financier.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Avec votre permission, monsieur le président, je répondrai également aux questions posées par Mme Cukierman.
J’ai déjà énoncé à la tribune quelques-unes des garanties que vous demandez, madame le sénateur, et qui me paraissent essentielles.
Pour ce qui concerne le procureur financier, les garanties seront identiques à celles qui valent pour le procureur de la République en l’état actuel du droit et des pratiques du Gouvernement.
Je ne crois pas qu’il existe aujourd’hui la moindre suspicion sur les conditions d’indépendance dans lesquelles les magistrats du ministère public sont nommés et exercent leur activité.
Je vous signale aussi que ces garanties en termes d’indépendance relèvent non seulement de la pratique, mais aussi du droit, notamment de la loi du 25 juillet 2013, que vous avez adoptée et qui prohibe les instructions individuelles.
Il est vrai que nous pouvons aller plus loin, notamment inscrire dans la Constitution le respect de l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature.
Je rappelle que des garanties ont aussi été apportées par la circulaire du 31 juillet 2012 relative à la transparence des propositions de nomination aux postes de la haute hiérarchie du ministère public.
Je suis allée plus loin encore, puisque j’ai rendu accessibles au Conseil supérieur de la magistrature les dossiers des magistrats du ministère public : dorénavant, non seulement les postes sont publiés, mais le Conseil supérieur de la magistrature peut accéder aux dossiers et se rendre compte que la proposition du garde des sceaux n’est pas forcément la meilleure au regard du profil et des états de service des autres magistrats candidats.
Dans la pratique, c’est un changement profond. C’est une réelle garantie d’indépendance de ces magistrats.
Une étape demeure : l’inscription du respect de l’avis conforme au sein de la Constitution. Cela dépend du Parlement.
J’ai déjà eu à m’exprimer sur ce point au mois de juillet dernier, sur la consigne du Président de la République. Nous reviendrons sur ce texte, car nous pensons qu’il constitue un réel progrès pour le fonctionnement de l’autorité judiciaire et pour l’indépendance des magistrats du ministère public. Nous espérons trouver un point d’accord et voir adopter ce texte à la majorité des trois cinquièmes lors de la réunion d’un prochain Congrès.
Les sourires extrêmement généreux que j’aperçois me laissent espérer que cette prouesse est réalisable…
M. Michel Mercier. Vous nous convoquez ?...
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je ne me le permettrais pas, monsieur le sénateur ! Pour ma part, je me rends disponible à chaque fois que le Parlement le souhaite.
J’en viens aux amendements nos25 rectifié et 26 rectifié. Puisqu’il s’agit d’amendements de suppression, vous vous doutez bien que le Gouvernement émet un avis défavorable !
Le parquet financier n’est pas une fantaisie du Gouvernement. C’est la colonne vertébrale du dispositif qui vous est soumis, mesdames, messieurs les sénateurs.
Les auteurs des amendements nos 25 rectifié et 26 rectifié ne proposent pas, j’en conviens, de supprimer le procureur de la République financier, mais ils préfèrent à ce dernier un procureur adjoint. Autrement dit, leur proposition est moins ambitieuse !
M. Michel Mercier. Oh non !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Mais si ! Le Gouvernement veut créer un procureur, et vous, vous souhaitez la création d’un procureur adjoint. Mais, monsieur Mercier, monsieur Mézard, vous le savez, la différence est essentielle
Le procureur que nous créons aura des compétences précisément définies. Je les ai mentionnées tout à l’heure : la lutte contre toutes les formes de corruption, la lutte contre la fraude fiscale complexe, la lutte contre les infractions à la TVA. Et les magistrats comme les assistants qui les seconderont feront l’objet d’une procédure d’habilitation. Il s’agit d’un dispositif pensé, construit, cohérent, ambitieux, qui donne de la lisibilité à la politique publique de lutte contre la fraude, les corruptions et la fraude à la TVA.
Vous, vous proposez de renoncer à tout cela et de remplacer le dispositif par un procureur adjoint !
Nous voulons non seulement créer les conditions de l’efficacité, mais également envoyer un signal clair aux fraudeurs.
Je vous rappelle par ailleurs que la compétence du procureur de la République financier sera concurrente à celle des JIRS.
M. Jacques Mézard. C’est bien le problème !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au contraire, c’est la solution !
J’en veux pour preuve la compétence concurrente de la section anti-terroriste. Cela permet d’éviter que les procédures ne « tombent » lorsqu’elles ont commencé dans un autre parquet et qu’elles arrivent à Paris.
C’est ce même atout que nous voulons conserver dans la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière : une compétence concurrente qui permette d’éviter une perte de temps, qui représente un avantage pour les fraudeurs.
Nous permettons ainsi au parquet de Paris de récupérer les procédures même si elles ont commencé dans une JIRS.
Monsieur Mézard, il n’y a pas de confusion ! Au contraire, le Gouvernement a clarifié le dispositif puisque que, vous vous en souvenez, en première lecture ont été supprimés les pôles économiques et financiers. Vous aviez alors trouvé que c’était une bonne disposition, car tous nous reconnaissions des inégalités d’efficacité de fonctionnement entre pôles.
Nous disposons des JIRS, qui peuvent traiter de procédures de grande complexité. Aujourd’hui, nous créons ce parquet financier, en charge de traiter les procédures de très grande complexité.
Ainsi, s’il apparaît en cours d’instruction au sein d’une JIRS que l’affaire est non pas d’une grande complexité mais d’une très grande complexité, le parquet financier pourra récupérer les procédures entamées sans avoir à les recommencer totalement. Tel est l’avantage de la compétence concurrente.
Le procureur adjoint que vous proposez de créer serait à côté du procureur. Il n’aurait pas les moyens dédiés, ne bénéficierait pas de la procédure d’habilitation. Nous perdrions beaucoup en efficacité.
Monsieur le sénateur, envisagez-vous de revenir ultérieurement sur la question du conflit de compétences ? Je ne souhaite pas vous répondre prématurément…
M. Michel Mercier. Pourquoi changer d’argument ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ce n’est pas fair-play ! Dans ce cas, je vous laisse venir !
En attendant, l’avis du Gouvernement est défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 14
(Non modifié)
I. – L’article 704-1 du code de procédure pénale est abrogé.
II. – Les articles 705, 705-1, 705-2 et 706-1-1 du même code deviennent, respectivement, les articles 704-1, 704-2, 704-3 et 704-4.
III. – Au deuxième alinéa de l’article 704-2 du même code, dans sa rédaction résultant du II du présent article, la référence : « 705-2 » est remplacée par la référence : « 704-3 ».
IV. – À la première phrase et à la fin de la dernière phrase du premier alinéa et au dernier alinéa de l’article 704-3 du même code, dans sa rédaction résultant du II du présent article, la référence : « 705-1 » est remplacée par la référence : « 704-2 ».
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 27 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 9.
M. Michel Mercier. C’est un amendement de conséquence par rapport à celui que nous avons déposé à l’article 15. J’expliquerai alors les raisons pour lesquelles nous voulons supprimer le procureur financier.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 27 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Je rappelle que, à titre personnel, les rapporteurs y sont quant à eux opposés.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 27 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 12 :
Nombre de votants | 345 |
Nombre de suffrages exprimés | 345 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 14 est supprimé.
Article 15
Après le chapitre Ier du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 12 de la présente loi, il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :
« Chapitre II
« Des compétences particulières du tribunal de grande instance de Paris et du procureur de la République financier
« Art. 705. (Non modifié) – Le procureur de la République financier, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :
« 1° Délits prévus aux articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 2° bis Délits prévus aux articles 313-1 et 313-2 du code pénal, lorsqu’ils portent sur la taxe sur la valeur ajoutée, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 3° Délits prévus aux articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;
« 4° Délits prévus aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues à ces mêmes articles résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République financier et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Au sein du tribunal de grande instance de Paris, le premier président, après avis du président du tribunal de grande instance donné après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, désigne un ou plusieurs juges d’instruction et magistrats du siège chargés spécialement de l’instruction et, s’il s’agit de délits, du jugement des infractions entrant dans le champ d’application du présent article.
« Au sein de la cour d’appel de Paris, le premier président, après consultation de la commission restreinte de l’assemblée des magistrats du siège, et le procureur général désignent, respectivement, des magistrats du siège et du parquet général chargés spécialement du jugement des délits et du traitement des affaires entrant dans le champ d’application du présent article.
« Art. 705-1 (Non modifié). – Le procureur de la République financier et les juridictions d’instruction et de jugement de Paris ont seuls compétence pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus aux articles L. 465-1 et L. 465-2 du code monétaire et financier. Cette compétence s’étend aux infractions connexes.
« Le procureur de la République financier et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Art. 705-2 (Non modifié). – Le procureur de la République près un tribunal de grande instance autre que celui de Paris peut, pour les infractions visées à l’article 705, requérir le juge d’instruction initialement saisi de se dessaisir au profit de la juridiction d’instruction de Paris. Les parties sont préalablement avisées et invitées à faire connaître leurs observations par le juge d’instruction. L’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Lorsque le juge d’instruction décide de se dessaisir, son ordonnance ne prend effet qu’à compter du délai de cinq jours prévu à l’article 705-3 ; lorsqu’un recours est exercé en application de ce même article, le juge d’instruction demeure saisi jusqu’à ce que soit porté à sa connaissance l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
« Dès que l’ordonnance est passée en force de chose jugée, le procureur de la République territorialement compétent adresse le dossier de la procédure au procureur de la République financier.
« Art. 705-3 (Non modifié). – L’ordonnance rendue en application de l’article 705-2 peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du procureur de la République ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le juge d’instruction chargé de poursuivre l’information. Le procureur de la République peut également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa de l’article 705-2.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction et du ministère public et notifié aux parties.
« Art. 705-4. – Le procureur général près la cour d’appel de Paris anime et coordonne, en concertation avec les autres procureurs généraux, la conduite de la politique d’action publique pour l’application de l’article 705. En cas de conflit positif ou négatif de compétence entre le parquet financier et un autre parquet, il lui appartient de mettre fin au conflit en concertation avec le procureur général concerné. En cas de désaccord, le procureur général près la cour d’appel de Paris désigne le parquet compétent. Il est rendu compte des cas de conflits et de leur règlement dans le rapport annuel du parquet général de Paris. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 23 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 10.
M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet de supprimer le procureur de la République financier, pour les raisons que j’ai expliquées lors de la discussion générale et que je veux reprendre en cet instant de façon très concise.
Certes, je partage l’objectif poursuivi par le Gouvernement, à savoir lutter plus efficacement contre la fraude fiscale et la délinquance économique, mais je considère que la création du procureur de la République financier nuira à l’efficacité de l’action.
Premièrement, comme l’a fort bien indiqué Mme le garde des sceaux, il y a une compétence concurrente entre le procureur de la JIRS et le procureur de la République financier à Paris. Tout le monde l’a constaté. M. le rapporteur a essayé de régler ce problème en confiant au procureur général à Paris un rôle de répartiteur. Dans l’étude d’impact, Mme le garde des sceaux a prévu d’agir par voie de circulaire générale.
Pourtant, en matière de procédure pénale, c’est le législateur qui fixe les règles. Cette mission ne revient ni au garde des sceaux ni au procureur général.
Il y a là un vide juridique qui vicie l’instauration de ce procureur de la République financier.
Deuxièmement, ce procureur ne disposera pas de tous les pouvoirs d’un procureur de la République, tels que prévus à l’article 40 du code de procédure pénale. En effet, le texte ne lui confie pas la direction de la police judiciaire – soit !, car je ne suis pas très sûr que ce soit toujours le procureur qui la dirige – et, surtout, il ne lui permet pas de recevoir les plaintes et les dénonciations.
Il s’agira donc d’un procureur de deuxième ligne, et cette remarque n’est en rien péjorative. Cela signifie simplement que ce sera toujours un procureur de la République qui sera au départ de l’action publique. Il faudra une procédure de dessaisissement, quelle qu’elle soit, pour que le procureur financier soit saisi. Cela nuira à l’efficacité de l’action publique. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la suppression de l’article créant le procureur financier.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 23 rectifié.
M. Jacques Mézard. Je reprendrai rapidement les arguments que nous avions développés lors de la première lecture et qui restent les mêmes, la situation n’ayant guère changé.
Le procureur financier constituerait une juridiction particulière. Par principe, j’ai toujours été très réservé quant à la multiplication des juridictions spécialisées. L’expérience montre que, en général, elles ne produisent pas de bons résultats ; elles en produisent même souvent de dangereux.
Nous pensons que la création d’un tel procureur n’est pas le meilleur moyen de lutter contre la délinquance fiscale, économique et financière. La réalité, nous la connaissons tous. On a besoin non pas d’un procureur financier, mais de moyens suffisants et adaptés, ainsi que de modes d’arbitrage efficaces pour trancher les conflits de compétence. Or vous créez un instrument qui permettra à ceux qui sont poursuivis de soulever – je l’ai déjà dit tout à l'heure, mais c’est une vérité – le maximum de difficultés de procédure.
Le dispositif est loin de régler les problèmes de compétence. Vous nous parlez de concurrence, mais je ne suis pas sûr que, en matière judiciaire, la concurrence soit une bonne chose. Le nouveau procureur financier sera source de nouveaux conflits de compétence.
En fait, on isole la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Cela va à l’encontre du constat fait par les magistrats eux-mêmes, qui observent une interconnexion entre les différents types de crimes et délits, dont beaucoup appellent une approche globale et non sectorisée.
Le procureur financier est censé renforcer la visibilité de la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, mais ce nouveau parquet ne fera qu’ajouter de la complexité au système actuel, tout en créant de nouveaux risques de conflits de compétence.
Contrairement à ce qui a été affirmé, le procureur financier ne sera aucunement plus indépendant que les autres. Ses garanties statutaires seront les mêmes que celles dont bénéficie le procureur de la République de Paris. Il ne sera pas réellement plus spécialisé que les magistrats de la section financière du parquet de Paris.
Ce nouvel instrument est un objet du parquet très identifié, qui générera beaucoup plus de difficultés qu’il ne résoudra de problèmes. Nous le savons presque tous, madame le garde des sceaux. Je ne crois pas que l’on fera avancer la lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière, sur laquelle nous sommes globalement tous d'accord, par cet outil dont on se demande encore aujourd'hui qui a pu l’imaginer. On voit parfois apparaître dans les textes des systèmes qui compliquent les choses au lieu de les faire progresser.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. La commission est favorable à ces deux amendements, contrairement à l’avis qu’elle avait émis la semaine dernière.
Cependant, à titre personnel, j’y suis défavorable. La question posée est très importante. Peut-être ne partageons-nous pas tous la définition de l’efficacité qu’a donnée Michel Mercier.
D'abord, je ne crois pas que le procureur financier ne puisse pas être saisi de plaintes ou de dénonciations. Je vois mal ce qui, dans le projet de loi, lui interdirait d’en recevoir. M. Mercier a évidemment toutes les qualités pour se livrer à des interprétations, mais ses propos ne correspondent pas à la lettre du texte.
Ensuite, l’efficacité dépend des moyens. En ces temps de rareté de l’argent public, il me semble intéressant que des moyens soient fléchés vers le procureur financier : cela garantirait qu’ils seront bien utilisés.
M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ne pas les flécher vers le parquet de Paris ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Mme le garde des sceaux nous a fourni des chiffres précis sur ce point lors de la discussion générale. Nous n’avons donc pas tous la même vision de l’efficacité.
J’ajoute que notre conception de l’efficacité doit s’appuyer sur ce qui existe. Il me semblait que tout le monde considérait que l’architecture actuelle n’était pas complètement satisfaisante et pouvait être améliorée. Selon moi, la bonne méthode est de procéder à des ajustements. J’en vois deux.
Le premier vise à régler les conflits de compétence. Mme le garde des sceaux nous a indiqué que le dialogue était la meilleure des choses. Pour ma part, j’avais déposé un amendement et suggéré une autre solution. Mais un débat aurait sans doute permis d’aboutir à un résultat.
Le second ajustement – je le dis de façon légère – aurait consisté à donner au parquet des pouvoirs de poursuite en matière de fraude fiscale. Cependant, la question ayant été réglée, je n’y reviendrai pas.
L’identité est l’une des conditions de l’efficacité. Je crois qu’il n’y a pas d’efficacité sans visibilité ni lisibilité. L’un des grands intérêts du procureur financier, c’est qu’il disposera d’un numéro de téléphone, pour reprendre une expression courante. On connaîtra son visage. Ce sera important non seulement pour la lutte contre la fraude, même si les fraudeurs ne s’en soucient peut-être pas, mais également pour la prise de conscience de l’ensemble du pays de l’importance de la fraude fiscale.
En outre, je le répète, quand il existera un procureur financier européen, celui-ci demandera le numéro de téléphone du procureur financier français. Si le présent texte n’était pas adopté, il faudrait y revenir plus tard pour donner un interlocuteur au procureur financier européen ; ce sera absolument indispensable.
Mme Cécile Cukierman. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements. Le sujet est extrêmement sérieux. Les interrogations sont légitimes.
J’entends les propositions qui sont formulées, mais elles ne satisfont pas l’exigence de lisibilité de l’action publique en matière de lutte contre la fraude fiscale et la délinquance économique et financière.
Monsieur Mercier, je comprends vos inquiétudes quant à la possibilité de saisir le procureur financier au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, mais rien dans le texte ne l’interdit. Le procureur financier est un procureur de la République. Il relève du statut des magistrats du ministère public défini par l’ordonnance du 22 décembre 1958. Rien ne l’empêche de recevoir les plaintes et les dénonciations. Vous n’avez donc aucune raison d’être préoccupé à cet égard.
J’en viens à la question des compétences concurrentes. Je le répète, ce ne sont pas des compétences de rivalité. En réalité, il s'agit simplement de reconnaître une même compétence à plusieurs parquets. C’est déjà le cas dans certains domaines, et les conflits de compétence sont réglés par le procureur général, ou par plusieurs procureurs généraux si différents ressorts sont concernés.
Je rappelle que nous parlons de magistrats du ministère public. Ce sont des personnes auxquelles nous confions, par le droit, la haute responsabilité de représenter la société et de défendre ses intérêts, auxquelles nous confions, par le droit, la capacité d’ouvrir des enquêtes préliminaires, auxquelles nous confions, par le droit, le devoir de requérir au nom de la société, auxquelles nous confions, par le droit, la responsabilité de veiller au respect des libertés individuelles. Puisque ces magistrats sont capables d’assumer des responsabilités aussi importantes, aussi lourdes, ne pouvons-nous penser qu’ils sont également capables d’arbitrer les conflits de compétence ?
L’intérêt de la compétence concurrente, qui, je le répète, n’est pas une compétence rivale, c’est de gagner du temps sur les procédures. S’il est bon que les procédures puissent aller à leur train et aussi vite que possible pour ce qui concerne les affaires ordinaires, qu’elles soient civiles ou pénales, il est plus important encore qu’elles ne fassent pas l’objet de manœuvres dilatoires ni ne subissent de retards parce qu’il faut complètement recommencer le processus à cause d’une réflexion ou d’une construction insuffisantes.
La compétence concurrente ne présente que des avantages. C’est d'ailleurs ainsi, je le répète, que fonctionne la section antiterroriste du parquet de Paris. Or aucune affaire n’a été marquée par un comportement irresponsable des procureurs, quel que soit le lieu de déclenchement de la procédure. Il n’y a jamais eu aucune rivalité avec les autres parquets concernés.
J’entends la réflexion sur le fonctionnement du ministère public. Je la partage de manière régulière avec les procureurs généraux ; voilà une quinzaine de jours, j’étais devant la conférence des procureurs généraux. Les magistrats m’ont donné de multiples exemples de procédures ayant commencé dans une juridiction avant d’être transférées à la suite d’échanges entre procureurs généraux. Ils savent le faire !
Par ailleurs, je vous rappelle que j’ai installé une commission présidée par Jean-Louis Nadal, procureur général honoraire près la Cour de Cassation, et qui travaille à la modernisation du ministère public. Le parquet financier profitera de ce travail.
Il faudra certes du temps pour s’habituer au nouveau dispositif ; je le comprends tout à fait. Mais je crois que ce système fonctionnera bien, d’autant que, comme l’a souligné M. le rapporteur, le Gouvernement lui a dédié des moyens humains et financiers.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Il faut toujours se méfier des engagements qui ressemblent à des slogans électoraux. Après, on ne sait plus quoi en faire. Je me souviens, comme beaucoup d’entre nous, que certains candidats à la présidence de le République avaient parlé de juridictions de proximité. Du coup, on a créé de telles juridictions. Mais le système n’a pas fonctionné, et on a donc dû le corriger. Nous sommes à peu près dans le même cas de figure aujourd'hui.
Monsieur le rapporteur, vous nous dites que le procureur financier aura des moyens, mais on peut aussi donner ces moyens au parquet de Paris ; ce n’est pas interdit. Si on veut centraliser les poursuites dans les affaires complexes pour être plus efficace, on peut donner ces moyens au parquet de Paris.
A-t-on imaginé un procureur spécial pour lutter contre le terrorisme ? Non ! On a choisi une autre voie. Il existe déjà des juridictions spécialisées dans un certain nombre de domaines, et les JIRS fonctionnent. Mais, vous le savez très bien, tout dépend des moyens d’investigation. C’est clair.
En matière de fraude fiscale et de délinquance économique et financière, il faut des assistants spécialisés, et pas seulement des officiers de police judiciaire : il faut par exemple des gens capables de lire les comptes. C’est un métier – n’est-ce pas, monsieur Arthuis – que de savoir débusquer les erreurs ; c’est normalement le travail des commissaires aux comptes.
Vos arguments n’en sont pas, monsieur le rapporteur. Ce n’est pas le procureur financier qui va nous donner les moyens de combattre efficacement la fraude fiscale et la délinquance économique et financière. Vous pensez qu’il réussira sous prétexte qu’il deviendra une vedette télévisuelle ? C’est ça, ce qu’on cherche ? J’estime au contraire que certains magistrats feraient mieux de s’occuper de leur cabinet d’instruction plutôt que de passer à la télévision ! Tout ça, c’est de l’apparence. La réalité, c’est que la justice manque de moyens pour faire face à ces crimes et délits qui impliquent parfois des personnes extrêmement intelligentes. Ce n’est pas un procureur financier qui changera quoi que ce soit, j’en suis convaincu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je souhaite faire quelques observations pour répondre à M. le rapporteur, qui a rapidement dit que la commission donnait un avis favorable aux amendements tout en nous expliquant pourquoi il ne fallait pas la suivre. C’est de bonne guerre, même s’il s’agit d’une pratique que nous contestions ensemble, il n’y a pas si longtemps, dans d’autres circonstances…
À mon avis, ce procureur financier n’est vraiment pas une bonne idée. Certes, nous avons une architecture judiciaire qui mérité d’être améliorée et nous sommes même conscients de l’obligation qui s’impose à nous dans un certain nombre de cas. D’ailleurs, madame le garde des sceaux, vous défendez actuellement un certain nombre de projets, issus de travaux de différentes commissions, sur lesquels il est possible que nous ayons le même avis.
Mais pourquoi vouloir créer ce procureur financier ? Soyons clairs : il s’agit non pas d’un affichage, ce qui serait un peu caricatural de ma part, mais d’un message !
C’est d’ailleurs ce que vous venez de nous dire : il faut que les citoyens sachent où et qui appeler ! Madame le garde des sceaux, quand j’entends cela, je suis très inquiet. Dire que l’on crée un procureur financier pour qu’il y ait un numéro de téléphone qui puisse être appelé est un argument en termes de procédure pénale qui me laisse confondu.
M. Nicolas Alfonsi. SOS médecins !
M. Jacques Mézard. Oui, j’y pensais, ainsi qu’à d’autres numéros verts, bleus, gris, etc. Je n’y crois pas ! C’est surtout la démonstration et l’aveu du but poursuivi en l’occurrence.
Madame le garde des sceaux, vous nous avez donné comme élément de comparaison le pôle antiterroriste. Ne confondons pas tout ! Celui-ci est indispensable à la lutte contre le terrorisme international pour un certain nombre de raisons et les magistrats affectés à ce pôle doivent être protégés et doivent pouvoir travailler selon des règles particulières. J’ai été rapporteur voilà peu de temps du projet de loi relatif à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme et je sais de quoi je parle.
Mais je sais aussi – je m’adresse là à mes collègues de la majorité – que la plupart des composantes de la majorité actuelle ont toujours été très réservées sur les juridictions spécialisées.
M. Jacques Mézard. Oui, pour éviter que vous ne fassiez pire ! Je vous le dis très clairement ! Le renforcement des JIRS n’est peut-être pas la solution parfaite, mais elle est en tout cas moins mauvaise que la création du procureur financier.
Je le répète, vous nous avez fait la démonstration qu’il s’agit d’un message adressé à nos concitoyens. À mon sens, ce n’est pas une bonne façon d’administrer la justice et c’est la raison pour laquelle nous sommes très opposés à la création de ce procureur.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 23 rectifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable, et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 13 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 186 |
Contre | 160 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 15 est supprimé.
Article 15 bis
(Suppression maintenue)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 11 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants – UC est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les deux premiers alinéas de l’article 706-1 du code de procédure pénale sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :
« 1° Délits prévus par les articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 3° Délits prévus par les articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;
« 4° Délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues par ces articles résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République de Paris et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Les deux premiers alinéas de l’article 706-1 du code de procédure pénale sont remplacés par sept alinéas ainsi rédigés :
« Le procureur de la République de Paris, le juge d’instruction et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des infractions suivantes :
« 1° Délits prévus par les articles 432-10 à 432-15, 433-1 et 433-2, 434-9, 434-9-1, 445-1 à 445-2-1 du code pénal, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 2° Délits prévus aux articles L. 106 à L. 109 du code électoral, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une grande complexité en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ;
« 3° Délits prévus par les articles 435-1 à 435-10 du code pénal ;
« 4° Délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ;
« 5° Blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 4° du présent article et infractions connexes.
« Lorsqu’ils sont compétents pour la poursuite ou l’instruction des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur de la République de Paris et le juge d’instruction de Paris exercent leurs attributions sur toute l’étendue du territoire national. »
La parole est à M. Jacques Mézard
M. Jacques Mézard. Il est également défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, l'article 15 bis est rétabli dans cette rédaction, et l’amendement n° 24 rectifié n’a plus d’objet.
Article 16
(Non modifié)
I. – Après le chapitre II du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant de l’article 15 de la présente loi, il est inséré un chapitre III intitulé : « Dispositions diverses » et comprenant les articles 706 à 706-1-2, dans leur rédaction résultant du présent article.
II. – À la première phrase du premier alinéa de l’article 706 du même code, les mots : « d’un tribunal de grande instance mentionné à l’article 704 » sont remplacés par les mots : « d’un pôle de l’instruction mentionné à l’article 52-1 ou d’un tribunal de grande instance mentionné aux articles 704 ou 705 ».
III. – L’article 706-1-2 du même code devient l’article 706-1.
IV. – L’article 706-1-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. 706-1-1. – Les articles 706-80 à 706-88, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus :
« 1° Aux articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal ;
« 2° Aux articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 3° Au dernier alinéa de l’article 414 et à l’article 415 du code des douanes, lorsqu’ils sont punis d’une peine d’emprisonnement d’une durée supérieure à cinq ans.
« Les articles mentionnés au premier alinéa du présent article sont également applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement du blanchiment des délits mentionnés aux 1° à 3°. »
V. – L’article 706-1-2 du même code est ainsi rétabli :
« Art. 706-1-2. – Les articles 706-80 à 706-87, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement des délits prévus au dernier alinéa des articles L. 241-3 et L. 242-6 du code de commerce. »
VI. – L’article 706-1-3 du même code est abrogé.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 12, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 706-1-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 706-1-3. – Les articles 706-80 à 706-88, 706-95 à 706-103, 706-105 et 706-106 sont applicables à l’enquête, à la poursuite, à l’instruction et au jugement :
« 1° Des délits prévus par les articles 432-11, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal ;
« 2° Des délits prévus par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts, lorsqu’ils sont commis en bande organisée ou lorsqu’il existe des présomptions caractérisées que ces infractions résultent d’un des comportements mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales ;
« 3° Du blanchiment des délits mentionnés aux 1° et 2°. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 28 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
A. – Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
B. – Alinéa 5
Rédiger ainsi cet alinéa :
III. – L’article L. 706-1-3 du même code est ainsi rédigé :
C. – Alinéa 6
Remplacer la référence :
Art. 706-1-1
par la référence :
Art. 706-1-3
D. – Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Les deux amendements ne sont pas tout à fait identiques et l’amendement déposé par M. Mézard me semble plus complet que celui de M. Mercier, qui n’évoque pas les délits douaniers. Je fais donc mon travail de rapporteur jusqu’au bout en me prononçant plutôt en faveur de l’amendement n° 28 rectifié.
M. Michel Mercier. Je retire mon amendement, monsieur le président !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Compte tenu de la discussion très élaborée et de bonne tenue que nous avons eue tout à l’heure, ponctuée d’interrogations et de questions précises, je suis au regret de constater que, à l’ambition du Gouvernement consistant à créer un parquet financier, à lui dédier des moyens, à préciser que sa compétence est concurrente pour éviter de perdre du temps dans la reprise des procédures, vous préférez la création d’un procureur adjoint. De surcroît, vous allez piocher dans une autre partie du texte certaines dispositions, telles que les techniques spéciales d’enquête.
Je pense qu’il y a plus de cohérence à soutenir la création de ce parquet financier plutôt que d’ajouter un procureur adjoint dans les JIRS, un autre au parquet de Paris et de récupérer les dispositions sur les enquêtes spéciales. Avec tout le respect, toute la révérence, pour ne pas dire la vénération que je vous dois (Sourires.), je tenais à vous le faire observer.
Cela étant, l’avis du Gouvernement reste rigoureusement et vigoureusement défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17
(Non modifié)
I. – À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 693 du même code, les références : « 705, 706-1 » sont remplacées par les références : « 704-1, 705 ».
II. – À l’avant-dernier alinéa du I de l’article 706-2 du même code, la référence : « 705 » est remplacée par la référence : « 704-1 ».
III. – Au dernier alinéa du même I, les références : « 705-1 et 705-2 » sont remplacées par les références : « 704-2 et 704-3 ».
IV. – Au dernier alinéa de l’article 706-42 du même code, la référence : « 705 » est remplacée par les références : « 704-1, 705 ».
V. – À l’article 5 de la loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance n° 2012-1218 du 2 novembre 2012 portant réforme pénale en matière maritime, les références : « 705-1 et 705-2 » sont remplacées par les références : « 704-2 et 704-3 ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 29 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 13.
M. Michel Mercier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 29 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 17 est supprimé.
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Chapitre II
Dispositions modifiant le code de l’organisation judiciaire
Article 19
(Non modifié)
Le titre Ier du livre II du code de l’organisation judiciaire est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« Chapitre VII
« Dispositions particulières au tribunal de grande instance de Paris
« Art. L. 217-1. – Est placé auprès du tribunal de grande instance de Paris, aux côtés du procureur de la République, un procureur de la République financier, dont les attributions sont fixées par le code de procédure pénale.
« Art. L. 217-2. – Par dérogation aux articles L. 122-2 et L. 212-6, le procureur de la République financier, en personne ou par ses substituts, exerce le ministère public auprès du tribunal de grande instance de Paris pour les affaires relevant de ses attributions.
« Art. L. 217-3. – Par dérogation à l’article L. 122-4, le procureur de la République financier et ses substituts n’exercent les fonctions de ministère public que pour les affaires relevant de leurs attributions.
« Art. L. 217-4. – Les dispositions législatives du code de l’organisation judiciaire faisant mention du procureur de la République ne sont applicables au procureur de la République financier que si elles le prévoient expressément. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 30 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 14.
M. Michel Mercier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 14 et 30 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 19 est supprimé.
Chapitre III
Dispositions transitoires et de coordination
Article 20
(Non modifié)
Les juridictions mentionnées au premier alinéa de l’article 704 du code de procédure pénale, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, demeurent compétentes pour poursuivre l’instruction et le jugement des affaires en cours, sans préjudice de la possibilité d’un dessaisissement au profit des juridictions mentionnées aux articles 704 et 705 du même code, dans leur rédaction résultant de la présente loi, selon les procédures définies aux articles 704-2, 704-3, 705-2 et 705-3 dudit code, dans leur rédaction résultant de la présente loi.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 15 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 31 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
I. - Remplacer les références :
aux articles 704 et 705
par la référence :
à l’article 704
II. - Remplacer les références :
704-2, 704-3, 705-2 et 705-3
par les références :
705, 705-1 et 705-2
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 15.
M. Michel Mercier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 31 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 15 et 31 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20, modifié.
(L'article 20 est adopté.)
Article 20 bis
(Non modifié)
Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° La sous-section 7 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI est complétée par un article L. 621-20-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 621-20-3. – Les procès-verbaux ou rapports d’enquête ou toute autre pièce de la procédure pénale ayant un lien direct avec des faits susceptibles d’être soumis à l’appréciation de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers peuvent être communiqués par le procureur de la République financier, le cas échéant après avis du juge d’instruction, d’office ou à leur demande :
« 1° Au secrétaire général de l’Autorité des marchés financiers, avant l’ouverture d’une procédure de sanction ;
« 2° Ou au rapporteur de la commission des sanctions, après l’ouverture d’une procédure de sanction. » ;
2° L’article L. 621-15-1 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « immédiatement le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par les mots : « dans les meilleurs délais le rapport d’enquête ou de contrôle au procureur de la République financier » ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par le mot : « financier » ;
c) Le dernier alinéa est supprimé ;
3° À l’article L. 621-17-13, les mots : « près le tribunal de grande instance de Paris » sont remplacés par le mot : « financier ».
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 32 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 4 et 8
Remplacer le mot :
financier
par les mots :
de Paris.
II. - Alinéas 9 et 11
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Michel Mercier, pour présenter l’amendement n° 16.
M. Michel Mercier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Anziani, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 32 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 20 bis, modifié.
(L'article 20 bis est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 21
(Non modifié)
I. – Le titre Ier est applicable en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, à l’exception des articles 3, 3 bis A à 3 bis F, 3 bis, 3 ter, 3 quinquies et 5 qui ne s’appliquent pas en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – Les articles 10 ter, 10 quater, 11 bis B ainsi que le I de l’article 11 bis sont applicables en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie.
Pour l’application de l’article 67 quinquies A du code des douanes en Polynésie française, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna et en Nouvelle-Calédonie, à la troisième phrase du second alinéa, les mots : « ou dans le document prévu à l’article 247 du règlement (CE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire » sont supprimés.
Pour l’application de l’article 67 quinquies A du code des douanes à Mayotte, et jusqu’au 31 décembre 2013, à la troisième phrase du second alinéa, les mots : « ou le document prévu à l’article 247 du règlement (CE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil établissant le code des douanes communautaire » sont supprimés. – (Adopté.)
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M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi dans le texte de la commission, modifié.
(Le projet de loi est adopté.)
projet de loi organique
M. le président. Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier.
Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets ou propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les articles adoptés conformes ou les articles additionnels qui sont sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.
Article 1er
(Non modifié)
L’article 38-2 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le présent article est applicable au procureur de la République financier près le tribunal de grande instance de Paris dans les mêmes conditions qu’au procureur de la République près le même tribunal. »
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Collombat, Collin, Fortassin, Baylet, C. Bourquin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Virginie Klès, rapporteur. La commission se trouve exactement dans la même situation que précédemment et a donc émis un avis favorable par concordance, malgré l’avis défavorable, à titre personnel, du rapporteur que je suis.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Mes chers collègues, si l’amendement tendant à la suppression de l’article 1er était adopté, et en l’absence d’amendement rétablissant l’article 2, les deux articles composant le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier auraient été supprimés et il n’y aurait donc pas lieu de voter sur l’ensemble.
En conséquence, en application de l’article 59 du règlement qui prévoit un scrutin public de droit sur l’ensemble d’un projet de loi organique, cet amendement de suppression va être mis aux voix par scrutin public.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable, et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin public dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 14 :
Nombre de votants | 346 |
Nombre de suffrages exprimés | 346 |
Pour l’adoption | 187 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 1er est supprimé.
Article 2
(Suppression maintenue)
M. le président. Je ne suis saisi d’aucun amendement tendant au rétablissement de l’article 2.
L’article 2 demeure donc supprimé.
Je constate qu’il n’y a plus de texte, et qu’il n’y a donc pas lieu de voter sur l’ensemble.
Le projet de loi organique n’est pas adopté.
Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures trente, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
6
Candidature à une délégation
M. le président. J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation à la prospective en remplacement de M. René Vestri, décédé.
Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.
7
Communication du Conseil constitutionnel
M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 8 octobre 2013, qu’en application de l’article 61–1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 (procédure de mise en demeure du CSA) (2013–359 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
8
Traité sur le commerce des armes
Adoption en procédure accélérée d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du traité sur le commerce des armes (projet n° 837 [2012–2013], texte de la commission n° 34, rapport n° 33).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le traité sur le commerce des armes, ou TCA, dont je vous invite à autoriser la ratification, est le premier grand traité universel du XXIe siècle dans le domaine de la sécurité internationale et de la maîtrise des armements. Je m’étais engagé devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées à faire en sorte que la France soit l’un des premiers pays à ratifier ce traité et à œuvrer pour que votre assemblée, que je sais très attentive à ce sujet, soit la première à décider.
Je souhaitais que notre pays témoigne ainsi de son soutien à ce traité. Je vous remercie tous, et en particulier M. le président Carrère, d’avoir permis, en acceptant que ce texte soit examiné lors de la semaine d’initiative parlementaire, que cet engagement soit respecté.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la maîtrise des armements, quels qu’ils soient, constitue la première condition de la sécurité du monde. C’est pour la France plus qu’une conviction : c’est un engagement de nature historique. Sans doute parce que notre pays a été le théâtre de nombreuses guerres, nous avons été et nous sommes l’une des principales puissances favorables au désarmement, tant il est évident que l’existence d’armes porte le risque de leur utilisation. C’est pourquoi je veux saisir l’occasion de ce débat, quitte à vous retarder quelques minutes, pour passer en revue nos positions passées et actuelles sur le désarmement.
Cet engagement a porté prioritairement sur les armes les plus dangereuses, celles que l’on appelle généralement « non conventionnelles ». Il faut se souvenir, car cela ne manque pas de rappeler l’actualité, que la première tentative d’éliminer l’emploi des armes chimiques remonte au XVIIe siècle, avec la signature, le 27 août 1675, entre la France et le Saint Empire romain germanique, de l’accord dit de Strasbourg qui visait à interdire l’utilisation de balles empoisonnées lors des conflits. La France, depuis cette date, a continué de montrer la voie avec son engagement pour le désormais fameux protocole de Genève de 1925 – que nous avions quelque peu oublié, mais que M. Bachar Al-Assad a tristement rappelé à nos mémoires – et pour la convention sur l’interdiction des armes chimiques de 1993.
En matière de désarmement nucléaire, cet engagement, pour être évidemment plus récent, n’en est pas moins constant. Après avoir réduit de moitié notre arsenal depuis vingt ans, supprimé la composante terrestre, réduit d’un tiers la composante océanique, nous avons atteint l’an passé le seuil de réduction d’un tiers de la composante aérienne. Nous avons démantelé de manière complète et irréversible nos sites d’essais nucléaires. Nous avons fait preuve de transparence en étant le premier État doté à communiquer des données précises sur le nombre total de nos têtes nucléaires, inférieur à trois cents.
Ce bilan nous permet aujourd’hui d’être exigeants. Évidemment, le traité de non-prolifération nucléaire, ou TNP, est le socle du désarmement et de la non-prolifération nucléaires. Nous avons été l’un des premiers États doté de l’arme nucléaire à signer, ratifier et mettre pleinement en œuvre le traité d’interdiction complet des essais nucléaires. Nous sommes engagés en faveur de son entrée en vigueur qui sera une étape importante pour marquer un coup d’arrêt au renforcement de ces armes. Reste devant nous le chantier de la négociation, trop longtemps retardée, du traité d’interdiction de la production de matières fissiles pour les armes nucléaires.
Au-delà, les crises actuelles montrent de manière souvent dramatique la nécessité du désarmement. En utilisant massivement, en août dernier, des armes chimiques contre son propre peuple, tout en refusant de reconnaître qu’il en disposait, le régime de Damas a violé les lois et transgressé tous les interdits. L’horreur chimique en Syrie constitue un nouvel appel à la mise en œuvre universelle de l’interdiction des armes chimiques. C’est pourquoi le Président de la République a demandé récemment à l’Assemblée générale des Nations unies que les pouvoirs d’enquête en la matière du secrétaire général de l’ONU soient renforcés. Nous pouvons nous réjouir que la résolution adoptée à New York à la fin du mois de septembre, sur l’initiative de la France notamment, affirme que l’emploi d’armes chimiques constitue une « menace à la paix et à la sécurité internationale ». De la sorte, le Conseil de sécurité pourra se saisir à l’avenir de toute situation où l’emploi de ces armes est en cause. Le désarmement chimique de la Syrie est engagé, il devra aller à son terme.
Notre position sur la prolifération nucléaire dans le cas de l’Iran s’inscrit dans la même logique : nous disons oui à la technologie nucléaire civile et non à la prolifération nucléaire militaire. Depuis de trop nombreuses années, Téhéran poursuit un programme nucléaire militaire en violation des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA. Comme l’attestent les rapports récents de l’AIEA, le programme iranien continue : accélération des activités d’enrichissement, notamment à 20 %, sur le site de Fordow longtemps dissimulé à la communauté internationale, installation de centrifugeuses de nouvelle génération à Natanz, poursuite des activités liées à l’eau lourde avec le développement du réacteur plutonigène d’Arak, refus de coopérer pour clarifier les questions non résolues liées à la possible dimension militaire du programme.
En rencontrant récemment à New York le président iranien, M. Rohani, le Président français a donné une chance aux volontés d’ouverture du nouveau régime. Des paroles ouvertes sont utiles, mais elles ne suffisent pas. Nous attendons des gestes concrets, vérifiables et vérifiés par l’AIEA. Le groupe « E3+3 » a fait cette année des propositions de mesures de confiance à l’Iran : celles-ci restent sur la table. Il n’y a de notre part aucune naïveté sur les intentions du régime iranien : nous savons que, pendant que nous discutons, les centrifugeuses continuent de tourner. Cependant, après des années de blocage, nous devons saisir toute occasion de relancer ces négociations. Les discussions vont reprendre le 15 octobre à Genève : nous verrons alors si l’Iran cherche seulement à gagner du temps ou s’il fait, comme nous le souhaitons, le choix d’une négociation réelle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive sont une nécessité. Mais il faut aller au-delà. Le désarmement général et complet dans ce domaine doit être accompagné d’avancées s’agissant des armes dites « classiques ».
Au Sahel, la dissémination des armes classiques a été un important facteur de déstabilisation de la région. Les matériels en provenance des entrepôts abandonnés par le précédent régime libyen ont contribué à alimenter les groupes armés radicaux contre lesquels la France a été amenée à intervenir au Mali. L’action de notre pays pour juguler cette crise a été déterminante. Il faut maintenant, au-delà de l’urgence, traiter les causes profondes à l’origine de la déstabilisation de toute la région du Sahel. La question des armes reste décisive. C’est pourquoi le Président de la République et moi-même avons souhaité convier à Paris l’ensemble des chefs d’État et de gouvernement d’Afrique, du 5 au 7 décembre prochain, pour un sommet consacré précisément à la sécurité du continent africain. Les Africains veulent et doivent pouvoir répondre eux-mêmes, rapidement et efficacement, aux tumultes qui menacent les équilibres régionaux et la sécurité de pays appelés à devenir des moteurs de la mondialisation dans les prochaines décennies. Il est de la responsabilité de la France de les accompagner.
Nous devons rappeler, à cette occasion, notre position sur les armes dites classiques. La France a agi pour que, dans toutes les enceintes, la communauté internationale prenne ses responsabilités. Elle a soutenu de multiples initiatives, s’engageant à respecter les normes les plus exigeantes. Elle l’a fait, même lorsque ces normes n’étaient pas observées par d’autres. La France a ainsi procédé à la signature de la convention sur l’interdiction des mines antipersonnel, dite convention d’Ottawa, dès le premier jour, en 1997. Elle a souscrit à la convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions en décembre 2008, figurant parmi les premiers États à le faire.
En ce qui concerne les armes légères et de petits calibres, nous appelons au renforcement du programme d’action des Nations unies sur la lutte contre le trafic illicite de ces armes, encore juridiquement non contraignant. Nous avons également été à l’origine d’un processus ayant abouti à l’adoption par les Nations unies, en 2006, d’un instrument international sur le traçage et le marquage et nous avons pris des mesures pour sécuriser les transports de ces armes par voie aérienne et maritime sur notre territoire.
Au-delà de ces régimes de limitation ou d’interdiction de certaines armes, la maîtrise des armements passe par la lutte contre la dissémination des armes classiques, plus difficile à appréhender. Cette nouvelle dimension de la maîtrise des armements constitue une question de sécurité et même de droits de l’homme.
La dissémination incontrôlée d’armes classiques menace, en effet, gravement de nombreuses populations. Les habitants des pays en voie de développement, des civils, essentiellement des femmes et des enfants, en subissent les conséquences.
Chaque année, on estime que ces armes provoquent la mort de 500 000 personnes, soit 1 500 à 2 000 personnes par jour, pour la plupart dans des pays très pauvres. En République démocratique du Congo, par exemple, plus de 5 millions de personnes ont été tuées par les armes à feu depuis 1998.
Les armes ne sont pas utilisées que pour tuer. Elles menacent, elles contraignent, elles permettent que soient commis des actes de torture, des viols, des enlèvements, des déplacements forcés et de nombreuses autres formes de violence. Les armes disséminées en dehors de tout contrôle détruisent la société et toute forme organisée d’État. En l’absence de sécurité et donc de stabilité, rien ne peut se construire durablement. Les échanges d’armes non réglementés constituent une grave entrave à la construction d’un monde plus humain et plus sûr.
Le commerce non régulé des armes nourrit aussi, en l’absence de toute norme commune, des trafics. La corruption liée à ces échanges est évaluée à plusieurs milliards d’euros chaque année. Cela fournit des moyens dévastateurs à toutes les formes de criminalité. Depuis les années quatre-vingt-dix, ce phénomène s’accroît de manière inquiétante. Il concerne des armes de plus en plus meurtrières et performantes. Il frappe tous les pays, même ceux qui se croyaient épargnés. L’absence de contrôle engendre des tueries imprévisibles, des guerres civiles sanglantes, des actes de terrorisme politique.
Pour toutes ces raisons, nous avions besoin de nouveaux instruments afin de compléter l’architecture traditionnelle fondée sur le désarmement. La menace de la dissémination des armes classiques met en jeu un grand nombre d’acteurs et défie l’autorité des États. Elle ne peut se régler que par une action durable et mondiale. Le traité sur le commerce des armes est précisément à la mesure d’un problème devenu aujourd’hui transnational.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai voulu, ne serait-ce que pour laisser une trace qui sera – je l’espère – écoutée au-delà de cette enceinte, retracer l’action de la France en matière de désarmement. On entend, en effet, sur ce sujet, beaucoup d’inexactitudes. Je voulais, devant votre Haute Assemblée, rétablir la réalité.
Le traité sur le commerce des armes, dont je soumets la ratification à votre décision, apporte une réponse à la menace croissante de la dissémination des armes classiques. Il est novateur pour au moins trois raisons.
D’abord, par la place qu’il accorde aux droits de l’homme et au droit international humanitaire. Ce traité prévoit, en effet, l’interdiction absolue de toute exportation d’armement s’il existe un risque que les matériels exportés soient utilisés pour commettre des actes de génocide, des crimes contre l’humanité ou de graves violations des conventions de Genève de 1949. Cela lui confère une valeur renforcée par rapport à tous les instruments existants.
Il est novateur, ensuite, parce qu’il engage pour la première fois la responsabilité de l’État vendeur d’armements. Le traité insiste sur la transparence nécessaire dans les transferts d’armes. Les États parties s’engagent à contrôler leurs exportations. Ils devront prendre en compte tous les usages possibles des armes vendues. Ils seront tenus de produire régulièrement des rapports sur la mise en œuvre du traité et sur les mesures intervenues pour prévenir le détournement des armes.
Il est novateur, enfin, parce qu’il pose une nouvelle norme mondiale. Ce traité est le premier instrument de droit international qui met en place un régime universel régulant le commerce mondial des armes. Il a été négocié entre tous les États membres des Nations unies. Il porte sur tous les types d’armes classiques, ainsi que sur leurs munitions, les pièces et les composants. Les tentatives précédentes d’une ampleur comparable dans ce domaine avaient échoué.
La France, avec ses partenaires européens, a beaucoup œuvré pour que ce traité soit adopté avec des exigences élevées. Notre objectif premier, à nous Européens, a été de responsabiliser les exportations d’armement. C’est le sens d’un texte que j’avais publié en juillet 2012, avec mes homologues allemand, britannique et suédois, dans lequel nous affirmions ensemble notre détermination à faire adopter à l’ONU un traité fort et efficace.
Nous avons dû mener un travail de conviction en tenant compte de l’enjeu, mais aussi des réticences exprimées par certains de nos partenaires. Tout le monde le reconnaît, la France a joué un rôle important, voire central. Elle a agi conformément à ses principes, en lien avec l’ensemble des organisations internationales concernées. Je tiens, ici, à rendre hommage à celles-ci, car on peut estimer que, sans elles, et sans toute une série d’organisations non gouvernementales, ce traité n’existerait pas. Ce travail collectif a permis l’introduction dans le texte du traité de critères exigeants de respect des droits de l’homme, du droit international humanitaire et du développement durable.
Grâce à cette mobilisation collective, nous sommes parvenus, en mars 2013, à faire accepter un texte juridiquement contraignant pour tous les États. Le résultat, ce traité sur le commerce des armes a été adopté le 2 avril 2013 à une majorité écrasante par l’Assemblée générale des Nations unies. Le texte est, en réalité, bien plus exigeant que celui qui était initialement prévu en juillet 2012 : les munitions y sont incluses, le champ des armes y est plus large. C’est donc un succès pour tous les défenseurs du désarmement conventionnel. Je pense que c’est le cas de tous les groupes de la Haute Assemblée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, chacun le sait, la France est un des principaux pays exportateurs d’armes. Il faut, dès lors, poser la question : n’y a-t-il pas contradiction, voire hypocrisie, à ratifier un tel traité ?
M. Jean Desessard. Ah !
M. Laurent Fabius, ministre. Ce traité ne va-t-il pas handicaper nos industriels ? La réponse est un double non.
M. Jean Desessard. Ah !
M. Laurent Fabius, ministre. D’une part, le traité ne vise pas à supprimer le commerce des armes. Il l’encadre en soumettant les États exportateurs à des règles communes. D’autre part, La France est un exportateur d’armement, mais un exportateur responsable. Elle est déjà tenue par un engagement plus strict encore : la position commune de l’Union européenne. On ne vend pas n’importe quoi à n’importe qui. Pour chaque opération, les services français prennent en compte l’usage qui peut être fait de l’armement exporté. Nos procédures d’encadrement des exportations de matériels de guerre sont déjà parmi les plus robustes. Nos industriels le savent et le comprennent. Il n’est évidemment de l’intérêt de personne que des armes françaises puissent servir à l’action de dictateurs ou de terroristes. La France est effectivement un important exportateur d’armement mais pas d’armes légères. Ce sont celles-ci qui sont utilisées dans la majorité des conflits régionaux depuis 1990, elles qui sont responsables de la mort de 500 000 personnes par an.
Sans doute dans un monde idéal pourrait-on concevoir les choses autrement. Cependant, comme le disait Jean Jaurès, le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.
Nous devons maintenant agir pour que ce traité produise sans délai son effet.
Il a déjà été signé par plus d’une centaine d’États membres des Nations unies, y compris le premier exportateur mondial d’armement, les États-Unis. Nous souhaitons que ce texte puisse rapidement entrer en vigueur et devienne universel. Il entrera en vigueur dès lors que cinquante États membres des Nations unies l’auront ratifié. Si un très grand nombre de pays sont déterminés à accompagner le mouvement, seule une poignée d’entre eux sont déjà parvenus au terme de leurs procédures. Désormais, une fois l’Assemblée nationale intervenue, ce sera le cas de la France.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la mise en place de cette nouvelle norme internationale constitue un facteur de renforcement de la paix et de la sécurité internationale. Je souhaite que notre pays puisse montrer l’exemple en étant l’un des premiers grands États à s’engager. C’est la raison pour laquelle, sur ce chemin, je remercie les groupes du Sénat qui montreront que la France parle et agit d’une même voix. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Daniel Reiner, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voici un texte (M. le rapporteur brandit un exemplaire du projet de loi.) qui, malheureusement, n’intéressera que peu les médias. C’est bien dommage, car ce traité est une pièce qui ajoute à la sagesse du monde. C’est suffisamment rare pour que l’on s’en félicite !
Le 2 avril 2013, l’Assemblée générale des Nations unies, à une très large majorité, a adopté le traité sur le commerce des armes : 155 voix pour, 3 voix contre – il n’est pas indifférent de les citer, la Syrie, la Corée du Nord et l’Iran –, 22 abstentions ; 13 pays n’avaient pas pris part au vote. La France l’a signé le 3 juin dernier et il est aujourd’hui soumis à l’approbation sénatoriale. C’est en effet à la Haute Assemblée qu’il est soumis en premier lieu.
Nous nous réjouissons que ce texte de ratification ait été si rapidement déposé sur le bureau de notre assemblée, monsieur le ministre.
Pour commencer, je voudrais faire un rapide rappel de la genèse du traité sur le commerce des armes. Dès la fin des années quatre-vingt-dix, des ONG se positionnent en demandant un instrument universel de régulation du commerce des armes. Parallèlement, en 1997, l’ancien président du Costa-Rica et prix Nobel de la paix, Oscar Arias, accompagné de sept autres prix Nobel, lance un appel pour un code international de conduite juridiquement contraignant sur les transferts d’armes. Au début des années 2000, un collectif d’ONG, « Contrôlez les armes », est créé afin de promouvoir la création de cet instrument.
Le Royaume-Uni a été le premier des États membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU à soutenir ce projet. Il a été rapidement suivi de l’ensemble des États membres de l’Union européenne, au premier rang desquels se trouvait la France.
L’année 2009 marque un tournant, puisque les États-Unis se joignent au soutien à ce traité. La même année, 153 États membres des Nations unies votent pour la mise en place d’un processus officiel qui inclut cinq réunions d’un Comité préparatoire en vue de la conférence de négociations sur ce traité.
Celle-ci se déroule en juillet 2012 mais n’aboutit finalement pas à l’adoption du traité. En effet, certains pays, au premier rang desquels les États-Unis, souhaitent un délai supplémentaire afin de parfaire la rédaction du traité.
Une nouvelle conférence diplomatique a été convoquée en mars 2013, qui s’est conclue sur la signature du traité le 2 avril. Parmi les pays abstentionnistes, on trouve la Chine, qui s’est abstenue pour une question de procédure, paraît-il : le contournement de la règle du consensus. La Russie, l’Inde et certains pays arabes ont, quant à eux, également opté pour l’abstention, mais en raison du contenu même du traité : ils estimaient, en effet, que ce traité, tel qu’il était soumis au vote, comportait trop de lacunes et ne prenait pas assez en compte certaines préoccupations, en particulier des importateurs.
Ce texte est un événement majeur : les États signataires s’accordent sur la création d’une norme internationale visant à encadrer le commerce légal des armes et à prévenir le commerce illicite.
Le champ d’application du traité est visé à l’article 2. Ainsi, les armes classiques entrant dans le champ d’application sont les chars de combat, les véhicules blindés de combat, les systèmes d’artillerie de gros calibre, les avions de combat, les hélicoptères de combat, les navires de guerre, les missiles et lanceurs de missiles, les armes légères et armes de petit calibre. Les dispositions des articles 6 et 7 s’appliquent également, vous l’avez précisé, monsieur le ministre, aux munitions et pièces et composants. Elles ne s’appliquent pas, en revanche, aux armes dédiées au maintien de l’ordre.
Les activités, quant à elles, regroupent l’exportation, l’importation, le transit, le transbordement, et le courtage. Elles n’englobent pas le transport international par un État partie ou pour son compte d’armes destinées à son propre usage.
Les activités non explicitement commerciales, comme les dons, cessions et prêts d’armes, ne sont pas couvertes par le champ d’application du traité sur le commerce des armes. Il s’agit là d’une lacune que soulèvent certaines ONG, arguant qu’ainsi une grande partie des opérations échappent à cette vigilance. Ce n’est pas faux. Nous avons, d’ailleurs, auditionné des représentants d’ONG qui s’intéressent de très près à ces questions.
Le point central du traité est la consécration du droit international humanitaire, qui devient le critère à respecter dans l’évaluation d’une demande d’exportation.
Ainsi, l’article 6 prohibe toute exportation d’armement, armes classiques, munitions, pièces et composants, lorsque l’exportation violerait les obligations de l’État exportateur au regard des mesures prises par le Conseil de sécurité des Nations unies – c’est le cas, notamment, des mesures d’embargos sur les armes.
L’article 6 prohibe également toute exportation d’armement, armes classiques, munitions, pièces et composants lorsque celle-ci violerait les obligations internationales résultant des accords auxquels l’État exportateur est partie, notamment concernant le transfert et le trafic illicite d’armes classiques.
Cette prohibition s’applique, enfin, lorsque l’exportation permettrait la commission de génocides, crimes contre l’humanité, attaques contre des civils, crimes de guerre, et violations graves des conventions de Genève.
Néanmoins, l’application reste difficile, comme l’indiquait la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans son avis sur l’avant-projet de traité en date du 21 février 2013 : comment prouver l’intention d’un État de commettre un génocide, par exemple ?
L’article 7 considère que, pour toute demande d’exportation n’entrant pas dans le champ des exclusions de fait, l’État exportateur doit procéder à une évaluation objective, non discriminatoire, mais la plus complète possible, de l’utilisation de ces armes.
L’État receveur de la demande doit, en particulier, estimer si une exportation d’armes porterait atteinte à la paix et à la sécurité, et pourrait servir à : commettre une violation grave au droit international humanitaire ou au droit international des droits de l’homme, ou en faciliter la commission ; commettre une infraction, ou en faciliter la commission, au regard des conventions ou protocoles internationaux relatifs au terrorisme ou à la criminalité transnationale auxquels l’État exportateur est partie ; commettre ou faciliter la commission d’actes graves de violence fondés sur le sexe, ou contre les femmes et les enfants.
S’il apparaît que tel est le cas, alors l’État doit chercher à atténuer les risques possibles. In fine, s’il considère qu’il existe un risque prépondérant de commission des actes précités, il ne doit pas autoriser l’exportation.
Cet article, en posant explicitement le principe du droit international humanitaire et celui du droit international des droits de l’homme, place ceux-ci au cœur du dispositif d’évaluation. Si nous ne pouvons que nous en réjouir, les termes employés laissent parfois perplexes.
Il en est ainsi de l’adjectif « prépondérant », qui suscite des controverses. La procédure même d’évaluation des risques, par étape, se conclut sur l’expression de « risque prépondérant », qui doit empêcher l’exportation. Or, la notion de risque prépondérant, en droit international, n’existe pas. Certains États, pour clarifier cette terminologie, ont d'ailleurs déclaré qu’ils l’interpréteraient comme étant un risque substantiel.
Également, quid des mesures d’atténuation des risques possibles ? Elles ne sont pas explicitement énoncées, si ce n’est des « mesures de confiance ou des programmes élaborés et arrêtés conjointement par les États exportateurs et importateurs ».
Monsieur le ministre, nous souhaiterions plus de précisions sur l’interprétation que fera la France des termes de cet article.
Autre règle essentielle : la transparence. Les États parties doivent fournir, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du traité, un rapport initial détaillé précisant les mesures qu’ils ont prises pour sa mise en œuvre. De même, les États rendent compte des mesures jugées efficaces pour lutter contre le détournement des armes classiques. Ils ont également l’obligation de fournir un rapport annuel concernant les importations et les exportations d’armes classiques.
Enfin, sont aussi prévues par le traité des mesures d’assistance et coopération entre États parties dans la mise en œuvre du traité, la possibilité de l’amender lorsqu’il sera entré en vigueur, ou encore la création de structures chargées de sa mise en œuvre.
L’intégration en droit interne ne posera aucun problème. Le droit européen et le droit français étant déjà très avancés en matière de législation sur le commerce des armes, le présent traité s’intégrera de façon fluide, d’autant plus que le champ d’application de la position commune, qui couvre l’ensemble des équipements militaires de la liste commune de l’Union européenne, est plus vaste que les catégories couvertes par les articles du traité.
En matière de transparence, le traité prévoit la rédaction de rapports ; or, la France, par son rapport annuel au Parlement sur les exportations d’armements, met déjà en œuvre cette transparence.
De même, concernant nos accords, le droit français intégrant par définition, et de façon plus étroite, les avancées du traité, les autorisations en cours ont d’ores et déjà été accordées à l’aune des critères du traité.
La ratification revêt une importance majeure : la France avait fait de l’adoption de ce traité l’une de ses priorités ; l’enjeu est désormais son universalisation. À ce jour, 113 pays l’ont signé et sept l’ont déjà ratifié – nous devrions être le huitième. Notons que les États-Unis l’ont signé le 25 septembre dernier.
Mes chers collègues, soyons honnêtes, ce traité n’est pas parfait ; il contient quelques lacunes ou failles dans sa rédaction. J’ai évoqué la question du risque prépondérant ; on peut également citer l’article 26, qui est une des failles du texte : en vertu de celui-ci, l’application du traité ne porte pas atteinte aux obligations souscrites par les États parties en vertu d’accords internationaux, actuels ou futurs, pour autant que ces obligations soient compatibles avec le traité.
Soyons clairs, c’est du charabia qui permet de dire à la fois une chose et son contraire ! Les ONG nous ont fait part de leurs craintes que cette disposition ne provoque une lecture dérogatoire du traité. Pour ce qui nous concerne, nous rendrons cette lecture la plus vertueuse possible, afin que le traité ne soit pas vidé de son sens.
Malgré ces imperfections, un texte améliorable est préférable à l’absence de texte ! C’est une bonne base de départ, les ONG l’ont parfaitement compris. Rappelons que selon les données recueillies auprès d’Amnesty International, chaque minute, une personne est tuée par arme dans le monde, quinze sont blessées, et 80 % des victimes de conflits armés sont des civils.
Ce sera tout à l’honneur de la France que d’être parmi les premiers pays à ratifier le traité sur le commerce des armes. C’est pourquoi votre commission des affaires étrangères, qui a adopté le projet de loi à l’unanimité, vous recommande d’autoriser la ratification de ce traité. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la paix et la sécurité collective sont les premiers biens publics que l’humanité doit préserver et la lutte contre toutes les formes de prolifération doit nécessairement animer la politique internationale des États. Plus qu’un axe de travail, c’est notre devoir et notre responsabilité d’élus de la nation qui est en jeu.
La prolifération est trop souvent lue sous son seul angle nucléaire, biologique ou chimique, et on le comprend. Cependant, nous faisons face ici à un paradoxe majeur de notre droit international. La communauté internationale s’est dotée à raison d’un arsenal juridique et politique sophistiqué pour prévenir la prolifération des armes de destruction massive. Elle s’est également indignée, à juste titre, dès les premières conventions de Genève, de l’emploi d’armes violant ouvertement le droit de la guerre, comme on disait à l’époque, à l’image des gaz asphyxiants ou toxiques.
Pour autant, ce sont les armes les plus basiques et les plus répandues qui font peser les plus graves menaces, les plus grands troubles sur la paix et la sécurité internationale. Vous avez cité les chiffres, qui sont impressionnants : plus de 800 millions d’armes dans le monde, responsables de plus de 500 000 morts par an. Autrement dit, plus de 90 % des victimes d’un conflit international sont le fait d’armes dites « conventionnelles ». Préserver la paix et la sécurité internationale, ou en tout cas s’en rapprocher, c’est avant toute chose parvenir à la maîtrise des armes classiques et conventionnelles.
Un rapide tour d’horizon des plus récentes crises internationales, où l’usage des armes légères contribue chaque jour à l’escalade de la violence, suffit à s’en convaincre. Peut-être sont-elles là les véritables armes de destruction massive, celles qui troublent le plus les consciences au regard de leur macabre efficacité.
Le débat international, les prises de position, les avancées sur les mines procèdent d’ailleurs de la même logique, et des mêmes progrès lents et difficiles. Je cite l’exemple des mines parce que l’on constate tout de même peu à peu, y compris par rapport à des conflits récents, des progrès concrets.
Cette prolifération représente non seulement un danger pour la sécurité internationale, mais aussi un risque pour la sécurité des États. En effet, un commerce des armes sans réglementation contraignante, c’est un commerce qui permet à n’importe qui de se doter par des voies plus ou moins légales de fusils d’assaut, par exemple.
C’est la porte ouverte à toutes les formes de prolifération, à tous les trafics, à toutes les mafias et donc à toutes les entreprises transnationales de déstabilisation – de la criminalité organisée au terrorisme, en passant par les actes isolés de folie meurtrière. Je pense aux drames d’Utøya en Norvège, en 2011, ou encore d’Aurora, en 2012, qui ont aussi été rendus possibles par la facilité de se procurer des armes basiques mais néanmoins capables de tuer, en l’occurrence massivement.
Au plan régional, les exemples se bousculent. On sait déjà comment la chute de l’URSS a conduit à armer les mafias et les groupes terroristes pendant les années quatre-vingt-dix. On sait également comment la dissémination des stocks d’armes libyens en 2011 a contribué à la déstabilisation de l’ensemble des pays de l’Afrique du Nord et du Sahel, en armant les trafiquants et les groupes fondamentalistes islamistes des pays frontaliers – les deux sont d’ailleurs très imbriqués.
Dès lors, il est essentiel d’agir non seulement sur la régulation des flux de transferts internationaux de ces matériels afin de garantir le monopole et la garantie des États, mais aussi, bien sûr, à l’intérieur des États, pour sécuriser les stocks laissés à l’abandon.
Il était donc temps que le paradoxe juridique des armes conventionnelles soit résolu par le droit international et que la communauté internationale se dote de l’appareillage technique pour y faire face.
La ratification du traité sur le commerce des armes est venue répondre à ce défi pour la paix.
Premier traité négocié sur la question dans l’enceinte des Nations unies depuis 1996, ce dispositif viendra épauler notre législation nationale et européenne déjà particulièrement contraignante – sans doute plus que dans d’autres continents, y compris les pays très développés outre-Atlantique.
En effet, la France, en tant que cinquième exportateur mondial de matériels de défense, s’est toujours fait un devoir de lutter contre les risques de prolifération de ses armes conventionnelles, de ses munitions ou de tout instrument pouvant être employé à cette fin. Cette préoccupation nationale a été renforcée dès 2011 au plan européen par la transposition des directives TIC et MDCS, qui ont permis de fluidifier le marché européen de la défense tout en garantissant à l’ensemble des États des contrôles réguliers et approfondis des transferts concernés.
D’une certaine manière, le traité que nous nous apprêtons à ratifier s’inscrit dans cette perspective et empreinte à d’autres traités ou directives récentes des outils juridiques modernes à la hauteur de l’enjeu.
Le présent traité s’inscrit également dans une démarche volontariste en faveur de la sécurité collective, en conditionnant la décision par les États vendeurs de transférer des armes classiques au respect des droits de l’homme par les États acheteurs. Un tel garde-fou, déjà pratiqué de fait par les États de l’Union européenne, devrait faciliter la stabilisation de la sécurité internationale en endiguant peu à peu la prolifération des armes classiques.
Ce traité est-il suffisant ? Je pose la même question que le rapporteur ; j’évoque les mêmes interrogations que le ministre. Bien sûr, nous pouvons en douter. Nous sommes réalistes et nous voyons bien ce qui se passe sous nos yeux. Les circuits commerciaux entre les États proliférants et les États acquéreurs resteront puissants. Le présent texte doit donc être adopté pour ce qu’il est : un point d’étape, une avancée substantielle, mais pas une destination finale, d’autant que la ratification de ce traité par l’ensemble des États de la planète reste un défi en soi.
C’est donc dans cet état d’esprit, monsieur le ministre, mes chers collègues, que les sénateurs du groupe UDI-UC, suivant la position de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, affirmeront, en votant en faveur du présent projet de loi, leur engagement pour la paix et la sécurité internationale. (Mme Françoise Férat, M. le rapporteur ainsi que MM. Jacques Gautier et Robert Tropeano applaudissent.)
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la ratification de ce traité a une portée symbolique d’une grande importance ; elle est aussi, cela a été dit, d’une brûlante et tragique actualité.
En effet, alors que l’Europe était déjà, à l’époque, en quête d’une position commune sur la livraison d’armes à l’opposition syrienne, les 193 pays membres de l’ONU entamaient, au mois de mars de cette année, un ultime round de négociations en faveur de l’adoption du premier traité international sur le commerce des armes conventionnelles.
Ce traité a enfin été adopté le 2 avril par l’Assemblée générale des Nations unies, malgré l’opposition de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Syrie. Cet acte est une étape décisive d’un long processus et vient clore sept longues années d’atermoiements et de délicates tractations entre États.
Le rôle joué par notre pays, ainsi que par de nombreuses organisations non gouvernementales représentant la société civile, pour aboutir à ce résultat historique, doit être reconnu et apprécié à sa juste mesure. Je voudrais également souligner, à cette occasion, le rôle déterminant joué par notre diplomatie pour réussir l’élaboration d’un texte aussi complexe et aboutir à sa signature.
Mme Michelle Demessine. En matière de maîtrise des armements, c’est la première fois, depuis l’adoption du traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires en 1996, qu’il s’agissait d’élaborer un instrument juridiquement contraignant établissant des normes strictes afin d’améliorer la réglementation du commerce des armes classiques.
La tâche était vraiment ardue quand on connaît, au-delà des bons sentiments, l’ampleur et la réalité de ce commerce, estimé en 2012 à 78 milliards d’euros, avec tous les enjeux économiques et géostratégiques qui le sous-tendent.
Dans ces conditions, qui ont bien sûr nécessité des compromis par rapport aux grands principes moraux et humanitaires, le texte de ce traité est globalement satisfaisant. Nous nous félicitons, en particulier, du maintien des armes légères de petit calibre dans le champ d’application du traité, du contrôle de l’ensemble de la chaîne des transferts, d’une relative prise en compte des munitions et des références explicites au droit international humanitaire et aux droits de l’homme.
En outre, le traité oblige chaque État à mettre en place un régime relativement strict de contrôle national et de transparence des exportations d’armements. Ce régime établit notamment des interdictions absolues de transfert s’il peut être suspecté que ces armes puissent servir à commettre des génocides, des crimes contre l’humanité ou des crimes de guerre. C’est un minimum, pourrait-on dire ! Il est toutefois appréciable que cela soit inscrit dans le marbre d’un traité international.
Si ces dispositions existent de longue date dans notre pays comme dans d’autres, il importe cependant qu’elles soient étendues à tous les signataires, de sorte qu’il y ait enfin, y compris dans ce domaine, une règle partagée par l’ensemble de la communauté internationale.
Cela étant, comme vous l’avez tous dit, il reste bien du chemin à faire pour améliorer un texte qui comporte quelques lacunes importantes.
Son champ d’application, en particulier, est trop étroit : il ne couvre que sept catégories d’armes conventionnelles, dont les chars, les avions, les artilleries de combat et certaines armes légères.
En revanche, les drones ne sont pas inclus. Aussi, en l’état actuel, le traité risque bien d’être dépassé dans quelques années. En outre, il faut relever que, sous la pression des États-Unis, les munitions sont traitées à part et feront l’objet de contrôles moins complets.
Enfin, compte tenu de l’ouverture de la période de ratification du traité, il faut impérativement veiller à ce que les principaux acteurs du commerce des armes y adhèrent rapidement. Nous devons également rallier les États non signataires qui s’autorisent en toute impunité à développer pour eux-mêmes des armements interdits et à les exporter de manière plus ou moins visible en fournissant de clients peu recommandables au regard du droit international.
Là encore, je compte sur la valeur d’exemple de la politique que mène notre pays dans ce domaine, ainsi que sur l’efficacité de notre diplomatie, pour que les choses avancent rapidement.
Le contexte actuel nous rappelle, s’il en était besoin, toute la complexité et toutes les difficultés que comporte une politique de vente à l’étranger de nos armements. Cela soulève bien entendu des questions d’éthique, mais aussi de défense de nos intérêts nationaux, qu’ils soient géostratégiques ou économiques.
Je comprends la difficulté du Gouvernement à maintenir un équilibre réaliste entre le respect d’un certain nombre de valeurs et de principes et à assurer, dans le même temps, la défense de nos intérêts économiques et géostratégiques. Je crois cependant qu’avec la signature de ce traité un engagement international de cette nature peut contribuer à résoudre ce type de difficulté.
C’est la raison pour laquelle je voudrais, avant de conclure, que nous saisissions l’occasion de cette ratification pour réfléchir aux possibilités dont nous disposons afin de donner plus de lisibilité et de cohérence au comportement de notre pays en matière d’exportation d’armements.
Nous en avons une illustration concrète en ce moment : alors que nous exportons nos armes dans presque tous les pays impliqués dans la crise syrienne, notamment le Qatar et l’Arabie saoudite qui soutiennent les rebelles, dans le même temps, nous entretenons des relations commerciales prometteuses avec la Russie, soutien jusqu’à présent indéfectible de Bachar Al-Assad.
La mise en place d’un système de contrôle plus démocratique et plus transparent peut nous y aider. Ainsi, l’an dernier, lors de la présentation du rapport annuel au Parlement sur la politique d’exportation d’armes de la France, le ministre de la défense s’est engagé à renforcer le dispositif actuel, en concertation avec les parlementaires, les ONG et les industriels concernés.
Que le Gouvernement saisisse donc maintenant l’occasion de la ratification du traité pour prendre des mesures concrètes d’amélioration du contrôle, par le Parlement, de sa politique d’exportation d’armements !
Les différents gouvernements de notre pays ont certes fait des efforts méritoires dans cette direction en publiant, tous les ans depuis treize ans, un rapport sur ce type d’exportations. Malheureusement, ce dernier pèche encore par ses graves lacunes : il est publié trop tardivement pour permettre aux parlementaires et aux ONG concernées de réagir de façon appropriée et il est trop peu précis. Pour ne prendre qu’un exemple, en l’absence de répartition détaillée des livraisons par catégories de matériels, il est impossible d’exercer un véritable contrôle.
D’une façon générale, notre groupe souhaite vivement que soit tenu l’engagement pris par le Président de la République de revaloriser le rôle du Parlement dans le domaine de la défense. Il faudrait notamment que le Gouvernement modifie profondément la conception de ce rapport présenté chaque année et que ce dernier soit discuté en séance publique afin que les parlementaires puissent exercer un réel contrôle et se prononcer en toute connaissance de cause lors de débats sur ces questions.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions dont je souhaitais vous faire part sur ce projet de loi de ratification que le groupe CRC approuve pleinement. (M. le rapporteur ainsi que MM. Jean Desessard, Jacques Gautier et Raymond Couderc applaudissent.)
M. Jean Desessard. Bravo, madame Demessine !
M. le président. La parole est à M. Robert Tropeano.
M. Robert Tropeano. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il ne se passe pas un jour sans que l’actualité nous informe des ravages commis par les armes à feu. Très récemment, l’attentat du Wesgate à Nairobi a été perpétré par des terroristes armés qui n’ont pas hésité à tuer de sang-froid, à bout portant, plusieurs dizaines de personnes, hommes, femmes et enfants.
Régulièrement, les ONG s’emploient à faire le terrible recensement des victimes, en majorité civiles, de violences par armes à feu : elles seraient près de 500 000 chaque année dans le monde, sans compter les nombreux blessés.
Je pense aussi aux enfants-soldats. Certains États ou organisations criminelles n’hésitent pas à foudroyer l’innocence de milliers d’enfants en leur mettant des fusils entre les mains. Ils alimentent la « liste de la honte » tenue par le secrétaire général de l’ONU.
La circulation incontrôlée des armes est un véritable fléau : en effet, entre 40 et 60% du commerce des armes légères est illicite. Il est urgent d’apporter des réponses au problème des transferts d’armes irresponsables.
Certes, l’utopie d’un monde sans armes n’est pas à l’ordre du jour. Personne n’est naïf et nous sommes loin du précepte un peu simpliste de Victor Hugo : « Ôtez l’armée, vous ôtez la guerre ».
Dans le monde, et en particulier dans la zone Asie-Pacifique, les budgets militaires ne cessent de progresser. Disons-le sans détour : la France est très dynamique s’agissant du commerce légal des armes, qui constitue un soutien non négligeable à notre industrie. Cette réalité économique nous conduit à figurer parmi les cinq premiers exportateurs de matériel de défense. Toutefois, ce poids n’est pas un handicap lorsque l’État et les industriels partagent des exigences fortes en termes de contrôle, ce qui est le cas.
Par ailleurs, notre pays a toujours été mobilisé en faveur du maintien de la paix et de la sécurité dans le monde. Nous avons toujours pris une part active aux initiatives visant à la non-prolifération ou au contrôle des armes. À cet égard, l’énergie déployée par le Président de la République sur la question de l’utilisation des armes chimiques en Syrie illustre le souci qui guide l’action diplomatique de la France.
Nos dirigeants ont toujours œuvré avec responsabilité pour faire avancer les grands traités et les conventions internationales. Je pense au traité d’interdiction complète sur les essais nucléaires ou encore à la convention sur l’interdiction des armes à sous-munitions.
Dans cet esprit, nous avons très tôt soutenu le projet de traité sur le commerce des armes, qui s’est enfin concrétisé avant l’été. J’en profite pour saluer le travail accompli en amont par plusieurs ONG. Elles ont mené une campagne de sensibilisation exemplaire, comme bien souvent, d’ailleurs.
Le processus de négociation a été relativement long et il faut reconnaître que le ralliement des États-Unis au traité l’a accéléré. Il a fallu de la persévérance pour vaincre quelques États réticents, en particulier tous ceux qui, sous le coup de sanctions internationales, sont inquiets du progrès.
L’essentiel reste son adoption à une très forte majorité de l’Assemblée générale des Nations unies, le 2 avril dernier. Il s’agit d’une victoire politique, même si de grands pays comme la Russie, l’Inde et la Chine n’y ont pas apporté leur soutien. Depuis son adoption, au moins 107 pays l’ont signé, dont les États-Unis à la fin du mois dernier. L’enjeu réside aujourd’hui dans sa ratification.
Notre pays est parmi les premiers à décider sa mise en œuvre. Monsieur le ministre, nous devons nous féliciter de cette promptitude : elle honore la France. De la même manière, un vote positif, dont je ne doute pas, honorera notre Parlement.
Les orateurs précédents l’ont rappelé, le texte du traité vise deux objectifs : réguler le commerce légitime entre États et prévenir les trafics illicites. Dans les deux cas, la ratification du traité ne devrait bouleverser ni le droit français, ni le droit européen. L’étude d’impact jointe au projet de loi est sur ce point sans équivoque.
En effet, le principe général de prohibition, de fabrication et de commerce des matériels, armes et munitions, fonde la législation française. Comme vous le savez, mes chers collègues, il en résulte un régime très rigoureux d’autorisation et de délivrance des licences, que nous avons d’ailleurs renforcé par l’adoption de la loi du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés.
Le traité s’articule également très bien avec nos engagements européens, notamment ceux qui découlent de la position commune du Conseil de l’Union européenne du 8 décembre 2008. Le traité et la position commune convergent en effet vers un principe fondamental consistant à apprécier l’autorisation d’exporter au regard du risque de violation des droits de l’homme. Il s'agit, bien entendu, du point fondamental du traité sur le commerce des armes posé à l’article 6. C’est pour cette raison essentielle que mon groupe approuve totalement ce nouvel instrument juridique.
Certains regrettent l’absence de mesures de coercition. Bien entendu, ce traité ne réglera pas tout et ne fera pas taire, dès demain, le bruit des armes. Mais, à n’en pas douter, il s’agit d’une étape. Comme le disait François Mitterrand, parlant des pays en guerre, trop nombreux : « La paix n’est pas à préserver. Elle est d’abord à conquérir ». Le droit international participe de cette conquête et, avec lui, la France se situe à son avant-garde.
Mes chers collègues, si nous adoptons le projet de loi visant à la ratification de ce traité, ce dont je ne doute pas, nous serons ainsi parmi les premiers à ouvrir la voie à l’établissement d’une régulation des armes classiques. Selon nous, tout autre vote qu’un soutien à ce traité ne serait pas une position responsable. C’est pourquoi les membres de mon groupe l’approuveront sans réserve. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. le rapporteur et M. Ronan Kerdraon applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, le commerce international des armes peut-il être laissé au jeu des raisons d’État et des intérêts prédateurs ? Voilà une question qui ne saurait faire débat.
Et pourtant, dix-sept ans se sont écoulés depuis l’appel lancé par le président costaricain et prix Nobel de la Paix Oscar Arias. Il a fallu tout l’engagement de nos ONG et de nos diplomates pour aboutir à ce traité qui comble un vide juridique aberrant.
Certains le soulignaient à juste titre, nous disposions de normes strictes en matière de vente de bananes « mais d’aucune règle internationale solide et juridiquement contraignante en ce qui concerne la vente d’armes ».
C’est pourquoi je tiens, au nom du groupe écologiste du Sénat, à rendre hommage à celles et ceux qui, chacun à son niveau, ont participé à cet indéniable progrès…
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Jean Desessard. … pour la paix et l’effectivité du droit international.
Le traité sur le commerce des armes ne contient pas d’avancée normative majeure. Fruit d’un consensus large entre les nations, ce traité ne dispose d’aucune mesure de sanction. Il marque toutefois une avancée historique pour la responsabilisation des États. Les exportations d’armes ne peuvent plus être vues sous le seul aspect comptable et politicien. Ce message est d’ores et déjà porté par les législations française et européenne, et par les jurisprudences des cours et tribunaux internationaux qui vont tous dans le sens d’une responsabilisation accrue des acteurs étatiques.
Le chaos consécutif au dispersement des arsenaux libyens et la crise malienne qui s’est ensuivie auront achevé de nous convaincre des conséquences funestes des ventes d’armes irresponsables.
L’absence de régulation a jusqu’à présent nourri les conflits et ruiné les efforts de développement. Le continent africain en est le triste exemple : selon Oxfam international, « l’Afrique perd 18 milliards de dollars par an en raison de la violence armée, soit à peu près le montant annuel de l’aide au développement pour l’ensemble du continent ».
La généralisation des régimes juridiques nationaux de contrôle des exportations d’armes, y compris pour les armes légères et de petits calibres, apparaît alors comme une démarche de bon sens. C’est, selon les mots de Peter Maurer, président du Comité international de la Croix-Rouge, « une réponse louable compte tenu de la souffrance humaine généralisée qui résulte de la disponibilité non réglementée des armes ».
Cependant, comme cela a été dit – y compris par le rapporteur –, soyons conscients des limites de ce texte.
M. Daniel Reiner, rapporteur. Bien sûr !
M. Jean Desessard. Son champ d’application est restreint. Les dispositions pour renforcer la transparence ou pour lutter contre le détournement ne visent pas les munitions, ni les pièces détachées.
M. Daniel Reiner, rapporteur. Ah si, les munitions sont mentionnées !
M. Jean Desessard. Seules les pièces détachées n’y figurent pas ?
M. Jean Desessard. Merci de faire cette rectification en direct !
Je poursuis s’agissant des limites de ce texte. Seules les activités commerciales sont comprises par la notion de « transfert ». Les dons et les cessions en sont exclus.
Par ailleurs, la notion choisie de « risque prépondérant » laisse place à une très grande subjectivité dans l’appréciation de chaque situation.
Plus gênant, l’absence de dispositions concernant le financement de la conférence des États parties et du secrétariat dédié au traité interroge sur la volonté réelle des États dans ce domaine.
Enfin, cela a été dit, la non-signature de la Chine, de l’Inde, de l’Indonésie, de la Russie et les doutes sur la possibilité de la ratification du traité par le Sénat américain achèvent de tempérer les euphories.
Le chemin à parcourir pour la régulation de ce marché, qui participe à l’instabilité de régions entières, est encore long, et son terme ne peut être envisagé sans l’élaboration parallèle de réelles politiques de développement et de promotion de la résolution politique des conflits, dans le strict respect des normes de droit international.
L’efficacité des futures réglementations nationales sera en outre conditionnée par l’assistance financière et technique envers les États aux moyens réduits, sans quoi les promesses de ce traité resteront lettre morte.
C’est pour la France un impératif moral que de s’impliquer dans cette assistance et de clarifier les contours que celle-ci prendra.
L’administration américaine « estime que la corruption dans le commerce des armes représente près de la moitié de l’ensemble des transactions liées à la corruption dans le monde ». Ce constat ne peut manquer de résonner ici de manière particulière, alors que l’affaire Karachi, qui connaît ses derniers rebondissements, rappelle les conséquences néfastes de l’opacité de ce marché pour notre démocratie.
La recherche d’un consensus international large a pu justifier la minoration de certains points d’exigence. Cependant, elle n’empêche aucunement la France de poursuivre l’amélioration de sa législation. Comme le souligne l’Observatoire des armements, « s’il avait été en vigueur en 2011, [ce traité] n’aurait pas pu prévenir, par exemple, l’exportation du système d’espionnage par Amesys à la Libye de Kadhafi ».
Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste du Sénat, s’il affirme son adhésion à ce traité, rappelle que celui-ci ne saurait marquer qu’une étape et qu’une partie de la solution aux problèmes posés par la circulation des armes. Mais notre groupe, conscient de l’avancée qu’il représente, votera ce texte. (M. le rapporteur ainsi que Mme Michelle Demessine et M. Jacques Gautier applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. Raymond Couderc. (M. Roland du Luart applaudit.)
M. Raymond Couderc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le traité dont nous débattons est très important. Les enjeux sont considérables pour tous ceux qui l’auront ratifié mais aussi, tout simplement, pour la paix.
Au nom du groupe UMP, je me félicite que la France, qui fut un des fers de lance dans la négociation de ce traité, soit aussi un des premiers signataires à le ratifier.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Seule une ratification la plus large possible permettra au traité sur le commerce des armes d’atteindre son objectif.
Bien que l’objectif initial du traité soit clair, son aboutissement ne fut pas sans difficultés.
Tout d’abord, il fallait parvenir à l’adoption d’une norme universelle juridiquement contraignante, régulant – mais n’interdisant pas – le commerce des armes classiques.
Ensuite, ce traité vise à instaurer une plus grande transparence dans les transferts d’armements, ainsi que la mise en place de règles de bonne gouvernance.
Enfin, et surtout, ce traité permet une véritable responsabilisation des États producteurs et exportateurs d’armes conventionnelles, mais aussi de leurs importateurs.
À l’heure où la communauté internationale se bat pour l’interdiction des armes de destruction massive – on pense bien évidemment à la Convention sur l’interdiction des armes chimiques, qui pourrait bientôt être signée par la Syrie –, il n’était plus supportable qu’aucun cadre juridique international n’existe concernant les armes conventionnelles.
Bien sûr, j’entends d’ici ceux qui diront que ce n’est pas assez, ou que cela ne va pas assez loin.
M. Jean Desessard. Je l’ai reconnu !
M. Raymond Couderc. On voit toujours le verre à moitié vide !
M. Jean Desessard. C’est vrai !
M. Raymond Couderc. Toutefois, mes chers collègues, en la matière, nous partons de zéro,…
M. Jean Desessard. C’est vrai !
M. Raymond Couderc. … c’est-à-dire d’un néant juridique.
M. Jean Desessard. Absolument !
M. Raymond Couderc. À l’échelle mondiale, aucune règle universelle ne régissait le commerce des armes.
M. Jean Desessard. Assurément !
M. Raymond Couderc. Jusqu’à ce traité, il n’existait que des embargos, relevant du cas par cas, et répondant à des problèmes particuliers posés par le commerce des armes depuis ou vers certains pays. Par exemple, l’interdiction de l’importation et de l’exportation d’armes fait partie du régime de sanctions contre l’Iran. Mais il s’agit d’engagements politiques, et non juridiques.
Ces engagements sont des preuves de transparence, pris depuis le début des années 1990, qui n’ont abouti qu’à des dispositifs d’incitation à coopérer en faveur de la lutte contre la dissémination des armes légères et de petits calibres.
Or nous savons bien que ce sont les trafics d’armes de petits calibres qui font le plus de morts à travers le monde. Nous en sommes les témoins quotidiens, tant dans des crises régionales qui se transforment en conflits, et qui poussent l’ONU à envoyer des soldats pour éviter de véritables guerres civiles, que dans nos banlieues, où il est très facile de se procurer des armes de guerre.
Mes chers collègues, vous me permettrez de profiter de cette tribune pour revenir sur ce que représente le commerce des armes dans le monde. Je le ferai en évitant de sombrer dans la caricature, trop facile, intellectuellement malhonnête et, au final, loin de la réputation de notre assemblée.
Les producteurs d’armes ne sont pas les auteurs de crimes. Un monde désarmé est un objectif qu’il faut viser, mais l’idéal doit aussi s’ancrer dans la réalité. Grâce à ce traité, les exportateurs et les acheteurs auront une plus grande responsabilité.
Oui, le commerce des armes constitue un volet important de l’économie mondiale. Le chiffre d’affaires des grands groupes d’armement mondiaux s’élève à 307 milliards d’euros, hors la Chine. Pour la seule année 2011, cela équivaut à plus d’un tiers du chiffre d’affaires des neuf plus gros constructeurs automobiles mondiaux.
Ainsi, hors groupes chinois, dont on ignore clairement les chiffres – et c’est là aussi l’un des problèmes majeurs de l’efficacité à terme du traité sur le commerce des armes –, le classement des 100 plus grands vendeurs d’armes est dominé par les groupes américains et européens, qui pèsent respectivement 60 % et 29 % du marché, et en monopolisent les 17 premières places.
La France, et nous ne devons pas en avoir honte, prend part à ce commerce en pleine croissance. En effet, les industries françaises ont enregistré en 2011 une hausse de 27 % de leurs prises de commandes, ce qui représente 6,5 milliards d’euros. Cela situe la France « parmi les cinq premiers exportateurs mondiaux ».
Le commerce des armes est donc une industrie très importante, dans le monde et dans notre pays, au regard tant du volume financier qu’il engendre que du fait de la particularité du produit vendu et de son utilisation.
Toutefois, il faut le rappeler avec force, la France s’est dotée depuis longtemps d’une réglementation et d’un dispositif législatif de contrôle extrêmement rigoureux. Ce dispositif est fondé sur un système d’autorisations par étapes et une concertation interministérielle continue.
De plus, dès 2006, la France s’est fortement investie dans le processus visant à établir un traité international sur le commerce des armes. Donc, oui, la France est l’un des plus gros producteurs mondiaux, mais elle prend toute sa part de responsabilité. En matière de contrôle et d’exportation, elle se pose comme un modèle.
C’est aussi pour ces raisons qu’elle a participé activement aux réunions du comité préparatoire, qu’elle soutient la mise en œuvre rapide de ce traité, et qu’elle a œuvré en faveur d’une définition du champ d’application des matériels et des activités aussi large que possible.
Je veux rappeler que la France, depuis longtemps, s’est engagée en faveur des grands principes, tels que les droits de l’homme, le droit international humanitaire et le développement économique et social, principes regroupés sous l’appellation « règle d’or » par nos négociateurs.
Aussi, c’est tout naturellement, et devant l’importance de ces chiffres et la multiplication des crimes commis contre des civils à travers le monde, que la France, avec plusieurs États – le Royaume-Uni, par exemple – et des ONG, s’est mobilisée depuis 2006 pour favoriser la mise en place d’un traité sur le commerce des armes.
Par ailleurs, depuis 2008, la France et les États européens appliquent la position commune 2008/944/PESC, qui définit les règles régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires. En cela, l’Europe est un excellent élève, le seul au monde à avoir mis en place une procédure juridique efficace.
À un moment où l’euroscepticisme est de mise, où il devient une posture politique, soyons fiers que l’Union européenne se distingue par l’existence de règles contraignantes portant sur tous les armements conventionnels, qui soient communes à tous ses États membres. Ce fut d’ailleurs l’un des axes de la Présidence française en 2008.
Ce traité, fruit d’un long processus de négociation au sein des Nations unies, a été adopté à une très large majorité par l’Assemblée générale des Nations unies, le 2 avril 2013.
Il convient aussi de nous féliciter du large soutien des États sud-américains, mais aussi de celui d’une majorité des États d’Afrique subsaharienne, qui, tout en étant victimes de transferts d’armes déstabilisants, en sont également les acteurs principaux.
À ce titre, il importe de souligner que certaines de ces régions ont adopté un régime de contrôle du désarmement comportant des règles communes. La CEDEAO l’a fait en Afrique de l’Ouest pour les armes légères.
Pour autant, ces règles devront s’appliquer à tous, sous peine d’instaurer une concurrence déloyale entre les pays ayant signé et appliquant le traité, et les autres.
Parmi les contraintes qui s’exerceront sur elle, la France devra obtenir l’adhésion du plus grand nombre au traité, en particulier celle des principaux acteurs du commerce des armes.
Pour faire face aux réalités du monde, en matière de prolifération des armes comme de protection des populations civiles victimes de celles-ci, il est primordial que le traité sur le commerce des armes réponde à plusieurs critères.
Ce traité doit être un traité de régulation et non un traité d’interdiction. Il s’agit là d’une harmonisation par le haut de règles adoptées par tous les États producteurs ou importateurs, ainsi que par les pays « de transit ». La lutte contre les trafics d’armes illicites ne peut être conçue sans une régulation du commerce licite.
Aussi, la Chine, la Russie, ou ses anciens satellites, qui ont gardé sur leurs sols des chaînes de production d’armes, aujourd’hui réactivées – je pense notamment à l’Ukraine et au Kazakhstan, qui deviennent des sous-traitants –, devront eux aussi prendre leur part de responsabilité en ratifiant ce traité. La signature n’est pas suffisante.
Ce traité doit être ratifié par un maximum d’États, sinon par la totalité des États. Cela permettra une réelle régulation, et évitera une distorsion des règles commerciales appliquées et applicables par les différents États, selon qu’ils aient signé ce traité ou non. Seule l’universalité du traité pourra lui permettre d’atteindre ses objectifs premiers, principalement au regard des droits de l’homme. J’espère d’ailleurs que la France, par sa diplomatie et son influence, saura convaincre ses alliés et travaillera à une ratification rapide de ce traité par le plus grand nombre.
C’est pour toutes ces raisons que le groupe UMP votera en faveur de cette ratification. (MM. Jacques Gautier, René Beaumont et Jean Desessard ainsi que M. le président de la commission des affaires étrangères applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Laurent Fabius, ministre. Je vais répondre, ne serait-ce que par courtoisie, aux questions posées par les divers orateurs.
Auparavant, je voudrais remercier tous ceux qui se sont exprimés. Si j’ai bien compris, le vote sera unanime. Cela montre à quel point chaque groupe a compris l’importance de ce texte qui, comme l’a souligné Daniel Reiner, ne fera probablement pas la une de l’actualité, mais qui est beaucoup plus important que certains autres qui pourtant la font.
M. Daniel Reiner, rapporteur. Eh oui !
M. Laurent Fabius, ministre. M. Reiner a posé une question portant sur notre interprétation du « risque prépondérant », auquel se réfère l’article 7 du traité.
Comme le sait M. Reiner, la France est déjà tenue par un engagement très strict, qui est la position de l'Union européenne, sorte de code de conduite qui définit des règles communes régissant le contrôle et l’exportation de technologies et d’équipements militaires.
Le texte européen demande aux États de ne pas autoriser une exportation d’armes s’ils jugent qu’il existe un risque manifeste qu’elles puissent être utilisées à des fins contraires aux droits de l’homme et au droit international humanitaire. Dès lors qu’un risque est « manifeste », pour reprendre la terminologie européenne, il est à notre sens forcément prépondérant. C’est donc autour de ce concept que l’on peut répondre à la question posée par M. Reiner.
M. Reiner s’est également interrogé sur les transferts d’armes à titre gratuit, et M. Desessard a, lui aussi, abordé ce sujet. Je précise que les transferts à titre gratuit ne sont pas formellement cités dans le traité parce que certains pays, notamment la Chine, s’y sont opposés. Cependant la France, à l’instar de la plupart des autres pays de l’Union européenne, considère que les cessions gratuites sont couvertes par le traité.
M. Reiner a aussi soulevé une question liée à l’article 26, qui dispose que le traité est sans préjudice des obligations souscrites par les États parties. Cet article a été inséré à la demande de grands États importateurs, qu’il était crucial d’inclure dans le consensus. Vous noterez que les obligations dont il est question doivent être cohérentes avec le traité. Il n’y a donc pas de contradiction entre l’article 26 et le reste.
M. Bockel, comme d’autres sénateurs, s’est demandé si le traité n’allait pas handicaper nos industriels. Comme vous l’avez tous noté, celui-ci ne vise pas à supprimer le commerce des armes, mais il l’encadre, en soumettant les États exportateurs à des règles communes. C’est vrai également, bien sûr, pour la France.
Mme Demessine a posé une question qui a été relayée par d’autres, en particulier MM. Tropeano, Desessard et Couderc : qui ratifiera le traité ? A-t-il des chances d’être ratifié notamment par les grands pays ?
L’état de nos informations est le suivant : tous les pays de l’Union européenne, qui représentent ensemble environ 30 % des exportations de modèles d’armement, ont signé le traité et se sont engagés à le ratifier rapidement. Nos principaux partenaires dans le domaine de la défense – le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Italie – sont aussi avancés que nous dans le processus de ratification, mais il ne faut pas prendre de retard. Hors d’Europe, – M. Couderc, notamment, a soulevé la question – la situation est plus contrastée. Plus de deux tiers des États de l’ONU – 113 signatures à la date du 3 octobre dernier – ont signé le traité, mais il manque de grands exportateurs, en particulier la Chine et la Russie.
Pour la Chine, il y a des raisons d’être optimiste : le traité lui convient ; Pékin s’est abstenu lors du vote à l’ONU en avril, mais, nous ont dit les Chinois, uniquement pour une raison procédurale. Les Chinois auraient préféré que l’on adopte le texte au consensus. Seulement, comme cela a été souligné, et ce n’est pas sans signification, l’Iran, la Corée du Nord et la Syrie ont voté contre – ce qui incite, d’ailleurs, à voter pour… (Sourires.) Avec la signature des États-Unis, les choses pourraient changer.
Pour la Russie, ce point est peut-être plus difficile. Le président Poutine ne souhaite pas ratifier ce traité, et il n’est pas, semble-t-il, sans influence sur son propre pays. Il aurait voulu que le traité serve mieux les intérêts de la Russie et ceux de ses alliés au Moyen-Orient. Nous allons voir si la situation évolue.
Aux États-Unis, l’administration du président Obama soutient ce traité depuis le début. Ils l’ont signé le 25 septembre dernier. Il faut maintenant convaincre le Congrès. C’est là où la question est difficile, d’autant qu’un lobby des porteurs d’armes a réussi à faire croire que ce traité menaçait le deuxième amendement de la Constitution américaine et le droit de tout citoyen de détenir une arme, alors que cela n’a rien à voir. Ces arguments ne sont pas fondés, mais ils trouvent un écho. Nous espérons néanmoins que le traité sera largement ratifié.
Plusieurs d’entre vous ont posé la question des drones : Sont-ils ou non concernés ? Le traité s’applique à l’ensemble des armes. Les catégories sont celles du registre des Nations unies sur les armes classiques, auxquelles on a ajouté les armes légères et de petits calibres, ainsi que les munitions, pièces et composants.
S’agissant des drones armés, en fait, on peut considérer que ce sont des avions de combat pilotés à distance. Rien n’interdit donc, à nos yeux, qu’ils soient inclus dans la catégorie des avions de combat du registre des Nations unies.
En outre, sur proposition de la France, une clause permettant d’amender le traité a été introduite. Il sera donc possible de faire évoluer le champ des matériels en prenant en compte, notamment, les développements technologiques.
M. Desessard s’est interrogé sur l’absence de sanctions. Il y a une sanction politique, avec l’examen par la Conférence des États parties de la mise en œuvre par les États. Il y a la possibilité – je viens de la citer – d’amender le traité par la suite, qui laisse cette voie ouverte. Il y a l’assistance à la mise en œuvre. Nous travaillons, au sein de l’Union européenne, à un programme d’assistance à la mise en œuvre, qui sera à la fois juridique et opérationnelle. Le sujet, je le précise, sera abordé lors du sommet « paix et sécurité sur le continent africain », que nous réunirons au mois de décembre prochain à Paris, pour aider à la mise en œuvre dans ces pays.
Quand aux pays qui n’ont pas ratifié le traité, la France a lancé une campagne en faveur de cette ratification par tous les États. Le vote de cette loi par la France montrera l’exemple.
J’ai une dernière réponse à faire si on a la gentillesse de ramasser le papier que j’ai laissé tomber. Peut-être n’avez pas encore vu le film Quai d’Orsay, qui est assez amusant, où un de mes prédécesseurs, d’après ce que j’ai compris, est décrit. Chaque fois qu’il entre dans une pièce, les papiers volent ! Désormais, c’est beaucoup plus calme ! (Sourires.)
Mme Demessine a soulevé la question du rapport sur l’exportation des armes. Un rapport est présenté par le ministre de la défense. Un travail est en cours avec les ONG concernées pour faire preuve de la plus grande transparence. C’était un engagement du Président de la République. Le ministère de M. Le Drian comme le Quai d’Orsay sont en train de préparer cela. Nous allons donc améliorer ce produit pour répondre à vos attentes et à celles de l’ensemble de ceux qui s’intéressent au problème.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois avoir répondu à la plupart de vos questions. Je vous remercie de vos interventions et, par avance, du vote qui va intervenir. Le Sénat s’honore en adoptant à l’unanimité un texte d’une grande importance ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP. – MM. Jean Desessard et Robert Tropeano applaudissent également.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l’article unique du texte de la commission.
Article unique
Est autorisée la ratification du traité sur le commerce des armes, signé à New York le 3 juin 2013, et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Je vais mettre aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.
Je vous rappelle que ce vote sur l’article unique a valeur de vote sur l’ensemble du projet de loi.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant la ratification du traité sur le commerce des armes.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président. Je constate que ce projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.
9
Nomination d’un membre d'une délégation
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté une candidature pour la délégation à la prospective.
Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame M. Louis Nègre membre de la délégation à la prospective, en remplacement de M. René Vestri, décédé.
10
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 9 octobre 2013 :
De quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
1. Proposition de loi relative aux missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime (n° 819, 2012–2013) ;
Rapport de Mme Bernadette Bourzai, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 5, 2013–2014) ;
Texte de la commission (n° 6, 2013–2014).
2. Proposition de loi visant à l’indemnisation des personnes victimes de prise d’otages (n° 657, 2012–2013) ;
Rapport de Mme Esther Benbassa, fait au nom de la commission des lois (n° 25, 2013–2014) ;
Texte de la commission (n° 26, 2013–2014)
À dix-huit heures trente et le soir :
3. Proposition de loi organique relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (n° 812, 2012–2013) ;
Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (n° 9, 2013–2014) ;
Texte de la commission (n° 10, 2013–2014).
4. Proposition de résolution visant à créer une station de radio française « Radio France Europe » : R.F.E., destinée à mieux faire connaître, dans tous les domaines, la vie quotidienne de nos partenaires européens, présentée en application de l’article 34–1 de la Constitution (n° 459, 2012–2013).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du Compte rendu intégral
FRANÇOISE WIART